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Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.
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37e Législature, 1ère Session
HANSARD RÉVISÉ • NUMÉRO 051
TABLE DES MATIÈRES
Le lundi 30 avril 2001
INITIATIVES PARLEMENTAIRES |
LE CODE CRIMINEL |
Projet de loi C-278. Deuxième lecture |
M. Art Hanger |
M. John Maloney |
LA MOTION NO 285 |
M. Sarkis Assadourian |
LE CODE CRIMINEL |
Projet de loi C-278. Deuxième lecture |
M. Peter MacKay |
M. Vic Toews |
M. Gary Lunn |
M. Art Hanger |
INITIATIVES MINISTÉRIELLES |
LA LOI SUR LA SOCIÉTÉ DU CRÉDIT AGRICOLE |
Projet de loi C-25. Deuxième lecture |
M. Howard Hilstrom |
M. David Anderson |
Mme Suzanne Tremblay |
M. Peter Stoffer |
M. Rick Borotsik |
M. Dennis Mills |
M. Rick Borotsik |
M. Roy Bailey |
M. Peter Stoffer |
M. Garry Breitkreuz |
DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS |
L'ENVIRONNEMENT |
M. Bryon Wilfert |
LA SÉCURITÉ EN MILIEU DE TRAVAIL |
M. Jim Gouk |
L'ENVIRONNEMENT |
L'hon. Charles Caccia |
LES JEUX AUTOCHTONES |
M. John Harvard |
LE PRIX DU JAPON |
M. Stephen Owen |
LES SUBVENTIONS ET CONTRIBUTIONS |
M. Brian Pallister |
L'HÉPATITE C |
M. Yvon Charbonneau |
HÉRITAGE SAINT-BERNARD |
M. Robert Lanctôt |
LE MOIS DE LA SENSIBILISATION AU CANCER |
M. Gurbax Malhi |
LE HOCKEY |
M. Roy Bailey |
ROBICA FORMAN TANK LIMITED |
M. John Richardson |
LE GULLY |
M. Peter Stoffer |
LE LOGEMENT SOCIAL |
Mme Diane Bourgeois |
LE SPORT AMATEUR |
Mme Sarmite Bulte |
LE VIH-SIDA |
M. Bill Casey |
L'ENVIRONNEMENT |
Mme Sue Barnes |
L'AGRICULTURE |
M. Howard Hilstrom |
QUESTIONS ORALES |
LA PROTECTION DE LA VIE PRIVÉE |
M. Stockwell Day |
L'hon. Martin Cauchon |
M. Stockwell Day |
L'hon. Martin Cauchon |
M. Stockwell Day |
L'hon. Martin Cauchon |
M. Grant Hill |
L'hon. Martin Cauchon |
M. Grant Hill |
Le très hon. Jean Chrétien |
L'AIDE INTERNATIONALE |
M. Gilles Duceppe |
Le très hon. Jean Chrétien |
M. Gilles Duceppe |
Le très hon. Jean Chrétien |
M. Yves Rocheleau |
Le très hon. Jean Chrétien |
M. Yves Rocheleau |
Le très hon. Jean Chrétien |
LE COMMERCE |
M. Bill Blaikie |
L'hon. Pierre Pettigrew |
M. Bill Blaikie |
L'hon. Pierre Pettigrew |
LE PREMIER MINISTRE |
Le très hon. Joe Clark |
Le très hon. Jean Chrétien |
Le très hon. Joe Clark |
Le très hon. Jean Chrétien |
L'IMMIGRATION |
M. Monte Solberg |
L'hon. Elinor Caplan |
M. Monte Solberg |
L'hon. Elinor Caplan |
L'AUBERGE GRAND-MÈRE |
M. Stéphane Bergeron |
M. John Cannis |
M. Stéphane Bergeron |
M. John Cannis |
LA FISCALITÉ |
M. Joe Peschisolido |
M. Roy Cullen |
M. Joe Peschisolido |
M. Roy Cullen |
LA CONTREBANDE DE CIGARETTES |
Mme Pierrette Venne |
M. Lynn Myers |
Mme Pierrette Venne |
L'hon. Martin Cauchon |
L'INDUSTRIE DU BOIS D'OEUVRE |
M. John Duncan |
L'hon. Pierre Pettigrew |
M. John Duncan |
L'hon. Pierre Pettigrew |
L'ENVIRONNEMENT |
M. Jeannot Castonguay |
Mme Karen Redman |
LA DÉFENSE NATIONALE |
M. Peter Stoffer |
L'hon. Art Eggleton |
M. Peter Stoffer |
L'hon. Art Eggleton |
LA SOCIÉTÉ CANADIENNE D'HYPOTHÈQUES ET DE LOGEMENT |
M. Loyola Hearn |
M. Paul Szabo |
M. Loyola Hearn |
M. Paul Szabo |
LA DÉFENSE NATIONALE |
M. James Lunney |
L'hon. Art Eggleton |
M. James Lunney |
L'hon. Art Eggleton |
LES ORGANISMES GÉNÉTIQUEMENT MODIFIÉS |
Mme Suzanne Tremblay |
L'hon. Lyle Vanclief |
Mme Suzanne Tremblay |
L'hon. Lyle Vanclief |
LES ÉLECTIONS |
M. James Moore |
Le très hon. Jean Chrétien |
M. James Moore |
Le très hon. Jean Chrétien |
LES PERSONNES HANDICAPÉES |
Mme Carolyn Bennett |
Mme Raymonde Folco |
LES RESSOURCES NATURELLES |
Mme Cheryl Gallant |
L'hon. Ralph Goodale |
Mme Cheryl Gallant |
L'hon. Ralph Goodale |
L'INSPECTION DES ALIMENTS |
M. Bernard Bigras |
L'hon. Lyle Vanclief |
LE DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL |
M. Georges Farrah |
L'hon. Martin Cauchon |
LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES |
M. Keith Martin |
L'hon. John Manley |
LES JEUNES CONTREVENANTS |
M. Michel Bellehumeur |
L'hon. Anne McLellan |
LA DÉFENSE NATIONALE |
M. Bill Blaikie |
L'hon. Art Eggleton |
PRÉSENCE À LA TRIBUNE |
Le Président |
RECOURS AU RÈGLEMENT |
Le dépôt de documents |
M. Stéphane Bergeron |
AFFAIRES COURANTES |
RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS |
M. Derek Lee |
LOI D'HARMONISATION NO 1 DU DROIT FÉDÉRAL AVEC LE DROIT |
Projet de loi S-4. Première lecture. |
L'hon. Don Boudria |
PÉTITIONS |
L'usage de poisons |
M. Roy Bailey |
Les pesticides chimiques |
L'hon. Andy Scott |
L'environnement |
M. John Williams |
Falun Gong |
M. John Williams |
VIA Rail |
M. Peter Adams |
Les maladies du rein |
M. Peter Adams |
La Société canadienne des postes |
M. Bill Blaikie |
L'immigration |
M. Howard Hilstrom |
La santé |
Mme Carol Skelton |
QUESTIONS AU FEUILLETON |
M. Derek Lee |
INITIATIVES MINISTÉRIELLES |
LOI SUR L'ENREGISTREMENT DES ORGANISMES DE |
Motion |
L'hon. Don Boudria |
M. Lynn Myers |
M. Randy White |
Mme Pierrette Venne |
M. Bill Blaikie |
M. Peter MacKay |
L'hon. Martin Cauchon |
M. Gurmant Grewal |
Mme Sophia Leung |
M. Kevin Sorenson |
Report du vote par appel nominal |
LA LOI SUR LA SOCIÉTÉ DU CRÉDIT AGRICOLE |
Projet de loi C-25. Deuxième lecture |
M. Kevin Sorenson |
L'hon. Andy Mitchell |
Mme Carol Skelton |
M. Larry McCormick |
M. Ken Epp |
Report du vote sur la motion |
LA LOI DU TRAITÉ DES EAUX LIMITROPHES INTERNATIONALES |
Projet de loi C-6. Deuxième lecture |
M. Joe Comartin |
L'hon. Charles Caccia |
M. Bernard Bigras |
Mme Sarmite Bulte |
M. Bill Casey |
L'hon. Charles Caccia |
M. Bernard Bigras |
M. Loyola Hearn |
L'hon. Charles Caccia |
Mme Sarmite Bulte |
(Version officielle)
HANSARD RÉVISÉ • NUMÉRO 051
CHAMBRE DES COMMUNES
Le lundi 30 avril 2001
La séance est ouverte à 11 heures.
Prière
INITIATIVES PARLEMENTAIRES
[Traduction]
LE CODE CRIMINEL
M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Alliance canadienne) propose: Que le projet de loi C-278, Loi modifiant le Code criminel (actes sexuels interdits), soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
—Monsieur le Président, c'est pour moi un plaisir aujourd'hui de prendre la parole de nouveau pour commenter mon projet de loi d'initiatives parlementaires, le projet de loi C-278, qui a pour objet de faire passer l'âge requis pour consentir à des relations sexuelles de 14 à 16 ans.
Je devrais mentionner que c'est la troisième fois que la Chambre est saisie de ce projet de loi d'initiatives parlementaires. C'est la troisième fois qu'il y a suffisamment d'émotions et d'inquiétudes pour qu'on puisse le proposer car il reflète l'opinion d'un grand nombre de personnes en dehors de la Chambre. Par ailleurs, j'aimerais faire remarquer que, dans l'ensemble, les parlementaires sont universellement en accord sur des questions telles que celle-ci.
La protection de nos enfants est au centre du projet de loi. Il répond aux préoccupations exprimées par nos concitoyens, qui veulent que nos enfants soient plus en sécurité. Le projet de loi ne résoudrait pas tous les problèmes concernant les délinquants sexuels et la manière dont ils peuvent agir ou réagir contre les membres les plus vulnérables de la société. Il existe d'autres variables, telles que la libération conditionnelle des pédophiles et des délinquants sexuels, ce qui contribue à l'accroissement du nombre de victimes dans notre société.
Je pense que nous avons tous des idées divergentes sur le rôle du gouvernement dans ce domaine. Toutefois, dans l'ensemble, que nous soyons conservateur, bloquiste, libéral, socialiste ou libertaire, le consensus général est que nous devons protéger les jeunes Canadiens.
Je pense que le mot qui décrit le mieux la réaction de la population quand un enfant, l'un des éléments les plus vulnérables de notre société, est attaqué par un pédophile ou par un délinquant sexuel, est l'indignation. Je pense que dans chaque localité du pays nous avons vu cette indignation exprimée à maintes reprises.
En tant qu'agent de police, je me souviens quand une agglomération toute entière a dû presque se terrer parce qu'un délinquant sexuel avait été libéré de prison. Cet individu était si dangereux qu'on a dû avertir la population et publier sa photo, mais ça n'a pas empêché qu'il soit libéré.
L'inquiétude suscitée par cet individu venait du fait qu'il s'en prenait aux tout jeunes. Il ne touchait pas aux adolescents de 15 ou 16 ans, parce qu'ils ne l'attiraient pas. Il s'en prenait aux jeunes de 14, 13 ou 12 ans et peut-être même plus jeunes. Cela exigeait beaucoup de ressources de la part de la communauté, de la police et des services sociaux. Il faut coordonner les partenariats en place pour combattre efficacement ce genre de crime. Nous devons mieux protéger ceux qui sont à risque.
J'ai devant les yeux des coupures de presse qui montrent bien ce qui arrive quand un délinquant sexuel menace une communauté. Je vais en lire car il s'agit d'exemples très importants et l'histoire qu'elles racontent est une histoire que l'on entend partout au pays.
La première concerne un délinquant sexuel dangereux de 52 ans condamné à perpétuité, qui avait obtenu une libération conditionnelle. À peine quelques jours après sa mise en liberté conditionnelle, il s'est emparé d'une enfant, presque un bébé, et a commencé à descendre la rue en marchant avec elle. Heureusement, le père n'était pas loin et a pu intercepter le délinquant et reprendre sa fille pour la mettre en sécurité.
Ce délinquant avait tendance à s'en prendre aux enfants très jeunes et très vulnérables. Il avait obtenu une libération conditionnelle totale après avoir purgé 29 ans d'une peine à perpétuité à laquelle il avait été condamné pour avoir brutalement violé une enfant de trois ans. Tout le monde, y compris la police, avait été notifié de sa libération. La Commission des libérations conditionnelles dit qu'elle n'avait pas le choix. Dans ce cas particulier, la communauté ne savait pas ce qui était sur le point d'arriver. Dieu merci, le père est intervenu au moment où cet individu s'apprêter à assouvir son désir sur la petite fille. De telles choses ne devraient pas arriver. La collectivité a le droit de savoir dans ce genre de situation.
Mon deuxième exemple est celui d'un pédophile récidiviste porteur du VIH, de la syphilis et de deux souches d'hépatite. Il avait été libéré de prison et placé dans une maison de transition à Toronto. Des accusations avaient été portées contre lui à quatre reprises et il avait été trouvé coupable d'agression sexuelle sur des jeunes garçons de neuf à 14 ans.
Ce genre de crimes vise habituellement les plus vulnérables, soit des enfants de 12 à 15 ans. Mon projet de loi permettrait d'augmenter le niveau de protection pour inclure les jeunes jusqu'à 15 ans.
Certaines personnes ont demandé que l'âge du consentement soit baissé à 12 ans. La majorité des Canadiens ne partagent pas ce point de vue. Il y a eu des efforts à la Chambre pour en arriver à cela. Toutefois, cela ne reflète ni la position des gens de ma collectivité ni celle des parents qui essaient d'assurer la sécurité de leurs enfants et ne souhaitent que le mieux pour eux. Les parents veulent pouvoir protéger leurs enfants et c'est là qu'intervient l'engagement des législateurs, soit les députés.
Il semble que, d'une génération à l'autre, l'innocence de l'enfance se perde de plus en plus vite. Ce projet de loi n'est qu'une toute petite tentative pour redonner aux jeunes leur innocence, pour arrêter et incarcérer les prédateurs sexuels qui s'attaquent aux enfants de moins de 16 ans. Pendant trop longtemps, nous avons permis l'exploitation des éléments les plus vulnérables de notre société, en l'occurrence nos enfants, par ceux qui leur volent leur innocence et leur inculquent la méfiance, la suspicion et leur causent des dommages psychologiques indélébiles, voire des blessures physiques dans certains cas.
Outre les séquelles psychologiques causées à la victime, les coûts sociaux peuvent s'avérer absolument énormes. À diverses reprises, des hommes et des femmes qui avaient été victimes d'agressions sexuelles dans leur jeunesse sont venus me voir. Ils éprouvent de la honte, et parfois de la culpabilité, face à leur propres actes et pour s'être retrouvés dans pareille situation. Par crainte, ou quoi que ce soit d'autre, ils n'en ont jamais parlé. Un jour, il se produit en eux un déclic, et ils éprouvent le besoin impérieux de s'en confesser à quelqu'un.
Le profil psychologique des victimes, qui doivent porter ce fardeau toute leur vie et s'en cacher dans certains cas, révèle que leurs rapports avec les autres, parfois leur productivité dans la communauté, et même les rapports avec de proches parents, par exemple la famille ou le conjoint, risquent d'en être ultérieurement affectés. Ils ont de grosses difficultés à surmonter.
Nous ne réussirons jamais à éviter la totalité des agressions perpétrées par ceux qui veulent exploiter des enfants, mais nous pouvons certainement les freiner. En tant que parlementaires, en tant que gouvernement, il est de notre devoir de donner un avenir plus sûr à de nombreuses personnes.
Il s'agit de mettre fin au cercle vicieux consistant en l'exploitation d'une personne par une autre qui, à son tour, en exploite une autre, ainsi de suite. S'il faut pour cela relever l'âge requis pour consentir à des relations sexuelles de façon à inclure et à protéger un plus grand nombre de jeunes quand ils sont encore à un âge vulnérable, à un âge où se façonnent la structure de leur pensée et leur avenir, c'est ce que la Chambre doit faire.
Depuis un an, la Chambre est aux prises avec les retombées de l'affaire Sharpe en Colombie-Britannique. Ce pédophile et ses actes nous ont rappelé de façon on ne peut plus criante que certains êtres peuvent être très dangereux et manipulateurs. Il est indispensable de veiller à ce que la loi protège nos enfants.
Quel que soit notre interlocuteur, si on les consulte les services de police et les procureurs nous indiqueront les dispositions à prendre aujourd'hui et dans l'avenir si nous voulons vraiment, en tant que législateurs, compiler les informations que nous fourniront ces deux groupes représentant de l'autorité dans notre pays.
Les législateurs de tous les ordres de gouvernement ne doivent pas esquiver la responsabilité qui est la leur d'intervenir lorsque la société s'effondre. À cet égard, je suis très conscient, comme la plupart des députés je suppose, de la rage qui envahit les gens lorsque des pédophiles et d'autres personnes s'en prennent à nos jeunes enfants. Ce sont loin d'être quelques délits seulement qui sont perpétrés au Canada.
Je sais aussi que d'autres délits se greffent à cela, la pornographie sur Internet par exemple. Il nous faut certes un registre pour contrôler les pédophiles et d'autres formes de mesures législatives qui nécessitent des partenariats avec les services sociaux. Il faut consulter des gens qui entrent dans ces catégories.
Bref, notre société n'est plus la même depuis que la loi actuelle est entrée en vigueur à la fin des années 1800, mais nous, législateurs, sommes aux commandes. Nous ne devons pas laisser les changements que connaît la société éroder nos hautes valeurs morales. Il nous incombe de protéger celles-ci. Le projet de loi vise à protéger les enfants du Canada, un objectif que nous trouvons tous louable, je le sais. J'exhorte les députés à appuyer le projet de loi C-278.
M. John Maloney (secrétaire parlementaire du ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux d'intervenir ce matin au sujet du projet de loi C-278, Loi modifiant le Code criminel relativement aux actes sexuels interdits, présenté par le député de Calgary-Nord-Est.
Le projet de loi C-278 propose de modifier isolément plusieurs articles du Code criminel où l'âge de nubilité intervient dans la définition donnée aux infractions sexuelles impliquant une jeune victime. L'âge nubile fixé pour la plupart des activités sexuelles est de 14 ans, mais il existe une importante exception dans le cas de relations sexuelles consensuelles entre des jeunes présentant un écart d'âge de moins de 2 ans et ayant moins de 16 ans.
Le projet de loi C-278 propose de porter de 14 à 16 ans l'âge du consentement à une activité sexuelle. L'âge serait aussi porté à 16 ans dans l'exception prévue. Le projet de loi proposé porterait aussi l'âge à 16 ans lorsqu'il s'agit pour les tribunaux de prononcer une ordonnance d'interdiction contre des contrevenants qui sont déclarés coupables, ou absous aux conditions prescrites dans une ordonnance de probation, de certaines infractions sexuelles à l'égard d'une personne âgée de moins de 14 ans.
Le projet de loi C-278 traduit des préoccupations concrètes au sujet de la pertinence de la protection accordée aux jeunes dans le Code criminel. On semble généralement convenir que l'âge de nubilité prévu dans le Code depuis plus de 100 ans devrait être revu. Parallèlement, il faut veiller à ce que les changements apportés assurent une protection globale et ne provoquent pas accidentellement une incohérence dans le Code ou ne criminalise pas des activités sexuelles consensuelles entre des jeunes.
Je vais aborder trois aspects distincts. Premièrement, comme nous le savons, le ministère de la Justice a rendu public en novembre 1999 un document de consultation intitulé «Les enfants victimes et le système de justice pénale». Le document examine un vaste éventail de changements possibles à apporter au Code criminel et à la Loi sur la preuve au Canada en vue d'améliorer la sécurité publique dans le cas des enfants. Bien que les provinces soient au premier chef responsables de la protection des enfants, le système de justice pénale a un rôle clé à jouer dans le soutien des initiatives provinciales et territoriales dans ce domaine.
Le document de consultation comprend plein de suggestions de changements présentées par des fonctionnaires provinciaux et territoriaux et d'autres intervenants auprès des enfants. Trois principaux aspects retiennent l'attention: créer d'autres infractions touchant spécifiquement les enfants, ce qui comprend la question de l'âge du consentement; attribuer des peines afin de mieux protéger les enfants des personnes qui pourraient récidiver; adopter d'autres moyens afin de faciliter le témoignage des enfants.
La publication du document a été suivie d'un processus de consultation publique, mené à terme. On souhaite terminer dès que possible l'étape des consultations provinciales et territoriales, en cours actuellement.
D'aucuns soutiennent que l'âge du consentement, établi à 14 ans, est trop bas pour permettre de protéger efficacement les enfants contre l'exploitation sexuelle par des adultes, par exemple des proxénètes qui séduisent des jeunes filles avec l'intention de les attirer dans la prostitution sans craindre de poursuites judiciaires.
Les travailleurs sociaux s'inquiètent de voir de nombreux jeunes confiés à des familles d'accueil devenir des proies faciles pour des proxénètes. L'âge du consentement est plus bas au Canada que dans nombre d'autres pays où il est établi à 15 ou à 16 ans. Or, si l'on en juge par le projet de loi qu'il a mis de l'avant, le député de Calgary-Nord-Est semble croire qu'il suffit, pour régler ce problème complexe de l'âge nubile, de simplement relever cet âge. Je dis respectueusement qu'il n'en est rien.
La protection de nos enfants va au-delà du relèvement simple et arbitraire de l'âge où l'on peut consentir à s'engager dans des activités sexuelles. Elle nécessite que nous examinions des questions d'une portée plus vaste telles que la sécurité et le bien-être de nos enfants. Notre objectif consiste à élaborer et à maintenir un ensemble complet de mesures efficaces appuyant les mesures mises en place dans les provinces et les territoires afin d'améliorer la sécurité de nos enfants et de les tenir à l'abri de certains adultes qui peuvent leur infliger des blessures pouvant aller jusqu'à causer la mort.
La réalisation de cet objectif repose sur la collaboration des provinces, des territoires et du gouvernement du Canada. La prestation de services aux enfants ayant besoin de protection ressortit aux provinces et aux territoires, alors qu'il incombe au gouvernement fédéral d'assurer que les préjudices graves infligés aux enfants sont des infractions passibles de sanctions appropriées. En réprimant les formes les plus graves de préjudice par le truchement du Code criminel, le gouvernement du Canada soutiendrait vigoureusement les initiatives des provinces et des territoires visant à protéger les enfants.
Toutefois, le projet de loi C-278 reste incomplet à maints égards. Plusieurs des dispositions qu'il renferme font toujours état de l'âge de 14 ans. Prenons l'article 281, qui traite de l'enlèvement d'une personne âgée de moins de 14 ans, et peut-être plus encore l'article 810.1, qui autorise un tribunal à rendre une ordonnance d'interdiction quand il y a des motifs raisonnables de craindre qu'un individu commette une infraction d'ordre sexuel contre un enfant.
Cette disposition de l'article 810.1 s'est révélée être un instrument efficace pour les équipes et les policiers chargés de la surveillance et du contrôle de pédophiles dans la collectivité. Il est regrettable que le projet de loi ne tienne pas compte de ces deux articles. Il faut également déplorer que le projet de loi ne tienne pas compte non plus de la seule disposition sur le témoignage d'un enfant qui fasse allusion à l'âge de 14 ans, soit l'article 486 qui autorise la présence d'une personne de confiance aux côtés de l'enfant qui témoigne devant un tribunal.
Deuxièmement, le projet de loi ne s'attaque pas aux répercussions de la hausse de l'âge inscrit au Code criminel, auquel l'activité sexuelle avec un jeune serait criminalisé. Avec respect, je soutiens qu'en ne s'attaquant pas à cette question, la modification prévue par le projet de loi C-278 ne correspond pas aux autres articles du Code criminel portant sur cette question.
Par exemple, même si l'âge du plaignant était haussé à 16 ans, il n'y a aucune modification corrélative de l'âge de l'accusé dans l'exception qui empêche la criminalisation de l'activité sexuelle consensuelle entre des jeunes qui ont moins de 16 ans et à peu près le même âge. Par conséquent, un adolescent d'un peu plus de 16 ans qui aurait une relation consensuelle avec une personne de moins de 16 ans aurait une conduite criminelle. En même temps, un adolescent plus jeune encore pourrait consentir à une activité sexuelle avec une personne d'à peu près son âge. Cela semble non seulement discriminatoire, mais contraire au gros bon sens.
Les consultations entreprises par le ministère de la Justice ont indiqué de façon générale que si on rehausse l'âge du consentement, il faudra accorder une exception pour les jeunes plus âgés et qui sont d'âges rapprochés qu'on pourrait par exemple inclure dans l'exception prévue dans le cas de relations sexuelles consensuelles entre des jeunes qui n'ont que trois ou peut-être même quatre ans de différence.
Cela permettrait à un jeune qui approche de son 16e anniversaire d'avoir des relations sexuelles avec un autre jeune approchant de son 18e ou de son 19e anniversaire. Autrement, ce comportement qui pourrait être considéré comme peu sage, mais non pas comme criminel par la plupart des Canadiens, serait passible de poursuites judiciaires en vertu du Code criminel. Le projet de loi C-278 ne se penche pas sur cette question. Il créerait plutôt davantage de confusion, rendant criminel le comportement de tous les jeunes de plus de 16 ans, même dans le cas de relations consensuelles.
Troisièmement, le projet de loi ne tient pas compte des conséquences plus larges d'une modification de l'âge général du consentement. Les modifications législatives ne se font pas dans le vide. Nous devons être conscients qu'une modification de l'âge du consentement peut avoir des répercussions sur d'autres lois.
Par exemple, comme je viens de le mentionner, de tels changements pourraient avoir des répercussions sur la capacité de témoigner des jeunes de 14 ans ou moins aux termes du Code criminel et de la Loi sur la preuve au Canada, et sur l'aide à offrir à ces derniers. Cela pourrait même influer sur la législation régissant le mariage dans les provinces qui permettent toujours à des jeunes de moins de 16 ans de se marier.
Il faut déterminer si la modification de l'âge requis pour consentir à des relations sexuelles nécessite la modification d'autres dispositions du Code criminel portant sur l'âge. De plus, tout changement arbitraire apporté au Code criminel pourrait ne pas être conforme à l'engagement du gouvernement de consulter les provinces et les territoires avant d'apporter des modifications visant à appuyer leurs efforts pour protéger les enfants contre toute forme d'exploitation et de négligence.
Au cours des consultations, plusieurs secteurs de compétence ont dit craindre que l'on agisse trop rapidement dans ce dossier et que l'on criminalise accidentellement le comportement des jeunes.
La ministre de la Justice ne peut appuyer le projet de loi C-278 pour ces trois raisons.
En guise de conclusion, je dirai que la question de l'âge du consentement constitue un réel problème. Les enfants méritent de vivre dans une société sûre et d'être protégés contre toutes les formes d'exploitation par des adultes. Par ailleurs, pour que leurs actions soient efficaces, il faut que tous les intervenants dans la société et tous les niveaux de gouvernement travaillent ensemble, car tous ont un rôle important à jouer.
Nous estimons que tous les Canadiens devraient avoir l'occasion d'exprimer leur point de vue là-dessus. Nous estimons aussi que ces modifications relatives à l'âge du consentement doivent être pratiques et être soigneusement étudiées afin que l'on ait la certitude que leur objectif sera atteint, sans effets néfastes accidentels. À cette fin, elles devraient être étudiées dans le cadre global de l'ensemble des questions liées à l'âge du consentement dans le Code criminel. C'est pourquoi le ministère de la Justice a fait paraître un document de consultation. Les résultats de la consultation devraient nous servir de guide pour mettre en oeuvre les meilleures options afin que les enfants jouissent de la protection complète qu'ils méritent.
* * *
LA MOTION NO 285
M. Sarkis Assadourian (Brampton-Centre, Lib.): Monsieur le Président, je crois que vous constaterez qu'il y a consentement unanime à l'égard de la motion que voici. Je propose:
Que la motion no 285 soit réinscrite au bas de l'ordre de priorité des affaires émanant des députés.
Le vice-président: Le député de Brampton-Centre a-t-il le consentement unanime de la Chambre pour présenter sa motion?
Des voix: D'accord.
Le vice-président: La Chambre a entendu la motion du député. Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?
Des voix: D'accord.
(La motion est adoptée.)
* * *
LE CODE CRIMINEL
La Chambre reprend l'étude de la motion: Que le projet de loi C-278, Loi modifiant le Code criminel (actes sexuels interdits), soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Monsieur le Président, je suis heureux d'avoir l'occasion de participer au débat sur le projet de loi C-278. Je sais que son contenu a déjà été présenté à la Chambre antérieurement et que tous les députés prennent au sérieux l'objet de ce projet de loi.
J'ai écouté très attentivement les commentaires du secrétaire parlementaire de la ministre de la Justice. Il soulève d'excellents points et parle d'implications techniques bien précises. Il y a toujours des répercussions lorsqu'on étudie un projet de loi touchant un texte législatif aussi global que le Code criminel.
Ma réaction globale à son commentaire est de me demander ce qui empêche le gouvernement d'adopter une telle mesure? Il est scandaleux que les députés proposent de bonnes idées et que la réaction du gouvernement et du secrétaire parlementaire consiste à les mettre en pièces au lieu de les accueillir et de faire des suggestions créatives et constructives.
Le thème sous-jacent du commentaire du secrétaire parlementaire, c'est que le gouvernement reconnaît l'existence du problème sur lequel il faudrait se pencher. Pourtant, le gouvernement se contente généralement de répondre qu'il conviendrait de poursuivre l'étude, de procéder à un sondage et de faire appel à plus d'intervenants pour connaître leur avis.
Cette réaction témoigne de ce qui préoccupe avant tout le Parti libéral, à savoir que les mesures qu'il prend doivent être conformes aux résultats des sondages. Les libéraux veulent s'assurer qu'ils bénéficient d'un appui suffisant de la part du public avant d'agir au lieu de faire preuve de courage en prenant une mesure qui aurait un impact considérable sur la vie des Canadiens les plus vulnérables.
Tout d'abord, je dois féliciter le député d'avoir pris l'initiative de présenter cette mesure législative. Il a toujours été très persévérant pour ce qui est de soulever cette question. Je crois que c'est parce que, ayant travaillé comme policier, il se préoccupe profondément des enfants, qui sont tellement vulnérables et qui sont souvent placés dans une situation où une personne occupant une position de confiance profite de leur vulnérabilité.
Il va sans dire que c'est très malheureux qu'il y ait des prédateurs sexuels dans notre société. Il y en a dans chaque province, dans tous les coins du pays. Nous avons beaucoup entendu parler de certains cas tristement célèbres qui se sont passés à Mount Cashel et dans ma province, la Nouvelle-Écosse, plus précisément à l'école pour garçons de Shelburne. Il y a eu de terribles cas où des enfants ont été victimes d'abus aux mains des personnes sur qui ils auraient dû pouvoir compter pour les protéger. Malheureusement, c'est le contraire qui s'est produit.
Les conséquences de ce genre d'abus marquent un enfant pour la vie, et c'est quelque chose de tout à fait répugnant pour les Canadiens.
Nous avons entendu parler maintes et maintes fois des choses horribles qui peuvent se produire dans la vie d'un enfant. Y a-t-il meilleur endroit que le Parlement du Canada pour se pencher sur ce problème? Y a-t-il une cause plus noble que de protéger les enfants de ce terrible sort?
À mon ferme avis, ce qui guide les prédateurs sexuels dans leurs actions, ce n'est pas toujours le désir sexuel mais souvent la soif de pouvoir, la soif de contrôle et aussi une rare violence. Les parents sont d'autant plus inquiets chaque fois que leurs enfants sortent de la maison. Si nous voulons lutter efficacement contre ce genre de situation, nous devons établir un registre national des délinquants sexuels, ainsi que l'ont demandé d'autres parties.
Encore une fois, la réponse du gouvernement est une demi-mesure. Il soutient qu'il existe au CIPC quelque chose du genre qui remplit les mêmes fonctions. Le CIPC ne permet pas une intervention rapide de la part de la police et ne permet pas à la police et à la communauté d'avoir les renseignements dont elles ont besoin pour assurer une protection efficace.
Le gouvernement libéral et le solliciteur général en particulier doivent prendre sur eux de faire adopter une loi pour l'établissement d'un registre national des délinquants sexuels. Selon les libéraux, il s'agit de l'une de leurs dix principales priorités, mais cette question semble toujours nous glisser entre les doigts quand vient l'occasion de prendre des mesures concrètes à la Chambre.
Certaines provinces, elles, prennent des mesures. Lundi dernier, la province de l'Ontario a lancé le premier registre des délinquants sexuels au Canada. Chaque délinquant de l'Ontario doit se faire inscrire dans les quinze jours suivant sa libération. Il en va de même pour les délinquants qui purgent leur peine au sein de la collectivité. Chaque dossier renferme l'adresse, le numéro de téléphone, la description physique et les différents noms d'emprunt du délinquant ainsi que la liste de ses infractions. La police a absolument besoin de ce genre d'information pour pouvoir protéger ceux dont les enfants pourraient être victimes d'un prédateur sexuel.
Quiconque est condamné à une peine de moins de dix ans doit signaler ses allées et venues pendant dix ans Les contrevenants condamnés à une peine supérieure à dix ans restent inscrits à vie dans le registre. Voilà le genre de mesure législative audacieuse, proactive et, dans certains cas, sévère dont nous avons besoin.
Le gouvernement de l'Ontario se soucie de la sécurité publique et il réagit aux préoccupations de la population de sa province. Sa loi a été adoptée à la mémoire de Christopher Stephenson. On la désigne souvent comme la loi de Christopher. Il y a treize ans, le jeune Christopher a été enlevé à la pointe du couteau dans un centre commercial de Brampton, il a été agressé sexuellement et il a été assassiné par Joseph Fredericks, un délinquant sexuel récidiviste.
Il est absolument déchirant de penser qu'il a fallu qu'un incident comme celui-ci se produise avant que les politiciens et les législateurs remarquent la gravité de la situation. Des exemples comme ceux-là montrent pourtant à quel point de telles mesures sont importantes et comment des mesures préventives peuvent éviter à des personnes des souffrances qu'elles traîneront toute leur vie, comment elles peuvent empêcher des meurtres, des cas d'exploitation ainsi que des cas terribles d'agressions sexuelles et d'atteinte à la vie de jeunes personnes.
Malheureusement, en l'absence d'un registre des délinquants sexuels à l'échelle nationale, les délinquants qui sont enregistrés en Ontario peuvent quitter cette province et éviter que leurs allées et venues soient suivies. Actuellement, nous n'avons que des dispositions législatives fragmentaires pour régler le problème des infractions de nature sexuelle.
Conformément à une mesure législative adoptée par un gouvernement précédent, l'ancien projet de loi C-7, une liste des délinquants sexuels réhabilités est établie et ceux-ci restent inscrits dans la base de données de la GRC. L'information à leur sujet n'est divulguée qu'à certaines parties dans des circonstances particulières et avec l'approbation du solliciteur général. Cela n'est toutefois pas suffisant. On ne consacre pas assez d'argent actuellement au système du CIPC, qui manque du savoir-faire ou de l'infrastructure nécessaires pour bien couvrir le domaine.
Dans la mesure d'initiative parlementaire dont la Chambre est saisie, le député propose d'apporter à la loi une modification que lui et beaucoup de députés sans doute considèrent comme une amélioration.
La mesure à l'étude propose d'abaisser de 16 ans à 14 ans l'âge requis par le Code criminel pour consentir à des actes sexuels. Le secrétaire parlementaire à fait valoir avec raison que la modification pourrait avoir des implications qui sont non recherchées et imprévues par le député auteur du projet de loi. Cette mesure comporte une anomalie au sujet des personnes d'âges rapprochés s'engageant dans des activités sexuelles consensuelles.
Je ne puis parler à cet égard au nom du député, mais je parie qu'il serait très enthousiaste et très heureux si le secrétaire parlementaire ou un député ministériel voulait amender le projet de loi pour le rendre plus conforme à l'intention du député, qui est de protéger les enfants et empêcher qu'ils se fassent exploiter par ceux qui les recrutent aux fins de la prostitution par la ruse, que ce soit sur Internet ou en personne, ou qui les considèrent comme des proies dans un but d'exploitation sexuelle.
Le député de Calgary-Nord-Est a présenté un projet de loi que le Parti progressiste-conservateur entend appuyer. Nous avons proposé des mesures législatives semblables dans le passé en vue d'étendre la protection des enfants. Ce projet de loi se classe certainement dans cette catégorie.
Le nombre de cas signalés soulève clairement le besoin d'initiatives de la part de tous les paliers de gouvernement: fédéral, provincial et municipal. Il faut faire plus. Nous devons accroître la prévention et jouer un rôle plus actif afin d'assurer la protection des enfants. Nous devons faire en sorte que ceux qui contreviennent aux lois actuelles ou futures soient traités de façon sérieuse et rigoureuse. Nous devons faire tout notre possible, ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle.
Nous pouvons faire davantage. Le député qui a déposé la motion sait, ayant été lui-même policier, que les conséquences de ces crimes sont graves et peuvent tellement changer la vie de la victime que la sécurité du public devrait être notre unique motivation.
Je suis heureux de voir que ce projet de loi d'initiative parlementaire a été réinscrit au Feuilleton. J'encourage tous les députés de la Chambre à appuyer ce projet de loi ainsi que d'autres mesures législatives semblables. S'il faut l'amender, comme le suggère le secrétaire parlementaire, faisons-le vite. Apportons les amendements nécessaires afin qu'il cadre parfaitement dans la législation actuelle et qu'il n'y ait pas de conséquences indésirables. Faisons en sorte que les conséquences soient pour ceux qui violent la loi et s'attaquent aux enfants. Faisons de ce projet un engagement ferme et une priorité de la Chambre en matière législative.
M. Vic Toews (Provencher, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole aujourd'hui pour appuyer le projet de loi d'initiative parlementaire qu'a présenté mon collègue, le député de Calgary-Nord-Est.
Le projet de loi modifierait les articles du Code criminel qui se rapportent aux actes sexuels interdits commis avec des enfants de moins de 14 ans ou en leur présence, en interdisant ces actes lorsqu'ils sont commis avec des enfants de moins de 16 ans ou en leur présence.
C'est la quatrième fois que le député présente ce projet de loi. Il y a lieu de reconnaître sa persévérance et son engagement à l'égard des enfants et des familles et de l'en féliciter. Il s'agit là d'un projet de loi valable, qui vise à protéger les jeunes et les personnes vulnérables de notre société contre les prédateurs sexuels.
En tant qu'ancien policier, le député a sans nul doute été directement témoin des conséquences désastreuses que connaissent les enfants de 14 ou 15 ans qui ont été victimes de la manipulation et de la coercition de prédateurs sexuels d'âge adulte.
Dans notre société, on considère qu'une personne de moins de 16 ans est encore un enfant qui mérite et nécessite une protection considérable. Bien qu'il soit licite pour un enfant de 14 ans d'avoir des relations sexuelles consensuelles avec un adulte, une personne doit avoir 18 ans révolus pour participer à des activités pornographiques, car la création de dossiers permanents sur les activités sexuelles d'adolescents a des conséquences que des enfants de cet âge n'ont peut-être pas suffisamment de maturité pour comprendre.
La récente décision qu'a rendue la Cour suprême du Canada dans l'affaire Sharpe, sauf deux exceptions, a maintenu en grande partie cet état du droit. Cependant, on pourrait certes soutenir qu'un enfant moyen de 14 ou 15 ans n'a pas suffisamment de maturité, de confiance ou de discernement pour prendre rationnellement la décision de se livrer à des actes sexuels avec un adulte. Dans le cas des jeunes âgés de 14 ans et plus, les parents ne disposent d'aucun recours devant la loi s'ils s'aperçoivent que leur enfant a été entraîné dans une relation sexuelle avec un adulte.
Voilà pourquoi je suis d'avis qu'il est des plus opportuns d'avoir ressaisi la Chambre de ce projet de loi qui répond à certaines des préoccupations soulevées par le secrétaire d'État ou le secrétaire parlementaire du ministre.
Avec le projet de loi C-15, le gouvernement a pris récemment l'initiative, attendue de longue date, de protéger les enfants des prédateurs sur l'Internet. Malheureusement, au vu de l'âge actuel du consentement sexuel, cette protection ne bénéficie essentiellement qu'aux enfants âgés de moins de 14 ans. Beaucoup de Canadiens, notamment des parents inquiets, ne se rendent pas compte de l'existence de cette grave lacune dans la loi. Ainsi, un homme âgé de 30 ans pourrait se faire passer sur l'Internet pour un jeune de 16 ans, converser avec jeune fille de 14 ans et l'amener à le rejoindre dans une habitation privée ou une chambre d'hôtel. S'il obtient le présumé consentement légal de la jeune fille, il peut en toute légalité avoir des rapports sexuels avec elle.
L'âge du consentement en vigueur au Canada est l'un des moins élevés des pays développés. L'Albanie, la Bolivie, la Colombie, l'Iran, le Kosovo, la Roumanie et la Serbie, entre autres États, ont fixé cet âge à 14 ans. Je ne crois que le Canada ait lieu de s'enorgueillir d'être comparé à ces pays pour cette question.
Par contraste, l'âge du consentement en Australie varie d'une région à l'autre, car le droit pénal est évidemment du ressort des États et non du gouvernement fédéral, et se situe entre 16 et 17 ans, comme au Royaume-Uni. En Nouvelle-Zélande aussi, l'âge du consentement est fixé à 16 ans. Dans la plupart des États américains, il varie entre 16 et 18 ans. Ce n'est que dans quatre États, en l'occurrence à Hawaii, en Iowa, au Missouri et en Caroline du Sud, que l'âge du consentement a été établi à 14 ans.
Un simple coup d'oeil sur nos pendants des pays développés peut nous indiquer qu'il y aurait peut-être lieu pour nous de revoir l'âge du consentement en matière sexuelle. Lorsque mon collègue de l'autre côté de la Chambre affirme qu'il nous faut étudier cette question plus à fond, il contourne tout simplement le problème et essaie de justifier les années d'inaction que mon collègue de Calgary Nord-Est a dénoncées et, tout à son honneur, continue à dénoncer en cette Chambre.
Plusieurs organisations, lobbyistes et d'autres aimeraient voir modifier les mesures législatives. Je pense notamment au groupe Child Find Manitoba, très en vue dans ma province de résidence. Cette organisation possède une expérience directe dans le domaine des agressions sexuelles commises sur des enfants et nous devons prendre ses préoccupations très au sérieux. J'ai récemment eu l'occasion de rencontrer des membres de cette organisation qui ont clairement exprimé leur inquiétude face à l'âge du consentement actuellement en vigueur.
La loi doit prévoir certaines contraintes précises pour contrôler les prédateurs sexuels. Le fait de fixer à 16 ans l'âge du consentement en matière sexuelle donne aux parents ainsi qu'aux agents chargés de l'application de la loi la protection et l'autorité juridiques dont ils ont besoin pour protéger convenablement les enfants contre les prédateurs. Nous devons mettre les enfants à l'abri des criminels qui utilisent présentement la loi pour se justifier et forcent les enfants à consentir à leurs demandes.
Il n'est pas nécessaire d'aller bien loin pour trouver des exemples. M. Sharpe, dont le cas a été porté devant la Cour suprême du Canada, a eu l'audace de déclarer à la télévision ou à la radio nationale qu'il avait considéré le fait que certains enfants atteignent la maturité sexuelle physique à 12 ans comme une justification divine permettant aux prédateurs comme lui de commettre leurs méfaits.
Je n'ai pas l'intention de présenter les longs arguments étayant la perversité de ce raisonnement. À mon avis, tous les députés reconnaissent que cet homme et son raisonnement sont pervers. Il n'en demeure pas moins que notre société libre et démocratique renferme effectivement des gens qui pensent de la sorte.
Par cet amendement, le gouvernement fédéral et le Parlement lanceraient un message clair et direct à ceux qui souhaitent voir le Parlement établir ces règles et ces lignes directrices.
Comme ancien procureur de la Couronne et fonctionnaire au ministère de la Justice du Manitoba pendant de nombreuses années, années durant lesquelles j'ai aussi exercé des fonctions de travailleur social à l'enfance, je trouve tout simplement saugrenu le prétexte avancé par le député libéral au sujet de la complexité de la question. Si le gouvernement avait le moindrement ce dossier à coeur, quelques légers amendements suffiraient pour répondre aux inquiétudes soulevées. Le prétexte qui nous a été servi devrait être ignoré.
Le fait est que le gouvernement ne se préoccupe pas assez de la situation pour consentir aux changements qui protégeraient ces enfants et donneraient aux parents et aux policiers l'autorité dont ils ont besoin.
M. Gary Lunn (Saanich—Gulf Islands, Alliance canadienne): Monsieur le Président, la question est grave. Je tiens à féliciter le député de Calgary-Nord-Est d'avoir présenté à la Chambre des communes son projet d'initiative parlementaire, le projet de loi C-278, qui porterait de 14 à 16 l'âge du consentement sexuel.
Ce problème n'est pas nouveau. C'est un problème grave dans notre société. Je suis de la Colombie-Britannique. Dans ma circonscription, Saanich—Gulf Islands, nous avons assisté à l'affaire John Robin Sharpe qui a essayé, l'année dernière, de prétendre qu'il était tout à fait acceptable d'utiliser de jeunes enfants à des fins sexuelles. Il a essayé de faire valoir que la pornographie infantile était une chose acceptable. Sa cause a été entendue par trois tribunaux, soit la Cour suprême de la Colombie-Britannique, la Cour d'appel de la Colombie-Britannique, qui a statué que la possession de pornographie infantile pour son propre usage personnel n'était pas une chose répréhensible en Colombie-Britannique et la Cour suprême du Canada qui, heureusement, a pu constater que c'était répréhensible.
Il y a des prédateurs sexuels dans notre société. Ils sont très réels. On les libère de prison. Dans bien des cas, ils récidivent immédiatement. Ce n'est tout simplement pas admissible.
Le député du Manitoba qui vient de parler dit que cette modification émettra un signal clair et ferme de la part du gouvernement du Canada. Malheureusement, ce ne sera pas le cas car ce projet de loi d'initiative parlementaire ne sera pas mis aux voix. Le comité qui tranche en la matière a décidé que ce projet de loi ne serait pas mis aux voix. Les députés à la Chambre n'auront même pas l'occasion de voter comme le souhaitent leurs électeurs sur cette mesure législative, les initiatives parlementaires étant dans la catégorie des mesures appelant des votes libres.
Cela aussi est inadmissible. Il ne s'agit pas d'une question partisane. Il ne s'agit pas d'un point défendu précisément par l'Alliance canadienne, le Parti libéral ou les conservateurs. Il s'agit d'un point qu'un ancien agent de police, le député de Calgary-Nord-Est, soulève à la Chambre des communes parce qu'il constitue un sujet de grave inquiétude.
Le Parlement du Canada aurait eu l'occasion, en acceptant que cette mesure fasse l'objet d'un vote, de lancer un message très clair à propose de l'âge du consentement en matière sexuelle À 14 ans, les enfants sont à peine sortis de l'école élémentaire. Ce sont les éléments les plus vulnérables de notre société. Nous ne lançons pas le bon message. Je crois savoir que, selon certains députés, l'âge de consentement devrait être de 12 ans. Ces enfants sont toujours à l'école élémentaire.
Je sais personnellement que le député de Calgary-Nord-Est est un homme des plus honorables. J'éprouve pour lui un profond respect. Il présente un projet de loi d'initiative parlementaire qui devrait faire l'objet d'un vote, mais il n'y aura pas de vote. Nous n'aurons pas l'occasion de lancer ce message, et cela me dérange. Pourquoi n'aurons-nous pas cette occasion?
