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INST Rapport du Comité

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CHAPITRE 2 : L'APPLICATION DE LA LOI SUR LA CONCURRENCE

Le point sur la concurrence

Au début du présent rapport et dans le Rapport intérimaire, le Comité a établi que, dans l’environnement économique du Canada, la non-conformité à la loi est davantage l’exception que la règle. Nous avons souligné l’apport de la Loi sur la concurrence, du Bureau de la concurrence et du Tribunal de la concurrence à cet égard. Nous aurions pu également ajouter à cette énumération les nombreux juristes et économistes spécialistes de la concurrence, qui ont tenu les institutions gouvernementales au courant des dernières tendances commerciales et des techniques d’analyse de pointe servant à jauger le comportement économique.

Pour porter un tel jugement, nous nous appuyons sur les témoignages d’économistes qui nous indiquent essentiellement que la Loi sur la concurrence découle d’une analyse économique moderne, sur les économistes du Bureau de la concurrence qui possèdent les qualifications et les compétences proportionnelles au défi à relever ainsi que sur les spécialistes du Tribunal de la concurrence dans ce domaine complexe. Les juristes spécialistes de la concurrence nous apprennent que, somme toute, la Loi sur la concurrence, le Bureau et le Tribunal nous procurent presque le degré optimal d’application régulière de la Loi et de justice économique auquel on pourrait s’attendre. En amalgamant cet apport à la politique sur la concurrence et à l’application de la Loi, et en tenant compte du fait que le Canada est un marché relativement ouvert, nous sommes confiants que la concurrence règne au Canada.

Parallèlement, le Comité manquerait à ses obligations envers la population s’il devait conclure que le régime de la concurrence fonctionne à merveille. L’étude effectuée par le Comité de la politique sur la concurrence au cours des trois dernières années a montré en fait que le régime comportait des lacunes et était perfectible. Avant d’aborder ces problèmes systémiques, et de suggérer des améliorations, il est utile cependant d’examiner les données statistiques sur l’application de la Loi pour déceler les secteurs où nos efforts seraient les plus pertinents.

Notre dossier en matière d’application de la Loi

Pour évaluer le dossier du Bureau de la concurrence en matière d’application de la Loi, il faut comprendre ce qu’on attend de lui et, en particulier, l’orientation commerciale qu’il peut suivre sur le plan pratique. Nous demandons au Bureau de réaliser les quatre objectifs énumérés dans la partie de la Loi sur la concurrence portant sur son objet et de respecter l’esprit de ladite loi. Aux termes de l’article 1.1 de la Loi sur la concurrence, il faut préserver et favoriser la concurrence au Canada dans le but :

de stimuler l’adaptabilité et l’efficience de l’économie canadienne;
d’améliorer les chances de participation canadienne aux marchés mondiaux tout en tenant simultanément compte du rôle de la concurrence étrangère au Canada;
d’assurer à la petite et à la moyenne entreprise une chance honnête de participer à l’économie canadienne;
d’assurer aux consommateurs des prix compétitifs et un choix dans les produits.

Ces objectifs sont essentiellement de nature qualitative et ne peuvent pas faire l’objet d’une évaluation objective; seul un examen subjectif est possible. C’est pourquoi nous demandons au commissaire de signaler dans un rapport annuel les activités entreprises par son organisme pour faire appliquer la Loi et défendre les intérêts canadiens, plutôt que de nous indiquer dans quelle mesure il a réalisé les objectifs de la Loi. Il revient ensuite aux gens de se former une opinion sur l’efficacité du Bureau à faire appliquer la Loi et à atteindre l’objet de cette dernière.

Le Comité est d’avis que, pour évaluer cette efficacité, il faut obligatoirement se pencher sur les coûts des poursuites engagées par le Bureau. À plusieurs occasions, des témoins ont signalé au Comité que les frais d’application de la Loi coûtaient en moyenne un million de dollars approximativement par procès7. Ce coût varie probablement en fonction de la nature de l’affaire, qu’il s’agisse d’une pratique susceptible d’examen par un tribunal civil ou pénal, d’une fusion ou d’un abus de position dominante, d’une pratique de fixation de prix anticoncurrentielle ou d’un complot, etc. Le plus important cependant, c’est que ce coût élevé de l’application de la Loi vient creuser un écart immense entre l’objectif de conformité et le comportement économique que nous observons sur les marchés. La stratégie du Bureau en matière d’application de la Loi doit donc tenir compte de ce coût, parmi d’autres facteurs.

 

Je pense que, actuellement au Canada, nous devrions être fiers du fait que nous possédons une économie productive et efficace, particulièrement lorsque nous envisageons notre position […] dans le monde et l’économie où nous nous trouvons aujourd’hui. Selon moi, notre loi nous a bien aidés dans nos démarches pour y parvenir. [Robert Russell, Borden, Ladner & Gervais, 65:10:30]














Il se peut que nous n’ayons tout simplement pas dans certains domaines un très grand nombre d’affaires valables. [Neil Campbell, McMillan Binch, 59:12:15]





Selon mon expérience, un ou deux procès menés par le Bureau, surtout s’il s’agit de grosses affaires, pourraient pratiquement absorber tout le budget du contentieux […] cela signifie que le bureau doit se montrer extrêmement sélectif lorsqu’il décide des poursuites à intenter, particulièrement s’il s’agit d’affaires risquant de devenir rapidement très complexes. [Douglas West, Université de l’Alberta, 59:10:10]













J’aimerais […] parler de la nécessité générale d’assurer que les ressources et le cadre institutionnel du Bureau de la concurrence soient aussi forts qu’ils doivent l’être pour que le Bureau puisse exécuter efficacement son mandat dans les divers domaines que vous examinez. [Calvin Goldman, Davies, Ward & Beck, 59:09:20]


7 Ces commentaires ont été confirmés dans la récente étude commandée par le Bureau de la concurrence et intitulée Étude du coût historique des poursuites intentées devant le Tribunal de la concurrence (articles 75 et 77)
 

Nous devons préciser ce que nous demandons du Bureau. Le Comité ne demande pas au commissaire et à son personnel de donner suite à chaque affaire en obtenant un avantage économique net positif. Et le commissaire ne devrait pas s’engager strictement à maximiser les profits dans l’application de la Loi. Il devrait plutôt donner suite aux plaintes valables qui entraînent des répercussions économiques importantes, ce qui devrait prévenir les pratiques anticoncurrentielles flagrantes étant donné les ressources que le gouvernement est en mesure d’affecter à cette fin.

Il existe de bons motifs d’adopter la dernière de ces trois solutions. Selon la première solution, le commissaire serait tenu d’engager des poursuites toutes les fois qu’une affaire entraînerait une amende supérieure aux coûts d’application. Il faudrait peut-être alors disposer de ressources illimitées, ce que les contribuables ne favoriseraient pas étant donné l’avantage restreint que chacun en retirerait. La deuxième solution, qui comporterait des amendes établies en fonction non pas de leur valeur dissuasive, mais de leur potentiel de bénéfices, sacrifierait l’intérêt général qu’il incombe au gouvernement et au Parlement de promouvoir. Le Canada ne veut absolument pas d’une telle société de droit litigieux. Le Comité n’est pas prêt à sacrifier la justice économique pas plus qu’il n’est disposé à composer avec « l’effet paralysant » sur les activités économiques, ce qu’implique une telle approche rigide.

