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INST Rapport du Comité

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Opinion dissidente du NPD

Bev Desjarlais, députée de Churchill et
porte-parole du NPD en matière d’industrie

Introduction

Le rapport majoritaire concerne exclusivement la rectification de l’actuelle législation sur la concurrence et il contient des recommandations à ce sujet. Toutefois, le Comité a négligé de reconnaître que cette législation, si importante soit-elle, ne constitue pas à elle seule l’alpha et l’oméga de la politique de concurrence.

Établi selon une optique étroite, le rapport majoritaire ne traite pas des effets que peuvent avoir les autres politiques gouvernementales sur le cadre général de la concurrence au Canada. Les mesures de replâtrage qu’il recommande n’auront guère de conséquences si rien n’est fait pour modifier les grandes politiques publiques qui contrecarrent la concurrence.

Les avantages sociaux des marchés concurrentiels

Soulignons d’abord que le NPD favorise l’établissement d’un marché concurrentiel, lequel en lui-même constitue un bien social essentiel. L’histoire du XXe siècle a démontré sans l’ombre d’un doute que l’économie fondée sur un marché concurrentiel, plus que toute autre formule à tendance contraire, procure aux gens une vie meilleure, plus prospère, plus aisée et plus épanouissante. Le marché concurrentiel maximise la prospérité en favorisant l’esprit d’entreprise et l’efficience, et en offrant aux consommateurs un choix plus vaste.

Le Parti libéral et les autres partis de droite ne cessent de parler des avantages de l’économie de marché. Malheureusement, ces paroles ne sont rien d’autre qu’un écran de fumée derrière lequel se dissimulent des politiques qui faussent les marchés et favorisent les monopoles, au détriment de la concurrence.

La concurrence parfaite

Il devrait être inutile de dire que la concurrence est le fondement de tout marché fonctionnant correctement. Les économistes mesurent la compétitivité des marchés au regard d’un modèle idéal de concurrence parfaite. Une concurrence parfaite supposerait : 1) que les acheteurs et les vendeurs disposent de tous les renseignements dont ils ont besoin pour faire des choix éclairés; 2) que le nombre d’acheteurs et de vendeurs soit suffisant pour empêcher qu’un seul acteur influence le marché; 3) que les produits soient homogènes; 4) qu’il n’existe pas d’obstacles à l’accès aux marchés; et 5) que les facteurs de production soient parfaitement mobiles.

Éliminer la distorsion

Dans la vie réelle, aucun marché ne réunit les conditions idéales d’une concurrence parfaite. Tout facteur qui joue à l’encontre de l’une des cinq hypothèses ci-dessus entraîne une distorsion. Moins il y a de distorsions dans un marché, plus ses retombées profitent à la société. Inversement, lorsque les marchés sont faussés, les avantages de la concurrence s’en trouvent réduits ou annulés. Par conséquent, l’objet de la politique de concurrence de notre gouvernement devrait être d’éliminer ou d’atténuer les distorsions.

La réglementation comme outil de lutte contre la distorsion, ou comment la droite fausse la concurrence

La droite politique a créé au sujet des marchés une fausse mythologie, qui consiste à dire que toute réglementation gouvernementale est par définition synonyme de distorsion. Il s’ensuit que le fait de retrancher un règlement équivaut à supprimer une distorsion et à rapprocher la situation du marché de la concurrence parfaite. Le gouvernement libéral utilise cette idéologie pour justifier toutes les déréglementations possibles.

Le problème de ce raisonnement est que la réglementation n’équivaut pas, par définition, à une distorsion du marché. Cela arrive parfois, mais la plupart des règlements ont pour effet réel de promouvoir la concurrence en réduisant les distorsions et donc en rendant les marchés plus concurrentiels. La raison en est que, dans le monde réel, les distorsions sont inhérentes aux marchés. Une bonne réglementation peut les éliminer ou les atténuer et rendre les marchés plus concurrentiels.

