INST Rapport du Comité
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CHAPITRE 4 : COMPLOTS ET AUTRES ENTENTES HORIZONTALES
La coopération entre concurrents est une arme à double tranchant. Certes, elle peut offrir des possibilités davantages économiques, mais lamoindrissement de la compétitivité quelle peut entraîner a aussi un prix. Les avantages économiques tiennent à la synergie qui résulte du rapprochement de personnes et dorganisations aux compétences et aux ressources diverses. Ce type de coopération peut en particulier : 1) aboutir à des procédés de fabrication nouveaux et moins coûteux; 2) faciliter la réalisation déconomies déchelle et de gamme ; et 3) entraîner une rationalisation de laffectation des ressources ou une amélioration de la qualité des produits. Un exemple typique dans léconomie du savoir contemporaine se produit quand deux entreprises ou plus combinent leurs ressources en recherche, en développement et en commercialisation pour réduire le temps nécessaire et le degré de risque à lélaboration et à la mise en marché de nouveaux produits. Dun point de vue social, cet arrangement présenterait lavantage de minimiser voire déviter les doubles emplois au niveau du travail et des installations. Malheureusement, ces avantages sont parfois associés à une entente de partage du marché ou détablissement concerté des prix nécessaires pour rendre ce type de coopération profitable. Cela peut se solder à des degrés divers par des approvisionnements limités, des prix plus élevés, une gamme de produits moins vaste ou une qualité non optimale. Il faut donc tenir compte dun ensemble complexe de facteurs économiques pour tirer des conclusions définitives sur les répercussions ultimes de ce type de coopération. Il faut savoir que ce type de coopération peut prendre plusieurs formes. Elle peut procéder purement par contrat ou purement par combinaison ou se situer quelque part entre ces deux pôles. Par souci de simplicité, le Comité englobe les divers types de relations commerciales le long de ce continuum organisationnel dans lexpression « alliances stratégiques 15 ». Ce type dintégration peut être comparer avec celle qui découle dune fusion ou de lacquisition dactifs ou de capacités. |
Dans de nombreux cas, une alliance stratégique nest rien dautre quun arrangement contractuel similaire à une fusion. Elle peut être dictée par des considérations fiscales qui la font préférer à un arrangement contractuel. [Tim Kennish, Osler, Hoskin & Harcourt, 59:09:25]
Il est également raisonnable de réfléchir à ces arrangements entre sociétés qui ne sont pas tout à fait des fusions mais ne sont pas un comportement collusoire injustifiable, comme c'est le cas de beaucoup d'alliances stratégiques et de coentreprises. Il y a lexemple dune coentreprise établie pour la mise au point d'un vaccin. Nombre de ces arrangements sont merveilleusement efficients, dune part, mais posent néanmoins des difficultés sur le plan de la concurrence, dautre part. Il faut, dans leur cas, une évaluation plus nuancée, plus libérale, comme celle à laquelle les fusions sont soumises. [Tom Ross, Université de la Colombie-Britannique, 59:09:30] |
15 | Les entreprises préfèrent constituer des alliances stratégiques, généralement sous la forme dentreprises conjointes, ce qui suppose une intégration moins poussée que dans un fusionnement en bonne et due forme. Ces ententes horizontales prévoient en général des arrangements formels en matière dapprovisionnement, laccès à des technologies et à des savoir-faire spécialisés, à des canaux de distribution et à des clientèles (surtout à létranger, là où il existe des barrières au commerce), à des capitaux, à un partage des risques ou encore à une collaboration en matière de recherche et de développement. |
Lorsquelle ne fait que masquer un cartel, la
coopération entre concurrents inquiète non seulement parce quelle redistribue
clandestinement les recettes (des acheteurs aux vendeurs), ce qui équivaut à une fraude,
mais parce quelle réduit lefficience économique, car les ressources sont mal
employées. Ce genre de monopolisation, parce quelle fait obstacle au bien-être
économique, est considéré comme un crime contre la société. Cependant, dans un examen
approfondi des effets sur la concurrence, les deux types de coopération, fusion et
alliance stratégique, recevraient un traitement similaire, car ni lun ni
lautre ne peut être considéré a priori comme favorable à la concurrence ou comme
