Passer au contenu

HUMA Rapport du Comité

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

PDF

BÂTIR UN AVENIR MEILLEUR AUX ENFANTS AUTOCHTONES VIVANT EN MILIEU URBAIN

LES AUTOCHTONES DES VILLES DU CANADA : BREF APERÇU

Les données du recensement montrent une croissance lente, mais constante, parmi les Autochtones habitant dans les grandes villes du pays. En 2001, près de la moitié (49 %) des Autochtones vivaient dans des régions urbaines5. La population autochtone des villes, qui est beaucoup plus jeune que la population non autochtone et dont le taux de natalité est environ 1,5 fois supérieur à celui de la population non autochtone, constituera un élément important de la future population active des régions urbaines. De plus, les Autochtones vivant en milieu urbain sont concentrés en nombre disproportionné dans l’Ouest du Canada, et environ le quart de tous les Autochtones vivent dans une des dix régions métropolitaines.

La population autochtone des villes du Canada est composée de gens d’origines et de nations autochtones diverses, dont certains sont nés en ville et d’autres y ont migré d’un peuplement métis, d’une réserve de Première nation ou d’une collectivité septentrionale. La diversité caractérise également la population autochtone urbaine pour ce qui est du niveau de scolarité, du revenu, de l’emploi et des mouvements migratoires. Par exemple, les chefs de famille monoparentale et les célibataires de Winnipeg sont surtout concentrés au centre-ville où 85 % des ménages autochtones vivent dans la pauvreté tandis que les Autochtones des quartiers environnants se situent plus ou moins dans la moyenne établie pour la ville en ce qui concerne l’éducation et le revenu. Les témoins ont fait observer que, malgré leurs différences, de nombreux Autochtones des villes partagent une expérience commune de la discrimination et du racisme systémiques et doivent lutter pour maintenir leur identité culturelle. Pour reprendre les propos d’un témoin :

Les personnes autochtones qui vivent hors réserve appartiennent à toutes les classes socio-économiques. On y trouve des gens très pauvres, des gens de la classe moyenne et des gens très riches. Les enfants de ces familles vivent et fonctionnent dans un monde qui, en dehors de leur milieu familial, peut ne pas respecter et soutenir leur identité culturelle. En l’absence de soutien culturel à l’extérieur de la maison, il est souvent difficile de se forger une estime de soi et une conscience de sa propre identité qui soient solides et valorisantes. Ces enfants sont également à risque6.

La Commission royale sur les peuples autochtones (CRPA), chargée en 1991 d’enquêter sur l’évolution des rapports entre les peuples autochtones (Indiens, Inuits et Métis), le gouvernement du Canada et la société canadienne dans son ensemble, s’est penchée sur les défis auxquels sont confrontés les Autochtones vivant en milieu urbain. Plusieurs des témoins entendus par le Sous-comité se sont dits déçus que bon nombre de recommandations de fond de la Commission royale sur les peuples autochtones n’aient pas été mises en œuvre. Même s’il reconnaît les progrès réalisés par le gouvernement du Canada à l’égard de plusieurs des recommandations de la CRPA, le Sous-comité admet qu’un certain nombre de questions abordées dans le cadre de l’examen par la CRPA des Autochtones vivant en milieu urbain en 1996 ne sont toujours pas réglées aujourd’hui. M. Calvin Hanselmann, attaché de recherche auprès de la Canada West Foundation, qui a effectué de nombreuses études sur l’élaboration de politiques à l’intention des Autochtones des villes de l’Ouest du Canada, a fait observer que :

… de nombreux Autochtones tombent dans les fissures du système. C’est bien vrai. C’était vrai au début des années 1990 et c’est toujours vrai au début du 21e siècle7.

Certains des défis stratégiques que la présente étude a fait ressortir sont les mêmes qu’à l’époque de la rédaction du rapport de la CRPA, notamment les conflits de compétences et la nécessité de programmes adaptés à la culture.

