FOPO Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent des pêches et des océans
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 11 février 2003
¿ | 0910 |
Le président (M. Tom Wappel (Scarborough-Sud-Ouest, Lib.)) |
M. Jean-Yves Roy (Matapédia—Matane, BQ) |
Le président |
Le très hon. Herb Gray (président, Section canadienne, Commission mixte internationale) |
¿ | 0915 |
Le président |
Le très hon. Herb Gray |
Le très hon. Herb Gray |
M. Robert Gourd (commissaire, Section canadienne, Commission mixte internationale) |
¿ | 0920 |
Le très hon. Herb Gray |
M. Dennis Schornack (président, Section américaine, Commission mixte internationale) |
¿ | 0925 |
¿ | 0930 |
¿ | 0935 |
Le président |
Le très hon. Herb Gray |
Mme Johanne Gélinas (commissaire à l'environnement et au développement durable, Bureau du vérificateur général du Canada) |
¿ | 0940 |
¿ | 0945 |
¿ | 0950 |
Le président |
M. John Cummins (Delta—South Richmond, Alliance canadienne) |
Le président |
M. John Cummins |
Le président |
M. John Cummins |
Le très hon. Herb Gray |
M. John Cummins |
M. Dennis Schornack |
M. John Cummins |
M. Dennis Schornack |
¿ | 0955 |
M. John Cummins |
Le très hon. Herb Gray |
Mme Johanne Gélinas |
Le président |
Mme Johanne Gélinas |
M. John Cummins |
Mme Johanne Gélinas |
M. John Cummins |
Mme Johanne Gélinas |
À | 1000 |
M. John Cummins |
Le très hon. Herb Gray |
Mme Johanne Gélinas |
M. Andrew Ferguson (directeur, Méthodes professionnelles et revue, Bureau du vérificateur général du Canada) |
Le président |
M. Jean-Yves Roy |
À | 1005 |
Le très hon. Herb Gray |
M. Robert Gourd |
À | 1010 |
Le président |
M. Jean-Yves Roy |
Le très hon. Herb Gray |
M. Robert Gourd |
M. Dennis Schornack |
Le président |
Mme Johanne Gélinas |
À | 1015 |
Le président |
M. Carmen Provenzano (Sault Ste. Marie, Lib.) |
M. Dennis Schornack |
À | 1020 |
M. Carmen Provenzano |
M. Dennis Schornack |
Le président |
M. Carmen Provenzano |
Le président |
M. Georges Farrah (Bonaventure—Gaspé—Îles-de-la-Madeleine—Pabok, Lib.) |
Mme Johanne Gélinas |
À | 1025 |
Le président |
M. Dennis Schornack |
Le président |
M. John Cummins |
Mme Johanne Gélinas |
M. Andrew Ferguson |
À | 1030 |
Le président |
M. Dennis Schornack |
M. John Cummins |
Le très hon. Herb Gray |
Le président |
M. Joe Comartin (Windsor—St. Clair, NPD) |
À | 1035 |
M. Dennis Schornack |
Le très hon. Herb Gray |
M. Joe Comartin |
Mme Johanne Gélinas |
M. Andrew Ferguson |
Le président |
M. Joe Comartin |
M. Dennis Schornack |
À | 1040 |
M. Joe Comartin |
M. Dennis Schornack |
Le président |
Le très hon. Herb Gray |
Le président |
Mme Johanne Gélinas |
Le président |
M. Paul Steckle (Huron—Bruce, Lib.) |
À | 1045 |
Le très hon. Herb Gray |
M. Dennis Schornack |
Le très hon. Herb Gray |
M. Dennis Schornack |
Le très hon. Herb Gray |
Mme Johanne Gélinas |
À | 1050 |
Le président |
M. Loyola Hearn (St. John's-Ouest, PC) |
M. Andrew Ferguson |
M. Loyola Hearn |
À | 1055 |
M. Andrew Ferguson |
M. Loyola Hearn |
M. Andrew Ferguson |
M. Loyola Hearn |
Mme Johanne Gélinas |
M. Andrew Ferguson |
M. Loyola Hearn |
Le président |
Á | 1100 |
M. Dennis Schornack |
Le président |
Le très hon. Herb Gray |
Le président |
Mme Johanne Gélinas |
Le président |
CANADA
Comité permanent des pêches et des océans |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le mardi 11 février 2003
[Enregistrement électronique]
¿ (0910)
[Français]
Le président (M. Tom Wappel (Scarborough-Sud-Ouest, Lib.)): À l'ordre, s'il vous plaît.
Oui, monsieur Roy.
M. Jean-Yves Roy (Matapédia—Matane, BQ): Pour le moment, nous n'avons ni l'ordre du jour ni les documents en main.
[Traduction]
Le président: Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous poursuivrons une étude relative aux espèces envahissantes.
Bonjour à tous. Bienvenue à nos invités de ce matin, plus particulièrement aux deux coprésidents de la Commission mixte internationale, le très honorable Herb Gray et M. Dennis Schornack. Nous accueillons également la commissaire à l'environnement et au développement durable du Bureau du vérificateur général, Mme Joanne Gélinas, ainsi que divers fonctionnaires que les deux coprésidents et la commissaire nous présenteront le moment venu.
Parlant d'espèces envahissantes, je ne puis m'empêcher de remarquer que l'espace réservé aux députés semble déjà envahi. Mais il nous reste de la place pour d'autres participants.
Je crois savoir que M. Gray commencera par nous présenter un exposé, puis les autres présentateurs s'entendront entre eux pour savoir qui suivra. J'ai donc le plaisir de demander au très honorable Herb Gray de commencer.
Le très hon. Herb Gray (président, Section canadienne, Commission mixte internationale): Monsieur le président, membres du comité, c'est avec plaisir que je me présente devant vous aujourd'hui pour vous faire part de nos constatations à propos des espèces exotiques envahissantes, constatations qui figurent dans le 11e rapport biennal sur la qualité de l'eau des Grands Lacs. Nous sommes heureux de constater que ce comité tient pour la première fois des audiences réservées exclusivement à ce grave problème. Je sais que votre comité a reçu la semaine dernière les témoignages de la Ontario Federation of Anglers and Hunters, de la Commission des pêches des Grands Lacs et du professeur Ricciardi de l'Université McGill. Il semble que nos témoignages vont tous dans le même sens.
je suis accompagné ce matin de M. Dennis Schornack, président de la Section américaine de la Commission mixte internationale, de Mme Johanne Gélinas, commissaire à l'environnement et au développement durable, et de M. Robert Gourd, commissaire de la section canadienne de la CMI qui, depuis de nombreuses années, porte un grand intérêt au problème des espèces exotiques envahissantes.
Nous présenterons le témoignage de la CMI, mais nous sommes également accompagnés des autres commissaires, M. Olson, actuellement gouverneur du Minnesota mais ancien gouverneur du Dakota du Nord, M. Jack Blaney, commissaire de la Section canadienne de la Colombie-Britannique de la CMI, et la commissaire Irene Brooks, originaire de la Pennsylvanie, mais qui vient de déménager sur la côte Ouest. Ils se joindront à nous et ils pourront nous donner un coup de pied sous la table ou nous passer en douce leurs remarques écrites s'ils ne sont pas d'accord avec ce que nous disons.
Nous avons convenu que je commencerai l'exposé. Le commissaire Gourd et le commissaire Schornack prendront ensuite la parole. Ensuite, je laisserai la parole à Mme Gélinas, puis je pourrai répondre à vos questions, en français et en anglais.
Comme je l'ai dit, mon exposé est inspiré par le 11e rapport biennal sur la qualité de l'eau des Grands Lacs que la commission a publié récemment. Aux termes de l'accord binational relatif à la qualité de l'eau des Grands Lacs, la commission a pour mandat de faire rapport, aux gouvernements du Canada et des États-Unis, des progrès accomplis en matière de rétablissement de l'intégrité biologique, physique et chimique des Grands Lacs.
Depuis les années 80, la Commission mixte internationale sonne l'alarme devant les menaces que posent les espèces aquatiques exotiques pour le bassin des Grands Lacs et du Saint-Laurent et pour son économie. Or, malgré l'intérêt accordé par la communauté internationale à ce problème et quelques mesures qui ont été prises, cette pollution biologique continue d'avoir de graves répercussions sur les plans écologique et économique.
Les espèces exotiques envahissantes, également appelées espèces étrangères, sont, je vous le rappelle, des organismes qui ne sont indigènes à aucune région ou aucun écosystème particulier de part et d'autre de la frontière. Ainsi, la moule zébrée est une espèce exotique en Amérique du Nord, mais dans la mer Caspienne, c'est une espèce indigène. Bien que l'expression «espèce exotique» désigne aussi bien les espèces terrestres que les espèces aquatiques, mon exposé est consacré exclusivement à ces dernières.
De l'avis des chercheurs, la pollution biologique due aux espèces exotiques envahissantes entraîne des coûts considérables et sans cesse croissants; ainsi, aux États-Unis, 137 milliards de dollars sont consacrés chaque année à la protection des écosystèmes indigènes, des ressources naturelles, des pêches et de l'agriculture du fait, entre autres, des espèces aquatiques. Nous n'avons pas encore chiffré les coûts au Canada, mais je suis persuadé qu'ils sont tout aussi élevés.
Dans les Grands Lacs, les coûts liés au traitement et à la lutte contre la moule zébrée et la lamproie ont dépassé les 100 millions de dollars ces dix dernières années. La population de lamproie a certes diminué par suite de la mise en oeuvre du programme de contrôle de la Commission des pêches des Grands Lacs, mais elle n'a pas a été extirpée.
¿ (0915)
Les dommages qui sont infligés sont d'ordre aussi bien environnemental qu'économique. Les effets de la pollution biologique étant souvent irréversibles, toute nouvelle introduction d'espèces exotiques envahissantes pourrait porter atteinte à tout jamais à la diversité biologique et écologique des Grands Lacs, qui constitue le plus vaste écosystème d'eau douce de la planète.
[Français]
Comme je l'ai mentionné plus tôt, malgré l'intérêt de la communauté internationale et les mesures prises au cours des 10 dernières années, l'introduction et la dispersion des espèces exotiques envahissantes continuent d'altérer l'intégrité biologique de l'écosystème du bassin des Grands Lacs et du Saint-Laurent.
[Traduction]
Nous croyons donc que le gouvernement canadien doit agir sans tarder et légiférer afin d'améliorer la gestion de l'eau de lest des navires. Cette mesure permettra d'atténuer, mais non d'enrayer, les dangers biologiques et économiques que pourraient représenter l'introduction et la dispersion d'espèces exotiques envahissantes pour l'écosystème du bassin des Grands Lacs et du Saint-Laurent. Vu l'urgence de la situation dans la région des Grands Lacs, il est impératif que les gouvernements fédéraux fassent preuve d'un leadership renouvelé et prennent des mesures immédiates pour empêcher l'introduction et la dispersion d'espèces exotiques envahissantes.
Membres du comité, il faut agir maintenant. Les mesures que la CMI recommande et préconise seront exposées par M. Schornack.
Avant de céder la parole au commissaire Gourd et au président Schornack, qui vous expliqueront nos préoccupations plus en détail, permettez-moi de vous présenter une courte présentation vidéo produite par le Bureau de la commissaire à l'environnement et au développement durable sur ce sujet.
Merci de votre attention.
[Français]
Merci de votre attention.
Nous allons maintenant regarder le document vidéo.
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Gray.
Le très hon. Herb Gray: Quelqu'un veut-il donner des explications pendant le déroulement de la bande?
Voilà un crabe vert, une espèce qui cause des problèmes sur la côte. Juste avant, nous avons vu une gobie arrondie. Voilà de nouveau un crabe vert. J'espère que cela ne vous dérange pas si je fais quelques commentaires. On montre également dans cette vidéo des espèces non aquatiques.
[Présentation vidéo]
[Français]
Le très hon. Herb Gray: Je vais maintenant donner la parole à mon distingué collègue, M. Robert Gourd.
M. Robert Gourd (commissaire, Section canadienne, Commission mixte internationale): Merci. Je veux à mon tour remercier le comité de nous accueillir aujourd'hui.
La commission reconnaît depuis longtemps les dangers que posent les espèces exotiques envahissantes pour l'écosystème des Grands Lacs et du Saint-Laurent.
En septembre 1990, en collaboration avec la Commission des pêches des Grands Lacs, elle a publié un rapport spécial dans lequel elle recommandait, à titre de mesure minimale, que tous les navires océaniques changent leurs eaux de lest en pleine mer avant d'entrer dans les Grands Lacs.
Nous avions également recommandé que les États-Unis et le Canada, par l'entremise de la Garde côtière et d'autres organismes compétents, harmonisent le plus possible leurs programmes d'échange et de traitement des eaux de lest afin d'améliorer l'uniformisation, la surveillance et la mise en oeuvre. Mais cela n'a pas encore été fait.
La réglementation américaine actuelle, les lignes directrices canadiennes et les pratiques de l'industrie ne réussissent pas à stopper l'introduction et la dispersion d'espèces exotiques envahissantes. Les progrès sont trop lents et les risques encore élevés pour les lacs. Plus particulièrement, la réglementation américaine actuelle, qui ne s'applique pas aux navires ayant procédé au délestage, ne fait rien pour atténuer la menace. Ces navires représentent de 70 p. 100 à 75 p. 100 de tous les navires qui entrent dans les Grands Lacs.