Dans le domaine du droit et de l’économie, optimiser les avantages de la concurrence nécessite une solution équilibrée en matière d’application de la Loi, le terme «équilibrée» désignant la mesure pertinente de la conformité à la Loi. Une telle solution repose sur le fait que ni la menace de poursuites ni les mesures de sensibilisation et de conformité volontaire ne constituent la stratégie la plus efficace à ce chapitre. Le Comité est convaincu que le Bureau de la concurrence est doté de toute la gamme des outils dont il a besoin pour garantir la conformité à la Loi : de la sensibilisation par les publications, les communications et la défense des intérêts, au respect volontaire par la vérification, les avis consultatifs et les certificats de décision préalable, en passant par les mesures concertées découlant d’ententes négociées, d’ordonnances par consentement et de poursuites. Cependant, une telle approche équilibrée sera très subjective. Les profanes trouveront qu’il est difficile d’établir une distinction entre un bon jugement et un mauvais jugement, précisément parce que, en matière d’orientation des marchés, le droit et l’économie ne sont pas des sciences exactes. En outre, même si elles l’étaient, la collecte d’éléments de preuve pour étayer une position sur une activité douteuse comporte de nombreux autres pièges. Pour toutes ces raisons, le Comité ne tirera que les conclusions les plus prudentes ou les plus évidentes de son dossier en matière d’application de la Loi.

Le tableau 2.1 donne un aperçu du dossier du Bureau en matière d’application au cours des dernières années, et ce en fonction de certaines dispositions de la Loi. Le Comité est conscient que de nombreuses conclusions peuvent être tirées des données, y compris des conclusions diamétralement opposées. Par exemple, en se basant sur le nombre de plaintes, on pourrait croire qu’il faut être plus vigilant à l’égard des violations aux dispositions sur le maintien des prix que de toutes les autres pratiques anticoncurrentielles (refus de vendre, vente liée, exclusivité et limitation du marché). En revanche, on pourrait tout aussi raisonnablement penser que, compte tenu du nombre d’enquêtes par rapport au nombre de plaintes, le Bureau est relativement laxiste, voire trop laxiste face aux plaintes de prix d’éviction, de refus de vendre, de vente liée, d’exclusivité et de limitation du marché. Ces deux positions sont possibles étant donné qu’il manque à chacune des faits pertinents et essentiels.

Tableau 2.1
Dossier du Bureau de la concurrence sur
l’application de la Loi sur la concurrence
en fonction de certaines dispositions de celle-ci


          Nota : Les données sur les dispositions traitant de la fixation
          des prix (alinéas 50(1)a) et 50(1)c) ainsi que l’article 61)
          portent sur une période quinquennale comprise entre le
          1er avril 1994 et le 31 mars 1999. Les données sur le refus
          de vendre (article 75) ainsi que sur la vente liée,
          l’exclusivité et la limitation du marché (article 77) portent
          sur une période de quatre ans comprise entre le
          1er avril 1997 et le 31 mars 2001.

Sources : J. Anthony VanDuzer et Gilles Paquet, Pratiques anticoncurrentielles en matière de prix et Loi sur la concurrence : Doctrine, droit et pratique, 1999; Bureau de la concurrence, lettre adressée au Comité à la suite des audiences sur le projet de loi C-23.

 

De toute évidence, le Comité n’est pas en mesure de quantifier les retombées économiques de chaque affaire, ni d’évaluer le bien-fondé de chacune par rapport aux différentes dispositions de la Loi, ni d’évaluer les lacunes juridiques ou économiques exactes de chaque disposition. Nous comprenons cependant que les différentes pratiques de marketing et de fixation des prix entraînent des réactions publiques distinctes et, partant, des degrés divers de reddition des comptes. Cependant, il est absolument impossible d’établir la corrélation exacte entre l’indignation et le nombre de plaintes afin de pouvoir procéder à une évaluation pertinente. Le ratio enquêtes/plaintes par rapport à chaque disposition de la Loi relève-t-il davantage du coût des poursuites, du bien-fondé, des répercussions économiques ou de la clarté de la terminologie employée dans la Loi?

Le rapport VanDuzer a abordé ces mêmes questions en examinant les dispositions sur les pratiques anticoncurrentielles de fixation des prix, et le Comité ne voit pas pourquoi il faudrait contester les principales conclusions du rapport. Les critères utilisés par le Bureau pour choisir les affaires ont été évalués dans le rapport. Il y a quatre critères qui ne sont pas pondérés de la même façon et auxquels des points sont attribués selon chaque plainte en fonction des faits. Ces critères sont les suivants : 1) incidence économique; 2) considérations relatives à l’application de la Loi; 3) solidité du dossier; 4) considérations relatives à la gestion. Le Comité fait ressortir les extraits suivants du rapport VanDuzer :

Selon les statistiques, peu de dossiers ont été traités jusqu’à ce qu’on parvienne à une forme de règlement, sauf au moyen d’autres instruments de règlement dans le cas des plaintes visant le maintien des prix. L’absence relative de procédures officielles d’application soulève plusieurs préoccupations concernant la clarté et, en fin de compte, l’efficacité de la loi. Des procédures d’application obligeraient les cours et les tribunaux à peaufiner progressivement la loi, en clarifiant son application et en soulignant la volonté du Bureau de l’appliquer. Un nombre accru d’affaires portées devant les tribunaux mettrait également au jour les lacunes de la loi, mais en fin de compte se révélerait bénéfique en favorisant la réforme de la loi. On peut espérer qu’une plus grande clarté engendrée par l’adoption dans un plus grand nombre de cas de mesures d’exécution susciterait un plus grand intérêt pour les actions privées en vertu de l’article 36. À ce jour, la possibilité de poursuites civiles pour infraction aux dispositions pénales a été peu exploitée8.


 

Je tiens à féliciter le Comité d’avoir […] dressé la scène — le contexte de marché à l’intérieur duquel ce comportement de marché est en train d’être évalué, les décisions d’application de la Loi sont en train d’être prises et le pouvoir discrétionnaire du commissaire est en train d’être exercé. [George Addy, Osler, Hoskin & Harcourt, 59:12:55]













[L’]application de la Loi bénéficierait du consentement au bureau du commissaire de plus de ressources. Il y a une question qui sous-tend la plus grosse question, notamment quel est le rôle du commissaire, le rôle que les gens cherchent à financer? Ils se posent bien évidemment toujours la question générale […] soit combien nous autres Canadiens voulons investir dans l’application de la loi en matière de concurrence face à toutes les autres priorités en matière de politique publique. [George Addy, Osler, Hoskin & Harcourt, 59:12:40]








S’il y a beaucoup de comportements marginaux, alors, certes, nous voulons remettre les choses en ordre […] Mais les choses peuvent être remises en ordre soit par voie de litige, soit si le commissaire obtient de l’intéressé qu’il change de comportement, sachant que s’il ne le fait pas il risque un procès. Le commissaire est sans cesse en train de régler des affaires en recourant à d’autres solutions, et cela est extrêmement rentable pour nous tous. [Neil Campbell, McMillan Binch, 59:12:15]

















Manifestement, le Bureau, en établissant ses priorités internes, a posé le principe que les cartels sont un problème majeur, que les règles touchant les prix imposés et discriminatoires, par exemple, sont économiquement mal fondées et vont trop loin, et qu’il n’y a donc pas lieu d’en faire des priorités d’action. [Neil Campbell, McMillan Binch, 59:11:25]3

























Je pense qu’il peut avoir gain de cause, et c’est d’ailleurs le cas, avec les affaires de complot dans des cadres tant larges que restreints. Surtout dans l’environnement contemporain, avec l’actuel programme d’immunité, qui lui permet d’approuver les accords qu’il lui était assez difficile d’entériner dans les années 80. Les statistiques de 1992 ne sont en réalité pas pertinentes quant à votre décision d’intervenir ou non dans ce domaine. [Jack Quinn, Blake, Castles & Graydon, 59:12:40]



8 J. Anthony VanDuzer et Gilles Paquet, Pratiques anticoncurrentielles en matière de droit et Loi sur la concurrence : Doctrine, droit et pratique, p. 70.