Compétences

Malgré le fait que la majorité des Autochtones vivent à l’extérieur des réserves, leurs besoins n’ont pas vraiment été pris en considération dans les politiques et programmes publics, en raison de désaccords quant aux compétences. Le gouvernement fédéral a toujours revendiqué la responsabilité des Premières nations vivant dans les réserves et les collectivités inuites, mais pas celle des Autochtones vivant à l’extérieur des réserves. De nombreux gouvernements provinciaux ont fait valoir que le gouvernement fédéral est responsable de tous les Autochtones et, jusqu’à tout récemment, ils ont largement limité leur responsabilité à l’égard des Autochtones vivant à l’extérieur des réserves aux programmes et services offerts à l’ensemble de la population.

Appuyé par le Secrétariat des affaires autochtones du Bureau du Conseil privé, l’interlocuteur fédéral auprès des Métis et des Indiens non inscrits est leur défenseur au Cabinet. Lorsqu’il a témoigné devant le Sous-comité, l’interlocuteur fédéral a indiqué que «  sur les quelque 8 milliards de dollars par an que le gouvernement du Canada investit dans les divers programmes destinés aux Autochtones, environ 90 % sont alloués aux Premières nations vivant dans les réserves — ce qui représente moins d’un tiers de la population totale des Autochtones8  ». Nous reconnaissons que les fonds consacrés aux Autochtones vivant dans les réserves couvrent de nombreuses dépenses comme les programmes et services de base qui sont fournis aux Autochtones vivant en milieu urbain par d’autres paliers de gouvernement et nous soulignons qu’il est important de maintenir à leur niveau actuel ces crédits destinés aux membres des Premières nations vivant dans les réserves, mais le Sous-comité demeure néanmoins inquiet du peu d’argent que le gouvernement fédéral alloue pour répondre aux besoins spécifiques des Autochtones vivant en milieu urbain.

L’interlocuteur fédéral auprès des Métis et des Indiens non inscrits a également fait observer qu’à l’extérieur des réserves, 22 ministères fédéraux administrent actuellement 80 programmes à l’intention des Autochtones et qu’il semble y avoir un manque de coordination. Par conséquent, il s’est créé des silos dans l’enchevêtrement des sphères de compétence à l’intérieur desquelles sont élaborées les politiques à l’intention des Autochtones vivant en milieu urbain, tant au palier municipal, provincial que fédéral. La Stratégie pour les Autochtones vivant en milieu urbain (SAMU) du gouvernement fédéral, qui cherche à démanteler ces silos et à promouvoir une collaboration plus étroite, sera abordée plus loin dans le présent rapport.

Des programmes adaptés à la culture

Les Autochtones des villes reçoivent des services de tous les paliers de gouvernement, d’organismes offrant des services à l’ensemble de la population et d’organisations autochtones à but non lucratif. De nombreuses familles autochtones et leurs enfants vivant en milieu urbain ont besoin de services de soutien, mais on nous a dit que ceux-ci ne sont pas toujours accessibles ni adaptés aux besoins.

Selon le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones, «  de nombreux services conçus pour la population urbaine en général ne sont pas adaptés à la culture des Autochtones9  ». Les témoins entendus sont constamment revenus sur la nécessité de programmes culturellement pertinents pour les Autochtones vivant en milieu urbain, dans une vaste gamme de domaines. Selon de nombreux témoins, pour être culturellement adaptés, les services doivent être holistiques, faciles d’accès, non menaçants et offerts dans la langue des participants.

D’après les témoignages entendus, alors que de nombreuses organisations dont les services s’adressent à l’ensemble de la société ont tendance à s’occuper de questions particulières isolément, les Autochtones adoptent une approche plus holistique qui englobe l’aspect émotif, intellectuel, spirituel et physique de la famille. Prenons, par exemple, un programme de lutte contre le syndrome d’alcoolisme fœtal dans le cadre duquel les femmes sont invitées à participer à des cérémonies du cercle de guérison :

Lorsqu’ils se sont réunis en comité, ils se sont vite rendu compte qu’il ne suffirait pas d’offrir de l’information sur le syndrome d’alcoolisme fœtal aux membres de la communauté. Pourquoi? Parce que, pour parler du syndrome d’alcoolisation fœtale, il faut parler d’alcoolisme et de toxicomanie. Et pour parler d’alcoolisme et de toxicomanie, il faut parler de l’affliction qui est causée par la colonisation et qui se transmet de génération en génération10.