Dans le cadre d'études menées aux États-Unis, des chercheurs ont trouvé entre 6 000 et 600 000 oeufs d'invertébrés par tonne métrique de sédiments résiduels à bord des navires ayant rejeté leurs eaux de lest. Ces chercheurs ont pu faire grossir les oeufs à l'état dormant dans les ballasts des navires.
Transports Canada se doit d'enchâsser ces lignes directrices sur la gestion des eaux de lest dans une réglementation exécutoire, afin de couvrir tous les navires, y compris les navires qui ont rejeté leurs eaux de lest, et conjurer ces menaces et autres dangers potentiels associés aux espèces exotiques envahissantes.
Le sous-financement du ministère des Pêches et des Océans, qui est responsable d'effectuer les recherches nécessaires et d'élaborer des normes biologiques pour guider le développement technologique, la mise au point de produits et la conception des navires, constitue un obstacle majeur à la réalisation de progrès concrets en temps opportun.
Le ministère doit accepter de s'acquitter de ses responsabilités tant en ce qui a trait aux eaux douces qu'aux eaux salées. Nous encourageons le ministère des Pêches et des Océans à exécuter son mandat de façon plus harmonieuse, notamment en augmentant le niveau des ressources disponibles ou en demandant des ressources supplémentaires pour pouvoir assumer ses responsabilités concernant les eaux intérieures et, en particulier, le bassin des Grands Lacs et du Saint-Laurent.
Enfin, à titre d'exemple, prenons la lamproie. On parvient maintenant à la contrôler, mais c'est absolument inutile; personne ne veut en manger et on doit la subir.
Merci, messieurs.
¿ (0920)
[Traduction]
Le très hon. Herb Gray: Je vais maintenant laisser la parole au président de la Section américaine de la Commission, Dennis Schornack, qui terminera notre exposé en vous faisant part des mesures que nous recommandons à votre comité.
M. Dennis Schornack (président, Section américaine, Commission mixte internationale): Merci, commissaire Gray.
Bonjour, monsieur le président Wappel, membres du comité. Je suis honoré de me joindre à me collègues de la CMI et à la commissaire Gélinas dans le cadre de votre étude sur les moyens d'intervention contre la plus grande menace qui pèse sur les Grands Lacs actuellement, c'est-à-dire les espèces exotiques envahissantes.
Tout d'abord, je tiens à souligner que j'ai le privilège de côtoyer le très honorable Herb Gray, avec qui nombre d'entre vous ont eu le bonheur de travailler de si près pendant si longtemps. Le Canada est choyé d'avoir à son service un homme de cette qualité.
Depuis plus de 20 ans, je travaille à élaborer des politiques de protection des Grands Lacs. Je suis fermement convaincu que lorsque nos deux pays travaillent de concert, notre force et notre détermination nous permettent de vaincre tous les obstacles pour la défense des Grands Lacs. Ensemble, nous disposons des capacités et des moyens nécessaires pour stopper l'invasion des espèces exotiques. Vous tous qui êtes dans cette pièce aujourd'hui pouvez galvaniser la volonté politique et le leadership dont nous avons besoin.
Mon exposé s'inspire d'un rapport publié récemment par l'Association internationale de recherche sur les Grands Lacs. Ce rapport a été traduit et mis à la disposition du comité. Je vous encourage fortement à le lire.
Comme l'a mentionné le président Gray, l'engagement de la CMI prend sa source dans l'accord relatif à la qualité de l'eau dans les Grands Lacs. Cet accord a consacré l'engagement des gouvernements du Canada et des États-Unis à rétablir et conserver l'intégrité chimique, physique et biologique des eaux de l'écosystème du bassin des Grands Lacs.
Monsieur le président, je veux vous sensibiliser au grand danger qui guette l'intégrité biologique des Grands Lacs et à la nécessité pour nos deux pays d'y faire face ensemble dès maintenant. Une chose est certaine, les espèces envahissantes constituent la plus grande menace qui pèse sur l'intégrité biologique des Grands Lacs. Les espèces envahissantes mènent les espèces indigènes à la disparition. Elles mettent en péril la sécurité biologique en s'attaquant aux cultures, aux modes de vie et aux économies des Grands Lacs. Bref, les espèces envahissantes constituent le principal danger pour la santé écologique et économique des Grands Lacs.
Permettez-moi de vous donner un exemple éloquent. La crise qu'a suscité la quasi-disparition de toute forme de vie dans le lac Érié, il y a environ 30 ans, est à l'origine de l'accord relatif à la qualité de l'eau dans les Grands Lacs et des règlements visant à interdire ou limiter fortement les rejets de substances chimiques toxiques. C'est grâce à cette vision éclairée, à ce leadership et à cette volonté que le lac Érié a pu être sauvé. Or maintenant, de nombreux scientifiques estiment que le lac Érié est de nouveau sur la voie de la disparition. Il est attaqué par des espèces étrangères envahissantes qui perturbent l'écosystème du lac, menacent les espèces indigènes, bouleversent la chaîne alimentaire et nuisent aux processus essentiels au maintien de la stabilité de la santé du lac.
Il s'agit donc du problème le plus aigu auquel sont confrontés les Grands Lacs. Les coûts se comptent en milliards de dollars pour les administrations publiques à tous les paliers et pour l'industrie, en particulier les fournisseurs d'énergie. À elle seule, la moule zébrée a entraîné des coûts de 10 milliards de dollars et provoqué depuis 1988 des dommages écologiques incalculables. Il s'ensuit que vos commettants doivent payer davantage pour leur eau et leur électricité. Ces espèces peuvent dévaster des pêches commerciales et sportives d'une valeur de 4,5 milliards de dollars. Elles portent de graves atteintes à notre mode d'existence et au style de vie des différentes communautés culturelles du bassin.
Permettez-moi de présenter un modèle simple illustrant la façon dont les espèces exotiques envahissent les Grands Lacs. Imaginons trois portes d'entrée à cette invasion. Tout d'abord, il y a la porte principale. Le premier vecteur d'introduction des espèces exotiques envahissantes est le rejet des eaux de lest non traitées des navires commerciaux étrangers, auxquels s'ajoute la circulation des laquiers.
¿ (0925)
À cet égard, je tiens à féliciter la Fédération maritime du Canada, qui a été la première à adopter volontairement des lignes directrices sur l'échange des eaux de lest en 1989. En 1993, les États-Unis ont adopté une réglementation relative à l'échange des eaux de lest à l'extérieur de la zone économique exclusive de 200 milles dont la Garde côtière assure le respect. Une nouvelle réglementation plus complète, qui est en cours d'élaboration, sera mise en oeuvre d'ici l'an prochain. Toutefois, comme l'a fait remarquer le commissaire Gourd, cette réglementation n'est pas très efficace. En effet, depuis son adoption, les scientifiques ont découvert la présence d'au moins cinq nouvelles espèces exotiques envahissantes dans les Grands Lacs.
Il faut voir les choses en face. Ce sont nos deux pays qui contrôlent l'accès par la porte des Grands Lacs. Nos deux pays, qui favorisent le commerce maritime, n'ont jamais verrouillé cette porte. Or, comme nos deux pays préconisent également la préservation d'un joyau mondial parmi les bassins d'eau douce, nous devons prendre des mesures strictes pour empêcher l'introduction d'espèces exotiques indésirables dans les Grands Lacs, tout en y maintenant la navigation commerciale.
Nous avons fourni au comité une matrice qui expose en détail les nombreuses technologies qui pourraient être exploitées. À ce propos, la désoxygénation de l'eau de lest semble être une solution très prometteuse, car non seulement elle permet d'éliminer les envahisseurs, mais elle prolonge la vie utile des navires.
Les espèces exotiques s'introduisent également dans nos eaux limitrophes par la porte latérale, soit le canal de Chicago, une voie de navigation artificielle qui relie les deux plus grands bassins hydrographiques en Amérique du Nord: celui du Mississipi et celui des Grands Lacs. Or, les envahisseurs sont presque au seuil de cette porte. Les carpes asiatiques, qu'on peut comparer à de gros aspirateurs aquatiques, sont maintenant rendues à 80 kilomètres du lac Michigan. Elles se gavent de plancton et perturbent les maillons de la chaîne alimentaire dont les autres poissons dépendent pour leur survie. Ces carpes, qui peuvent peser jusqu'à 45 kilogrammes, représentent l'archétype vivant des espèces de poissons envahissantes, et elles ne comptent aucun prédateur. Nous ne pouvons pas les laisser décimer les pêcheries des Grands Lacs et nous ne pouvons pas les laisser transformer les Grands Lacs en un étang à carpes.
En juillet 2002, la CMI a averti les gouvernements de la gravité du danger et les a invités à agir sans délai pour enrayer le mal. Je suis heureux de vous informer qu'une coalition d'organismes gouvernementaux, de chercheurs et d'organismes sans but lucratif a répondu promptement à notre appel, et les résultats sont là pour le confirmer.
Malheureusement, les efforts que nous déployons pour empêcher l'entrée des carpes exotiques dans les Grands Lacs sont contrecarrés par les intrusions par la porte arrière, c'est-à-dire le commerce des poissons vivants dans des villes du bassin comme Toronto et Chicago, et oui, même Ottawa.
Monsieur le président, si vous le permettez, je vais vous montrer un exemple de cette carpe à grosse tête. Heureusement, elle n'est plus en vie. Elle a été achetée vivante rien qu'hier dans un marché ici à Ottawa, et je dois vous avouer que seule ma bonne conscience m'a empêché de la libérer dans la rivière des Outaouais, et elle aurait abouti de là à l'écosystème des Grands Lacs. Mais c'est une petite carpe; elle ne pèse, je crois que 5 kilos, et ce genre de poisson peut dépasser les 45 kilos.
Aux États-Unis, on a pris des mesures au niveau fédéral, au niveau des États et même au niveau local pour interdire la vente, le transport et la possession de la carpe asiatique et d'autres espèces exotiques. Au Canada, des organismes bénévoles comme la Ontario Federation of Anglers and Hunters sensibilisent leurs membres au problème, et je crois que des mobilisations sociales à grande échelle comme celle-là sont essentielles si on veut modifier les comportements et enrayer le mal.
Monsieur le président, membres du comité, que pouvez-vous faire pour contrer ces menaces? En premier lieu, le Canada et les États-Unis doivent travailler de concert pour harmoniser et renforcer la réglementation relative au commerce maritime.
Deuxièmement, les décisions doivent s'appuyer sur les données scientifiques les plus fiables, pour que nous évitions les solutions brutales mises de l'avant par ceux qui croient qu'il suffit simplement d'interdire le rejet des eaux de lest.
Troisièmement, nos deux pays doivent soutenir la poursuite des recherches sur la conception des navires, l'évaluation des risques, les interventions rapides et les techniques de traitement des eaux de lest.
Quatrièmement, nous devons fournir aux scientifiques des plates-formes d'essai en vraie grandeur pour l'évaluation à bord de navires des technologies mises au point en laboratoire.
Cinquièmement, nous devons élaborer un système binational d'aide à la décision qui nous permettra de suivre les navires et d'évaluer le risque d'introduction d'espèces envahissantes qu'ils présentent.
¿ (0930)
Enfin, nous avons besoin d'une norme sur le traitement de l'eau de lest qui peut être appliquée, et des moyens de la faire appliquer.
Dans son 11e rapport biennal sur la qualité de l'eau des Grands Lacs, la CMI continue de prier les gouvernements de la saisir d'un renvoi pour donner suite à chacune de ces recommandations et de la saisir d'un renvoi «pour coordonner et harmoniser les efforts binationaux visant à mettre fin à cette menace constante à l’économie et à l’intégrité biologique des Grands Lacs». Je vous le répète aujourd'hui et je vous ferai remarquer qu'il y a un appui croissant à un tel renvoi.
En conclusion, je vous rappelle qu'en 1978, le Canada et les États-Unis ont convenu d'établir une norme visant l'interdiction des rejets de substances toxiques persistantes dans les Grands Lacs et la quasi-élimination de ces substances. Maintenant, 25 ans plus tard, ces deux pays doivent être guidés par la même vision afin de stopper la contamination biologique, qui est tout aussi persistante et tout aussi dangereuse que la contamination chimique.
Le rapport de recherche que nous avons fourni au comité envisage un horizon de 10 ans pour résoudre le problème des espèces exotiques envahissantes. À mon avis, 10 ans, c'est trop long. Nous pouvons, et nous devons, faire mieux. Agissons dès maintenant.
Je vous remercie de votre patience, monsieur le président.
¿ (0935)
Le président: Merci, monsieur Schornack.
[Français]
Le très hon. Herb Gray: Maintenant, monsieur le président, j'espère que vous pouvez accorder la parole à Mme Gélinas.
[Traduction]
Mme Johanne Gélinas (commissaire à l'environnement et au développement durable, Bureau du vérificateur général du Canada): Merci, monsieur Gray.
Bonjour, monsieur le président, à vous, aux parlementaires et à nos invités de marque. Je vais faire une brève déclaration et je serai ensuite heureuse de répondre à toutes vos questions.