 

On crée un fossé entre les attentes des personnes qui portent plainte auprès du Bureau et ce que le Bureau est prêt à faire contre des pratiques en matière de prix présumées anticoncurrentielles. La situation est particulièrement grave en cas de discrimination par les prix et de pratique d’éviction, puisqu’en l’absence complète de procédures officielles d’application, le Bureau pourrait être accusé de choisir de ne pas appliquer la Loi. Ceci donne à penser qu’il y a lieu de réexaminer les critères de sélection des dossiers de sorte à réduire les obstacles qui empêchent les tribunaux d’être saisis des plaintes et de réviser les lignes directrices afin de respecter plus rigoureusement la Loi. Ou bien, il y a lieu de réformer les dispositions afin de donner au Bureau une orientation plus claire quant à sa politique d’application. D’une façon ou d’une autre, il en résultera une plus grande concordance entre la lettre de la loi et la politique de mise en application du Bureau9.

Sur le plan des problèmes d’application, votre comité pourrait agir dans trois domaines. Il y a cette question de financement… il y a aussi celle des autres instruments de règlement, comme les recours privés […] l’autre plan d’action serait une réforme radicale de la procédure du Tribunal. [Margaret Sanderson, Charles River Associates, 59:11:20]

9 Ibid., p. 71.

 

      Sur un plan plus général, le Comité souhaiterait conclure que, étant donné les tendances plutôt constantes dans le nombre de plaintes et d’enquêtes totales au cours des périodes de quatre et de cinq ans envisagées dans le tableau 2.1, à une époque où les activités économiques étaient prospères et croissaient constamment, le monde des affaires s’est conformé relativement davantage à la Loi. Cependant, nous ne pouvons pas en arriver à une telle conclusion parce que même le nombre de plaintes est fonction de ce que les gens savent sur ce qui constitue une infraction en vertu de la Loi et de la façon dont ils perçoivent l’attitude du Bureau face à leurs plaintes. Nous ne pouvons pas corriger ces données en conséquence, ces facteurs importants étant inconnus ou n’ayant pas été consignés.

Le nombre record d’amendes perçues par le Trésor fédéral à la suite des récentes mesures intensives prises par le Bureau à l’égard des complots pourrait être interprété comme un signe de vigilance accrue qui ne tardera pas à rapporter lorsque l’économie aura repris son envol, parce que les entreprises seront plus efficaces et qu’on aura adopté des politiques vigoureuses en matière de concurrence. La plupart de ces amendes ont été imposées à la suite de condamnations dans des affaires de complots internationaux. Le Bureau pourrait simplement suivre dans la foulée des autorités des autres pays en matière de concurrence. En outre, les plaidoyers de culpabilité dans les affaires de complots sont susceptibles également de refléter le coût élevé des poursuites et la possibilité que des renseignements privés deviennent publics dans d’autres pays comme aux États-Unis, où les parties peuvent essayer d’obtenir des dommages-intérêts au montant triplé. Ces faits laissent supposer que les plaidoyers de culpabilité sont plus de nature à refléter la rentabilité d’intenter des poursuites au Canada que la culpabilité réelle ou l’effet dissuasif de la Loi.

Étant donné l’analyse qui précède, le Comité axera ses efforts sur les réformes qui réduiront directement les coûts d’application, sans compromettre indûment les droits juridiques, ce qui comblera donc l’écart entre l’objectif de conformité complète à la Loi et le comportement économique que nous observons sur le marché. Comme premier moyen de réduire les coûts d’application, tous préconisent de se pencher sur les méthodes actuelles du Tribunal, lesquelles font l’objet du prochain chapitre. L’élaboration d’une jurisprudence et les lignes directrices du Bureau en matière d’application auraient également un effet direct sur le coût des poursuites et de l’application. Cette question sera abordée immédiatement à la rubrique suivante.

Le Comité examinera également les effets indirects sur les coûts d’application. Il se penchera sur les dispositions les plus discutables de la Loi afin de s’assurer qu’elles refléteront correctement les motifs et les conséquences économiques. C’est pourquoi faire passer des dispositions importantes, de la partie de la Loi traitant des infractions pénales à celle traitant de l’examen, peut restreindre les coûts d’application totaux (voir les chapitres 4 et 5), outre le fait qu’un tel changement aurait un effet paralysant moindre sur les activités économiques. De plus, ces changements auraient très certainement pour effet que le fardeau de l’application incomberait au commissaire plutôt qu’au procureur général du Canada, ce qui pourrait entraîner des répercussions sur le budget et les ressources des deux organismes. Sur le plan des mesures d’application et des pouvoirs officiels, le Comité évaluera le bien-fondé des ordonnances d’interdiction par rapport aux dommages-intérêts et aux amendes comme outils de dissuasion applicables aux pratiques anticoncurrentielles, et plus particulièrement aux prix d’éviction. Enfin, le Comité examinera l’impact du droit privé d’action sur un nombre restreint de pratiques visées par la partie de la Loi traitant des recours civils, selon les termes du projet de loi C-23. Le Comité étudiera également les répercussions sur les ressources. Parallèlement, il évaluera la pertinence des ressources affectées au Bureau aux fins de l’application de la Loi.

La jurisprudence et les lignes directrices en matière d’application

L’application d’une loi, y compris celle sur la concurrence, ne peut pas se faire en vase clos. Il est essentiel de donner des points d’ancrage permettant d’évaluer les pratiques. De plus, il faut des repères précis qui permettent d’établir une distinction entre une activité commerciale acceptable et une activité commerciale inacceptable. Le libellé de la Loi ne traite pas suffisamment de l’aspect économique. Il faut élaborer une jurisprudence et des lignes directrices en matière d’application pour expliquer la philosophie économique parfois abstraite sur laquelle la Loi se base. En fait, lorsque la jurisprudence et les lignes directrices en matière d’application traduisent fidèlement la théorie économique, elles aident le monde des affaires à se conformer volontairement à la Loi et le Bureau à appliquer cette dernière.

Les experts en droit de la concurrence qui ont témoigné devant le Comité étaient presque unanimes à cet égard. Selon eux, la jurisprudence actuelle est insuffisante pour orienter correctement ceux qui interviennent sur les marchés. Les ambiguïtés dans le libellé et l’application de la Loi sont légion. Ces experts divergent cependant d’opinions lorsqu’il s’agit de déterminer la cause principale. Certains l’imputent à la faiblesse de la Loi tandis que d’autres blâment le Bureau de la concurrence qui serait peu enclin à prendre des risques. L’écart entre ces deux positions s’agrandit face à la solution proposée d’accorder davantage d’incitatifs financiers pour élaborer la jurisprudence nécessaire. Certains maintiennent qu’il serait utile de le faire tandis que d’autres croient que c’est une façon coûteuse de préciser la Loi. Ces derniers préconiseraient plutôt de clarifier les lignes directrices du Bureau en matière d’application. Le Comité coupera la poire en deux, étant d’avis qu’il faut davantage de jurisprudence, ce qui pourrait se concrétiser entre autres en accordant un droit privé d’action, comme le prescrit la version modifiée du projet de loi C-23. En plus, le Comité reconnaît qu’il faudrait affiner les lignes directrices en matière d’application.

