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HUMA Rapport du Comité

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L’ÉQUITÉ FISCALE POUR LES PERSONNES HANDICAPÉES

 

INTRODUCTION

Le système d’imposition du revenu est un moyen important pour le gouvernement fédéral d’accorder des avantages directs aux Canadiens. Dans les dernières années, le gouvernement fédéral a réussi à l’employer pour instaurer des prestations qui ont aidé certains des Canadiens les plus défavorisés (notamment les enfants). Cela lui a également permis de venir en aide aux Canadiens handicapés. À cet égard, le crédit d’impôt pour personnes handicapées (CIPH) est de loin le programme fédéral le plus visible. Tous les Canadiens qui remplissent un formulaire de déclaration d’impôt sur le revenu des particuliers – notamment les Canadiens handicapés et leurs familles - prennent conscience du CIPH tous les ans lorsqu’ils font leur déclaration. Comme il est très visible pour un très grand nombre de Canadiens, il est devenu un symbole de l’engagement fédéral à égaliser la situation des personnes handicapées. C’est d’autant plus le cas que les coupures fiscales des dernières années ont donné lieu à des réductions que les personnes handicapées interprètent comme une érosion de l’aide destinée à leur intégration à la société canadienne.

Plus d’un tiers des adultes handicapés déclarent qu’ils doivent, en raison de leur invalidité, assumer des dépenses supplémentaires qui ne sont remboursées dans le cadre d’aucun programme public ou privé offrant des mesures de soutien ou des services aux personnes handicapées[1]. Le système fiscal fédéral (avec, entre autres, le crédit d’impôt pour personnes handicapées et le crédit d’impôt pour dépenses médicales) prend une importance croissante comme instrument d’aide fédéral permettant de couvrir une partie des dépenses personnelles inévitablement associées à l’invalidité.

À quatre reprises au cours des dix dernières années, l’importance symbolique, la visibilité et la valeur économique du système fiscal pour les personnes handicapées se sont heurtées à la perspective stratégique et administrative du ministère des Finances et de l’Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC) et à son prédécesseur, Revenu Canada. À chaque fois, les Finances et l’ADRC ont tenté de limiter l’admissibilité au CIPH. À chaque fois, les parlementaires ont réagi à l’indignation des Canadiens en examinant le traitement que réserve le système fiscal aux personnes handicapées. Et, à chaque fois, des comités de la  Chambre des communes et un groupe de travail ministériel ont déposé des rapports unanimes recommandant essentiellement les mêmes mesures. Tous ces rapports rappellent que le système fiscal doit traiter les personnes handicapées avec respect et compassion et qu’il y a lieu d’améliorer les politiques et l’administration du système d’imposition du revenu en général et du CIPH en particulier.

Ce rapport est le cinquième du genre.

L’IMPASSE ACTUELLE ET SES ORIGINES

Le Comité a décidé de rédiger ce rapport parce qu’il estime que la réponse à son rapport antérieur intitulé Un système plus juste envers les Canadiens : Le crédit d’impôt pour personnes handicapées, est lacunaire à bien des égards. Premièrement, sans en informer le Comité ou son président, ou le Sous‑comité sur la condition des personnes handicapées ou son président, le ministère des Finances a déposé une réponse au rapport le 21 août 2002, en plein milieu des vacances parlementaires. Puis, le 30 août suivant, le ministère annonçait les modifications proposées à la Loi de l’impôt sur le revenu, qui étaient censées limiter l’admissibilité au CIPH aux personnes incapables de se nourrir ou de s’habiller seules. Il n’était même pas question de ces modifications dans la réponse à notre rapport. Au cours de l’été, l’ADRC a simultanément proposé des révisions au formulaire de demande qui limiteraient encore plus les conditions d’admissibilité au crédit d’impôt.

La réponse à notre rapport prétend respecter la procédure parlementaire. C’est peut‑être vrai, mais ce respect ne semble pas très profond compte tenu du fait que la réponse associe le Parlement à une fonction de défense des droits, qu’elle minimise la responsabilité du ministère des Finances à l’égard de tout corps parlementaire, exception faite du Comité permanent des finances, qu’il n’y est pas question des modifications proposées et qu’on n’y répond pas aux deux tiers de nos recommandations. L’annexe établit une correspondance entre chaque recommandation et la réponse que nous y avons reçue.

Le 20 novembre 2002, nous nous sommes associés à nos collègues de la  Chambre des communes pour adopter à l’unanimité une motion invitant le gouvernement :

à instaurer un programme complet pour égaliser la situation des personnes handicapées en donnant suite aux recommandations unanimes contenues dans le rapport du Comité intitulé Un système plus juste envers les Canadiens : Le crédit d’impôt pour personnes handicapées et notamment aux recommandations concernant la modification des conditions d’admissibilité au crédit d’impôt pour personnes handicapées afin qu’il soit tenu compte, avec respect et compassion, des circonstances tangibles de la vie des personnes handicapées et à retirer les modifications proposées le 30 août 2002[2].