Nous nous sommes laissé dire qu’il était difficile pour les parents autochtones vivant en milieu urbain de savoir comment accéder aux services et que l’accès aux services créait chez eux un malaise. Pour reprendre les propos d’une représentante de la Pauktuutit (Association des femmes inuites) :

... je sais qu’il y a beaucoup d’Inuits en milieu urbain dans tout le Canada et de plus en plus partent en ville pour échapper à la violence. Je sais que beaucoup d’Inuits ne sont pas préparés à la vie dans le Sud, en quelque sorte, ne sont pas assez instruits pour savoir où s’adresser pour trouver de l’aide, pour s’instruire, pour se soigner ou intégrer leurs enfants au niveau communautaire. C’est là le genre de difficultés que nous connaissons11.

Un témoin qui travaille avec de jeunes mères célibataires autochtones vivant en milieu urbain a indiqué :

Il est souvent plus difficile qu’on pense de trouver des ressources dans la communauté. La recherche d’un soutien communautaire exige souvent des compétences que ne possèdent pas les gens moins instruits, qui ont étudié moins longtemps. Un manque de confiance en soi peut aussi s’avérer un obstacle de taille qui va de pair avec un manque de compétences, et il arrive souvent que les gens se sentent inaptes et incapables d’apporter des changements positifs dans leur vie12.

Étant donné qu’il faut à tout prix offrir des services de soutien aux Autochtones vivant en milieu urbain et que ces services leur sont plus faciles d’accès s’ils sont adaptés à leur culture, il semble clair que les programmes et services visant à améliorer le bien-être des enfants canadiens doivent comporter des mécanismes de prestation adaptés à la réalité culturelle des Autochtones vivant en milieu urbain.

Le gouvernement fédéral finance indirectement les services offerts aux Autochtones des villes par le biais de programmes destinés à l’ensemble de la population. Mentionnons notamment l’Initiative de développement de la petite enfance13, le Plan d’action national pour les enfants (PANE), le Programme canadien de nutrition prénatale (PCNP) et l’Initiative sur le syndrome d’alcoolisme fœtal et les effets de l’alcool sur le fœtus (SAF/EAF) de Santé Canada.

Lorsque des fonds sont versés par le gouvernement fédéral par l’entremise des gouvernements provinciaux et territoriaux, ou en collaboration avec ces gouvernements, il importe à chaque gouvernement provincial/territorial de déterminer quelle partie des fonds devrait être destinée précisément à la population autochtone vivant à l’extérieur des réserves. Par exemple, le Plan d’action national pour les enfants et le Programme canadien de nutrition prénatale sont régis par des protocoles administratifs signés au palier ministériel par le gouvernement fédéral et chaque province et territoire. Les protocoles définissent les conditions de la gestion du PANE et du PCNP dans chaque province ou territoire, cernent les priorités en matière de financement et montrent l’engagement des deux paliers de gouvernement à appuyer les collectivités dans l’intérêt des enfants à risque. Certains gouvernements provinciaux, contrairement à d’autres, considèrent les services aux Autochtones comme une priorité, d’où les écarts au chapitre de la prestation de programmes et services à leur intention à l’échelle du pays.

Le Sous-comité n’a pas examiné les mécanismes institutionnels qui pourraient être mis en place pour que des fonds soient mis de côté afin que des programmes adaptés à leur culture puissent être offerts aux Autochtones vivant en milieu urbain, pour ce qui est tant des fonds destinés par les ministères du gouvernement fédéral aux programmes prioritaires que des transferts fédéraux aux provinces et territoires, mais nous tenons à signaler l’importance d’un examen plus poussé de cette question. Cela est particulièrement vrai pour les programmes et services offerts dans des secteurs où les statistiques indiquent un écart au chapitre du bien-être entre les Autochtones et les non-Autochtones.