Les lignes directrices du Bureau en matière d’application visent à combler les lacunes imputables à la jurisprudence insuffisante afin de mieux faire comprendre la Loi à la population. Relativement aux dispositions régissant les pratiques anticoncurrentielles de fixation des prix, les auteurs du rapport VanDuzer signalent ce qui suit :

En établissant ses lignes directrices sur la discrimination par les prix et celles sur les prix d’éviction, le Bureau a essayé de doter son personnel d’un instrument analytique cohérent pour l’application des dispositions pénales ayant trait aux prix d’éviction et à la discrimination par les prix. Malgré les critiques que nous avons faites, cette approche s’est généralement révélée très efficace. Les lignes directrices sont beaucoup plus efficaces que les procès pour clarifier l’interprétation des dispositions de la Loi sur la concurrence. Par ailleurs, elles peuvent s’appliquer de manière générale à des problèmes et dans un cadre analytique, tandis que les décisions des tribunaux sur des affaires données présentent deux inconvénients, celui de ne dévoiler que progressivement les subtilités de la loi et celui de livrer parfois une analyse qui peut être liée aux éléments propres à chaque affaire. Grâce aux lignes directrices les agents de commerce chargés de l’étape critique de l’évaluation préliminaire des dossiers disposent des outils voulus pour prendre des décisions judicieuses et uniformes. En proposant une méthode d’application claire, les lignes directrices peuvent faciliter le recours à d’autres instruments de règlement et, plus généralement, réduiront les coûts reliés à la conformité des entreprises10.

 

 

 

Il coûte encore plus cher d’intenter une procédure pénale, à cause de la norme de preuve pénale. Donc, la dépénalisation, à certains égards, et l’adoption d’une infraction absolue, devrait réduire le coût, car c’est un coût infligé à l’ensemble de la société. [Robert Russell, Borden, Ladner & Gervais, 59:09:10]





Il y a un débat sur l’opportunité de scinder l’article 45 en une infraction absolue et une infraction civile. Si vous faites cela, il en coûtera plus cher au commissaire de poursuivre pour les infractions civiles. Dans le monde pénal actuel, la responsabilité est scindée entre deux ministères, si bien que la poursuite émarge à deux budgets différents. Le Bureau de la concurrence se charge de l’enquête et le ministère de la Justice assure la poursuite. Si l’on va revoir le rôle du Bureau, il faudra également réfléchir aux ressources dont il aura besoin pour s’acquitter de cette responsabilité supplémentaire. [George Addy, Osler, Hoskin & Harcourt, 59:11:15]





[J]’ai l’impression que le droit évolue au fur et à mesure des jugements et s’affine par ce biais. Or ce qui semble se passer au Canada, c’est qu’une décision laisse subsister pas mal d’incertitudes, et ensuite rien ne se passe pendant huit ou dix ans. [Donald McFetridge, Université Carleton, 59:10:50]

Je pense que les interprétations de la loi données par le commissaire devraient être beaucoup plus souvent éprouvées […] par opposition au renforcement des pouvoirs du commissaire [Stanley Wong, Davis & Company, 59:11:30]








Premièrement, nul ne souhaite réellement se retrouver au Tribunal dans le seul but d’établir une jurisprudence pour les autres. C’est le genre de service public que nul ne souhaite réellement rendre. [Donald McFetridge, Université Carleton, 59:10:50]





[S]i nous avions davantage de jurisprudence, nous n’aurions pas besoin d’autant de lignes directrices. On n’aurait pas besoin, par exemple, de spécifier, en rapport avec l’article 78, tous les agissements anticoncurrentiels ou abusifs auxquels une entreprise dominante peut se livrer. Cela aurait pu être exploré devant le Tribunal et on pourrait se fier à la jurisprudence. [Donald McFetridge, Université Carleton, 59:10:50]





10 J. Anthony VanDuzer et Gilles Paquet, op.cit., p. 86.

 

De l’avis du monde des affaires, les lignes directrices ne sont pas une solution rassurante. Elles n’ont aucune force exécutoire devant les tribunaux, le Bureau ou le Tribunal de la concurrence. On a signalé au Comité que le Tribunal ne tient pas compte habituellement des lignes directrices. Récemment, le Bureau de la concurrence a abandonné ses propres lignes directrices sur l’application des dispositions régissant les fusions, dans l’affaire Superieur Propane. Le Comité trouve que cette attitude est déconcertante. Nous pouvons uniquement en conclure que les lignes directrices doivent être modifiées. Les auteurs du rapport VanDuzer ont formulé plusieurs recommandations précises sur les lignes directrices du Bureau en matière d’application, recommandations que nous appuyons généralement. Cependant, le Comité abordera chacune d’entre elles dans les chapitres ultérieurs. Il souscrit également à la recommandation 16 du rapport VanDuzer, laquelle recommandation traite, d’une façon générale, des lignes directrices en matière d’application. Cette recommandation découle du fait qu’on a reconnu la transition générale entre une économie industrielle et une économie du savoir caractérisée par l’innovation et les structures industrielles. Dans cette économie du savoir, la domination du marché, le cas échéant, est susceptible d’être relativement courte. Le Comité recommande donc :

 

2. Que le Bureau de la concurrence revoie ses directives, ses politiques et ses pratiques en matière d’application de la Loi pour s’assurer qu’une importance suffisante soit accordée aux gains d’efficience dynamiques compte tenu des nouveaux défis que pose l’économie du savoir, notamment : 1) une innovation rapide; 2) des coûts marginaux décroissants ou nuls pour chaque unité de production supplémentaire; 3) l’éventuel désir de domination du marché par une entreprise, établissant ainsi une nouvelle norme sectorielle; et 4) la fragilité croissante des positions dominantes.

Lorsque cet examen sera terminé, nous nous attendrons à ce que le commissaire s’en tienne aux lignes directrices en matière d’application. Tout écart important de celles-ci est inacceptable. S’il faut apporter d’autres changements, les lignes directrices devraient être modifiées avant d’être appliquées, et non pas l’inverse.

Outils d’application comportant des délais rigoureux

En de nombreuses occasions lors de ses témoignages devant le Comité, le commissaire a préconisé de modifier la Loi afin qu’il puisse disposer de nouveaux pouvoirs l’autorisant à émettre des ordonnances d’interdiction à son propre compte, sans donner à la partie visée le droit d’être entendue avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance et sans être tenu d’obtenir l’autorisation préalable du Tribunal de la concurrence. Un tel pouvoir a été conféré en vertu de l’article 104.1 de la Loi sur la concurrence régissant les transporteurs aériens nationaux définis dans la Loi sur les transports au Canada, lorsqu’il s’agit de pratiques anticoncurrentielles (prix d’éviction, alinéa 50(1)c), et abus de position dominante, article 79). Le projet de loi C-23 prolongerait la durée de cette ordonnance ( au-delà de 80 jours si toutes les possibilités de renouvellement sont utilisées ) afin de permettre aux deux parties d’échanger des renseignements de bonne foi mais tardivement. Le projet de loi C-23 accorderait ce même pouvoir au Tribunal de la concurrence. En effet, une nouvelle disposition, le paragraphe 103.3(2), viserait tous les secteurs d’activité et tout comportement susceptible d’examen au civil.

Une nouvelle disposition de la Loi, le paragraphe 103.3(2), précise les circonstances où le Tribunal peut rendre une ordonnance provisoire. L’ordonnance sera rendue :

lorsque la concurrence subira vraisemblablement un préjudice auquel le Tribunal ne pourra adéquatement remédier;
lorsqu’un compétiteur sera vraisemblablement éliminé;
lorsqu’une personne subira vraisemblablement une réduction importante de sa part de marché, une perte importante de revenu ou des dommages auxquels le Tribunal ne pourra adéquatement remédier.