Le Comité estime que, pour réaliser les désirs de la  Chambre des communes, le ministère des Finances et l’ADRC doivent procéder à certains changements stratégiques et administratifs, à court terme, mais aussi songer à long terme afin que la situation ne se reproduise pas.

Une majorité écrasante de députés (234) ayant entériné notre rapport, nous avons invité des fonctionnaires du ministère des Finances et de l’ADRC à nous rencontrer le 21 novembre 2002 pour nous expliquer comment ils ont l’intention de réagir à notre rapport antérieur et à la motion parlementaire.

Les fonctionnaires de l’ADRC ont indiqué que, avec l’approbation de leur ministre, ils avaient pris des mesures dans l’esprit de notre rapport. Puisque la réponse du gouvernement était déposée, l’ADRC répondait à la position adoptée par les parlementaires et la collectivité. L’Agence a décidé :

  • d’interrompre l’examen des conditions d’admissibilité des bénéficiaires actuels du CIPH jusqu’à ce que le Comité approuve le nouveau formulaire de demande (T2201) et les lettres d’accompagnement aux bénéficiaires;

  • de donner suite à la demande des personnes handicapées de retirer le nouveau formulaire T2201 proposé et d’employer le formulaire actuel pour l’année à venir, jusqu’à ce qu’un formulaire acceptable soit élaboré;

  • de procéder à des consultations auprès des personnes handicapées et des professionnels de la santé, comme l’avait demandé le Comité, avant d’élaborer le nouveau formulaire;

  • de créer un comité consultatif permanent composé de représentants des personnes handicapées et de professionnels de la santé pour procéder à des consultations régulières concernant les questions administratives[3].

Le Comité désire rendre hommage aux efforts du ministre du Revenu national et de l’ADRC et les remercie d’avoir tenté de régler certaines des questions les plus litigieuses concernant l’administration du crédit d’impôt pour personnes handicapées.

Nous estimons que la position du ministère des Finances est beaucoup moins satisfaisante et beaucoup moins sensible à nos préoccupations concernant les politiques associées au CIPH. Par exemple, lorsqu’il s’est adressé au Comité, Serge Nadeau, du ministère des Finances, a déclaré :

[…] le ministère des Finances n’interprète pas la loi. La loi, si nous considérons la Loi de l’impôt sur le revenu, […] énonce clairement que l’objectif est d’aider les gens atteints d’un handicap physique ou mental grave et prolongé. Il ne s’agit donc pas d’une interprétation. C’est dans le texte de la Loi de l’impôt sur le revenu et cela a été voté par le Parlement.

Le témoin a ajouté que le ministère fait une « interprétation administrative[4] » des dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu concernant le CIPH, qui sert à déterminer le degré d’invalidité requis pour avoir droit au crédit d’impôt : il s’agit de considérer généralement la formulation « toujours ou presque toujours » comme représentant 90 pour cent du temps lorsque la capacité d’une personne à accomplir une activité courante de la vie quotidienne est limitée de façon marquée[5]. Le point de vue du ministère peut se résumer ainsi : « interpréter au besoin, mais pas nécessairement ». Compte tenu de cette contradiction, que croire?

Selon nous, un texte produit au moment où le CIPH a été inauguré a plus de chances de traduire les intentions de ceux qui ont autorisé le CIPH que l’interprétation administrative actuelle du ministère des Finances.

Le Parlement a modifié la Loi de l’impôt sur le revenu et créé le crédit d’impôt pour personnes handicapées, qui est entrée en vigueur en1988[6]. Cette année-là, le ministère du Revenu national (prédécesseur de l’ADRC) publiait une brochure expliquant comment faire attester les handicaps donnant droit à un crédit fiscal. Cette brochure officielle fournissait l’interprétation du gouvernement concernant la façon dont les professionnels de la santé devaient décider si une personne répondait à la définition de la Loi de l’impôt sur le revenu pour avoir droit au nouveau CIPH. Elle définit les termes « grave » et « prolongé » comme critères d’admissibilité et décrit les activités de la vie courante auxquelles le crédit renvoie. On y explique qu’une personne peut avoir droit au CIPH si elle est incapable d’exécuter des tâches comme préparer, se servir et manger un repas, se laver, se baigner et prendre soin de sa personne. La perte d’un membre inférieur rendait également une personne admissible, de même que des troubles psychotiques comme le délire ou les hallucinations donnant lieu à une limitation marquée de la capacité à exécuter les activités de la vie courante. La limitation « marquée » des activités de la vie courante était décrite comme étant largement impossible à compenser suffisamment par des auxiliaires ou des médicaments de sorte que la personne se voyait considérablement entravée dans les activités de la vie courante[7]. Par ailleurs, selon les lignes directrices, même si une personne était capable de vivre de façon autonome, elle avait droit au crédit d’impôt si elle ne pouvait maintenir cette autonomie qu’au prix de l’aide considérable d’autres personnes ou d’un temps excessif, comparativement à une personne non handicapée du même groupe d’âge, pour exécuter les tâches de la vie courante[8].