LES ENFANTS AUTOCHTONES VIVANT EN MILIEU URBAIN :
CE QU’ON NOUS A DIT

Le rôle important des enfants au sein des familles et des communautés autochtones a fait l’objet de nombreux documents et a été mis en lumière par les témoins. Voici ce que la Commission royale sur les peuples autochtones dit à ce sujet dans son rapport :

Deux thèmes se dégagent des interventions des Autochtones à nos audiences publiques. Le premier est l’extrême importance accordée au bien-être des enfants et le second, la conviction que les familles jouent un rôle crucial dans le processus de guérison individuel et collectif14.

Les enfants autochtones constituent le segment de population qui grossit le plus rapidement parmi les jeunes du Canada, mais ils demeurent sous la moyenne canadienne des indicateurs socio-économiques de bien-être comme la mortalité infantile, le nombre de morts subites du nourrisson et le nombre moyen de handicaps. Les enfants autochtones des villes sont environ deux fois plus susceptibles que les enfants non autochtones de vivre au sein de familles monoparentales, d’être pauvres et d’avoir déménagé l’année précédente. Ils sont quatre fois plus susceptibles d’être nés de parents adolescents et d’avoir souffert de la faim.

Le Sous-comité a entendu des témoignages très troublants de la part de fournisseurs de services des diverses régions du pays au sujet des conditions dans lesquelles vivent de nombreux enfants autochtones des villes. Ils ont parlé notamment de leur surreprésentation grandissante parmi les clients des organismes de protection de la jeunesse, de nombreuses causes d’incapacité comme le syndrome d’alcoolisme fœtal et les effets de l’alcool sur le fœtus (SAF/EAF) et des taux disproportionnés de décrochage scolaire. Une témoin nous a résumé en ces termes les commentaires reçus de jeunes parents dans le cadre d’un programme qu’elle coordonne à Regina :

Les participants au programme pour jeunes parents nous ont dit que les jeunes Autochtones des villes se débrouillent avec les moyens du bord. Ils prennent soin de leurs enfants comme leurs parents ont pris soin d’eux, essaient comme eux de s’en sortir du mieux qu’ils le peuvent et cherchent de la même manière qu’eux à satisfaire à leurs besoins financiers. De génération en génération, les jeunes parents autochtones des villes doivent lutter contre la pauvreté, l’isolement, la clochardise, un manque de services de soutien, la toxicomanie, la violence, la déculturation, la dévalorisation et un manque d’estime de soi15.

Il est important de reconnaître non seulement que les enfants autochtones des villes et leurs familles sont confrontés à des défis, mais aussi que nombre de collectivités et de groupes autochtones ont fait des progrès remarquables en matière d’instruction et ont également réussi à réduire de façon tout aussi impressionnante leurs taux de mortalité infantile et leur consommation de substances illicites16. Ainsi, les données du recensement de 2001 indiquent que la proportion des Autochtones ayant terminé des études post-secondaires a progressé de manière radicale, passant de 33 % à 38 % entre 1996 et 2001. Il importe en outre de reconnaître la diversité qui caractérise les Autochtones qui vivent en milieu urbain, surtout pour ce qui est du niveau de scolarité et du revenu.

Pauvreté

Les Autochtones vivant en milieu urbain ont des taux d’activité et d’emploi plus élevés que les Autochtones vivant dans les réserves. Bien qu’il existe dans les villes une classe moyenne autochtone en expansion, il convient de signaler qu’un nombre disproportionné d’Autochtones des villes vivent dans la pauvreté.

Les données du recensement de 1996 ont fait ressortir qu’environ 55,6 % des Autochtones des villes vivaient dans la pauvreté. Plusieurs témoins ont décrit les réalités de cette pauvreté pour les familles autochtones urbaines, dont l’incapacité de subvenir aux besoins de base comme la nourriture, le logement et le transport. Nous nous sommes également laissé dire que les Autochtones de certaines villes de l’ouest du Canada sont de plus en plus concentrés dans des quartiers extrêmement pauvres qui prennent de plus en plus l’allure de ghettos.