C'est le genre de problème auquel les Canadiens veulent que nous nous attardions. Ils veulent que nous prenions l'initiative d'apporter des solutions constructives aux problèmes de justice et à beaucoup d'autres problèmes dans les domaines de la santé et des finances. Je pourrais poursuivre l'énumération. Je me borne à cet exemple. Il y en aurait bien d'autres. Le député de Calgary-Nord-Est a jugé le problème à l'étude assez important pour se donner la peine de rédiger un projet de loi et de le présenter aux Communes. Il me semble inacceptable que cette mesure ne fasse pas l'objet d'un vote.
Il ne s'agit pas d'un débat sectaire. Comme parlementaires, nous avons le devoir de soulever ces problèmes. Je tiens à féliciter le député de Calgary-Nord-Est d'avoir saisi les Communes de celui-ci. Les points de vue peuvent varier, mais j'appuie le projet de loi du député sans aucune réserve. C'est une excellente mesure, selon moi.
M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je tiens tout d'abord à remercier les députés qui sont intervenus ouvertement en faveur de mon projet de loi. Je sais qu'ils ont exprimé du même coup l'opinion de nombreuses autre personnes. Je tiens aussi à remercier les députés de Pictou—Antigonish—Guysborough, de Provencher et de Saanich—Gulf Islands.
Lorsque des infractions semblables sont commises au sein d'une communauté, je crois que le mot scandale est ce qui résume le mieux la situation.
J'ai passé en revue les statistiques concernant les délinquants sexuels actuellement détenus dans des pénitenciers fédéraux. Je n'ai malheureusement pas eu accès aux données les plus récentes, mais j'ai constaté qu'en date du 31 décembre 1997, les pénitenciers fédéraux comptaient 4 591 délinquants sexuels, sans compter les détenus des prisons provinciales. C'est beaucoup de monde. Vingt-et-un pour cent des individus détenus dans des pénitenciers fédéraux sont considérés comme des délinquants sexuels. L'âge moyen de ces délinquants sexuels était de 43 ans et le plus âgé avait 89 ans.
Il y a quelque temps, je me suis rendu dans une prison fédérale. Ce jour-là, on y avait admis un homme de 83 ans, condamné pour une infraction sexuelle. Ce genre de comportement n'a pas tendance à diminuer avec l'âge. Les délinquants sexuels ont constamment tendance à se livrer à ce genre d'activité criminelle, et ils s'en prennent notamment aux plus jeunes et aux plus vulnérables. Leurs victimes sont de tous âges et comptent même de tout jeunes enfants. J'ai pu le constater pendant les 20 années où j'ai travaillé dans la police de Calgary.
Je ne puis qu'encourager et exhorter tous les députés à exercer des pressions sur le gouvernement, le Cabinet et les décideurs, pour qu'ils apportent de véritables changements. Il est regrettable que mon projet de loi ne puisse pas faire l'objet d'un vote, car autrement je crois qu'il aurait été adopté à la Chambre. Quoi qu'il en soit, le dernier mot n'est pas dit et je crois que des députés des deux côtés de la Chambre reviendront sur le sujet.
Le vice-président: La période réservée à l'étude des initiatives parlementaires est maintenant terminée. Puisque la motion n'a pas été choisie pour faire l'objet d'un vote, l'ordre est rayé du Feuilleton.
INITIATIVES MINISTÉRIELLES
[Traduction]
LA LOI SUR LA SOCIÉTÉ DU CRÉDIT AGRICOLE
La Chambre reprend l'étude, interrompue le 26 avril, de la motion: Que le projet de loi C-25, Loi modifiant la Loi sur la Société du crédit agricole et d'autres lois en conséquence, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
M. Howard Hilstrom (Selkirk—Interlake, Alliance canadienne): Monsieur le Président, nous discutons aujourd'hui du projet de loi C-25, Loi modifiant la Loi sur la Société du crédit agricole et d'autres lois en conséquence. La première modification remplace le nom de la Société du crédit agricole par Financement agricole Canada.
En 1994, la Société du crédit agricole avait un portefeuille de prêts de 3,5 milliards de dollars. Selon les renseignements que nous avons obtenus du directeur de la société au cours des récentes réunions du Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire, ce portefeuille atteint maintenant les 6,8 milliards de dollars.
La Société du crédit agricole répond à un besoin évident au Canada. L'Alliance canadienne appuie de façon générale cette société du crédit agricole. Toutefois, le débat d'aujourd'hui porte sur des modifications qui permettront de créer cette société au pays. Le vote portera sur les modifications et non sur l'utilité de la Société du crédit agricole au Canada.
La Société du crédit agricole a un rôle à jouer. Il s'agit toutefois de déterminer l'importance que ce rôle doit prendre. Les institutions gouvernementales prêteuses qui font concurrence aux institutions privées et aux autres institutions prêteuses du gouvernement comme la Société d'aide aux entreprises soulèvent de nombreuses questions. La Société du crédit agricole est-elle le meilleur outil pour mener à bien les politiques du gouvernement? Le débat en cours doit également se pencher sur la question de savoir si on continuera de viser le producteur primaire. C'est une question importante parce que la Société du crédit agricole a d'abord été créée pour garantir que le Canada ait un secteur agricole viable qui soit en mesure de produire des aliments pour la consommation domestique et pour l'exportation.
Monsieur le Président, j'aimerais demander à ce moment-ci le consentement de la Chambre pour partager mon temps de parole avec le député de Cypress Hills—Grasslands.
Le vice-président: Y a-t-il consentement unanime?
Des voix: D'accord.
M. Howard Hilstrom: Monsieur le Président, ce projet de loi accroîtrait le rôle de premier plan de la Société du crédit agricole en lui permettant de consentir des prêts à des entreprises qui ne s'adonnent pas nécessairement et directement à la production agricole primaire et des entreprises dont les actionnaires majoritaires ne sont pas nécessairement des agriculteurs. C'est le premier de trois changements importants proposés dans les amendements présentés aujourd'hui.
On accroîtrait le rôle de premier plan de la Société du crédit agricole afin de lui permettre d'assurer le financement par capitaux propres. Pour ce faire, on autoriserait la société à détenir des immobilisations non corporelles, comme du bétail, à prêter de l'argent sur cette base et à détenir du bétail en garantie.
À l'époque où je faisais partie de la Gendarmerie royale du Canada, j'ai eu à me servir assez abondamment de la Loi sur la faillite. Il y a toute une autre série de problèmes associés au fait de détenir en garantie des biens qui ne sont pas des biens immobiliers. C'est l'orientation adoptée par la Société du crédit agricole. Il se peut qu'elle offre des débouchés, mais elle comprend aussi des risques accrus.
Le projet de loi C-25 officialiserait l'aptitude de la Société du crédit agricole de s'adonner au crédit-bail, qui pourrait comprendre les terres agricoles. Une des choses que l'on constate dans le projet de loi, c'est que les activités de la SCA ne comprennent pas de limites ou de restrictions réelles. Ce document permettrait à la SCA d'intervenir dans de nombreux secteurs qui n'étaient peut-être pas traditionnellement les siens et accroîtrait grandement ses activités.
Avec ce projet de loi, la Société du crédit agricole aurait un secteur d'interventions plus vaste que celui prévu à l'origine, soit fournir des services financiers uniquement aux familles agricoles et aux entreprises liées directement à la production primaire. À mon avis, il n'y a pas lieu de permettre à la Société du crédit agricole de s'occuper d'autre chose que d'activités agricoles.
Dans le contexte du producteur primaire, l'agriculteur retirera-t-il un avantage? Devra-t-il rivaliser avec d'autres en vue d'obtenir le crédit disponible? Se retrouvera-t-il dans une situation d'interfinancement, où d'autres entreprises agricoles recevront des fonds de la SCA à l'échelon des producteurs non primaires?
En permettant à la Société du crédit agricole de consentir des prêts au-delà du secteur de la production primaire, le projet de loi placerait la SCA plus directement en concurrence avec des établissements de prêt du secteur privé, et il y aurait recoupement de ses activités avec celles d'autres institutions du gouvernement comme la Banque de développement du Canada. Nous avons vu l'influence négative que le premier ministre a eue sur la Banque de développement du Canada. Nous devons veiller à ce que la Société du crédit agricole n'emprunte pas la même voie.
Pour ce qui est de la concurrence avec les banques, la Banque Canadienne Impériale de Commerce, par exemple, est très active dans Selkirk—Interlake. Nous ne voulons pas que la concurrence d'un établissement fédéral de crédit empêche les établissements privés tels que nos coopératives locales de crédit de continuer à participer à nos collectivités, à y offrir le financement et le crédit nécessaires et à contribuer, en fait, à stabiliser nos collectivités.
La Société du crédit agricole est dirigée à partir de Regina. Ce ne sont pas toutes les petites localités qui ont un bureau de la Société du crédit agricole. C'est pourquoi je mets les députés en garde contre la possibilité que la Société du crédit agricole fasse concurrence aux banques et aux coopératives de crédit. C'est là un domaine où l'expansion susciterait de la concurrence déloyale ou une concurrence venant exclusivement du gouvernement. C'est une bonne raison de contester le projet de loi.
En outre, le projet de loi C-25 officialiserait la capacité de la Société du crédit agricole de posséder ou de louer à long terme des terrains. La SCA assure que ce n'est pas là l'intention de la modification. Elle soutient que les dispositions relatives à la location concernent le matériel, mais cela n'est pas clair dans le projet de loi. Il ne convient pas que le gouvernement fédéral possède à long terme des terres agricoles.
Si l'on permet à la SCA de détenir en permanence et de louer à long terme du terrain, les intérêts fédéraux risquent d'influencer la valeur marchande des terres agricoles. Cela risque aussi d'inciter la SCA à ne pas prendre tous les moyens possibles pour aider les agriculteurs qui éprouvent des difficultés financières à garder leurs terres.
J'ai déjà fait valoir, et j'y reviendrai dans les prochaines minutes, que la Société du crédit agricole, comme toute bonne société d'État, a notamment pour mandat de mettre en oeuvre et d'exécuter la politique qu'adopte directement le créateur de la société d'État, à savoir, dans ce cas-ci, le gouvernement fédéral.
La Société du crédit agricole est donc un instrument du gouvernement fédéral. Les politiques et les impératifs du gouvernement fédéral changent parfois au gré du vent et parfois pour d'excellentes raisons. Cependant, parce que ces impératifs changent, la Société du crédit agricole doit mettre à exécution la politique gouvernementale et, à mon avis, il n'est pas toujours idéal que la politique gouvernementale soit mise en oeuvre par l'entremise d'une institution financière comme la Société du crédit agricole.
Même aux termes des dispositions législatives actuelles, la Société du crédit agricole est devenue un important propriétaire foncier. En 2000, la Société du crédit agricole était propriétaire de plus de 360 000 acres, dont 95 p. 100 étaient situés en Saskatchewan, la province la plus durement touchée par la crise financière dans le domaine agricole.
Bien qu'il soit impossible à la Société du crédit agricole d'éviter d'être propriétaire foncier pour de brèves périodes, la loi devrait et pourrait mentionner explicitement que la Société devrait se départir de toute possession le plus rapidement possible. Il vaudrait aussi la peine d'examiner l'opportunité d'établir une échéance. Le prix des terres est déterminé par la valeur marchande et cela s'établit au fil des ans. Par conséquent, on pourrait inclure un échéancier qui ne serait pas nécessairement d'un an, mais qui pourrait aller jusqu'à cinq ans pour que le gouvernement se départisse des nombreuses terres dont il est propriétaire, quelle que soit la raison pour laquelle il en est propriétaire.
Le projet de loi C-25 accroît aussi les pouvoirs de la Société du crédit agricole dans le domaine du financement par actions. Pour ce faire, on autorise la société à être propriétaire d'actifs non immobilisés, du bétail par exemple, qui peut être donné en garantie pour de tels prêts. Ce changement permettrait à FAC d'offrir du financement agricole à des producteurs primaires qui ne sont pas admissibles aux termes de la loi actuelle. Dans bien des cas, cela permettrait à des producteurs d'obtenir du financement qu'ils n'auraient pu obtenir autrement de la part des bailleurs de fonds du secteur privé. C'est donc un progrès, à condition que le financement soit limité aux producteurs primaires.
Le projet de loi renferme certes de bons éléments, mais il n'est pas sans soulever de graves préoccupations au sujet du rôle élargi de la société.
Voici ce que dit la politique de l'Alliance canadienne à ce sujet:
Nous allons favoriser un climat économique sain, avantageux pour les consommateurs, par un commerce libre et ouvert au pays et à l'étranger, ce qui comprend l'élimination des obstacles au commerce interprovincial. Nous allons retirer le gouvernement des secteurs de l'économie où le privé pourrait fournir les mêmes services de façon plus rentable, et allons mettre un terme à la pratique injuste des subventions aux industries, aux entreprises et aux groupes d'intérêts.
Nous ne proposons pas que la Société du crédit agricole soit supprimée. Nous tenons simplement à nous assurer qu'elle ne favorise pas une concurrence injuste et qu'elle n'intervienne pas dans un secteur déjà bien desservi par le secteur privé.
Le projet de loi C-25 écarte la Société du crédit agricole de son objectif principal, qui consiste à fournir du crédit aux producteurs primaires. L'Alliance canadienne est d'avis que ce changement n'est pas acceptable. Les députés qui ont comparu devant le Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire ont dit que ce n'était pas le cas et que la société avait toujours pour fonction principale de fournir du financement aux producteurs primaires. Cependant, nous savons tous qu'à mesure que les orientations changeront et que le gouvernement dictera sa conduite à la société, cette fonction première pourrait changer. En fait, les producteurs primaires pourraient ne plus constituer la principale clientèle de la Société du crédit agricole.
Parlant de crédit, je voudrais m'attarder quelques instants sur la situation actuelle de l'agriculture dans l'ouest du Canada. C'est plus que du crédit qu'il faut ici en ce qui concerne l'ensemble de la politique agricole et des mesures à prendre en faveur des agriculteurs. Il faut que le gouvernement fédéral laisse les agriculteurs poursuivre librement leurs objectifs économiques.
Le ministre chargé de la Commission canadienne du blé de Regina a eu l'occasion au Cabinet et au sein du gouvernement de prendre des mesures pour que la commission puisse vendre du blé et de l'orge au nom des agriculteurs qui le lui demanderaient. Mais les céréaliculteurs qui ne le demanderaient pas auraient toujours le choix de vendre leurs produits autrement.
Le seul but de la Commission canadienne du blé consiste à commercialiser de façon ordonnée le blé et l'orge conformément aux divers articles de la loi. Ce n'est que fortuitement qu'elle obtient un prix avantageux et qu'elle en fait bénéficier les agriculteurs. Ce n'est pas son principal objectif.
Pour ce qui est de la Société du crédit agricole, pourquoi doit-elle éviter la vente libre, comme cela se fait pour les autres céréales, oléagineux et récoltes spéciales? Qu'y a-t-il de mal à ce qu'un agriculteur vende les produits qu'il récolte sur sa ferme? Ces questions sont importantes. Plutôt que de chercher à faciliter les prêts aux agriculteurs au moyen de la Société du crédit agricole et des programmes d'avance de fonds, le gouvernement devrait examiner ce qu'il peut faire pour réduire les impôts et modifier la commercialisation, de sorte que les agriculteurs puissent augmenter eux-mêmes leurs revenus.
On ne se bat pas pour que les autres céréales, oléagineux ou récoltes spéciales passent sous le monopole de la Loi sur la Commission canadienne du blé. Si cela ne dit rien au ministre, j'ignore ce qui le fera. Le recours au crédit serait moins grand si les agriculteurs pouvaient augmenter les revenus qu'ils tirent du blé et de l'orge, dont la vente relève actuellement de la Commission canadienne du blé.
À l'heure actuelle, la Commission canadienne du blé réglemente les exportations et les permis d'exportation de blé dans tout le Canada, sauf à l'extérieur de la zone désignée. Les agriculteurs de la zone désignée doivent assumer les coûts de ces permis et de leur administration. L'argent vient du compte collectif pour un service dont sont privés les agriculteurs du Manitoba, de la Saskatchewan et de l'Alberta, mais dont profitent l'industrie et les agriculteurs des autres parties du pays. Je prie le vérificateur général de bien vouloir examiner cette situation. On discutera de la question dans les prochaines semaines ou les prochains mois à la Chambre.
Même si le coût de la réglementation à l'extérieur de la zone désignée était insignifiant, il faudrait quand même se demander pourquoi les agriculteurs de l'Alberta, de la Saskatchewan et du Manitoba devraient assumer un tel coût sans bénéficier de la réglementation?
Une autre question qui sera posée au cours des prochaines semaines, et j'en avise le ministre responsable de la Commission canadienne du blé, c'est pourquoi un agriculteur doit-il racheter son propre blé pour l'exporter ou, dans le cas des producteurs de farine organique, pour le moudre au Canada? Si un agriculteur peut obtenir un permis pour exporter son grain ou le moudre lui-même, il n'y a rien d'intrinsèquement mal à moudre de la farine ou à exporter du blé.
La seule raison qui me vienne à l'esprit est que le ministre responsable de la commission veut garder les agriculteurs sous le joug de la Commission canadienne du blé, qui tient son pouvoir du gouvernement fédéral, en les assujettissant aux dispositions de rachat. C'est le moyen qu'a trouvé le ministre pour s'assurer que l'agriculteur n'ait aucun avantage économique à vendre son blé à la commission, puis à le racheter et à l'exporter.
Nous pouvons bien parler de crédit, mais il y a beaucoup de choses, comme la modification de la Commission canadienne du blé et l'élimination de la taxe d'accise fédérale de 4¢ sur le carburant, qui aideraient directement les agriculteurs. L'objectif du projet de loi modifiant la Loi sur la Société du crédit agricole est d'aider les agriculteurs.
En outre, il est très important que tous les députés s'expriment haut et fort pour dire qu'il y a beaucoup d'autres choses qui peuvent être faites pour aider nos producteurs primaires. Nous devons faire ces choses.
J'ai trouvé l'intervention du ministre de l'Agriculture intéressante. Nous avons pu savoir quelles étaient les vraies raisons qui justifient les modifications. Je me limiterai à deux d'entre elles.
Il a déclaré que la société aiderait un plus grand nombre d'entreprises agricoles à créer des emplois et à stimuler la croissance économique dans le Canada rural. Cela démontre clairement que le projet de loi est un instrument de la politique gouvernementale. Le gouvernement veut utiliser la Société du crédit agricole pour faire sortir l'agriculture de la crise dont il était question dans le discours du Trône. J'ignore si l'augmentation du nombre de bureaucrates et les directives du ministre vont permettre à l'agriculture de sortir de la crise. Nous devrions tout simplement libérer nos agriculteurs. Il suffirait dans certains cas d'enlever le gouvernement du chemin pour qu'ils se sortent de la crise.
Le ministre a également déclaré qu'il existe un véritable besoin de services pour aider les familles d'agriculteurs à se transmettre les exploitations d'une génération à une autre, tout comme les agriculteurs débutants ont besoin d'aide pour faire un bon départ. La Société du crédit agricole a déclaré au comité qu'elle n'avait aucun plan visant à aider le transfert des exploitations agricoles. La Société du crédit agricole est supposée être un organisme autosuffisant. Il faudra donc discuter à fond de la possibilité que les contribuables soient exposés à un risque plus grand.
M. David Anderson (Cypress Hills—Grasslands, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je félicite le député de Selkirk—Interlake pour son discours et je le remercie de partager son temps de parole avec moi. Nous sommes ici aujourd'hui pour débattre le projet de loi C-25, Loi modifiant la Loi sur la Société du crédit agricole.
Depuis l'adoption de la Loi sur le crédit agricole en 1959, le but de la Société du crédit agricole a été de consentir des prêts aux agriculteurs et aux personnes directement impliquées dans la production agricole. Un coup d'oeil historique sur la SCA montre que des changements majeurs se sont produits au fil des années, mais on peut voir que, au cours de ses 40 années et plus d'existence, la société a maintenu son mandat initial, qui était de consentir des prêts aux producteurs primaires. La SCA a été créée en 1959 pour donner du crédit aux agriculteurs, particulièrement aux producteurs primaires. À ce moment-là, le taux d'intérêt prévu dans la loi pour les prêts consentis aux agriculteurs était de 5 p. 100.
Durant les années 1960, la SCA a subi des changements considérables, allant de l'établissement d'une commission d'appel en 1965 à l'introduction, en 1968, d'un taux fondé sur le marché, qui permettait pour la première fois à la SCA de couvrir le coût de ses emprunts. Durant les années 1970, la SCA a pris de l'expansion et, en 1978, elle a affiché son premier excédent. Toutefois, les choses ont été fort différentes durant les années 1980. Cela a été une période difficile pour la majeure partie du secteur agricole. La SCA s'est retrouvée en difficulté, et le gouvernement fédéral a dû injecter 600 millions de dollars dans la société pour en assurer la solvabilité.
En 1993, la Loi sur la Société du crédit agricole a été adoptée, donnant plus de souplesse à la SCA pour financer des projets agricoles soumis par des agriculteurs. On ne consentait plus seulement de prêts pour l'achat de terres agricoles, mais aussi pour appuyer des entreprises agricoles. Cependant, ces entreprises devaient appartenir à des producteurs primaires.
Depuis quelques années, la SCA s'autofinance et continue à prendre de l'ampleur, mais depuis 40 ans qu'elle existe elle a toujours eu pour mandat d'aider les producteurs primaires à financer leurs entreprises liées à l'agriculture. Et voici qu'aujourd'hui nous débattons encore l'avenir de la SCA dans le cadre du projet de loi C-25.
Ce dernier apporte plusieurs modifications à la Société du crédit agricole. Il apporte des modifications importantes dans certains domaines et des modifications moins importantes dans d'autres domaines. Pour commencer, le projet de loi propose de modifier le nom de la société, qui deviendrait Financement agricole Canada, remplaçant ainsi Société du crédit agricole. Ce changement de nom, qui n'est pas nécessaire dans l'ouest du Canada où tout le monde connaît la Société du crédit agricole, a pour objet de mieux la faire connaître au Québec. J'espère que les dépenses encourues par ce changement de nom seront justifiées.
Le projet de loi propose des changements de fond plus importants qu'un changement de nom. J'aimerais parler aujourd'hui de trois ou quatre de ces changements. Le premier touche au financement sur actif corporel. Ce changement est considéré comme une chose positive s'il est bien fait. Puisque la SCA a pour rôle de consentir des prêts au secteur agricole, elle doit s'engager sur cette voie avec circonspection.
Si les députés regardaient ce qui se passe dans l'agriculture, particulièrement dans l'Ouest, avec la construction de porcheries et les projets de construction de parcs d'engraissement, ils verraient que les gens n'ont pas grand chose à donner en garantie pour ces projets. Pour que les prêteurs contribuent à leur financement, il faut qu'ils puissent détenir une participation.
Le projet de loi permettrait à la SCA de faire ce genre de choses et de constituer son portefeuille de prêts à partir de là. Ces projets représentent pour elle un risque plus élevé que la moyenne. Le projet de loi permet à ces gens de trouver des capitaux. Il donne également aux prêteurs l'occasion de protéger leurs intérêts.
Le deuxième changement proposé dans le projet de loi consiste à officialiser l'accord de crédit-bail auquel la SCA est déjà partie. Le crédit-bail offre aussi des possibilités aux producteurs. Il arrive que, pour différentes raisons, les gens ne veulent pas acheter leur propre équipement. Le crédit-bail leur permet de le louer. Certains préfèrent, pour des questions fiscales, louer l'équipement plutôt que l'acheter. Le producteur peut alors opter pour les services de son choix. C'est avantageux à la fois pour les producteurs et pour la SCA. D'autres établissements financiers ont participé par le passé à des accords de crédit-bail avec la SCA, par exemple, les coopératives de crédit. C'est une façon pour les bailleurs de fonds de se protéger.
Ce qui m'inquiète dans le crédit-bail, ce sont les terres et la façon dont elles sont gérées par la SCA. C'est à cause de la situation qui a prévalu durant les années 80 que, à un moment donné, la SCA s'est retrouvée avec plus d'un million d'acres sur les bras et il a bien fallu qu'elle fasse quelque chose avec ces terres. Une partie des terres a été louée à bail aux agriculteurs. Avec le temps, le nombre de terres qu'elle détenait a fini par diminuer, ce qui a été une bonne chose. Toutefois, le projet de loi ne dit pas si les baux fonciers formeraient ou non une partie importante des activités de FAC. Rien ne semble indiquer que FAC ait l'intention de se lancer dans les baux fonciers. Si tel est le cas, cela devrait être précisé dans le projet de loi.
Pour que nous puissions l'appuyer, le projet de loi doit préciser ce point. Les agriculteurs n'ont pas besoin de concurrence, surtout de la part d'une société financée par l'État.
Selon moi, le changement le plus important contenu dans le projet de loi concerne les critères d'admissibilité aux prêts. Je disais plus tôt que, jusqu'ici, la Société du crédit agricole a accordé des prêts aux producteurs primaires ou à une majorité de participants au projet qui avaient déjà été des producteurs primaires.
Le projet de loi C-25 va changer tout cela. Il sera dorénavant possible d'accorder des prêts à des entreprises liées à l'agriculture, mais qui ne sont pas contrôlés par des producteurs ou qui ne leur appartiennent pas. L'argument sur lequel repose cette modification est qu'elle facilitera la création d'entreprises à valeur ajoutée. Certains problèmes vont faire contrepoids aux avantages qui découleront de cette modification. J'aimerais parler de deux ou trois de ces problèmes.
Premièrement, et c'est l'aspect le plus important, le projet de loi modifie fondamentalement la politique et la philosophie de la SCA. Depuis 40 ans, la SCA a pour mandat d'assurer l'accès des producteurs primaires au crédit. Le projet de loi modifierait considérablement le mandat de la SCA, en réorientant son action, des agriculteurs aux entreprises agricoles.
Deuxièmement, je crois que ce projet de loi risque d'engendrer un conflit d'intérêts. D'autres institutions gouvernementales semi-indépendantes ont déjà offert des exemples de situations de conflit d'intérêts, où nous ne voulons pas voir la SCA se retrouver. L'exemple le plus important et le plus flagrant est celui de la Banque fédérale de développement. On nous a dit qu'il était normal que le premier ministre intervienne auprès de ces institutions pour influencer l'octroi d'un prêt.
Autant que je sache, la SCA n'a jamais fait face à ce genre de problèmes et d'accusations, et je crois qu'il doit continuer d'en être ainsi. Or, ce projet de loi risque d'engendrer des conflits d'intérêts, dont la SCA et les producteurs n'ont pas besoin.
Ma troisième crainte est que de grandes sociétés agricoles ou des coopératives agricoles ne fassent appel à l'aide financière de la SCA. Des entreprises de dimensions variables se sont déjà retrouvées en difficulté. Ce projet de loi permettrait à la SCA, pour la première fois, d'octroyer des prêts importants à de grandes entreprises. Si cela se produit, les petites exploitations et les petits agriculteurs n'auront plus accès au financement. Le projet de loi n'empêche pas la SCA de sortir d'affaire de grandes entreprises n'appartenant pas à de simples agriculteurs, et il s'agit toujours là d'une décision motivée et influencée par des considérations politiques.
Je voudrais terminer mon intervention d'aujourd'hui en formulant certaines conclusions. Tout d'abord, je tiens à répéter que la disposition du projet de loi concernant le financement par investissements me semble être une addition possiblement très positive. Il s'agira d'une amélioration si elle est bien appliquée et avec soin. Nous allons cependant réclamer des amendements sur deux des autres points que j'ai abordés, en ce qui a trait notamment à la limitation du crédit-bail au matériel.
La SCA détenait plus d'un million d'acres de terres dans son portefeuille, mais elle a réduit ce chiffre. Il y a deux ans, elle en détenait 360 000 acres, et ce chiffre est tombé à 120 000 acres l'année dernière. La SCA tâche de se départir de ces terres à en juger d'après la façon dont elle agit en l'occurrence. Il faut apporter à la loi une modification pour veiller à ce que la SCA ne se retrouve pas dans la même situation où elle se trouvait il y a dix ans.
Plus important, il nous faut une modification pour continuer d'exiger que les producteurs actifs soient les participants majoritaires pour être admissibles aux prêts de la SCA. Cela va à l'encontre de ce que dit le projet de loi, mais je pense qu'il est dans l'intérêt des producteurs primaires que nous insistions pour que cette exigence soit maintenue.
Durant 40 ans, la SCA s'est préoccupée d'abord et avant tout des producteurs primaires et de leurs exploitations agricoles. Il est essentiel que cela reste au centre des activités de la SCA. Or, le projet de loi semble éloigner la SCA de ce centre de préoccupation. La SCA devrait se limiter à sa mission historique et s'efforcer de faire du bon travail dans ce domaine au lieu de vouloir couvrir tout le panorama agricole. Le projet de loi C-25 a besoin de quelques amendements pour accomplir cet objectif.
[Français]
Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Neigette-et-la Mitis, BQ): Monsieur le Président, il me fait plaisir aujourd'hui de prendre la parole dans le cadre du débat sur le projet de loi C-25, Loi modifiant la Loi sur la Société du crédit agricole et d'autres lois en conséquence. Quand on modifie un projet de loi, effectivement, cela a toujours des conséquences sur d'autres projets.
Si j'ai bien compris l'essence du projet de loi, c'est que la Société du crédit agricole passait à travers une crise d'identité. C'est normal, à cette époque-ci et dans le contexte actuel des choses, que la Société de crédit agricole ne se trouve pas trop identifiée. Est-elle d'une province, d'un pays ou d'un autre pays? Donc, on a décidé de régler le problème d'identité et de lui donner un nom.
J'ai bien hâte qu'on puisse rencontrer les fonctionnaires, au moment où on étudiera le projet de loi article par article, pour qu'ils soient capables de justifier pourquoi, en changeant de nom et en lui donnant une identité canadienne, on bâtardise le français en même temps.
Auparavant, il s'agissait de la Loi sur la Société du crédit agricole. Maintenant, on change de nom et on l'appelle tout simplement «Financement agricole Canada». Ce sont trois mots qui n'ont aucun lien entre eux et qui n'ont aucun déterminant. Je me demande pourquoi il fallait faire ce changement. On aurait très bien pu l'appeler: «La Société du crédit agricole du Canada». Cela aurait suffit. Pourquoi est-ce qu'il faut ajouter «financement»? Cela ne nous dit pas comment c'est organisé. Cela nous dit qu'on finance; que quelqu'un, quelque chose ou un organisme quelque part finance le secteur agricole.
À mon avis, il n'y a pas eu là un effort bien louable de trouver quelque chose d'élégant en français, c'est le moins que l'on puisse dire. J'aurai des questions à poser sur ce manque de respect à l'égard de la langue française, parce que la linguistique m'apparaît assez court-circuitée. Cela m'apparaît inacceptable qu'on veuille changer de nom, en ne respectant pas les éléments essentiels de la langue.
D'autre part, le ministre a fait ressortir trois points dans son discours, et dans le sommaire du projet de loi, on indique six motifs pour modifier ce projet de loi.
Le ministre nous disait dans son discours qu'il voulait élargir l'étendue et la portée des services que la Société dispense actuellement.
C'est en soi une bonne nouvelle. Nos agriculteurs nous l'ont dit à plusieurs reprises, c'est un secteur industriel en crise. Les agriculteurs ont besoin de moyens financiers soit pour maintenir le cap, soit pour surmonter les difficultés, soit pour se développer, soit pour créer plus d'emplois, et ainsi de suite.
Donc, vouloir élargir la portée des services est en soi louable. Mais il ne faudrait pas que ce désir d'élargir pousse la nouvelle Société du crédit agricole à déborder du secteur primaire, par exemple, et vouloir de plus en plus financer le secteur de la transformation au détriment du secteur de la production.
Je n'ai pas vu dans la loi de soupape, de garantie, si on veut, ou une certaine sécurité qui nous permettrait d'être absolument certains que le financement agricole au Canada ne sera pas, tout d'un coup, parti en grande, ayant l'appât du gain lui aussi, comme toutes les sociétés de financement, et n'en viendra pas à vouloir de plus en plus négliger le secteur primaire des producteurs et des productrices agricoles pour aller faire de plus en plus d'argent en appuyant le développement de second niveau, qui est la transformation.
Le deuxième objectif est d'aider plus de familles agricoles à atteindre leurs objectifs à long terme. Voilà une bonne nouvelle, parce que nous voyons de plus en plus que l'agriculture familiale tend à disparaître.
En fin de semaine, je participais à un colloque qui se tenait à Sainte-Croix-de-Lotbinière, où les agriculteurs s'étaient donné comme thème de rencontre «Repenser l'agriculture». Ils s'inquiètent, à juste titre, du développement industriel de l'agriculture au détriment de l'agriculture familiale, qui est de taille raisonnable et qui permet à une famille, avec quelques enfants, de pouvoir vivre de leur travail sur la terre et de pouvoir penser laisser un héritage à leurs enfants.
Quand on voit les mégaproductions qui se développent de plus en plus dans différents secteurs et que, comme disait un agriculteur, vous avez deux millions et demi de réguines à passer à vos enfants avant de leur passer votre bien, peu de jeunes vont pouvoir s'installer en agriculture si on n'est pas attentifs à cette dimension.
C'est d'autant plus important que, si on néglige la production familiale—la petite ferme en soi—, nos communautés rurales vont se dépeupler. Un producteur agricole me disait que dans le village qu'il habite, dans Kamouraska, il n'y a qu'un seul enfant. Il n'y en a plus d'autres. Les autres sont partis parce qu'il n'y a plus d'école. Au lieu de prendre l'autobus pour s'en aller dans le village voisin, les gens s'installent directement dans le village voisin.
Dans certains villages, on a quatre, cinq ou six fermes abandonnées et qui avaient été, il n'y a pas si longtemps, au moment de la colonisation, déblayées et rendues à l'agriculture et qui, maintenant, sont en friche et retournent bien souvent à la forêt parce qu'on n'a pas d'autres moyens pour être capables de soutenir des jeunes qui voudraient s'y installer.
Eu égard à cet objectif de vouloir aider de plus en plus de familles agricoles à long terme, j'espère que la Société de financement agricole pourra toujours le conserver dans ses priorités et y donner suite.
Comme je l'ai déjà mentionné, un problème sur lequel on devra se pencher, lequel est un véritable problème social, et qui est le troisième objectif qu'on donnait à ce projet de loi, est celui d'aider les familles agricoles à faire la transition d'une génération à l'autre. Il faudra vraiment se pencher sur ce problème.
Il va falloir trouver des mesures incitatives et des mesures de facilitation pour que nos fermes familiales puissent être passées à la génération qui suit.
Quand quelqu'un a un bien qui doit passer à son fils, et qu'il n'est pas capable de le faire passer à son fils parce que les trois quarts vont s'en aller en impôt, on a là un problème majeur, à savoir que les gens essaient de se départir de leurs biens plutôt que de trouver des solutions à cela. Il faudra vraiment se pencher sur ce problème et aider les familles à passer leur bien à la génération qui suit.
Une fois qu'on a étudié les buts de ce projet de loi, on se rend compte que, en vertu des informations qu'on nous a données, ce projet de loi a fait l'objet de plusieurs consultations avant son dépôt. Il semblerait que les responsables actuels de la Société du crédit agricole aient consulté plusieurs organisations agricoles et que la majorité de ces organisations se disaient en faveur de la proposition de ce projet de loi.
Le gouvernement du Québec voit également d'un bon oeil les modifications qu'apportera le projet de loi, mais il estime que la nouvelle Société devrait continuer d'avoir une présence limitée dans le secteur agricole québécois.
Je pense que ce que souhaite le gouvernement québécois, c'est que la nouvelle Société de financement joue franc-jeu et ne vienne pas, par exemple, offrir sur le territoire du Québec des prêts à un taux d'intérêt inférieur à celui qu'on trouverait normalement sur le marché québécois, seulement pour que Financement agricole Canada vienne s'installer à outrance sur le territoire du Québec en faisant des ristournes sur les taux d'intérêt, comme la pratique se fait un peu.
J'ai moi-même eu des plaintes de quelques caisses populaires et des informations à l'effet que, dans certains milieux, même la Banque Nationale était victime de la manière d'agir de l'actuelle Société de financement agricole, qui offrait des prêts à un taux inférieur à ce que les gens trouvaient sur le marché à l'heure actuelle.
Il est bien évident que la nouvelle Société de financement agricole devra respecter les règles du marché et ne devra pas offrir des tarifs inférieurs pour s'attirer des clients. Il m'apparaît extrêmement important que la Société soit prudente de ce côté-là.
Quant à l'UPA, l'Union des producteurs agricoles du Québec, elle a effectivement été consultée en 1999. Pour autant que le projet de loi dont on lui avait parlé en 1999 est toujours le même, l'Union des producteurs agricoles était favorable aux principes du projet de loi.
Cependant, elle a une réserve importante. Elle s'oppose à ce que la nouvelle société de financement puisse prêter directement aux entreprises qui se retrouvent uniquement dans le secteur de la transformation.
Comme je l'expliquais dans mon préambule, il faudrait éviter que Financement agricole Canada détourne son action du secteur primaire vers le secteur de la transformation.
Elle craint également que cela entraîne un glissement du mandat de la Société de financement agricole, qui pourrait l'amener, dans le futur, à choisir de soutenir le secteur de la transformation au détriment du secteur primaire. Cela pourrait compromettre les beaux objectifs dont nous parlait le ministre de l'Agriculture la semaine dernière et dont j'ai aussi parlé tantôt, qui sont surtout d'aider nos jeunes familles agricoles à pouvoir s'installer et hériter des biens de leurs parents.
Si la Société de financement agricole se transforme et va plutôt vers la transformation, cela pourrait nous créer des problèmes.
Quels sont les motifs qui ont guidé les modifications que le gouvernement nous présente aujourd'hui? J'en ai retenu trois, dont la nécessité de donner aux exploitants agricoles un plus grand choix de services financiers et commerciaux. Cela est en soi une bonne nouvelle. Si le producteur agricole peut se présenter à une banque, à une caisse populaire, à la Société du crédit agricole, il sera probablement capable de négocier de meilleures conditions puisqu'il y aura concurrence. Il pourra parfois trouver un meilleur compte ou de meilleures conditions de prêt à un endroit qu'à l'autre. Il est bien important que la société ne doit pas avoir comme principe de toujours avoir un taux plus bas.
Elle ne peut pas accueillir dans son bureau un producteur agricole et lui dire: «Combien vous demandait la banque? Combien vous demandait la caisse? Moi je vous donne tout de suite en partant, un taux inférieur à cela.» Il ne faudrait pas que ça fonctionne ainsi, sinon ce serait fort désagréable.
Un autre principe qui guide les modifications est la nécessité de se pourvoir d'une plus grande souplesse dans ses structures. Souvent, les producteurs et productrices agricoles nous ont dit qu'il fallait effectivement plus de souplesse; souvent les règles sont compliquées, elles sont complexes, la bureaucratie est lourde, les choses n'en finissent plus de finir et d'aboutir.
Si Financement agricole Canada—j'ai du mal à retenir ce nom car cela n'a aucun sens en français et on ne peut pas le retenir—a plus de souplesse, les bénéficiaires seront vraiment les producteurs et les productrices agricoles.
On veut également permettre d'établir des partenariats qui pourront servir les producteurs à long terme. Cela aussi est extrêmement intéressant à envisager. Cela n'est pas possible pour l'instant, mais on voit que dans le développement économique de nos régions, c'est extrêmement important de pouvoir créer des partenariats parce que nous n'avons pas toujours les ressources nécessaires parmi les jeunes ou les producteurs eux-mêmes. C'est important de pouvoir créer des partenariats si on veut développer nos économies régionales.
Ce devrait être une préoccupation de ce gouvernement que de se pencher sur la situation des régions à l'heure actuelle, des régions-ressources qui se vident de leur population. Le jour où la ressource sera toujours là, mais que la population n'y sera plus, quand on ira chercher des ressources dans ces régions, cela nous coûtera pas mal plus cher que ce qu'il nous en coûte à l'heure actuelle.
Il est extrêmement important qu'on puisse conserver nos régions-ressources très vivantes, c'est-à-dire avec des économies permettant de maintenir le marché local, le vendeur d'essence, le petit dépanneur, l'épicerie, l'école, l'église, la caisse populaire, et ainsi de suite. Si on ne conserve pas cela dans nos régions, quand on se réveillera, ce sera trop tard et il faudra faire des programmes spéciaux pour se réapproprier le territoire qu'on aura abandonné. C'est un facteur extrêmement important.
Quelles sont les principales modifications? D'abord, il y a le nom qui change et l'appellation n'est pas du tout heureuse. J'espère qu'on pourra avoir des explications et au moins faire une phrase complète dans ce projet de loi. Quand on me donne comme réponse: «Ce sont les avocats qui nous ont suggéré cela», depuis toujours, je sais que les avocats sont des spécialistes du droit et non des spécialistes de la langue. C'est parce qu'ils ont autant de difficulté à l'écrire qu'on a autant de procès. S'ils étaient rigoureux dans la langue, s'ils prenaient les mots pour ce qu'ils veulent dire, on aurait moins de procès pour les interpréter.
Quand on me parle des avocats pour dire qu'ils nous aident au plan linguistique, je pense qu'il y a un problème de compréhension des responsabilités de chacun. L'avocat est bon dans le domaine juridique, mais la langue, ce n'est pas toujours sa force.
Les principales modifications vont permettre à la Société d'offrir des services commerciaux aux producteurs, directement ou dans le cadre d'un partenariat. Ces services sont notamment la planification commerciale, la planification successorale et la gestion foncière.
Étant donné que les populations sont vieillissantes dans nos milieux, il sera extrêmement important, et je vois arriver cela d'un bon oeil, que cette Société puisse aider nos communautés à la planification successorale, puisqu'il est important de s'assurer que les terres passent aux jeunes générations qui les veulent, et ce, à des conditions acceptables.
Ces services, il faut le souligner, sont déjà accessibles dans certaines zones, mais le projet de loi vise à les rendre accessibles dans tous les secteurs ruraux du Canada, et ce point est louable.
On permet à la Société, en plus, d'offrir un financement de crédit-bail aux producteurs et productrices agricoles. La loi actuelle n'empêche pas la Société d'offrir ce financement, mais le projet de loi veut en clarifier et en définir la portée.
Comme on le voit dans le secteur de l'automobile, cela a été un élément extrêmement important pour permettre aux gens de rouler dans des voitures plus confortables et en meilleur état, puisque plusieurs utilisent ce procédé pour remplacer leur voiture à des périodes normales.
Pour un jeune qui veut partir en agriculture ou qui veut prendre la succession de ses parents, mais qui veut se doter d'un équipement plus moderne, je suis d'avis que le recours au crédit-bail est sans doute une solution plus intéressante pour lui à envisager, au moins de penser que cela puisse lui être offert au lieu de penser qu'il doit immobiliser 200 000 $, 300 000 $ ou 400 000 $ pour du matériel, même avant de commencer à semer.
Cela permettra également d'offrir aux producteurs et aux entreprises agricoles un financement par action. Alors, la Société pourra participer directement au capital d'entreprises ou se servir de ces investissements pour attirer d'autres investisseurs.
Là encore, c'est une excellente nouvelle pour nos producteurs et productrices, pour nos coopératives agricoles ou pour les projets en développement dans certains secteurs par nos producteurs agricoles qui manquent de ressources. Donc, que cette possibilité leur soit offerte, c'est sûrement très bon pour eux.
La Société aura pour objectif de fournir des services financiers à des entreprises complémentaires misant sur l'agriculture. Encore là—je le précise et on en discutera lors de l'étude de ce projet de loi en comité—il faudra s'assurer que cela représente peut-être un pourcentage de ces effets ou de ces produits financiers qui vont de ce côté et s'assurer que le secteur primaire ne souffre pas de ce genre d'investissements.
Enfin, la Société pourra créer des filiales pour conclure des partenariats qui offriront de nouveaux services de façon indépendante de la Société existante. Encore là, ce sont de bonnes nouvelles mais, toujours avec le même bémol: éviter que l'intention du législateur soit détournée à d'autres fins par ce genre de souplesse qu'on veut introduire.
Il me fait plaisir de dire à la Chambre que le Bloc québécois est favorable à ce projet de loi et que nous en faciliterons l'adoption dans les meilleurs délais, de façon à ce que les producteurs et productrices agricoles puissent bénéficier des services qui seront offerts par cette nouvelle loi.
[Traduction]
M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD): Monsieur le Président, je suis très heureux de parler des changements qui toucheront la Société du crédit agricole. Je parle au nom du porte-parole de mon parti pour les questions relatives à l'agriculture, le député de la circonscription de Palliser, qui ne pouvait malheureusement pas être des nôtres aujourd'hui.
Permettez-moi aussi de saluer particulièrement et de remercier les douzaines d'agriculteurs de Musquodoboit Valley. Ils comptent parmi les meilleurs producteurs agricoles du pays. Je suis fier de prendre la parole en leur nom pour dire que mon parti et moi appuyons l'essentiel de ce projet de loi, bien que nous ayons des réserves sur certains points qui restent à régler.
Dans l'ensemble, nous remercions le gouvernement, car ces changements sont plus que nécessaires. À l'instar de notre collègue du Bloc, nous espérons qu'ils seront adoptés sans tarder. Nous espérons surtout que les principaux producteurs et les gens touchés directement par ce projet de loi continueront d'être consultés, car le dialogue revêt une importance cruciale pour l'avenir.
Peut-on oublier la crise à laquelle a été confrontée l'industrie agricole au cours des dernières années? Plusieurs d'entre nous ont participé aux ralliements agricoles qui ont eu lieu sur la Colline et aux quatre coins du pays, surtout dans les Prairies. Les statistiques indiquent que, dans les provinces de l'Ouest seulement, plus de 22 000 familles ont quitté leur exploitation agricole au cours des deux dernières années. Qu'est-ce qu'une crise si ce n'est pas ça?
J'entame ma quatrième année comme député, je suis encore un vert si l'on veut, mais j'ai toujours pensé que la responsabilité de l'industrie agricole incombait au gouvernement du Canada, sans égard à sa bannière politique. Si nous n'accordons pas toute notre attention à notre industrie agricole, je crois que nous négligerons malheureusement ce que je considère être la plus importante de nos industries.
Lorsque les députés ont pris leur petit-déjeuner ce matin, j'espère qu'ils ont eu une bonne pensée pour les gens qui sont prêts à se lever très tôt pour semer les produits dont nous avons besoin pour nourrir nos familles. J'espère également qu'ils y penseront ce soir en dînant. Je parle au nom de tous les députés lorsque je dis que nous sommes extrêmement fiers de notre industrie agricole. Nous sommes fiers des milliers d'agriculteurs et de leur famille qui triment dur dans les champs et dans les usines pour que nous puissions nourrir les nôtres. Ils travaillent en plus à un coût très raisonnable.
Le coût des aliments est relativement peu élevé au Canada, si l'on compare avec ce qui se passe dans d'autres pays. Les gens qui ont des difficultés financières s'inquiètent toujours du coût des aliments. Toutefois, comparativement aux autres dépenses que l'on doit faire pour le logement, l'habillement, le chauffage et autres, le coût des aliments est relativement peu élevé. C'est d'ailleurs là la base des problèmes auxquels nous faisons face aujourd'hui.