J'ai à mes côtés aujourd'hui Andrew Ferguson, directeur responsable de la vérification des espèces envahissantes; Neil Maxwell, directeur principal responsable du chapitre de cette année et du processus de pétition—et j'en reparlerai plus tard—et John Reed, directeur principal responsable lui aussi et attaché à mon cabinet. C'est lui qui avait la responsabilité du rapport de 2001 sur les Grands Lacs, et il est responsable dans mon groupe des stratégies de développement durable dont je reparlerai plus tard.
Je veux vous parler aujourd'hui des espèces envahissantes, mais, monsieur le président, permettez-moi d'abord de me présenter moi-même et de vous dire ce que je fais étant donné que c'est la première fois que je témoigne devant votre comité.
Mon poste a été créé en 1995. Je suis membre du Bureau du vérificateur général du Canada et j'applique les mêmes méthodes de vérification. Comme les rapports de la vérificatrice générale, les miens fournissent aux députés des analyses et des recommandations objectives et indépendantes qu'ils peuvent utiliser pour évaluer le rendement du gouvernement fédéral. À l'automne de chaque année, je présente mon propre rapport au Parlement.
En tant que commissaire, j'ai trois responsabilités principales. Tout d'abord, je suis tenue de rendre compte au Parlement de la mesure dans laquelle les ministères mettent en oeuvre leurs stratégies de développement durable et atteignent les objectifs énoncés dans celles-ci.
Essentiellement, les stratégies sont des plans d'action établis par les ministères pour faire avancer le Canada dans la voie du développement durable. Vous avez un exemple de ce à quoi ressemble une stratégie. Tous les ministères en ont une. Ce sont les outils utiles pour les parlementaires, et vous pourriez vouloir examiner la stratégie de Pêches et Océans Canada pour connaître ses engagements.
Deuxièmement, j'ai le pouvoir général d'examiner les questions liées à l'environnement et au développement durable qui, à mon avis, devraient être portées à l'attention du Parlement, et d'en rendre compte. Jusqu'à maintenant, mon bureau a examiné les problèmes comme le changement climatique, les substances toxiques et les sites fédéraux contaminés et a fait rapport à ce sujet.
En 2001, j'ai fait rapport sur l'état du bassin des Grands Lacs et du fleuve Saint-Laurent. Mon personnel a examiné un large éventail de problèmes environnementaux dans cette région, y compris les espèces en péril, la conservation des milieux humides, la gestion de l'eau, et les questions liées aux pêches, par exemple, la protection de l'habitat du poisson, le soutien scientifique pour les décisions concernant les pêches et les espèces aquatiques envahissantes.
Le troisième aspect de mon mandat a trait au processus de pétitions. Ce processus a été mis en place pour aider les citoyens à obtenir des réponses directes des ministères fédéraux à d'importantes questions environnementales. J'encourage les Canadiens à l'utiliser. J'invite aussi les parlementaires à l'utiliser. Et vous devriez aussi encourager vos commettants à faire de même.
Dans mon rapport annuel au Parlement, je décris les questions soulevées dans les pétitions en matière d'environnement que j'ai reçues au cours de l'année et j'indique comment les ministères fédéraux y ont répondu. Jusqu'à maintenant, j'ai reçu plus de 60 pétitions de citoyens. Fait intéressant pour les membres du comité, la première préoccupation soulevée dans ces pétitions concerne les pêches. Pêches et Océans Canada est l'un des ministères qui en reçoit le plus.
Vous avez reçu la liste des récentes pétitions. À titre d'information, je signale qu'il y a quelque chose au sujet du problème que pose le pou du poisson dans l'Ouest et aussi la décharge marine sur la côte Est.
Je vais maintenant parler des espèces envahissantes.
¿ (0940)
[Français]
Pour préparer le chapitre 4 de mon rapport de 2002, nous avons pris comme point de départ la partie sur les espèces envahissantes de mon rapport de 2001 sur le bassin des Grands Lacs et du fleuve Saint-Laurent. Le chapitre met l'accent sur la gestion des espèces envahissantes exotiques qui touchent les écosystèmes au Canada, tant sur la terre que dans les eaux. Voici ce que nous avons constaté.
Comme les membres du comité le savent probablement, les dirigeants de 167 pays ont reconnu, il y a plus d'une décennie, dans la Convention des Nations Unies sur la diversité biologique, que les espèces envahissantes étaient l'une des menaces les plus graves pour notre santé et notre bien-être économique, social et écologique. Ils ont déclaré qu'il était urgent de s'attaquer au problème, car les menaces grandissent tous les jours.
En signant la convention, le gouvernement du Canada s'est engagé officiellement à prévenir l'introduction d'espèces aquatiques qui menacent les écosystèmes, les habitats et d'autres espèces du Canada, ou à les contrôler ou à les éradiquer. Trois années plus tard, en 1995, le gouvernement fédéral a publié sa stratégie pour honorer son engagement. Il a décidé que le contrôle ou l'élimination des organismes exotiques nuisibles était nécessaire pour maintenir la biodiversité et empêcher une plus grande destruction des écosystèmes. Dans sa stratégie de 1995, le gouvernement a établi un certain nombre de mesures qu'il jugeait essentielles pour mener à terme cette tâche.
Comme je l'ai indiqué en septembre 2002, nous avons constaté que ni la Convention des Nations Unies sur la diversité biologique adoptée il y a dix ans, ni la Stratégie canadienne de la biodiversité du gouvernement canadien adoptée il y a déjà huit ans n'avaient suscité de changements notables dans l'approche du gouvernement face aux problèmes. Le gouvernement fédéral n'a toujours pas recensé les espèces envahissantes qui menacent les écosystèmes ni leurs voies d'entrée. Les ressources humaines et financières n'ont pas été coordonnées. Il n'existe pas de consensus sur les priorités, ni d'ententes qui définissent les responsabilités respectives, ni de capacités pour déterminer les progrès réalisés par rapport aux engagements du gouvernement.
Nous avons constaté que malgré les engagements, les ententes et les accords à long terme, le gouvernement fédéral n'avait pas pris de mesures concrètes pour empêcher les espèces exotiques de nuire aux écosystèmes du Canada. Par conséquent, elles continuent de croître sans cesse. En bref, c'est ce que j'ai appelé laisser la porte ouverte aux espèces envahissantes qui menacent nos écosystèmes.
Comme vous pouvez le constater, nous ne sommes pas les seuls à penser ainsi. Les récents rapports de nos collègues du General Accounting Office des États-Unis, l'équivalent du Bureau du vérificateur général du Canada et de la Commission mixte internationale, indiquent aussi que les menaces posées par les espèces envahissantes exotiques persistent et n'ont pas été endiguées, malgré les politiques et les plans du gouvernement depuis des décennies.
Tous les Canadiens devraient s'inquiéter. Les spécialistes en sont venus à la conclusion, il y a déjà longtemps, que les espèces envahissantes sont, après la destruction des habitats, la plus grave cause de pertes de biodiversité, dont l'extinction locale d'espèces. Des études plus récentes indiquent que les espèces envahissantes menacent maintenant les écosystèmes partout au Canada et entraînent chaque année des milliards de dollars de dommages à notre économie. Si la tendance se maintient, les coût vont grimper et avec la perte de la diversité, notre réserve de ressources biologiques continuera de s'appauvrir.
[Traduction]
Par conséquent, nos constatations et celles d'autres institutions respectées, ont des effets inquiétants pour nos écosystèmes et nos portefeuilles. Mais les collectivités, dont l'économie dépend de la santé des stocks d'espèces indigènes, pourraient ressentir plus directement et sévèrement les conséquences de l'inaction.
Nos collègues de la Commission mixte internationale ont été fort éloquents dans leur description de la menace que posent aux Grands Lacs les espèces aquatiques envahissantes, et plus particulièrement l'eau de lest des navires. Mais comme je le souligne dans mon rapport, il s'agit d'un problème national qui touche les collectivités d'un océan à l'autre. Les espèces envahissantes menacent non seulement les Grands Lacs, mais elles constituent aussi des menaces claires et réelles pour bon nombre de nos lacs et rivières ainsi que pour l'écologie et l'économie des collectivités vivant le long des côtes du Canada.
¿ (0945)
Je présente dans mon rapport le profil de l'un des envahisseurs, le crabe vert, que vous avez vu dans le vidéo. Cette espèce colonise agressivement notre côte atlantique, et constitue un risque pour l'industrie de la palourde, de la moule et de l'huître.
Pour illustrer l'ampleur du risque, la valeur des débarquements de palourdes, de moules et d'huîtres de l'Atlantique atteignait environ 57 millions de dollars en 2000. Les prises de homards de l'Atlantique, que les scientifiques estiment également menacées, valaient plus de 500 millions de dollars en 2000. Sur la côte Ouest, où l'on a aussi découvert la présence du crabe vert, la valeur des prises de palourdes et de crabe indigènes s'établissait à environ 25 millions de dollars en 2000. Plus de 200 bateaux de pêche et leur équipage, ainsi que des milliers de pêcheurs de 33 communautés côtières des Premières nations, dépendent de stocks indigènes en santé. Les pêcheurs récréatifs de crabe en Colombie-Britannique seraient entre 10 000 et 20 000.
[Français]
Dans le cadre de sa stratégie vieille de huit ans pour s'attaquer aux espèces envahissantes exotiques, le gouvernement s'est engagé à établir des bases de données pour aider à recenser les organismes exotiques et à prévoir leur introduction, afin de pouvoir prendre des mesures préventives. Comme il n'a pas encore créé de telles bases de données, le gouvernement ne peut savoir combien d'espèces du même genre vivent dans les eaux canadiennes. Cependant, comme nos collègues l'ont souligné, il existe suffisamment de preuves montrant que l'eau de lest des navires est la principale voie d'entrée des espèces aquatiques envahissantes.
Dans ce cas également, le gouvernement s'est engagé il y a longtemps, dans sa stratégie sur la biodiversité, à éliminer les causes courantes d'introduction accidentelle. Mis à part les discussions qui se poursuivent, il n'a pas pris de mesures concrètes au Canada pour s'attaquer à ce qui est, de l'avis de nombreux spécialistes, la principale source d'espèces aquatiques envahissantes.
Aujourd'hui, monsieur le président, mon objectif est d'attirer votre attention sur l'avenir, et non sur le passé, et sur des considérations concrètes telles que le besoin, au Canada, de recenser les espèces envahissantes qui posent le plus grand risque pour les écosystèmes et l'économie du Canada ainsi que leurs voies d'entrée; la nécessité d'établir un plan d'action concret ainsi que la capacité opérationnelle pour empêcher qu'elles n'entrent au pays; le besoin d'établir des critères scientifiques pour les déversements sécuritaires de l'eau de lest dans les eaux canadiennes; et la nécessité d'évaluer les progrès du gouvernement par rapport aux engagements qu'il a pris concernant les espèces envahissantes.
Étant donné la menace qu'elles posent pour la diversité et la possibilité évidente qu'elles puissent se propager, les espèces exotiques envahissantes doivent faire l'objet de mesures préventives immédiates, et je ne suis pas la seule à le mentionner.
[Traduction]
Pour commencer, notre réussite à cet égard repose, à mon avis, sur trois éléments.
Premièrement, le gouvernement fédéral a besoin d'un plan d'action concret, ainsi que des ressources suffisantes, pour lutter contre les espèces envahissantes. La coordination de tels plans est la responsabilité d'Environnement Canada, mais l'établissement de buts clairs, axés sur les résultats, l'affectation des ressources nécessaires, la mise en oeuvre du plan et l'application des politiques et des lois existantes sont la responsabilité de divers ministères, dont Pêches et Océans Canada et Transports Canada.
Deuxièmement, il faut faire le suivi des progrès par rapport aux résultats attendus.
Troisièmement, les ministres et ministères doivent rendre compte de leur rendement.
Je crois qu'une action concertée du gouvernement s'impose et je pense que le comité pourrait en être l'instigateur.
Monsieur le président, nous avons besoin de réponses claires. Qui est responsable de quoi dans ce domaine? Quelles mesures ont été prises et quels résultats a-t-on obtenus? Comment le Parlement et les Canadiens seront-ils tenus informés? Les réponses des ministères à mes recommandations ne répondent pas à ces questions. La majorité des engagements qu'ils ont pris ne sont rien de plus qu'une reformulation du statu quo.
J'espère que vous pourrez obtenir des réponses à ces questions. Je serai heureuse de vous faire connaître mes réflexions sur la façon de le faire, si vous le souhaitez, et évidemment, je serai également heureuse de répondre à toutes les autres questions que les membres du comité pourraient avoir.
Monsieur le président, merci beaucoup.
¿ (0950)
Le président: Merci, madame Gélinas, et merci au coprésident de la Commission internationale mixte et à tous nos autres témoins. Messieurs les commissaires, bienvenue.
Comme d'habitude, c'est le porte-parole de l'opposition officielle responsable de Pêches et Océans Canada qui posera la première question. J'imagine que vous êtes prêt. Monsieur Cummins?
M. John Cummins (Delta—South Richmond, Alliance canadienne): Oui, monsieur le président.
Le président: Avant de commencer, j'espère que quelqu'un va demander à Mme Gélinas comment elle propose de s'y prendre pour faire avancer les choses.
Monsieur Cummins.