néfaste pour celle-ci. Théoriquement, une alliance stratégique qui ne constitue pas ce que les spécialistes considèrent comme un véritable cartel peut être traitée pénalement ou civilement dans la Loi sur la concurrence du Canada, même si elle est en fait propice à la concurrence et ne restreint celle-ci que dune façon accessoire. Lapplication de la Loi peut se faire par le truchement dun procès pénal, aux termes de la disposition sur les complots (article 45) ou dun procès civil, aux termes des dispositions sur la domination conjointe (article 79) ou sur les fusionnements (article 92). Lincertitude plane sur la voie à suivre, mais une alliance stratégique ne répondrait à lidéal dégalité des chances par rapport à une fusion que si elle passait avec succès un examen aux termes des articles 92 à 96. Malheureusement, comme beaucoup de témoins lont dit au Comité, une alliance stratégique pourrait par inadvertance faire lobjet des dispositions de larticle 45 alors que le droit pénal nest pas particulièrement approprié pour juger ce type dentente. En effet, le recours à larticle 45 présente les carences suivantes :
La situation a pour effet de « refroidir » lardeur des gens daffaires qui envisageraient une alliance stratégique favorable à la concurrence et le Comité a lintention de remédier au problème. Il entend du même coup étudier les facteurs qui expliquent les problèmes de ciblage des dispositions sur les complots et corriger la situation. Historique du traitement légal des complots Linterdiction des ententes horizontales (entre concurrents sur le marché dun même produit) pour fixer les prix, répartir les marchés ou restreindre laccès dautres concurrents est lun des pivots de la loi canadienne antitrust depuis 1889. Pendant la majeure partie de lexistence de cette loi cependant, linterdiction est demeurée sans effet en raison de la présence du terme « unlawful » et de labsence dun organe permanent denquête et dapplication de la loi. Entre la Loi des enquêtes sur les coalitions de 1923 et ladoption de la Loi sur la concurrence, en 1986, lapplication de linterdiction a varié en fonction de linterprétation juridique qui a été donnée au terme indûment dans la partie de la disposition portant sur les effets sur la concurrence au moment dapprécier les répercussions économiques dune entente. Au cours de cette période, comme on pourrait sy attendre, plusieurs tentatives infructueuses ont été faites pour débarrasser la Loi de ce terme, afin den renforcer linterdiction. À la suite des arrêts Aetna Insurance (1977) et Atlantic Sugar (1980) de la Cour suprême, la Couronne a été tenue de prouver que les présumés conspirateurs avaient lintention à la fois de conclure une entente et de réduire la concurrence indûment, une double intention difficile à établir, comme le montre la chute de 90 à 55 % du taux de réussite de la Couronne 16. |
Il existe de nombreuses ententes qui ont un effet sur les prix ou sur les clients par voie de conséquence, mais qui ne sont pas des accords de fixation des prix en tant que tels. Si vous vous limitez à interdire les accords destinés à fixer des prix, c'est-à-dire des accords dont le but est de fixer des prix, par opposition à des accords qui ont incidemment un effet sur les prix, alors vous approcherez beaucoup plus des comportements véritablement criminels. [Paul Crampton, Davies, Ward, Phillips & Vineberg, 59:12:25]
Il est assez étrange que deux entreprises ou concurrents qui fusionnent font lobjet dun examen au civil, où ils peuvent expliquer les gains defficience et où leur proposition fait lobjet dune analyse coûts-bénéfices, alors que si elles ne vont pas jusquà la fusion, le droit pénal leur est appliqué et leurs responsables sont passibles de prison et damendes. [Tom Ross, Université de la Colombie-Britannique, 59:09:25]
Je ne pense pas que le bulletin sur les alliances stratégiques ait donné aux milieux daffaires les assurances quils recherchaient, car il apparaît très clairement quil y a un risque d'une application simultanée des dispositions sur les fusions et aussi, potentiellement, des dispositions pénales de larticle 45 et même des dispositions sur la domination conjointe. [Tim Kennish, Osler, Hoskin & Harcourt, 59:10:20]
Nous navons pas rencontré de grands succès avec cette disposition. Étant donné son libellé et la difficulté dapporter les preuves requises, il est très difficile de linvoquer contre les ententes injustifiables. [Robert Russell, Borden, Ladner & Gervais, 59:09:10] |
16 | William Stanbury, « The New Competition Act and Competition Tribunal Act: Not With A Bang, But A Whimper », Canadian Business Law Journal, vol. 12, 1986/87, p. 20. |
La Loi sur la concurrence a toutefois renversé
ces jugements. Elle prévoit en effet, dans son article 45, que « quiconque
complote, se coalise ou conclut un accord ou un arrangement avec une autre
personne » pour empêcher ou réduire indûment la concurrence commet un acte
criminel et est passible dune amende ou dune peine demprisonnement.