Un nombre disproportionné d’enfants autochtones des villes vivent au sein de familles monoparentales et dont le chef est une jeune mère, circonstances qui les prédisposent à vivre dans une grande pauvreté. Environ 45 % des enfants autochtones des villes de moins de 5 ans vivent au sein d’une famille monoparentale et 39 % des mères célibataires autochtones gagnent moins de 12 000 dollars par année.

Mobilité

La vie de bon nombre d’enfants autochtones des villes comporte souvent de nombreux déménagements à l’intérieur d’une même ville et entre la ville et la campagne ou la réserve. En raison des nombreux déménagements entre la ville et la réserve, il existe des liens importants entre les conditions de vie et les programmes dans les réserves et à l’extérieur de celles-ci. Pour que les programmes des ministères fédéraux destinés aux Autochtones soient vraiment efficaces, il faut donc tenir compte de l’impact que ces programmes ont sur les Autochtones vivant à la fois dans la réserve et à l’extérieur de celle-ci.

Les témoins ont décrit l’incidence de déménagements fréquents sur les enfants et leurs familles. Ils ont fait observer qu’il était difficile en raison de l’absence d’une adresse permanente ou d’un numéro de téléphone d’avoir accès à des services comportant des listes d’attente, comme les garderies subventionnées. La participation à des programmes continus, comme le Programme d’aide préscolaire aux Autochtones, en souffre lorsque les enfants déménagent dans de nouveaux quartiers à l’autre bout de la ville et que les parents sont incapables d’assurer le transport. Plusieurs témoins ont également parlé de l’incidence de fréquents déménagements sur la capacité d’établir des rapports de confiance avec les organismes de services et des réseaux de soutien social dans les quartiers ou les communautés.

Nous savons que ces déménagements fréquents contribuent à la douleur et au stress dans les familles, et sont particulièrement difficiles à vivre pour les enfants. Comme nous le savons, il est plus difficile pour les enfants de s’épanouir, de réussir à l’école et d’atteindre leur plein potentiel en poursuivant leurs études postsecondaires et en participant finalement au marché du travail lorsque le milieu familial est instable. Les conséquences de cette instabilité, qui découle d’une mobilité importante, sont particulièrement prononcées dans les grands centres urbains. Pourtant, il est encore plus difficile de fournir de l’aide à ces familles à risque à cause des distinctions artificielles utilisées pour déterminer quel palier de gouvernement doit fournir ces services17.

Le Sous-comité a appris que de nombreux Autochtones déménagent constamment dans les réserves et en repartent pour avoir accès aux services dont leurs enfants ont besoin. Certaines familles, dont celles qui ont des enfants handicapés, n’ont guère d’autre choix que de déménager en milieu urbain. Ces familles quittent les réserves, soit parce que l’infrastructure n’y est pas accessible aux enfants à mobilité réduite, soit parce que des services spécialisés ne sont offerts qu’en milieu urbain.

Des témoins nous ont dit que les Autochtones ont de la difficulté à s’y retrouver dans les programmes complexes de service social offerts en milieu urbain et à accéder aux services dont eux-mêmes et leurs enfants ont besoin. Qu’il s’agisse de remplir des formulaires pour s’inscrire au régime d’assurance-maladie provincial ou de trouver les services dont ils ont besoin, le processus peut-être intimidant pour les nouveaux arrivants dans une ville.

Familles monoparentales et familles dont le chef est une jeune mère

Les enfants autochtones des villes canadiennes sont deux fois plus susceptibles que les enfants non autochtones de provenir de familles monoparentales et trois fois plus susceptibles d’avoir une mère adolescente. Les familles autochtones monoparentales urbaines sont habituellement dirigées par des femmes et vivent la plupart du temps dans la pauvreté. Les témoins qui travaillent auprès de jeunes parents autochtones nous ont dit que l’isolement constitue une importante difficulté pour ces parents, surtout lorsqu’ils n’ont pas accès aux services communautaires disponibles. Une analyse des données de l’Enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes (ELNEJ)18 a révélé que les mères adolescentes sont plus susceptibles d’être déprimées, d’avoir un niveau de scolarité moins élevé, d’être célibataires et de vivre dans la pauvreté. Les enfants de mères adolescentes sont plus susceptibles d’avoir un tempérament difficile et un vocabulaire moins riche que les enfants de groupes plus âgés de mères19.