Le prix que les producteurs obtiennent pour leurs produits est très bas. C'est l'une des crises qui sévit au pays. Le blé est transformé en pain et le pain se vend dans les magasins, mais les profits qui en sont tirés vont en général à l'intermédiaire, c'est-à-dire au commerçant, au propriétaire du magasin et ainsi de suite. Le producteur primaire tire environ 6 cents sur un pain vendu un dollar. La situation doit changer pour que les producteurs primaires qui nous nourrissent et qui exportent vers d'autres pays obtiennent davantage pour le travail qu'ils font.
La SCA est une institution merveilleuse pour les agriculteurs qui ont besoin de diversifier leurs cultures ou d'acheter du nouveau matériel, car ils peuvent obtenir des fonds qui leur permettront de poursuivre leurs activités à l'avenir.
Un jeune homme de la Saskatchewan, accompagné de sa famille, et bien d'autres agriculteurs ont comparu devant notre groupe parlementaire, il y a quelques mois, pour décrire ce qui se passe dans l'exploitation familiale. J'ai demandé à ce jeune homme d'une douzaine d'années s'il deviendrait agriculteur, comme son père et son grand-père. Il a dit non. Je lui ai demandé si des camarades de son école songeaient à embrasser le métier d'agriculteur. Il a répondu non. Il faut donc se demander qui seront les agriculteurs de demain. Nous savons qui sont les agriculteurs d'aujourd'hui. Bon nombre d'entre eux traversent une crise parce qu'ils ne sont pas certains de pouvoir finir l'année.
Personne n'aime traverser crise après crise, année après année. Les agriculteurs savent fort bien qu'ils ont connu d'excellentes années et de mauvaises années. Ils ont toujours été capables de s'en tirer. Cependant, un nombre énorme d'agriculteurs des quatre coins du Canada, non seulement des Prairies, mais aussi de l'Ontario, du Québec et de l'Atlantique Canada, connaissent vraiment une période très difficile. Toute mesure que le gouvernement fédéral pourrait prendre pour leur venir en aide devrait être prise très rapidement.
Je suis parfois consterné lorsque j'entends le gouvernement fédéral dire qu'il dispose d'un nouveau programme d'aide basé sur un financement provincial et qu'il accordera 6 $ pour chaque dollar d'aide, mais les provinces doivent trouver les 4 $ supplémentaires. La Nouvelle-Écosse, qui enregistre une dette et un déficit très importants à l'heure actuelle, n'a tout simplement pas de fonds supplémentaires à accorder à ses agriculteurs.
La Nouvelle-Écosse soutient à juste titre que, si les coffres de l'État recèlent d'un excédent atteignant les milliards de dollars, le gouvernement fédéral devrait à tout le moins aider ces provinces et d'autres, en accordant une aide complémentaire aux agriculteurs pour que ces derniers puissent passer au travers de la crise et prendre des dispositions à long terme pour l'avenir.
Je sais que le ministre fédéral de l'Agriculture, qui est originaire de l'Ontario, est un homme correct, mais il a néanmoins fait au sujet des producteurs de pomme de terre de l'Île-du-Prince-Édouard une déclaration qu'il regrettera certainement, à mon avis, et jusqu'à la fin de ses jours. Il a affirmé que ces producteurs feraient peut-être mieux d'envisager de cultiver autre chose, au vu du différend récent avec les États-Unis.
C'est facile à dire, mais la pomme de terre de l'Île-du-Prince-Édouard est l'une des meilleures au monde. Les agriculteurs de la province ont décidé de diversifier leurs cultures en s'adonnant aussi à celle de ce tubercule. Ils ont mis en place l'infrastructure et acheté les machines agricoles appropriées, et ils ont construit les usines et recruté les travailleurs nécessaires. Maintenant, le ministre fédéral de l'Agriculture a changé son fusil d'épaule et déclaré que le différend opposant le Canada aux États-Unis étant difficile à régler, il y aurait peut-être lieu de cultiver un autre produit.
Le ministre fédéral croit peut-être sincèrement, mais je n'en suis pas convaincu, que les producteurs de pommes de terre de l'Île-du-Prince-Édouard vont lui dire: «D'accord, monsieur le Ministre; si vous souhaitez que nous diversifiions nos cultures, quelle denrée nous conseillez-vous de cultiver et le gouvernement fédéral nous y aidera-t-il financièrement?» Si c'est effectivement ce qu'il croit, le ministre devrait étayer ses propos d'une aide financière et peut-être que ces producteurs accepteront alors de cultiver autre chose. Si le ministre laisse entendre qu'ils doivent produire autre chose alors qu'ils cultivent la meilleure pomme de terre au Canada—c'est du moins l'opinion partiale que j'ai, moi qui suis du Canada atlantique—, qu'il les aide financièrement au moins.
Dans l'ensemble, les modifications proposées sont positives dans la mesure où la SCA continue de centrer son attention sur les producteurs primaires. C'est indispensable. La Fédération canadienne de l'agriculture nous a informés que, dans l'ensemble, elle ne s'opposait pas au projet de loi. La Centrale des caisses de crédit du Canada, qui représente toutes les coopératives d'épargne et de crédit du Canada, a formé un comité qu'elle a chargé d'étudier ce projet de loi. Au cours du processus de consultation, elle a appuyé d'emblée ce qui était proposé dans la mesure où les coopératives d'épargne et de crédit pourrait participer à certains services ayant trait à des investissements et des partenariats. Bien sûr, cela inclurait les Caisses populaires du Québec.
Cet aspect est extrêmement important. Le projet de loi C-8 qui restructure les institutions financières est actuellement à l'étude au Parlement. Adopté par la Chambre, il est en voie de l'être au Sénat et sera prêt à recevoir la sanction royale. Il apportera de grands changements dans le secteur financier du Canada. Quand tous ces changements se produiront, il sera très important de veiller à ce que les organisations telles que les coopératives d'épargne et de crédit et les Caisses populaires, qui jouent un rôle indispensable surtout dans notre pays et surtout dans nos régions rurales où sont établis les agriculteurs et les producteurs primaires, aient leur mot à dire et un rôle très important à jouer pour déterminer la manière dont la SCA mènera ses activités. Si elles le font, elles continueront de bénéficier de notre soutien.
Le Syndicat national des cultivateurs craint que la SCA centre moins son attention sur les fermes familiales et les producteurs primaires. Le gouvernement et la SCA ont promis que les agriculteurs et les producteurs primaires continueraient à être le centre d'attention de la société. C'est essentiel.
Afin de conserver l'appui, jusqu'ici tiède, du Syndicat national des cultivateurs, qui représente un nombre énorme d'agriculteurs d'un bout à l'autre du pays, il est impératif que le gouvernement, quel que soit le parti qui sera au pouvoir dans les années à venir, poursuive cet important dialogue avec les groupes tels que le Syndicat national des cultivateurs afin de s'assurer que les producteurs primaires des localités rurales et les fermes familiales participent pleinement à la prise des décisions.
Des consultations ouvertes et transparentes sont la meilleure façon d'y parvenir. On a souvent reproché au gouvernement fédéral—et je pense au dossier des Sea King, par exemple—de se dissimuler derrière ses propos, de ne pas s'occuper de certains problèmes et de ne pas être entièrement ouvert et transparent. Je supplie le gouvernement de ne pas faire cela en ce qui concerne nos craintes concernant le secteur agricole. Ce serait très triste.
Les activités de la société continueraient à viser principalement les petites et moyennes exploitations qui contribuent à la vie des localités rurales. Nous devons nous fier à la parole du gouvernement et des administrateurs de la SCA. Si ça s'avère, ils auront notre appui et l'appui de beaucoup de familles d'agriculteurs d'un bout à l'autre du pays.
Je tiens à rappeler au gouvernement et aux opposants d'un bout à l'autre du pays qu'il est impératif de maintenir cet aspect de la société et de ne pas perdre de vue cette mission principale dans les années à venir.
En fait, la SCA n'a qu'une poignée de clients dont le chiffre d'affaires dépasse 5 millions de dollars. Pour la majorité, ses activités habituelles concernent les petites ou moyennes exploitations familiales. Cela est extrêmement important.
Une autre préoccupation concernant un grand nombre de fermes familiales ces jours-ci est le financement par crédit-bail. Aux termes de la nouvelle loi, la SCA offrirait ce genre de financement, soit directement, soit dans le cadre de partenariats avec des exploitants. Il y a un besoin croissant de financement par crédit-bail dans le secteur agricole pour les exploitants qui veulent pouvoir gérer leurs liquidités avec plus de souplesse. La loi de 1993 n'empêche pas la SCA d'offrir un financement par crédit-bail. Toutefois, les nouvelles modifications clarifient l'étendue des services que la Société peut offrir dans ce domaine. Surtout, grâce à une structure financière plus souple, la SCA pourra créer des filiales qui sauront offrir, en collaboration avec d'autres organisations, des programmes financiers vraiment complets.
Compte tenu de ce que prévoit le projet de loi C-8 et de la concentration de nos institutions financières, il importe beaucoup, du moins selon moi, que les agriculteurs et les producteurs primaires aient la possibilité d'obtenir les meilleurs taux d'intérêt possibles lorsqu'ils ont besoin d'emprunter. La société aura accès à d'autres instruments de gestion financière pour établir son portefeuille et offrir une vaste gamme de services aux exploitations agricoles. Une structure financière vraiment souple contribuera à la viabilité de la SCA et à sa capacité de servir l'agriculture à long terme. Il y a certes là un besoin.
Le Canada mérite et exige une politique agricole complète qui réponde vraiment aux besoins de l'exploitation agricole familiale et du producteur moyen et qui assure une fois pour toutes aux Canadiens qu'ils seront désormais en mesure de répondre à tous leurs besoins alimentaires. Un nombre incroyable d'entre eux craignent que notre pays ne perde sa souveraineté agricole. Nous ne pouvons tout simplement pas tolérer que cela arrive.
Je n'ai pas pu m'empêcher de remarquer qu'un des plus grands défenseurs de l'exploitation agricole familiale, un Ontarien, est ici présent à la Chambre. Je le remercie des efforts qu'il déploie pour soulever la question de l'exploitation agricole familiale à la Chambre des communes et auprès de son gouvernement. On devrait le féliciter pour son travail de conscientisation de la population à la crise de l'exploitation agricole familiale.
D'autres problèmes existent dans tout le Canada. Nous voudrions nous assurer que celui de l'exploitation agricole familiale ne fasse pas seulement l'objet d'un débat à la Chambre pour être ensuite oublié. Nous voudrions que l'on continue d'en parler à la Chambre et que l'on sache apporter les modifications nécessaires en temps opportun.
C'est avec beaucoup de plaisir que, tous les mois de septembre et d'octobre, je rapporte avec mois à Ottawa une centaine de livres de pommes de toutes sortes de la vallée d'Annapolis que je distribue allègrement.
M. Rick Borotsik (Brandon—Souris, PC): Apportez des homards.
M. Peter Stoffer: Mon collègue de Brandon—Souris voudrait que j'apporte des homards. Peut-être demain, s'il le veut. Nous pourrions déjeuner ensemble.
J'aime apporter des pommes d'Annapolis à Ottawa. Je les cueille dans l'arbre, et je les remets aux cent premières personnes que je vois. Ces pommes viennent de familles d'agriculteurs et de pomiculteurs qui sont très fiers de leur produit.
Tous ceux qui se rendent dans la splendide vallée de l'Annapolis peuvent constater à quel point ses habitants sont fiers de leurs magnifiques produits. Quand on se promène dans la campagne de l'Île-du-Prince-Édouard, on voit la fierté des agriculteurs qui produisent d'excellentes pommes de terre. Un grand compositeur canadien, Stompin' Tom Connors, a écrit une très belle chanson intitulée Bud the Spud. Je la recommande vivement à ceux qui veulent se divertir un moment. Elle est fabuleuse.
Nous avons déjà discuté de l'agriculture, de son rôle important pour notre alimentation, de l'application d'une politique agricole. Cependant, la majorité des Canadiens habitent maintenant dans les villes et certains ont oublié la vie qu'on mène dans les exploitations agricoles familiales. Je conseille instamment à tous les députés et à leurs familles de prendre le temps d'aller dans une de ces fermes et de remercier les agriculteurs du travail qu'ils accomplissent et de la grande qualité des aliments que nous consommons tous les jours. Ce serait une lourde perte que de perdre nos agriculteurs.
Au nom des producteurs de ma circonscription, celle Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, c'est avec grand plaisir que j'appuie le projet de loi à l'étude aujourd'hui. Nous convenons avec le gouvernement que l'étude de cette mesure doit progresser assez rapidement pour que les agriculteurs et les producteurs primaires puissent poursuivre leurs intenses activités.
M. Dennis Mills (Toronto—Danforth, Lib.): Monsieur le Président, j'aimerais prendre quelques minutes pour commenter les propos de mon collègue du Nouveau Parti démocratique qui a fait allusion au fait que les députés urbains ne semblent pas comprendre vraiment les stress et les tensions des agriculteurs. Je sais que tous les députés comprennent que le temps passe.
Mes commentaires s'adressent donc au député et aux fonctionnaires du ministère de l'Agriculture. Le 20 février, nous nous sommes tous réunis à la Chambre des communes pour affirmer que nous voulions faire davantage, que nous voulions appuyer notre ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire à la table du Cabinet pour qu'il obtienne des fonds suffisants pour l'ensemencement du printemps, le 1er avril.
Je me suis rendu dans ma circonscription le week-end dernier et je dois admettre que je suis absolument gêné. Sous la direction du ministre de l'Agriculture, tous les députés et tous les partis ont obtenu qu'on injecte une somme supplémentaire de 500 millions de dollars dans le système. Cependant, cet argent n'a pas été transmis aux agriculteurs. Et pourtant, les agriculteurs sont là. Si on se promène dans les régions rurales ces jours-ci, on peut voir que les agriculteurs sont là et ensemencent leurs champs.
Nous affirmons que les citadins ne comprennent pas autant qu'ils le devraient les défis et les tensions des fermes familiales au Canada. Par votre intermédiaire, monsieur le Président, j'aimerais demander aux fonctionnaires des ministères de l'Agriculture de tout le Canada, du ministère fédéral de l'Agriculture et du Conseil du Trésor, là où cet argent est traité, de bien vouloir le transmettre aux agriculteurs car les députés à la Chambre des communes avaient déclaré à l'unanimité que cet argent serait transmis aux destinataires à la fin du mois de mars au plus tard.
M. Peter Stoffer: Monsieur le Président, je remercie le député de son observation. Ce qu'il dit au sujet des 500 millions de dollars octroyés le 20 février est tout à fait juste. Nous, de ce côté-ci de la Chambre, avons convenu avec d'autres qu'il aurait fallu attribuer environ 400 millions de dollars de plus. Cela dit, le fait que les fonds nécessaires n'aient pas été envoyés au moment opportun est absolument inexcusable.
Je vais prendre un instant pour signaler que le député de Malpeque, à l'Île-du-Prince-Édouard, a été très critique à l'égard du ministère de l'Agriculture et qu'il lui a reproché d'être déconnecté de la réalité dans les exploitations agricoles. Je crois que ses critiques sont parfaitement légitimes, car le ministère est tout simplement déconnecté de la situation que vivent les familles d'agriculteurs dans notre pays.
À mon avis, tout ce que le député du Parti libéral a maintenant à faire, c'est d'aller rencontrer le ministre des Finances et le premier ministre pendant la période des questions et de leur dire de commencer à s'occuper de nos familles d'agriculteurs. Il aura certainement notre appui à cet égard.
M. Rick Borotsik (Brandon—Souris, PC): Monsieur le Président, j'ai écouté les observations de l'intervenant précédent. Nous avons abordé dans une optique différente le projet de loi dont nous sommes actuellement saisis, celui qui concerne la Société du crédit agricole. Je parlerai toutefois brièvement de cette autre optique.
Comme les députés le savent, je suis le porte-parole du Parti progressiste-conservateur en matière d'agriculture. De toute évidence, j'ai été souvent en rapport avec des députés de ce côté-ci, mais aussi avec des députés du parti ministériel ainsi qu'avec des producteurs. Dans ma circonscription, l'agriculture est la pierre angulaire de notre économie et je m'occupe donc de cette question quotidiennement.
Une somme de 500 millions de dollars a été attribuée à l'économie agricole et doit revenir aux producteurs, mais les provinces ont différents moyens pour octroyer ces fonds. Au Manitoba, cela se fait grâce au 2e volet du Programme d'ajustement Canada-Manitoba. Les contributions provinciales et fédérales totaliseront environ 92 millions de dollars. On a établi un plafond d'environ 11 000 $ par producteur. Je signale au député de Toronto—Danforth que le montant de 11 000 $ peut sembler énorme. Cependant, il coûte en moyenne à un producteur de 120 000 $ à 150 000 $ pour ensemencer ses terres. Les coûts des facteurs de production, c'est-à-dire des fertilisants, de l'essence, des pesticides sont inclus. Dans les circonstances, on ne peut pas dire que 11 000 $ soit une somme considérable.
Le député de Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore avait raison de dire qu'on aurait besoin d'une somme supplémentaire de 400 millions de dollars. Celle-ci aurait porté le montant de l'aide envisagée à ce moment-là à 900 millions de dollars, ce qui aurait été plus raisonnable.
Je ne veux pas faire de cela un débat, mais chaque député de ce côté-là de la Chambre avait voté contre l'affectation d'une somme supplémentaire de 400 millions de dollars. Ce n'était pas une motion de censure. Cela n'avait pas été prévu ainsi. La somme d'argent dont on avait besoin à ce moment-là n'est jamais venue.
La fraction des 500 millions de dollars devant échoir à chaque bénéficiaire n'est pas suffisante pour inciter la plupart des producteurs à rester sur leur ferme et à cultiver cette année. Ce qu'il faut absolument, c'est une politique de protection du revenu sensée et à long terme qui offrira aux agriculteurs l'espoir d'obtenir un juste prix pour leurs récoltes et l'assurance qu'ils pourront continuer d'exploiter leur ferme toute leur vie, et que leurs enfants et leurs petits enfants pourront le faire à leur tour.
Nous ne sommes pas ici pour parler uniquement d'agriculture, mais aussi d'une composante du secteur agricole au Canada, soit la Société du crédit agricole. Comme nous l'avons vu depuis le début de ce débat, l'agriculture a changé au cours des quelques dernières années. En fait, elle a même changé depuis l'an dernier. La Société du crédit agricole doit maintenir sa capacité de soutenir la concurrence dans un secteur agricole en évolution constante.
La Société du crédit agricole a été créée le 5 octobre 1959 par le gouvernement conservateur de M. Diefenbaker, lorsque la Loi sur le crédit agricole a été adoptée pour assurer une source constante de services de prêt sur laquelle les agriculteurs pourraient compter durant tous les cycles économiques. À ce moment-là, la société avait pour mandat de fournir un seul produit à un seul taux, c'est-à-dire des prêts hypothécaires de premier rang d'une valeur maximale de 20 000 $.
Si je mentionne cela, c'est que nous avons beaucoup progressé depuis 1959, et la Société du crédit agricole doit évoluer en même temps que le secteur agricole.
Durant les 34 premières années, la Société du crédit agricole et la Loi sur le crédit agricole ont subi de nombreuses transformations pour suivre l'évolution du secteur agricole. En 1968, les sociétés agricoles sont devenues admissibles à des prêts de la SCA. En 1975, la limite des prêts a été haussée à 150 000 $. En 1982, des modifications à la loi ont conduit à l'introduction de nouveaux types de prêts, et la SCA a fait ses débuts sur les marchés financiers.
En 1993, la Loi sur le crédit agricole a été remplacée par la Loi sur la Société du crédit agricole, qui a élargi le mandat de la SCA pour mieux répondre aux besoins du secteur agricole. La SCA pouvait désormais offrir divers produits, par exemple du financement pour l'achat ou l'amélioration de terres ou de bâtiments agricoles, pour l'achat de biens personnels à des fins agricoles et pour la consolidation de la dette. La nouvelle loi permettait aussi à la SCA d'appuyer la production à valeur ajoutée en fournissant du financement pour des entreprises diversifiées à la ferme ou à l'extérieur de la ferme.
La loi a aidé la SCA à s'adapter au marché sans cesse changeant. Le portefeuille de prêts de la Société du crédit agricole est passé de 3,4 milliards de dollars au moment de l'adoption de la loi, en 1993, à six milliards de dollars aujourd'hui. Cette société d'État a actuellement 900 employés qui servent 44 000 clients dans 100 bureaux répartis dans tout le Canada.
La Société du crédit agricole est un organisme responsable. Elle a une raison d'exister. En 1959, on a délimité un besoin, défini des objectifs et la Société du crédit agricole est née. Elle est une bonne société d'État qui fournit un service de grande valeur aux nombreuses exploitations agricoles canadiennes clientes.
C'est une banque. Qu'on ne s'y trompe pas. Je sais qu'il y a partout des gens qui n'aiment pas faire affaire avec les banques, peu importe de quel genre.
Ces gens empruntent de l'argent. Il y en a qui n'aiment pas rembourser leurs prêts, aussi mettent-ils tout sur le dos des banques. Mais la Société du crédit agricole est une bonne banque. Elle fait ses affaires dans les règles. Elle injecte de l'argent dans le secteur agricole, récupère cet argent auprès des producteurs qui ont emprunté et le réinjecte dans le secteur agricole. Il s'agit d'un organisme autosuffisant.
L'an dernier, la Société a réinjecté des sommes records dans l'économie. Elle a en effet prêté un montant record de 1,7 milliard de dollars aux agriculteurs. Nous reconnaissons que le monde agricole connaît en ce moment certaines difficultés. Pourquoi la banque prêtait-elle ce montant record? S'agissait-il de vieux prêts renégociés? On m'a dit que non.
Quelque 200 millions de dollars de ce montant ont servi à la renégociation de vieux prêts, mais il y avait 1,5 milliard d'argent frais versé à des producteurs pour leur permettre d'agrandir leur exploitation, de diversifier leurs activités et de se doter d'unités de transformation à valeur ajoutée. C'étaient de bons investissements.
La banque doit accroître ses capacités pour pouvoir soutenir la concurrence dans un monde où l'agriculture a besoin de mesures et de programmes nouveaux et novateurs. Elle le fait depuis 1959, où elle a commencé avec un prêt hypothécaire maximal de 20 000 $ à taux unique. Elle offre maintenant toute une gamme de programmes, et le projet de loi à l'étude lui permettra maintenant d'offrir aux producteurs de nouveaux produits qui leur permettront de continuer d'exercer leur activité.
Le gouvernement progressiste-conservateur a amélioré la gestion de la SCA. Nous avons créé le plan de capitalisation de la SCA en 1990 pour permettre aux agriculteurs de prolonger leur baux et de racheter des terres lorsqu'ils en avaient les moyens.
Les progressistes-conservateurs ont déplacé le bureau principal de la SCA à Regina afin que celle-ci soit plus proche de ceux à qui elle fournissait le plus de services, soit à la majorité de la clientèle de la Saskatchewan, du Manitoba et de l'Alberta.
Nous avons adopté un projet de loi prévoyant l'élargissement du rôle de la SCA pour qu'elle puisse consentir des prêts aux agriculteurs voulant diversifier leurs activités. La banque a pu consentir des prêts à des agriculteurs voulant diversifier leurs activités afin de s'améliorer.
Le projet de loi C-25 renferme un certain nombre de dispositions dont je parlerai et que je remettrai en question, dans certains cas. Il importe de savoir ce que pensent les gens qui seront les premiers touchés par un projet de loi. Nous voulons aussi entendre le pour et le contre des amendements proposés au projet de loi.
Permettez-moi d'ajouter autre chose. Le président de la Société du crédit agricole a témoigné devant le comité de l'agriculture la semaine dernière. Il y a environ une semaine de cela, j'ai pris la parole dans le cadre d'une initiative parlementaire pour dire que je souhaitais voir les sociétés d'État, y compris la Commission canadienne du blé, assujetties aux règles régissant l'accès à l'information.
Des députés ministériels m'ont accusé assez durement de m'en prendre par la bande à la Commission canadienne du blé. Loin de moi cette idée, ma seule préoccupation étant la transparence et la reddition des comptes des sociétés d'État.
Il se trouve que la Société du crédit agricole est une société d'État. J'ai demandé au président si la Société était assujettie à la Loi sur l'accès à l'information, et il m'a dit que oui. Pour obtenir une information sur la SCA, il suffit présenter une demande en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.
J'ai demandé au président si cela avait vraiment un effet dissuasif dans un univers aussi concurrentiel que celui des activités bancaires. Il nous a expliqué que ce n'était pas le cas, que la loi l'autorisait à ne pas divulguer certaines informations névralgiques susceptibles de compromettre la position concurrentielle de la société, et qu'en gros, la Loi sur l'accès à l'information ne nuisait pas aux activités de celle-ci. Je dis aux députés ministériels qu'il s'agit d'une société d'État qui livre une vive concurrence aux banques, aux coopératives d'épargne et de crédit et à d'autres établissements de crédit et qui peut s'adapter aux circonstances tout en observant la Loi sur l'accès à l'information.
Le projet de loi constitue un pas dans la bonne direction. Le Parti conservateur appuie son renvoi au comité après la deuxième lecture. Il nous tarde de poser des questions précises aux intervenants qui témoigneront devant le comité et d'obtenir leur point de vue sur le projet de loi.
La première chose que ferait ce projet de loi, ce serait remplacer le nom de la Société du crédit agricole auquel j'ai toujours été habitué et que je connais bien par Financement agricole Canada. Il n'y a pas tellement de différence entre les deux.
Nous savons tous que la Société du crédit agricole est une institution fédérale. On me dit que si l'on remplace le nom, c'est seulement pour que les gens reconnaissent tout de suite qu'il s'agit d'une institution fédérale. Quand les clients s'adresseront à Financement agricole Canada, ils sauront tout de suite qu'ils ont affaire à une institution fédérale et non pas à une institution provinciale.
Un nom en dit long. Peut-être pourrait-on m'expliquer pourquoi ce changement est absolument nécessaire. J'aimerais savoir combien cela va coûter de remplacer le nom de la Société de crédit agricole par Financement agricole Canada. Il va falloir changer l'entête sur le papier à lettres, les outils concrets, les documents, tout cela va coûter des sommes considérables, de même que les changements légaux. Peut-être serait-il préférable d'utiliser cet argent au profit des producteurs, pour leur accorder des taux moins élevés, voire leur fournir plus d'appui. Nous devrions examiner la question.
Le mandat de la SCA sera étendu; la société offrira tant des services commerciaux que des services financiers aux exploitations agricoles, notamment les fermes familiales, et aux entreprises liées à l'agriculture. Notre parti approuve cet élargissement du mandat de la SCA.
L'agriculture connaît d'importants changements. Seulement dans ma circonscription, l'économie est en général reliée directement ou indirectement à l'agriculture. Nous avons souvent dit que nous ne pouvons pas simplement vendre les matières premières à la ferme et nous attendre à en tirer un revenu permettant aux gens de rester sur la ferme. Nous devons ajouter de la valeur à ces produits. Nous devons voir à ce que ces entreprises puissent prendre les matières premières et les transformer en autre chose qu'en un boisseau de blé ou d'orge qui sera expédié ailleurs.
Cela suppose toutes sortes d'occasions. Dans ma région par exemple, il y a une usine de transformation du porc ultra moderne, ce qui signifie qu'on doit produire davantage de matières premières. Cette matière première exige bon nombre d'investissements dans les fermes porcines, les exploitations bovines et les productions de poulets. La Société du crédit agricole doit être en mesure de financer ce genre d'opérations pour permettre la diversification de la communauté agricole.
Si on va un peu plus loin, il est maintenant possible de songer à la production et à la transformation dans d'autres domaines. Nous avons dans notre région une usine qui produit du carton paille. La SCA devrait être et sera en mesure de financer ces opérations pour que la paille provenant de la production agricole puisse servir à produire d'autres biens de valeur.
La SCA devrait également être en mesure de faire des contrats d'action, ce qui lui donnerait une autre possibilité d'étendre ses services.
La SCA sera autorisée à fournir des prêts à des entreprises reliées au domaine agricole, que l'entreprise appartienne en majorité à des agriculteurs ou non. À l'heure actuelle, les entreprises doivent appartenir à des agriculteurs. On peut maintenant outrepasser ce cadre et financer des prêts consentis à des entreprises qui n'ont pas de répercussions directes sur les agriculteurs. C'est une bonne chose. Cela permet d'accroître les services offerts par la SCA.
La Société du crédit agricole pourrait assurer la constitution, la dissolution ou la fusion de filiales. Elle pourrait offrir du crédit-bail à l'égard de biens destinés à l'exploitation agricole ou à l'entreprise liée à l'agriculture. Ce dernier élément constitue une modification du mandat de la SCA. Il permettrait aux exploitations de libérer des liquidités afin de les affecter à l'exploitation ou à l'expansion de leur propre entreprise.
La SCA pourrait acquérir et aliéner des participations dans l'exploitation agricole ou l'entreprise liée à l'agriculture. Le président de la Société du crédit agricole en serait le premier dirigeant. Le projet de loi contient des dispositions qui permettent la désignation, au besoin, d'un président par intérim et d'un président du conseil par intérim. Ces dispositions sont conformes aux bonnes pratiques d'entreprise.
Comme je le disais plus tôt, la SCA est une entreprise bien gérée et autonome. Cette société compte 6 milliards de dollars de prêts non remboursés, mais elle est autonome et doit s'aligner sur les pratiques des entreprises au XXIe siècle.
Certains aspects du projet de loi risquent de soulever des questions et des critiques. J'ai parlé du changement de nom et du coût. Le projet de loi pourrait amener la SCA à concurrencer directement, ce qui n'est pas nécessaire, les coopératives de crédit et les banques. La SCA a pour mandat de prêter de l'argent aux agriculteurs et non pas aux détaillants d'équipement et aux syndicats du blé.
Je crois que nous devons nous interroger à ce sujet, sans nécessairement nous y opposer. La concurrence oblige a trouver de nouveaux débouchés. La concurrence n'est pas une chose si terrible pour l'industrie bancaire, comme elle ne l'est pas non plus pour l'industrie de la commercialisation du grain. Les banques et les coopératives de crédit peuvent soutenir la concurrence de la SCA. Je ne crois pas que les règles accordent des avantages indus à la SCA et je suis convaincu que les institutions bancaires partagent ce point de vue.
Le projet de loi accroît les pouvoirs de la SCA en matière de prêts, mais les agriculteurs n'ont pas besoin de s'endetter encore davantage. C'est là une de mes inquiétudes. L'accès à un crédit accru n'est peut-être pas la meilleure solution pour les agriculteurs à l'heure actuelle. Malheureusement, les institutions bancaires contribuent trop souvent à alimenter les problèmes au lieu de les résoudre. Les banques consentent des prêts aux agriculteurs dès lorsque leurs terres ont une valeur nette. Ce n'est pas nécessairement idéal. Toutefois, je fais confiance à la Société du crédit agricole, qui sait ce qui convient le mieux à ses besoins propres, à ceux de ses clients et à ceux de l'industrie.
Nous n'avons entendu l'avis des autres députés, des intervenants et des groupes de l'industrie, mais c'est à cela que sert le comité, entendre les différents avis. Peut-être que, lors de la comparution des témoins, nous pourrons examiner plus à fond le projet de loi et prendre en compte leurs idées sur le pour et le contre de cette mesure.
Au nom du Parti progressiste-conservateur, je signale que nous voterons en faveur du projet de loi. Je suis sincèrement d'accord avec le mandat de la Société du crédit agricole. Cet organisme me semble accomplir un travail exceptionnel, compte tenu du fait qu'il joue une rôle de banquier et que les banquiers inspirent à peu près autant de respect que les hommes politiques. Quoi qu'il en soit, en tant qu'établissement financier, la Société du crédit agricole offre, à mon sens, les services dont la communauté agricole a besoin.
Je suis impatient de revenir à la Chambre après l'examen en comité, avec peut-être des amendements. J'ai bien hâte d'y revenir à l'étape de la troisième lecture pour annoncer que certaines des parties prenantes ont proposé des changements intéressants à une mesure que j'estime bonne.
M. Roy Bailey (Souris—Moose Mountain, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je voudrais adresser une question au député du Parti conservateur. Elle porte sur l'inondation qui a eu lieu dans le sud-ouest de sa circonscription et dans le sud-est de la mienne. À l'heure actuelle, environ 100 000 acres sont inondés dans ma circonscription.
À propos de la Société du crédit agricole, je voudrais retourner à cette époque, car les habitants de ces parties de ma circonscription et de celle du député ne se sont jamais pleinement remis financièrement de cette inondation. Je me demande si le nouveau règlement de la Société du crédit agricole s'appliquera à cette région ruinée et dévastée et si la SCA jugera bon d'aider ces habitants à relancer leur économie agricole. Des photographies comme celle que j'ai actuellement en main nous montrent que ces gens sont ruinés.
Pour obtenir l'assurance-récolte, les agriculteurs devaient ensemencer. Ils devaient également récolter. Ils ont donc récolté de l'orge d'environ 38 livres et du blé de moins de 30 livres, et ces récoltes sont toujours dans leurs silos. Ils ne peuvent ni les vendre ni les donner et, pourtant, lorsqu'ils ont demandé de souscrire au programme fédéral ACRA, ils devaient les inscrire comme des produits vendables.
Le député pense-t-il que le nouveau projet de loi que nous débattons actuellement aidera vraiment les habitants de Gainsborough, en Saskatchewan, ou de Melita, au Manitoba?
M. Rick Borotsik: Monsieur le Président, je sais où vont les sympathies du député de Souris—Moose Mountain. Mes sympathies sont allées aux producteurs de ma région et de sa région en 1999 lorsqu'un grand nombre de nos électeurs n'ont pas pu planter. Il n'y a pire chose pour un producteur que de ne pas être en mesure de faire pousser quelque chose sur ses terres.
Je pourrais dénoncer le manque de sensibilité du gouvernement qui n'est pas venu en aide à la région contrairement à ce qu'il avait fait pendant la tempête de verglas, lors des inondations de la rivière Rouge et dans d'autres situations. Toutefois, là n'est pas la question. La question est de savoir si le projet de loi permettra à la SCA de donner les outils nécessaires à ces régions et d'y investir l'argent dont elles ont besoin.
La SCA a toujours eu les outils nécessaires pour investir dans ces régions, mais sur une base individuelle. Le député est agriculteur. Il sait que chaque exploitation est traitée différemment. Chaque exploitation produit des denrées différentes, a un niveau d'endettement différent et des liquidités différentes, et chacune doit être traitée de manière individuelle.
Comme toute autre banque, la SCA considère la possibilité d'être remboursée comme la condition décisive pour mettre davantage d'argent dans ces régions. J'estime que la SCA devrait envisager d'investir dans ces régions, certainement beaucoup plus sérieusement que certaines des grandes banques nationales qui s'en retirent. Je suis certain que le député conviendra que les banques ne sont pas particulièrement accommodantes pour les agriculteurs, que ce soit dans nos régions ou ailleurs. Seule la SCA envisage d'investir dans ces régions.
Les coopératives de crédit s'y risquent elles aussi. J'applaudis très fort les sociétés de crédit qui sont prêtes à remettre de l'argent dans les localités agricoles, particulièrement dans nos régions.
C'est dur. Cela ne fait aucun doute. Il y a des gens dans la région touchée par les inondations qui ne pourront pas planter cette année. C'est aussi simple que cela. Est-ce que les terres seront exploitées? Dans la plupart des cas, oui, elles seront louées et exploitées par quelqu'un d'autre, mais peut-être pas par qui elles devraient l'être. Elles devraient être exploitées par les gens à qui elles appartenaient à l'origine, mais qui ont décidé d'abandonner l'agriculture. C'est triste. C'est quelque chose que nous essayons d'empêcher, mais malheureusement, le gouvernement ne nous écoute pas.
M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD): Monsieur le Président, j'ai une question à poser au député de Brandon—Souris. Comme il le sait, la SCA a maintenant élargi ses activités pour les étendre à l'aquaculture. Ce secteur d'activité devrait-il relever du ministère des Pêches et des Océans ou bien de celui de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire?
Beaucoup de pêcheurs commerciaux et le Conseil canadien des pêcheurs professionnels se sont dits inquiets de voir l'État prêter à des entreprises aquicoles alors que les sujets de préoccupation qu'inspire l'aquaculture en matière environnementale n'ont pas encore fait l'objet d'un débat complet ni de recherches exhaustives. Le député ou son parti trouvent-ils inquiétant que l'État fournisse des fonds à des entreprises aquicoles?
M. Rick Borotsik: Monsieur le Président, il s'agit de l'un des rares domaines à l'égard duquel je n'ai pas d'expérience ni de connaissance. Cependant, moi non plus je n'ai pas reçu de pomme. On a distribué une centaine de pommes, mais je n'en ai pas eu. Cela a peut-être quelque chose à voir avec le fait que je ne connais pas grand chose à l'aquaculture.
Je sais cependant que l'aquaculture est financée par la SCA. Ce secteur devrait plutôt l'être par un programme quelconque de capital-risque. L'aquaculture devrait avoir la possibilité de se développer comme industrie. Pour ce faire, elle doit pouvoir compter sur des programmes d'investissement, notamment des investissements de capital-risque. Peu importe que cela se fasse par le truchement de la SCA ou de quelque autre programme. La SCA a cependant une certaine expérience à cet égard et j'aimerais qu'elle continue à réinvestir de l'argent dans l'industrie.
M. Garry Breitkreuz (Yorkton—Melville, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je suis heureux d'intervenir dans le débat sur une question très importante pour mes électeurs. Je vais poser des questions auxquelles le gouvernement devra répondre avant que nous puissions poursuivre le débat. J'ai hâte d'entendre les réponses.
Je signale aux téléspectateurs que notre débat porte aujourd'hui sur le projet de loi C-25, Loi modifiant la Loi sur la Société du crédit agricole et d'autres lois en conséquence.
Comme l'a souligné le gouvernement, ce projet de loi a pour objet de modifier le rôle de la Société du crédit agricole. Les modifications proposées visent trois domaines principaux.
Le rôle de prêteur que joue la SCA serait élargi de manière qu'elle puisse consentir des prêts à des entreprises qui ne participent pas directement à la production agricole primaire et dont la majorité des actionnaires ne sont pas nécessairement des agriculteurs.
Le rôle de prêteur de la SCA serait également élargi pour qu'elle permette des investissements. On y parviendrait en autorisant la SCA à détenir un actif non immobilisé, notamment du bétail, en guise de garantie. Le projet de loi C-25 rendrait officielle la capacité de location de la SCA, incluant la possibilité de louer des terres agricoles.
Cet aspect revêt une importance primordiale pour les habitants de la Saskatchewan. J'ai examiné des chiffres que la Société du crédit agricole a rendus publics. Seulement en Saskatchewan, la société a consenti des prêts d'une valeur de 1,3 milliard de dollars. La société détient donc des prêts totalisant 1,312 million de dollars seulement en Saskatchewan. La province se classe au deuxième rang, juste derrière l'Ontario qui a 2,1 milliards de prêts. Les autres provinces suivent. L'Alberta et le Québec viennent ensuite, avec un peu moins d'un milliard de dollars d'actif.
Parce que la question revêt une importance aussi capitale pour les habitants de la Saskatchewan et compte tenu de la crise agricole que nous traversons actuellement, il est important que le gouvernement traite cette question très soigneusement. Nous devons veiller à ce que les producteurs primaires, les agriculteurs de la Saskatchewan, soient suffisamment protégés et que nous ne nous éloignions pas de la mission de la Société du crédit agricole, qui consiste à les servir.
Le projet de loi à l'étude aurait pour effet d'éloigner la Société du crédit agricole de son mandat premier qui consiste à fournir des services financiers uniquement aux fermes familiales engagées dans des activités de production primaire. Nous devons nous demander si la Société du crédit agricole doit s'occuper d'autre chose que les activités agricoles primaires et, dans l'affirmative, nous devons nous demander comment les producteurs primaires seront protégés.
Mon collègue de la Colombie-Britannique, qui occupe le fauteuil voisin du mien, pourrait poser la même question relativement à la situation dans sa province. Les agriculteurs des Maritimes voudraient savoir aussi comment ils seront protégés. Ils veulent savoir si la mission de la SCA sera toujours de venir en aide aux agriculteurs primaires et de répondre à leurs besoins.
Si on permet à la SCA d'offrir du financement pour autre chose que la production primaire, la SCA entrera directement en concurrence avec des institutions de crédit du secteur privé, et il y aura chevauchement avec d'autres institutions gouvernementales, comme la Banque fédérale de développement.
Dans la petite ville d'où je viens, une caisse de crédit a été fondée il y a de nombreuses années pour servir la clientèle locale. C'était une sorte de coopérative. Je voudrais savoir si la SCA va entrer directement en concurrence avec des institutions qui sont établies pour servir la population locale et qui le font fort bien. Parfois, une bonne chose peut en miner une autre qui est bien meilleure. Nous devons nous assurer que pareille chose ne se produira pas.
Certains des articles du projet de loi se prêtent à bien des interprétations. Je voudrais en lire un:
La Société a pour mission de mettre en valeur le secteur rural canadien en fournissant des services financiers spécialisés et personnalisés aux exploitations agricoles—notamment les fermes familiales—et aux entreprises—notamment les petites et moyennes entreprises—de ce secteur liées, à l'agriculture. Les activités de la Société visent principalement les exploitations agricoles, notamment les fermes familiales.
Cela semble extraordinaire. C'est très bien. Il est difficile de ne pas approuver cette orientation, mais comment sera-t-elle interprétée dans quelques années d'ici? Quelles seront les entreprises englobées dans le secteur agricole? Que comprendra ce secteur?
À moins que nous n'ayons l'assurance que les producteurs primaires, soit les agriculteurs, seront protégés, il nous sera difficile d'appuyer cet article. L'idée est excellente, mais nous devons savoir ce qui se passera et comme cet article sera interprété à l'avenir.
Nous remarquons aussi que le projet de loi C-25 consacre le pouvoir de la SCA de posséder et de louer des terres. La SCA a affirmé que ce n'était pas là le but visé par la modification. Elle prétend que les dispositions sur le crédit-bail concernent l'équipement. Mais le projet de loi n'est pas clair là non plus. Il peut donner au gouvernement le mandat d'apporter des modifications en catimini, de faire passer en douce des changements très préjudiciables pour l'agriculture. Il ne s'agit pas ici d'un projet de loi banal comme beaucoup d'autres qui nous sont proposés. C'est une loi habilitante.
Dans l'application du projet de loi, beaucoup de modifications peuvent être apportées qui n'ont pas été prévues lorsque le projet de loi a été étudié aux Communes et a reçu l'appui de nombreux députés. Nous devons savoir si cette mesure permettra à la SCA d'être propriétaire de terres, peut-être même pendant de longues périodes, sans aucune limite.
Est-ce que cela fera grimper le prix des terres et entraînera des difficultés pour bien des agriculteurs qui ont déjà du mal à faire concurrence à ceux qui ne participent pas directement à l'agriculture? Nous devons savoir si tel sera le cas. Nous ne voyons, dans le projet de loi, aucune disposition qui réponde à ces questions. La SCA aura-t-elle le droit de posséder en permanence et de louer des terres, ce qui pourrait faire grimper la valeur des terres agricoles et faire du tort aux producteurs primaires?
Ces inquiétudes semblent peut-être sans importance pour le moment, mais dans plusieurs années, lorsque cette mesure législative entrera pleinement en vigueur, ces éléments pourraient nuire aux gens en cause dans tout le Canada. Si l'on permet à la SCA de détenir en permanence et de louer des terres, elle sera peut-être moins portée à chercher tous les moyens possibles d'aider les agriculteurs en difficulté à rester sur leurs terres. Autrement dit, le projet de loi pourrait pousser la SCA à saisir prématurément les terres agricoles canadiennes.
Nous voulons savoir si le gouvernement continuera de veiller à ce que la SCA respecte son mandat d'aider les agriculteurs ou s'il ne veillera pas plutôt à ce qu'elle soit financièrement rentable. Cette possibilité pourrait avoir un effet dévastateur. Nous devons obtenir l'assurance que la SCA va respecter son mandat et les amendements appropriés doivent être adoptés pour donner cette garantie aux agriculteurs.
Je lis l'article du projet de loi et je vois qu'il est possible de l'interpréter de bien d'autres façons. Nous accepterions que les entreprises du Canada rural, y compris les petites et moyennes entreprises et les entreprises liées à l'agriculture, reçoivent l'aide dont elles ont besoin, mais à quelle distance du secteur agricole une entreprise doit-elle se trouver avant qu'on ne commence à dire qu'elle n'a rien à voir avec l'agriculture?
En vertu de ce projet de loi, le Saskatchewan Wheat Pool aura-t-il droit de recevoir des prêts? J'aimerais le savoir. Je ne le sais pas. Nous posons ces questions difficiles auxquelles il faut répondre.
En vertu de la présente mesure législative, la SCA deviendra un propriétaire foncier considérable. En l'an 2000, la SCA possédait plus de 360 000 acres de terres. Devinez où se trouvaient la majorité de ces terres agricoles. Quelque 95 p. 100 de ces terres étaient en Saskatchewan, la province où la crise agricole est la plus grave. Je ne veux pas sous-estimer les problèmes des agriculteurs au Manitoba, en Alberta et dans les autres régions du pays, mais la Saskatchewan sera particulièrement touchée étant donné qu'elle dépend de la culture des grains et des oléagineux.
S'il est impossible pour la FCA d'éviter de détenir momentanément des terres, la loi devrait stipuler expressément que la SCA devrait se départir dans les meilleurs délais de toutes les terres qu'elle détient.
Le projet de loi C-25 prévoit des pouvoirs accrus pour la société relativement aux services financiers qu'elle peut offrir au moyen du financement par crédit-bail et d'investissements. La SCA pourrait exiger des actifs non immobilisés comme le bétail à titre de garantie. Cette mesure permettrait à la SCA d'accorder un financement agricole aux producteurs primaires qui n'y ont pas droit en vertu de la loi en vigueur. Dans bien des cas, cela permettrait aux producteurs primaires d'avoir accès à un financement qu'ils ne pourraient pas obtenir auprès de prêteurs privés. C'est un changement très positif. Le financement ne serait plus limité aux producteurs primaires.
Dans son énoncé de politique, l'Alliance canadienne dit clairement que nous allons favoriser un climat économique sain, avantageux pour les consommateurs, par un commerce libre et ouvert au pays et à l'étranger, ce qui comprend l'élimination des obstacles au commerce interprovincial.
Nous allons retirer le gouvernement de secteurs de l'économie où les mêmes services pourraient être assurés plus efficacement par des intérêts privés. Nous mettrons un terme à la pratique injuste de fournir des subventions aux industries, entreprises et groupes d'intérêts spéciaux.
Nous ne voulons pas que le gouvernement soit en concurrence avec le secteur privé quand celui-ci fournit un bon service et que ce service risquerait d'être affecté. C'est la position que nous exprimons dans notre politique et c'est celle que nous soutenons.
Nous retirerons le gouvernement de tous les secteurs de l'économie où l'entreprise privée peut fournir les mêmes services de façon plus efficiente. J'ai déjà signalé que la société pourrait néanmoins concurrencer une autre institution, en l'occurrence la Banque de développement du Canada.
Est-ce que le projet de loi C-25 prévoit que dorénavant la priorité de la SCA ne sera plus de financer les producteurs primaires? Si c'est le cas, nous estimons, à titre de députés alliancistes, qu'il s'agit d'un pas dans la mauvaise direction. Cela nous éloignera de l'objectif que nous devrions poursuivre.
La SCA ne devrait pas financer des activités non agricoles si cela se fait au détriment des agriculteurs et des producteurs primaires. Certaines institutions prêteuses répondent déjà à ces besoins. C'est notamment le cas de la Banque de développement du Canada.