Cette disposition prévoit une défense pour les ententes horizontales visant :
Il existe en outre des défenses spécifiques pour les consortiums dexportation et les ententes spécialisées. Toutefois, les modifications les plus importantes de la Loi découlent des paragraphes 45(2.1) et 45(2.2) qui permettent au Tribunal de déduire lexistence dun complot, dune association dintérêts, dun accord ou dun arrangement en se basant sur une preuve circonstancielle; par ailleurs, sil est nécessaire de prouver que les parties avaient lintention de participer à cet arrangement et lont effectivement fait, il nest pas nécessaire de prouver que larrangement en question était conçu pour réduire indûment la concurrence. La jurisprudence est conforme à cette interprétation. La Cour suprême a, par la suite, donné une interprétation controversée de la signification et des répercussions du mot « indûment » dans sa décision dans laffaire Nova Scotia Pharmaceutical Association. Les tribunaux sont maintenant tenus dappliquer un critère en deux parties aux ententes de fixation des prix avant de conclure quelles entravent « indûment » la concurrence. La première partie concerne lemprise sur le marché et la seconde consiste à vérifier si lentente a un effet préjudiciable sur la concurrence que lon peut qualifier dindu. Ce cadre juridique établit en fait en partie une règle de la raison du fait que les ententes ne seraient pas considérées comme en soi illégales, même celles qui sont des exemples patents de cartel dénué de tout avantage pour la société, et ne seraient pas non plus assujetties à la règle de la raison qui permettrait de peser le pour et le contre du point de vue économique. Une alliance stratégique qui ne porterait atteinte à la concurrence sur le plan des prix que de manière secondaire ferait ainsi lobjet dun examen approximatif pour déterminer son impact économique. Dans létat actuel des choses, la Couronne doit établir quatre éléments hors de tout doute raisonnable dans toute affaire relevant de larticle 45 :
Un examen de lapplication de la Loi est révélateur. Le caractère exécutoire de larticle 45 Les experts du droit de la concurrence sont presque unanimes à affirmer que, tel quil est libellé, larticle 45 est difficile à faire exécuter dans un procès contesté même dans le cas de cartels patents. Ils estiment aussi que le critère en deux parties relativement à la structure et au comportement sur le marché offre trop de possibilités de contestation de questions économiques sans pertinence dans le cas dun cartel patent. Les coûts dexécution sont donc excessifs. Cette opinion étant presque unanime, le Comité ne voit pas lutilité den chercher des preuves. Il se fonde exclusivement sur les données, analyses et conclusions du Bureau17. |
[ ] lorsque nous avons analysé les cas au début des années 80, lorsque nous cherchions à décider quoi faire, nous avons constaté que le gouvernement avait perdu plus de causes quil nen avait gagnées parce quil ne parvenait pas à faire la preuve. Ce nest pas quil ne pouvait pas prouver le caractère indu; il ne pouvait prouver quil y avait effectivement une entente. Or, cela est la pierre angulaire de larticle sur le complot. [Lawson Hunter, Stikeman Elliott, 59:09:25] La question du retrait du mot « indûment » de larticle 45, plutôt que dadopter une approche à deux volets, a déjà été soulevée. La réponse la plus simple, cest que larticle serait alors trop inclusif. Il engloberait alors de nombreux accords qui sont sans problème. Par exemple, des accords entre un franchiseur et un franchisé pourraient faire lobjet de larticle 45, si on disait simplement tout accord qui restreint indûment la concurrence, la fourniture, la production, etc. [R.W. McCrone, Bureau de la concurrence, 64:09:15] Jai été lun des conseillers spéciaux du Procureur général du Canada dans la poursuite contre les sociétés pharmaceutiques en Nouvelle-Écosse, où nous avons cherché, dans nos interventions auprès de la Cour suprême du Canada au début des années 90, à clarifier la signification de « indûment », de façon à donner une plus grande certitude décisionnelle au public et au Bureau. Et, à mon avis personnel, en dépit de toutes les bonnes intentions, larticle 45 mérite un examen prioritaire. Les raisons [sont que l] article est à la fois sous-inclusif et sur-inclusif. [Calvin Goldman, Davies, Ward & Beck, 59:09:20] |