Nous avons trouvé paradoxal que de nombreuses familles monoparentales aient souvent de la difficulté à accéder aux services qu’elles croyaient pouvoir trouver en ville : emploi, logement, services de santé et possibilités d’éducation. Sans le soutien de leur famille et de leur communauté, nous nous sommes laissé dire que les parents vivent souvent un grand isolement.

Une étude fondée sur l’Enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes a révélé que les mères adolescentes sont deux fois plus susceptibles que les mères plus âgées d’être déprimées20. D’après l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes, 21 % des Autochtones vivant hors réserve dans des ménages à faible revenu ont signalé un épisode dépressif majeur au cours de l’année qui a précédé l’enquête. Ce taux élevé de dépression pourrait avoir des répercussions importantes pour les enfants autochtones car, selon les recherches, les enfants de mères déprimées sont 1,5 fois plus susceptibles d’éprouver des problèmes de développement cognitif et deux fois plus susceptibles de manifester des problèmes de comportement.

Nous nous sommes laissé dire qu’en dépit des défis que suppose l’éducation des enfants dans un environnement souvent hostile sur le plan culturel sans grand soutien communautaire, de nombreux jeunes parents autochtones des villes font preuve d’une grande force de caractère. Nous tenons à rendre hommage à ces parents comme l’a fait un de nos témoins :

Nous sommes conscients du grand soin avec lequel les jeunes parents s’occupent de leur famille et de leurs enfants. Nous sommes émerveillés par la détermination dont ils doivent faire preuve pour venir à bout des chinoiseries administratives qui entourent les services qu’ils cherchent à obtenir. Nous disons bravo au courage qu’ils ont de demander des conseils et de l’aide malgré les stigmates rattachés à ces services. Surtout, nous admirons leur capacité d’envisager un avenir meilleur pour leur famille, leurs enfants et eux-mêmes21.

LA POLITIQUE GOUVERNEMENTALE ET LES JEUNES AUTOCHTONES
DES VILLES

De récentes recherches sur les besoins des communautés autochtones urbaines ont fait ressortir l’importance d’initiatives locales et de la collaboration entre tous les paliers de gouvernement. Les témoins ont insisté sur la nécessité d’adopter une approche holistique pour répondre aux besoins des Autochtones vivant en milieu urbain. Pour reprendre les propos d’un témoin :

[...] les problèmes des Autochtones urbains ne peuvent être réglés séparément, et c’est vrai probablement des problèmes de tous les Autochtones. Cela ne marche pas. On ne peut s’attaquer au chômage sans agir en même temps au niveau du logement, du soutien du revenu, de l’éducation, de la garde d’enfants22.

À notre avis, les services doivent être offerts dans le contexte d’un cadre stratégique holistique axé sur la famille, à l’intérieur duquel les familles et les collectivités peuvent veiller à l’épanouissement des enfants autochtones vivant en milieu urbain. La diversité de la population autochtone des villes et la grande mobilité sont des facteurs dont il faut tenir compte dans l’élaboration de politiques à l’intention des Autochtones vivant en milieu urbain. Au lieu d’essayer d’offrir des services à deux groupes distincts d’enfants, selon qu’ils vivent à l’intérieur ou à l’extérieur des réserves, il faudrait plutôt essayer de leur en faciliter l’accès avec le moins d’interruptions possible dans les réserves et les régions urbaines.