M. John Cummins: Merci, monsieur le président.
Bienvenue à nos témoins aujourd'hui, tout particulièrement à M. Gray, bien sûr. J'ai la certitude que M. Gray, dans ses préambules à ses réponses ce matin, ne dira pas que les prémisses de la question du député sont fausses.
Le président: Cela reste à voir.
M. John Cummins: Quoi qu'il en soit, monsieur Gray, il est dit dans le rapport de la commission de cette année que le gouvernement fédéral n'a pas su contrer l'invasion de ces espèces qui menacent l'écosystème du Canada, et vous avez dit que vous n'aviez pas identifié les espèces envahissantes qui menacent les écosystèmes du Canada ou les voies qu'elles empruntent.
De manière générale, à votre avis, quel écosystème du Canada est le plus vulnérable aux espèces envahissantes, et quels organismes constituent la plus grande menace?
Le très hon. Herb Gray: Je crois que le plus vulnérable, c'est celui des Grands Lacs. Les Grands Lacs, soit dit en passant, devraient être considérés par le ministère des Pêches et des Océans comme étant la quatrième côte du Canada et le quatrième océan du Canada.
Pour ce qui est des espèces qui posent la plus grande menace, je crois que ce sont en ce moment la moule zébrée et le gobie arrondi. Comme je l'ai dit, la lamproie marine est toujours chez nous, donc si la commission des pêches n'est pas active ou vigilante, elle peut revenir et détruire nos pêches sportives et commerciales dans les Grands Lacs.
Mais je crois qu'il est évident que tous les lacs du continent sont vulnérables, et même si la commission ne s'occupe que des eaux limitrophes le long de la frontière internationale, les eaux douces, je crois que Mme Gélinas a fort bien démontré au comité ce qui risque de se produire sur notre littoral marin ainsi que sur le littoral des Grands Lacs.
M. John Cummins: Merci, monsieur Gray.
Monsieur Schornack, considérez-vous que le saumon du Pacifique qui a été implanté dans les Grands Lacs est une espèce envahissante?
M. Dennis Schornack: Ce n'est sûrement pas une espèce indigène. Ce saumon y a été implanté, comme vous le savez, pour contrer le gaspareau, et il se retrouve maintenant au haut de la chaîne alimentaire.
M. John Cummins: Ce saumon risque-t-il de déborder les Grands Lacs?
M. Dennis Schornack: Bonne question. Je ne crois pas qu'il risque fort de déborder les Grands Lacs, à moins que des gens veulent l'implanter dans d'autres secteurs où il ne constitue pas une espèce indigène. Essentiellement, il reste dans les Grands Lacs. En somme, c'est un poisson qu'on implante et qu'on pêche aussitôt. Les salmonidés ne se reproduisent pas naturellement dans les Grands Lacs, et je ne crois pas qu'ils posent une grande menace.
¿ (0955)
M. John Cummins: On a parlé de la côte Ouest. Selon le gouvernement de l'Aslaska, le saumon atlantique d'élevage risque de devenir une espèce envahissante qui menacerait sérieusement l'Alaska. En fait, dans son témoignage à l'enquête Leggatt et devant le comité permanent à Vancouver l'an dernier, un représentant du gouvernement de l'Alaska a dit:
Ce qui nous préoccupe le plus, ce sont les évasions du saumon atlantique des parcs en filet où il se trouve. Nous en pêchons dans nos eaux marines et douces, et nous savons maintenant qu'ils sont capables de se reproduire. Nous craignons vivement que cela ne nuise à l'économie et à la culture de la pêche en Alaska... |
La Commission mixte internationale ou le commissaire à l'environnement sont-ils au courant des préoccupations de l'Alaska et les partagent-t-ils?
Le très hon. Herb Gray: Nous sommes bien sûr au courant des préoccupations de l'Alaska, mais comme je l'ai dit, le mandat de la commission, qui est arrêté par la Loi du traité des eaux limitrophes internationales, ne traite que des questions concernant les eaux limitrophes, ces eaux qui forment ou traversent la frontière, ce qui nous donne une juridiction qui fait presque 5 000 milles, sans parler de eaux qui forment ou traversent la frontière entre nos deux pays dans les régions de l'Alaska, de la Colombie-Britannique ou du Yukon.
Pour ce qui est du contrôle que nous devons exercer dans ce dossier très important que vous soulevez, nous sommes au courant de la situation. Mais nous devons peut-être laisser à Mme Gélinas le soin de vous donner une réponse plus détaillée.
Mme Johanne Gélinas: Je ne peux pas répondre précisément à cette question, mais si vous me le permettez, j'aimerais ajouter quelque chose à la question de M. Cummins.
Ce qui est probablement le plus troublant dans notre vérification, c'est que personne ne peut répondre à votre question. Nous ne savons pas combien il y a d'espèces exotiques envahissantes au Canada, comment elles arrivent ici, lesquelles ont la priorité ou lesquelles devraient faire l'objet d'une attention spéciale en raison des dégâts qu'elles peuvent causer. À l'heure actuelle, nous ne trouvons pas les réponses à toutes ces questions, nous ne trouvons pas les renseignements que nous cherchons.
Le président: Entre-temps, M. Cummins voulait également savoir si vous étiez au courant des inquiétudes du gouvernement de l'Alaska relativement à l'aquaculture.
Mme Johanne Gélinas: Non. J'ajouterai toutefois qu'au bureau, nos collègues chargés du ministère des Pêches et des Océans suivent de très près les questions relatives à l'aquaculture sur la côte Ouest, comme vous le savez sans doute. Certains aspects de votre question ont peut-être déjà été examinés. Je ne puis pas vous répondre, mais je puis m'informer pour savoir si cela a été examiné et je vous enverrai ma réponse.
M. John Cummins: Dans le même ordre d'idées, madame Gélinas, vous vous inquiétez donc de ce que le saumon atlantique pourrait s'établir dans les eaux côtières de la C.-B., n'est-ce pas? Vous vous préoccupez de ce que des espèces indigènes pourraient être remplacées par d'autres à cause de l'aquaculture dans les eaux du Nouveau-Brunswick, sans parler du Maine?
Mme Johanne Gélinas: En fait, ce sont davantage les citoyens de la côte Ouest qui s'inquiètent de ces deux questions et qui les ont signalées à notre attention au moyen de pétitions. Ils ont également posé des questions bien précises aux ministères et aux ministres sur les intentions du gouvernement en ce qui a trait à l'aquaculture sur la côte Ouest et aussi aux problèmes du pou de mer. La réponse que le ministère des Pêches et des Océans a fait parvenir aux pétitionnaires vous intéressera peut-être.
M. John Cummins: Madame Gélinas, cela ne se trouve pas dans votre texte écrit, mais vous avez mentionné à deux reprises le pou de mer, dans le contexte des deux côtes du Canada. Je ne croyais pas que c'était une espèce exotique envahissante. Pourriez-vous m'expliquer pourquoi vous avez mentionné cette espèce?
Mme Johanne Gélinas: En fait, j'ai mentionné le pou de mer dans le contexte de ce qui se fait sur la côte Ouest et non sur la côte Est. Je parlais de la pétition que nous avons reçue à ce sujet.
Nous avons examiné cette pétition et, dans le document qui vous a été remis tout à l'heure, vous pourrez lire la question que le pétitionnaire posait au ministère. Vous n'avez pas les réponses, mais je me ferai un plaisir de vous les communiquer. En outre, tous les Canadiens peuvent consulter ces documents sur notre site Web.
À un moment donné, je déciderai peut-être de tenir une autre enquête à ce sujet, mais pour l'instant, nous nous sommes limités à publier les réponses que nous avons obtenues du ministère à ces questions. Il s'agit de la pétition numéro 54, qui est la première à la liste des pétitions récentes qui vous a été remise.
À (1000)
M. John Cummins: Merci.
Dans son rapport de 2002, le commissaire déclare que «Aucun ministère fédéral ne voit la situation dans son ensemble. Aucun non plus n'a l'autorité nécessaire pour s'assurer que des priorités fédérales soient établies et que des mesures soient prises». J'ai toujours pensé que le ministre fédéral des Pêches avait l'obligation constitutionnelle de protéger les espèces halieutiques sauvages et leur habitat. Je suis donc étonné par cette déclaration. Je me demande si quelqu'un pourrait répondre à cela, M. Gray peut-être, pour préciser ce qui en est.
Le très hon. Herb Gray: Je vais faire une brève observation, puis je laisserai la parole à Mme Gélinas, qui est chargée de la surveillance en matière de politiques de développement durable pour tous les ministères.
Le sujet dont vous avez discuté avec Mme Gélinas est en fait la raison pour laquelle la commissaire a proposé que les deux gouvernements donnent un renvoi officiel à la commission, c'est-à-dire lui donnent un mandat officiel d'exercer une surveillance et de faciliter la coordination entre tous les éléments hétéroclites qui vous ont été présentés. Nous espérons que vous appuierez cette idée. Par exemple, l'accord sur la qualité de l'eau des Grands Lacs nous donne le mandat permanent de faciliter la mise en oeuvre de l'accord et de faire rapport au besoin sur ce qui se fait et ne se fait pas. Nous estimons que si les deux gouvernements nous donnaient un mandat semblable, nous pourrions contribuer grandement à régler le problème.
Mais en ce qui a trait aux ministères eux-mêmes, de savoir qui devrait faire quoi, je préfère m'en remettre à Mme Gélinas.
Mme Johanne Gélinas: Merci.
Monsieur le président, avant de donner la parole à mon collègue, qui pourra vous donner davantage d'explications à ce sujet, je tiens à souligner que notre vérification fait clairement ressortir qu'Environnement Canada est chargé de la coordination générale des mesures relatives aux espèces envahissantes. Par contre, Transports Canada a clairement le mandat de régir les eaux de lest et de prévenir l'introduction des espèces envahissantes par les navires. Troisièmement, le MPO a, comme vous l'avez dit, l'obligation de protéger les poissons et leur habitat.
Dans notre rapport, nous n'avons pas utilisé la même expression, mais le dialogue entre le MPO et Transports Canada ressemble un peu à une partie de ping-pong. Les choses peuvent être claires sur papier, si on lit les réponses qui nous ont été fournies. Mais même si le MPO dit qu'il fournira les renseignements scientifiques nécessaires à l'élaboration de normes sur les eaux de lest, si on demande précisément qui élaborera ces normes, on n'obtient pas de réponse claire. Si j'ai demandé l'aide du comité pour résoudre ce problème, c'est que c'est l'un des aspects qui n'était pas clair. On peut toujours jouer avec les mots, mais le terme «normes» n'a pas été utilisé par le MPO.
Ce n'est donc pas clair dans mon esprit, et si je parle de partie de ping-pong, c'est que Transports Canada dit que son rôle est d'élaborer des règlements. Pour avoir de bons règlements, il faut de bonnes normes. Transports Canada compte sur le MPO pour l'élaboration des normes. Le MPO a dit qu'il fournira des analyses scientifiques, mais personne ne parle d'élaborer les normes.
C'est du moins ce que je comprends de la situation. Andrew pourra peut-être vous en dire davantage.
M. Andrew Ferguson (directeur, Méthodes professionnelles et revue, Bureau du vérificateur général du Canada): Oui, le ministre a raison lorsqu'il suppose que divers ministères ont le pouvoir de légiférer et sont chargés de tâches précises. Nous avons fait nos observations dans le contexte d'un plan national. Aucun ministère n'a l'autorité nécessaire pour obliger d'autres ministères à prendre les mesures qu'ils sont habilités à prendre de par leur loi. Autrement dit, même si Environnement Canada réussit à coordonner un plan national sur papier, ce ministère n'a pas le pouvoir d'obliger les autres ministères à participer à ce plan, non plus qu'à faire ce qu'ils ont déclaré qu'ils feraient.
[Français]
Le président: Monsieur Roy, vous avez cinq minutes.
M. Jean-Yves Roy: Merci, monsieur le président.
Si je comprends bien, madame Gélinas, vous êtes en train de nous dire que tout le monde se renvoie la balle et que personne ne prend ses responsabilités.
Mais ma question ne sera pas celle-là. Je voudrais demander à M. Gray ou à M. Gourd pourquoi ils considèrent que la situation est maintenant urgente. Je ne me souviens pas lequel d'entre vous a dit que, si d'ici 10 ans, on ne réagissait pas, l'écosystème des Grands Lacs serait complètement modifié, voire presque détruit.
Pourtant, la Voie maritime du Saint-Laurent a été ouverte à la fin des années 50; or, il y a certainement eu d'autres espèces envahissantes avant celles que vous avez indiquées sur la carte plus tôt. Comment se fait-il que nous ne prenions connaissance du problème qu'aujourd'hui et qu'en outre, ce dernier semble aller en s'accentuant?
On a aussi parlé du crabe vert, qu'on retrouve sur les côtes océaniques, particulièrement dans l'Est et dans l'Ouest. D'où vient cette espèce, et comment se fait-il qu'elle ait réussi à s'implanter sur nos côtes, alors que depuis 300 ou 400 ans déjà, des navires viennent ici? Cette espèce aurait pu intégrer nos côtes bien avant.
Ma question est celle du simple citoyen: comment se fait-il que le problème soit aujourd'hui aussi grave comparativement à ce qu'il a été au cours des années 1960?