17 | Harry Chandler et Robert Jackson, Au-delà de lamusement et de la détente : Le traitement des complots en vertu de la Loi sur la concurrence du Canada, Bureau de la concurrence, http://strategis.ic.gc.ca/SSGF/ct01767f.html, mai 2000. Le Comité se fie aux affirmations des auteurs selon lesquels aucun des 51 cas ne constituait une alliance stratégique favorable à la concurrence. |
Le Bureau de la concurrence rapporte 51 poursuites
en vertu de larticle 45 ou de son prédécesseur entre 1980 et 2000. Dans près
de 60 % des cas (29 sur 51), les poursuites ont donné lieu à un plaidoyer de
culpabilité. Le taux de déclarations de culpabilité dans les procès contestés est
exceptionnellement faible, de lordre de 10 à 15 % (3 sur 22). Le Bureau estime
que 33 % environ des cas (6 sur 17) se sont soldés par un acquittement ou un
non-lieu dès laudience préliminaire pour manque de preuves attestant
lexistence dun arrangement le premier élément décrit
ci-haut. Près de 65 % des cas (11 sur 17) se sont soldés par un acquittement ou un
non-lieu dès laudience préliminaire pour manque de preuve attestant la réduction
de la concurrence la seconde des conditions citées plus
haut ou lintention des parties concernées de causer une réduction
de la concurrence les troisième et quatrième conditions. Ces données
et analyses montrent que la nécessité détablir le fondement de laccusation
« hors de tout doute raisonnable » est un obstacle formidable, mais que
cest la notion associée au mot « indûment » qui nuit le plus à
lobtention de déclarations de culpabilité aux termes de larticle 45. La solution en deux volets : pénal et civil Le Comité tient à rappeler au lecteur que la politique de concurrence na rien à voir avec le fait de gagner ou de perdre des procès. Elle vise à établir un cadre dans lequel les entreprises offriront des produits et services à des prix compétitifs. Nous sommes persuadés que larticle 45 ne devrait sappliquer quà certains types darrangements et que la Loi actuelle ne donne pas suffisamment dindications sur ce qui constitue véritablement un acte criminel grave. En outre, si nous sommes parfaitement conscients de limpossibilité de rédiger un texte de loi exempt de toute incertitude, la Loi ne doit pas pour autant être rédigée de manière si vague quelle englobe tous les arrangements horizontaux entre concurrents. Actuellement, lapplication de larticle 45 dépend excessivement du pouvoir discrétionnaire de poursuivre, qui peut être exercé différemment selon la personne. Il vaudrait mieux un libellé précis qui établirait une distinction entre les deux formes de coopération un cartel anticoncurrentiel et une alliance stratégique favorable à la concurrence ou sans effet majeur sur elle. Dans le même ordre didées, le Comité ne trouve pas opportun de faire dépendre une responsabilité criminelle avec les amendes et peines de prison qui y sont associées de lévaluation que ferait un tribunal de facteurs économiques complexes comme lélasticité de la demande par rapport aux prix, les obstacles à lentrée dans un secteur dactivité donné, lampleur des coûts irrécupérables, la vigueur des concurrents courants ou potentiels, la position sur le marché, et ainsi de suite facteurs dont un tribunal est mal placé pour juger. Les partisans dun changement ont réussi à convaincre le Comité. La situation na que trop duré. Les dispositions de la Loi sur la concurrence sur les complots doivent être révisées afin de refléter la tendance des entreprises modernes à constituer des alliances stratégiques et des coentreprises, à légard desquelles la Loi actuelle est trop restrictive tout en étant, en même temps, trop libérale à légard des situations qui constituent manifestement une entrave à la concurrence. En conséquence, le Comité recommande :