Dans le rapport précédent du Sous-comité sur les enfants autochtones vivant dans les réserves intitulé Miser sur le succès, nous avions recommandé une meilleure collaboration entre les divers ministères fédéraux ayant des programmes destinés aux familles et enfants des Premières nations. Dans sa réponse, le gouvernement a précisé qu’il s’était engagé à s’assurer que les ministères fédéraux planifient et mettent en œuvre les programmes et services destinés aux enfants autochtones de façon concertée et intégrée et dans le contexte de sa Stratégie fédérale de développement de la petite enfance autochtone et des Premières nations. La nécessité d’une coordination des politiques et de la collaboration entre les paliers de gouvernement est un thème qui revient souvent lorsqu’il est question de l’élaboration de politiques à l’intention des Autochtones vivant en milieu urbain. Un examen de l’élaboration des politiques destinées aux Autochtones des villes de l’ouest du Canada a amené un témoin à la conclusion suivante :

... nous avons constaté qu’il existe des façons de travailler à l’intérieur du système des silos et des façons de travailler en les dépassant. Nous disons qu’il est impératif que les décideurs permettent aux fonctionnaires de travailler, tout en préservant la reddition de comptes indispensable dans la fonction publique, d’une manière qui leur permette d’être créatifs et novateurs, de sortir des silos, de mettre en commun leurs fonds et de fusionner leurs mandats. Autrement dit, il faut adopter des approches holistiques23.

Cela nécessite un niveau de coordination que le gouvernement fédéral est le mieux à même d’assurer, selon le Sous-comité. Par conséquent :

RECOMMANDATION 1

Prenant appui sur l’actuelle Stratégie pour les Autochtones vivant en milieu urbain et reconnaissant l’engagement du gouvernement fédéral envers les enfants autochtones, le Sous-comité recommande que :

1.

le gouvernement fédéral confie à l’un de ses ministères la responsabilité de la coordination des politiques de tous les ministères fédéraux offrant des programmes aux Autochtones (à l’intérieur et à l’extérieur des réserves) afin de mieux collaborer avec les gouvernements provinciaux et territoriaux, et au besoin les municipalités24;

2.

les organisations autochtones, à caractère politique et représentant les fournisseurs de services aux Autochtones, soient invitées à participer de manière proactive à une telle initiative;

3.

cette initiative ait pour objet la création d’un cadre intégré pour les politiques et programmes fédéraux visant le développement des jeunes enfants autochtones, qu’ils vivent à l’intérieur ou à l’extérieur des réserves, et ce, de la période prénatale jusqu’à l’âge de douze ans.

FAIRE FOND SUR L’EXPERTISE ACTUELLE DE LA COMMUNAUTÉ AUTOCHTONE URBAINE

Un grand nombre d’organisations politiques représentent, à l’échelle nationale et provinciale/territoriale, différents segments de la population autochtone du Canada : Premières nations, Inuits, Métis et Indiens non inscrits, ainsi que des groupes de femmes autochtones à l’intérieur de chacun de ces segments. De nombreuses organisations offrent également des services aux Autochtones vivant en milieu urbain. L’Association nationale des centres d’amitié compte le réseau le plus vaste de centres de service aux Autochtones du Canada, mais il n’en reste pas moins que des services leur sont offerts par de nombreuses autres organisations qui peuvent être affiliées ou non à un organisme national, comme les écoles, les centres de santé autochtones, les fournisseurs de logement à but non lucratif, les organismes communautaires et les services de protection de l’enfance autochtone.

Le Sous-comité s’est laissé dire que même s’il est important que les organisations politiques autochtones participent à l’élaboration des programmes destinés aux enfants autochtones vivant en milieu urbain, ces organisations ne sont pas toujours parfaitement au fait des questions liées à la prestation des services. Par conséquent, il a été donné à entendre que les programmes seraient mieux adaptés si les fournisseurs de services aux Autochtones étaient invités à participer à l’élaboration des programmes et des cadres d’évaluation. Nous reconnaissons qu’il est difficile pour les ministères du gouvernement de choisir les fournisseurs de services qu’il y aurait lieu de consulter, mais nous sommes quand même d’avis qu’il serait possible d’identifier des organisations ayant une expertise pertinente de la prestation des services dans un domaine de programmes donné.