L'Alliance canadienne ne veut pas qu'en vertu du projet de loi C-25, la Société de crédit agricole entre en concurrence directe avec les prêteurs du secteur privé. Ce serait une erreur et amènerait le gouvernement à s'engager dans des secteurs où il ne devrait pas intervenir. C'est un des fondements de la politique de l'Alliance canadienne.
Le projet de loi officialise dans une grande mesure le pouvoir de financement de la SCA. Nous devons faire preuve d'une grande prudence. La propriété à court terme de terres agricoles s'avère parfois inévitable, mais la SCA ne devrait pas se lancer dans l'acquisition à long terme de ces terres. Cela pourrait en faire grimper le prix et affecter l'ensemble du secteur agricole. Les agriculteurs et les producteurs primaires pourraient alors avoir plus de difficulté que maintenant à obtenir du crédit.
J'ai quelques autres questions à poser. La question principale n'a pas encore été posée et ce sera au gouvernement d'y répondre. Le projet de loi va-t-il garantir aux agriculteurs qu'ils seront servis correctement? Les agriculteurs devront-ils maintenant se disputer du capital pour lequel ils n'avaient pas à se faire concurrence auparavant?
Il y a autre chose que je dois mentionner. Les contribuables canadiens seront-ils coincés avec des prêts qui n'auraient pas été accordés normalement, mais qui le seront maintenant et qui pourraient être plus risqués? Feront-ils les frais de mauvaises décisions?
J'ai mentionné que ce projet de loi habilitant autorisait le gouvernement à faire en coulisses des choses qu'il ne ferait pas ouvertement. On sait que je suis de près le dossier de la Loi sur les armes à feu. L'une des constatations que j'ai faites en suivant ce dossier, c'est que le gouvernement a introduit bien des choses que l'on ne devait pas voir au départ, comme des services de police et d'application de la loi privés. Ces choses qui, nous avait-on assurés, ne devaient pas se produire ont quand même fini par arriver.
Qu'est-ce que cela a à voir avec cette mesure? Le projet de loi va-t-il être une licence donnée au gouvernement d'adopter subrepticement une politique plutôt discrète pour l'instant, mais qui pourrait éventuellement faire du tort aux agriculteurs? Nous avons besoin d'une protection. Les modifications proposées dans le projet de loi servent-elles réellement les meilleurs intérêts des agriculteurs?
Des dispositions du projet de loi C-25 empêcheront-elles la SCA de renflouer un jour de grandes entreprises n'appartenant pas à des agriculteurs? Cette garantie ne me semble pas prévue dans le projet de loi à l'heure actuelle. Si de grandes entreprises avaient accès à des capitaux pour se renflouer, cela nuirait directement aux agriculteurs. Un grand négoce agricole, voire une multinationale agricole, pourrait avoir accès à l'argent à moins que des dispositions ne l'y empêchent.
Le projet de loi est prometteur, mais il risque d'être interprété un jour d'une manière tout autre que celle que nous aurons prévue. Limitera-t-on la valeur des prêts offerts aux entreprises qui ne sont pas majoritairement détenues par des agriculteurs? Cette garantie doit figurer dans le projet de loi.
Un marchand d'équipement agricole aura-il accès aux ressources de la Société du crédit agricole? Des entreprises de ce genre pourront-elles obtenir des capitaux d'autres établissements de crédit? Nous ne savons pas quel système de freins et de contrepoids assurera que certaines entreprises ne puissent pas avoir accès à des capitaux dont seraient ainsi privés les producteurs primaires.
Toutes ces questions doivent trouver réponse. Je voudrais bien que le gouvernement réponde à certaines d'entre elles. Je vois que mon temps de parole est écoulé. Je crois avoir posé les principales questions que se posent les agriculteurs de ma circonscription. Je voudrais que le gouvernement y réponde dès aujourd'hui.
DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS
[Traduction]
L'ENVIRONNEMENT
M. Bryon Wilfert (Oak Ridges, Lib.): Monsieur le Président, le Star de Toronto nous apprend que la ministre provinciale de l'Environnement a promis de sauver la moraine d'Oak Ridges dans le cadre de son engagement de faire de nouveau de l'environnement une priorité au sein du gouvernement de l'Ontario. Elle aurait dit que «Pour la première fois, il semble que le premier ministre et mes collègues du Cabinet sont résolument en faveur» de l'environnement.
Il est bien de constater que le gouvernement provincial a enfin écouté ce que disent depuis les années 1980 les gens habitant autour du grand Toronto. Il est bien de savoir que la ministre provinciale est maintenant très consciente de la nécessité de protéger l'environnement, et du fait que la moraine constitue une région écologiquement vulnérable.
Permettez-moi de rappeler à la Chambre une annonce faite par le ministre des Transports dans ma circonscription le 23 mars dernier. En plus d'évoquer le parc gagnant conçu pour les terrains de Downsview ainsi que le renouvellement du secteur riverain de Toronto, il a mentionné que le gouvernement fédéral protégera à jamais un territoire de 7 562 acres situé autour du parc de la vallée de la Rouge et de la moraine d'Oak Ridges.
C'était la mesure qui s'imposait. Il reste maintenant à voir ce que fera la province pour contribuer au sauvetage de la moraine d'Oak Ridges.
* * *
LA SÉCURITÉ EN MILIEU DE TRAVAIL
M. Jim Gouk (Kootenay—Boundary—Okanagan, Alliance canadienne): Monsieur le Président, si nous remontons dans l'histoire canadienne, nous constatons que nous avons eu des lieux de travail très dangereux. Beaucoup de personnes ont perdu la vie en raison des pratiques de travail en vigueur. Les conditions de travail sont désormais nettement meilleures et nous continuons de les améliorer chaque année, mais on relève toujours des pertes de vie attribuables à des accidents du travail. Une seule vie perdue demeure toujours un trop lourd tribut.
Les conditions de travail dans d'autres pays s'apparentent désormais dans certains cas exactement à celles qu'a connues le Canada à une autre époque. La situation est très dangereuse pour les travailleurs de ces pays.
Lorsque le Canada fera de ces pays ses partenaires commerciaux, il devrait exercer un rôle de chef de file afin de veiller à ce que la sécurité au travail soit une préoccupation non seulement chez nous, mais également dans tous les pays du monde, et en particulier dans ceux avec lesquels nous faisons du commerce.
Nous poursuivrons nos efforts visant à assurer l'avenir de tous les travailleurs canadiens et des autres pays, car il est essentiel que les gens puissent exercer leur profession dans un contexte de sécurité qui leur permettra de rentrer chez eux sans encombre. Les familles ayant perdu un être cher par suite d'un accident du travail...
Le président: Le député de Davenport a la parole.
* * *
L'ENVIRONNEMENT
L'hon. Charles Caccia (Davenport, Lib.): Monsieur le Président, le président Bush a surpris tout le monde en annonçant sa décision de ne pas ratifier le protocole de Kyoto sur les changements climatiques.
Qu'est-ce qui est dans l'intérêt du Canada maintenant? Premièrement, il ne faut pas nous laisser ébranlés par la situation; nous devons respecter l'accord de Kyoto et adopter un plan rigoureux pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Deuxièmement, nous devons tirer des leçons de nos expériences passées, notamment en ce qui concerne les pluies acides des années 1980, tout en sachant que, souvent, les États-Unis décident plus tard de participer à des initiatives adoptées à l'échelle internationale.
Troisièmement, nous devons jouer à Washington un rôle constructif et convaincant afin d'encourager la participation aux efforts conjoints déployés à l'échelle internationale, en donnant, avec d'autres pays développés, un exemple que des pays en développement comme la Chine et l'Inde suivront ultérieurement.
Le Canada peut faire preuve de leadership sur le plan de l'efficacité énergétique et montrer au monde entier qu'il se comporte de manière responsable. Les changements climatiques constituent une occasion en or. Le Canada saisira-t-il cette occasion? Il est à souhaiter qu'il le fasse.
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LES JEUX AUTOCHTONES
M. John Harvard (Charleswood St. James—Assiniboia, Lib.): Monsieur le Président, j'informe la Chambre que le Canada sera l'hôte des Jeux autochtones de l'Amérique du Nord du 25 juillet au 4 août 2002.
Ces jeux sont la pierre angulaire d'un mouvement qui prend de l'ampleur en matière de sport et de culture autochtones et ils sont issus d'une réalité, celle selon laquelle les jeunes athlètes autochtones n'ont pas les mêmes possibilités que leurs homologues non autochtones de participer à des compétitions nationales ou internationales.
Déterminer et supprimer les obstacles à la participation des autochtones au sport au Canada, voilà une des quatre priorités du ministère du Patrimoine canadien en ce qui concerne l'équité et l'accès. Les Jeux autochtones de l'Amérique du Nord sont un des principaux moyens que la collectivité autochtone a désignés comme mesure pouvant permettre de réaliser cette politique.
J'invite les députés à se joindre à moi pour féliciter la société hôte, la ville de Winnipeg, la province du Manitoba et le gouvernement du Canada des efforts qu'ils ont déployés pour se préparer à accueillir plus de 7 000 jeunes athlètes autochtones en 2002.
* * *
LE PRIX DU JAPON
M. Stephen Owen (Vancouver Quadra, Lib.): Monsieur le Président, j'ai l'honneur d'annoncer à la Chambre aujourd'hui qu'un prix des plus prestigieux a été décerné à Timothy Parsons, professeur émérite à l'Université de la Colombie-Britannique. M. Parsons est le premier Canadien à recevoir le prestigieux prix du Japon des science et de la technologie, qui équivaut à un prix Nobel.
M. Parsons, qui a reçu son prix à Tokyo vendredi dernier, a été récompensé pour le travail extrêmement précieux qu'il a accompli dans le domaine de l'océanographie biologique, en matière notamment de gestion et de conservation des ressources renouvelables.
Grâce ce prix, le travail de M. Parsons est reconnu par les scientifiques du monde entier. Ce prix très recherché témoigne du travail scientifique exemplaire qu'il a accompli pour préserver la durabilité des peuplements marins.
* * *
LES SUBVENTIONS ET CONTRIBUTIONS
M. Brian Pallister (Portage—Lisgar, Alliance canadienne): Monsieur le Président, le gouvernement libéral continue de se servir des sociétés d'État pour faire son auto-promotion, au lieu de servir l'intérêt commun.
À titre d'exemple de ce que j'avance, une note d'information à l'intention du ministre de l'Industrie, rédigée par un fonctionnaire de Diversification de l'économie de l'Ouest Canada, nous apprend que la proposition de financement pour la construction d'un nouveau centre de recherche du CNRC à Edmonton a été motivée par la nécessité d'accroître la visibilité du gouvernement et lui donner plus de crédit.
À l'évidence, les libéraux agissent davantage pour épater la galerie que pour servir des Canadiens. Heureusement, les contribuables canadiens n'en sont pas dupes, pour la plupart, et ils en veulent aux libéraux de chercher à les gagner à leur cause avec les deniers publics.
L'Alliance canadienne préconise depuis toujours de remplacer les organismes chargés du développement régional par des politiques conçues pour réparer les inégalités économiques régionales persistantes.
Ces nouveaux documents officiels confirment cette politique en apportant la preuve que Diversification de l'économie de l'Ouest Canada et ses partenaires n'ont pour seul objet que celui de faire apparaître le gouvernement libéral sous un jour favorable, au lieu de servir les Canadiens.
* * *
L'HÉPATITE C
M. Yvon Charbonneau (Anjou—Rivière-des-Prairies, Lib.): Monsieur le Président, je salue les efforts assidus du député de Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, dans la promotion du Mois de la sensibilisation à l'égard de l'hépatite C.
Bien que le projet de loi C-243 ait été rayé du Feuilleton, je suis néanmoins heureux d'informer la Chambre que le ministre de la Santé a déclaré le mois de mai Mois de sensibilisation à l'hépatite.
[Français]
La sensibilisation du public est essentielle pour renseigner les Canadiens et les Canadiennes au sujet de l'hépatite. Le Mois de sensibilisation à l'égard de l'hépatite constitue un bon moyen de faire connaître cette maladie.
[Traduction]
La conférence canadienne sur l'hépatite C qui aura lieu à Montréal, cette semaine, fournira l'occasion de mieux connaître cette maladie. Santé Canada est l'un des principaux parrains de la conférence.
[Français]
En désignant le mois de mai comme Mois de la sensibilisation à l'hépatite C, notre gouvernement prouve de façon claire son engagement à lutter contre cette maladie par la prévention et l'information.
* * *
HÉRITAGE SAINT-BERNARD
M. Robert Lanctôt (Châteauguay, BQ): Monsieur le Président, vendredi dernier, un organisme communautaire de mon comté, Héritage Saint-Bernard, a remporté le Mérite municipal décerné par le ministère des Affaires municipales et de la Métropole du Québec.
Héritage Saint-Bernard a pour but d'assurer la protection et la mise en valeur d'habitats fauniques le long du fleuve Saint-Laurent, dans la région de Châteauguay. L'objectif visé est également de rendre accessibles ces lieux uniques et d'ainsi sensibiliser la population à l'importance et à la fragilité de la biodiversité des milieux écologiques de la région métropolitaine.
L'année dernière, Héritage Saint-Bernard a remporté le prix Phénix et, en 1999, celui du Canard noir du Plan nord-américain de gestion de la sauvagine.
Nos plus sincères félicitations à cet organisme qui a l'intérêt des futures générations à coeur et qui désire laisser en héritage à nos enfants un endroit unique dont nous pouvons tous être fiers.
* * *
[Traduction]
LE MOIS DE LA SENSIBILISATION AU CANCER
M. Gurbax Malhi (Bramalea—Gore—Malton—Springdale, Lib.): Monsieur le Président, le mois d'avril est le Mois de la sensibilisation au cancer.
Des statistiques indiquent que dans la population canadienne 129 300 personnes étaient atteintes du cancer et 63 400 en sont mortes en 1999. C'est le cancer du poumon qui continue de faire le plus grand nombre de victimes, tant chez les hommes que chez les femmes.
Malheureusement, nombre de Canadiens ne savent pas que l'abstention de fumer et un régime alimentaire sain sont des mesures de prévention contre le cancer.
Par conséquent, je demande au gouvernement du Canada de continuer d'appuyer les initiatives de recherche sur le cancer et de prévention de cette maladie.
* * *
LE HOCKEY
M. Roy Bailey (Souris—Moose Mountain, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je tiens à féliciter l'équipe de hockey les Red Wings de Weyburn, qui a remporté samedi soir la Coupe Avanet par un score de 3 à 2 en deuxième période de prolongation contre les OCN Blizzards, du Manitoba. Les Red Wings ont remporté en six parties la série qui n'a pas été de tout repos. Je félicite les deux équipes pour leurs vaillants efforts.
Les Red Wings de Weyburn ont remporté la Coupe Avanet cinq fois, trois fois au cours des cinq dernières saisons. Ils se dirigent maintenant vers le championnat national qui sera disputé cette année à Flin Flon, au Manitoba.
Le championnat canadien sera un tournoi à la ronde avec des équipes de Weyburn, en Saskatchewan, de Flin Flon, au Manitoba, de Camrose, en Alberta, de Saint-Jérôme, au Québec, et de Thornhill, en Ontario.
Je veux faire savoir à la Chambre que je suis un indéfectible partisan des Red Wings de Weyburn dans ce championnat national.
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ROBICA FORMAN TANK LIMITED
M. John Richardson (Perth—Middlesex, Lib.): Monsieur le Président, je veux aujourd'hui féliciter Robica Forman Tank Limited, de St. Marys, en Ontario.
Robica Forman a obtenu un des plus gros contrats de son histoire en remportant un marché de 10 millions de dollars pour fournir à l'armée canadienne 88 camions citernes au cours des deux prochaines années.
Robica Forman construira des camions avitailleurs de 7 000 litres à six roues motrices qui serviront sur les bases militaires en Ontario, au Québec et en Alberta.
Robica est une entreprise familiale qui existe depuis 1952. Elle se spécialise dans les camions à pétrole et à propane, les camions d'incendie et les camions à eau. Cinquante personnes travaillent pour l'entreprise.
Les usines de Robica à St. Marys et à Stratford bénéficieront toutes les deux de ce contrat. Pour remplir cette commande, Robica agrandira son usine de St. Marys et embauchera entre 12 et 15 personnes de plus. Félicitations à Bob Nothof et aux employés de Robica.
* * *
LE GULLY
M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD): Monsieur le Président, au large de la côte de la Nouvelle-Écosse, près de l'île de Sable, se trouve le plus grand canyon sous-marin de la côte est de l'Amérique du Nord, que l'on appelle communément le Gully. Il est plus grand que le Grand Canyon aux États-Unis.
Le Gully sert d'habitat à 15 espèces de baleines et de dauphins, dont le vulnérable hyperoodon boréal, à des coraux marins anciens et à de nombreuses variétés de poissons.
Je remercie Sarah Dover, du Fonds mondial pour la nature, Rick Smith, du Fonds international pour la défense des animaux, Elisabeth May, du Sierra Club, Derek Jones, de Newellton, en Nouvelle-Écosse, et Mark Butler, de l'Ecology Action Centre de Nouvelle-Écosse, d'avoir attiré l'attention du Parlement et de tous les Canadiens sur le Gully. Ils font valoir la nécessité de protéger le Gully contre la pêche hauturière et la prospection de gaz naturel.
Le Nouveau Parti démocratique, d'un océan à l'autre, exhorte le gouvernement à désigner immédiatement le Gully zone de protection marine et à le protéger pour les générations à venir.
* * *
[Français]
LE LOGEMENT SOCIAL
Mme Diane Bourgeois (Terrebonne—Blainville, BQ): Monsieur le Président, au Canada, la majorité des personnes ayant de sérieux problèmes de logement sont des femmes locataires. Qu'elles soient seules, chefs de famille monoparentale, jeunes ou âgées, elles sont souvent aux prises avec un logement trop dispendieux qui ne répond pas à leurs besoins.
La crise du logement est le drame quotidien des femmes et les dernières données de Statistique Canada nous en démontrent toute l'ampleur. Être une femme et être locataire est une combinaison perdante.
L'une des grandes revendications canadiennes de la Marche mondiale des femmes est l'accroissement du budget consacré à l'habitation de 1 p. 100 des dépenses publiques.
Le Bloc québécois demande au gouvernement fédéral d'arrêter de jouer à l'autruche et de s'attaquer vraiment au problème de la pauvreté en investissant les sommes demandées dans le logement. Il doit corriger les injustices commises en 1994.
* * *
[Traduction]
LE SPORT AMATEUR
Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.): Monsieur le Président, le tout premier sommet national du sport s'est tenu ce week-end à Ottawa.
Cette réunion a marqué la fin d'un processus de consultation sur le sport amateur qui avait duré toute une année et le début d'un plan ambitieux visant à encourager et à renforcer la pratique du sport au Canada.
Le secrétaire d'État au Sport amateur a annoncé des mesures concrètes. Il a annoncé un financement neuf de 10 millions de dollars pour Sports Canada. Il a annoncé la création de trois nouveaux comités consultatifs chargés d'examiner l'administration et le système de développement du sport, le rôle des technologies de pointe dans le développement de nos athlètes et la façon dont les entreprises canadiennes peuvent participer au financement du sport amateur. Il a également fixé un délai d'un an pour l'élaboration d'une politique nationale en matière de sport.
Je félicite le secrétaire d'État et je suis impatiente de voir les progrès qui se feront dans le sport amateur à la suite des recommandations formulées lors du sommet.
* * *
LE VIH-SIDA
M. Bill Casey (Cumberland—Colchester, PC): Monsieur le Président, le bilan des morts sur le continent africain augmente chaque jour, et les inondations ou les séismes n'y sont pour rien.
En Afrique, la pandémie du sida a déjà fait 21 millions de victimes, des jeunes pour la plupart. Le sida a maintenant infecté près de 26 millions de personnes dans l'Afrique subsaharienne, soit presque l'équivalent de la population du Canada. Chaque jour, mille personnes meurent au Zimbabwe seulement. Cela équivaudrait en moins de trois mois à toute la population de la circonscription de Cumberland—Colchester.
Au Botswana, 36 p. 100 des adultes sont infectés. Dans une ville d'Afrique centrale, 43 p. 100 des adultes sont infectés. De tous les habitants de la planète infectés par le sida, 70 p. 100 viennent du continent africain.
Cependant, les chiffres ne disent pas tout. Les malades et les mourants reçoivent peu de soins et n'ont pas l'argent nécessaire pour les médicaments et l'assistance.
Aujourd'hui, le Parti progressiste-conservateur exhorte le ministre des Affaires étrangères à mettre cet enjeu à l'avant-plan, afin que le Canada puisse collaborer avec d'autres pays pour s'attaquer immédiatement à cette catastrophe humaine.
* * *
L'ENVIRONNEMENT
Mme Sue Barnes (London-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, les Canadiens attachent une grande importance à la merveilleuse diversité des plantes et des animaux qu'on trouve dans toutes les nombreuses régions de notre pays.
Le 19 avril, le gouvernement du Canada a poursuivi son effort pour protéger cette biodiversité en signant le protocole de Cartagena, annexé à la Convention des Nations Unies sur la biodiversité. Le protocole, connu aussi sous le titre de Protocole sur la prévention des risques biotechnologiques, protégera la biodiversité naturelle en réglementant le commerce des plantes, des animaux et des micro-organismes vivants qui ont été génétiquement modifiés.
Le Canada a été un des premiers pays à ratifier la Convention sur la biodiversité et a également été un participant actif et engagé aux négociations concernant le Protocole sur la prévention des risques biotechnologiques. Le protocole représente une autre étape marquante vers la protection de la biodiversité dans notre pays.
En outre, j'espère et je crois que le nouveau projet de loi sur les espèces en péril contribuera à renforcer davantage nos acquis. J'exhorte les députés à appuyer ce projet de loi de manière à défendre les intérêts...
Le Président: Le député de Selkirk—Interlake a la parole.
* * *
L'AGRICULTURE
M. Howard Hilstrom (Selkirk—Interlake, Alliance canadienne): Monsieur le Président, Arnold Schmidt est un agriculteur des Prairies qui a diversifié des opérations et adopté la production organique de blé.
M. Schmidt a fait plus que produire du grain pour un marché très select. Il a mis au point un marché pour une farine organique moulue à partir de ses propres grains. C'est exactement le genre d'initiative qui permettra de faire sortir l'agriculture de la crise du revenu dans laquelle elle est plongée actuellement en raison des prix ridiculement bas accordés au niveau international pour les récoltes traditionnelles.
Malheureusement, M. Schmidt ne peut obtenir de permis d'exportation de la Commission canadienne du blé pour sa farine organique, et ce malgré le fait que la Commission canadienne du blé ne lui fournit aucun service de marché. Ce n'est pas juste.
Le gouvernement prétend qu'il a déposé le projet de loi C-25 dans le but de promouvoir la transformation à forte valeur ajoutée. Toutefois, il refuse de comprendre que le meilleur moyen de promouvoir la diversification et la transformation à forte valeur ajoutée est de ne pas se mêler des affaires d'entrepreneurs comme M. Schmidt.
Le ministre chargé de la Commission canadienne du blé est personnellement responsable du fait que les agriculteurs ne reçoivent aucune aide des agriculteurs biologiques.
QUESTIONS ORALES
[Français]
LA PROTECTION DE LA VIE PRIVÉE
M. Stockwell Day (chef de l'opposition, Alliance canadienne): Monsieur le Président, l'abus du pouvoir, c'est dangereux.
Le commissaire à la protection de la vie privée de l'Ontario a fait une sortie contre les habitudes de ce gouvernement d'ouvrir et de lire le courrier de ses citoyens.
Le premier ministre peut-il assurer nos citoyens que ce gouvernement va immédiatement cesser cette pratique odieuse de lire notre courrier?
L'hon. Martin Cauchon (ministre du Revenu national et secrétaire d'État (Agence de développement économique du Canada pour les régions du Québec), Lib.): Monsieur le Président, la législation sur les douanes prévoit très clairement que les fonctionnaires de Douanes Canada peuvent intercepter, à leur arrivée ici au Canada, et avec la prochaine législation également lors de leur départ du Canada, les biens qui viennent à l'intérieur du pays et qui utilisent le mode postal.
Cela se fait sur la base de l'article 99 et également sur la base de motifs raisonnables. D'ailleurs, le commissaire à la protection de la vie privée, lors de son enquête, a reconnu que les pouvoirs étaient exercés correctement et de bonne foi par les fonctionnaires des douanes.
[Traduction]
M. Stockwell Day (chef de l'opposition, Alliance canadienne): Monsieur le Président, cette réponse a même fait pleurer nos jeunes Canadiens.
Cette pratique a été critiquée non seulement par le commissaire ici, en Ontario, mais aussi par le commissaire fédéral à la protection de la vie privée. C'est un assaut constant contre les droits des Canadiens.
Le premier ministre donnera-t-il des directives claires à cet égard et ordonnera-t-il à ces gens de cesser de lire le courrier des citoyens de ce pays?
L'hon. Martin Cauchon (ministre du Revenu national et secrétaire d'État (Agence de développement économique du Canada pour les régions du Québec), Lib.): Monsieur le Président, premièrement, le député devrait jeter un coup d'oeil sur le paragraphe 99(1) de la loi, qui est très clair.
Nous ne lisons pas le courrier des gens. Nous examinons au hasard des marchandises qui entrent au Canada par la poste. Le commissaire à la protection de la vie privée a dit que cette pratique était tout à fait conforme à la loi et que nous agissions de bonne foi.
Peut-être que, en réponse à la prochaine question, je devrais, moi aussi, citer les paroles du commissaire à la protection de la vie privée.
M. Stockwell Day (chef de l'opposition, Alliance canadienne): C'est exactement ce que nous demandons, monsieur le Président. C'est très rare que des hauts fonctionnaires, un d'une province et un du gouvernement fédéral, partagent la même préoccupation. Cette préoccupation, c'est l'assaut du gouvernement fédéral contre les droits des citoyens. Il continue d'ouvrir notre courrier. Qu'on laisse faire la loi et qu'on regarde plutôt ce que les commissaires à la protection de la vie privée ont dit.
Le ministre mettra-t-il en place de nouvelles mesures de protection afin de limiter cette dangereuse escalade de l'abus de pouvoir?
L'hon. Martin Cauchon (ministre du Revenu national et secrétaire d'État (Agence de développement économique du Canada pour les régions du Québec), Lib.): Monsieur le Président, nous savons tous qu'en politique, c'est la perception qui compte, et le chef de l'opposition le sait aussi lorsqu'il dit à la population que nous lisons le courrier, ce qui n'est pas vrai.
Nous empêchons que des marchandises illégales n'entrent au Canada par la voie postale. Le commissaire à la protection de la vie privée a dit que nous agissions de bonne foi.
Il ne faut pas oublier que les agents de douanes ont un double mandat: il y a évidemment la question du développement économique, mais il y a aussi la protection de la société canadienne, qui est un aspect important que j'appuie. Nous allons continuer de travailler fort dans ce sens.
M. Grant Hill (Macleod, Alliance canadienne): Monsieur le Président, d'un côté le gouvernement ouvre le courrier de la population et de l'autre il nous interdit de regarder son courrier.
Le commissaire à l'information affirme que les plaintes à cet égard ont doublé depuis un an, que la population ne peut voir les documents du gouvernement. Puisque le gouvernement lit des documents privés, pourquoi refuse-t-il de donner accès à ses propres documents? Pourquoi tant de secret?
L'hon. Martin Cauchon (ministre du Revenu national et secrétaire d'État (Agence de développement économique du Canada pour les régions du Québec), Lib.): Monsieur le Président, je répète que nous ne lisons pas le courrier. Nous examinons des marchandises. De même, nous respectons les limites de la loi et nous devons avoir des motifs raisonnables.
Voici quelque chose d'intéressant. J'aimerais citer le député de Prince George—Peace River. Il a déclaré, en 1994:
On rapporte que le ministère de la Justice a ordonné à Douanes Canada de ne pas intercepter les faux documents, y compris les passeports canadiens contrefaits, qui sont découverts dans le courrier qui entre au Canada. [...] Il s'agit là d'un recours scandaleux à la charte.
Le ministre peut-il expliquer aujourd'hui à la Chambre ce qu'il faut faire pour autoriser Douanes Canada à saisir les faux documents...
[Français]
M. Grant Hill (Macleod, Alliance canadienne): Monsieur le Président, le premier ministre est en train de se rendre devant la Cour suprême pour empêcher les citoyens d'avoir accès à ses horaires.
Pourquoi est-ce que le premier ministre pense qu'il est illégal de connaître son horaire? Qu'est-ce qu'il essaie de cacher maintenant?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, il y a un débat concernant la Loi sur l'accès à l'information. À ce moment-ci, c'est de savoir jusqu'à quel point les documents du Cabinet et les documents au sein de chaque bureau de ministre sont privés.
Évidemment, il y a un débat. Il y a une loi qui a été adoptée et on veut qu'elle soit appliquée. Je suis sûr que c'est ainsi, soit que la dernière chose que le chef de l'opposition voudrait voir, c'est de lire dans les journaux tout ce qui se passe dans son bureau. S'il fallait que les journalistes puissent aller vérifier ce qui s'est passé au cours des trois derniers jours, on aurait beaucoup de plaisir à la Chambre.
* * *
L'AIDE INTERNATIONALE
M. Gilles Duceppe (Laurier—Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, l'aide canadienne aux pays en voie de développement est en chute libre. Selon les données de l'OCDE, le Canada est passé, en cinq ans, de 6e à 17e sur la liste des 22 pays qui contribuent.
En l'an 2000, un creux historique a même été enregistré, alors que seulement 0,25 p. 100 du produit national brut a été alloué à l'aide internationale.
Le premier ministre est-il prêt à appuyer ses paroles de générosité du Sommet de Québec, en s'engageant dès maintenant à consacrer 0,7 p. 100 du produit national brut à l'aide aux pays en voie de développement, comme le recommandent les Nations Unies?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, on a eu une période très difficile au point de vue financier au Canada. Malheureusement, la proportion de l'aide canadienne aux pays en voie de développement a diminué.
Mais au cours des dernières années, nous avons augmenté nos contributions et nous avons l'intention de continuer à le faire. Nous avons l'intention, au cours de l'année 2001-2002, d'augmenter nos dépenses dans ce domaine de 7 à 10 p. 100.
M. Gilles Duceppe (Laurier—Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, les chiffres nous prouvent plutôt le contraire. Sous l'administration libérale, l'aide aux pays en développement régresse, alors que l'économie est en croissance.
Ainsi, depuis 1993, le produit national brut a augmenté de 334 milliards de dollars, tandis que l'aide internationale a diminué de 500 millions de dollars.
Est-ce que le premier ministre va admettre que quand l'économie va bien, il est d'autant plus important, au nom de la solidarité internationale, de respecter les standards fixés par l'ONU en matière d'aide au développement?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je viens d'expliquer que ce fut la politique du gouvernement au cours des deux dernières années. On va continuer d'augmenter nos contributions pour l'aide aux pays en voie de développement.
J'avais demandé qu'on le fasse, alors qu'on était au Sommet au Japon, au mois de juillet l'an dernier. Dans les prévisions budgétaires pour l'an 2001-2002, nous allons augmenter de 7 p. 100 le niveau des dépenses que nous faisions dans ce domaine au cours des années précédentes.
M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): Monsieur le Président, une des façons concrètes de venir en aide aux pays en développement et aussi de développer de nouveaux marchés pour le commerce international, c'est d'appuyer la suggestion du président Fox à l'effet de créer un fonds de développement pour les économies pauvres des Amériques.
Le gouvernement canadien entend-il appuyer l'initiative proposée par le président Fox et contribuer à mettre en place ce fonds?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, le ministre responsable de l'aide aux pays en voie de développement a annoncé, lors du Sommet de Québec qui a eu lieu la semaine dernière, un programme spécial pour aider les pays des Amériques.
M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): Monsieur le Président, le président Fox souhaite que les pays participants mettent 1 p. 100 de leur budget de la défense dans le fonds d'aide au développement pour les économies pauvres des Amériques.
Le gouvernement canadien est-il d'accord avec une telle contribution au fonds de développement des économies pauvres des Amériques?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, le chiffre employé par le président Fox ne me semble pas être, à ce moment-ci, un chiffre qui sera accepté par les pays qui font des contributions.
Mais comme je viens de le dire, le Canada a décidé d'augmenter sa contribution à l'aide aux pays en développement et nous avons fait un effort spécial pour les pays des Amériques.
* * *
[Traduction]
LE COMMERCE
M. Bill Blaikie (Winnipeg—Transcona, NPD): Monsieur le Président, ma question s'adresse au très honorable premier ministre.
L'an dernier, le 5 avril, le ministre du Commerce international m'a dit en comité: «Je peux vous assurer que nous ne cherchons pas à inclure une disposition relative aux différends investisseur-État à l'OMC ou dans toutes autres ententes». Je lui ai fait préciser ses propos en lui posant des questions sur la ZLEA.
Pourquoi le premier ministre a-t-il permis au ministre du Commerce international de faire cette annonce au comité à cette époque, pour ensuite dire qu'il n'avait rien contre cette disposition que le ministre dit ne plus chercher à faire inclure.
L'hon. Pierre Pettigrew (ministre du Commerce international, Lib.): Monsieur le Président, notre position n'a pas changé. Je vais la répéter devant la Chambre car j'estime que c'est très important. Nous croyons que l'ALENA a très bien servi les intérêts du Canada et que le chapitre 11 fonctionne relativement bien.
Nous voulons clarifier certains aspects du chapitre 11 dans le cadre des mécanismes actuels de l'ALENA, mécanismes qui existent, afin de nous assurer que nous respectons les véritables intentions des rédacteurs de l'accord.
M. Bill Blaikie (Winnipeg—Transcona, NPD): Monsieur le Président, ma question ne portait pas sur l'ALENA, elle portait sur les accords à venir.
Le ministre du Commerce international pourrait-il nous dire comment il arrive à concilier ce qu'il m'a dit le 5 avril de l'an dernier, à savoir que le gouvernement ne chercherait pas à faire inclure ce genre de mécanisme dans de nouveaux accords—de quelque nature qu'ils soient? Comment peut-il concilier cette déclaration avec le fait que le gouvernement semble maintenant chercher à faire inclure un tel mécanisme dans le cadre de la ZLEA et défende l'idée même que le ministre avait rejetée ce jour-là?
L'hon. Pierre Pettigrew (ministre du Commerce international, Lib.): Monsieur le Président, le député d'en face fait référence à un aspect du chapitre 11, à savoir les dispositions relative aux différends investisseur-État. Notre gouvernement essaie de rendre cet accord plus précis quant aux mécanismes existants aux termes du chapitre 11 de l'ALENA.
De toute évidence, lorsqu'un gouvernement négocie un nouvel accord ou adopte une nouvelle formule, il prend en considération ses expériences précédentes.
* * *
[Français]
LE PREMIER MINISTRE
Le très hon. Joe Clark (Calgary-Centre, PC): Monsieur le Président, le Bureau du premier ministre a logé un appel à la Cour suprême pour garder le contenu de ses agendas secret.
La Cour d'appel fédérale a déclaré que le commissaire devait avoir avoir accès aux documents. Le premier ministre veut faire renverser cette décision. La loi est claire: ceci n'est pas une question de débat interne, mais plutôt une question de garder les secrets du premier ministre.
Quelles pistes le premier ministre tente-t-il de couvrir? Des pistes relatives à l'APEC? Des pistes relatives à «Shawinigate»? Que tente-t-il de cacher?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, nous ne faisons qu'appliquer la loi comme elle existe.
Il y a un débat entre le commissaire et les avocats du gouvernement, à savoir comment doit être interprétée la loi. Nous donnons plus d'informations au commissaire à l'information, beaucoup plus que n'en donnait autrefois le gouvernement conservateur dont le député faisait partie.
[Traduction]
Le très hon. Joe Clark (Calgary-Centre, PC): Monsieur le Président, c'est la troisième fois dans l'histoire que le commissaire à l'information doit se présenter devant la Cour suprême, chaque fois à la demande du gouvernement d'en face qui cherche à dissimuler des choses.
Il y a plusieurs façons de museler les chiens de garde du gouvernement. Une façon consiste à cacher des choses au commissaire à l'information. Une autre est de priver des fonds nécessaires le Bureau du vérificateur général et d'autres organisations.
Le Bureau du vérificateur général a besoin d'au moins 8 millions de dollars de plus pour effectuer des vérifications approfondies auprès de ministères gouvernementaux. Le gouvernement refuse de verser ces fonds. Pourquoi le premier ministre prive-t-il de fonds la vérificatrice générale et pourquoi l'empêche-t-il de faire le travail que le Parlement a explicitement confié à elle et à son bureau? Qu'essaye-t-il de dissimuler?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, c'est le gouvernement conservateur qui a réduit le budget du vérificateur général en 1991, car je ne pense pas que nous formions le gouvernement à l'époque. Depuis quatre ou cinq ans, nous augmentons le budget du vérificateur général.
* * *
L'IMMIGRATION
M. Monte Solberg (Medicine Hat, Alliance canadienne): Monsieur le Président, selon le chien de garde du renseignement du Canada, le ministère de l'Immigration a falsifié un document clé concernant une demande de statut de réfugié présentée par un Kurde qu'Ottawa soupçonne d'entretenir des liens avec le milieu terroriste.
Au lieu de donner aux Canadiens l'assurance que l'allégation était prise au sérieux, le représentant du ministre a tourné la question en dérision, dans l'espoir de faire oublier l'affaire. La ministre a-t-elle demandé à la GRC d'enquêter au sujet de cette allégation très sérieuse?
L'hon. Elinor Caplan (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.): Monsieur le Président, permettez-moi tout d'abord de préciser, à l'intention du député et de la Chambre, que le document en question était une invitation à participer à une rencontre.
Deuxièmement, je signale au député que j'ai rencontré à plusieurs reprises M. Rae, la personne à qui on attribue ces propos. Il ne m'a jamais fait part d'aucune inquiétude. Ceux qui connaissent M. Rae savent que s'il avait éprouvé une inquiétude, il m'en aurait parlé.
M. Monte Solberg (Medicine Hat, Alliance canadienne): Monsieur le Président, j'estime que les Canadiens doivent tout de même avoir une réponse. Je crois que la ministre devrait prendre son travail un peu plus au sérieux. Au lieu d'attendre que les gens viennent lui faire part de leurs plaintes, elle devrait prendre le temps d'examiner ces questions.
Même le porte-parole de l'Immigration a admis que le document en question était une copie informatique. La ministre va-t-elle demander à la GRC d'enquêter au sujet de cette affaire sérieuse, afin de faire toute la lumière?
L'hon. Elinor Caplan (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.): Monsieur le Président, je signale au député que nous sommes à l'ère informatique et que le ministère conserve des documents dans des bases de données informatiques. Le document en question est conservé dans une base de données informatiques, et je signale que ni M. Rae ni aucune autre personne n'ont formulé de plainte.
Si M. Rae ou quelqu'un d'autre avait eu à formuler une plainte ou une inquiétude, il m'aurait appelée au téléphone et j'aurais examiné la situation, mais je n'ai reçu aucune plainte. Je précise encore une fois au député que des documents sont couramment conservés dans des bases de données informatiques.
* * *
[Français]
L'AUBERGE GRAND-MÈRE
M. Stéphane Bergeron (Verchères—Les-Patriotes, BQ): Monsieur le Président, lorsqu'interrogé sur le bail existant entre l'Auberge Grand-Mère et le club de golf, le gouvernement nous a donné jusqu'ici trois réponses différentes.
Le premier ministre nous a d'abord lancé que le bail avait été résilié. Le vice-premier ministre, de son côté, nous a dit que l'acheteur de l'Auberge était devenu responsable du bail, puis il nous a dit que ce bail n'avait même jamais existé.
Ma question est fort simple. Est-ce que le bail a été résilié, a-t-il changé de responsable ou n'a-t-il jamais existé? Quand le gouvernement dit-il vrai dans cette affaire?
[Traduction]
M. John Cannis (secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, c'est assez simple. Ils ne portaient pas attention la semaine dernière lorsque le vice-premier ministre a expliqué très calmement en Chambre, ce que je vais également faire maintenant, qu'il n'y avait aucun lien juridique ou financier entre l'Auberge et le terrain de golf après la vente à M. Duhaime au printemps 1993. C'est très simple. Il n'y avait aucun lien!
[Français]
M. Stéphane Bergeron (Verchères—Les-Patriotes, BQ): Monsieur le Président, il aurait peut-être fallu que le secrétaire parlementaire écoute la question pour pouvoir bien y répondre.
Cela étant dit, vendredi dernier, le vice-premier ministre nous a sommés de déposer les preuves que nous avions quant au bail dont il venait tout juste de nier l'existence. Quelques minutes plus tard, il nous refusait son consentement au dépôt de ce bail.
À quel jeu joue le gouvernement en adoptant un comportement aussi contradictoire qu'inacceptable dans ce dossier?
[Traduction]
M. John Cannis (secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, c'est l'opposition qui joue des jeux. C'est bien simple. Permettez-moi de rappeler les propos du conseiller en éthique au sujet de la société à numéros:
...a vendu sa participation dans l'Auberge Grand-Mère à M. Yvon Duhaime. Cette entreprise avait reçu la totalité du produit de la vente à l'été de 1993.
Ainsi, il n'y avait plus de liens financiers continus entre M. Duhaime et le premier ministre à partir du milieu de 1993.
Je demande au député d'écouter attentivement. Le conseiller en éthique a ajouté:
En outre, il n'y avait plus de liens financiers continus entre l'auberge et le terrain de golf.
Je demande au député d'écouter.
* * *
LA FISCALITÉ
M. Joe Peschisolido (Richmond, Alliance canadienne): Monsieur le Président, les Canadiens doivent payer l'essence de plus en plus cher. On a rapporté aujourd'hui que l'essence pouvait coûter jusqu'à 1 $ le litre.
Dix cents le litre vont à la taxe d'accise fédérale. Le ministre fédéral des Finances va-t-il venir en aide aux Canadiens en réduisant cette taxe?
M. Roy Cullen (secrétaire parlementaire du ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, les Canadiens savent que la hausse du prix à la pompe de l'essence est attribuable à la hausse substantielle du cours mondial du brut. Le prix du brut a plus que doublé depuis 1998.
En fait, la TPS, par exemple, ne représente que 1,5¢ le litre.
Les Canadiens nous ont demandé de réduire les impôts. En octobre dernier, nous avons accordé la plus importante baisse d'impôt de toute l'histoire du Canada, soit une baisse de 100 milliards de dollars de l'impôt sur le revenu. Cette baisse se reflète maintenant dans l'économie. Elle équivaut à 2 p. 100 environ du PIB. Donnons-lui la chance de porter fruit!
M. Joe Peschisolido (Richmond, Alliance canadienne): Monsieur le Président, le gouvernement libéral a haussé les impôts sans consulter les provinces, mais le ministre fédéral des Finances a dit la semaine dernière qu'il ne pouvait pas réduire les impôts sans les provinces.
Comme nous le voyons aujourd'hui, le gouvernement libéral continue de renvoyer à d'autres la balle de la réduction des impôts. Le ministre des Finances est-il disposé à faire ce qu'il faut en réduisant les taxes fédérales sur l'essence?
M. Roy Cullen (secrétaire parlementaire du ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, l'automne dernier, le gouvernement a offert des allocations pour frais de chauffage afin d'aider les Canadiens à absorber le coût croissant de l'énergie.
Le parti d'en face nous a demandé de réduire la taxe d'accise. Nous voulons faire tout ce que nous pouvons pour les Canadiens, mais nous voulons aussi nous assurer que cela profitera bien aux Canadiens et non aux producteurs de pétrole.
La taxe d'accise est de 1,5¢ à la pompe. Le prix de l'essence pourrait monter d'autant en une demi-journée seulement. Nous n'avons aucune garantie que la réduction de cette taxe profiterait aux Canadiens, comme nous le souhaitons.
* * *
[Français]
LA CONTREBANDE DE CIGARETTES
Mme Pierrette Venne (Saint-Bruno—Saint-Hubert, BQ): Monsieur le Président, on apprend que suite aux récentes hausses de taxe sur le tabac, la contrebande aurait repris dans les réserves autochtones. Nous sommes en train de revivre ce que nous avons vécu en 1994.
Voici ma question au solliciteur général: le gouvernement peut-il nous garantir qu'il fera preuve de leadership, cette fois-ci, afin que l'on ne revive pas l'enfer de la contrebande de cigarettes que l'on a connue en 1994?
[Traduction]
M. Lynn Myers (secrétaire parlementaire du solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, nous savons qu'il existe un lien direct entre la contrebande et l'activité dont il est ici question. Nous savons aussi que nous mettons en place les contrôles nécessaires.
C'est précisément pour cela que le ministre des Finances s'entretient avec ses homologues. Nous allons surveiller la situation de très près dans l'intérêt supérieur de tous les Canadiens.
[Français]
Mme Pierrette Venne (Saint-Bruno—Saint-Hubert, BQ): Monsieur le Président, pendant le Sommet des Amériques, la collaboration entre la GRC, la SQ, les corps policiers municipaux et autochtones a permis d'exercer un contrôle total du territoire des réserves et d'éviter ainsi l'entrée d'éléments indésirables au pays.
Est-ce que le solliciteur général peut nous garantir que la même collaboration prévaudra entre la GRC et les forces policières présentes au Québec et que nous obtiendrons une efficacité similaire dans la lutte à la contrebande de cigarettes?
L'hon. Martin Cauchon (ministre du Revenu national et secrétaire d'État (Agence de développement économique du Canada pour les régions du Québec), Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de voir que les députés de l'opposition reconnaissent l'excellent travail effectué par l'ensemble des corps policiers, également par le corps douanier, en fait, les officiers des douanes, pendant le Sommet des Amériques. Je tiens à féliciter l'ensemble de ces corps professionnels.
Évidemment, pour ce qui est de la question de la contrebande du tabac, le ministre des Finances a fait quelque chose dernièrement. Il y aura un suivi minutieux effectué de la part de l'ensemble des corps policiers, mais également de la part des douanes, pour faire en sorte que l'on puisse éliminer la contrebande.
Je tiens à souligner que l'esprit de coopération que nous avions dans le cadre du Sommet des Amériques est l'esprit qui règne encore lorsqu'on parle de lutte contre la contrebande.
* * *
[Traduction]
L'INDUSTRIE DU BOIS D'OEUVRE
M. John Duncan (Île de Vancouver-Nord, Alliance canadienne): Monsieur le Président, jeudi, le premier ministre a dit dans le Canada atlantique que nous allions négocier dans le dossier des exportations de bois d'oeuvre. C'était nouveau pour tout le monde sauf le premier ministre. Puis, vendredi, le ministre s'est félicité d'avoir sensibilisé les groupes de consommateurs américains de bois d'oeuvre. C'était aussi du nouveau.
Deux longues années avant que le ministre adopte le libre-échange dans le bois d'oeuvre, les groupes de consommateurs américains de bois d'oeuvre faisaient du lobbying en faveur du libre-échange. Pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas toujours défendu la même position?
L'hon. Pierre Pettigrew (ministre du Commerce international, Lib.): Monsieur le Président, nous avons, au contraire, toujours défendu la même position. Nous allons combattre les allégations que les producteurs américains ont présentées au département du Commerce.
Nous allons montrer que nous faisons certes les choses différemment au Canada, mais que cela n'équivaut pas à des subventions. Cela n'équivaut pas à des subventions dans le Canada atlantique, en Colombie-Britannique, au Québec, en Alberta ou en Ontario. Nous allons nous battre et expliquer cela très clairement à Washington.