Les éléments nécessaires dans une cause contestée concernant larticle 45 doivent refléter fidèlement la pensée économique contemporaine au sujet des complots. Ils ne doivent pas faire perdre du temps inutilement sur des facteurs économiques sans grande importance pour larrangement ou le secteur dactivité examiné. Nous pensons que le complot doit constituer en soi un acte criminel et que lexistence dun complot doit être déterminée sur la base des faits simples et pertinents de laffaire en cause. En conséquence, le Comité recommande :
En créant un acte criminel en soi sans prévoir dexception, on risquerait denglober trop de choses sans discrimination, par exemple les arrangements horizontaux autres que ceux dun cartel. Il faudrait donc prévoir les exceptions. Il faudrait une longue liste pour réduire suffisamment lincertitude entourant une interdiction spécifique de ce genre, et le Comité estime quil vaudrait mieux se fonder sur des principes directeurs. Ceux-ci reposeraient sur les caractéristiques connues des arrangements horizontaux favorables à la concurrence, comme lexistence de facteurs économiques, autres que leffet de réduction de la concurrence dont il est question, intégrées à lentente. Ces autres facteurs économiques pourraient comprendre, notamment des gains defficience (dun point de vue technique ou organisationnel) et linnovation. En conséquence, le Comité recommande :
Le Comité estime en outre que lapproche en deux volets à légard des ententes horizontales entre concurrents confère une grande latitude au niveau du pouvoir discrétionnaire de poursuivre, quoique moins que dans la Loi actuelle. Pour limiter quelque peu la portée de ce pouvoir discrétionnaire, le Comité recommande :
Dans son Rapport intérimaire, le Comité avait recommandé que le gouvernement envisage de modifier les dispositions relatives à labus de position dominante (article 79) de manière à permettre lexamen au civil des ententes entre concurrents. Cette proposition était peut-être prématurée. Certes, larticle 79 porte sur les cas où plusieurs entreprises commettent un abus de position dominante et pourrait être modifié de manière à englober les ententes horizontales qui appartiennent à cette catégorie, mais nous estimons inopportun de le faire. En effet, ces ententes sont généralement par nature très différentes de celles qui pourraient être considérées comme des pratiques abusives. Autrement dit, une entente envisagée par des concurrents qui a pour effet secondaire de réduire la concurrence est une entente entre alliés; il nest aucunement question de relation agresseur-victime. Par conséquent, la solution nest pas nécessairement de modifier larticle 79 pour viser des ententes horizontales qui ne sont pas nécessairement néfastes pour la concurrence, dautant plus que lon risquerait ainsi de perdre de lefficience au niveau des poursuites dans les vrais cas dabus de position dominante. Il serait plus prudent de se doter de deux mécanismes visant deux types de comportements distincts. Le Comité hésite aussi à proposer dassujettir ces ententes aux dispositions des articles 92 à 96 concernant les fusionnements. Une entente horizontale ne répondrait pas nécessairement à la définition de fusionnement donnée à larticle 91 et aucune raison probante nimpose dapporter des modifications alors que cela pourrait avoir des conséquences imprévues. Néanmoins, les alliances stratégiques devraient faire lobjet dun examen analogue à celui des fusionnements. En conséquence, le Comité recommande :
Le Comité estime que cette nouvelle disposition ne devrait sappliquer quaux ententes horizontales entre concurrents, quil sagisse dacheteurs ou de vendeurs, et non aux ententes verticales entre, par exemple, un acheteur et des vendeurs ou entre un vendeur et des acheteurs. En conséquence, le Comité recommande :