Selon les critiques, l’instance ex parte sans préavis à l’autre partie présente un fait accompli et constitue une ordonnance qui est dotée de la même force que si elle émanait d’un tribunal et dont la violation est punissable d’une amende ou de l’emprisonnement. Lorsque l’ordonnance est signifiée, la partie visée peut présenter une demande d’annulation. Lors de l’audition d’une instance, les motions et les demandes faites ex parte constituent l’exception plutôt que la règle. En outre, ce qu’on demande au Tribunal lorsqu’il rend une ordonnance, particulièrement à la suite d’une perte importante d’une part de marché ou d’une perte importante de revenu, constitue un moyen si faible qu’il amène le commissaire à aller au-delà de la protection du processus concurrentiel afin de protéger les différents concurrents. Les économistes appuient considérablement cette position parce qu’ils croient fermement que la concurrence doit, de par sa nature même, déboucher sur des gagnants et des perdants en ce qui concerne les revenus et la part de marché. Par conséquent, la Loi sur la concurrence risque maintenant de nuire à la concurrence. Ces critiques préconisent par contre d’accorder des dommages-intérêts et d’imposer des amendes comme moyens pertinents de prévenir les pratiques anticoncurrentielles.

Pour sa part, le commissaire est d’avis que ces pouvoirs extraordinaires sont nécessaires étant donné l’insuffisance des mesures et/ou des recours dont dispose actuellement le Bureau pour s’opposer à la menace des prix d’éviction et des autres pratiques anticoncurrentielles d’une façon opportune. L’instance ex parte est adoptée parce que donner un avis d’instance imposerait un processus qui obligerait le commissaire à se présenter devant le Tribunal, ce qui nécessiterait beaucoup de temps, afin de faire valoir l’ordonnance provisoire, réduisant considérablement ce qu’on visait pour ce pouvoir, c’est-à-dire un délai rigoureux.

En soupesant ces arguments, le Comité se rend compte que, dans un monde parfait où les prix d’éviction et les autres pratiques anticoncurrentielles pourraient être détectés facilement et où l’application de la Loi ne laisserait place à aucune ambiguïté, de tels comportements anticoncurrentiels ne seraient plus possibles parce qu’une ordonnance d’interdiction y mettrait fin dès qu’ils se manifesteraient. De plus, en accordant des dommages-intérêts et en imposant des amendes, le Tribunal découragerait de telles pratiques anticoncurrentielles. Les deux méthodes d’application, en l’occurrence l’ordonnance d’interdiction provisoire et les dommages-intérêts, entraîneraient les mêmes répercussions dans un tel environnement. Cependant, nous vivons dans un monde imparfait où les méthodes d’application ne sont pas les mêmes et exercent des effets différents. Dans un monde où les erreurs « de type 2 » sont possibles, c’est-à-dire lorsqu’une mesure d’application inopportune est prise, l’ordonnance d’interdiction provisoire entravera la concurrence et fera perdre de l’argent aux consommateurs en les forçant à payer plus cher pendant la période visée par l’ordonnance. D’autre part, dans un monde où la Loi est appliquée avec ambiguïté et comporte des lacunes dans son libellé, les dommages-intérêts et les amendes peuvent empêcher les concurrents d’adopter des stratégies de fixation des prix énergiques mais concurrentielles. De toute évidence, ces répercussions ne sont pas les mêmes.

En évaluant les avantages et les inconvénients de ces outils d’application dotés de « délais rigoureux », le Comité s’est penché sur les données qui montrent clairement que les prix d’éviction sont souvent signalés mais rarement prouvés. Entre 1994 et 1999, le Bureau a été saisi de 382 plaintes de prix d’éviction, mais il a conclu que seulement 7 de ces plaintes devaient faire l’objet d’une enquête. Neuf plaintes avaient été résolues grâce à un autre instrument de règlement, et aucune ne justifiait que des poursuites soient entamées. Même si le nombre élevé de plaintes semble favoriser la méthode d’application regroupant les dommages-intérêts et les amendes, la décision prise par le Bureau d’effectuer une enquête sur seulement sept plaintes, permet en quelque sorte le recours à l’une ou l’autre des méthodes, en supposant que nous soyons prêts à composer avec le pouvoir discrétionnaire de poursuivre pour offrir ce choix plutôt qu’avec une approche systémique. Parallèlement, le Comité n’a décelé aucune répercussion paralysante du régime actuel de concurrence sur le monde des affaires, et à plus forte raison les effets paralysants qui pourraient émaner d’un système dissuasif axé sur les amendes et les dommages-intérêts.

Le manque d’information ne permet pas au Comité de déterminer lequel des deux outils d’application serait préférable, mais il n’en demeure pas moins que, selon d’autres considérations, il n’est pas nécessaire que ce débat soit inséré dans un contexte dichotomique. Adopter les deux méthodes d’application comporte plusieurs avantages : 1) l’ordonnance de cessation aiderait à atténuer les dommages-intérêts dans les affaires flagrantes de prix d’éviction; 2) les dommages-intérêts et les amendes rétabliraient l’équilibre de la structure des incitatifs pour offrir un meilleur effet dissuasif lorsqu’il se présente des possibilités de mettre en œuvre des pratiques anticoncurrentielles (ce qui réduit également les possibilités de recourir au pouvoir discrétionnaire de poursuivre); 3) les dispositions visant les transporteurs aériens deviendraient inutiles et pourraient être abrogées. Ce troisième avantage est particulièrement intéressant aux yeux du Comité puisqu’il permettrait rapidement de faire de nouveau de la Loi sur la concurrence une loi d’application générale. Le Comité est convaincu que, par l’adoption des autres modifications formulées dans le présent rapport, davantage de jurisprudence réduirait les ambiguïtés de la Loi et son effet paralysant sur les pratiques de fixation des prix énergiques mais concurrentielles. Pour toutes ces raisons, le Comité recommande :

3. Que le gouvernement du Canada donne au Tribunal de la concurrence le droit d’imposer des sanctions d’ordre administratif à quiconque viole les articles 75, 76, 77, 79 et 81 de la Loi sur la concurrence. Le Tribunal aurait toute discrétion pour établir ces sanctions.

Grâce à ces modifications, la Loi sur la concurrence redeviendra une loi d’application générale, sans dispositions spéciales s’appliquant à des industries particulières. Pour cette raison, le Comité recommande :

4. Que le gouvernement du Canada abroge toutes les dispositions de la Loi sur la concurrence qui visent précisément l’industrie du transport aérien (paragraphes 79(3.1) à 79(3.3) et articles 79.1 à 104.1).

Indépendance du commissaire et reddition des comptes

L’indépendance du commissaire par rapport au gouvernement est une question particulièrement surprenante et perturbante qui s’est dégagée lors de la première série d’audiences du Comité en 2000. Cette question a continué de se poser, et il est venu s’y greffer celle de la reddition des comptes. Les doutes sur l’indépendance du commissaire se sont manifestés pour la première fois lorsque celui-ci a examiné ses lignes directrices sur les fusions, qui devaient s’appliquer au secteur des banques à la demande du ministre des Finances. Le commissaire a signalé qu’il émettait des réserves quant à l’application générale. Les questions ont commencé à se multiplier quand le commissaire a accepté la position du gouvernement pour la deuxième fois lorsqu’il cherchait des pouvoirs extraordinaires d’interdiction pour mettre fin aux pratiques éventuelles d’Air Canada en matière de prix d’éviction. Encore une fois, on mettait en doute l’application générale de la Loi. Plus récemment, le commissaire a abandonné, dans l’affaire Superieur Propane, ses lignes de conduites sur les fusions, alors qu’il avait confirmé au ministre des Finances que ces lignes directrices étaient pertinentes.