M. John Duncan (Île de Vancouver-Nord, Alliance canadienne): Monsieur le Président, il y a un mois, le gouvernement fédéral a mis en oeuvre le contrôle des exportations de bois d'oeuvre vers les États-Unis à l'expiration de l'entente de cinq ans sur le bois d'oeuvre. Selon le lobby américain du bois d'oeuvre, il y aurait une avalanche de bois canadien au mois d'avril.
Or, les observateurs du marché disent maintenant que les expéditions de bois du mois d'avril sont en baisse. Cette question est tellement importante pour l'intérêt national que l'on ne saurait taire ces données d'exportation. Quand le ministre fera-t-il connaître ces données?
L'hon. Pierre Pettigrew (ministre du Commerce international, Lib.): Monsieur le Président, nous avons observé de très près ces données durant tout le mois d'avril. Il ne semble pas y avoir eu de changement marqué. Cependant, il ne s'agit que de données préliminaires et nous n'en parlerons pas publiquement pour le moment.
Comme la Chambre le sait, il est très important que notre industrie poursuive ses échanges commerciaux habituels avec les États-Unis. Nous avons dit très clairement que notre industrie en aurait beaucoup souffert si les importations avaient fortement augmenté.
* * *
L'ENVIRONNEMENT
M. Jeannot Castonguay (Madawaska—Restigouche, Lib.): Monsieur le Président, en décembre, l'an dernier, le ministre de l'Environnement a annoncé la signature de l'Annexe sur l'ozone à l'Accord Canada-États-Unis sur la qualité de l'air de 1991. En février, il a annoncé que le gouvernement du Canada investira 120 millions de dollars pour lui permettre de s'acquitter des engagements pris dans l'annexe.
La secrétaire parlementaire du ministre de l'Environnement pourrait-elle dire à la Chambre où en est cette initiative?
Mme Karen Redman (secrétaire parlementaire du ministre de l'Environnement, Lib.): Monsieur le Président, la semaine dernière, le ministre de l'Environnement a diffusé le Plan intérimaire concernant les matières particulaires et l'ozone, deux éléments-clés du smog. Le plan décrit les mesures qui seront mises en oeuvre pour réduire la pollution provenant des véhicules et des moteurs ainsi que des carburants qui les alimentent et pour améliorer et étendre les systèmes de contrôle et de rapports.
Ce plan intérimaire fait suite à la promesse qu'a faite le gouvernement de faire connaître nos plans aux Canadiens. Le ministre continuera d'étudier d'autres solutions pour assurer un environnement non pollué et sain aux Canadiens.
* * *
LA DÉFENSE NATIONALE
M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD): Monsieur le Président, depuis que le gouvernement a repris les rênes du pouvoir, en 1993, le moral, dans les forces armées, est tombé à son plus bas niveau de tous les temps. Ce n'est pas étonnant. L'équipement est vétuste, les augmentations de solde sont minimes et les nouvelles hausses des frais de logement viennent gruger les augmentations de solde.
En ce qui concerne le remplacement des hélicoptères Sea King, il semble qu'il y aura de nouveaux retards. J'ai une question toute simple à poser au ministre de la Défense nationale. Quand les Sea King seront-ils remplacés? À quelle date?
L'hon. Art Eggleton (ministre de la Défense nationale, Lib.): Monsieur le Président, il est étonnant que les députés néo-démocrates préconisent maintenant une augmentation des dépenses militaires. Je salue leur conversion.
Le remplacement des hélicoptères maritimes est notre projet d'acquisition prioritaire. L'énoncé des besoins est terminé. Il s'agit d'obtenir le meilleur hélicoptère capable de répondre aux besoins des Forces canadiennes, au meilleur prix possible pour les contribuables.
Le processus d'acquisition est engagé. Pendant qu'il se poursuit, nous modernisons les hélicoptères existants, les Sea King. Nous injectons quelque 50 millions de dollars dans ces travaux parce que nous voulons avoir la certitude absolue qu'ils sont sûrs pour notre personnel.
M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD): Monsieur le Président, là est tout le problème. Le gouvernement a annulé le projet en 1993. Il y a maintenant dans le projet tellement d'ingérences politiques du gouvernement que plus personne ne sait à quoi s'en tenir. Le ministre ne peut pas dire quand les Sea King seront remplacés.
Le ministre a dit maintes fois à la Chambre que les nouveaux hélicoptères voleraient en 2005. Le ministère des Travaux publics dit une chose, et le ministre dit quelque chose de complètement différent.
Au nom de ceux qui font voler les Sea King, qui les entretiennent et qui font un travail splendide pour le Canada: quand les hélicoptères seront-ils remplacés?
L'hon. Art Eggleton (ministre de la Défense nationale, Lib.): Encore une innovation des néo-démocrates, monsieur le Président. Ils appuient maintenant le gouvernement Mulroney en disant que nous n'aurions pas dû annuler le contrat des hélicoptères.
L'annulation de ce marché fait économiser aux contribuables plus d'un milliard de dollars, car nous aurons maintenant un appareil qui répondra mieux à nos besoins.
Nous n'avons pas modifié notre calendrier. J'ignore pourquoi le député soulève cette question. Nous faisons diligence pour que les Forces canadiennes aient l'hélicoptère dont elles ont besoin pour accomplir leur travail.
* * *
LA SOCIÉTÉ CANADIENNE D'HYPOTHÈQUES ET DE LOGEMENT
M. Loyola Hearn (St. John's-Ouest, PC): Monsieur le Président, l'itinérance est un problème croissant au Canada. Selon son énoncé de mission, la Société canadienne d'hypothèques et de logement aide les Canadiens à avoir accès à des habitations de qualité à prix abordable. Elle a contribué au financement du un, chemin Post, immeuble en copropriété divise le plus exclusif de Toronto, où le prix des logements se situe entre 1,3 million et 2,6 millions de dollars.
Ma question s'adresse au ministre des Travaux publics. Pourquoi la Société canadienne d'hypothèques et de logement finance-t-elle la construction de l'équivalent canadien du palais de Buckingham alors qu'un si grand nombre de Canadiens n'ont toujours pas accès à un logement à prix abordable?
M. Paul Szabo (secrétaire parlementaire du ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, Lib.): Monsieur le Président, je donne au député l'assurance que le gouvernement est résolu à investir dans le logement et à corriger les importants problèmes qu'il a soulevés.
Nous avons indiqué dans le discours du Trône que nous stimulerions la création de logements abordables plus nombreux. Un plan sera annoncé sous peu.
M. Loyola Hearn (St. John's-Ouest, PC): Monsieur le Président, quelles que soient les promesses du gouvernement, les mesures qu'il adopte sont axées sur les riches.
Quel est le nombre d'itinérants dont nous pourrions nous occuper avec 2,5 millions de dollars, soit le prix d'un de ces logements subventionnés par le gouvernement? Quand le gouvernement va-t-il s'attaquer sérieusement au problème de logement des Canadiens dans le besoin?
M. Paul Szabo (secrétaire parlementaire du ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, Lib.): Monsieur le Président, le député sait que le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux a rencontré ses homologues provinciaux l'automne dernier. Ils ont convenu de cette priorité pour l'ensemble des Canadiens.
Entre-temps, les fonctionnaires de Travaux publics et Services gouvernementaux et de la Société canadienne d'hypothèques et de logement continuent de collaborer avec leurs homologues provinciaux à l'établissement d'une solution applicable.
* * *
LA DÉFENSE NATIONALE
M. James Lunney (Nanaïmo—Alberni, Alliance canadienne): Monsieur le Président, comment peut-on considérer nos Forces canadiennes prêtes au combat quand elles ne sont même pas prêtes au service en temps de paix?
Douze des 41 appareils Sea King se sont écrasés. Sept membres d'équipage ont péri dans ces écrasements. Il y a eu des défaillances mécaniques. Il faut 30 heures d'entretien pour chaque heure de vol. Les équipages en difficulté ont dû utiliser leur propre téléphone cellulaire pour demander de l'aide. Non seulement la situation est-elle démoralisante pour nos militaires, elle est aussi une source d'embarras à l'échelle internationale.
Faudra-t-il d'autres pertes de vie pour que le gouvernement décide finalement de doter nos forces de l'équipement dont elles ont tant besoin?
L'hon. Art Eggleton (ministre de la Défense nationale, Lib.): Monsieur le Président, le préambule de cette question n'est pas tout à fait exact. Le député exagère beaucoup la situation.
J'ai clairement indiqué que nous avions l'intention de fournir à nos Forces canadiennes le genre d'équipement dont elles ont besoin, et ce aussi rapidement que possible. Nous allons faire en sorte que nos Sea King soient sécuritaires.
Je souligne que les forces armées les plus modernes au monde, soit celles des États-Unis, utilisent des appareils Sea King de la même cuvée que les nôtres.
M. James Lunney (Nanaïmo—Alberni, Alliance canadienne): Monsieur le Président, au cours de la campagne électorale de 1993, le premier ministre avait déclaré qu'il n'allait pas équiper les Forces canadiennes de nouveaux hélicoptères. C'était il y a huit ans, et le besoin de remplacer les hélicoptères en usage à cette époque était déjà évident.
Ces appareils qu'on appelle les anciens, les vénérables ou les ancestraux Sea King, sont aussi désignés sous le nom de cercueils volants. Quand les Forces canadiennes peuvent-elles s'attendre de recevoir leurs premiers hélicoptères de remplacement? Je demande au ministre de nous donner une date.
L'hon. Art Eggleton (ministre de la Défense nationale, Lib.): Monsieur le Président, je pense que les forces armées américaines seraient intéressées d'apprendre qu'elles utilisent de si mauvais appareils. Je suis persuadé qu'elles diraient la même chose que nous.
Nous n'allons pas laisser ces appareils prendre les airs à moins qu'ils soient parfaitement sécuritaires. Nous leur apportons les correctifs nécessaires pour les rendre sécuritaires. Chaque appareil est soumis à une inspection très rigoureuse. On respecte les normes de sécurité les plus élevées pour que nos militaires puissent utiliser ces hélicoptères en toute sécurité.
* * *
[Français]
LES ORGANISMES GÉNÉTIQUEMENT MODIFIÉS
Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Neigette-et-la Mitis, BQ): Monsieur le Président, un groupe de l'ONU responsable d'adopter des normes mondiales en matière d'alimentation est réuni cette semaine à Ottawa pour discuter de la question de l'étiquetage des aliments contenant des OGM.
Depuis la réunion de Rio, en février dernier, les États-Unis sont revenus sur leur décision qui était alors favorable à l'étiquetage, et les délégués réunis à Ottawa craignent que le Canada n'en fasse autant.
Le ministre peut-il informer la Chambre des intentions de son gouvernement?
[Traduction]
L'hon. Lyle Vanclief (ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Lib.): Monsieur le Président, comme je l'ai expliqué à diverses reprises à la Chambre, l'Office des normes générales du Canada, le Conseil canadien de la distribution alimentaire, les provinces et les consommateurs canadiens, soit plus de 60 groupes, poursuivent des entretiens qui aboutiront bientôt à une recommandation à l'intention du gouvernement fédéral au sujet de l'étiquetage de produits alimentaires modifiés génétiquement.
[Français]
Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Neigette-et-la Mitis, BQ): Monsieur le Président, ce que nous voulons, c'est que le ministre donne des garanties à la Chambre qu'il y aura vraiment étiquetage des aliments qui contiennent des OGM, car ce ne serait pas la première fois que le gouvernement ferait un flip-flop pour suivre les États-Unis.
[Traduction]
L'hon. Lyle Vanclief (ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Lib.): Monsieur le Président, comme à l'accoutumée, le gouvernement consulte tous les intervenants de l'industrie, les différents niveaux de gouvernement et les consommateurs, pour mettre en place un système d'étiquetage qui soit à la fois parlant, crédible et d'application pratique.
Pour en garantir l'efficacité, nous devons nous assurer de tous ces éléments. Nous sommes impatients de prendre connaissance des recommandations de ce groupe, comme des recommandations et des observations de la société royale qui a déjà fait rapport, et de connaître les résultats du travail du Comité consultatif canadien de la biotechnologie.
* * *
LES ÉLECTIONS
M. James Moore (Port Moody—Coquitlam—Port Coquitlam, Alliance canadienne): Monsieur le Président, dans le Citizen d'Ottawa d'aujourd'hui, on apprend que la décision du premier ministre de déclencher des élections générales prématurées l'année dernière, au beau milieu d'une mission qu'Équipe Canada avait prévue de faire en Chine, a coûté aux contribuables canadiens 4,1 millions de dollars en frais d'annulation.
Le gouvernement a non seulement dépensé inutilement l'argent des contribuables, mais il a aussi envoyé aux milieux d'affaires de la Chine et du Canada un message clair, celui selon lequel une campagne visant à maintenir les libéraux au pouvoir, une campagne qui ne portait sur aucun enjeu, était plus importante que les exportations vers la Chine.
Les deux partenaires du Canada dans le cadre de l'ALENA tiennent des élections à date fixe, ce qui évite ce genre de problème. Pourquoi les libéraux refusent-ils d'adopter la même politique dans notre pays?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, on m'a mis au défi. Le chef de l'opposition m'a mis au défi de déclencher des élections. Je l'ai écouté. Ce fut un désastre pour les députés de son parti, mais ils ne peuvent se plaindre. S'il s'était tu, il serait peut-être dans une meilleure situation aujourd'hui.
M. James Moore (Port Moody—Coquitlam—Port Coquitlam, Alliance canadienne): Monsieur le Président, samedi, le chef du Parti libéral de la Colombie-Britannique, Gordon Campbell, a promis que, s'il est élu premier ministre de cette province, les prochaines élections en Colombie-Britannique auront lieu le 17 mai 2005. Le fait que la date des élections soit connue renforce l'obligation de rendre compte et évite le gaspillage de millions de dollars, un gaspillage que le gouvernement a sciemment causé.
Pourquoi l'idée de tenir des élections à date fixe est-elle si difficile à comprendre pour le premier ministre, alors que ses collègues libéraux de la Colombie-Britannique en saisissent parfaitement l'utilité?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, nous fonctionnons selon la tradition britannique. Celle-ci prévoit la tenue d'élections à des intervalles de cinq ans. C'est au premier ministre qu'il revient de déclencher les élections.
Le premier ministre a été mis au défi de le faire, ici même, par le chef de l'opposition. J'aime livrer une bonne bataille et je n'ai pas pu résister.
* * *
LES PERSONNES HANDICAPÉES
Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Monsieur le Président, un des défis réels auxquels les personnes handicapées sont confrontées tient du fait que les programmes touchant ces personnes relèvent de tous les ministères et même des trois niveaux de gouvernement.
La ministre du Développement des ressources humaines peut-elle nous dire ce que fait le gouvernement du Canada pour aider les quatre millions de Canadiens handicapés à accéder à l'aide et aux services dont ils ont besoin?
Mme Raymonde Folco (secrétaire parlementaire de la ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, je suis fière de dire à la députée que la ministre du Développement des ressources humaines a lancé un nouveau site Web national la semaine dernière.
Avec Réseau handicap, les personnes handicapées d'un bout à l'autre du Canada auront, pour la première fois, un site Internet qui leur est spécialement destiné et qui leur donnera accès rapidement à l'information relative aux programmes et services gouvernementaux qui les concernent.
Cette initiative fédérale-provinciale-territoriale, qui est un succès, est importante si l'on veut s'assurer que le gouvernement et les autres fournisseurs de services répondent aux besoins des personnes handicapées.
* * *
LES RESSOURCES NATURELLES
Mme Cheryl Gallant (Renfrew—Nipissing—Pembroke, Alliance canadienne): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Ressources naturelles. Récemment, Énergie atomique du Canada a été contrainte de mettre à pied des travailleurs de ses installations de Chalk River. Ces travailleurs sont jeunes et ont des familles. Les perspectives locales d'emploi sont minces.
Quand le gouvernement annoncera-t-il que le Centre canadien de neutrons sera installé à Chalk River?
L'hon. Ralph Goodale (ministre des Ressources naturelles et ministre responsable de la Commission canadienne du blé, Lib.): Monsieur le Président, tout d'abord, je tiens à souligner que, pendant la dernière législature, les députés de l'opposition critiquaient toutes sortes de dépenses gouvernementales. C'est un député ministériel, M. Hec Clouthier, qui s'est battu avec le plus de vigueur pour que le Centre canadien de neutrons soit installé à Chalk River. Il continue encore de se battre pour cela.
Il s'agit là d'une décision ayant d'importantes répercussions scientifiques. Il y va de centaines de millions de dollars. Le gouvernement étudie très sérieusement la question et annoncera sa décision le plus tôt possible.
Mme Cheryl Gallant (Renfrew—Nipissing—Pembroke, Alliance canadienne): Monsieur le Président, depuis 1993, le gouvernement libéral a enlevé des centaines de millions de dollars au centre canadien d'excellence en science que constitue le laboratoire nucléaire de Chalk River. Le tomodensitomètre et l'imagerie par résonance magnétique ont été mis au point à ces installations de niveau mondial.
Quand le gouvernement tiendra-t-il sa promesse électorale et dégagera-t-il les fonds pour la construction du Centre canadien de neutrons à Chalk River?
L'hon. Ralph Goodale (ministre des Ressources naturelles et ministre responsable de la Commission canadienne du blé, Lib.): Monsieur le Président, j'invite la députée à lire la proposition de budget de l'Alliance canadienne ou Parti réformiste, comme il s'appelait avant que la député n'arrive à la Chambre des communes.
Elle découvrira que le ministère des Ressources naturelles et EACL auraient été sérieusement éviscérés au point que tout projet de recherche semblable à ceux qu'elle mentionne n'aurait plus aucune chance de voir le jour.
* * *
[Français]
L'INSPECTION DES ALIMENTS
M. Bernard Bigras (Rosemont—Petite-Patrie, BQ): Monsieur le Président, nous apprenions, la semaine dernière, que du maïs Starlink a été retrouvé dans des pâtes alimentaires distribuées dans des marchés d'alimentation canadiens. De plus, Dow Agrosciences Canada Inc. émettait un rappel vendredi sur un lot de semences contaminées par du Starlink et vendues sur les marchés québécois et ontarien.
Contrairement à ce que le ministre affirmait le 16 mars dernier sur la fiabilité de son système d'inspection, est-ce qu'il va reconnaître enfin, une fois pour toutes, que son système d'inspection des aliments n'est pas parfait? Est-ce qu'il peut nous dire également ce qu'il compte faire pour améliorer la situation?
[Traduction]
L'hon. Lyle Vanclief (ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Lib.): Monsieur le Président, les Canadiens sont très fiers de leur système d'inspection des aliments. C'est un des meilleurs, sinon le meilleur au monde.
Cependant, nous cherchons constamment à l'améliorer. Nous collaborons avec l'industrie. Nous collaborons avec Santé Canada et avec tous les autres intervenants du système d'inspection des aliments afin de faire en sorte qu'il soit le meilleur possible.
* * *
[Français]
LE DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL
M. Georges Farrah (Bonaventure—Gaspé—Îles-de-la-Madeleine—Pabok, Lib.): Monsieur le Président, un des défis qu'aura à affronter le Canada au XXIe siècle sera d'assurer le développement de l'économie de toutes les régions. L'avenir des régions passe par la jeunesse.
Quelle action le ministre responsable de l'Agence de Développement économique du Canada entend-il prendre pour arrêter l'exode des jeunes des régions?
L'hon. Martin Cauchon (ministre du Revenu national et secrétaire d'État (Agence de développement économique du Canada pour les régions du Québec), Lib.): Monsieur le Président, il s'agit effectivement d'une question très importante concernant le développement régional, particulièrement celui des régions-ressources, qui nous préoccupe énormément. La question de retenir les jeunes dans l'ensemble des régions nous préoccupe également pour nous assurer qu'ils puissent développer des entreprises.
Nous avons d'ailleurs mis sur pied, depuis 1997, un programme particulier, un fonds jeunesse avec l'aide des sociétés d'aide au développement des collectivités. Aujourd'hui, nous parlons de 1 516 entrepreneurs qui ont été financés au sein de 1 244 entreprises dans l'ensemble des régions.
Cela a permis de créer ou de maintenir plus de 4 500 emplois. Depuis novembre 1997, c'est au-delà de 15 millions de dollars qui ont été investis dans ce fonds d'investissement pour maintenir et développer l'ensemble de nos régions.
* * *
[Traduction]
LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Alliance canadienne): Monsieur le Président, l'économie du Zimbabwe est celle qui s'effondre le plus rapidement dans le monde et les violations des droits de la personne y sont légion, tout cela parce que Robert Mugabe tente de s'accrocher au pouvoir.
La question que je pose au ministre des Affaires étrangères est simple. Soulèvera-t-il ce problème devant le Conseil de sécurité? Mobilisera-t-il une équipe internationale d'intervention qui exercera des pressions sur le gouvernement du Zimbabwe afin qu'il mette fin à ces violations et laisse la démocratie régner?
L'hon. John Manley (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, le député sait que le Canada ne siège plus au Conseil de sécurité. Cependant, le problème concernant le Zimbabwe a été soulevé lors de la toute dernière rencontre du Groupe d'action ministériel du Commonwealth. Le GAMC y a proposé qu'une délégation de ministres se rende au Zimbabwe pour rencontrer le gouvernement et discuter de la situation qui existe dans ce pays.
Le député sait que le gouvernement du Zimbabwe a rejeté la demande de la délégation du GAMC pour qu'elle se rende dans ce pays. Je suis sûr que les chefs de gouvernement du Commonwealth examineront la question lorsqu'ils se réuniront plus tard, cette année, en Australie.
* * *
[Français]
LES JEUNES CONTREVENANTS
M. Michel Bellehumeur (Berthier—Montcalm, BQ): Monsieur le Président, la semaine dernière, des représentants des provinces de l'Ouest et des Maritimes sont venus témoigner sur le projet de loi C-7 devant le Comité permanent de la justice.
Tous ceux-là qui réclamaient des modifications, selon la ministre, ont dit que le projet de loi C-7 était complexe, coûtait trop cher, augmentait les délais, ne répondait pas aux attentes des provinces, et j'en passe.
Compte tenu que même ses propres alliés condamnent son projet—ajoutés aux appuis du Québec—est-ce que la ministre va entendre raison, retirer le projet de loi C-7, et si jamais son ministère a de l'argent avec lequel il ne sait pas quoi faire, qu'il le donne aux provinces pour qu'elles puissent appliquer la Loi sur les jeunes contrevenants, comme on le fait au Québec depuis 30 ans?
[Traduction]
L'hon. Anne McLellan (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, comme le député le sait, la réponse à sa question est non. Nous n'avons aucune intention de retirer le projet de loi C-7, car il commande l'appui d'un grand nombre de Canadiens qui veulent que ce nouveau projet de loi sur la justice pour les adolescents repose sur des principes importants, comme la prévention, la responsabilité et la réadaptation.
* * *
LA DÉFENSE NATIONALE
M. Bill Blaikie (Winnipeg—Transcona, NPD): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Défense.
Le ministre a raison de dire que le NPD s'est rangé du côté des libéraux en 1993 pour s'opposer au contrat portant sur les hélicoptères EH-101. Il ne savait pas cependant que sept ans plus tard, nous serions toujours en train de discuter du genre d'hélicoptères que l'on achèterait pour les Forces canadiennes.
Le ministre ne se sent-il pas un peu gêné de voir qu'après sept ans, les Forces canadiennes attendent toujours que les libéraux prennent une décision sur le genre d'hélicoptères qu'elles obtiendront?
L'hon. Art Eggleton (ministre de la Défense nationale, Lib.): Monsieur le Président, nous avons déjà dit que nous accordions la plus haute priorité à ce processus d'acquisition.
Nous avons déjà acheté de nouveaux s hélicoptères pour les missions de recherche et de sauvetage. La livraison devrait se faire au cours de l'année. Nous avons de plus acheté bon nombre d'autres pièces d'équipement, par exemple, de nouveaux véhicules VBL III et Coyote pour l'armée et de nouveaux sous-marins pour la marine. Nous avons beaucoup de nouvel équipement.
Nous fonctionnons aussi rapidement que possible, mais nous tenons à nous assurer que les Forces canadiennes ont les outils et le matériel dont ils ont besoin pour pouvoir faire leur travail en toute sécurité.
* * *
[Français]
PRÉSENCE À LA TRIBUNE
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît. Je voudrais souligner la présence à la tribune de Son Excellence M. Rafic Al-Hariri, premier ministre de la République libanaise.
Des voix: Bravo!
* * *
RECOURS AU RÈGLEMENT
LE DÉPÔT DE DOCUMENTS
M. Stéphane Bergeron (Verchères—Les-Patriotes, BQ): Monsieur le Président, compte tenu du fait que le secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie a voulu nier encore une fois l'existence d'un lien d'affaires entre le club de golf de Grand-Mère et l'Auberge Grand-Mère, avec le consentement unanime de cette Chambre, j'aimerais déposer, à la demande expresse du vice-premier ministre, le bail qui existait entre l'Auberge Grand-Mère et le club de golf de Grand-Mère.
Le Président: Est-ce que l'honorable député de Verchères—Les-Patriotes a le consentement unanime de la Chambre afin de déposer ce document?
Des voix: D'accord.
Des voix: Non.
AFFAIRES COURANTES
[Traduction]
RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS
M. Derek Lee (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, la réponse du gouvernement à dix pétitions.
* * *
LOI D'HARMONISATION NO 1 DU DROIT FÉDÉRAL AVEC LE DROIT CIVIL
L'hon. Don Boudria (au nom de la ministre de la Justice) propose: Que le projet de loi S-4, Loi no 1 visant à harmoniser le droit fédéral avec le droit civil de la province de Québec et modifiant certaines lois pour que chaque version linguistique tienne compte du droit civil et de la common law, soit lu pour la première fois.
(Les motions sont réputées adoptées, et le projet de loi est lu pour la première fois.)
* * *
PÉTITIONS
L'USAGE DE POISONS
M. Roy Bailey (Souris—Moose Mountain, Alliance canadienne): Monsieur le Président, j'ai une pétition de 25 pages signée par des habitants des quatre coins de la Saskatchewan. Certains viennent de Big Beaver et d'autres de Big River, soit le point le plus au sud et le point le plus au nord de la province.
Ces pétitionnaires, des agriculteurs et des propriétaires de ranch, pressent le gouvernement de mettre au point un poison qui leur permettra de venir à bout des spermophiles de Richardson, communément appelés rats des sables. Les dommages causés par cette vermine coûtent des millions de dollars.
Le gouvernement n'a absolument pas tenu compte des pétitions précédentes. J'ose espérer qu'il donnera enfin suite aux demandes de ces agriculteurs et de ces propriétaires de ranch.
LES PESTICIDES CHIMIQUES
L'hon. Andy Scott (Fredericton, Lib.): Monsieur le Président, j'ai le plaisir de présenter à la chambre une pétition signée par nombre d'habitants de ma circonscription de même que des circonscriptions voisines. Ces pétitionnaires pressent le Parlement d'imposer immédiatement un moratoire sur l'utilisation des pesticides chimiques à des fins esthétiques.
L'ENVIRONNEMENT
M. John Williams (St. Albert, Alliance canadienne): Monsieur le Président, j'ai deux pétitions à présenter aujourd'hui.
La première est signée par des habitants de St. Albert et de ses environs de même que d'Edmonton qui réclament que le Canada ratifie l'ensemble du protocole environnemental du Traité sur l'Antarctique.
FALUN GONG
M. John Williams (St. Albert, Alliance canadienne): Monsieur le Président, la deuxième pétition est signée par des habitants de ma circonscription et de ses environs qui demandent au gouvernement d'exhorter la République populaire de Chine à libérer tous les prisonniers adeptes du Falun Gong et du Falun Dafa et à annuler l'interdiction qui pèse sur les membres du Falun Gong.
VIA RAIL
M. Peter Adams (Peterborough, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais présenter une autre pétition signée par des résidents de la région de Peterborough, qui demandent le rétablissement du service de VIA Rail entre Toronto et Peterborough. Les signataires font valoir les avantages environnementaux du service de trains de banlieue.
Les pétitionnaires estiment que le service de VIA Rail serait viable et contribuerait à réduire les émissions de gaz à effet de serre, les coûts sociaux liés aux accidents et les retards sur les routes de l'Ontario. Ils font valoir que ce service renforcerait l'économie de Peterborough en tant que centre de banlieue, centre touristique et éducatif.
Ils demandent au Parlement de rétablir le service de VIA Rail entre Peterborough et Toronto.
LES MALADIES DU REIN
M. Peter Adams (Peterborough, Lib.): Monsieur le Président, je désire présenter une autre pétition, signée par des résidents de Peterborough, en faveur de la recherche sur la mise au point d'un rein bio-artificiel qui pourrait remplacer les greffes de reins et la dialyse chez les personnes atteintes de néphropathie au stade terminal.
Les signataires demandent au Parlement d'appuyer la recherche sur le rein bio-artificiel.
La dernière pétition traite également de la recherche sur le rein. Les signataires font valoir que les maladies du rein posent un problème de plus en plus grave et ils demandent au Parlement d'encourager les Instituts canadiens de recherche en santé à reconnaître expressément la recherche sur le rein en nommant l'un d'eux l'Institut des maladies du rein et des voies urinaires.
LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES
M. Bill Blaikie (Winnipeg—Transcona, NPD): Monsieur le Président, je désire présenter une pétition qui demande au Parlement d'abroger le paragraphe 13(5) de la Loi sur la Société canadienne des postes, afin de permettre aux courriers ruraux de s'organiser et de négocier collectivement avec le gouvernement.
L'IMMIGRATION
M. Howard Hilstrom (Selkirk—Interlake, Alliance canadienne): Monsieur le Président, M. Richard Frankowski a été expulsé du Canada après y avoir vécu pendant plus de 36 ans. Les amis et les supporteurs de M. Frankowski estiment que son expulsion constitue une injustice.
Ils demandent au gouvernement du Canada de se conformer à la Déclaration universelle des droits de l'homme et au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et de permettre à M. Frankowski de revenir au Canada.
LA SANTÉ
Mme Carol Skelton (Saskatoon—Rosetown—Biggar, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je désire présenter, au nom de mes électeurs, une pétition concernant la crise de fièvre aphteuse qui a récemment frappé le Royaume-Uni.
Les pétitionnaires demandent que le Canada limite les déplacements des Canadiens vers le Royaume-Uni, sauf en ce qui concerne les voyages commerciaux et diplomatiques.
* * *
QUESTIONS AU FEUILLETON
M. Derek Lee (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, je demande que toutes les questions inscrites au Feuilleton soient reportées.
Le Président: Est-ce d'accord?
Des voix: D'accord.
INITIATIVES MINISTÉRIELLES
[Traduction]
LOI SUR L'ENREGISTREMENT DES ORGANISMES DE BIENFAISANCE (RENSEIGNEMENTS DE SÉCURITÉ)
(Projet de loi C-16. L'ordre du jour appelle: Initiatives ministérielles)
Le 15 mars 2001—Le solliciteur général du Canada—Deuxième lecture et renvoi au Comité permanent de la justice et des droits de la personne du projet de loi C-16, Loi concernant l'enregistrement des organismes de bienfaisance et les renseignements de sécurité et modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu.
L'hon. Don Boudria (au nom du solliciteur général du Canada): Monsieur le Président, je propose:
Que le projet de loi C-16, Loi concernant l'enregistrement des organismes de bienfaisance et les renseignements de sécurité et modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu, soit renvoyé sur-le-champ au Comité permanent de la justice et des droits de la personne.
M. Lynn Myers (secrétaire parlementaire du solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux d'intervenir aujourd'hui pour parler du projet de loi C-16, une mesure conçue pour permettre au gouvernement d'utiliser et de protéger des renseignements à caractère secret en matière de sécurité et de criminalité pour refuser ou révoquer l'enregistrement d'un organisme ayant des affiliations terroristes.
Le projet de loi C-16 établit un équilibre entre la nécessité pour le gouvernement de protéger des renseignements à caractère secret et l'obligation fondamentale d'assurer l'équité et la transparence dans l'examen du statut d'organisme de bienfaisance enregistré ou des organismes qui demandent d'obtenir ce statut.
L'objectif est d'empêcher, maintenant et dans l'avenir, le recours abusif au système d'enregistrement des organismes de bienfaisance par le petit nombre d'organisations qui soutiennent des actes de terrorisme.
Je voudrais donner aux députés un aperçu des difficultés pressantes auxquelles nous faisons face, en tant que représentants du gouvernement, comme tous les Canadiens d'ailleurs, et qui font que ce projet de loi contribue de façon marquée à l'effort du Canada pour lutter contre le terrorisme et, aussi important, pour préserver l'intégrité du système canadien d'enregistrement des organismes de bienfaisance, une des plus grandes forces sociales du pays.
De plus, je vais dire un mot sur le processus d'élaboration du projet de loi C-16, son mode d'application et son importance ainsi que sur l'avantage qu'il présente pour la société canadienne et la sécurité publique et sur la manière dont il s'intègre aux efforts plus larges en matière de sécurité internationale.
Le projet de loi C-16 répond directement au rapport de 1999 du Comité spécial du Sénat sur la sécurité et les services de renseignement, qui avait souligné que les groupes ayant des affiliations terroristes font des levées de fonds au Canada et se servent souvent d'organisations bénévoles ou philanthropiques comme paravents.
Selon une des principales recommandations du rapport, la Loi de l'impôt sur le revenu devrait être modifiée pour que Revenu Canada, comme on l'appelait à l'époque, puisse refuser d'enregistrer un groupe comme organisme de bienfaisance, si un certificat du Service canadien du renseignement de sécurité déclare que le groupe constitue une menace pour la sécurité du Canada.
Nous avons aussi écouté les Canadiens. Nous savons qu'ils s'attendent que le gouvernement fédéral puisse de maintes façons, et nous en avons un exemple ici, jouer un rôle de premier plan pour rester vigilant et pour se tenir prêt à intervenir pour empêcher que des activités terroristes soient exercées au Canada.
Nous savons également que les Canadiens veulent que nous prenions les mesures qui s'imposent pour protéger leurs valeurs fondamentales. Ce projet de loi nous aiderait à dissiper les inquiétudes exprimées depuis quelques années par divers groupes ethniques, par les membres du secteur des bénévoles et par la population canadienne en général. L'intégrité et la contribution essentielle des organismes de bienfaisance doivent être protégées et préservées.
Les Canadiens ont besoin d'avoir l'assurance que, si on communique avec eux pour leur demander de soutenir un organisme de bienfaisance, il s'agira d'un organisme authentique.
Cette mesure législative permet au gouvernement de réagir aux menaces que font peser sur la sécurité publique et la sécurité nationale, au Canada et dans d'autres États, les groupes qui se servent du statut d'organisme de bienfaisance pour donner un caractère légitime à leurs activités en faveur du terrorisme. Nous savons tous que le terrorisme est un problème mondial qui ignore les frontières. C'est pourquoi le Canada est et doit être déterminé à oeuvrer à l'échelle mondiale pour lutter contre le terrorisme. C'est pour cette raison que le Canada oeuvre au sein d'une grande variété d'organismes internationaux pour encourager la condamnation collective du terrorisme et la prise de mesures efficaces et concrètes contre le terrorisme.
Au cours des dernières années, une série de communiqués et de déclarations du G-8 ainsi que de résolutions et de conventions des Nations Unies ont porté sur la question du terrorisme et plus spécifiquement sur le financement du terrorisme. Ces déclarations et accords internationaux dépendent, pour se concrétiser, des mesures que prendront le Canada et ses partenaires.
En 1995, les pays du G-8 se sont engagés, dans la Déclaration ministérielle d'Ottawa sur la lutte antiterroriste, à mettre en commun les renseignements et les connaissances techniques, les renseignements sur les organisations terroristes et les incidents terroristes, les connaissances en matière de protection d'édifices publics, et à améliorer les mécanismes permettant de repérer et de surveiller les personnes soupçonnées d'être des terroristes. En même temps, ils ont convenu de prendre des mesures visant à priver les terroristes de leurs sources de financement.
Au mois de février de l'an dernier, le Canada fut l'un des premiers pays, et je pense que nous devrions en être fiers, à signer la Convention internationale pour la suppression du financement du terrorisme. Le Canada a fait vigoureusement campagne dans ce domaine.
Le terrorisme n'est pas nouveau dans le monde moderne. Ce qui est nouveau, c'est l'ampleur des activités terroristes menées par les groupes qui cherchent à parvenir à leurs fins en ayant recours à la destruction et à la violence aveugle. Les instruments du terrorisme coûtent chers. De nombreuses organisations terroristes ont mis au point des méthodes crapuleuses pour se procurer l'argent dont elles ont besoin. Ce projet de loi mettrait fin à l'une de ces méthodes, à savoir se servir des reçus émis par les organismes de bienfaisance aux fins de l'impôt pour promouvoir le recours à la violence à des fins politiques.
Les Canadiens veulent que le système de soutien des organismes de bienfaisance soit fiable et ne donne pas lieu aux abus. Ils veulent un système et une législation qui représentent un équilibre entre le besoin de transparence et le besoin de traiter avec fermeté et efficacité ceux qui cherchent à profiter du système.
Le projet de loi porte donc un double mandat, à savoir, fermer la porte arrière par laquelle les organisations qui appuient les groupes terroristes sont subventionnées par les contribuables canadiens et, en même temps, veiller à ce qu'on respecte les normes de justice inscrites dans la Charte canadienne des droits et libertés.
Il existe déjà un processus judiciaire qui permet d'examiner les demandes de statut d'organisme de bienfaisance ou de retirer le statut aux organisations qui ne satisfont pas aux exigences de la Loi de l'impôt sur le revenu. En vertu de ce processus, les renseignements classifiés ne sont pas employés, car la divulgation de ces renseignements nuirait à la sécurité nationale. Il faut donc instaurer un régime législatif spécial pour permettre l'utilisation de ces renseignements et c'est précisément le but de ce projet de loi.
Le processus décrit dans le projet de loi se fonde sur la Loi sur l'immigration et a été sanctionné par les tribunaux. Le ministre du Revenu national et le solliciteur général du Canada émettent un certificat lié aux renseignements en matière de sécurité et de criminalité. Les deux ministres examinent séparément et indépendamment les renseignements. Ce certificat est ensuite examiné par un juge de la Cour fédérale du Canada qui, à son tour, détermine si le certificat délivré par les ministres est raisonnable ou devrait être annulé. Le juge examine les renseignements délicats et remet un résumé de ceux-ci au demandeur du statut d'organisme de bienfaisance ou à l'organisme caritatif enregistré, selon le cas.
L'organisation a droit à l'aide d'un avocat et à une audience où elle peut présenter des preuves. L'Agence des douanes et du revenu du Canada peut refuser ou retirer le statut d'organisme de bienfaisance uniquement après qu'un juge ait confirmé le certificat.
Le certificat est valide pour trois ans. Cependant, la décision peut être annulée durant cette période de trois ans si l'organisation présente de nouvelles informations permettant de conclure que ses ressources ne servent plus à soutenir le terrorisme.
Le discours du Trône a confirmé l'engagement du gouvernement et son intention de fournir tous les outils requis pour combattre le terrorisme. Ce projet de loi est un des outils dont le gouvernement fédéral a besoin pour remporter la bataille. Le Canada est fondé sur la diversité. Notre force est dans la diversité. Pour que le Canada continue de croître et de prospérer, il importe que notre diversité soit reconnue et acceptée.
Le projet de loi renforce le message clair du gouvernement voulant que le recours à la violence pour perpétuer des conflits va à l'encontre des valeurs de la société multiculturelle et tolérante qu'est la société canadienne.
Certains diront que le projet de loi ne va pas suffisamment loin. Ils diront qu'il faut faire davantage pour empêcher les collectes de fonds à des fins terroristes. Je me permets de dire au nom du gouvernement que nous sommes absolument d'accord. C'est pourquoi le Canada a été un des premiers pays à signer l'an dernier la convention des Nations Unies. Notre engagement est clair. Nous allons remplir nos obligations internationales, et cela, en respectant les valeurs canadiennes.
Le projet de loi constitue une étape importante, voire nécessaire. Voilà pourquoi nous en débattons ici aujourd'hui. Cette étape petite, mais nécessaire, dans notre lutte contre le terrorisme et la collecte de fonds à des fins terroristes est très importante.
J'espère que tous les partis appuieront ce projet de loi très important. Après tout, la nature du Canada l'exige.
M. Randy White (Langley—Abbotsford, Alliance canadienne): Monsieur le Président, le député d'en face a pratiquement rédigé une partie de mon discours. Il a anticipé certaines des observations que j'allais faire.
Il est très intéressant, lorsqu'il est question du financement d'organisations terroristes, que le gouvernement libéral dise que le projet de loi est une mesure modeste, mais nécessaire. Il ne faudrait pas traiter le problème du terrorisme dans n'importe quel pays en adoptant une mesure modeste et nécessaire.
Le projet de loi est censé prévoir un mécanisme pour empêcher l'enregistrement, à titre d'organismes de bienfaisance sous le régime de la Loi de l'impôt sur le revenu, d'organisations qui recueillent des fonds pour des terroristes.
On pourrait penser que, avec l'appareil gouvernemental imposant qui est en place et tous les députés qui siègent à la Chambre des communes, le gouvernement aurait trouvé une façon plus efficace de lutter contre le terrorisme, une façon qui ne se limiterait pas à une démarche globale faite par l'entremise d'un juge de la Cour fédérale, une démarche globale visant à refuser l'enregistrement de l'organisme à titre d'organisme de bienfaisance.
Que pensent les Canadiens lorsque le gouvernement reconnaît qu'il y a un problème grave et que des terroristes sont financés au moyen de fonds recueillis au Canada, mais que la démarche qu'il compte prendre pour régler ce problème, c'est de refuser d'enregistrer une organisation à titre d'organisme de bienfaisance après l'accomplissement de toute une série de formalités?
Les Canadiens s'attendent sûrement à plus que cela d'un gouvernement. Qu'est-ce que le gouvernement pourrait faire de plus? Je n'ai rien entendu au sujet de la Loi sur l'immigration. Que dire d'appliquer les dispositions de la Loi sur l'immigration aux nombreux individus qui participent à des activités terroristes dans notre pays? Si l'on soupçonne une organisation de participer à des activités terroristes, ceux qui font partie de cette organisation sont certainement des suspects. Quelles mesures sont proposées pour que, le cas échéant, on expulse ces individus qui n'ont pas la citoyenneté canadienne, conformément à la Loi sur l'immigration?
Quelle proposition est faite en vertu du Code criminel pour les citoyens canadiens qui participent à des activités terroristes? Quelle proposition est faite dans le Code criminel pour l'écoute électronique? À l'heure actuelle, il faut remplir 1 500 pages pour obtenir l'autorisation d'intercepter des conservations téléphoniques alors que cinq pages environ suffisaient il y a huit ans.
À mon avis, c'est une tentative pour le moins timide de lutter contre le terrorisme au Canada.
Selon le député d'en face, si un groupe représente une menace pour la sécurité du Canada, le gouvernement prendra des tas de mesures. Il déposera une requête devant un juge fédéral pour faire retirer son permis d'organisme de charité à l'organisation qui est liée à certains individus. C'est difficile de croire qu'un gouvernement puisse envisager ce genre de démarche.
Il y a des choses que l'on peut faire pour lutter contre le terrorisme, comme simplifier la procédure pour l'obtention de mandats pour l'écoute électronique, accorder plus de ressources à la GRC, au SCRS et aux organisations chargées de la prévention et de l'arrestation de ceux qui participent à des activités terroristes ou qui sont liés au crime organisé. Nous devrions définir ce qu'il faut entendre par groupe terroriste, tout comme nous sommes censés définir ce qu'est un gang du crime organisé dans la loi, ce que nous n'avons pas encore réussi à faire.
Il est difficile d'être enthousiaste quand il est question de l'enregistrement d'un organisme de charité et du refus ou du retrait de cet enregistrement, quand il est question d'un problème aussi important que celui du crime organisé ou du terrorisme. Dans mon coin de pays, il est difficile de croire que les triades, qui sont sans doute impliqués dans des activités terroristes, s'inquiéteraient de perdre leur enregistrement en tant qu'organismes de charité. Franchement, leurs revenus sont déjà libres d'impôt. Ils proviennent de la vente des stupéfiants, de la prostitution, des détournements de fonds, du blanchiment d'argent, qui sont des activités illégales. J'ai peine à croire que ces organisations seraient ennuyées qu'on leur retire leur accréditation d'organisme de bienfaisance.
Je me suis intéressé aux questions de justice pénale pendant toute ma carrière de député. J'ai demandé souvent qu'on présente à la Chambre des politiques et des projets de loi sérieux qui feraient quelque chose de constructif, qui aideraient à réduire l'importation et le trafic de drogues et qui éliminerait l'exploitation sexuelle des enfants et d'autres personnes.
Tout ce qu'on propose, ce sont des solutions comme celle-ci. Il est difficile d'imaginer que les téléspectateurs qui écoutent aujourd'hui cette discussion vont avoir bien confiance dans le gouvernement du Canada quand celui-ci dit qu'il va solutionner ce terrible problème que représente le terrorisme en envisageant de retirer à certaines organisations leur accréditation d'organisme de bienfaisance et de ne pas les exempter d'impôt sur l'argent qu'elles envoient à l'étranger.
Pourraient-ils croire honnêtement que des députés débattent de ce projet de loi à la Chambre des communes? Ne préféreraient-ils pas entendre que nous allons nous attaquer au crime organisé et au terrorisme différemment? Ils n'ont qu'à écouter les discours prononcés ici aujourd'hui et à se demander si les solutions proposées vont régler les problèmes liés au terrorisme au Canada.
La mesure proposée fera-t-elle obstacle au terrorisme de façon adéquate ou permettra-t-elle de mettre une personne en prison pour avoir été impliquée dans des actes de terrorisme? Non. En fait, elle dit que les gens ne pourront plus obtenir de reçus aux fins de l'impôt.
J'ai de sérieux doutes non seulement à l'égard du projet de loi lui-même, mais aussi à l'égard de la sincérité du gouvernement. Je doute de la capacité du gouvernement à comprendre la gravité du problème dont il est question ici. Si les gens qui nous regardent à la télévision aujourd'hui croient que j'ai tort, ils devraient écouter les discours des députés d'en face. Voilà les mesures efficaces que les libéraux vont prendre pour contrer le terrorisme.
Je demande à tous ceux qui nous regardent d'écrire des lettres à la Chambre des communes, d'écrire au solliciteur général et de m'écrire en tant que porte-parole de mon parti sur les questions relevant du solliciteur général pour dire s'ils croient ou non que la meilleure façon de lutter contre le terrorisme est de lutter, comme le disent les libéraux, contre ce qui constitue une menace à la sécurité du Canada. Ou est-ce de prendre les mesures que j'ai décrites? Est-ce de refuser l'enregistrement d'un organisme de bienfaisance sous le régime de la Loi de l'impôt sur le revenu?
Je n'ai pas besoin d'en dire plus long. Cette mesure est non seulement inefficace, mais elle montre un manque de compréhension de ce que sont les problèmes réels posés par le crime organisé et le terrorisme au Canada.
[Français]
Mme Pierrette Venne (Saint-Bruno—Saint-Hubert, BQ): Monsieur le Président, le projet de loi concernant l'enregistrement des organismes de bienfaisance et les renseignements de sécurité et modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu a pour but de contrer les activités de soutien au terrorisme, comme le prévoit la Convention sur le financement du terrorisme approuvée par les Nations Unies.