Abstraction faite de la perspective davoir à payer une amende ou de se retrouver en prison, les délinquants potentiels doivent aussi penser que, sils sont condamnés, ils pourraient avoir à verser des dommages-intérêts à toute personne ayant subi un préjudice du fait de leurs agissements criminels. Le Comité est conscient du fait que, en soustrayant une pratique à lapplication du droit pénal pour la faire relever du droit civil, on perd la possibilité daccorder des dommages-intérêts aux termes de larticle 36 de la Loi. Cela pourrait avoir des conséquences fâcheuses sur la dissuasion et sur lexécution de la Loi puisque cela réduirait le « coût potentiel » des actes illégaux pour leur auteur. Cela ne serait pas le cas, évidemment, si le gouvernement modifiait la Loi de manière à habiliter le Tribunal à accorder des dommages-intérêts (comme nous le proposons à la recommandation 8). Par contre, on attribue rarement des dommages-intérêts au pénal et il faut donc se garder den exagérer limportance comme facteur de dissuasion. Le Comité estime que, de même quil est inopportun de faire relever certaines pratiques relatives aux prix du droit pénal, il est tout aussi inopportun dassocier lattribution de dommages-intérêts à ce type dagissement. Si lon ne permet lattribution de dommages-intérêts que dans le cas de certaines des pratiques qui relèvent du droit civil, la Loi ne sera plus uniforme. Il est donc important détendre le droit de réclamer des dommages-intérêts à toutes les pratiques qui relèvent du droit civil, y compris à celles qui passeraient du droit pénal au droit civil comme nous le recommandons. Vu le grand nombre de changements que nous recommandons, il sera nécessaire de réviser de fond en comble le bulletin du Bureau de la concurrence qui porte sur les alliances stratégiques et den faire des lignes directrices en matière dexécution de la Loi. En labsence de jurisprudence, les entreprises vont avoir besoin de laide éclairée du commissaire pour savoir comment le Bureau traitera les ententes horizontales entre concurrents. En conséquence, le Comité recommande :
Alliances stratégiques et préautorisations Comme on la dit plus haut, le Comité sait quil est impossible de rédiger des dispositions législatives parfaitement limpides sur les complots. Un certain nombre dententes horizontales qui ne nuisent en rien à la concurrence se trouveront par inadvertance englobées dans le champ des dispositions, quel que soit le soin que lon apporte à la rédaction de celles-ci. Lexception précitée confère une certitude relative dans le cas de certaines ententes horizontales sans effet fâcheux sur la concurrence, mais il faut faire autre chose pour réduire lincertitude et leffet de refroidissement associés aux ententes plus controversées ou aux effets moins clairs. Il faut trouver un moyen systématique de réduire ou déliminer le risque quune entente horizontale envisagée prête le flanc à des poursuites. Deux suggestions ont été faites à cet égard : un système davis et un système de préautorisation. Le système davis interdirait tout complot clandestin en vue de fixer les prix, directement ou indirectement, mais accorderait une exemption de lapplication du paragraphe 45(1) à toutes les ententes horizontales connues à la condition que leurs promoteurs fassent connaître leurs intentions au préalable au Bureau. Toute modification sensible par rapport à lentente envisagée initialement serait passible de poursuites au pénal. La notification de ce type dentente serait facultative; il ny aurait aucune obligation de divulgation des particularités de lentente envisagée. Le commissaire serait aussi habilité à demander des renseignements additionnels pour déterminer sil doit faire opposition à lentente ou la faire modifier dans le contexte du volet civil de la Loi. Le système de préautorisation fonctionnerait un peu comme les certificats de décision préalable émis au sujet des projets de fusionnement aux termes de larticle 102 de la Loi sur la concurrence. Il sagirait dun système de déclaration facultative associé au paiement de droits modestes pour la fourniture dune décision anticipée. Le