À (1005)
Le très hon. Herb Gray: Mes collègues vont répondre à votre question.
M. Robert Gourd: Merci, monsieur Roy. Je ne pense pas que ce soit un fait nouveau. Ça fait longtemps que ça existe, mais il n'y a pas de normes spécifiques. C'est la Garde côtière canadienne qui, en principe, doit vérifier si les eaux des ballasts ont été changées avant que les bateaux n'entrent dans le golfe. On ne sait pas si c'est fait, et le gouvernement n'a aucun mécanisme pour contrôler ces navires qui entrent. Il y a plusieurs suggestions, plusieurs projets, mais rien de défini. Le danger, c'est que les armateurs disent que si on veut les contrôler de force, ils n'iront peut-être plus débarquer leurs cargaisons dans le port de Montréal, mais plutôt à Boston ou à New York. Si on met trop de pression sur les transporteurs, on risque de perdre des emplois parce que les bateaux ne viendront plus. C'est un aspect très important de la question.
Il y a une autre raison pour laquelle ce sujet est devenu si important: la moule zébrée, surtout, est maintenant partout. Elle est dans le Richelieu; elle est rendue dans le lac Champlain; elle est rendue dans le canal Rideau. La moule zébrée est partout, et l'argent et les efforts que les municipalités doivent déployer pour nettoyer ça sont tout simplement faramineux. Il va donc falloir que quelqu'un prenne la décision de donner le coup de barre. Mais comme le demandait Mme Gélinas, qui est responsable? Transports Canada? Environnement Canada? Pêches et Océans Canada? À la Commission mixte internationale, nous disons que si le gouvernement nous donnait le mandat de voir ce que nous pouvons faire avec nos collègues américains, surtout en ce qui concerne les eaux territoriales, ce serait peut-être un début de solution. Mais pour le moment, il m'est très difficile de vous répondre sur ce sujet.
Je vais répondre à une autre question qui a été posée par votre collègue tout à l'heure. Le saumon de l'Atlantique est menacé par le saumon du Pacifique, qui a été introduit dans les Grands Lacs, parce qu'il commence à remonter le fleuve Saint-Laurent. Alors, les rivières à saumon du Québec seront éventuellement menacées--j'ai cette preuve parce que je suis un ardent pêcheur et qu'on en parle dans le milieu des pêcheurs--, de la même façon que le saumon du Pacifique est menacé par le saumon d'élevage de l'Atlantique dans le Pacifique. C'est un problème qui est très important.
À (1010)
Le président: Monsieur Roy, ce sera votre dernière question.
M. Jean-Yves Roy: Vous avez parlé de la moule zébrée. Vous dites qu'elle est partout et que ça coûte des milliards de dollars aux municipalités ou aux propriétaires des installations. Au fond, ce que vous nous dites, c'est qu'en ce qui concerne la moule zébrée, il est trop tard, et qu'il faut s'assurer qu'il n'y aura pas d'autres espèces qui vont envahir nos eaux. C'est un peu le message que vous faites passer. Le deuxième message, qui est évident, c'est qu'il faut que quelqu'un s'en occupe, que le système se centralise pour pouvoir être géré de façon convenable. Voilà votre message.
Le très hon. Herb Gray: Je vais demander à mon collègue de répondre, mais j'espère que nous pourrons donner l'occasion à M. Schornack d'ajouter quelques commentaires.
M. Robert Gourd: Il n'est jamais trop tard. Voilà ma réponse.
[Traduction]
M. Dennis Schornack: Merci. Vous demandez pourquoi c'est urgent maintenant? Et je confirmerai qu'effectivement, c'est urgent et que c'est un problème qui existe depuis longtemps. Par exemple, la lamproie de mer est arrivée au Canada dans les années 1820. Ce n'est que dans les années 1940 et 1950 que nous avons découvert qu'elle avait fait disparaître toutes les truites de lac des Grands Lacs. Il a fallu attendre jusqu'à tout récemment pour que cette pêche puisse reprendre, grâce aux mesures prises par le ministère des Pêches et des Océans et par la Commission des pêches des Grands Lacs.
Il y a plus de 162 espèces exotiques connues à l'heure actuelle dans les Grands Lacs. À tel point que certains scientifiques parlent maintenant d'invasion catastrophique—autrement dit, le bouleversement de l'écosystème des Grands Lacs a atteint de telles proportions que personne ne sait quelle en sera l'issue.
Oui, il est urgent d'agir maintenant car nous commençons à voir les effets dans tout l'écosystème des multiples inoculations d'eaux de lest, des transferts d'appâts et de la menace que pose le canal de Chicago. Si la carpe d'Asie—dont nous avons vu un exemple aujourd'hui, mort Dieu merci—arrivait dans les Grands Lacs, la pêche commerciale, une industrie de 4 milliards de dollars, s'effondrerait tout simplement parce que cette espèce éliminerait tout le premier maillon de la chaîne alimentaire, dont toutes les autres espèces dépendent.
M. Cummins est un pêcheur commercial, et 75 000 personnes dans ce bassin vivent de la pêche commerciale. C'est une menace grave.
Le problème est peut-être dû à l'augmentation du commerce mondial, peut-être à l'augmentation du commerce avec la région pontocaspienne, d'où viennent les moules zébrées, les moules quagga et d'autres espèces, mais nous commençons au moins maintenant à reconnaître la menace et à y réagir.
Ce n'est pas bien malin, la solution tient en une phrase: il faut tuer les envahisseurs. Il faut tuer ces espèces dans les eaux de lest, nous pouvons le faire et nous pouvons le faire rapidement.
[Français]
Le président: Madame Gélinas.
Mme Johanne Gélinas: Monsieur le président, pour répondre à la question de M. Roy, je dirai d'abord qu'on doit tenir pour acquis que deux conventions internationales ont été signées: celle sur la biodiversité et celle sur les changements climatiques.
Un nombre incalculable de débats ont été nécessaires pour en arriver à signer l'accord sur les changements climatiques. La Convention sur la biodiversité, pour sa part, a été signée en 1992. Comme vous pouvez l'imaginer, dans ce cas également, il y avait eu beaucoup de discussions au préalable. C'est un problème qui est reconnu internationalement et qui est accepté par le gouvernement canadien depuis des années. Nous avons ratifié la convention en 1992, le gouvernement a pris des engagements, mais, comme je l'ai mentionné plus tôt, très peu a été accompli.
Pourquoi le problème est-il plus important qu'avant? D'abord, il faut toujours garder en tête qu'il s'agit de pollution biologique. Mes collègues ont parlé de la moule zébrée. À cet égard, on donne dans notre rapport un exemple éloquent. Tout près de nous, dans le canal Rideau, il y a à peine trois ans, on trouvait une moule zébrée par mètre carré; cette superficie est équivalente à celle d'une table. Aujourd'hui, on en trouve 400 000 par mètre carré.
Ce n'est jamais fini. C'est vivant, c'est biologique et, par définition, ça se reproduit. Ce n'est pas comme un site contaminé qu'on peut laisser dans cet état jusqu'au jour où on décide de le décontaminer. Cela se propage et se multiplie; il ne faut donc jamais arrêter.
En outre, notre étude démontre qu'il n'y a pas de recette miracle. Cependant, il est clairement établi que la prévention est de loin le mode d'intervention le plus efficace.
En termes de coûts, le rapport de la société Ontario Power Generation, qui a des problèmes majeurs avec la moule zébrée dans les Grands Lacs, nous livre quelques exemples. Ils investissent des millions de dollars à chaque année seulement pour nettoyer les canalisations et essayer de contrôler l'invasion.
Mais pourquoi est-ce particulièrement important aujourd'hui? En fait, ce n'est pas plus important qu'hier, mais il est temps qu'on fasse quelque chose, d'autant plus qu'on est désormais en mesure d'évaluer les coûts.
On parle ici d'espèces aquatiques, mais dans le cas des espèces envahissantes qui attaquent les forêts et l'agriculture canadiennes, l'Agence canadienne d'inspection des aliments parle de coûts de 7 milliards de dollars par année pour l'économie canadienne. Ce secteur est mieux connu, mieux circonscrit et mieux ciblé et, de plus, on possède plus de données à son sujet. Sur les espèces aquatiques, en revanche, on sait très peu de chose. On sait qu'il en existe peut-être 160, mais il y en a fort probablement plus, et on ne connaît pas toujours les dommages qu'elles causent.
Pour ce qui est du crabe vert, il a été répertorié au Nouveau-Brunswick dans les années 1950. Aujourd'hui, parce qu'on est en mesure de faire de la recherche, on connaît davantage les répercussions qu'il a sur la pêche, le poisson et l'habitat du poisson sur la côte est. Il était déjà présent dans les années 1950, et il lui a fallu une trentaine d'années pour se rendre sur la côte ouest. Je ne sais pas de quelle façon il s'est retrouvé là, mais il reste qu'en 1998, on a commencé à noter sa présence.
Bref, vous pouvez constater qu'on parle ici de phénomènes mouvants; un problème qui, dans les années 1950, se situait à l'échelle locale est aujourd'hui un problème d'ordre national, et les coûts, par conséquent, sont énormes.
À (1015)
[Traduction]
Le président: Merci, madame Gélinas.
Il nous reste 45 minutes et six députés veulent poser des questions, si je ne me compte pas dans ce nombre. J'apprécierais grandement que les questions et les réponses soient brèves. Cela ne veut pas dire que les réponses, ou même les questions, ne sont pas intéressantes.
Monsieur Provenzano, vous avez dix minutes.
M. Carmen Provenzano (Sault Ste. Marie, Lib.): Je vais aller droit au but.
Tout d'abord, je remercie nos témoins de leurs exposés très intéressants. Je vais poser ma question à M. Schornack, mais j'invite les autres témoins à y répondre également. Ma question porte sur les sept recommandations que M. Schornack a faites pour lutter contre les espèces exotiques envahissantes. Personne ne s'opposerait à ces recommandations.
J'ai trouvé particulièrement intéressant de voir que dans une recommandation, on disait que les décisions doivent s'appuyer sur les données scientifiques les plus fiables. Dans votre première recommandation, vous dites pour commencer que le Canada et les États-Unis doivent travailler de concert pour harmoniser et renforcer la réglementation et qu'il faut adopter une approche écosystémique à l'échelle du bassin hydrographique. Si l'on met tout cela ensemble, on peut se demander si la commission est satisfaite du degré de communication de l'information scientifique entre les deux gouvernements, c'est-à-dire le gouvernement du Canada et le gouvernement des États-Unis.
Deuxièmement, si nous devons adopter une approche à l'échelle du bassin hydrographique, disposons-nous d'un programme de communication des connaissances scientifiques à l'échelle de ce bassin? Ce programme fonctionne-t-il? Les connaissances scientifiques sur ce bassin et sur toute la région canadienne et américaine visée sont-elles partagées? Le degré de communication des connaissances scientifiques est-il satisfaisant à cet égard? Que recommandez-vous quant à la façon dont nous devrions améliorer la communication des connaissances scientifiques? Tout cela doit-il venir du gouvernement?
J'ai l'impression qu'il existe une énorme quantité de renseignements scientifiques. Êtes-vous convaincu que nous y avons tout l'accès possible?
M. Dennis Schornack: Monsieur Provenzano, le rapport que nous avons présenté au comité a été préparé par l'Association internationale de recherche sur les Grands Lacs, une organisation binationale. Vous constaterez que ce rapport est le résultat d'un grand nombre de travaux de recherche. Vous trouverez à la fin de ce document quelque trois pages de référence. Les deux pays échangent et partagent d'importants résultats et données scientifiques. Hugh McIsaac, de l'Université de Windsor, est peut-être le biologiste d'Amérique du Nord qui en connaît le plus sur les espèces envahissantes. Il partage le résultat de ses travaux de recherche avec les chercheurs américains.
Nous échangeons et partageons beaucoup dans le domaine de la recherche scientifique. Ce que nous ne partageons pas c'est une partie de l'autorité et de la coopération nécessaires pour freiner ces invasions. Nous y sommes presque parvenus. Nous savons qu'il y a une demi-douzaine, une douzaine de technologies différentes qu'on pourrait employer à bord des navires pour tuer ces espèces dans les citernes de ballast avant que ces dernières ne soient vidées. Malheureusement, nous n'avons pas de bonnes plates-formes d'essai de taille réelle dont pourraient se servir les chercheurs dans l'océan et dans les lacs pour voir quels seraient les résultats de leurs expériences en situation réelle. C'est une chose qui est absolument nécessaire et nos deux grands pays peuvent certainement trouver les ressources pour offrir aux chercheurs des plates-formes d'essai flottantes.
Je suis donc très optimiste en ce qui a trait à l'échange et au partage de recherches. C'est plutôt le partage des interventions qui me préoccupe.
À (1020)
M. Carmen Provenzano: Devrions-nous songer à constituer un dépôt central pour toutes ces données scientifiques de sorte qu'on puisse y avoir accès plus aisément et de façon plus efficace?
M. Dennis Schornack: Je crois que c'est une bonne idée. L'Association internationale de recherche sur les Grands Lacs dont j'ai parlé tout à l'heure conserve de façon centrale... évidemment, je ne sais pas ce qu'on entend par dépôt central, vous savez aujourd'hui avec Internet et les échanges électroniques. Cependant, il existe dans nos deux pays déjà des gens responsables de la conservation des données de recherches biologiques sur les espèces envahissantes.