Le Comité ne partage toutefois pas ces vues et il estime important d’établir une distinction entre la perception et la réalité. Sur le plan de l’indépendance, les juristes spécialistes de la concurrence semblent être parvenus à un consensus : le commissaire est en fait indépendant du gouvernement en ce qui concerne le choix, l’administration et la conclusion des affaires. Il ne l’est pas pour ce qui touche à son budget et à ses obligations de rendre des comptes.

Relativement à l’orientation donnée à l’application, personne ne pourrait faire ressortir un exemple d’intervention de la part du gouvernement dans le processus décisionnel du commissaire en matière d’application. Quant à la reddition des comptes du Bureau de la concurrence au gouvernement, le Comité comprend que le commissaire relève du ministre de l’Industrie et du Cabinet. Ainsi, le gouvernement peut être tenu responsable devant la population des mesures prises par le commissaire, l’un des fonctionnaires les plus influents au Canada. Par exemple, des spécialistes de la concurrence ont parfois jugé le dossier du commissaire en matière d’application en fonction de ce qu’ils appellent les erreurs de type 1 et les erreurs de type 2. Une erreur de type 1 désigne l’omission d’une mesure d’application obligatoire (le marché en question étant anticoncurrentiel). Par contre, une erreur de type 2 désigne la mise en œuvre d’une mesure d’application inopportune. Cependant il existe également des erreurs de type 3. Le Comité définira ainsi ce type d’erreur : gaspiller l’argent des contribuables par des mesures d’application inefficaces. Une fois qu’ont été établies les lacunes relatives à la Loi, au Tribunal de la concurrence et à son budget, dont le gouvernement peut être tenu responsable, toutes les autres lacunes en matière d’application peuvent être attribuées au commissaire et à son administration du Bureau de la concurrence. Ces erreurs peuvent être corrigées uniquement par des décisions du pouvoir exécutif. Donc, l’indépendance institutionnelle vis-à-vis du gouvernement n’est pas conseillée.

En ce qui a trait à la reddition des comptes, les spécialistes du droit de la concurrence ont déterminé plusieurs façons dont le commissaire pourrait être tenu responsable de ses mesures en matière d’application. Nous avons déjà souligné qu’il était responsable devant la population par l’intermédiaire du gouvernement. Il doit également rendre des comptes à la population par le biais du Parlement, précisément en comparaissant devant le présent Comité. Au-delà de ses liens bureaucratiques, le commissaire doit présenter les décisions qu’il prend en matière d’application au Tribunal de la concurrence, qui peut les annuler ou les modifier lorsque celles-ci sont susceptibles d’examen au civil, et il doit également soumettre à sa décision ses demandes d’ordonnance d’interdiction.

Si le processus de reddition des comptes recèle une faiblesse, c’est dans les décisions de ne pas prendre de mesures d’application en ce qui concerne les questions susceptibles d’examen au civil. Cependant, le Comité est sûr que l’établissement du droit privé d’action grâce à l’adoption du projet de loi C-23 permettra de traiter partiellement de la reddition des comptes à l’égard des articles 75 et 77. Sur le plan des fusions — c’est-à-dire lors de la divulgation des renseignements privés sur un projet de fusion lorsqu’aucune mesure d’application n’a été prise — , le commissaire doit faire preuve de prudence. Il doit évaluer les droits au respect de la vie privée des participants à la fusion en fonction du droit de savoir du public. Selon les spécialistes du droit de la concurrence qui ont comparu devant le Comité, les problèmes ne sont pas nombreux à cet égard. Ils signalent cependant que les autorités tant américaines qu’européennes en matière de concurrence fournissent davantage de renseignements que ne le fait le Bureau de la concurrence au Canada. Cependant, le Comité doit répéter que, constituant un petit marché, le Canada n’est pas, et ne devrait pas être, plus indulgent que les pays plus importants à l’égard des fusions, y compris en ce qui concerne la divulgation de renseignements. À la limite, les renseignements stratégiques divulgués au public possède une valeur moindre lorsque les marchés sont plus importants et moins concentrés. Finalement, il ne reste plus que l’article 79, la disposition sur l’abus de la position dominante. En l’occurrence, la levée de boucliers est venue de la population, et les parlementaires en ont tenu compte, d’où les nombreuses modifications proposées.

Droit privé d’action

Un droit privé limité d’action existe en cas d’affaire criminelle, mais, il est rarement appliqué. L’article 36 de la Loi sur la concurrence prévoit qu’une personne peut réclamer les dommages (et les dépens) devant tout tribunal compétent lorsqu’elle a subi une perte ou des dommages par suite : 1) soit d’un comportement allant à l’encontre d’une disposition de la partie VI (Infractions relatives à la concurrence); 2) soit du défaut d’une personne d’obtempérer à une ordonnance rendue par le Tribunal ou un autre tribunal en vertu de la Loi. Par conséquent, un droit privé d’action en dommages-intérêts peut naître dans trois cas :

1. Le ministère de la Justice a gain de cause dans une poursuite fondée sur la violation d’une disposition pénale de la Partie XI (complot, trucage des offres, discrimination par les prix, prix d’éviction, publicité trompeuse, télémarketing trompeur, double étiquetage, vente pyramidale au maintien des prix);
2. Le commissaire et une partie ont consenti à une ordonnance et cette ordonnance par consentement a été rendue par un tribunal, mais la partie ne la respecte pas;
3. Une partie lésée a gain de cause dans une poursuite privée.

Selon le droit canadien actuel, seul le commissaire à la concurrence a le droit d’adresser une demande d’examen au civil au Tribunal de la concurrence. Mais la situation est sur le point de changer. Après avoir exécuté un examen exhaustif, le Comité a amendé le projet de loi C-23 pour permettre aux particuliers d’avoir accès au Tribunal pour régler les différends découlant de pratiques commerciales susceptibles d’examen au civil : refus de vente (article 75); ventes liées, exclusivité et limitation du marché et exclusivité (article 77).

Les témoins qui ont comparu devant le Comité semblent généralement accepter les modifications à ce sens. Le principal argument contre l’attribution du droit privé d’accès est le risque d’abus sous la forme de « litige stratégique », c’est-à-dire des actions en justice entamées non pour obtenir réparation du préjudice causé par des agissements anticoncurrentiels, mais pour obtenir un avantage sur un concurrent. Le Comité est cependant convaincu que les garanties prévues dans le projet de loi C-23 permettent de résoudre correctement ces préoccupations.

Lors des audiences du Comité sur la Loi sur la concurrence, il s’est dégagé un consensus sur le principe d’accorder un accès privé au tribunal, mais on s’entendait moins sur le redressement à offrir. De nombreux témoins étaient en faveur du droit de réclamer des dommages-intérêts, alors que d’autres s’y opposaient. Le Comité s’en est donc tenu au consensus dégagé, proposant de n’accorder au plaignant qu’une mesure injonctive. Comme nous l’avons déjà souligné, la principale raison pour refuser les demandes en dommages-intérêts serait de décourager les litiges stratégiques. À plus long terme, nous croyons cependant que les dommages et les amendes pourraient se révéler nécessaires à une application efficace.

Les avantages prévus des recours privés diffèrent légèrement selon la position émise que vous adoptez. Certains prétendent que cela entraînera un grand nombre d’affaires dont le Bureau ne pourra pas s’occuper en raison de son mandat et de son manque de ressources. Les recours privés viendront compléter les recours publics et entraîneront peut-être des économies qui pourront être affectées au budget actuel du Bureau en matière d’application. Par contre, d’autres sont d’avis que cette situation n’entraînera qu’un nombre très restreint d’affaires. Cependant, il s’agira d’affaires importantes qui viendront enrichir notre jurisprudence, préciser davantage la Loi et décourager les pratiques anticoncurrentielles qui pourraient passer inaperçues autrement en raison des lacunes du droit et dans la pratique.