Dans son rapport antérieur, le Comité n’a peut‑être pas indiqué avec suffisamment de clarté qu’il estime que le ministère des Finances et l’ADRC ont déplacé les poteaux de but et ont créé des obstacles, en réinterprétant la Loi de l’impôt sur le revenu, pour les personnes qui demandent et obtiennent le crédit d’impôt pour personnes handicapées. Compte tenu de « l’interprétation » initiale des conditions d’admissibilité au CIPH selon le gouvernement et de l’application restrictive des directives qui s’en est suivie, il n’est pas étonnant que des milliers de Canadiens ayant demandé le CIPH de bonne foi ainsi que les professionnels de la santé qui ont appliqué les instructions du gouvernement en remplissant ces formulaires de demande estiment aujourd’hui qu’ils ont été floués.

Dans son dernier rapport sur le CIPH, le Comité recommandait à l’ADRC d’envoyer une lettre pour s’excuser du ton et du contenu de la lettre adressée aux personnes qui ont été invitées à obtenir un nouveau certificat pour conserver leur admissibilité. Selon la réponse du gouvernement, l’ADRC s’était assurée que le ton et le contenu de cette lettre étaient corrects et respectueux. Il est évident que ce n’est pas le cas, étant donné le nombre de gens qui se sont considérés comme insultés par cette lettre. Par ailleurs, le Comité soutient qu’on aurait pu fournir plus d’information pour expliquer le réexamen du dossier et la demande de ré-attestation. C’est pourquoi nous maintenons notre position, à savoir que l’ADRC, qui prétend se soucier de conserver de bonnes relations avec la population, devrait envoyer une lettre fournissant plus de détails sur sa décision de réexaminer les dossiers CIPH et d’exiger une ré-attestation de la part de certaines personnes.

Le Comité estime également que toute personne ayant obtenu une ré-attestation et ne peut demander le remboursement, à titre de dépense médicale, des frais supplémentaires engagés ce faisant devrait être indemnisée à cet égard. Dans sa réponse au rapport du Comité, le gouvernement soutient que les frais engagés pour fournir des documents justificatifs incombent aux intéressés dans le cadre d’un système fiscal d’auto‑évaluation. Nous ne sommes pas en désaccord avec ce point de vue général, mais nous rappelons au gouvernement que ces personnes ont déjà engagé ces mêmes frais pour obtenir effectivement le crédit d’impôt dans le cadre d’une demande antérieure. Ces personnes ont déjà été assujetties à la procédure de demande de CIPH et s’y sont conformées de bonne foi et selon les règles en vigueur à l’époque. Nous ne voyons pas pourquoi elles devraient assumer ces frais de nouveau.

Pour le Comité, le vote pris à la  Chambre des communes le 21 novembre a confirmé notre engagement à administrer le crédit d’impôt pour personnes handicapées avec respect et compassion. Nous espérons être enfin entendus.



[1] Ces chiffres ont 10 ans : ils sont issus de l’Enquête sur la santé et les limitations d’activités (ESLA), effectuée après le recensement de 1991.

[2]  Chambre des communes, Débats, 20 novembre 2002, 15 h 25.

[3] Comité permanent du développement des ressources humaines et la condition des personnes handicapées, Témoignages, réunion no 2 (11h15), 21 novembre 2002.

[4] Ibid. (11 h 35).

[5] Comité permanent sur le développement des ressources humaines et la condition des personnes handicapées, Témoignages, réunion no 2 (11h35), 21 novembre 2002.

[6] Selon l’évaluation du CIPH effectuée par le ministère des Finances en 1991, le Budget de 1985 prévoyait l’élargissement de l’accès au CIPH dès que la déduction pour invalidité prendrait fin en 1986, mais la date d’entrée en vigueur a été retardée.

[7] La brochure indique également ce qui ne donne pas droit au crédit d’impôt, par exemple le fait de ne pas connaître une langue vivante.

[8] Ce texte est en grande partie tiré de la brochure susmentionnée, publiée par Revenu Canada (Impôt) en 1988. La Loi de l’impôt sur le revenu a été modifiée en 1994 (L.C. ch. 7) : on y a ajouté, rétroactivement aux années 1991 et suivantes, les termes « toujours ou presque toujours » pour définir la mesure dans laquelle un handicap limite la capacité à exécuter une ou plusieurs tâches de la vie courante.