commissaire à la concurrence serait habilité à délivrer un certificat de préautorisation sil était convaincu que lentente envisagée naurait pas pour effet de réduire sensiblement la concurrence ni ne constituerait une menace aux termes de larticle 45 ou des dispositions de droit civil proposées. Lexemption de poursuites au pénal conférée par le certificat pourrait être permanente ou temporaire et, comme dans le cas dun système davis, toute modification importante par rapport au projet dentente initial pourrait donner lieu à des poursuites au pénal. Le Comité est davis que les deux formules présentent des avantages et des inconvénients. Pour certaines raisons, il penche pour un système de préautorisation, celui-ci donnant de meilleures garanties quun cartel camouflé serait détecté. En conséquence, le Comité recommande :
Dans le cas où le commissaire déciderait de ne pas accorder de certificat de préautorisation, le requérant devrait avoir le droit dêtre entendu par le Tribunal. En conséquence, le Comité recommande :
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[Le Canada est] le seul pays du monde à exiger un tel niveau danalyse pour obtenir une condamnation aux termes de larticle 45. La plupart des pays, et je cite lEurope, les États-Unis, lAustralie, la Nouvelle-Zélande, lAfrique du Sud et d'autres, ont adopté une approche de condamnation automatique des cartels flagrants, tout en prévoyant un recours en droit civil et cela a été proposé pour le Canada à l'égard des alliances stratégiques. [Robert Russell, Borden, Ladner & Gervais, 59:09:10] Il est admis que notre norme de justification est partiellement axée sur la règle de raison, mais elle ne permet aucune prise en compte des gains defficience. Or, lefficience constitue lun des objectifs du droit de la concurrence et il convient donc den tenir compte au moment de déterminer si une action ou un arrangement est condamnable. [Tim Kennish, Osler, Hoskin & Harcourt, 59:09:25] [S]ur les 22 affaires contestées, trois ont abouti à une condamnation. Est-ce que tous les avocats du ministère de la Justice ou ceux engagés à lextérieur sont incompétents? Non. La norme de preuve est celle du droit pénal. Il faut prouver tous les éléments du dossier au-delà de tout doute raisonnable. Cette norme devrait être maintenue. [Robert Russell, Borden, Ladner & Gervais, 59:09:35] [ ] le Bureau de la concurrence a commandé trois études indépendantes [sur les ententes horizontales entre concurrents]. [ ] toutes saccordent sur le fait que les ententes injustifiablescomme la fixation des prix, le partage des marchés et la limitation de la production devraient constituer une infraction criminelle sans critère lié à la concurrence. [Gaston Jorré, Bureau de la concurrence, 64:09:10] Mais il y a certainement eu des cas où
le problème résidait dans lévaluation du caractère indu de
lamoindrissement de la concurrence. Il sagit donc de clarifier cela en
scindant la Loi en deux volets un volet pénal, ne comportant pas le mot
Je ne vois aucune raison pour laquelle on devrait traiter un type darrangement horizontal, comme par exemple une fusion, différemment, sur le plan de lanalyse, dun quelconque autre type darrangement horizontal, comme par exemple une alliance stratégique. Je pense que les deux devraient être traités de la même façon. [Paul Crampton, Davies, Ward, Phillips & Vineberg, 59:13:00]
[V]otre rapport intérimaire laisse entendre que si lon opte pour lapproche à deux volets, la disposition en matière de comportement criminel proprement dit pourrait être limitée à la fixation des prix et à la restriction de la production. Je vous encouragerais à élargir cette liste pour y inclure la distribution de marchés et par là jentends la distribution géographique des marchés et de la clientèle ainsi que certains types de boycott collectif, par exemple ceux en faveur de collusion ou de lexclusion du marché de nouveaux entrants. [Paul Crampton, Davies, Ward, Phillips & Vineberg, 59:12:45] Lorsquon sattaque à un comportement collusoire caractérisé, la norme doit être respectée, mais il ne faudrait pas avoir à prouver les effets économiques. Cest ce qui se passe dans tous les autres régimes du monde. Linterdiction per se signifie simplement que si je conclus un arrangement de fixation de prix, vous nêtes pas obligé détablir quil a un effet anticoncurrentiel, avec les frais énormes quexige une telle démonstration, laquelle devient le principal enjeu. [Robert Russell, Borden, Ladner & Gervais, 59:09:35]