La vie réelle face à l’idéologie, ou les échecs répétés de la déréglementation

Faute d’une réglementation suffisante pour éliminer ou atténuer les distorsions, de nombreux marchés deviennent inévitablement, dans une mesure plus ou moins grande, anticoncurrentiels et inefficients, tout en offrant moins de choix au consommateur. Les types de marché qui sont susceptibles d’être ainsi affectés sont ceux qui, structurellement, sont les plus éloignés de l’idéal de la concurrence parfaite. Plus le marché comporte de distorsions dans son état non réglementé, plus il est anticoncurrentiel en l’absence de réglementation corrective.

D’après notre expérience de la déréglementation en Amérique du Nord, les marchés dans lesquels il existe de lourds obstacles à l’accès et un nombre limité de vendeurs sont ceux qui connaissent le plus grand nombre d’échecs au moment d’une déréglementation. Citons comme exemple le transport aérien, l’électricité et les soins de santé.

L’industrie canadienne du transport aérien est un exemple frappant de secteur où la déréglementation par le gouvernement a accentué les distorsions et entraîné le monopole d’une seule ligne aérienne. Pourquoi? Parce que, structurellement, cette industrie est très éloignée de l’idéal de concurrence parfaite qui, faute de règlements correctifs, tend rapidement à l’élimination de la concurrence. Les obstacles à l’accès y sont énormes et le nombre de vendeurs est beaucoup trop faible pour empêcher la manipulation. Pour le consommateur, la déréglementation a abouti à une élimination du choix et à des tarifs plus élevés, c’est-à-dire le contraire de ce que le gouvernement avait promis lorsqu’il a déréglementé l’industrie.

Les secteurs de l’électricité et de la santé ont connu des résultats négatifs comparables. Les gouvernements qui ont déréglementé les marchés de l’électricité, comme ceux de la Californie et de l’Alberta, ont assisté à une manipulation monopolistique des prix et, dans le cas de la Californie, à une manipulation délibérée des approvisionnements énergétiques, qui a entraîné des coupures d’électricité.

Le système de soins de santé américain, censément fondé sur la liberté du marché, est en fait notoirement moins efficient que le système canadien, fortement réglementé. De plus, le système américain comporte une forte intrusion dans les décisions médicales personnelles. Les assureurs privés trouvent souvent à redire sur les traitements choisis et empêchent les patients américains de changer de médecin. Aussi, le système de santé très réglementé du Canada réussit-il mieux à offrir les avantages de la concurrence (plus d’efficience et de choix) que le régime américain, moins réglementé.

Lorsqu’ils sont confrontés aux échecs de leur mythologie dans la vie réelle, le gouvernement fédéral et les autres entités de la droite politique répondent par une tautologie qui sert leurs desseins. Chaque fois que la déréglementation échoue, ils affirment simplement qu’ils n’ont pas assez déréglementé et se servent de cet argument pour justifier une déréglementation encore plus poussée, qui fausse le marché davantage. Ce refus ou cette inaptitude à se rendre compte du moment où la dure réalité contredit la théorie est un comportement idéologique classique.

Comment la réglementation favorise la concurrence

Tous les marchés comportent des distorsions inhérentes qui réduisent ou annulent les avantages de la concurrence. Les économistes reconnaissent que la concurrence parfaite est un idéal impossible à atteindre. La réglementation favorise la concurrence en éliminant ou en réduisant les distorsions des marchés.

Il suffit de se rendre dans un magasin d’alimentation pour constater que la réglementation élimine la distorsion. Le gouvernement impose des règlements d’étiquetage très sévères pour la plupart des produits alimentaires, afin que les consommateurs puissent disposer des renseignements nécessaires sur les facteurs nutritionnels et le prix par unité de chaque article. Or, l’information du consommateur constitue l’une des conditions de la concurrence parfaite. Ces règlements éliminent donc une distorsion et aident le marché à mieux fonctionner. Le monde est plein d’exemples analogues de règlements qui accélèrent les échanges, comme les ceux sur les poids et mesures ou encore les normes et les règles d’étiquetage applicables à d’autres produits, par exemple les textiles et les biens de consommation durables.