Par son projet de loi, le gouvernement voudrait faire échec au terrorisme en empêchant ses adeptes de recueillir des fonds ou du matériel à partir du Canada pour ensuite l'acheminer vers l'étranger.
Le projet de loi a pour objet de priver de soutien les activités terroristes ainsi que de protéger l'intégrité du système d'enregistrement des organismes de bienfaisance, le tout grâce à une utilisation équitable et transparente, autant que possible, de renseignements confidentiels pouvant mettre en jeu la sécurité nationale ou celle des personnes.
Concrètement, ce projet de loi a pour objectif d'empêcher des organismes liés à des groupes terroristes d'obtenir le statut d'organisme de bienfaisance. De cette manière, on croit parvenir à réduire le financement d'actes terroristes. Notamment, la loi faciliterait l'utilisation de renseignements confidentiels pour déterminer l'admissibilité ou le retrait du statut d'organisme de bienfaisance.
Il est intéressant de noter que le ministre ne définit aucunement ce qu'il entend par le terme «terrorisme», alors que l'objet du projet de loi est justement de contrer le financement des organisations qui s'adonnent à ce genre d'activités. Évidemment, une telle omission peut permettre une interprétation large ou libérale du terme. Conséquemment, dans un contexte très politisé, il y a toujours un risque potentiel d'abus.
Dans cette perspective, nous n'avons aucune garantie à l'effet que les paramètres utilisés pour les fins d'interprétation permettront de faire une distinction entre le financement d'activités légitimes, telles que la contestation politique, et les autres activités de nature violente. Le terme «terrorisme» doit être défini de manière exhaustive.
Quant à l'examen judiciaire du certificat, bien que la procédure soit relativement simple, il soulève toutefois certaines questions. Dans un premier temps, le Service canadien du renseignement de sécurité avise le solliciteur général et le ministre du Revenu qu'il en est arrivé à la conclusion qu'un organisme récolte des fonds pour financer des activités terroristes.
Sur la foi de cet avis, les ministres peuvent alors engager les procédures visant à empêcher cet organisme d'obtenir le statut d'organisme de bienfaisance ou lui retirer ce statut.
Considérant que le processus est engagé par un avis de nature administrative transmis au pouvoir politique qui émet ensuite le certificat, nous considérons cette façon de faire comme entachée par l'absence de toute possibilité de contrôle judiciaire.
Conséquemment, l'impossibilité d'interjeter appel vient mettre tout organisme faisant face à une telle procédure à la merci d'erreurs ou d'abus administratifs, politiques et judiciaires, pouvant résulter d'un alarmisme exagéré. Voilà qui justifie notre inquiétude, quand on sait que les pratiques du SCRS ne sont pas exemptes de tout reproche.
En outre, on peut comprendre l'absence de contrôle dont il a été fait mention précédemment. Quel motifs l'organisme pourrait-il invoquer pour des fins de contrôle ou d'appel, alors qu'il ne peut prendre connaissance des renseignements qui ont mené à la signature du certificat?
Cependant, on lui fera la faveur de lui communiquer les renseignements qui ne peuvent porter atteinte à la sécurité nationale. Bref, on lui communiquera des renseignements qui sont pas véritablement pertinents, puisque le refus ou la révocation du statut d'organisme de bienfaisance se fera sur la foi de renseignements pouvant porter atteinte à la sécurité nationale.
Enfin, la seule garantie procédurale que l'on accorde à l'organisme est la règle audi alteram partem. Toutefois, on peut se questionner sur son utilité, sachant que l'organisme n'aura pas accès aux faits et aux facteurs qui ont motivé l'émission du certificat.
La section sur la preuve soulève des inquiétudes tout aussi grandes que la précédente. En premier lieu, à l'occasion d'une procédure instituée en vertu du projet de loi, le juge pourra admettre une preuve, indépendamment de sa recevabilité.
En faisant abstraction de règles précises en matière de preuve, le gouvernement fait fi du caractère contradictoire qui caractérise notre système judiciaire. De cette manière, le projet de loi instaure une procédure inquisitoire, ce qui est inacceptable dans une société libre et démocratique.
Étant donné que nous ne disposons que d'une dizaine de minutes chacun, je vais sauter quelques-unes de mes réflexions pour aller vers le principal.
On se demande comment on peut oser espérer que le justiciable ait l'impression que justice soit rendue. Pour qu'il en soit ainsi, il faut au moins qu'il y ait apparence de justice. Le tout est difficilement vérifiable lorsque la preuve est dévoilée derrière des portes closes en l'absence du ou des principaux intéressés. On peut donc affirmer que dans le cas qui nous occupe, la procédure brille par une absence quasi totale de transparence.
L'organisme, ayant fait l'objet d'un certificat, pourra faire une demande de révision en démontrant que la situation a évolué d'une manière importante depuis le jugement. Cette possibilité demeure intéressante dans le sens où l'on permet à l'organisme de s'amender.
Cependant, si l'on considère les problèmes précédemment soulevés, il m'apparaît incertain qu'un organisme puisse faire cette démonstration. Pour démontrer que l'on s'est réformé, il faudrait d'abord être précisément au courant de ce que l'on vous reproche.
Lorsque les ministres auront rendu leur décision, l'organisme aura tout le loisir de s'adresser à la Cour fédérale pour qu'elle révise cette décision. Une fois encore, cette possibilité semble accorder certaines garanties procédurales.
Malencontreusement, ce n'est pas tout à fait le cas. En effet, les ministres ne semblent pas avoir l'obligation de motiver la décision dont on demande la révision. De plus, le Cour fédérale ne pourra réviser la décision que si elle fut rendue en vertu de l'alinéa 10(5)b) du projet de loi, c'est-à-dire que la situation a évolué mais que le certificat continue quand même d'avoir effet.
Cela implique donc que, lorsque les ministre en arrivent à la conclusion que la situation n'a pas évolué de manière importante, la Cour fédérale n'a pas un véritable pouvoir de révision. Dans un tel cas, tout ce qu'elle peut faire, c'est annuler la décision au motif que la situation a bel et bien évolué et retourner le dossier aux ministres pour qu'ils se prononcent de nouveau. De cette manière, il n'y a pas de véritable exercice de contrôle, car le dossier est alors retourné aux mêmes décideurs.
L'objectif de ce projet de loi est fort louable, mais les moyens utilisés pour y parvenir sont douteux. Actuellement, tel qu'il est rédigé, il y a trop d'accrocs à certains principes de justice pour qu'il soit adopté tel quel. Le comité devra grandement le bonifie, autrement, il s'agirait d'un dangereux précédent en matière de violation de garanties procédurales.
Certains diront que des organismes de bienfaisance peuvent servir de façades aux organisations terroristes. Même s'ils ont raison, je ne crois pas que l'on ait visé la bonne cible. Il est plutôt absurde de penser que les supporters d'organisations terroristes veulent bénéficier de crédits d'impôt.
On peut même se demander jusqu'à quel point cette loi n'est pas un moyen détourné de permettre au ministre d'exercer des contrôles fiscaux. Il ne faut pas oublier que le financement du terrorisme ne passe pas exclusivement par les organismes de bienfaisance. Bien que le gouvernement tente de démontrer qu'il pose des gestes concrets pour s'attaquer au terrorisme, avec ce projet de loi, il opte plutôt pour la facilité sans véritablement attaquer le problème à sa source.
En réalité, tout ce que l'on fait, c'est de s'assurer que des reçus d'impôt ne pourront pas être émis dans le cadre du financement d'activités terroristes.
J'en conviens, le terrorisme est un fléau bien réel, et nous devons participer à sa lutte. Par contre, doit-on recréer une psychose comme celle qui existait à l'époque de la menace communiste ou, pire encore, retourner à l'ère de l'Inquisition et de la chasse aux hérétiques? Je ne le crois pas.
À mon avis, une codification en bonne et due forme au Code criminel en ce qui a trait au financement d'activités terroristes serait beaucoup plus efficace, car elle viserait directement les personnes s'adonnant à de tels actes.
En somme, et en conclusion, ce projet de loi C-16 pourrait se résumer ainsi: suspicion, pouvoir discrétionnaire, preuve énigmatique et absence de contrôle.
[Traduction]
M. Bill Blaikie (Winnipeg—Transcona, NPD): Monsieur le Président, je vous remercie de me donner la chance de dire quelques mots dans le cadre du renvoi du projet de loi C-16 au comité. Cela ne se produit pas très souvent.
Le projet de loi C-16 se prête très bien à ce genre d'étude en comité avant la deuxième lecture qui permet à tous les partis, et surtout au parti au pouvoir, de ne pas s'engager envers quelque disposition de la loi que ce soit. On laisse ainsi aux membres du comité le champ libre pour se pencher sur toutes les préoccupations exprimées au sujet de ce projet de loi par bon nombre de gens.
Après avoir écouté le secrétaire parlementaire du solliciteur général, il me semble qu'il a fait un discours qui aurait davantage convenu à un débat normal de deuxième lecture dans lequel il a ardemment défendu le projet de loi, de même que la position du gouvernement dans ce dossier. Ce n'est pas cela qui devrait se produire en l'occurrence. Si ce projet de loi est soumis au comité avant la deuxième lecture, c'est sans doute que le gouvernement lui-même se rend compte qu'il y a des points qui méritent d'être étudiés avant que le gouvernement ne prenne quelque engagement quand à son adoption.
Les gens auront l'occasion de se prononcer, comme ils l'ont déjà fait en communiquant avec divers députés, en particulier ceux qui sont associés à ce dossier, et d'exprimer leurs préoccupations à ce sujet devant le comité.
Un autre projet de loi qui se prêterait très bien à ce genre d'exercice serait un projet de loi que le gouvernement pourrait déposer sur la sécurité au travail et sur les changements qui devraient être apportés au Code criminel pour que des accusations puissent être portées contre des compagnies ou des employés de compagnies responsables de la mort de travailleurs par suite de négligence de la part de la compagnie.
Je pense par exemple à un projet de loi déposé au cours de la dernière législature qu'on a parfois nommé le projet de loi sur la Westray. Le NPD, particulièrement notre chef, la députés de Halifax, appuyait ce projet de loi. Nous demandions au gouvernement de prendre des mesures à ce propos.
Il me semble que, si la ministre de la Justice veut entendre d'autres Canadiens, comme elle me l'a dit, et si elle n'est pas disposée à agir maintenant dans le dossier Westray, ce serait une bonne idée de présenter un projet de loi et de le renvoyer à un comité avant sa deuxième lecture, afin que d'autres personnes puissent être entendues sur ce sujet.
Je ne m'excuse pas de saisir l'occasion, au moment où nous recourons à ce processus à l'égard du projet de loi C-16, pour dire que le gouvernement devrait y recourir pour examiner d'autres questions tout aussi importantes, à mon avis, sur lesquelles il devrait agir. Il pourrait certes agir, entre autres, dans le dossier Westray, en modifiant le Code criminel de façon à ce que les activités qui ont mené à cette tragédie puissent être examinées beaucoup plus efficacement qu'à l'heure actuelle.
En ce qui concerne le projet de loi C-16, il n'est pas nécessaire d'en parler longuement. Nous voulons qu'il soit renvoyé à un comité. Le gouvernement devrait être transparent, et je crois déjà savoir qu'il l'est, et dire si le projet de loi devrait être renvoyé ou non au Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Ce comité a un emploi du temps très chargé. Il étudie le projet de loi C-7, qui porte sur le système de justice pénale pour les adolescents, le projet de loi C-15, qui concerne les modifications d'ensemble proposées au Code criminel, le projet de loi sur le crime organisé, et il y en aura d'autres. J'espère que le gouvernement verra, peut-être avec les leaders à la Chambre, si l'on ne pourrait pas s'entendre pour renvoyer ce projet de loi à un autre comité qui pourrait l'examiner dans des délais plus brefs. Ce n'est pas que nous ne voulons pas que le comité de la justice étudie le projet de loi, mais nous pourrions peut-être convenir que ce projet de loi soit renvoyé à un autre comité dont le programme lui permettrait de l'examiner plus rapidement.
Tous les Canadiens seraient sans doute d'accord pour que cette question doit être réglée dans les meilleurs délais. Nous devrions peut-être examiner à quel comité renvoyer ce projet de loi. Nous pourrions toujours changer d'avis par consentement unanime.
Plusieurs groupes ont fait part de leurs préoccupations à l'égard de ce projet de loi, mais je dois dire que les députés néo-démocrates appuient le principe du projet de loi, à savoir que les contribuables ne devraient pas financer, subrepticement ou innocemment, parce qu'on les trompe, les activités d'organisations terroristes au Canada ou à l'étranger.
Si je comprends bien ce projet de loi, c'est au terrorisme à l'étranger que pense le gouvernement. Le porte-parole de l'Alliance a reproché au projet de loi de ne pas mettre en oeuvre toutes les mesures nécessaires pour lutter contre le terrorisme. Il a peut-être raison. D'autres mesures pourraient être prises pour lutter contre le terrorisme, mais ce projet de loi porte sur les changements à apporter à la Loi concernant l'enregistrement des organismes de bienfaisance.
Pour être juste envers le gouvernement, il est vrai que nous pourrions dire qu'il devrait faire ceci et cela, mais il me semble que ce projet de loi porte sur un problème particulier, c'est-à-dire la façon d'éviter aux contribuables canadiens de subventionner le terrorisme par le biais des organismes de bienfaisance. Comment pouvons-nous y arriver sans nuire aux activités légitimes de nombreux organismes de bienfaisance qui, sans être voués aux intérêts d'un autre pays ou d'une cause dans un pays étranger, peuvent servir des intérêts culturels ou ethniques d'une manière qui les exposerait à la suspicion ou, selon le cas, qui les exposerait à être utilisés à des fins terroristes?
Beaucoup d'organismes qui font partie de cette catégorie veulent, à juste titre, éviter d'être entraînés dans un processus qui, même s'ils étaient finalement exonérés de tout blâme, les obligerait à consacrer beaucoup de temps et d'énergie à leur défense et pourrait, en définitive, entacher leur réputation. Comment pouvons-nous tenir compte à la fois de cet aspect et de la possibilité, bien réelle, que certaines organisations soient tentées d'utiliser ou aient effectivement utilisé, d'une façon ou d'une autre, les dons des Canadiens, qui sont déductibles d'impôt, à des fins terroristes?
Enfin, tout en recherchant la solution du juste milieu, nous devons nous efforcer de mieux distinguer le terrorisme, en particulier lorsque nous parlons de terrorisme à l'étranger, qui est celui dont nous parlons le plus souvent. C'est parfois une question très politique que de définir le terrorisme, qui est inacceptable, par opposition à la résistance ou à la rébellion légitime.
On se souviendra de l'époque où, à la Chambre, un député s'exposait à des critiques très sévères s'il tenait des propos un tant soit peu favorables au Congrès national africain de l'Afrique du Sud et au mouvement anti-apartheid. Or, des actes de violence étaient associés au mouvement anti-apartheid et au Congrès national africain de l'Afrique du Sud. Cela signifie-t-il que les groupes anti-apartheid qui recueillaient des fonds au Canada pour le mouvement anti-apartheid d'Afrique du Sud auraient pu être entraînés dans le processus visé dans le projet de loi?
La question se pose. Le comité devra se pencher sur cette question, tout en respectant le principe du projet de loi, selon lequel les contribuables canadiens ne doivent pas financer le terrorisme.
M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Monsieur le Président, je suis ravi moi aussi de dire quelques mots au sujet du projet de loi C-16, initiative très importante concernant les organismes de bienfaisance et la réglementation régissant les campagnes de souscription de fonds au Canada. Je suis tout à fait d'accord avec mon collègue de Winnipeg—Transcona quand il affirme que le processus juridique retenu aujourd'hui est une partie très importante de ce débat.
La question de la Westray en particulier m'intéresse personnellement au plus haut point puisque le drame s'est produit à Plymouth, en Nouvelle-Écosse, dans la circonscription de Pictou—Antigonish—Guysborough. Cet incident a exceptionnellement rallié les parlementaires sur la question de la sécurité au travail et des conséquences de portée plus vaste pour tous ceux qui pourraient être blessés sur les lieux de leur travail. Le week-end dernier avait lieu la journée nationale de deuil organisée pour commémorer ceux qui sont morts au travail. Nous devrions renouveler nos efforts en ce sens également.
Le projet de loi à l'étude crée un cadre qui permet au gouvernement de refuser le statut d'organisme de bienfaisance à tout groupe réputé soutenir des activités terroristes. Il faudra cependant étoffer le projet de loi et préciser notamment les définitions d'organisme et d'activités terroristes. Il n'en demeure pas moins que l'initiative constitue un pas dans la bonne voie. C'est une initiative que le Parti progressiste conservateur compte appuyer à ce premier stade.
Ce projet de loi s'est fait attendre. Le Parti progressiste-conservateur a, quant à lui, régulièrement réclamé au gouvernement de freiner l'activité terroriste au Canada. Nous tenons à nuancer notre appui en rappelant que, une fois de plus, le gouvernement a commencé par jouer à l'autruche face à ce problème. Cette stratégie n'ayant pas donné de résultat, il a été littéralement obligé de présenter ce projet de loi qui, regrettablement, ne va pas suffisamment loin. C'est une demi-mesure législative typique du gouvernement. L'appui de notre parti dépendra donc de la capacité que nous aurons au comité de proposer des amendements et d'apporter des précisions.
Il est important d'envoyer un message de dissuasion partout au Canada, selon lequel les activités terroristes et la promotion de la cause terroriste ne se feront pas au Canada, qu'elles ne seront tolérées ni par le gouvernement ni par les forces policières. D'autres pays occidentaux ont mis en application des mesures législatives du même genre, le Canada est donc à la traîne dans un certain sens. Il est certes important que les Canadiens d'origine étrangère ne soient pas obligés, sans le savoir, de solliciter des fonds pour des organisations terroristes, en pensant le faire pour des organismes de bienfaisance oeuvrant pour leurs communautés.
Les Canadiens sont magnanimes de nature. Cela ne saurait être plus vrai que dans votre coin de pays, à Kingston, monsieur le Président. D'une façon générale, les Canadiens sont généreux. Ils sont toujours prêts à tendre la main et à aider. Le député de Cumberland—Colchester a dit aujourd'hui qu'il fallait faire davantage pour aider d'autres pays et enrayer l'épidémie de sida en Afrique, où cette maladie horrible fait des millions de victimes.
Entre-temps, nous devons mettre en place des garanties que leurs causes sont véritables et que leurs activités de levée de fonds profitent vraiment à leurs communautés. Nous devons veiller à ce que les mesures législatives que nous prenons dans le cadre de la lutte contre le terrorisme ne ciblent pas injustement les solliciteurs de fonds légitimes, pacifiques et respectueux des lois, en particulier les groupes de différentes ethnies qui s'engagent dans des activités et des initiatives pour lever des fonds afin d'améliorer le sort de leurs communautés.
J'espère que nous pourrons produire une mesure législative qui améliorera la sécurité publique au Canada et respectera l'équilibre nécessaire sans enfreindre les droits de ceux qui, dans certains cas, sont des citoyens très vulnérables de notre pays et qui font des efforts très légitimes pour essayer d'aider ceux qui fuient leur pays d'origine.
Le projet de loi C-16 met en place un processus permettant de refuser ou de retirer le statut d'organisme de bienfaisance aux organisations qui appuient les activités terroristes. Si le solliciteur général et le ministre du Revenu, après avoir étudié les renseignements en matière de sécurité et de criminalité, concluent qu'ils ont des motifs raisonnables de croire qu'une organisation met ou mettra des ressources à la disposition du terrorisme, ils devront tous les deux signer un certificat. L'organisation serait alors avertie de l'existence de ce certificat et l'affaire serait automatiquement renvoyée à la Cour fédérale pour révision judiciaire. Le demandeur pourrait demander à la Cour fédérale de protéger son identité et un processus judiciaire aurait alors lieu.
La Cour fédérale permettrait au demandeur de présenter des preuves, de faire comparaître des témoins et de procéder à un contre-interrogatoire en public. C'est un processus très important pour faire la lumière sur les allégations si le groupe est soupçonné de participer à des activités terroristes et au financement de ces dernières.
Ce processus permettrait que l'examen et la classification aient lieu à huis clos, et le juge remettrait alors à l'organisation un résumé des renseignements secrets présentés. Ce dernier contiendrait suffisamment de renseignements pour que l'organisation puisse répondre, mais exclurait tout renseignement qui, selon le juge, pourrait nuire à la sécurité nationale ou à la sécurité des particuliers. Nous avons donc là un processus pas mal complet et sérieux pour protéger les droits des personnes en cause. La confidentialité est souvent essentielle à l'intégrité du processus mais, pour être franc, c'est souvent une question de vie ou de mort. Les groupes terroristes sont implacables dans leurs activités et les répercussions et le facteur vengeance sont certainement réels.
S'il est confirmé, le certificat serait alors valide pour trois ans et la décision du juge serait finale et sans appel. Toutefois, on prévoit un réexamen en cas de changement de la situation de l'organisation.
Tout cela pour dire que le projet de loi C-16 est un très bon point de départ. Toutefois, il va falloir raffiner un peu le processus et introduire plus de détails.
Les terroristes vont souvent chercher ce qu'ils veulent à l'étranger. C'est clair. À cause de nos ressources financières et matérielles, le Canada est une cible parfaite pour les organisations terroristes. Je suis convaincu qu'en matière de terrorisme l'approche des dernières années a été inadéquate. Elle a permis dans une large mesure aux activités de financement du terrorisme de prospérer. Le déplorable résultat, c'est que des organisations terroristes ont pu exercer leur influence sur des organismes canadiens fort légitimes qui ont déjà le statut d'organisme de bienfaisance et même les infiltrer.
Récemment, des questions ont surgi au sujet d'un organisme de bienfaisance appelé la Federation of Associations of Canadian Tamils, le FACT, que des juristes canadiens ont identifié comme une façade de l'organisation terroriste bien connue, les Tigres libérateurs de l'Eelam tamoul. Selon des avocats du ministère de la Justice, les Tigres tamouls se livrent à toutes sortes d'activités profondément répugnantes: torture, mauvais traitement des prisonniers, exécutions sommaires, épuration ethnique des musulmans, ainsi que kidnapping et conscription forcée des enfants. Je suis persuadé que certains de ceux qui ont fait des dons à cette organisation sont horrifiés à l'idée que leur argent a pu servir à ces activités.
Nous avons vu des activités de financement similaires qui exploitent les émotions et les passions des Canadiens d'origine irlandaise. Pendant des années, nous avons vu au Canada des militants de l'Armée républicaine irlandaise essayer de trouver du financement pour acheter des explosifs et des armes qui ont servi à faire avancer leur cause. Heureusement, grâce au processus de paix et aux négociations en Irlande du Nord, cette cause a évolué et les choses ont pris une orientation fort positive.
Il convient de souligner que les Tamouls canadiens ont apporté des contributions précieuses au pays. Le fait que cette organisation fasse partie des nombreux prête-noms politiques bénévoles appuyant une organisation terroriste a soulevé beaucoup de controverse à la Chambre des communes. Cela a montré comment de semblables organisations terroristes peuvent s'infiltrer dans un groupe de bienfaisance en apparence bien intentionné. Cette affaire rappelle aussi aux Canadiens les mesures de protection que doivent adopter et les vérifications des antécédents que doivent effectuer des personnes bien intentionnées avant de venir en aide à un groupe de bienfaisance.
Les dons consentis à un organisme de bienfaisance sont admissibles à un crédit d'impôt réduisant l'impôt fédéral à payer de 17 p. 100 sur la première tranche de 200 $ admissible et de 29 p. 100 sur le solde, jusqu'à concurrence de 75 p. 100 du revenu. Ces dons réduisent également l'impôt provincial à payer.
Cette mesure législative a une orientation positive. Le problème tient au fait que la police éprouve souvent de la difficulté à établir le lien entre un organisme de bienfaisance et l'organisation terroriste l'utilisant à ses fins. Les prête-noms chargés de campagnes de financement évitent habituellement de commettre quelque crime que ce soit au pays, et la police ne peut à l'heure actuelle que déposer des accusations de complot si un lien direct peut être établi.
Il y a beaucoup de travail à accomplir dans ce secteur. L'Assemblée générale des Nations Unies a adopté la Convention internationale sur la répression du financement du terrorisme, mais le projet de loi C-16 ne satisfait pas à toutes les obligations du Canada en vertu de cette convention. D'autres pays, comme les États-Unis et la Grande-Bretagne, ont rendu complètement illégal le fait de fournir du soutien matériel ou des ressources à quelque groupe que le gouvernement a désigné comme étant une organisation terroriste.
Le Canada peut tirer des leçons des expériences d'autres pays. Nous avons l'occasion d'améliorer cette mesure législative, et nous espérons que nous pourrons le faire dans le cadre des travaux du Comité de la justice. Il se peut qu'il soit nécessaire de renvoyer ce projet de loi à un autre comité mais, quel que soit l'endroit où il aboutira, nous chercherons à l'améliorer.
[Français]
L'hon. Martin Cauchon (ministre du Revenu national et secrétaire d'État (Agence de développement économique du Canada pour les régions du Québec), Lib.): Monsieur le Président, il me fait particulièrement plaisir de prendre la parole sur le projet de loi C-16 que je présente conjointement avec mon collègue, le solliciteur général.
Les organismes de bienfaisance jouent un rôle vital dans l'atteinte de buts que les Canadiennes et les Canadiens jugent importants, aussi bien au pays qu'à l'étranger. Ils procurent une aide humanitaire durant les périodes de crise. Leur présence favorise l'édification d'une société civile dans les pays en développement. Ils viennent en aide aux défavorisés et travaillent à résoudre des préoccupations et des problèmes sociaux.
[Traduction]
Afin de reconnaître cela et d'inciter les Canadiens à soutenir les oeuvres caritatives, la Loi de l'impôt sur le revenu accorde des privilèges fiscaux significatifs aux organismes de bienfaisance. Ces organismes ont des comptes à rendre sur l'utilisation des dons qu'elles reçoivent. Elles ont la confiance du public et elles en dépendent.
Ce projet de loi fournit les moyens légaux de traiter tout abus soupçonné du privilège d'organisme de bienfaisance de la part de partisans terroristes qui utiliseraient de tels organismes comme paravent à leurs activités.
[Français]
Ce projet de loi permettra également de garantir que les avantages fiscaux qui découlent de l'enregistrement des organismes de bienfaisance soient offerts uniquement aux organismes qui exercent des activités de bienfaisance au sens même de la Loi de l'impôt sur le revenu. Par-dessus tout, il garantira aux Canadiennes et aux Canadiens que les dons qu'ils versent à un organisme de bienfaisance enregistré au Canada serviront effectivement à des fins légitimes.
Comme les députés le savent, l'encouragement fiscal aux dons de bienfaisance, qu'on appelle mesures fiscales s'adressant aux organismes de bienfaisance, est administré dans le cadre du processus d'enregistrement des organismes de bienfaisance. Ces dispositions législatives et le processus d'enregistrement administré par l'Agence des douanes et du revenu du Canada témoignent de la nette intention du Parlement de soutenir, par l'intermédiaire du régime fiscal, les activités menées à des fins de bienfaisance en vertu de la loi canadienne.
[Traduction]
Au Canada, comme dans les autres pays où l'on pratique le common law, les tribunaux ont statué très clairement que les objectifs politiques sont incompatibles avec la définition que donne le droit aux organismes de bienfaisance. Tout organisme dont les activités, en tout ou en partie, visent des buts politiques ne peut obtenir le statut d'organisme de bienfaisance en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu.
Le recours à la violence ou à la menace à des fins politiques, sans égard à la cause concernée, est irréconciliable avec le concept juridique d'oeuvre caritative. Le projet de loi dont nous sommes saisis aborde des inquiétudes internationales très sérieuses au sujet des activités terroristes.
[Français]
Le Canada, en tant que nation, et les Canadiens et les Canadiennes pris individuellement ne tolèrent pas et ne peuvent pas tolérer les activités terroristes. Pour préserver la confiance du public dans les mesures s'adressant aux organismes de bienfaisance, le gouvernement doit s'assurer que les mesures fiscales offertes aux organismes de bienfaisance ne procurent aucun avantage aux organisations qui recourent à la violence pour atteindre leurs objectifs.
Certaines organisations qui soutiennent des actes de terrorisme s'engagent également dans des programmes d'aide humanitaire et de développement communautaire. Ainsi, elles peuvent tenter de faire une distinction entre la partie de l'organisation qui se livre au terrorisme et la partie de l'organisation qui offre des services humanitaires.
Selon ce projet de loi, on ne peut assainir son organisation terroriste en séparant simplement les activités humanitaires des activités terroristes dans l'organigramme. Il est effectivement naïf de croire, si ce n'est que pour tromper, que les activités de secours de ces groupes peuvent être dissociées, dans leur but, de l'usage qu'ils font de la violence pour atteindre des buts politiques.
Ce projet de loi fait clairement ressortir que le Canada ne tolérera pas qu'on se serve, de façon abusive, de notre régime démocratique et de nos institutions pour promouvoir et financer le terrorisme. Nous ne permettrons pas aux groupes terroristes d'obtenir le statut d'organisme de bienfaisance en dissimulant leurs opérations terroristes derrière des activités de bienfaisance.
Le Canada n'est pas le seul pays à prendre des mesures pour empêcher les organisations terroristes de se faire passer pour des organismes de bienfaisance légitimes. En juillet 1996, tous les pays du G-8 se sont engagés à adopter des mesures internes adéquates pour prévenir et contrer le financement de terroristes et d'organisations terroristes «qui s'effectue soit de manière directe, soit indirectement par l'intermédiaire d'organisations qui ont aussi ou prétendent avoir un but caritatif, culturel ou social».
[Traduction]
Le projet de loi constitue une partie de la réponse du Canada à ces préoccupations internationales. Il n'est certes pas une panacée. Il vise uniquement la question des incitatifs fiscaux assortis aux dons que reçoivent les organismes dont les activités ne sont pas compatibles avec le concept d'oeuvre caritative.
[Français]
De telles dispositions marquent tout de même un pas en avant. Comme le confirme le rapport présenté en 1999 par le Comité spécial du Sénat sur la sécurité et les services de renseignement, les mesures fiscales s'appliquant aux organismes de bienfaisance sont exposées aux abus.
Le comité a fait remarquer que divers groupes ayant des affiliations terroristes exercent des activités de financement au Canada, et que des organisations bénévoles ou philanthropiques servent souvent de paravents pour la collecte de fonds.
Le rapport précise tout particulièrement que le statut d'organisme de bienfaisance enregistré en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu est utilisé pour accroître la crédibilité de tels groupes. Il laisse également entendre que les contribuables canadiens peuvent subventionner à leur insu des activités politiques violentes de ces groupes par des dons qui, à ce qu'ils croient, sont destinés à procurer une aide humanitaire.
[Traduction]
Cela est inacceptable. Les Canadiens ont parfaitement le droit de s'attendre à ce que les organismes de bienfaisance fassent des oeuvres de bienfaisance, au sens de la loi. Il est évident que nous avons le devoir d'assurer que le système est intègre en prenant les mesures nécessaires pour que le cadre législatif serve de rempart contre les abus.
[Français]
C'est ce que fait le projet de loi. Il protège le régime d'enregistrement des organismes de bienfaisance en rendant possible le recours aux renseignements secrets, aux renseignements de sécurité pertinents, pour déterminer si une organisation a le droit de recevoir des dons ouvrant droit à une aide fiscale. Pour ce faire, il crée en réalité un processus d'appel parallèle.
Le processus automatique d'examen judiciaire sera utilisé seulement lorsque le solliciteur général et le ministre du Revenu national prendront des mesures pour révoquer ou refuser l'enregistrement au motif que les dons sont utilisés pour soutenir des actes de terrorisme.
Le processus qui est proposé permettra de tenir compte de renseignements pertinents en matière de sécurité nationale pour déterminer le statut d'organisme de bienfaisance, tout en protégeant d'une divulgation inappropriée les renseignements en matière de sécurité nationale de nature délicate. Les règles actuellement en vigueur, qui exigent une divulgation publique complète, continueront de s'appliquer pour tous les autres appels.
Ce projet de loi témoigne de l'engagement du gouvernement de renforcer la confiance des Canadiennes et des Canadiens dans le secteur bénévole et dans l'intégrité de notre administration fiscale. C'est une étape que devraient bien accueillir tous ceux qui ont à coeur les meilleurs intérêts de notre régime d'enregistrement des organismes de bienfaisance.
En terminant, nous ne pouvons négliger et ne négligerons pas notre responsabilité envers l'ensemble des Canadiennes et des Canadiens qui est de veiller à ce que les mesures fiscales s'adressant aux organismes de bienfaisance soient respectées et puissent être contrôlées.
C'est le fondement même de la confiance du public dans les mesures fiscales s'adressant aux organismes de bienfaisance. Cette confiance est fragile et elle doit être protégée. Le projet de loi réalise en effet cet objectif.
[Traduction]
M. Gurmant Grewal (Surrey-Centre, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je suis heureux de participer, au nom des électeurs de Surrey-Centre, au débat de la motion visant à renvoyer le projet de loi C-16 au comité avant la deuxième lecture.
Le projet de loi constitue de la part du gouvernement libéral un faible effort pour empêcher des groupes terroristes d'obtenir le statut d'organisme de bienfaisance aux fins de l'impôt. Le solliciteur général a présenté un plan grandiose visant à empêcher des éléments indésirables de s'établir au Canada en vue de recueillir des fonds dans le but de renverser un gouvernement étranger ou pour mener des activités violentes et oppressives.
L'argent est souvent recueilli par la force, sous la menace de blessures corporelles ou de mort. Nous savons qu'environ 26 groupes jouissent des avantages fiscaux conférés par le statut d'organisme de bienfaisance enregistré qui leur a été accordé par un gouvernement libéral faible dénué de vision et de fermeté. Il tente de faire adopter un programme en plusieurs étapes visant à révoquer lentement le statut bidon d'organisme de bienfaisance de groupes terroristes à l'oeuvre au Canada.
Je vais décrire brièvement le processus en plusieurs étapes établi dans le projet de loi et qui pourrait aboutir au refus du statut d'organisme de bienfaisance. Tout d'abord, la GRC et le SCRS doivent informer le solliciteur général du Canada et le ministre du Revenu national qu'ils soupçonnent un organisme de fournir des ressources à un groupe terroriste. S'ils concluent que cet organisme met ou mettrait des ressources à la disposition de terroristes, les ministres signeraient un certificat à cet égard.
Une fois le certificat signé, l'organisme en serait informé et le certificat serait renvoyé à un juge de la Cour fédérale. Le juge examinerait à huis clos les renseignements en matière de sécurité et en fournirait un résumé à l'organisme concerné. Si le juge décide que le certificat est raisonnable, l'organisme perdrait son statut d'organisme de bienfaisance pour trois ans, sous réserve d'une révision si la situation de l'organisme a évolué d'une manière importante. Enfin, la décision du juge serait sans appel. Voilà la bonne nouvelle.
L'impact du projet de loi sera vraisemblablement minime. Le processus est tellement compliqué que la première désignation ne sera probablement faite qu'après bien des années. Il faut des dispositions sur les audiences à huis clos pour protéger les sources des renseignements et les méthodes employées. Or, le projet de loi ne renferme aucune disposition de ce genre.
En vertu d'une Convention des Nations Unies, le Canada est tenu de considérer comme une infraction criminelle toute collecte de fonds devant servir au terrorisme. Cependant, le gouvernement ne fait rien de bien concret pour combattre la criminalité ou empêcher les terroristes de profiter de fausses organisations caritatives pour recueillir des fonds, c'est-à-dire l'argent des contribuables, afin de financer leurs projets.
J'ai récemment rencontré des représentants de l'association canadienne pour l'unité du Sri Lanka. Nous avons discuté de la Convention des Nations Unies pour la suppression du financement du terrorisme. Ils ont souligné que, bien qu'on s'attende à ce que de nombreux pays appuient cette convention internationale, il faut qu'au moins 22 pays la ratifient pour qu'elle entre en vigueur. À ce jour, seulement deux pays l'ont fait. J'espère que bien d'autres pays ratifieront cette convention.
Par ce projet de loi, le gouvernement ne fait rien pour empêcher les criminels ou les terroristes de recueillir des fonds au Canada pour financer des activités terroristes. Il y a un an environ, nous avons vu deux ministres participer à un événement de collecte de fonds pour les Tigres tamouls, en flagrante contravention des avertissements du Département d'État américain, du haut-commissariat au Sri Lanka, du SCRS et de la GRC. Cela montre à quel point le gouvernement ne prend pas vraiment au sérieux la lutte contre le terrorisme. Il ne s'intéresse qu'à ce qui est politiquement opportun.
Les contribuables canadiens contribuent au financement d'activités terroristes parce que ces pseudo-organismes de bienfaisance sont subventionnés par les contribuables. Même si le statut fiscal était supprimé, le gouvernement empêcherait-il ces organismes de réunir des fonds au Canada? Je ne le crois pas. Le projet de loi est muet sur ce sujet. Cela va à l'encontre de la convention des Nations Unies.
Le ministre des Finances et le ministre du Développement international ont participé à une activité de financement suspecte. La convention des Nations Unies pour la répression du financement du terrorisme prévoit ceci, à l'article 2, paragraphe 5:
Commet également une infraction quiconque:
a) participe [...] à une infraction [...];
b) organise la commission d'une infraction [...] ou donne l'ordre à d'autres personnes de la commettre;
c) contribue à la commission de l'une ou plusieurs des infractions [...]
Les deux ministres pourraient être accusés d'avoir enfreint cet article de la convention des Nations Unies.
La malheureuse affaire Ahmed Ressam devrait donner l'alarme et faire voir au gouvernement à quel point il est faible et inefficace dans la lutte contre le terrorisme. Il s'agit d'un cas classique; ce terroriste a été arrêté le 14 décembre 1999, au moment où il passait la frontière entre le Canada et les États-Unis. Ressam avait le projet, la capacité et le matériel nécessaire pour faire sauter des bombes aux États-Unis.
Ce que cet homme avait fait dans les cinq années précédant son arrestation a été dévoilé au cours de son procès aux États-Unis, où il a été reconnu coupable des neuf chefs d'accusation pesant contre lui. L'affaire se lit comme un acte d'accusation du gouvernement libéral. Le Canada n'a pas de loi contre le terrorisme à l'heure actuelle parce que son gouvernement libéral est faible et n'a pas de perspicacité, de courage ni de volonté politique quand il s'agit de lutter contre le terrorisme.
À l'instar d'autres terroristes, Ressam a profité de notre système laxiste d'immigration et du statut de réfugié. Arrivé à Montréal en 1994, il a demandé le statut de réfugié à l'aéroport, se décrivant lui-même comme un présumé terroriste musulman. On a pris ses empreintes digitales et, devinez quoi? On l'a libéré.
Il a touché des prestations d'aide sociale pendant la majeure partie des cinq années. Il n'a pas été expulsé après avoir été arrêté pour vol. Par la suite, il a de nouveau été arrêté pour vol à la tire contre des femmes âgées, mais il a été remis en liberté. Il a ensuite été arrêté pour vol de bagages, et de nouveau remis en liberté.
Il n'a pas comparu à l'audience concernant sa demande de statut de réfugié, en 1995, et la Commission du statut de réfugié a conclu qu'il avait laissé tomber sa demande. Au lieu de l'expulser du pays, la commission lui a permis d'appeler de cette décision en 1996, et il a de nouveau été libéré.
Il a ensuite changé d'identité et a obtenu un passeport canadien. Pensez donc, un terroriste qui obtient un passeport canadien. Il a ensuite obtenu une carte d'assurance sociale et un permis de conduire du Québec, puis a commencé à voyager un peu partout dans le monde. Il a suivi une formation en terrorisme à l'étranger et s'est associé entre autres à Ben Laden.
En 1999, des représentants des autorités françaises ont voulu venir au Canada pour interviewer Ressam, mais ils n'ont obtenu l'autorisation qu'en octobre. Après octobre, en perquisitionnant son appartement à Montréal, ils ont immédiatement trouvé les preuves voulues, mais Ressam avait disparu.
Il s'est finalement montré, en décembre, alors qu'il tentait d'entrer aux États-Unis. C'est alors qu'il a été arrêté. Le monde est déçu du Canada. Que se serait-il passé si Ressam avait été arrêté au Canada? Il aurait écopé d'une peine d'emprisonnement maximale de dix ans, dont il n'aurait purgé que deux ans. Comme il a été trouvé coupable aux États-Unis, il devra purger 100 ans d'emprisonnement.
En terminant, le Parti réformiste, aujourd'hui l'Alliance canadienne, demande depuis des années l'adoption de lois plus dures pour combattre les gangs et autres organisations criminelles. Le gouvernement fédéral a finalement présenté le projet de loi que nous réclamions. Toutefois, ce faible gouvernement libéral n'a pas la volonté politique de sévir contre la criminalité, en particulier la criminalité organisée et le terrorisme, et il ne l'a fait que sous les pressions exercées par l'opposition, les Nations Unies, la population, la GRC et le SCRS.
La lutte contre la criminalité organisée faisait partie de la plate-forme détaillée proposée par l'Alliance canadienne, dans le domaine de la justice. Toutefois, ce projet de loi n'est qu'une tentative faible de la part du gouvernement. Il se révélera inefficace; sa mise en oeuvre sera longue et ne conduira nulle part. Il n'est pas suffisant. Ce n'est pas le pas de géant qu'il nous faut. C'est pourquoi nous allons nous y opposer.
Mme Sophia Leung (Vancouver Kingsway, Lib.): Monsieur le Président, le Canada est fier d'être un pays multiculturel, un pays de paix et de tolérance. Les Canadiens chérissent et respectent la diversité. Notre Charte des droits et libertés est un modèle pour le monde entier et elle traduit l'engagement du Canada à respecter les droits de la personne. Le projet de loi témoigne des valeurs canadiennes fondamentales et est tout à fait conforme aux principes fondamentaux de l'équité et de l'application régulière de la loi qui sont reconnus dans notre Charte.
Le projet de loi cible de très près le terrorisme et les organisations qui pourraient tenter indûment d'abuser de leur statut d'organisme de bienfaisance au Canada pour recueillir des fonds afin de soutenir des actes terroristes. Il comprend de nombreuses garanties, y compris une disposition qui donne à toute organisation touchée la possibilité de reconquérir son statut d'organisme de bienfaisance si elle fait la preuve qu'elle ne soutient plus d'actes terroristes et que ses activités sont parfaitement compatibles avec son statut d'organisme de bienfaisance.
Le projet de loi reconnaît que les Canadiens ont le droit de participer à des activités politiques. Ils ont le droit d'exprimer leurs idées en faisant connaître leurs revendications, en protestant et en exprimant leur dissidence d'une manière qui est acceptée dans une société libre et démocratique. Ils ont le droit de financer des groupes et de soutenir des causes politiques.
Rien dans le projet de loi à l'étude ne porte atteinte à ces droits reconnus aux Canadiens. Le projet de loi définit clairement la politique gouvernementale. Il établit une distinction entre le fait pour un organisme d'exercer ses droits et le fait d'abuser de son statut d'organisme de bienfaisance afin de soutenir des activités terroristes.
Aucune société civilisée ne doit appuyer le terrorisme. En prenant des mesures pour prévenir l'utilisation abusive du statut d'organisme de charité, le Canada soutient la campagne internationale qui vise à supprimer le soutien du terrorisme.
Le projet de loi contribuerait aussi à éliminer les insinuations causant des tensions fondées sur des différences raciales, ethniques, religieuses ou nationales. Les allégations et les soupçons devront se fonder sur des faits. Nous voulons donner l'assurance aux Canadiens que tout organisme de charité utilise à des fins charitables les fonds qu'il recueille.
D'aucuns ont fait valoir que la loi devrait viser des personnes plutôt que des organismes. Ils estiment que les organismes pourraient ne pas connaître l'intention réelle d'individus qui se serviraient d'eux pour soutenir le terrorisme. Toutefois, ce sont les organismes, et non les personnes, qui sont inscrits comme organismes de charité. Les organismes de charité ont l'obligation, en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, d'exercer le contrôle sur l'utilisation de leurs ressources.
D'autres ont dit que le processus proposé pourrait faire l'objet de pressions injustes de la part de gouvernements étrangers qui ne partagent pas l'attachement du Canada envers les droits humains et qui émettraient des informations injustes et politiquement motivées.
Je crois fermement en notre démocratie parlementaire et en notre indépendance judiciaire. Les Canadiens peuvent avoir l'assurance que nos lois seront administrées d'une manière juste et équitable par nos tribunaux. Le processus serait ouvert et transparent afin que tous les Canadiens puissent juger par eux-mêmes.
En outre, toutes les étapes du processus proposé s'appuieraient sur des faits incontestables. Les facteurs de risque utilisés pour reconnaître les cas suspects dépendraient des faits documentés dans les rapports de sécurité et de renseignements. Lorsqu'on soupçonnerait un problème, on demanderait aux organismes de sécurité canadiens de déterminer si on dispose d'arguments solides et crédibles. Alors seulement, les faits seraient présentés au solliciteur général du Canada et au ministre du Revenu national, pour qu'ils mènent des études séparées et indépendantes.
L'affaire n'irait pas plus loin, à moins que chacun des ministres convienne qu'il existe des motifs raisonnables de croire que l'organisation en question soutient le terrorisme. De tels examens ministériels exigent l'exercice d'un niveau élevé de responsabilité politique, avant qu'une affaire soit soumise aux tribunaux ou fasse l'objet de déclarations publiques.
L'étape suivante consisterait à soumettre les faits à un rigoureux examen judiciaire indépendant. Mais avant, l'organisation serait autorisée à demander une ordonnance des tribunaux exigeant que son identité soit protégée pendant les procédures, afin d'éviter de salir inutilement sa réputation.
Un juge de la cour fédérale préparerait un résumé des faits contenus dans les documents relatifs à la sécurité nationale. Ce résumé ne contiendrait pas de renseignements de nature délicate, mais permettrait à l'organisation d'être suffisamment informée des circonstances forçant le gouvernement à envisager de lui refuser le statut d'organisme de bienfaisance ou de lui révoquer ce statut.
On tiendrait ensuite une audience ouverte, où l'organisation pourrait convoquer des témoins et présenter des preuves pour sa défense. Ce n'est qu'après avoir examiné toute l'information que le tribunal déterminera si le gouvernement est en droit de refuser ou de révoquer le statut d'organisme de bienfaisance.
Il ne faut pas perdre de vue le fait que tout ce processus sera assujetti à des mécanismes régulateurs indépendants conçus pour protéger les droits et libertés de tous les Canadiens.
Les services canadiens de sécurité sont assujettis à des contrôles et à des mécanismes de reddition de comptes très rigoureux. Ainsi, le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité, le CSARS, et l'inspecteur général du Service canadien du renseignement de sécurité, le SCRS, jouent un rôle complémentaire au titre de la surveillance des opérations du SCRS. Ils veillent à ce que le Service canadien du renseignement de sécurité fonctionne dans les limites qui lui ont été prescrites et à ce que ses actions soient appropriées et conformes à la loi.
Le CSARS est un comité non partisan composé de cinq conseillers privés. Il fonctionne indépendamment du gouvernement pour ses opérations, mais rend compte au Parlement. Il a accès à toutes les informations glanées par le SCRS et droit de regard sur l'ensemble des activités de ce service. Le CSARS peut faire effectuer des enquêtes indépendantes et faire enquête sur des plaintes concernant toute action ou initiative du SCRS, même lorsque le plaignant n'en est pas personnellement visé.