Je suis donc fortement en faveur dune refonte de larticle 45, de façon à restreindre son caractère pénal aux comportements collusoires caractérisés, tels que la fixation de prix, le partage de territoire et de clientèle et la limitation de la production. [Tim Kennish, Osler, Hoskin & Harcourt, 59:09:25]
Il faut donc être prudents. Les États-Unis, comme nous le savons, ont une infraction per se, mais elle nest pas définie dans la Loi et est laissée à la discrétion des juges. Il faut veiller à ce que les exemptions ne deviennent pas si nombreuses que lon ne sait plus à quoi linterdiction sapplique. [Lawson Hunter, Stikeman Elliott, 59:09:20] [L]a création de cette approche double
confère une latitude et un pouvoir incroyables au commissaire. Si vous imaginez une
situation de complot qui pourrait relever soit de lune soit de lautre [
]
le commissaire jouirait du pouvoir incroyable de dire, par exemple: « Si vous ne faites
pas ce que je souhaite, je vous emmène du côté
[I]l se peut que deux sociétés pharmaceutiques doivent collaborer à la mise au point du vaccin et doivent en fixer le prix pendant une courte période afin de récupérer les coûts de recherche. Ce type d'entente serait examinée en tant qualliance stratégique et pourrait être exonérée. [Robert Russell, Borden, Ladner & Gervais, 59:09:15]
Il mapparaît quil serait bon pour ladministration de la justice à lavenir si lon pouvait considérer ces arrangements dans la même optique que les fusions, avec toute la panoplie des outils danalyse économique, comme dans le cas des fusions. [Tim Kennish, Osler, Hoskin & Harcourt, 59:09:25]
[Notre proposition] met laccent sur la question de savoir si lentente constitue essentiellement une fixation de prix ou si lélément anticoncurrentiel ou la fixation de prix est secondaire à une entente plus large qui, elle-même, ne serait pas contraire à larticle 45. Si lélément fixation de prix est secondaire, alors l'accord plus général serait soumis à la procédure civile et serait jugé à linstar dune fusion. [Tom Ross, Université de la Colombie-Britannique, 59:09:30]
[N]ous avons à lheure actuelle beaucoup de difficulté à comprendre quel est l'objet de la Loi en matière de reconnaissance defficience économique. [ ] il est quelque peu prématuré dessayer délargir la notion d'efficience à dautres articles de la Loi [ ] tant que nous ne savons pas [ ] ce quest la vision du Parlement quant à la fonction de lefficience dans la Loi sur la concurrence. [Roger Ware, Université Queens, 59:12:15]
En dehors, donc, de ce qui serait le nouveau volet pénal en vertu dune approche remaniée à deux volets pour les complots, [ ] vous voudriez avoir en gros la même disposition en matière defficience [ ]. Mais la nature de cette disposition en matière defficience devrait être différente de celle que nous avons à lheure actuelle à l'article 96, qui na jamais fonctionné en près de dix ans. [Paul Crampton, Davies, Ward, Phillips & Vineberg, 59:13:00]
Daucuns ont préconisé la notification publique de certains accords restreignant la concurrence et que, dans ces conditions, les parties pourraient être assurées de ne pas être poursuivies. De manière générale, je pense quil nest pas souhaitable que des accords contraires à nos principes généraux soient autorisés en se fondant simplement sur la théorie qui me paraît naïve que leur divulgation publique dissuaderait autrui de traiter avec les parties à ce genre d'arrangement restrictif. [Tim Kennish, Osler, Hoskin & Harcourt, 59:10:20]
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