Les règlements peuvent également atténuer les distorsions en réduisant leurs effets nocifs sur la concurrence. Revenons à l’exemple de l’industrie aérienne. Aucun règlement ne pourra supprimer les obstacles à l’accès que sont les coûts prohibitifs de démarrage et les limites imposées par les infrastructures d’appui, comme les aéroports et les ressources consacrées au contrôle de la circulation aérienne. Toutefois, des règlements plus efficaces, qui empêcheraient la société en position de monopole, en l’occurrence Air Canada, d’utiliser sa position dominante pour éliminer systématiquement toute concurrence, pourraient au moins atténuer ces distorsions inhérentes.

Le Nouveau Parti démocratique : Une nouvelle vision de la concurrence

Les néo-démocrates du Canada proposent une nouvelle approche de la politique de concurrence, qui commence par l’affirmation que le gouvernement a un rôle positif à jouer dans la promotion de la concurrence, en éliminant et en atténuant les distorsions du marché. Cela signifierait que l’on abandonne la mythologie dominante, selon laquelle une réglementation de l’État entraîne automatiquement des distorsions.

S’il est vrai que le NPD ne s’oppose pas aux changements mineurs préconisés dans le rapport majoritaire, il considère néanmoins ces mesures comme insuffisantes, à cause de l’étroitesse du point de vue dont elle découlent. Le document n’aborde pas, par exemple, le rôle que les droits des consommateurs jouent dans la politique de concurrence. Tout marché concurrentiel sain suppose nécessairement des consommateurs bien informés. C’est une autre condition de la concurrence parfaite. Pourtant, le gouvernement libéral continue de faire fi des demandes croissantes du public pour que davantage de renseignements figurent sur les étiquettes des produits de consommation.

Les néo-démocrates sont depuis longtemps aux premières lignes des campagnes qui réclament l’étiquetage obligatoire des aliments génétiquement modifiés et la modification de la Loi sur l’étiquetage des textiles de manière à ce que les consommateurs canadiens sachent si les vêtements qu’ils achètent ont été produits par des enfants travailleurs dans le tiers monde. En refusant de mettre ces données à la disposition des consommateurs, le gouvernement libéral soutient délibérément les distorsions créées par le manque d’information. Ce faisant, il contredit son affirmation de soutien en faveur du marché concurrentiel et laisse voir ses intentions réelles, à savoir protéger les sociétés qui occupent actuellement une position dominante sur le marché, au détriment des nouveaux entrepreneurs et des concurrents qui offriraient au public un meilleur choix.

L’étiquetage n’est qu’un exemple de la façon dont l’antipathie du gouvernement libéral pour la réglementation, une antipathie issue de son idéologie, réduit la concurrence et le choix. On pourrait aussi citer son empressement à déréglementer des industries, comme celle des transports aériens, qui comportent des distorsions structurelles majeures et qui exigent une réglementation pour empêcher les monopoles naturels de s’installer. Le résultat de cette tendance à « tout déréglementer » est une concurrence moindre et donc de l’inefficience, un choix moindre et des prix plus élevés pour les consommateurs. Les seules à y gagner sont les sociétés qui dominent déjà le marché et qui peuvent librement profiter de leur emprise. Les perdants sont les consommateurs, les entreprises plus petites et plus récentes, les entrepreneurs et la société en général, qui y perdent les avantages d’une économie dynamique et novatrice auxquels ils devraient pouvoir s’attendre.

Lorsque le NPD remet en cause le refus idéologique du gouvernement libéral de promouvoir la concurrence dans l’économie, celui-ci lui répond généralement par des accusations non fondées, selon lesquelles le NPD serait l’ennemi du commerce et de l’entreprise. Rien n’est plus loin de la vérité. Nous ne réclamons pas une intervention massive du gouvernement dans l’économie, mais bien une méthode équilibrée axée sur la promotion de marchés concurrentiels sains. De fait, les véritables ennemis de l’entreprise sont les politiques anticoncurrentielles du gouvernement qui favorisent et protègent les monopoles inefficients, trompent les consommateurs et chassent l’innovation de l’économie en bloquant la concurrence émanant des entreprises plus récentes, plus petites et plus dynamiques.