L'inspecteur général joue auprès du solliciteur général le rôle de vérificateur interne du SCRS, offrant un autre moyen indépendant de nous assurer que le SCRS agit dans les limites de la loi, observe les directives ministérielles et applique la politique opérationnelle. Ces mécanismes de reddition de comptes offrent aux Canadiens une protection inégalée contre les pratiques discriminatoires et les abus de pouvoir.
Le projet de loi vise les actes de violence que pas un Canadien ne saurait accepter. Il créerait un mécanisme juste et équitable pour intervenir lorsque des personnes ou des groupes cherchent à abuser de la confiance des Canadiens. L'initiative répond aux besoins de l'ensemble des Canadiens et nous pouvons tous en tirer fierté.
M. Kevin Sorenson (Crowfoot, Alliance canadienne): Monsieur le Président, c'est un privilège pour moi de prendre la parole à la Chambre aujourd'hui pour parler du projet de loi C-16, Loi concernant l'enregistrement des organismes de bienfaisance et les renseignements de sécurité et modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu.
Le but du projet de loi à l'étude est de prévoir un mécanisme pour révoquer l'enregistrement d'un organisme de bienfaisance qui se fait prendre à recueillir des fonds pour des groupes terroristes.
Nous croyons que le projet de loi aura un impact minime pour ce qui est d'enrayer le terrorisme au Canada. Cette mesure législative dit en fait que c'est correct de parrainer le terrorisme, que c'est correct de recueillir des fonds pour des groupes terroristes, mais qu'une personne ne peut pas bénéficier d'une déduction d'impôt à cet égard.
Une mesure législative efficace, une mesure législative que l'Alliance canadienne pourrait appuyer sans réserve, rendrait coupable d'une infraction criminelle quiconque recueille ou fournit des fonds pour appuyer une organisation terroriste. Ce genre de mesure législative existe déjà aux États-Unis et au Royaume-Uni.
Si le but était vraiment de freiner les activités des groupes servant de façade à des organisations terroristes, nous devrions imiter la loi sur le terrorisme adoptée en 2000 par la Grande-Bretagne, qui autorise le Cabinet à bannir du pays toute organisation qu'elle croit impliquée dans des activités terroristes. La loi interdit tout groupe s'il commet des actes de terrorisme ou y participe, s'il se prépare au terrorisme, s'il promeut ou encourage le terrorisme ou encore s'il est impliqué de toute autre manière que ce soit dans des activités terroristes au Royaume-Uni ou à l'étranger.
Le gouvernement britannique a identifié publiquement 21 groupes associés au terrorisme. Cette liste comprend des groupes comme Babbar Khalsa, les Tigres de libération de l'Eelam tamoul, l'Organisation d'Abou Nidal et le Parti des travailleurs du Kurdistan.
Les États-Unis ont essayé d'enrayer le problème du financement des groupes terroristes au moyen de la loi de 1996 sur l'anti-terrorisme et la peine de mort. L'article 302 de la loi autorise le secrétaire d'État à déclarer organisation terroriste étrangère tout groupe qui répond à certains critères. En vertu de la loi, fournir ou conspirer en vue de fournir en toute connaissance de cause un appui matériel ou des ressources à une organisation terroriste étrangère est un délit. En 1999, 28 organisations terroristes étrangères ont été inscrites sur la liste.
Selon un rapport du SCRS de 1998, 50 organisations terroristes internationales avaient des activités au Canada et utilisaient notre pays comme centre bancaire. Toujours selon ce rapport, nos lois libérales en matière d'immigration, l'ouverture relative de nos frontières, la liberté de circulation, les systèmes avancés de communication et la proximité des États-Unis font du Canada un pays attrayant pour les terroristes.
En janvier 1999, un comité sénatorial influent présidé par le sénateur William Kelly a passé des mois à recueillir à huis clos les témoignages d'une centaine de membres des milieux de la sécurité et des services de renseignement. Dans ses rapports, le comité spécial du Sénat sur la sécurité et les services de renseignement fait clairement remarquer que le Canada reste un lieu attrayant pour les groupes terroristes pour recueillir des fonds, acheter des armes et mener d'autres activités visant à appuyer leurs organisations et leurs activités terroristes à l'étranger. La plupart des grandes organisations terroristes internationales ont déjà une présence au Canada.
Dans son rapport, le comité faisait 33 recommandations auxquelles malheureusement le gouvernement libéral n'a pas donné suite. Le comité recommandait notamment que le gouvernement examine la possibilité de prévoir dans le Code criminel des infractions criminelles et des peines précises pour les cyberattentats. On y réclamait aussi des pouvoirs afin de lutter contre les campagnes de financement des organisations terroristes, des fonds accrus pour les services de renseignement et des mesures pour mieux suivre les déplacements de terroristes possibles ayant réussi à entrer au Canada ou à s'y installer.
Les sénateurs ont déterminé que les progrès technologiques dont peuvent bénéficier les terroristes et les espions, des cartes de débit aux satellites de pointe, posent les problèmes les plus épineux aux autorités canadiennes. Le comité a confirmé que plusieurs groupes ayant des allégeances terroristes recueillaient de l'argent au Canada, souvent dans le cadre d'organismes philanthropiques inscrits comme organismes de bienfaisance en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu fédéral. Le comité sénatorial a dit:
Ce statut accroît la crédibilité de ces groupes et, fait ironique, amène les contribuables canadiens à subventionner leurs activités.
Le comité sénatorial a aussi constaté que les fonds de fonctionnement des organismes fédéraux exerçant un rôle en matière de sécurité ou de renseignement sont passés de 467 millions de dollars en 1989-1990 à 333 millions de dollars en 1997-1998, tendance qui, selon celui-ci, doit être inversée afin d'éviter que le Canada prenne du recul.
Le budget de l'an 2000 du secteur de la sécurité et du renseignement des États-Unis a connu une hausse d'environ 2 milliards de dollars. L'augmentation américaine est à elle seule quatre fois plus élevée que le montant total prévu par le Canada pour la sécurité et le renseignement.
Une des recommandations du comité a trait à l'immigration illégale au Canada, principalement par le biais du système de détermination du statut des réfugiés.
En premier lieu, c'est un moyen dont peuvent se prévaloir les terroristes pour contourner le processus de filtrage à l'étranger et entrer au Canada afin d'y trouver un refuge temporaire ou permanent. Une fois au Canada, ils peuvent mener des activités de financement ou autres ou, dans quelques rares cas, commettre des actes de violence.
En deuxième lieu, un grand nombre de migrants clandestins peut en bout de piste permettre à des terroristes de s'infiltrer sur le territoire américain en contournant les contrôles frontaliers entre le Canada et les États-Unis, étant donné que le Canada n'exerce pas de contrôle à la sortie. C'est donc dire qu'il est impossible de déterminer combien de ces personnes demeurent au Canada illégalement, combien se sont glissées aux États-Unis, combien sont retournés dans leur pays d'origine ou sont allées ailleurs.
En date du 23 octobre 1998, 6 110 mandats de renvoi visaient des personnes qui avaient renoncé à leur demande de statut de réfugié ou avaient retiré leur demande. De ces mandats, 640 ont été exécutés et les personnes renvoyées du Canada, 240 ont été annulés et aucune mesure n'a été prise pour les 5 272 autres. Il s'agit manifestement d'un très sérieux problème.
Vendredi dernier, un article paru dans le National Post rapportait que des agents de la GRC avaient dit devant la Commission de l'immigration que jusqu'à 8 000 guérilleros tamouls, ayant reçu une formation militaire, vivaient actuellement dans la région de Toronto après avoir fui la guerre civile au Sri Lanka.
Au sujet des guérilleros tamils, j'aimerais conclure aujourd'hui en citant cet article paru le 27 avril dans le National Post. On pouvait y lire ce qui suit:
Le sergent Fred Bowen a dit que la majorité d'entre eux avaient cessé leurs activités, mais que certains restaient actifs et que tous avaient reçu une formation militaire d'un genre ou d'un autre soit de la part du service de renseignements militaires de l'Inde ou de l'armée rebelle des Tigres tamouls.
Le nombre de guérilleros qui, selon le sergent Bowen, seraient entrés au Canada pendant cette vague correspond à celui que donne la police de Toronto et pourrait expliquer comment ce petit groupe rebelle parvient , selon le Service canadien du renseignement de sécurité, à recueillir 2 millions de dollars par an au Canada pour financer son effort de guerre.
Le sergent Bowen a dit que, outre les anciens guérilleros, il y avait de 12 à 15 membres actifs des Tigres qui étaient sur le qui-vive prêts à commettre des actes criminels à Toronto pour le compte de la force rebelle, ainsi que 1 000 membres de gangs tamouls, dont près d'un tiers sont partisans des rebelles.
Selon lui, il y a eu 65 incidents impliquant des armes à feu dans la communauté tamoule de Toronto depuis septembre 2000... «La vaste majorité des Tamouls sont en dehors du coup. Ce sont des victimes qui se font extorquer.
Les gangs ont recours à tous les moyens possibles pour obtenir de l'argent: Invasions de domiciles et vols de passeports; trafic de drogue; crimes occasionnels; fraude; faux et usage de faux; utilisation frauduleuse de cartes de crédit; tentatives de meurtres; kidnapping; extorsion».
Je ne peux appuyer cette loi inefficace sous sa forme actuelle. J'exhorte donc le gouvernement à présenter et à adopter une mesure législative qui ferait en sorte qu'il soit très difficile pour les terroristes et leurs partisans d'entrer au Canada et d'y demeurer et impossible pour eux d'y recueillir de l'argent. S'ils se font prendre en train d'appuyer des activités terroristes, de quelque façon que ce soit, ici ou à l'étranger, ils devraient faire l'objet d'accusations criminelles accompagnées de peines sévères.
Le président suppléant (M. Bélair): La Chambre est-elle prête à se prononcer?
Des voix: Le vote.
Le président suppléant (M. Bélair): Le vote porte sur la motion. Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?
Des voix: D'accord.
Des voix: Non.
Le président suppléant (M. Bélair): Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.
Des voix: Oui.
Le président suppléant (M. Bélair): Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.
Des voix: Non.
Le président suppléant (M. Bélair): À mon avis, les oui l'emportent.
Et plus de cinq députés s'étant levés:
Le président suppléant (M. Bélair): Conformément à l'ordre adopté le jeudi 26 avril, le vote par appel nominal est reporté au mardi 1er mai, à l'heure normale de l'ajournement.
* * *
LA LOI SUR LA SOCIÉTÉ DU CRÉDIT AGRICOLE
La Chambre reprend l'étude de la motion: Que le projet de loi C-25, Loi modifiant la Loi sur la Société du crédit agricole et d'autres lois en conséquence, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
M. Kevin Sorenson (Crowfoot, Alliance canadienne): Monsieur le Président, c'est toujours un honneur pour moi d'intervenir en Chambre pour débattre de questions touchant directement le secteur de l'agriculture.
Comme je suis agriculteur et député d'une circonscription à prédominance rurale où l'industrie agricole est le moteur principal des collectivités, tout ce qui concerne l'agriculture et les finances revêt autant d'importance pour moi que pour mes électeurs.
Le projet de loi C-25 vise à modifier la Loi sur la Société du crédit agricole. Il propose de modifier le rôle de la Société de crédit agricole. Que fera le projet de loi C-25 exactement?
En premier lieu, le projet de loi C-25 remplace la dénomination de la Société de crédit agricole par Financement agricole Canada.
En deuxième lieu, il élargit le rôle de la Société de crédit agricole pour permettre à cette société de prêter à des entreprises qui ne sont ni directement engagées dans la production agricole primaire ni détenues en majorité par des agriculteurs.
En troisième lieu, il élargit le rôle de prêteur de la Société de crédit agricole pour lui permettre d'offrir un financement par actions en utilisant des actifs non fixes, comme le bétail, à titre de garantie.
En quatrième lieu, il officialise le pouvoir de financement par crédit-bail de la Société de crédit agricole qui, sans être limité, peut porter sur des terres agricoles.
C'est le dernier jour d'avril. Nous sommes de nouveau lundi. Après avoir passé le week-end à parcourir la circonscription de Crowfoot, je peux dire aux députés que les agriculteurs sont manifestement dans les champs.
Le ministre de l'Agriculture nous avait promis que les Canadiens recevraient de l'aide avant les semailles. Cela n'a pas été le cas. Aux quatre coins des circonscriptions, des gens nous ont demandé où était l'argent que le gouvernement libéral leur avait promis.
Nous étions chez nous en fin de semaine. Habituellement, à cette époque de l'année, les agriculteurs ont la fièvre du printemps. Ils ont hâte de sortir leur machinerie, de labourer le sol, de faire leurs semailles et de mettre les plants en terre. Or, ce printemps, personne ne trépigne de joie dans les exploitations agricoles familiales de l'Ouest et des régions rurales du Canada. Nous le voyons dans nos circonscriptions, rien d'encourageant ne se profile à l'horizon.
Je ne sais comment expliquer à la Chambre certaines des choses dont nous avons été témoins en parcourant la circonscription de Crowfoot, au cours du week-end. De loin, nous apercevions des nuages qui ressemblaient à des nuages de fumée. De près, nous avons constaté que c'étaient plutôt des nuages de poussière. Il y avait des tempêtes de poussière. Il ventait, le temps était chaud et sec et la poussière volait au vent. Les agriculteurs arrêtaient leurs tracteurs, car ils savaient que plus ils travaillaient la terre, plus elle s'asséchait. Ils ensemençaient des champs arides en quelque sorte.
Le moral est au plus bas. Dans les champs, les agriculteurs voient bien que les coûts des intrants ont explosé, ce printemps. Les coûts des fertilisants ont presque doublé depuis l'année dernière. Le cours des produits de base est à son plus bas. L'orge avoisine les deux dollars, le blé, trois dollars, et le canola se vend moins de six dollars. Les prix que les agriculteurs obtiennent n'ont pas suivi les coûts des intrants. L'espoir s'amenuise.
Au cours de l'hiver, nos agriculteurs ont écrit des lettres, ils ont téléphoné au bureau de circonscription où ils se sont aussi rendus, se demandant comment payer leurs factures de chauffage. Obligés d'économiser le chauffage, ils ne pouvaient pour ainsi dire plus travailler dans leurs ateliers. Il ne semble pas y avoir de limites aux difficultés.
Mais ne craignez rien parce que le gouvernement libéral a déposé une proposition qui aura pour effet de changer le nom de la Société du crédit agricole et qui permettra d'accroître les capacités de la Société du crédit agricole pour lui permettre de prêter de l'argent aux entreprises et pas seulement aux agriculteurs et aux fermes familiales, pour lui permettre d'accorder des prêts aux entreprises reliées de loin au domaine agricole. Cela n'est pas acceptable dans les entreprises agricoles. Cela n'est pas acceptable dans la vraie vie.
En ce qui a trait au changement de nom, le gouvernement fédéral est d'avis qu'il est absolument nécessaire pour assurer l'identité fédérale face au programme et à la société. J'ai été élevé sur une ferme familiale et j'ai participé activement à la production agricole pendant plus de 20 ans. Je crois que tous savent très bien que la Société du crédit agricole est un organisme du gouvernement du Canada. Je ne crois donc pas qu'il soit nécessaire de changer le nom, particulièrement si cela signifie des dépenses inutiles à même les fonds déjà restreints consacrés à l'agriculture et aux programmes reliés au domaine agricole.
À l'heure actuelle, 94 p. 100 des services financiers de la société s'adressent directement aux agriculteurs et aux entreprises directement reliées à la production primaire. Reconnaissant que l'accroissement des pouvoirs de la Société de crédit agricole au chapitre des prêts pourrait réduire sa capacité de répondre aux besoins de crédit des agriculteurs, je dois m'opposer à la modification proposée à la Loi sur la Société du crédit agricole.
Comme mes collègues l'ont déjà souligné plus tôt aujourd'hui, l'Alliance canadienne n'est pas d'accord pour qu'on étende les opérations de la Société du crédit agricole au-delà des fermes familiales. L'extension de cette capacité au-delà de la production primaire pourrait mettre la société en concurrence directe avec les institutions de prêts privées et faire double emploi avec certaines institutions gouvernementales comme la Banque de développement du Canada.
Nous devrions réfléchir à ce que le gouvernement libéral tente d'accomplir. Il dit qu'il nous faut de l'argent et qu'il faut fournir un financement aux agriculteurs et aux entreprises liées à l'agriculture, mais il ouvrirait maintenant les vannes pour d'autres entreprises qui ne sont pas nécessairement des producteurs primaires ou liées aux producteurs.
Je crois que le gouvernement a peut-être changé le mauvais mot dans l'appellation anglaise. Ce n'est peut-être pas le mot «corporation» dont il aurait dû se débarrasser, mais le mot «farm», car le projet de loi va enlever de l'argent de la table des fermes pour le mettre sans aucun doute sur la table de nombreuses entreprises, et cet argent pourrait même finir par rester sur la table du Cabinet. Le problème que nous déplorons dans les régions rurales de l'Ouest, c'est qu'il n'y a pas assez de fonds mis sur la table de cuisine de la majorité des fermes.
Pourquoi ne pas changer l'appellation anglaise de l'organisme en «Canada Credit Corporation», Société du crédit du Canada, qui donnerait le sigle CCC, facile à mémoriser, en anglais. Le mot «farm» serait retiré de l'équation. Nous pourrions aussi en arriver au sigle CCCP, qui ornait jadis le chandail d'une équipe de hockey, pour «Canada Credit Corporation Policy», politique de la Société du crédit du Canada. Le gouvernement devrait peut-être y songer. Cela pourrait être aussi efficace.
Pour ce qui est de formaliser la capacité de la SCA de faire du crédit-bail, le gouvernement a dit qu'il voulait en exclure les terres. Il soutient plutôt que les dispositions de crédit-bail concernent le matériel. Cela n'est cependant pas établi clairement dans le projet de loi. Cela fera assurément l'objet de l'un des amendements qui sera présenté par nos excellents porte-parole de l'Alliance canadienne en matière d'agriculture, à moins que tous les partis ne le proposent ensemble.
L'Alliance canadienne ne trouve pas correct que l'État possède des terres agricoles. Nous croyons que si la Société du crédit agricole était autorisée à posséder en permanence et à louer des terres, il pourrait en résulter que les terres appartenant au gouvernement canadien influent sur la valeur marchande des terres agricoles. Bien que nous admettions qu'il est impossible à la Société du crédit agricole d'éviter de détenir des exploitations agricoles pendant de courtes périodes, le projet de loi devrait stipuler explicitement qu'elle devrait aliéner dès que possible tout bien qu'elle détient.
Il y a quelques années, j'ai cherché des sections de terres agricoles dans une carte géographique de la Saskatchewan. En regardant la région située au centre de la Saskatchewan, près de Central Butte et Riverhurst, et d'autres régions, j'ai été consterné de voir la quantité de terres agricoles que détenait la Société du crédit agricole. Il y en avait de nombreux quarts.
C'est ce qui va se produire. C'est évident, surtout après ce qu'a traversé le secteur agricole. Le gouvernement et la Société du crédit agricole doivent toutefois détenir ces terres pendant une brève période, pour permettre au marché d'en établir la valeur, de les aliéner et de donner de l'espoir aux jeunes qui veulent pratiquer l'agriculture pour une raison ou pour une autre.
Nous sommes d'accord pour que la SCA ait des pouvoirs accrus relativement aux services financiers pour financer des investissements. Nous applaudissons cela. C'est une excellente idée mais, comme on l'a dit précédemment, nous voulons que seuls les producteurs primaires en bénéficient. Cette partie du projet de loi ne doit viser que les agriculteurs et les producteurs primaires, ceux qui gagnent leur vie en semant des cultures, en élevant du bétail ou en exerçant toutes les autres activités auxquelles se livrent les producteurs primaires. Autoriser des biens meubles comme du bétail à servir de garantie de prêt aiderait grandement les agriculteurs qui ne sont pas actuellement admissibles à une aide financière.
L'Alliance canadienne encourage certes l'accroissement de l'aide financière accordée aux agriculteurs à court d'argent, qui peinent durant de nombreuses heures chaque jour pour produire des denrées de haute qualité que les Canadiens aiment et auxquels ils s'attendent. Malheureusement, comme le gouvernement fédéral n'a pas accordé aux agriculteurs l'argent dont ils ont grandement besoin, de plus en plus d'agriculteurs devront emprunter pour ensemencer ce printemps.
Comme on l'a soulevé à maintes occasions à la Chambre, la législature actuelle n'est en cours que depuis trois mois, et les agriculteurs sont constamment venus réclamer au gouvernement au moins 900 millions de dollars. J'ai entendu des groupes expliquer au gouvernement pourquoi ils avaient besoin d'au moins 1,6 milliard de dollars, ou encore 1,2 milliard de dollars, mais, en règle générale, le montant le plus bas qui a été jugé acceptable était de 900 millions de dollars. Mais le gouvernement a jugé bon d'octroyer seulement 500 millions de dollars.
Le 20 mars, dans une motion de l'opposition, nous avons donc proposé que le gouvernement autorise la dépense d'un montant additionnel de 400 millions de dollars. D'emblée, les députés libéraux se sont prononcés contre notre motion et le gouvernement fédéral a refusé aux agriculteurs l'aide financière dont ils avaient tellement besoin. Mes collègues sont intervenus à maintes reprises à la Chambre pour exprimer nos sentiments et ceux de nos électeurs concernant cette rebuffade.
Aujourd'hui, je voudrais communiquer à tous les députés l'opinion que M. J.J. Huber, de Midale, en Saskatchewan, a fait paraître dans une récente édition du Western Producer. Je demande aux députés d'écouter attentivement. Il a déclaré:
Cela me donne la nausée d'écouter le verbiage de nos députés libéraux des régions rurales. Ils s'écoutent parler, mais dès que leur poste est en jeu, ils n'hésitent pas à laisser tomber les agriculteurs canadiens. Je vous assure, si 45 p. 100 de nos agriculteurs abandonnent leurs activités bientôt, l'agriculture deviendra une question sans importance au Canada. Nous devrions simplement mettre en herbe toutes les terres arables et importer tous nos produits agricoles des États-Unis ou du Royaume-Uni, qui sont les seuls dans le monde à se préoccuper de leur industrie agricole.
Et quand les consommateurs canadiens s'en prendront aux députés de leurs régions rurales parce que les prix des aliments auront quadruplé, vers qui se tourneront alors les députés? La ferme est juste le point de départ.
Il ajoute:
On entend les députés dire que les agriculteurs et les autres gens ordinaires ne comprennent rien à la politique, mais qu'y a-t-il à comprendre? C'est pourtant très simple: vous mentez aux gens en disant que vous allez parler en leur nom et, lorsque la partie se corse à Ottawa, vous laissez tomber ceux que vous représentez parce que vous pourriez perdre votre poste si vous agissiez vraiment comme le veulent vos électeurs.
Vous faites alors demi-tour et déclarez à vos électeurs qu'ils ne connaissent rien à la politique et que les abandonner ainsi fait partie du jeu politique. Je ne connais aucun autre emploi au monde où vous pouvez continuer à mentir aux gens qui vous paient, leur tourner le dos lorsqu'ils vous demandent de faire votre travail et recevoir quand même votre salaire. La politique me donne la nausée.
L'agriculture et la politique, cela nous donne tous un peu la nausée.
Je dirais cependant à M. Huber qu'il devrait se consoler, car le gouvernement vient de présenter un projet de loi qui changera le nom de la Société du crédit agricole. Est-ce que cette mesure le réconforte?
Si cela ne suffit pas, il comprendra sûrement ceci. Cette mesure législative va permettre non seulement à des agriculteurs, mais à toutes sortes d'autres entreprises de recevoir l'aide d'une institution prêteuse du gouvernement canadien, la Société du crédit agricole, de sorte que le gouvernement pourra déclarer que les agriculteurs disposent d'une somme X de dollars alors qu'en réalité cet argent sera versé à des entreprises qui n'ont rien à voir avec l'agriculture, pas même en tant que producteurs primaires. Est-ce que cela réconforte M. Huber?
Pourquoi ne pas élargir le rôle de créancier de la SCA et lui permettre de fournir des capitaux en l'autorisant à prendre des biens non fixes en garantie? Toute mesure législative donne quelque moyen d'agir. Peut-être faut-il s'accrocher à cette petite possibilité et y mettre notre espoir et notre confiance de voir s'améliorer les choses. Pourquoi ne pas officialiser la capacité de la SCA de louer à long terme des terres agricoles? Qu'en pense M. Huber? M. Huber et des jeunes partout au Canada pourront désormais louer des terres à long terme.
On espérait posséder sa propre terre agricole, de faire des versements pour la payer et de rembourser des dettes, mais voici qu'on a la possibilité de la louer à long terme au gouvernement fédéral. Malgré les difficultés financières que nos agriculteurs doivent subir parce que leurs coûts de production ont augmenté, il faut modifier ce projet de loi. Nous pouvons le rendre vraiment efficace.
L'hon. Andy Mitchell (secrétaire d'État (Développement rural) (Initiative fédérale du développement économique pour le Nord de l'Ontario), Lib.): Monsieur le Président, j'ai écouté avec intérêt le député d'en face. Son dévouement et ses préoccupations à l'égard de ses électeurs et de la clientèle plus vaste que constitue le milieu agricole ressortent nettement.
J'ai néanmoins quelques réserves, car j'estime que son approche, à certains égards, est de portée trop limitée. Il a raison de dire que nous devons nous attaquer aux problèmes des producteurs primaires, mais il y a plusieurs façons de s'y prendre.
Une chose de la plus haute importance est que nos producteurs primaires ont une occasion plus favorable d'esquisser une vision à long terme pour l'agriculture. Le député a parlé de la vision à long terme de l'agriculture. Un de ses éléments pourrait être le développement des étapes de production entre le producteur et le consommateur. Le circuit entre la production et la vente des produits est assez long. Plus nous pourrons conserver ces étapes et la transformation à valeur ajoutée de la production agricole dans le Canada rural, dans nos localités agricoles, plus celles-ci se tireront bien d'affaire et plus elles auront de chances que leur développement soit durable.
Si nous voulons créer dans une localité rurale une entreprise qui fabriquera des produits à valeur ajoutée, il faudra des capitaux. Si le mandat de la SCA est élargi de façon qu'elle puisse financer non pas n'importe quelle vieille entreprise, mais des entreprises qui font partie de ce circuit de transformation, nous aiderons les localités agricoles à survivre.
Le député pourrait-il expliquer pourquoi, selon lui, ce ne serait pas là une façon utile d'aider nos producteurs primaires, une façon d'aider nos collectivités rurales qui sont si importantes pour lui et pour tous les députés des régions rurales?
M. Kevin Sorenson: Monsieur le Président, c'est une excellente question de la part de quelqu'un qui a étudié beaucoup le développement rural et qui comprend ce qui doit arriver dans le domaine agricole. Je me réjouis qu'il ait mentionné la valeur ajoutée et le rôle important des produits à valeur ajoutée dans l'agriculture canadienne.
Ce qui m'inquiète, c'est qu'on ne considère pas la Société du crédit agricole comme la société de crédit en matière d'agriculture. Nous avons besoin d'un organisme comme la SCA, un organisme qui peut fournir des capitaux à de jeunes agriculteurs, des agriculteurs qui souhaitent acquérir plus de terres, agrandir leurs installations et faire tout ce à quoi la SCA excelle.
Dans notre circonscription, il y a un certain nombre de succursales de la SCA. J'ai des amis proches qui ont eu recours à la SCA et qui ont obtenu d'elle du financement. Je ne veux toutefois pas que la SCA devienne seulement une société de financement agricole. Il est impératif d'avoir des directives qui vont encourager l'agriculture.
Il faut reconnaître que le gouvernement a mis en place la Banque de développement du Canada. Cette institution va-t-elle maintenant se retirer de tout ce qui peut être considéré comme étant de nature agricole? Va-t-elle se retirer de tout projet qui peut s'apparenter de loin à l'agriculture? Je ne le crois pas. Toute affaire sensée, comme les produits à valeur ajoutée, les engrais, l'équipement et ce genre de choses sont encore couvertes par la Banque de développement du Canada.
Ne faisons pas un fourre-tout de la mission de la Société du crédit agricole. Limitons son mandat aux agriculteurs, aux exploitations familiales et aux gens qui tentent de démarrer. À l'heure actuelle, 94 p. 100 des fonds accordés par la SCA vont directement aux exploitations familiales. La situation risque de détériorer. J'estime que ce pourcentage pourrait diminuer au point où il ne représenterait qu'une infime fraction des fonds.
En ce qui concerne la valeur ajoutée, je tiens à souligner qu'un tas de mesures pourraient donner un coup de pouce aux produits ou aux entreprises à valeur ajoutée dans l'Ouest.
Un des obstacles à cet égard peut être la Commission canadienne du blé. La Commission canadienne du blé dit que si nous commençons à produire des biens à valeur ajoutée dans l'Ouest, nous ne pourrons pas acheter notre blé localement. Il faudra payer les frais de transport du blé jusqu'au port, et du port jusqu'au producteur, même si ce blé a été produit juste à côté. Il faudra acheter ce blé à la Commission canadienne du blé, payer les frais d'élévateur, etc.
Nous pouvons faire un certain nombre de choses pour promouvoir la valeur ajoutée. Le député a frappé en plein dans le mille. Nous devons commencer par la Commission canadienne du blé.
Mme Carol Skelton (Saskatoon—Rosetown—Biggar, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je parlerai aujourd'hui du projet de loi C-25, Loi modifiant la Loi sur la Société du crédit agricole. Ayant perdu deux fils sur la ferme, c'est en termes passionnés que je parlerai de la Société du crédit agricole et de ce que cette institution représente pour les agriculteurs de l'Ouest.
La SCA offre des services qui ne sont pas accessibles auprès des institutions financières traditionnelles. Les agriculteurs canadiens comptent sur elle. Le projet de loi aurait pour effet de modifier le mandat de la Société du crédit agricole, qui consistait à l'origine à offrir des services financiers uniquement aux fermes familiales et aux entreprises qui sont directement reliées à la production primaire.
La Société du crédit agricole étendrait ses activités de prêts à des entreprises qui ne sont pas nécessairement vouées à l'agriculture primaire et dont les agriculteurs ne sont pas nécessairement les principaux actionnaires. Cette intervention de l'État dans des domaines où le secteur privé est déjà présent soulève de sérieuses questions.
En étendant les activités de prêt de la Société du crédit agricole au-delà du secteur de la production primaire, le projet de loi mettra la SCA en concurrence directe avec les institutions prêteuses du secteur privé et lui permettra d'empiéter sur le champ d'activité d'autres institutions gouvernementales, comme la Banque de développement du Canada.
Le problème que pose cette proposition, c'est qu'elle ne comporte pas de définition claire. Elle soulève plus de questions qu'elle n'apporte de réponses. Par exemple, si le Saskatchewan Wheat Pool avait besoin de liquidités, cette disposition permettrait-elle à la Société du crédit agricole d'agir auprès de cet organisme comme prêteur important? Cette question est une source de grande préoccupation pour beaucoup de monde. L'Alliance canadienne s'est toujours opposée à l'intervention de l'État dans des secteurs qui sont déjà entièrement desservis par l'entreprise privée.
Le projet de loi C-25 officialise la capacité de la Société du crédit agricole de posséder et de louer des terres. Soutenant que ce n'était pas l'intention du projet de loi, la SCA a fait valoir que les dispositions relatives au bail visent l'équipement, mais le projet de loi ne l'indique pas clairement.
Le gouvernement fédéral ne devrait pas être propriétaire de terres agricoles. Les agriculteurs canadiens sont censés être propriétaires de leurs terres. En permettant à la Société du crédit agricole de posséder en permanence et de louer des terres, le gouvernement pourrait, tôt ou tard, influer sur la valeur marchande de ces terres. Nous avons pu le constater récemment dans notre propre région.
Le fait de permettre à la Société du crédit agricole de posséder en permanence et de louer des terres pourrait aussi inciter la SCA à ne pas rechercher tous les moyens possibles pour permettre aux agriculteurs qui éprouvent des difficultés financières de conserver leurs terres. En bref, le projet de loi donnerait à la Société du crédit agricole l'occasion de saisir prématurément les biens des agriculteurs.
Même aux termes de la loi actuelle, la Société du crédit agricole est devenue un important propriétaire terrien. En 2000, la Société du crédit agricole était propriétaire de plus de 360 000 acres au Canada. Quatre-vingt-quinze pour cent de ces terres sont situées en Saskatchewan, la province qui a été le plus durement touchée par la crise du revenu agricole. Cela fait peur. La dernière chose dont la Saskatchewan ait besoin c'est que le gouvernement fédéral, par l'intermédiaire de la Société du crédit agricole, commence à fausser la valeur marchande des terres agricoles.
Bien qu'il soit impossible d'éviter que la Société du crédit agricole détienne des terres pendant des périodes courtes, la loi devrait préciser très explicitement qu'elle devrait s'en défaire le plus rapidement possible. Mon parti espère convaincre le gouvernement de proposer des amendements au projet de loi afin de clarifier la situation.
Le projet de loi C-25 accroîtrait les pouvoirs de la Société du crédit agricole, lui donnant la possibilité d'accorder des prêts garantis par l'actif corporel. Ainsi, la société pourrait détenir des biens meubles tels que du bétail comme garantie d'un prêt. Cette modification permettrait à la Société du crédit agricole d'offrir des capitaux aux producteurs primaires qui n'y sont pas admissibles aux termes de la loi actuelle. Dans beaucoup de cas, cela leur permettrait d'avoir accès à des capitaux qu'ils ne pourraient obtenir auprès de prêteurs privés. C'est une modification positive que mes collègues et moi appuyons, à condition que le financement ne soit offert qu'aux producteurs primaires.
Il y a une chose que la mesure n'aborde pas, c'est-à-dire la question de l'équité. Dans beaucoup de cas, la Société du crédit agricole traite les secteurs soumis à la gestion de l'offre différemment des secteurs qui ne le sont pas. C'est une chose à laquelle mon parti s'oppose. Il serait de loin préférable que la Société du crédit agricole traite tous les producteurs de la même manière, quel que soit le secteur auquel ils appartiennent.
Une fois de plus, les libéraux proposent des dispositions que nous contestons pour de bonnes raisons, accompagnées de dispositions que nous appuyons. Permettre à la Société du crédit agricole d'accepter des biens meubles tels que du bétail comme garantie est une mesure positive que nous appuyons. Toutefois, permettre en même temps à la société de louer à bail et de détenir des terres ainsi que de prêter à des producteurs autres que des producteurs primaires constitue pour nous une impasse.
Par conséquent, l'Alliance canadienne a décidé de s'opposer à ce projet de loi à moins que des modifications importantes n'y soient apportées de manière à éliminer les problèmes que j'ai signalés.
M. Larry McCormick (secrétaire parlementaire du ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Lib.): Monsieur le Président, j'ai une brève question à poser à ma collègue, qui est un membre très apprécié du Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire. Elle vient de la Saskatchewan, et je respecte sa connaissance de la situation dans sa province.
La députée a dit que son parti n'était pas en faveur que d'autres que les producteurs aient accès à des fonds de la Société du crédit agricole. Je l'encourage à demander à ses voisins et à ses collègues s'ils sont du même avis qu'elle. Lorsque nous offrons de l'argent aux entreprises agroalimentaires et que nous élargissons les marchés, cela donne plus de débouchés aux producteurs. La Saskatchewan a fait du bon travail du point de vue de la diversification, mais elle produit encore bien des récoltes que nous pouvons commercialiser de façon plus efficace.
Je demanderais à la députée d'appuyer cette mesure législative. Je suis impatient de voir les amendements qu'elle proposera, le cas échéant. Demandera-t-elle à certains de ses voisins ce qu'ils en pensent? J'ai entendu des gens de la Saskatchewan dire qu'ils étaient en faveur de cette mesure législative.
Mme Carol Skelton: Monsieur le Président, en tant que productrice de lentilles, de pois chiches, de foin, de blé, d'avoine et d'orge et en tant qu'éleveuse de wapitis et de bisons, j'en sais long au sujet de la commercialisation en Saskatchewan. Je sais aussi qu'il y a certains segments de notre économie qui se tournent vers la Société du crédit agricole. Ce qui me gêne, c'est que ces modifications ne définissent pas clairement le mandat de la Société du crédit agricole. Un grande multinationale peut obtenir un montant énorme du gouvernement.
Je crois que le gouvernement pense que les producteurs agricoles en Saskatchewan ne sont pas capables de commercialiser leur propre grain. Je dirai au député que nous avons des gens très compétents en commercialisation dans nos industries.
L'orateur précédent a parlé de la Commission canadienne du blé. Je tiens à mentionner au député que la Commission canadienne du blé n'est justement pas canadienne. C'est la commission du blé de l'ouest du Canada parce que ce n'est pas la même qu'en Ontario ou qu'en Nouvelle-Écosse. Lorsque le gouvernement canadien appliquera, dans le cas de la Commission canadienne du blé, les mêmes règles à tout le Canada et non pas seulement aux provinces de l'Ouest, alors peut-être aurons-nous un système juste. Alors peut-être les producteurs de l'ouest du Canada verront-ils cette mesure législative d'un oeil plus favorable. Les voisins à qui j'ai parlé ne sont pas en faveur de ce projet de loi.
M. Ken Epp (Elk Island, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je me réjouis d'avoir le privilège de parler de ce projet de loi, qui touche un sujet très important, soit toute la question de l'agriculture au pays.
Je ne devais pas intervenir sur ce sujet à l'origine, mais après avoir entendu les interventions qui ont été faites aujourd'hui, surtout celle du député de Crowfoot, je n'ai pu résisté. Je me suis dit que je devais fustiger à mon tour le gouvernement pour la façon dont il gère le secteur de l'agriculture.
La Société du crédit agricole devait avoir pour but d'aider les agriculteurs. Bien souvent, cependant, elle a fait exactement le contraire. Le pays a besoin d'une politique gouvernementale qui permette aux agriculteurs de produire et de commercialiser leur produit à un prix qui couvre leurs frais et de vivre raisonnablement avec leur famille. Voilà ce qu'il nous faut vraiment et que l'on n'a pas actuellement.
Dans les quelques minutes qui me sont allouées, je vais donc parler un peu non seulement de la Société du crédit agricole et du financement offert aux agriculteurs et aux producteurs agricoles, mais aussi de la notion générale de commercialisation par la Commission canadienne du blé et de la façon dont elle s'applique ou ne s'applique pas.
J'ai senti la moutarde me monter au nez tout à l'heure en me rappelant une conversation que j'ai eue dernièrement avec un cultivateur de la Saskatchewan. J'ai dit plusieurs fois dans cette Chambre que je suis né en Saskatchewan. J'ai l'habitude de dire que je suis venu au monde à la maison, parce que c'était il y a longtemps, à une époque où bien des femmes accouchaient à la maison. J'ai souvent dit que, dès que ma mère m'a vu, il a fallu la conduire de toute urgence à l'hôpital. Ce n'est pas tout à fait la vérité. Je blaguais.
Donc, j'ai vu le jour à la fin des années 30 et j'ai grandi sur une ferme en Saskatchewan. Les gens de l'Ouest savent ce que signifie l'expression «les sales années 30». Je ne crois pas que cette expression soit aussi bien connue ici en Ontario et plus à l'est. Une sécheresse épouvantable a sévi à cette époque. Toutes sortes de blagues courraient sur notre niveau de pauvreté, entre autres. Je ne veux pas me lancer là-dedans. Tout ce que je veux dire c'est que, lorsque mes parents se sont mariés et qu'ils ont commencé à exploiter la ferme, la situation était difficile. Ils ont dû travailler très fort, ont été soumis à des conditions extrêmes et, de temps en temps, avaient une bonne récolte.
À l'époque, cela voulait dire un rendement de 20 à 25 boisseaux l'acre. Une récolte de 10 à 15 boisseaux l'acre était considérée comme moyenne et une récolte inférieure, comme médiocre ou déficitaire.
Il est incroyable de voir qu'à l'heure actuelle, on arrive à produire en moyenne de 40 à 50 boisseaux l'acre sur les mêmes terres. Les technologies modernes ont permis d'accroître la production. Les opérations sont plus efficaces.
Alors que mon père et ses deux fils arrivaient à exploiter dix quarts de section, ce qui était considéré comme une assez grosse ferme quand j'étais un jeune garçon dans les années 40, aujourd'hui, toute ferme autonome est au moins dix fois plus grosse. Il faut environ 40 quarts de section pour assurer une exploitation agricole économiquement viable.
Au lieu de mettre une moitié de la terre en jachère à tous les deux ans, l'utilisation des produits chimiques et les méthodes agricoles modernes permettent de faire beaucoup mieux et font disparaître dans bien des cas la nécessité des jachères.
Il est vrai que mon frère et ses fils peuvent aujourd'hui tirer une production quatre fois supérieure à celle que mon père tirait il y a quarante ans. Il est toutefois très triste de constater que, alors que la production n'a jamais été aussi bonne, les agriculteurs souffrent plus que jamais. Nous devons nous demander ce qui en est la cause.
Mon père, qui a maintenant plus de 90 ans et qui a vu bon nombre de récoltes, passe son temps dans les champs pendant les moissons. Il y a quelque chose de fascinant dans le spectacle du grain traité par la moissonneuse-batteuse ou, dans le bon vieux temps, par la batteuse. Nous produisons des aliments pour nourrir des gens qui, autrement, mourraient de faim. C'est une profession des plus nobles.
Mon père m'a dit l'an dernier qu'il était triste que les agriculteurs n'arrivent pas à joindre les deux bouts alors que la récolte était l'une des meilleures. C'est vraiment triste, car encore aujourd'hui les agriculteurs travaillent dur et de longues heures. Cela n'a pas changé. Pour réussir, l'agriculteur doit travailler de longues heures, surtout à l'époque des semences et à celle de la moisson. Cela demande beaucoup de travail, exige d'importants investissements et suppose de prendre de grands risques. Il faut également étudier, lire et s'y connaître dans tous les domaines. Qu'avons-nous? Un gouvernement qui met des bâtons dans les roues.
Je voudrais relater le cas d'un agriculteur avec qui je me suis entretenu. Quand je rends visite à ma famille, en Saskatchewan, mon frère et moi allons au silo pour vérifier les prix, livrer un chargement de grain ou faire quelque autre tâche, et je rencontre différentes personnes. Quand elles découvrent que le petit frère de leur voisin est député, elles ont des choses à lui dire. C'est ainsi que je me suis entretenu avec un agriculteur qui m'a exprimé son grand mécontentement. Ce qu'il m'a dit cadre avec le débat que nous avons aujourd'hui. Il m'a dit qu'il était mécontent, car au train où les choses vont, il est en passe de perdre son gagne-pain. Il a des versements exigibles, et la Société de crédit agricole l'a enjoint de payer, faute de quoi, sa ferme sera saisie.
Ce même agriculteur m'a dit qu'il pourrait payer, car il a trouvé un débouché pour ses silos pleins de grain, pour peu qu'un camion soit autorisé à le transporter. Il a dit qu'il pourrait obtenir pour son blé dur environ 50 p. 100 de plus que ce que la Commission canadienne du blé lui verserait. Il a dit qu'il serait payé sur-le-champ et pourrait effectuer le paiement exigé; ainsi, tout le monde serait content. Or, la Commission canadienne du blé a refusé cet arrangement. Elle exige qu'il vende son blé à perte à la Commission canadienne du blé. Cet organisme gouvernemental qui est censé être là pour aider les agriculteurs empêche justement cet agriculteur ne serait-ce que de survivre.
Les députés comprennent-ils pourquoi je suis outré et pourquoi je me suis précipité ici pour dire que ça ne va pas? Les libéraux devraient s'ouvrir les yeux et réaliser que s'ils sont incapables de donner aux agriculteurs le juste prix pour leurs produits, pour leur permettre de régler leurs factures et de gagner leur vie décemment et leur éviter de s'endetter davantage, au risque de les voir faire faillite et perdre une exploitation qui appartient à leur famille depuis plus de cent ans, ils devraient peut-être se faire à l'idée que leurs politiques ne sont pas aussi efficaces qu'ils les croient. Ils devraient peut-être y réfléchir.
La Société du crédit agricole était censée venir en aide aux agriculteurs. Il faut aider les gens en leur prêtant de l'argent seulement lorsqu'ils ont les moyens de rembourser, sinon cela devient un moyen socialiste de confisquer les propriétés agricoles.
Aux termes du projet de loi, la Société du crédit agricole, dont le changement de nom coûtera des milliers de dollars en papier à en-tête et le reste, est habilitée à posséder des biens et à les donner à bail. En d'autres mots, il s'agit d'un plan à peine déguisé devant tout simplement lui permettre de faire main basse sur l'ensemble des terres agricoles du Canada pour le compte du gouvernement. Je ne dis pas qu'il s'agit du plan manifeste du gouvernement, mais je prédis que tel en sera le résultat.
La Société du crédit agricole est habilitée à prêter aux agriculteurs, alors que ces derniers n'ont pas les moyens de rembourser, ni même d'assumer leurs autres frais de fonctionnement, du fait des restrictions imposées par la Commission canadienne du blé et d'autres politiques nationales, comme la lourde fiscalité au Canada et un tas d'autres facteurs. Les agriculteurs risquent la forclusion et la Société du crédit agricole finirait par prendre possession de leurs terres, ce qui me paraît inévitable à court terme dans le cas de certains agriculteurs qui ne s'en sortiront pas.
Ce projet de loi donne toutefois à la Société du crédit agricole la liberté de garder la terre, de la cultiver ou de la louer. C'est une mainmise directe sur le coeur de l'agriculture, l'entreprise agricole familiale.
Je suis extrêmement inquiet de voir que le gouvernement, qui s'intéresse à des sottises telles que le changement de nom de la Société du crédit agricole, ignore complètement l'importance de l'agriculture et les lourdes conséquences que son attitude paresseuse aura sur l'agriculture, particulièrement en Saskatchewan, en Alberta et au Manitoba.
Je ne sais pas ce que les députés en pensent, mais je crois que les gens sont égaux. Je trouve injuste que les agriculteurs des Prairies soient obligés, sous peine d'être emprisonnés, de vendre leur grain à la Commission du blé, alors que les agriculteurs des autres régions du pays ne le sont pas. D'autres agriculteurs peuvent obtenir un permis d'exportation vers les États-Unis s'ils le souhaitent et s'ils ont un marché pour leur produit.
Je dois bien peser mes mots pour respecter la Chambre, mais, nom de nom, comment le gouvernement peut-il justifier une telle aberration? Comment le gouvernement peut-il obliger des agriculteurs de la Saskatchewan qui souhaitent former une coopérative de fabrication de pâtes alimentaires à commencer par vendre à perte tout leur blé à la Commission du blé, qui, elle, le revendra par la suite à la coopérative de pâtes? Les agriculteurs savent bien qu'ils ont les mains liées avec la Commission du blé comme intermédiaire et préfèrent ne pas bouger.
Quels intérêts sert le gouvernement lorsqu'il dit aux agriculteurs qui ont des idées qui pourraient les aider à s'en sortir, qu'ils ne devraient pas le faire sous prétexte que ça va à l'encontre de la politique gouvernementale? Les siens? Ceux des Canadiens? Il est évident que la politique ne tient pas debout. Si quelqu'un propose une solution à un problème, pourquoi le gouvernement l'empêcherait-il d'y donner suite?