Le Comité est d’avis que, la mesure injonctive constituant le seul incitatif, les particuliers pourraient, dans la plupart des cas, échanger uniquement les frais découlant d’une poursuite pour pratiques anticoncurrentielles; le coût moyen serait inférieur, espère-t-on, à un million de dollars par affaire étant donné les réformes dont les méthodes du Tribunal font l’objet. En fait, si ce scénario se concrétisait au cours des prochaines années, le monde des affaires ne tardera pas à en être au courant, et le Canada perdra l’avantage qu’il possédait. Les droits dotés d’aucune valeur ne sont que du camouflage. Comme l’ont fait remarquer bien des observateurs, ces droits se retrouvent depuis trop longtemps dans les lois canadiennes sur la concurrence.

Ressources du Bureau de la concurrence

Plusieurs témoins ont fait valoir que les problèmes d’application auxquels fait face le Canada par rapport à sa politique sur la concurrence ne sont pas imputables uniquement à une législation inadéquate mais également aux ressources insuffisantes affectées au Bureau aux fins de l’application. En outre, certains témoins ont signalé que le Bureau éprouvait de la difficulté à conserver son personnel, principalement en raison des faibles salaires versés par rapport à ce que le secteur privé peut accorder à des employés expérimentés pour accomplir un travail analogue ou exécuter d’autres tâches. En fait, ils ont précisé plusieurs modèles de restructuration pour résoudre le problème de recrutement et de fidélisation, mais ils n’ont pas réussi à évaluer les lacunes éventuelles de ces modèles. Les auteurs du rapport VanDuzer font ressortir en outre le manque de personnel spécialisé, qui viendrait compléter l’effectif des agents d’application et permettrait l’exécution d’évaluations précises en temps opportun, compétences qu’il faudrait donc chercher à obtenir et à perfectionner. Selon l’avis de ces témoins, la formation en cours d’emploi n’est pas toujours efficace.

Cependant, le Comité est également conscient que, au cours de la dernière décennie, le problème relatif à l’application était partiellement imputable à des facteurs incontrôlables comme la déréglementation et la libéralisation des transports, des télécommunications et du secteur énergétique. L’augmentation des crédits versés au cours de cette période ne correspondait pas aux responsabilités accrues dont devait s’acquitter le Bureau en raison de cette situation nouvelle. La vague imprévue de fusions a été le deuxième facteur incontrôlable. Comme l’ont signalé plusieurs témoins, le tout semble se calmer et le gros de cette tempête semble être derrière nous maintenant. Le Comité estime que le Bureau de la concurrence a besoin de nouvelles ressources pour appliquer la Loi, afin de pouvoir exécuter son mandat efficacement, et il recommande donc :

5. Que le gouvernement du Canada fournisse au Bureau de la concurrence les ressources nécessaires à l’application efficace de la Loi sur la concurrence.

Effet dissuasif des amendes et de l’emprisonnement

L’amende imposée par un tribunal constitue probablement le plus important instrument d’application de la politique canadienne sur la concurrence. Contrairement aux ordonnances d’interdiction du recours à une pratique, l’amende imposée par un tribunal punit à la fois le coupable et dissuade les autres d’envisager de s’engager dans la même pratique anticoncurrentielle. L’emprisonnement, qui a également un effet dissuasif important, a joué un rôle relativement secondaire. Néanmoins, ces instruments d’application ne sont utilisés conjointement que pour les crimes les plus flagrants.

Au Canada, les sociétés ou les particuliers ayant contrevenu à l’article 45 sur les complots sont passibles d’une amende maximale de 10 millions de dollars par infraction, et les particuliers peuvent recevoir une peine d’emprisonnement maximale de cinq ans. Ces amendes comptent parmi les plus sévères qui soient imposées dans le monde. Le montant des amendes pour truquage des offres (article 47) est établi par le Tribunal, qui n’est pas astreint à un maximum. Par contre, l’examen des amendes imposées par le Tribunal montre que celles-ci sont loin du maximum autorisé. Cependant, on a noté une augmentation marquée tout récemment.

En 1990, la Cour d’appel du Manitoba a déterminé que les gains d’un accusé peuvent être pris en considération dans l’établissement du montant d’une amende, et elle n’a pas hésité à porter l’amende initiale de 100 000 $ à 200 000 $ dans une affaire de maintien des prix (alinéa 61a)) et de distribution d’essence. En ce qui concerne le truquage des offres, huit minoteries ont reçu des amendes totalisant 3,4 millions de dollars en 1990. De plus, la plus importante affaire de complot dans l’histoire canadienne, la fixation des prix de vitamines en vrac par un cartel international, a rapporté au gouvernement 91,5 millions de dollars en 1999-2000. Enfin, les données totales indiquent que, depuis 1980, les condamnations à la suite de 32 infractions aux termes de l’article 45 sur les complots ont entraîné des amendes totalisant 158 millions de dollars; les infractions aux termes de l’article 46 sur les directives étrangères et de l’article 47 sur le truquage des offres ont rapporté respectivement 14 millions de dollars et 8,8 millions de dollars. Plus de 80 % de ces amendes ont été perçues au cours des deux dernières années uniquement, à la suite de plaidoyers de culpabilité de la part d’importantes multinationales engagées dans des complots à l’échelle mondiale.

Le Comité est satisfait du dossier du Canada au cours des dernières années en matière d’application. Nous nous préoccupons du fait que certains complots pourraient éventuellement rapporter un montant supérieur aux 10 millions de dollars que prévoit l’amende maximale en cas de condamnation, mais le Bureau prétend que le monde des affaires ne considère pas ces amendes comme des « frais de redevance » ou comme simplement un autre coût à assumer pour transiger.

Je pense que tous les éléments requis sont là. Ce sont les interprétations qui laissent beaucoup à désirer. Je ne pense pas qu’il faille des règles distinctes pour des industries distinctes. Mais je pense qu’il faut une application claire et cohérente des lignes directrices claires. [John Scott, Fédération canadienne des épiciers indépendants, 59:09:45

 

 















Notre expérience montre que les lignes directrices sont routinièrement […] ignorées dans des cas particuliers. Récemment, par exemple, le Bureau de la concurrence a abandonné ses lignes directrices sur les fusions dans l’affaire de Supérieur Propane. On a vu d’autres cas où le Tribunal a ignoré ses lignes directrices. Il est bon de discuter de ces questions et d’esquisser les scénarios et de voir ce que l’on pourrait faire. Mais penser que les lignes directrices et leurs publications vont nécessairement réduire l’incertitude […] Je pense que seule la jurisprudence peut le faire et nous en avons très peu. [Donald McFetridge, Université Carleton, 59:10:05]









Si vous étiez à l’intérieur et voyiez la difficulté et les efforts déployés pour respecter cette loi, vous arriveriez à la conclusion que la réponse est oui, c’est efficace. Le commissaire est très vigilant et Air Canada se débat chaque jour pour essayer de comprendre ce qu’elle peut faire et ne pas faire dans le régime actuel. [Lawson Hunter, Stikeman Elliott, 59:09:45]



Je veux simplement distinguer entre deux façons de combattre les prix d’éviction. L’une est le pouvoir de rendre une ordonnance d’interdiction que possède le commissaire, pouvoir dont il demande le renforcement afin de pouvoir la rendre au préalable, avant même que la firme visée fasse quoi que ce soit. C’est une possibilité, et elle a l’avantage de protéger un concurrent donné et d’empêcher un préjudice immédiat. Mais je pense que ce n'est certainement pas la bonne solution, ni dans le cas du transport ni d’aucune autre industrie. [Donald McFetridge, Université Carleton, 59:10:40]