Le président: Monsieur Provenzano.
M. Carmen Provenzano: Je sais que nous n'avons pas vraiment beaucoup de temps.
Le président: Il reste un peu de temps pour les députés ministériels; nous pouvons donc céder la parole à M. Farrah. En passant, mesdames et messieurs, M. Farrah est le secrétaire parlementaire du ministère des Pêches et des Océans.
[Français]
M. Georges Farrah (Bonaventure—Gaspé—Îles-de-la-Madeleine—Pabok, Lib.): Merci, monsieur le président.
Très honorable Gray, membres de la commission, soyez les bienvenus au comité. J'ai une question à poser à Mme Gélinas sur la coordination gouvernementale dans le traitement de dossiers.
Dans votre rapport, vous nous dites qu'il y a plusieurs ministères d'impliqués. Comme vous l'avez évoqué, c'est difficile et c'est un peu comme une partie de ping-pong.
Quelle suggestion pourriez-vous nous faire? Quel ministère devrait prendre le leadership dans un dossier comme celui-là, compte tenu de l'importance du dossier? Je pensais que le ministère des Pêches et des Océans avait peut-être un rôle un peu plus important à jouer, mais compte tenu qu'il y a différents ministères et compte tenu aussi de votre vécu avec le gouvernement, quel ministère devrait, selon vous, prendre le leadership dans un tel dossier?
Pour notre information, je ne sais pas si M. Schornack pourrait nous indiquer quel département a le leadership au niveau du gouvernement américain. Cela nous permettrait de faire un parallèle, en termes de fonctionnement, relativement à ce qui se passe au Canada et à ce qui se passe aux États-Unis.
Mme Johanne Gélinas: Merci. Ce n'est pas à moi de vous dire quel ministère devrait avoir le leadership. Ce que je vous affirme en me basant sur notre vérification, c'est que le leadership a été établi clairement, au sein du gouvernement, au ministère de l'Environnement. Je ne remets pas cette décision en question, même si vous pouvez débattre de sa pertinence.
Maintenant, vous avez tout à fait raison de dire que dans le cas spécifique des espèces aquatiques envahissantes, Pêches et Océans Canada porte la responsabilité au nom du ministère de l'Environnement. Tout ce qui touche aux espèces aquatiques envahissantes relève de la responsabilité claire et précise du ministère des Pêches et des Océans, qui a le mandat de protéger l'habitat et le poisson.
Mais c'est la coordination qui fait défaut. Mon collègue mentionnait tout à l'heure que même si vous êtes nommé coordonnateur, cela ne vous donne pas le pouvoir de forcer les autres joueurs à venir s'asseoir à la table et à débattre des enjeux, à se partager les responsabilités, à se partager les ressources et à faire avancer la question. Le problème n'est donc pas tant de savoir qui est le leader que de voir comment les leaders peuvent exercer leur leadership, en d'autres mots de déterminer qui va mettre de l'avant les actions nécessaires pour faire progresser le dossier.
Maintenant, si vous me le permettez, je vais répondre à une question de votre collègue concernant l'aspect scientifique.
[Traduction]
J'aimerais ajouter, si vous permettez, que nous avons signalé dans un rapport sur les Grands Lacs—en fait c'était un de nos principaux messages—qu'il y avait des lacunes au niveau de la science. Nous avons dit que les activités scientifiques étaient faibles, et même dans la stratégie sur la biodiversité que le gouvernement a clairement indiqué qu'il s'agissait là d'un secteur où il devait y avoir collaboration de tous les intervenants. Nous avons de bons exemples dans ce pays de partenariats, et il s'agit probablement ici d'un dossier où tout le monde devrait collaborer puisque nos connaissances sont fort limitées.
À (1025)
Le président: Monsieur Schornack, est-ce que la situation est la même aux États-Unis?
M. Dennis Schornack: Permettez-moi de présenter ma réponse à cette question en utilisant les trois portes dont nous avons parlé plus tôt.
La porte principale est celle des transferts d'eau de lest; les États-Unis ont des règlements dont l'observation est obligatoire dans ce secteur. Ainsi, les navires doivent échanger leur eau de lest en haute mer, à l'extérieur de la zone économique exclusive de 200 milles. Cet échange est confirmé lorsque les navires arrivent à Massena à New York. Des représentants de la Garde côtière montent à bord de chaque navire et font un essai dans les citernes de ballast. Ils testent la salinité de cette eau pour voir si elle atteint au moins 30 parties par 1 000, soit la salinité de l'eau en haute mer.
Cependant, comme le commissaire Gourd l'a signalé, 75 p. 100 des navires qui viennent dans les Grands Lacs ne sont pas supposés porter d'eau de ballast et ne font donc pas l'objet de ces vérifications. Les règlements sont efficaces dans la mesure où ils nous ont peut-être permis d'empêcher certaines invasions, mais le fait demeure qu'un très grand nombre de navires qui, nous le savons, sont responsables de l'arrivée de nombre d'espèces dans les lacs ne sont pas assujettis à ces règlements.
Le General Accounting Office, l'homologue américain du service de Mme Gélinas, a procédé à une étude parallèle du leadership au sein du système américain et en est venu tout compte fait aux mêmes conclusions. Même si la Garde côtière américaine est responsable du point d'entrée à Massena, un trop grand nombre de services sont en partie responsables du dossier. Nous avons beaucoup d'Indiens et, reconnaissons-le, pas de chef. C'est une des raisons pour lesquelles la CMI aimerait intervenir dans ce dossier pour évaluer la situation et formuler des recommandations quant à qui devrait assumer la responsabilité du dossier.
Par exemple, à Chicago, nous avons le canal, nous avons le Army Corps of Engineers qui met à l'essai une barrière électrique qui devrait empêcher ce poisson de remonter le Mississipi pour atteindre les Grands Lacs. Ce genre d'activité ne relève pas vraiment du mandat du Army Corps of Engineers. Ce groupe n'a pas vraiment grand-chose à voir avec les espèces envahissantes, mais ce groupe a simplement hérité du projet de la barrière.
Enfin, pour ce qui est de la vente de carpes vivantes dans les marchés, des États et des municipalités prennent des mesures et adoptent des règlements et des ordonnances pour interdire la vente, la possession et le transport des carpes vivantes. Le département de l'Intérieur prend également des mesures conformément à une loi appelée la Lacey Act pour interdire le commerce de poisson serpent et de carpe noire, une autre espèce de carpe asiatique.
C'est ce qui se passe aux États-Unis.
Le président: Nous passerons maintenant à M. Cummins qui dispose de cinq minutes.
M. John Cummins: Merci, monsieur le président.
Madame Gélinas, vous signalez au paragraphe 4.23 de votre rapport que dans son rapport de 1999, Safeguarding American Plant Resources, le National Plant Board des États-Unis s'est dit inquiet du fait que le Canada serait une source reconnue d'espèces envahissantes et qu'il a recommandé des restrictions plus sévères sur les importations en provenance du Canada. Pouvez-vous nous en dire un peu plus long sur la question, madame Gélinas? Est-ce que ces préoccupations touchent également les espèces envahissantes, la question dont nous discutons ce matin?
Je ne veux pas vous mettre dans l'embarras, monsieur Schornack, mais vous voudrez peut-être vous aussi répondre à cette question.
Mme Johanne Gélinas: Monsieur le président, je laisserai M. Ferguson répondre à cette question.
M. Andrew Ferguson: Le ministre comprendra que dans le dossier des espèces envahissantes, chaque pays intervient comme bon lui semble, de façon indépendante. Si un pays juge qu'un autre pays d'où pourraient provenir des marchandises n'a pas la capacité nécessaire pour composer avec un problème de façon efficace, il pourra prendre les mesures nécessaires en fermant la porte pour empêcher l'entrée des espèces envahissantes provenant de cet endroit.
Cette citation provient du rapport, et je crois qu'elle est très claire. Dans l'analyse effectuée par les États-Unis, on a identifié le Canada comme étant source possible d'espèces envahissantes et recommandé, au lieu d'intervenir en territoire américain, d'imposer des restrictions plus sévères sur les produits et services en provenance du Canada.
À (1030)
Le président: Monsieur Schornack, souhaitez-vous intervenir?
M. Dennis Schornack: Oui, je ne savais pas que le Canada est perçu comme une source d'espèces envahissantes en Amérique. D'ailleurs, la carpe asiatique citée comme exemple d'une espèce envahissante qui menace les Grands Lacs est devenue un problème lorsque l'espèce s'est échappée des fermes aquicoles du sud des États-Unis qui font l'élevage du poisson-chat.
La plupart des espèces envahissantes viennent de la région pontocaspienne, dans les eaux de ballast, de sorte que personne en Amérique, à mon avis, ne considère que le Canada constitue un danger en raison de ces espèces envahissantes. Voilà pourquoi nous avons une occasion rêvée de travailler ensemble pour repousser cette menace commune qui nous vient de l'extérieur.
M. John Cummins: Merci, monsieur Schornack. En fait, le rapport du commissaire citait un document américain, mais vous êtes trop généreux ce matin.
Le problème des eaux de ballast me préoccupe. Il y a plus de 20 ans, le Canada et les États-Unis ont décidé d'exiger, afin de protéger nos littoraux, que les pétroliers aient une double coque. J'ai lu récemment que la date butoir approche, après quoi nous ne permettrons plus l'entrée dans nos eaux de pétroliers à coque unique, et pourtant, la majorité des pétroliers qui pénètrent dans nos eaux sont des pétroliers à coque unique. Je ne sais pas comment les firmes de transport maritime internationales et les armateurs pourront respecter ce délai.
Le problème des eaux de ballast me préoccupe. Étant donné que les armateurs sont réticents à engager les dépenses nécessaires, comment allons-nous nous y prendre pour faire fonctionner ce système? Le rapport parle de la désoxygénation des eaux de ballast, entre autres, mais c'est un procédé coûteux. Quel espoir y a-t-il que le Canada et les États-Unis réussissent à imposer les règles à cet égard étant donné que nous n'avons pas réussi à faire respecter la règle sur les pétroliers à double coque?
Le très hon. Herb Gray: Je pourrais peut-être essayer d'abord de répondre à votre question.
Les navires venant de l'étranger, de la région pontocaspienne, ne peuvent pénétrer dans les Grands Lacs si les autorités canadiennes et américaines ne les autorisent pas à franchir les eaux internationales du Saint-Laurent. Si nos deux pays adoptent une réglementation efficace et que nous en confions l'application à des organismes compétents, les navires ne pourront pénétrer jusque dans les Grands Lacs. Les expéditeurs devront faire les choix économiques que cela implique, en consultation avec leurs clients.
Des épreuves plus rigoureuses des technologies décrites par le président Schornack pourraient révéler qu'il existe des solutions technologiques au problème des eaux de ballast et au véritable risque, à savoir celui des résidus après l'évacuation des eaux, qui sont économiques. Nous ne devrions pas supposer que les armateurs ne pourront pas absorber les coûts. Quoi qu'il en soit, nous sommes en mesure de leur interdire l'accès aux Grands Lacs si nous avons la réglementation voulue et les organismes capables de la faire respecter.
Le président: Monsieur Comartin.
M. Joe Comartin (Windsor—St. Clair, NPD): J'aimerais moi aussi parler du problème des eaux de ballast. Dans votre troisième recommandation, monsieur Gray ou monsieur Schornack, vous écartez l'idée d'interdire tout simplement la vidange des eaux de ballast sous prétexte que c'est une solution grossière. Cette conclusion s'appuie-t-elle sur des données scientifiques?
Il me semble qu'étant donné les années d'expérience que nous avons accumulées, c'est une option qui doit être envisagée et non pas écartée allègrement comme elle semble l'avoir été ici. Si le Canada et les États-Unis veulent sérieusement appliquer le principe de précaution, il me semble que cette option aurait dû être parmi les toutes premières envisagées.
À (1035)
M. Dennis Schornack: J'ai décrit l'interdiction de la vidange des eaux de ballast comme une solution grossière, mais ce n'est pas une conclusion qui s'appuie sur des données scientifiques. L'interdiction de la vidange des eaux de ballast est en réalité une question de sécurité. Imaginez un navire navigant les eaux du lac Supérieur, ballotté comme un bouchon de liège par des vagues de 20 pieds sans ballast qui permettrait de stabiliser le navire. L'interdiction de la vidange des eaux de ballast équivaudrait à interdire le transport maritime dans les Grands Lacs et ce n'est pas ce que nous souhaitons faire. En réalité, nous voulons assurer la vigueur du transport maritime et garder ouverte la porte au commerce, mais nous voulons fermer la porte aux espèces envahissantes.
Le très hon. Herb Gray: Bien sûr, il existe des règlements aux États-Unis et des lignes directrices au Canada qui stipulent effectivement que les navires doivent vidanger leurs eaux de ballast avant de pouvoir remonter le Saint-Laurent. Comme je l'ai déjà dit, si un navire déclare qu'il n'a pas de ballast à bord, on suppose, en vertu du régime actuel, que le capitaine du navire dit la vérité, ce qui n'est pas nécessairement toujours le cas. Ensuite, même si c'est la vérité, il y a des résidus dans les cales qui constituent un milieu propice à la reproduction des larves.