Dans d'autres entreprises, on ne trouve pas ce genre de restriction. Un de mes bons amis concessionnaire automobile possède un gros stock. Un jour, je lui ai demandé comment il arrivait à garder tant de voitures. Il m'a répondu que c'était une décision commerciale judicieuse. Il m'a affirmé que lorsque son parc est rempli de nouvelles voitures, les passants sont convaincus qu'il a vraiment beaucoup de succès et qu'il s'attend à vendre toutes ces voitures. Ils entrent et achètent un nouveau véhicule. Le volume des ventes augmente simplement à cause de cette décision d'affaire. Il n'y a aucune règle gouvernementale qui l'empêche de procéder ainsi.
Il y a un autre concessionnaire à proximité qui ne garde que très peu de voitures en stock. Il prétend que ses dépenses sont moindres parce qu'il n'a pas à entretenir un gros stock. De ce fait, les gens peuvent aller chez lui pour obtenir une meilleure affaire.
C'est la concurrence. Ces deux concessionnaires font de bonnes affaires. Ils n'ont pas besoin qu'un organisme gouvernemental leur dise comment administrer leur entreprise.
Il est grand temps que le gouvernement fédéral se débarrasse de tous ces règlements et règles très restrictifs et donne aux agriculteurs la marge de manoeuvre dont ils ont besoin pour mettre leurs produits en marché comme bon leur semble. Après tout, on pourrait demander à juste titre à qui appartient le produit. Qui paie l'hypothèque? Qui paie les carburants et toutes les taxes liées à ces derniers? Qui achète et répare la machinerie? Qui se lève à 4 heures du matin pour travailler sur la terre? Qui travaille de l'aube au crépuscule? Qui court tous les risques financiers? C'est l'agriculteur.
Que fait le gouvernement? Il dit que, la dernière chose qu'il veut, c'est un agriculteur qui a du succès. C'est vraiment le message qu'il envoie. Je n'arrive pas à comprendre cela.
Ce que je dis en substance, c'est que le projet de loi est tout à fait mal orienté. Le gouvernement devrait se préoccuper davantage de s'organiser à l'égard de la commercialisation et des accords internationaux. Il devrait faire ce qu'il aurait dû faire depuis sept ans et, honnêtement, ce que le gouvernement conservateur qui l'a précédé aurait dû faire. Le gouvernement aurait dû s'employer à faire en sorte que le marché mondial ait des règles du jeu équitables, ce qu'il a entièrement négligé de faire. C'est sur cela qu'il devrait se concentrer. C'est de cela que nous devrions discuter.
Au lieu de cela, nous discutons du changement du nom de la Société du crédit agricole, afin qu'elle puisse, au nom du gouvernement, confisquer tous les biens appartenant aux agriculteurs et, entre-temps, faire en sorte qu'il soit impossible aux agriculteurs de gagner leur vie, car ils ne peuvent pas vendre leurs denrées à des prix équivalant à leurs coûts de production. Quelle honte. Je pense que le gouvernement est totalement mal orienté.
Pour conclure, je voudrais poser une question. Je crois que les députés et tous les téléspectateurs devraient se la poser.
Soit dit en passant, je doute que bien des agriculteurs regardent CPAC en ce moment. Ce n'est pas le temps de l'année pour rester assis à la maison. En Saskatchewan et en Alberta, il est actuellement 15 h 30. Les agriculteurs sont aux champs. Ils ne regardent pas la télévision, mais j'espère qu'ils entendront parler de cette question.
Ils devraient en effet se demander pourquoi ils appuieraient un gouvernement qui se sert des organismes mêmes qui devraient leur venir en aide et qui leur rend presque impossible de réussir. C'est ce que font les politiques du gouvernement.
Un autre exemple me vient à l'esprit. J'ai parlé avec un agriculteur de la Saskatchewan. C'est là que sont mes racines, et j'y connais beaucoup de monde, bien que je représente une circonscription de l'Alberta. Je parle avec beaucoup d'agriculteurs là-bas aussi. Cet agriculteur de la Saskatchewan m'a dit que ce à quoi il excellait, c'était cultiver du blé dur, et que c'était à cette culture que le sol de sa terre se prêtait le mieux. Il a ajouté que celle-ci ne lui permettait pas de gagner sa vie et qu'il lui avait fallu diversifier. Il a réorienté sa production. Il a conclu des marchés avec des entreprises internationales.
Il s'agit d'un agriculteur prospère. Il est absolument ironique que, pour réussir, il a dû se retirer complètement de la production des cultures commercialisées par la Commission canadienne du blé afin d'avoir la liberté de gagner sa vie. N'est-ce pas ironique? Le gouvernement devrait en prendre de la graine. Voilà ma réponse finale.
Le président suppléant (M. Bélair): La Chambre est-elle prête à se prononcer?
Des voix: Le vote.
Le président suppléant (M. Bélair): Le vote porte sur la motion. Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?
Des voix: D'accord.
Des voix: Non.
Le président suppléant (M. Bélair): Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.
Des voix: Oui.
Le président suppléant (M. Bélair): Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.
Des voix: Non.
Le président suppléant (M. Bélair): À mon avis, les oui l'emportent.
Et plus de cinq députés s'étant levés:
Le président suppléant (M. Bélair): Convoquez les députés.
Et la sonnerie s'étant arrêtée:
Le président suppléant (M. Bélair): Le vote sur la motion est reporté.
* * *
LA LOI DU TRAITÉ DES EAUX LIMITROPHES INTERNATIONALES
La Chambre reprend l'étude, interrompue le 26 avril, de la motion: Que le projet de loi C-6, Loi modifiant la Loi du traité des eaux limitrophes internationales, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
M. Joe Comartin (Windsor—St. Clair, NPD): Monsieur le Président, malgré les commentaires de certains collègues du Parti conservateur, j'ai l'intention de parler de ce projet de loi pendant tout le temps qui m'est alloué.
Le président suppléant (M. Bélair): Le député dispose de vingt minutes et il y aura ensuite une période de dix minutes pour les questions et réponses.
M. Joe Comartin: Monsieur le Président, il semble qu'il s'imposait de partager certaines informations avec les autres députés. Lorsque j'ai écouté le début du débat, j'ai été un peu surpris de voir que le ministre des Affaires étrangères a amorcé le débat pour le gouvernement et que le ministre de l'Environnement a ensuite pris la parole. J'ai été stupéfait parce que, d'après ma lecture du projet de loi proposé, j'avais cru que le ministre du Commerce international amorcerait le débat vu que le projet de loi ne porte ni sur la protection du réseau hydrographique du Canada, ni sur la protection de notre eau douce contre l'exportation, bien au contraire.
Il est censé protéger l'écosystème qu'alimente notre eau douce. Il est censé protéger notre eau douce contre les difficultés que nous rencontrerons à cause du réchauffement de la planète. Il devrait certainement porter sur l'accès, pour tous les Canadiens, à un réseau d'eau douce salubre et sans danger. Ce n'est pas le cas.
J'aimerais reculer dans le temps pendant quelques minutes et attirer l'attention de la Chambre sur une résolution adoptée le 9 février 1999. Cette résolution avait été présentée à la Chambre par le député néo-démocrate de Winnipeg—Transcona. Elle avait reçu l'appui de tous les députés, y compris les députés ministériels libéraux, et la Chambre l'avait adoptée à l'unanimité. Voici le texte de cette motion:
Que, de l'avis de la Chambre, le gouvernement devrait, en collaboration avec les provinces, imposer immédiatement un moratoire sur l'exportation de grandes quantités d'eau douce et sur les transferts entre bassins hydrographiques, et devrait présenter une mesure législative pour interdire les exportations de grandes quantités d'eau douce et les transferts entre bassins hydrographiques, et ne devrait être partie à aucun accord international qui nous obligerait à exporter notre eau contre notre volonté, afin d'affirmer le droit souverain du Canada de protéger, de préserver et de conserver ses ressources en eau douce pour les générations futures.
Cette résolution avait été adoptée à l'unanimité. Je précise qu'un passage important de la motion était constitué de l'amendement suivant:
[...] et ne devrait être parti à aucun accord international qui nous obligerait à exporter notre eau contre notre volonté[...]
Cette motion reconnaissait, premièrement, la nécessité d'adopter une loi qui interdirait d'exporter de grandes quantités d'eau d'où que ce soit au Canada. Deuxièmement, la motion reconnaissait expressément et explicitement la nécessité de soustraire l'eau à tout accord commercial ultérieur, car il y a effectivement un débat très sérieux quant à savoir si nous bénéficions de cette protection en vertu des accords commerciaux en vigueur.
Fait intéressant, personne n'a pris parti contre la motion et, comme je le disais, personne n'a voté contre. Elle a été adoptée à l'unanimité. Personne n'a dit que nous avions tort et que nous devrions exporter de l'eau. Personne n'a dit cela. Personne n'a soutenu que nos réserves d'eau douce devraient être incluses dans le prochain accord commercial. Aucun député n'a tenu de propos semblables à l'époque. Tous étaient unanimes pour dire que nous devions prendre des mesures à ce sujet. Je crois qu'il était évident pour tous les députés que le gouvernement s'apprêtait à agir et à protéger nos réserves d'eau douce.
Il y a maintenant un peu plus de deux ans de cela. Quelle est la situation aujourd'hui? Nous discutons d'un projet de loi que tout observateur objectif dirait impuissant à régler de façon réaliste la question des exportations d'eau en grande quantité. Ce projet de loi ne règle rien à cet égard. Au contraire, il ouvre la porte à l'exportation en prévoyant l'émission de licences dans certains cas, ce qui conduira un jour à l'exportation d'eau en grande quantité.
Par ailleurs, dans deux ans, nous serons confrontés à un nouvel accord de libre-échange, pour les Amériques. Évidemment, nous n'avons pas encore vu le texte de cet accord. Nous ne savons pas vraiment ce qu'il contient et le gouvernement a été pour le moins nébuleux sur sa position dans les négociations. Nous savons cependant qu'il a refusé de s'engager de façon absolue et sans équivoque à ce que l'exportation d'eau en grande quantité soit exclue de la ZLEA. Il a refusé catégoriquement de prendre un tel engagement.
Je trouve intéressant que, la semaine dernière, lorsqu'il parlait du projet de loi, le ministre des Affaires étrangères a déclaré:
Tous les Canadiens reconnaissent que l'eau est une ressource naturelle différente de toutes les autres.
Nous avons entendu cela également de la bouche d'autres députés ministériels. C'est logique et nous nous entendons tous là-dessus. Je crois que tous les Canadiens en conviennent. Le problème, à mon avis, c'est que, si on examine le projet de loi, on constate que le gouvernement n'est pas très attaché à ce principe. En fait, il ne reconnaît pas que l'eau est une ressource naturelle différente des autres.
Le ministre des Affaires étrangères a ajouté:
Les Canadiens attendent de tous les paliers de gouvernement des mesures immédiates pour la protection des eaux canadiennes. Nous devons léguer à nos enfants et petits-enfants un Canada dont les ressources en eau douce seront assurées.
Je pose à nouveau la question: Est-ce que le ministre comprend ce qu'il dit? Pourquoi le gouvernement ne prend-il pas l'engagement contenu dans la motion présentée il y a plus de deux ans par mon collègue néo-démocrate et adoptée? Cette motion n'imposait pas un moratoire immédiat sur l'exportation de grandes quantités d'eau et le projet de loi C-6, dont nous sommes saisis, n'interdit pas l'exportation d'eau douce en grande quantité.
J'attire l'attention de la Chambre sur l'article 11 du projet de loi concernant les licences. En toute justice, il faut dire qu'une disposition distincte traite de l'interdiction d'exporter de l'eau, bien qu'elle n'utilise jamais ces termes, évidemment. Le gouvernement sait que s'il utilise ces termes, il sera possible d'invoquer les accords commerciaux. Encore une fois, c'est une chose qu'il n'admettra pas publiquement.
La première partie de l'article 11 prévoit que «sauf en conformité avec une licence». En réalité, une licence le permettrait. L'article stipule, et c'est la partie importante, que «Nul ne peut [...] utiliser, obstruer ou dériver [...] des eaux limitrophes.»
À l'inverse, et je suppose que je le dis en ma qualité de juriste, cela signifie que le ministre des Affaires étrangères qui est responsable à cet égard, et il est aussi intéressant de noter que ce n'est pas le ministre de l'Environnement, pourrait délivrer une licence permettant d'«utiliser [...] de façon temporaire ou permanente, des eaux limitrophes». C'est permis.
Or, personne n'a encore fait cela, ni les Canadiens, ni les Américains. On nous dit que c'est une entente tacite.
Compte tenu de ce qui se passe depuis une décennie, avec l'Accord de libre-échange, l'ALENA et maintenant la ZLEA, il est évident que nous sommes très préoccupés du fait que l'eau serait traitée comme une marchandise et assujettie à l'article 11 de l'ALENA.
Le ministre des Affaires étrangères a déclaré que si nous adoptions le projet de loi, il deviendrait loi et serait incorporé dans le traité, de sorte que tous les problèmes seraient réglés. Quiconque lit l'article 11 qui est proposé dira que ce n'est pas ce que fait le projet de loi. Il fait juste le contraire. Il autorise un éventuel ministre des Affaires étrangères à octroyer une licence pour exporter de grandes quantités d'eau.
L'autre argument à faire valoir concernant le projet de loi est qu'il est d'abord conçu pour traiter l'eau du bassin des Grands Lacs et du Saint-Laurent. Il traite des eaux limitrophes de tout le pays. Mais il est clair que le projet de loi n'interdit pas l'exportation d'eau. Il est à remarquer en outre que le projet de loi ne vise pas en particulier l'eau du bassin des Grands Lacs et du Saint-Laurent, mais toutes les eaux limitrophes du Canada. Il est clair, toutefois, qu'il n'interdit pas les exportations d'eau. Il ne traite pas de la proposition répétée de faire venir des icebergs de Terre-Neuve et d'exporter en vrac l'eau du lac Gisborne. Il n'en parle pas du tout.
On s'en tire, comme souvent, en disant que cela relève de la compétence provinciale. Cela ne suffit pas aux Canadiens. Si nous avons un gouvernement dit Monroe qui est disposé à exposer le reste du Canada au chapitre 11 de l'ALENA en acceptant l'exportation en vrac d'eau, nous, du gouvernement canadien, devons lui dire qu'il ne peut pas faire cela, que l'eau est une richesse naturelle qui est aussi une ressource nationale. Nous avons le devoir de protéger tous les Canadiens.
Si le projet du lac Gisborne ou tout autre projet aussi insensé était réalisé, absolument rien n'empêcherait l'exportation en vrac d'eau à partir de n'importe quel endroit au Canada.
Un certain nombre de conseillers juridiques au Canada acceptent cela comme étant la réalité conformément à l'ALENA. Si le projet du lac Gisborne ou tout autre projet de ce genre va de l'avant, l'eau deviendra un produit dans tout le Canada. Nous ne pourrons alors plus protéger cette richesse naturelle.
Au cours de l'allocution qu'il a présentée la semaine dernière à la Chambre, le ministre des Affaires étrangères a dit ceci:
Prétendre qu'un gouvernement peut, à lui seul, trancher la question d'un coup de baguette législative, ou que l'on puisse la réduire à une seule dimension, telle «l'exportation d'eau», comme le voudraient certains critiques, serait irréaliste, inefficace et contraire à notre but à tous.
Telle est l'attitude du gouvernement. Le gouvernement cherche manifestement à rejeter la faute sur quelqu'un d'autre, disant que les provinces ont ou n'ont pas fait telle ou telle chose et qu'il n'a rien fait à cet égard.
En réalité, le gouvernement aurait dû imposer un moratoire sur les exportations d'eau en vrac il y a deux ans. Il aurait dû présenter des mesures législatives sensées à la Chambre pour interdire systématiquement et de manière non équivoque l'exportation d'eau douce en vrac partout au Canada. Il aurait dû s'engager clairement et de manière non équivoque en disant que l'accord concernant la ZLEA, si jamais nous le signions, n'inclurait pas notre eau dans son champ d'application.
Le gouvernement aurait pu faire preuve de leadership, mais il ne l'a pas fait. Il devait respecter le libellé et l'esprit de la motion qui a été adoptée il y a deux ans à la Chambre. Que nous a dit le ministre des Affaires étrangères? Il a dit que ce genre d'interdiction au chapitre des exportations minerait les objectifs que nous poursuivons. Il y a lieu de s'interroger sur les objectifs que le gouvernement poursuit à l'égard des exportations d'eau douce en vrac.
Il est intéressant de souligner qu'en présentant ses conclusions la semaine dernière lors du débat sur le projet de loi C-6, le ministre a dit que le projet de loi était «conforme aux obligations commerciales internationales du Canada». Cela est tellement révélateur. Comme dans à peu près tout ce qu'il fait, le gouvernement est motivé par ces obligations et non pas par ce qui est dans l'intérêt de notre pays ou de sa population; il est motivé par les accords commerciaux qu'il a conclus.
N'aurait-il pas été plus légitime que ce soit le ministre du Commerce international qui parraine ce projet de loi, car c'est vraiment de cela dont il est question en l'occurrence?
Le ministre de l'Environnement a dit, dans son intervention dans le débat sur le projet de loi, que «la façon la plus sûre et la plus efficace de protéger l'eau du Canada est d'appliquer une approche environnementale, une approche fondée sur le commerce. Je partage son avis. C'est ainsi que le gouvernement devrait mener ses affaires, mais ce n'est pas ce qu'il fait en réalité.
Nous n'avons toujours pas obtenu du gouvernement un engagement nous garantissant que la ZLEA ne nous obligera pas à exporter notre eau en vrac. Si l'eau n'est pas sur la table de négociation de la ZLEA, nous devrions alors avoir un engagement en ce sens. Le gouvernement n'est pas près à s'engager de la sorte.
Le ministre de l'Environnement a ensuite cité un extrait du rapport final que la Commission mixte internationale a présenté sur la protection des eaux des Grands Lacs en particulier et des eaux transfrontalières d'une manière plus générale et qui disait que «le droit commercial international n'empêche pas le Canada et les États-Unis de prendre des mesures pour assurer la protection de leurs ressources en eau.»
Le ministre de l'Environnement avoue que, en réalité, nous ne pouvons pas légiférer pour protéger nos ressources en eau. Là encore, la question saute aux yeux. Pourquoi ne pas le faire? Une simple loi suffit pour interdire l'exportation d'eau douce en grandes quantités.
Pour terminer, permettez-moi de dire un mot de la position juridique qui est la nôtre vis-à-vis des accords commerciaux. Je vais citer un avis juridique demandé par le Conseil des Canadiens en 1999 au sujet des différends commerciaux portant sur les contrôles de l'exportation d'eau.
Voici le texte:
...le risque de pareils différends n'est pas une raison pour que le gouvernement fédéral tarde à interdire l'exportation d'eau. Pour les raisons que nous avons exposées, tout retard risque fort de limiter l'éventail des choix qui s'offrent au Canada.
C'était il y a deux ans et le gouvernement n'a toujours rien fait.
J'allais citer un autre passage de l'avis juridique qui s'inquiétait de ce qui s'est passé dans le cadre de l'ALENA et de certaines affaires de l'OMC, mais je vois que mon temps de parole tire à la fin.
Le gouvernement a fait des promesses à propos de la culture et des programmes de recherche et développement. Ils ne devaient pas être visés par l'ALENA. Nous avons constaté à notre grand déplaisir qu'ils l'étaient. Voilà où nous en sommes aujourd'hui.
Le projet de loi ne va pas régler le problème. Il ne va pas assez loin. Il ne traite pas adéquatement du problème. Il permet d'accorder des licences, et il ne dit rien de l'exportation d'eau ailleurs au Canada.
Nous allons nous opposer au projet de loi et continuer de réclamer au gouvernement un projet plus réaliste et adéquat, un projet de loi propre à protéger les intérêts du Canada.
L'hon. Charles Caccia (Davenport, Lib.): Monsieur le Président, je comprends bien l'intention et les objectifs exprimés par le député de Windsor—St. Clair, mais je ne partage pas son point de vue concernant les motifs sinistres qui auraient amené le gouvernement du Canada à présenter le projet de loi.
Le député sait-il seulement que le Conseil des ministres de l'Environnement a convenu en novembre 1999 de respecter le besoin d'interdire le prélèvement de grandes quantités d'eau? Et s'il est au courant de cette entente, quels moyens prenant appui sur cette entende propose-t-il de prendre pour s'assurer qu'on ne procède jamais au prélèvement de grandes quantités d'eau?
M. Joe Comartin: Monsieur le Président, je suis au courant de cette conférence et de l'entente qui y a été prise. Avant de répondre à la question, je me permettrai de préciser ceci.
Le véritable problème avec l'entente en question est qu'il s'agit d'une accord entre trois gouvernements souverains, un accord qui n'empêche pas qu'une société vienne un jour intenter une action en justice contre un de ces gouvernements souverains puisque l'eau est considérée comme une marchandise. L'accord n'interdit pas à cette société d'agir ainsi.
Pour répondre à la question, je dirais que la solution serait d'imposer une interdiction ici au Canada, de même qu'aux États-Unis et aussi au Mexique, je suppose. Nous aurions ainsi une mesure législative nationale. Il faut modifier l'ALENA, et aussi les accords liées à la ZLEA, si celle-ci devait éventuellement voir le jour, pour mettre expressément l'eau à l'abri de ce genre d'action en justice. La modification préciserait que l'eau est, non pas une marchandise, mais un droit fondamental du pays où elle se trouve et qu'elle ne peut faire l'objet de quelque action en justice que ce soit de la part des sociétés privées.
L'hon. Charles Caccia: Monsieur le Président, ma question n'était peut-être pas suffisamment claire. Je la reformulerai donc.
En novembre 1999, le conseil des ministres de l'Environnement du Canada s'est réuni. À l'issue de cette réunion, il a conclu, du moins que je sache, à la nécessité d'interdire l'exportation d'eau en vrac.
Si le député est d'accord sur la décision du Conseil canadien des ministres de l'Environnement, quelles mesures propose-t-il pour faire en sorte de nous assurer que l'eau ne sera pas exportée du Canada? C'est cela la question.
M. Joe Comartin: Monsieur le Président, j'ai compris la question du député de Davenport. Ma réponse est la même. Nous avons besoin d'une mesure législative. Je pense que des dispositions précises sont nécessaires dans les traités afin d'interdire l'exportation d'eau et d'empêcher toute contestation aux termes du chapitre 11. Je ne pense pas pouvoir être plus explicite que cela. C'est la façon, à mon avis, de régler ce problème. La méthode que je propose est compatible avec les avis juridiques qui nous ont été donnés à ce sujet.
[Français]
M. Bernard Bigras (Rosemont—Petite-Patrie, BQ): Monsieur le Président, je souscris entièrement aux propos de mon collègue, le député du Nouveau Parti démocratique, sauf qu'en 1993, alors que nous avions cru que l'Accord de libre-échange nord-américain constituait un des accords les plus verts que nous pouvions négocier et sur lequel nous pouvions nous entendre sur le plan commercial, force est de constater qu'en vertu du chapitre 11 sur les relations entre les entreprises et le gouvernement, il y a eu de nombreuses contestations judiciaires.
À cet égard, je pense en particulier aux contestations judiciaires de certaines entreprises, que je ne nommerai pas, qui voulaient obtenir un permis d'une province, soit la Colombie-Britannique. C'est quand même une réalité.
Donc, est-ce qu'il ne serait pas juste et adéquat que nous prévoyions, dans le prochain accord portant sur la Zone de libre-échange des Amériques qui devrait être conclu, si je ne m'abuse, en avril 2005, des dispositions non contestables sur le plan juridique, pour nous assurer que l'eau ne soit pas définie comme un bien, mais plutôt comme une ressource et un investissement?
Donc, ne devrions-nous pas prendre immédiatement le leadership de la négociation pour nous assurer, comme parlementaires, que l'eau n'est pas une marchandise mais plutôt une ressource à préserver?
[Traduction]
M. Joe Comartin: Monsieur le Président, je ne pense pas pouvoir être le moindrement en désaccord avec mon collègue du Bloc. Il est justifié de demander que non seulement nous envisagions d'interdire aux entreprises de le faire, mais aussi que nous précisions que l'eau n'est pas une marchandise, mais plutôt une ressource naturelle. Nous devrions même aller encore plus loin, dans la mesure du possible, préciser que l'accès à l'eau correspond à un droit fondamental, et en donner dans les traités une définition en ce sens. Quel que soit le point de vue adopté, quelle que soit la perspective, l'eau ne saurait être considérée comme une marchandise.
Ce qui me fait penser à la poursuite intentée par la compagnie californienne Sun Belt contre la Colombie-Britannique. Si l'accès à l'eau faisait vraiment partie des droits fondamentaux de la personne, aucune entreprise dans le monde ne se lancerait dans de telles poursuites. Mon collègue bloquiste est encore une fois fondé d'affirmer que le libellé doit être clair et sans équivoque, pour que jamais plus nous ayons à nous défendre devant les tribunaux.
Mme Sarmite Bulte (secrétaire parlementaire de la ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, j'ai trouvé très intéressants les commentaires du député sur la nécessité d'empêcher les sociétés d'engager des poursuites judiciaires. Je suis très surprises. Je sais que le député d'en face était aussi autrefois avocat de profession. J'ai moi-même pratiqué le droit pendant 18 ans avant de passer au secteur public.
Cela m'étonne de voir que le député propose maintenant que nous adoptions certaines mesures législatives dans le but d'empêcher les entreprises ou le gouvernement d'entreprendre des poursuites judiciaires. Comme le député le sait bien, les mesures législatives et les poursuites judiciaires sont fondées sur l'interprétation des mesures législatives. Comment peut-on empêcher une entreprise d'émettre une demande introductive d'instance subséquente de 75 ou de 125 $ et d'intenter une poursuite? On ne peut rien faire contre cela. Ce sont des poursuites frivoles et abusives. Comme le député le sait bien, les poursuites judiciaires sont engagées pour bon nombre de raisons et pas toujours parce qu'elles sont fondées.
Compte tenu de l'expérience du député à titre d'avocat dans sa région, comment croit-il que nous puissions, ou que tout gouvernement puisse, empêcher une entreprise, une personne ou un pays d'engager toute forme de poursuite contre une gouvernement ou contre une personne? Je serais heureuse de connaître son opinion à ce sujet.
M. Joe Comartin: Monsieur le Président, la liste est assez longue et la réponse doit être courte. La réponse la plus facile est sans doute celle que j'ai donnée au député du Bloc, à savoir que la loi et le traité sont rédigés de telle façon que personne ne songera jamais à intenter des poursuites. C'est la première réponse.
Il y a un certain nombre d'autres moyens. Certes, l'imposition de frais à titre de moyen dissuasif serait une méthode que nous avons déjà utilisée dans le système judiciaire.
Je pense que le meilleur moyen serait de savoir qui prend la décision. Il ne faut pas laisser la décision entre les mains d'un groupe d'experts anonyme, non responsable, non élu. La composition du groupe ferait une grande différence relativement à ce genre de poursuites.
M. Bill Casey (Cumberland—Colchester, PC): Monsieur le Président, c'est certainement avec plaisir que je prends la parole sur cette très importante question. Ce qui suscite le plus mon intérêt, c'est la rapidité avec laquelle cette question de l'eau a évolué. Pendant des centaines d'années, nous tous au Canada avons considéré notre approvisionnement en eau comme allant de soi. Nous n'avons toujours eu qu'à ouvrir le robinet pour avoir de l'eau propre et pure mais, dernièrement, nous constatons que notre eau est contaminée ici et là.
Nous avons entendu parler de Walkerton et de ses problèmes. Dans ma propre circonscription, il y a deux ou trois zones où, tout d'un coup, pour la première fois, l'eau est contaminée et n'est plus potable. Tout cela est bien dérangeant, et nous sommes confrontés à de réels problèmes causés par l'eau contaminée.
Dans une petite localité appelée Nappan, dans ma région, l'eau a été absolument et totalement contaminée, peut-être par certaines pratiques des agriculteurs. Des choses comme celles-là se produiront de plus en plus.
Cette question de l'eau revêt une importance beaucoup plus grande que celle que le gouvernement lui accorde. Comme un de mes collègues, le député de St. John's-Ouest, vient de le dire il y a quelques instants, nous avons besoin d'une mesure législative qui a du mordant. Nous devons cesser de tergiverser. Il a absolument raison.
Cette mesure législative est assez intéressante. Elle aborde le sujet et propose une amorce de solution, mais elle ne va vraiment pas assez loin. D'ici quelques années à peine, l'eau deviendra le bien le plus précieux, la ressource la plus importante qu'un pays pourra avoir. Nous devrions régler cette question maintenant que nous savons ce qui se passe et ce qui se passera. Nous devrions avoir une mesure législative qui va beaucoup plus loin que celle-ci.
Ce projet de loi ressemble un peu à celui que le gouvernement conservateur avait présenté en 1988, le projet de loi C-156. Toutefois, c'était presque à une époque différente, et cette mesure législative n'était que la première étape puisque d'autres mesures législatives étaient prévues. Le projet de loi actuel est une mesure définitive, et nous avons la possibilité de faire beaucoup plus que ce que nous faisons avec cette mesure.
J'espère que le gouvernement prendra au sérieux les remarques que feront les députés de ce côté-ci de la Chambre durant ce débat. Nous voulons une meilleure mesure législative, une mesure législative qui a plus de mordant et qui est plus complète. Nous voulons que le gouvernement prenne position relativement à toutes les ressources en eau douce au Canada, et non seulement celles qui se trouvent près des frontières.
Le député de St. John's-Ouest a soulevé récemment, à la Chambre des communes, la question de l'exportation de l'eau de Terre-Neuve. Le ministre lui a dit ici même qu'il n'y avait rien à craindre parce que le gouvernement allait présenter des mesures pour régler cette question dans le projet de loi C-6. Nous avons le projet de loi C-6 devant nous, et il est loin de régler cette importante question.
Le dernier orateur a parlé de gouvernements parias, ce qui est plutôt intéressant. Je crois qu'il faisait allusion au gouvernement libéral de Terre-Neuve, qui propose d'exporter de l'eau. Nous n'avons aucune protection contre cela. Le gouvernement n'a aucun moyen d'y faire obstacle, de réglementer l'exportation de l'eau ou d'y faire face. Le projet de loi aurait pu le faire, mais il n'en est rien. Il porte uniquement sur les réseaux hydrographiques limitrophes et permet l'exportation même de ces eaux. Il n'est pas du tout approprié et n'est pas ce dont nous avons besoin.
Le gouvernement envoie des messages contradictoires touchant sa position en matière d'exportations d'eau, ce qui sème la confusion. Il dit une chose lors de la période des questions, autre chose aux médias, et autre chose encore sur la scène provinciale. Il nous saisit maintenant d'un projet de loi qui tourne autour de la question sans vraiment l'aborder de front.
Le gouvernement parle de mettre sur pied un comité chargé d'étudier les enjeux, dont la vente et l'exportation d'eau douce. Pourquoi cela ne fait-il pas partie du projet de loi? Pourquoi ne discutons-nous pas de cela dès maintenant? Pourquoi adopter un projet de loi à demi mûri, sans disposition contraignante, comme l'a dit le député de St. John's-Ouest, qui ménage la chèvre et le chou et ne s'attaque pas vraiment au problème?
Le projet de loi est même loin de s'attaquer au dossier de Terre-Neuve. Après ses négociations avec le président américain, le premier ministre a soudainement changé de position. À un moment donné, il était inflexible sur les exportations d'eau, puis il a changé de position. Il donne maintenant à entendre que nous changerons de position, et cela fait peur.
Le gouvernement envoie un autre double message en réponse à la demande du NPD d'imposer un moratoire sur les exportations d'eau. La motion a reçu l'appui de tous les députés, y compris tous les libéraux. Où est la motion dans le projet de loi? Elle n'y est pas. Elle est complètement invisible.
Encore une fois, cela ne devrait plus nous surprendre parce que lorsque le gouvernement dit une chose, il en fait toujours une autre. Est-il nécessaire de rappeler ses promesses d'abolir la TPS, de modifier l'accord de libre-échange et de nommer un conseiller en éthique qui relève du Parlement? Il n'a jamais tenu ses promesses et il ne le fait pas davantage dans le cas de l'eau douce.
Le Parti progressiste-conservateur s'est prononcé sans la moindre ambiguïté sur cette question. Nous préconisons d'interdire absolument la vente de grandes quantités d'eau douce. C'est de toute évidence la voie à suivre dorénavant pour protéger notre approvisionnement en eau que nous voyons changer très rapidement.
L'autre jour, j'ai écouté un programme diffusé au réseau CBC à l'Île-du-Prince-Édouard sur la manière dont la province doit remanier ses méthodes agricoles. Elle doit réduire la production agricole et changer complètement la manière de faire des affaires à cause de la pollution de ses cours d'eau. Il est clair que l'industrie agricole ne veut pas en entendre parler.
L'Île-du-Prince-Édouard fait face à un grave problème. En Ontario et en Nouvelle-Écosse, nous avons aussi des problèmes. Terre-Neuve parle de vendre de l'eau. La question revient de plus en plus souvent. Il n'y a aucune excuse pour ne pas s'y attaquer maintenant, mais personne ne connaît réellement la position du gouvernement à cet égard.
Outre l'interdiction que nous préconisons, il faut noter également que le projet de loi propose des modifications qui permettraient un régime d'octroi de licences pour des projets touchant les eaux limitrophes, notamment des barrages et d'autres obstacles. Il s'agit ici d'un régime d'octroi de licences en cas d'exceptions. Le gouvernement parle d'adopter un projet de loi, mais il y insère déjà des exceptions qui permettraient d'enfreindre les règles, de contourner le système et d'enlever toute force et tout mordant à ce projet de loi.
De tous les pays du monde, le Canada est le plus vulnérable, bien qu'il ait le plus vaste approvisionnement en eau potable. Nous avons également 300 lacs et rivières qui chevauchent la frontière canado-américaine. La répartition de notre eau et de celle des États-Unis deviendra une question très controversée à l'avenir. Là encore, le projet de loi n'en dit rien.
J'ai mentionné plus tôt que 40 p. 100 de l'eau potable dans le monde se trouve au Canada. Nous devrions la protéger. Ce sera, tôt ou tard, la ressource la plus précieuse que n'importe quel pays pourra posséder. À l'heure actuelle, un milliard de personnes n'ont pas accès à de l'eau potable. Nous en avons et nous devrions tenter l'impossible pour la protéger et la préserver.
Déjà en 1984, le Parti progressiste-conservateur était préoccupé par l'exportation de notre eau. Nous avions alors formé un comité chargé d'étudier la question pour s'assurer que les bonnes mesures soient prises.
Malheureusement, lorsque le gouvernement libéral est arrivé au pouvoir, il a abandonné toute velléité de préserver l'eau douce. Il a conclu des accords, comme l'accord de libre-échange, qu'il avait dénoncé de façon véhémente avant d'arriver au pouvoir. Il était contre le libre-échange puis, tout à coup, il a changé d'avis, l'a appuyé, rendant plus facile l'exportation d'eau. C'est de cela que nous parlons aujourd'hui.
À la fin des années 1980 et au début des années 1990, le Parti progressiste-conservateur n'arrêtait pas de répéter que l'eau du Canada n'était pas à vendre et que l'accord de libre-échange n'y changerait rien. Aujourd'hui, on nous dit qu'il faudrait peut-être être un peu plus souple, qu'il faudrait soumettre la question à un comité et voir ce qui pourrait se faire.
Pour notre part, nous disons qu'il n'est pas question de vendre de l'eau en grande quantité. Ce n'est pas la peine d'en saisir un comité et d'en parler. La vente d'eau en grande quantité est interdite et devrait le demeurer.
Je reviens sur le changement de climat avec lequel nous devons composer. Depuis des années, nous prenons pour acquis que nous avons de l'eau douce au Canada, et tout d'un coup, cette position ne s'applique plus. Nous ne pouvons plus tenir notre eau pour acquise. Nous devons prendre des mesures pour la protéger ou nous allons la perdre.
La population mondiale devrait atteindre les 8 milliards d'habitants d'ici l'an 2025. On estime que d'ici là la moitié des habitants de la planète n'auront pas accès à de l'eau propre. J'espère que les changements que nous décidons au Parlement ne signifieront pas que le Canada fera partie des pays qui n'auront pas d'eau propre.
Selon des estimations récentes, la consommation d'eau augmentera de 40 p. 100 et les besoins en eau pour cultiver de quoi nourrir une population croissante progresseront de 17 p. 100. L'eau pourrait devenir notre ressource la plus précieuse.
L'article 21 du projet de loi expose en détail les domaines où le gouverneur en conseil, c'est-à-dire le Cabinet, en somme, peut prendre des règlements. Cela fait peur, car le Cabinet, celui-ci ou le suivant, pourrait modifier les règlements sans consulter le Parlement ni le public, sans tenir de débat. Il serait possible de modifier nos règlements sans consulter le Parlement. Il ne devrait y avoir aucun règlement sur l'exportation d'eau sans une pleine consultation du Parlement, sans un débat et sans une consultation du public.
J'espère que le projet de loi ouvrira le débat sur l'eau douce de façon que tous les Canadiens puissent s'exprimer. S'ils ont l'occasion de se prononcer, la majorité des Canadiens s'opposeront à l'exportation de notre eau. Quelques personnes qui veulent réaliser de juteux bénéfices et exploiter une occasion d'affaires seront favorables à l'exportation, mais je crois que la vaste majorité des Canadiens s'opposeront à ce que nous cédions notre eau à d'autres.
J'espère que le gouvernement finira par énoncer sa position sur la vente d'eau douce du Canada et qu'il la tirera au clair sous tous les angles. J'espère aussi que la position des libéraux concordera avec celle des progressistes conservateurs, pour qui l'eau douce du Canada n'est tout simplement pas à vendre.
L'hon. Charles Caccia (Davenport, Lib.): Monsieur le Président, je félicite le député de Cumberland—Colchester pour l'intervention qu'il a faite. Je veux m'assurer de l'avoir bien compris. Peut-on prendre cela comme un engagement ferme de la part du député et de son parti contre toute forme d'exportation massive d'eau, notamment un éventuel projet d'exportation d'eau de Terre-Neuve?
M. Bill Casey: Monsieur le Président, la question préoccupe et intéresse le député tout autant que nous. Nous nous opposons totalement à ce que Terre-Neuve exporte massivement de l'eau. C'est la position de nos députés terre-neuviens et c'est la position de notre parti. Nous nous opposons à l'exportation massive d'eau du Canada.
[Français]
M. Bernard Bigras (Rosemont—Petite-Patrie, BQ): Monsieur le Président, bien que ce projet de loi soit assez clair mais assez étendu, nous allons, encore une fois, traiter plutôt de la question de l'exportation de l'eau pendant que le ministre du Commerce international est ici à la Chambre. Il a naturellement participé de façon très active au Sommet des Amériques.
J'ai une question à poser à mon collègue, à savoir s'il croit que le ministre du Commerce international devrait utiliser tous les moyens qui sont en son pouvoir pour faire en sorte que l'eau ne soit pas considérée comme une marchandise, une marchandise négociable, une marchandise qui peut être exportée jusque dans une certaine mesure, faisant en sorte d'épuiser nos ressources naturelles.
Pendant que le ministre du Commerce international est ici à la Chambre, je demande à mon collègue du Parti progressiste-conservateur de préciser sa position à l'égard des prochaines négociations qui mèneront, en décembre 2005, à un accord fort souhaitable, dans une certaine mesure, sur une Zone de libre-échange des Amériques.
[Traduction]
M. Bill Casey: Monsieur le Président, je ne veux pas du tout être ambigu. J'affirme sans équivoque que nous sommes contre les exportations massives d'eau.
J'ai vu tout le dossier de l'eau douce changer radicalement. Le Canada atlantique est considéré comme une région encore pure de la planète. Nous avons beaucoup de ressources en eau douce, mais même dans cette région, à certains endroits, notre eau douce est menacée et notre eau est contaminée. Au cours des douze derniers mois, pour la première fois de notre histoire, trois régions de ma circonscription ont fait état de contamination de l'eau.
Nous devons prendre des mesures dès maintenant pour régler ce problème car il va s'envenimer. J'ai parlé plus tôt de la longue émission présentée l'autre jour à la chaîne anglophone de Radio-Canada diffusant de l'Île-du-Prince-Édouard. On y disait que le secteur agricole devrait changer ses pratiques à l'Île-du-Prince-Édouard et réduire radicalement la production vivrière parce que l'augmentation de cultures vivrières entraînerait la contamination de l'eau et une diminution de la quantité d'eau.
La question est grave. Nous ne devons pas courir de risques. En vertu de bon nombre de ces accords commerciaux, si nous commençons à livrer une ressource qui devient un produit, nous serons forcés de continuer. Si notre ressource diminue éventuellement, nous ne pourrons pas réduire les exportations et diminuer la quantité livrée aux pays étrangers.
Une fois la pratique établie, il faudra la maintenir. Nous ne devons même pas aborder le sujet, surtout à l'Île-du-Prince-Édouard où l'eau a été contaminée et où les agriculteurs doivent réduire leur production. Ils sont forcés de le faire. Je voulais faire remarquer cela à notre collègue de l'Île-du-Prince-Édouard qui fait des interventions et essaie de m'aider à faire valoir mon point.
M. Loyola Hearn (St. John's-Ouest, PC): Monsieur le Président, je pourrais soulever le même argument que nous utiliserions à Terre-Neuve lorsque nous parlons des exportations massives. Nous devons répondre à de nombreux besoins de financement en matière de santé et d'éducation. D'où nous viendront les fonds nécessaires? Ils viendront de l'exploitation de nos ressources, notamment de l'exploitation appropriée de nos ressources en eau.
Le gouvernement semblait nous appuyer lorsqu'il a répondu aux questions que j'ai posées précédemment. Mais après sa rencontre avec le président des États-Unis, le premier ministre s'est montré très vague sur cette question.
Nous ne pouvons nous permettre d'exporter massivement à moins de tirer un profit maximal de chaque emploi potentiel dans ce secteur. Mon collègue ne croit-il pas qu'il est grand temps que nous prévoyions, dans ces mesures législatives, une entente pour contrer l'exportation de nos ressources en eau douce?
M. Bill Casey: Monsieur le Président, c'est dans ma circonscription que se trouvent les plus fortes marées au monde et, à l'instar de la marée, la position du premier ministre est venue, puis s'est retirée. Elle est venue lorsque le premier ministre a établi sa propre position. Il était absolument opposé à toute exportation d'eau. Puis, après une petite visite du président américain, la marée s'est retirée. Le premier ministre a changé d'avis, disant qu'on pouvait peut-être négocier, renvoyer l'affaire au comité et en parler.
Il nous faut une mesure législative qui a du mordant. Il ne faut pas tourner autour du pot, comme le dit le député. Notre position doit être très claire. Nous ne devons pas avoir un projet de loi aussi ambigu que celui-ci.
L'hon. Charles Caccia (Davenport, Lib.): Monsieur le Président, j'ai une autre question à poser au député de Cumberland—Colchester. Étant donné que, en novembre 1999, le Conseil canadien des ministres de l'Environnement a convenu de la nécessité d'interdire l'exportation d'eau en vrac, le député croit-il qu'un engagement libre des provinces à interdire les exportations d'eau en vrac donnerait quelque chose?
M. Bill Casey: Monsieur le Président, en réponse à la question du député, je ne crois pas que cela suffit, car les gouvernements changent trop rapidement. Nous sommes sur le point de voir des gouvernements provinciaux changer au Canada. Il est à espérer que nous assistions aussi à un changement sur la scène fédérale, mais nous allons certainement, dans un proche avenir, voir des changements de gouvernements provinciaux. Lorsqu'un gouvernement prend aujourd'hui un engagement, cela ne nous donne pas de garantie ni d'assurance que son successeur honorera cet engagement.
M. Loyola Hearn: Ni le même gouvernement.
M. Bill Casey: Ni le même gouvernement, car nous avons vu des administrations locales changer immédiatement d'opinion sur certaines questions. Non, je ne crois pas que cela suffit. À mon avis, il faut inclure cela dans une loi fédérale à toute épreuve.
Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureuse de prendre la parole sur le projet de loi C-6, Loi modifiant la Loi sur le traité des eaux limitrophes internationales. Je me réjouis de cette occasion parce que je peux ainsi soulever certaines des préoccupations que d'autres ont exprimées et de parler de certains des mythes que nous avons entendus à la Chambre.
Les Canadiens s'accordent pour dire que les pouvoirs publics doivent agir pour protéger les eaux canadiennes des prélèvements à grande échelle. La question qui se pose, par conséquent, n'est pas de savoir s'il faut protéger l'eau, mais comment réaliser ce projet collectif.
En février 1999, le Canada a annoncé une démarche en trois volets pour l'interdiction des prélèvements massifs d'eau de tous les grands bassins hydrographiques canadiens. Le volet écologique protège l'eau et en réglemente l'usage dans son état naturel, à savoir dans les bassins hydrographiques. C'est une démarche globale, écologiquement valable, respectueuse des compétences constitutionnelles et conforme aux obligations commerciales internationales du Canada. Le projet de loi C-6 concrétise cette démarche dans tous ses aspects.
Certaines personnes et certains groupes ont pressé le gouvernement fédéral d'agir unilatéralement en imposant une interdiction d'exportation de l'eau. Pareille mesure commerciale serait néfaste. Elle serait irréaliste, spécialement dans le contexte fédéral-provincial. Elle serait inefficace. Pis encore, elle irait à l'encontre du but même que nous visons tous.
Je vais donc expliquer pourquoi le Canada a adopté une démarche écologique, et pourquoi celle-ci est supérieure à une interdiction d'exporter.
La Commission mixte internationale, la CMI, a produit, en février 2000, un rapport qui est intitulé «La protection des eaux des Grands Lacs» et qui fera date. Je voudrais faire quelques observations sur les conclusions et les recommandations de la CMI. Elles sont conformes à la vaste approche écologique adoptée par le Canada sur la question des prélèvements d'eau massifs.
La CMI a conclu que l'eau est une ressource non renouvelable. L'immense volume des Grands Lacs est trompeur. Moins d'un pour cent de leur eau se renouvelle chaque année. Les 99 p. 100 restants sont un héritage de l'ère glaciaire. Contrairement au cas d'une forêt que l'on peut abattre et replanter, prélever de l'eau dans ce bassin hydrographique, c'est comme extraire des minéraux du sol: ce qui en est retiré ne retournera jamais.
Dans ce rapport, la CIM affirme: «Si l'on tient compte de tous les intérêts dans le bassin des Grands Lacs, il n'y a jamais d'"excédent" d'eau. Chaque goutte d'eau peut avoir plusieurs utilisations.»
Quarante millions de Canadiens et d'Américains dépendent de l'eau des Grands Lacs dans tous les aspects de leur vie, que ce soit pour leurs activités quotidiennes ou à des fins industrielles, récréatives ou commerciales ou pour le transport. Avant tout, l'écosystème des Grands Lacs exerce ses propres demandes, qui sont aussi importantes, sur l'eau. Tout comme nous sommes tributaires de la santé future des Grands Lacs, la santé future de l'écosystème dépend des mesures que nous aurons prises.
Je vois, monsieur le Président, que vous me faites signe que mon temps est écoulé. Peut-être aurai-je la permission de continuer lorsque nous reprendrons le débat?
Le président suppléant (M. Bélair): Absolument. Je regrette de devoir interrompre la députée. Elle aura 17 minutes pour terminer son discours lors de la reprise du débat sur le projet de loi C-6.
[Français]
Puisqu'il est 18 h 30, la Chambre s'ajourne jusqu'à demain, à 10 heures, conformément à l'article 24(1) du Règlement.
(La séance est levée à 18 h 30.)