Je pense que le meilleur moyen de combattre les prix d’éviction est d’attendre et de sanctionner l’infraction. Là où nous avons un problème dans ce pays, c’est que cela n’apporte pas grand-chose, lorsqu’on constate qu’une infraction est commise, d’ouvrir une procédure en droit civil pour abus de position dominante et dire « Voilà, ne recommence pas », puis d’émettre une injonction. Ce genre de remède est simplement insuffisant. Ce qu’il faudrait plutôt faire ici […] est d’utiliser la procédure civile et d’imposer des amendes. Et […] peut-être même envisager des dommages-intérêts. [Donald McFetridge, Université Carleton, 59:10:40]















Il y a les prix d’éviction. Il faut manifestement un remède autre que l’ordonnance d’interdiction. Un remède axé sur des dommages-intérêts et des amendes semble une dissuasion raisonnable. On pourrait transférer cela dans le volet civil et éviter tous les problèmes des poursuites au pénal. [Jeffrey Church, Université de Calgary, 59:10:55]











C’est une erreur, si l’on va jusqu’à dire, mettons, en matière de prix d’éviction, que les pouvoirs d’interdiction, parce qu’ils peuvent intervenir si rapidement, sont forcément souhaitables […] Il est tout à fait possible d’inscrire dans la Loi une disposition d’application contre la pratique des prix d’éviction et qui s’appuie sur la procédure normale du Tribunal, sans qu’il faille recourir à des mesures de redressement par voie d’injonction. À condition de prévoir des amendes et des incitatifs suffisamment onéreux […] [Roger Ware, Université Queen’s, 59:12:15]











Il vous faut créer ce genre de pénalité dans le cadre des dispositions de la loi en matière d'abus de position dominante, et ce pour maintenir l'effet dissuasif de la loi. [Paul Crampton, Davies, Ward, Phillips & Vienberg, 59:12:20









À l’heure actuelle, nous avons un commissaire à la concurrence qui, de par la loi est indépendant et fait rapport au ministre de l’Industrie mais n’accepte aucune instruction de ce dernier, sauf pour l’ouverture d’une enquête. [Stanley Wong, Davis & Company, 59:11:30]















Nous avons aujourd’hui un pouvoir décisionnel aux mains d’une seule personne qui n’a pas réellement de comptes à rendre. Chaque fois qu’il y a une poursuite inaboutie, des pressions s’exercent immédiatement pour modifier la Loi. [Stanley Wong, Davis & Company, 59:11:30]





Ce qui se passe en gros, dans le cas des fusions et des affaires pour lesquelles la vitesse compte, c’est que dans le cas des plaintes de type doléances en matière de prix d’éviction, le commissaire craint que le processus ne soit pas suffisamment rapide. C’est pourquoi il recherche des pouvoirs supplémentaires, transformant son propre bureau en enquêteur et en arbitre. Dès qu’un seul organe joue les deux rôles, alors l’on va s’inquiéter de l’aspect indépendance. Si donc on pouvait régler la question du modèle d’arbitrage, si l’on pouvait amener le Tribunal à jouer un rôle plus efficace et plus actif en tant que vérificateur indépendant, alors cela permettrait un équilibre sur le plan procédure [… ] Il est très important qu’il y a ait cet équilibre entre un processus rapide et la pleine et régulière application de la Loi pour les différentes parties. [Margaret Sanderson, Charles River Associates, 59:11:55]

Il y a à mon avis deux choses importantes en matière de politique d’application de la Loi : tout d’abord, il y a l’indépendance; deuxièmement, il y a l’imputabilité. Le commissaire doit être indépendant, il doit disposer de ressources nécessaires à son travail, mais il doit également rendre des comptes. Cela veut dire qu’il nous faut pouvoir aller devant le Tribunal et mettre à l’épreuve la décision du commissaire. C’est la façon d’exiger qu’il rende des comptes. [Jack Quinn, Blake, Castles & Graydon, 59:11:45]

Le commissaire est indépendant aujourd’hui dans l’exercice de la fonction application de la loi. Il n’est pas indépendant d’un point de vue institutionnel. Le sous-ministre administre son équipe, et le budget en matière de personnel et d’organisation est donc assujetti aux priorités du ministère de l’Industrie […] Il nous faut lui assurer et une indépendance institutionnelle et une indépendance en matière d’application de la loi. [George Addy, Osler, Hoskin & Harcourt, 59:12:00]




Le commissaire est […] l’un des fonctionnaires les plus redevables du gouvernement du Canada, et cela découle en partie du serment qu’il doit prêter en vertu de la loi, et en partie de ce qui a été décrit relativement à votre capacité de l’amener devant les tribunaux dans le cadre d’un examen judiciaire. Cela découle également du fait que six résidents, quels qu’ils soient, peuvent l’obliger à mener une enquête et à intervenir auprès du ministre de l’Industrie pour lui demander de rouvrir une enquête qui a été interrompue. [Neil Campbell, McMillan Binch, 59:11:55]


Un autre aspect très important de cette imputabilité vient du Comité ici réuni, qui met le commissaire sous le feu des projecteurs depuis trois années déjà. Nous avons eu de nombreuses études et le commissaire est venu comparaître, a répondu à nos questions et a justifié ce qu’il fait et ce qu’il ne fait pas sur une base quasi-mensuelle […] Vous jouez un rôle très important et vous devriez continuer de lui demander comment il s’acquitte des responsabilités qui lui reviennent en vertu de la politique et de l’administration générale de la Loi. [Neil Campbell, McMillan Binch, 59:11:55]

Nous avons un problème d’influence dans le contexte d’une fusion ou d’une enquête en matière d’abus de position dominante, où c’est souvent l’avis du commissaire qui l’emporte, surtout dans le cas de parties qui s’inscrivent dans un petit marché et qui ont du mal à composer avec les coûts et le temps qu’il faut consacrer à une action devant un tribunal. C’est pourquoi il est important de simplifier le processus judiciaire. [Neil Campbell, McMillan Binch, 59:11:55]

Une autre façon d’accroître les ressources pour le contrôle d’application et obtenir davantage de jurisprudence serait d’autoriser les poursuites privées et les recours privés au Tribunal. [Donald McFetridge, Université Carleton, 59:10:55]

J’aimerais néanmoins souligner que les coûts pour qu’un plaignant fasse aboutir une affaire sont très importants et que c’est encore plus un problème dans le cas des petites et moyennes entreprises. Il leur faudra donc définitivement pouvoir continuer de faire appel au commissaire comme point de premier contact pour les affaires de concurrence. Je ne pense pas que des actions privées soient une solution au problème de ressources ni même au problème d’imputabilité. [Neil Campbell, McMillan Binch, 59:11:55]

[L]orsque le mandat commençait à être mis en place — et il n’était pas aussi large qu’aujourd’hui — je peux vous assurer que la tâche du responsable du Bureau de la concurrence est tellement lourde — qu’elle mérite un organe de trois personnes. [Calvin Goldman, Davies, Ward & Beck, 59:09:15]

J’estime que le Bureau ne peut tout simplement pas être efficace sans ressources adéquates pour administrer une loi d’application générale dans un environnement de plus en plus déréglementé. Il a besoin de ressources de façon à pouvoir agir en bonne connaissance de cause. Cela ne signifie pas nécessairement intenter davantage de poursuites. [Calvin Goldman, Davies, Ward & Beck, 59:10:50]

Lorsqu’on voit que 150 millions de dollars d’amendes ont été imposés ces dernières années au titre de cet article, il ne faut pas prétendre trop vite que la Loi n’est pas assez rigoureuse. [Lawson Hunter, Stikeman Elliott, 59:09:20]