Par ailleurs, comme le président Schornack l'a dit, il se peut que, pour des raisons de sécurité, les navires qui sont entrés dans les Grands Lacs doivent avoir des eaux de ballast dans leurs cales pour assurer une bonne assiette, ou stabilité, du navire. Joe, nous savons très bien avec quelle rapidité les tempêtes peuvent s'élever dans notre région. Votre argument est valable, mais vous verrez que le président Schornack et moi-même avons formulé une recommandation très nuancée.
[Français]
M. Joe Comartin: Madame Gélinas, est-ce que votre bureau a adopté une position à ce sujet? Est-ce que vous avez fait des recherches sur cela?
Mme Johanne Gélinas: Non. Toutefois, j'aimerais apporter une précision. La réglementation dont on parle ici, qui vise à contrôler les rejets d'eau de lest, concerne strictement les Grands Lacs.
[Traduction]
Ce règlement ne s'appliquera pas sur la côte; il est conçu expressément en fonction de la situation dans les Grands Lacs. Si vous cherchez une solution pour les côtes de l'Atlantique et du Pacifique, ce n'est pas une option que vous devriez envisager, car elle est inadaptée. J'ai cru que cet aspect pourrait intéresser quelques membres du comité.
M. Andrew Ferguson: Plusieurs personnes ont dit aujourd'hui que les dégâts causés par les espèces envahissantes se chiffrent à plusieurs milliards de dollars, les espèces envahissantes aquatiques comptant à tout le moins pour des centaines de millions de dollars, sinon des milliards.
Je crois qu'il existe des solutions envisageables qui feraient un juste équilibre entre les coûts pour les transporteurs maritimes et les bénéfices qui résulteraient des mesures prises pour empêcher ces espèces envahissantes d'arriver ici. Des mesures de prévention rapporteraient peut-être des avantages économiques qui pourraient être utilisés pour aider le secteur du transport maritime à adopter de meilleures technologies. Il ne s'agit pas nécessairement de choisir tout ou rien mais plutôt de réaffecter les ressources que les mesures préventives nous permettraient de dégager.
Le président: Monsieur Comartin, une dernière question.
M. Joe Comartin: Les deux parties ont-elles donné quelque indication quant aux mesures qu'elles entendent prendre, étant donné ce que nous a dit Mme Gélinas et le Accounting Office des États-Unis? Bref, les fonds sont-ils débloqués? Y aura-t-il les fonds nécessaires pour mettre en oeuvre vos sept recommandations? Avez-vous obtenu des engagements à cet égard? Avez-vous des raisons de croire que tous les niveaux de gouvernement des deux côtés de la frontière débloqueront les crédits requis?
M. Dennis Schornack: Tous les ordres de gouvernement dépensent actuellement des fonds, surtout pour nettoyer les dégâts existants. Les États-Unis s'apprêtent à adopter une loi nationale sur les espèces envahissantes aquatiques. Il s'agit en fait d'une actualisation d'une loi adoptée il y a de nombreuses années qui autoriserait des dépenses considérables. Je ne connais pas précisément aujourd'hui les sommes en question, mais si le projet de loi est adopté, ce que l'on prévoit d'ici 100 à 150 jours, des crédits neufs considérables et des pouvoirs accrus seront autorisés aux États-Unis.
À (1040)
M. Joe Comartin: Connaissez-vous le montant?
M. Dennis Schornack: Non. J'essaierai de vous fournir des chiffres le plus tôt possible.
Le président: Les représentants veulent-ils ajouter quelque chose?
Le très hon. Herb Gray: Je n'ai vraiment rien à ajouter. J'aimerais cependant faire un commentaire qui est fondé sur l'expérience que j'ai de la gestion des activités au sein du gouvernement fédéral. Vous pourriez proposer, par exemple, que le conseil des ministres, sous le leadership du premier ministre, nomme un ministre et un ministère qui seraient responsables de la coordination dans ce dossier ainsi que la création d'un groupe de travail spécial composé des ministres touchés par ce dossier qui seraient appelés à collaborer avec le ministre responsable. On pourrait ainsi éviter le genre de situation que la commissaire à l'environnement et au développement durable a décrit de façon fort imaginée mais pertinente, soit le jeu de ping-pong.
Si le conseil des ministres nomme le ministre de l'Environnement comme ministre responsable, et qu'il existe un comité spécial de ministres des divers ministères, il faudra qu'il y ait collaboration entre tous les intervenants pour atteindre les objectifs visés. Il s'agit peut-être d'une façon inusitée de faire les choses, mais il existe un précédent, soit l'accord relatif à la qualité de l'eau dans les Grands Lacs dont la mise en oeuvre a été confiée en permanence à la Commission mixte internationale. Il existe donc un précédent et nous avons dit que nous étions disposés à assumer le même rôle de surveillance et de coordination de cette initiative fort importante, car il s'agit là d'une question qui nous préoccupe tous.
Le président: Madame Gélinas, voulez-vous ajouter quelque chose?
Mme Johanne Gélinas: Deux choses, monsieur le président.
Tout d'abord, dans les réponses que nous fournissent les ministères, ils signalent qu'ils sont d'accord avec nos recommandations, mais ils ajoutent toujours que c'est une question de ressources financières. Il est clair que pour eux cela pose un problème.
Cependant, si nous étudions les solutions, nous devrons nous rappeler que notre pays a adopté il y a bien longtemps le principe du «pollueur-payeur» et le principe de précaution, dont vous avez d'ailleurs parlé. Si nous concentrons nos efforts exclusivement sur le principe du pollueur-payeur, nous avons au Canada un programme de recouvrement des coûts qui permet de tenir compte de certains des dommages causés et de constituer un fonds spécial pour la recherche ou pour d'autres programmes que nous jugeons prioritaires. De cette façon, ce n'est pas toujours le gouvernement qui doit financer toutes les activités.
Par exemple, à certains égards, l'ACIA fonctionne sous le principe du recouvrement des coûts. C'est une chose que le gouvernement pourrait songer à faire.
Le président: Merci.
Monsieur Steckle.
M. Paul Steckle (Huron—Bruce, Lib.): Merci.
J'aimerais tout d'abord souhaiter la bienvenue à tous nos témoins, tout particulièrement nos amis américains qui se joignent à nous ce matin. Bien entendu, la plupart d'entre nous connaissent bien le travail de M. Gray, car nous avons travaillé avec lui pendant de longues années. Nous sommes très heureux de l'accueillir aujourd'hui à titre de représentant de la commission, dont il partage la présidence avec vous, monsieur Schornack.
Une des questions à laquelle j'ai consacré beaucoup de temps et d'efforts au cours des dernières années a évidemment été les espèces envahissantes dans les Grands Lacs, par l'entremise de ma participation aux travaux du comité des pêches. Je m'inquiète du fait qu'après tant d'années, après quatre ministres des Pêches, et après nombre d'interventions de notre comité auprès de ces ministres, nous n'avons toujours pas reçu d'assurance à l'égard d'un grand nombre de ces problèmes. C'est tout particulièrement le cas en ce qui a trait à notre étude des pêches dans les Grands Lacs, et à notre rapport sur la question, dans lequel nous avons mentionné les espèces envahissantes, l'eau de lest et d'autres questions. Il est facile de dire que d'autres ministères sont responsables de l'eau de lest, qu'il s'agisse du ministère des Transports ou d'un autre ministère.
Cela dit, nous n'avons pas su convaincre le ministre d'investir plus d'argent dans le programme de lutte contre le lamproie marine, alors que les États-Unis, tout particulièrement l'État du Michigan, n'hésitent pas à investir dans ce dossier. Nous tenons d'ailleurs à vous en remercier. Nous avons fait des efforts au Canada, mais malheureusement le ministre n'a pas pu agir.
Je m'inquiète du fait que les animaleries peuvent importer des animaux aquatiques au Canada et que nous avons une «immigration» d'espèces vivantes comme celle que nous avons vue ce matin, la carpe asiatique. Que devons-nous faire pour freiner ce genre d'immigration? Quelqu'un a mentionné qu'il fallait simplement en appeler à la conscience des gens pour qu'on ne libère pas ces animaux dans la rivière des Outaouais. C'est bien joli de parler de la bonne conscience, mais cela ne s'applique peut-être pas à tout le monde. Nous devons agir, et je crois qu'il s'agit là de questions sur lesquelles nous pouvons agir de façon rapide et positive.
J'aimerais également savoir quelles sont les mesures préventives que vous avez prises car vous avez su composer très rapidement avec la présence de poissons-serpents. Lorsqu'on a trouvé cette espèce ailleurs que dans un aquarium, vous avez agi très rapidement. Quelle leçon pouvons-nous tirer de votre intervention? Comment devons-nous agir? Qu'en pensez-vous, madame Gélinas, monsieur Schornack? Et je dois encore demander comment pousser grâce à des pétitions le ministre à agir. Je ne sais vraiment pas.
C'est un long préambule, mais...
À (1045)
Le très hon. Herb Gray: Monsieur Schornack est le ministre responsable du dossier dans la région de Chicago et nous devons le féliciter des efforts qu'il a déployés. Je crois qu'il serait mieux en mesure de répondre à votre question fort pertinente.
M. Dennis Schornack: Je désire tout d'abord, monsieur Steckle, vous remercier parce que je crois que vous êtes celui qui, en collaboration avec ce comité, a lancé la balle. Vous avez organisé ou aidé à organiser la réception que nous avons eue l'automne dernier avec la Ontario Federation of Anglers and Hunters, la Commission des pêcheries des Grands Lacs et la CMI. Je crois que c'est cette réception qui a permis de tout mettre en branle, et la réunion aujourd'hui est un des résultats de tous ces efforts.
Quand à ce qu'on peut faire, tout comme vous je suis inquiet de ces ventes d'animaux vivants. C'est pourquoi nous vous avons présenté cet exemple aujourd'hui. Aux États-Unis, certains États et municipalités interviennent. L'État du Michigan, comme vous l'avez signalé, l'État de l'Indiana ont adopté des lois interdisant la possession et la vente de ces espèces. Le maire de Chicago, M. Daley, a adopté une ordonnance interdisant les ventes et le commerce d'espèces vivantes à Chicago.
Il s'agit là de très bonnes mesures; nous avons au palier fédéral une loi, la Lacey Act. Je ne crois pas qu'il y ait d'équivalent au Canada, équivalent de cette mesure qui interdit la vente et le commerce d'espèces qui présentent un danger important pour la faune et la flore indigènes d'Amérique. Des mesures sont prises en vertu de cette loi pour interdire le commerce du poisson-serpent et de la carpe noire.
Cependant, pour faire plus, il nous faut en fait... Je crois que j'ai dit qu'il nous fallait un système d'aide à la décision en ce qui a trait à l'eau de lest—et des recherches de pointe. Nous avons besoin d'un mécanisme ou d'un système qui nous permette d'analyser les menaces que pourrait présenter l'évasion ou la propagation dans nos deux pays de choses qui sont introduites tous les jours par l'agriculture, l'aquaculture et bien d'autres. Notre département de l'Agriculture a laissé entrer la carpe asiatique dans les années 70. Un permis avait été accordé pour que quelqu'un vienne et...
Le très hon. Herb Gray: On a fait ça avec les meilleures intentions du monde.
M. Dennis Schornack: Avec les meilleures intentions du monde, peut-être, mais que se passe-t-il aujourd'hui? Nous n'avons pas été prévoyants. Nous n'avons pas pensé à ce qui se passerait dans 30 ans, nous n'avons pas pensé que cela pourrait représenter une menace pour les Grands Lacs. Nous avons besoin de recherches de meilleure qualité, d'organismes plus prévoyants, il nous faut accorder une très grande attention à ce qui entre dans nos pays et à ce qui en sort.
Le très hon. Herb Gray: Permettez-moi de prendre 30 secondes pour proposer quelque chose au comité. Comme dans n'importe quel État fédéral, il y a certains problèmes. Ces questions relèvent-elles du palier fédéral, du palier provincial ou du palier municipal? Vous savez, vous pensez peut-être que s'il s'agit de commerce au détail cela relève des municipalités. Peut-être le comité pourrait demander au bureau de recherches et à certains de ses experts de préparer un document que vous pourriez étudier lors d'audiences afin de déterminer exactement quel palier d'administration serait responsable des questions qu'a soulevées M. Steckle.
Mme Johanne Gélinas: J'aimerais profiter de l'occasion pour exercer quelques pressions sur le comité. Je peux penser à quelques petites choses que le comité pourrait étudier lors de ses travaux futurs.
Tout d'abord, la stratégie qui a été élaborée en 1995 comprend pratiquement tout ce qui doit être fait. Ainsi, même si les ministères élaborent un plan national, nous pouvons commencer dès demain à agir.
Vous serez peut-être intéressés d'apprendre que dans le suivi que nous avons effectué auprès du ministère pour nous préparer à la réunion d'aujourd'hui, nous avons appris que le plan détaillé du programme national est déjà prêt. J'espère qu'il est disponible.
Je demanderai à votre comité de suivre l'évolution du dossier et de faire rapport à intervalles réguliers des progrès effectués au chapitre de la mise en oeuvre de ce plan national. C'est quelque chose qui sera là. Il devrait s'agir du plan d'action qui devrait nous permettre de passer de la parole aux actes. Vous pourriez peut-être ainsi vous pencher sur ce dossier. J'aimerais rappeler que nous avons parlé de la question l'année dernière dans notre rapport, que la CMI devrait avoir pour mandat de déposer un rapport au Parlement à intervalles réguliers.
À mon avis, une chose est très importante. Pour moi, il s'agit du premier jalon de ce qui doit être fait—et peut-être votre comité pourrait-il se pencher sur la question et demander au MPO ce qu'il a l'intention de faire—, donc de fournir ces normes, ces analyses scientifiques, qui nous permettront d'adopter de bons règlements sur l'eau de lest. Le comité peut certainement suivre l'évolution du dossier.
Merci.
À (1050)
Le président: Merci.
Il est vrai que plusieurs ministères et plusieurs paliers d'administration sont responsables de ce dossier. Cependant, une des raisons pour lesquelles nous vous avons invités à comparaître est que le ministre des Pêches et des Océans est responsable de la protection des pêches et des océans au Canada dans le sens général du terme. Il appartient donc au ministre de composer avec les diverses priorités et les intérêts opposés. Nous vous sommes reconnaissants de votre témoignage aujourd'hui.
Nous accorderons maintenant cinq minutes à M. Hearn.
M. Loyola Hearn (St. John's-Ouest, PC): Merci beaucoup, monsieur le président.
J'aimerais remercier nos témoins d'être venus nous rencontrer. Je suis tout particulièrement heureux de revoir M. Gray aujourd'hui.
Votre présence aujourd'hui renforce les commentaires que nous avons entendus la semaine dernière. Je crois que c'est une bonne chose parce qu'à l'occasion, lorsqu'un groupe comparaît devant le comité puis disparaît, on a tendance à passer à autre chose. Nous avons été fort impressionnés par l'intervention des témoins la semaine dernière. Ce que vous nous avez dit aujourd'hui confirme ce que nous avions entendu et nous rend encore plus sensibles au caractère grave du problème.
Je me pose quelques questions sur ces espèces envahissantes. Vous avez parlé du saumon du Pacifique, qui a fait l'objet d'une introduction. D'après vous, combien d'espèces envahissantes, tout particulièrement celles qu'on retrouve dans les Grands Lacs, ont été introduites pour contrôler d'autres espèces?
Y a-t-il des espèces envahissantes qu'on pourrait juger acceptables, qui sont devenues viables du point de vue commercial, et dont nous ne voudrions pas nous défaire? Quelle est la situation?
M. Andrew Ferguson: À mon avis, il existe des espèces non indigènes que l'on retrouve dans l'écosystème et qui sont devenues au point de vue commercial des espèces fort importantes. Par exemple, dans les Grands Lacs, il y a le saumon et la truite moulaque qui sont pêchés par les pêcheurs sportifs.
Je ne suis pas un scientifique, et je ne peux pas vous dire dans quelle mesure ces espèces en ont déplacé d'autres ou ont causé des dommages écologiques. D'après la définition d'espèces envahissantes présentée dans notre rapport, il s'agit d'une espèce exotique non indigène qui nuit à l'environnement ou à l'économie. Je pense que c'est un peu vague.
Nous nous inquiétons des espèces envahissantes qui délogent une espèce d'importance commerciale. C'est tout au moins un aspect important du problème. Cependant il y a des introductions intentionnelles.
M. Loyola Hearn: En fait, il s'agit des espèces dont l'impact est surtout négatif, ce qui est logique.
J'ai quelques autres questions. Vous avez mentionné le crabe vert sur la côte Est, et vous avez tout particulièrement parlé du Nouveau-Brunswick. Je n'ai pas entendu parlé de la présence de cette espèce à Terre-Neuve, et évidemment je représente cette région. Savez-vous si on retrouve le crabe vert dans cette région? Encore une fois, s'agit-il d'une espèce qui pourrait faire l'objet d'une pêche commerciale? Le crabe a remplacé la morue dans la région atlantique, et est devenue une espèce d'une grande valeur alors qu'il y a 20 ans presque tous les pêcheurs de la région atlantique auraient peut-être appelé le crabe une espèce envahissante simplement parce que cet animal venait s'accrocher à leurs filets. Ils détruisaient des biens, mais aujourd'hui c'est une espèce fort lucrative. Nous commençons également à exploiter d'autres types de crabes, comme le crabe commun.
Le crabe vert représente-t-il une ressource commerciale? Pourrait-on l'exploiter? Cela permettrait certainement de contrôler la croissance de la population ou, si on laisse les gens faire ce qu'ils font souvent, simplement l'éliminer.
À (1055)
M. Andrew Ferguson: Dans le cadre des travaux de recherche que nous avons faits sur les espèces envahissantes, nous avons appris qu'au Portugal, par exemple, le crabe vert est une espèce comestible. Je crois qu'au Canada et ailleurs en Amérique du Nord, les pêcheurs ne sont simplement pas équipés pour exploiter sur une base commerciale cette espèce. Les engins des pêcheurs d'Amérique du Nord sont conçus pour d'autres espèces, en fait l'espèce indigène. Il serait possible de modifier les engins pour exploiter le crabe vert, mais en attendant, cette espèce aura un impact économique négatif. De plus, il est impossible de savoir s'il y aurait des marchés pour ces espèces ailleurs qu'au Portugal.
M. Loyola Hearn: Nous avons parlé de compétences et de ministères. Le ministère des Pêches et des Océans autorise assez souvent des pêches expérimentales, évalue les marchés, des choses du genre, et c'est probablement un secteur sur lequel il devrait se pencher maintenant plutôt qu'attendre plus tard.
M. Andrew Ferguson: J'aimerais ajouter quelque chose. Si une espèce comme le crabe vert entraîne la disparition de six ou sept autres espèces, il y aura une grave perte de biodiversité. Encore une fois, je dois rappeler que je ne suis pas un scientifique, mais la perte de biodiversité est importante pour toutes sortes de raisons, comme la capacité de l'écosystème de réagir face à d'autres pressions. Ainsi, si vous remplacez ces six ou sept autres espèces par une seule espèce, et que cette dernière est frappée par une catastrophe écologique, imaginez ce qui se produira! Il est donc important de protéger la biodiversité, et ce pour des raisons autres que des raisons économiques.
M. Loyola Hearn: J'aimerais ajouter quelque chose, monsieur le président, et poser une question. Mon observation a trait au principe du pollueur-payeur. La formule est belle, mais au large de la côte atlantique, nous savons qu'il y a eu énormément d'incidents de pollution attribuables au déversement des eaux de cale, par exemple, des hydrocarbures ont été déversés dans nos eaux, beaucoup d'oiseaux marins sont morts et que sais-je encore. Les coupables sont rarement pris, et jusqu'à tout récemment les amendes étaient si légères qu'elles n'en valaient même pas la peine. Elles n'auraient certainement pas permis de défrayer les coûts inhérents à la recherche de ces pollueurs. Les choses ont un peu changé; pour le cas des quelques derniers incidents, les amendes ont été beaucoup plus lourdes, et nous pouvons espérer avoir ainsi pris la bonne voie. Peut-être voudriez-vous nous en parler.
Par ailleurs, nous avons parlé des Grands Lacs, mais au large de la côte atlantique, non seulement des Canadiens, mais aussi des Norvégiens, des Russes et des gens d'ailleurs, soudainement tous se disent très préoccupés par l'absence totale de données scientifiques dont nous disposons au sujet de nos océans. En est-il de même au sujet des Grands Lacs? Cela expliquerait-il en partie votre problème? Bien sûr, c'est un espace beaucoup plus réduit, moins étendu, mais est-ce que l'absence de données scientifiques entrave en partie le travail que vous tentez d'accomplir?
Mme Johanne Gélinas: Je tâcherai d'abord de répondre à votre dernière question. Il est certain que l'une des conclusions qui ressort constamment de notre vérification, c'est que souvent la recherche ne nous fournit pas de bons renseignements pour prendre des décisions. Nous l'avons dit dans le cas des Grands Lacs; nous le répétons sans cesse. C'est certainement un problème dans le cas des Grands Lacs en particulier. Je ne sais pas si M. Gray voudrait ajouter quelque chose à ce sujet.
Le principe du pollueur-payeur est reconnu, et quoi que fasse le gouvernement fédéral, il devrait en tenir compte dans certaines des options proposées au gouvernement.
Vous avez plus tôt posé une question au sujet de Terre-Neuve mais nous n'y avons pas répondu: avons-nous entendu parler du crabe vert à Terre-Neuve?
M. Andrew Ferguson: Non pas précisément, je ne pense pas.
M. Loyola Hearn: Il y a du homard bleu mais pas de crabe vert.
Le président: Merci, monsieur Hearn.
J'ai trois brèves questions, si vous le permettez, avant que nous terminions. J'ai quelques questions pour les coprésidents et une ou deux questions pour Mme Gélinas.
Monsieur Schornack, au sujet des trois portes, vous parliez de la porte principale. Vous avez parlé du déversement par des navires étrangers d'eaux de ballast non traitées. Ce n'est pas la première fois que nous entendons parler de navires et qu'on y ajoute l'adjectif étrangers. Je veux que les choses soient claires. Est-ce le fait seulement des navires étrangers? Le cas échéant, comment pouvons-nous en avoir l'assurance?
Á (1100)
M. Dennis Schornack: Je ne sais pas ce qu'il en est exactement des titres de propriété des navires, mais je suppose que les navires océaniques, ceux qui sillonnent les océans, sont en grande partie des navires battant pavillon étranger. Ceux qui naviguent en eau douce, les laquiers comme on les appelle, font aussi partie de la chaîne, parce qu'en raison de leurs allées et venues entre les lacs et à l'intérieur de ceux-ci, ils contribuent à la propagation d'espèces envahissantes d'un port à l'autre. Ces navires sont immatriculés pour circuler sur les Grands Lacs.
Quant à l'introduction d'espèces envahissantes, je dirais qu'elle est largement attribuable aux navires étrangers, mais ils doivent quand même respecter les règlements de nos deux pays à partir du moment où ils entrent dans nos eaux communes.
Le président: Merci.
Monsieur Gray, êtes-vous au courant de la justification politique qui a fait que nous avons depuis des années des directives sur les eaux de ballast au lieu de règlements, comme c'est le cas aux États-Unis?
Le très hon. Herb Gray: Je ne peux pas affirmer savoir pourquoi, mais je suppose que ce pourrait être une question de priorité et de rédaction de règlements—de priorités dans l'examen des ébauches et le respect des étapes du processus. Souvent, pour des raisons de politique, on commence par des directives pour voir comment elles fonctionnent, puis on passe à des règlements. C'est sans doute la meilleure réponse que je peux vous donner.
Puis, bien sûr, il y a toujours la question des ressources, qui a d'ailleurs été soulevée ici. Mais quelle qu'en soit la raison, les directives ont été le premier pas. On peut espérer, qu'avec votre encouragement, on passera à la seconde étape et qu'elles deviendront des règlements qui seront mis en oeuvre.
Le président: Merci, monsieur Gray.
Je vois que vous levez la main, madame Gélinas, mais je vais poser une question et vous pourrez ajouter votre réponse à la réponse à ma question.
Au paragraphe 13 de vos observations, vous avez indiqué qu'en 1995 le gouvernement fédéral avait publié sa stratégie et exposé diverses mesures. Dans cette stratégie de 1995, le gouvernement avait-il établi quel ministère en aurait la responsabilité et, le cas échéant, comment l'a-t-il fait? Je constate que M. Gray nous a fait une recommandation au sujet de la désignation d'un ministre par le cabinet. Je me demande si vous pourriez nous dire si un ministère avait été désigné dans cette stratégie, ou se contentait-on de dire que le gouvernement allait faire ceci ou cela?
Une fois que vous aurez répondu à cette question, vous pourriez faire une observation, et nous mettrons ainsi un terme à la séance.
Mme Johanne Gélinas: Si je peux vous prier de vous reporter au paragraphe 4.36 de ce chapitre, il était très clair dans la stratégie sur la biodiversité que le gouvernement déciderait qui allait faire quoi. Après cela, nous avons dit que de concert avec Environnement Canada, les ministères responsables de la mise en oeuvre de la stratégie seraient bien sûr Transports Canada et Pêches et Océans. Dès le départ, il y a de nombreuses années, on savait clairement qui seraient les grands intervenants responsables de la mise en oeuvre de la stratégie.
J'ai une dernière chose à dire, si vous le permettez.
Je ne sais pas si les membres sont au courant, mais la réglementation américaine se fonde sur les directives qui ont été conçues au Canada. Nous ne sommes peut-être pas des as en matière de mise en oeuvre des règlements, mais nous nous en tirons fort bien quand il s'agit de concevoir des directives.
Le président: Merci beaucoup d'être venus comparaître, mesdames et messieurs. Nous vous en sommes très reconnaissants. Vos témoignages ont été très intéressants et ont certainement bien indiqué au comité l'ampleur de la tâche à accomplir. Nous espérons nous montrer à la hauteur et pouvoir convoquer certains des hauts fonctionnaires pour voir ce que nous pouvons faire pour protéger les Grands Lacs et les autres plans d'eau du Canada et des États-Unis. Merci beaucoup.
La séance est levée.