RECOMMANDATION 2

Le Sous-comité recommande que tous les ministères du gouvernement fédéral offrant des programmes aux familles et aux enfants autochtones vivant en milieu urbain veillent à ce que les prestataires de services aux Autochtones soient consultés à propos de l’élaboration, de la mise en œuvre et de l’évaluation des programmes.

STRATÉGIE POUR LES AUTOCHTONES VIVANT EN MILIEU URBAIN

C’est en 1998 que le gouvernement fédéral a lancé la Stratégie pour les Autochtones vivant en milieu urbain (SAMU) afin de tenter de répondre aux besoins socioéconomiques grandissants d’un grand nombre d’Autochtones vivant en milieu urbain. Les objectifs de la SAMU étaient de mieux sensibiliser les intervenants aux besoins des Autochtones vivant en milieu urbain, d’améliorer l’accès aux programmes et services fédéraux, et d’améliorer les rapports horizontaux à la fois entre les différents ministères fédéraux et avec les autres intervenants comme les provinces, les municipalités et le secteur privé. La SAMU a été renouvelée pour une période de deux ans dans le budget de 2003 et des crédits de 17 millions de dollars ont été débloqués pour des projets pilotes visant à explorer de nouvelles façons de mieux répondre aux besoins des Autochtones vivant en milieu urbain. Ces projets pilotes sont en cours d’élaboration et porteront sur des questions spécifiques choisies par chacune des huit villes participantes.

Des témoins nous ont souligné l’importance des programmes de développement de la petite enfance pour garantir ultérieurement la santé et le bien-être des enfants et de leurs parents. Dans un mémoire soumis antérieurement au Sous-comité, le Dr Fraser Mustard avait souligné l’importance de la petite enfance pour le développement du cerveau et les répercussions que cette période pouvait avoir sur la santé, l’apprentissage et le comportement futurs des enfants. Il avait souligné la nécessité d’accroître et d’intégrer les ressources consacrées au développement des jeunes enfants, aux centres de formation des parents dans les communautés autochtones et aux enfants autochtones dans les centres urbains. Cette idée a été renforcée par d’autres témoins entendus par le Sous-comité, dont certains proposaient un regroupement des services à l’enfance dans des garderies ou des écoles de la communauté.

Je suis de plus en plus convaincue que les collectivités autochtones sont tout à fait prêtes à se mobiliser autour de l’idée du bien-être des enfants de 0 à 12 ans. Les programmes centrés sur le bien-être des enfants constituent des véhicules efficaces pour la prestation de services multisectoriels. Les programmes comme le Programme d’aide préscolaire aux Autochtones, constituent de bons éléments de base, et le modèle des écoles communautaires, au niveau des 6 à 12 ans et au-delà, réussit brillamment à mobiliser la collectivité. Je pense que les stratégies de mobilisation de la collectivité revêtent une importance cruciale25.

C’est généralement ce que nous avons recommandé pour un modèle d’école communautaire incluant le développement du jeune enfant de même que l’éducation élémentaire et secondaire, sans oublier des services relatifs au développement du jeune enfant et le réseau de la maternelle à la 12e année, les éléments relatifs à la santé et aux services dentaires dont il a été question, les services sociaux, les tentatives de règlement des problèmes avant qu’ils n’éclatent, de façon qu’on puisse intervenir avant que les choses n’aillent trop loin et n’entraînent l’éclatement des familles26.

Compte tenu de la proportion élevée de parents célibataires dans les communautés autochtones urbaines et de leur très grande pauvreté, les programmes de développement de la petite enfance et les écoles communautaires constitueraient des centres naturels autour desquels pourraient venir se greffer différents services. Étant donné la très grande mobilité des enfants autochtones, nous sommes d’avis que la mise sur pied de centres polyvalents en milieu urbain aurait également des retombées positives pour les enfants vivant en milieu rural. Vu les obstacles importants à l’obtention des services voulus qui ont déjà été décrits dans le présent rapport, nous estimons que la Stratégie pour les Autochtones vivant en milieu urbain constitue un outil idéal pour regrouper les fournisseurs de services à l’intention des enfants autochtones de manière à utiliser ces services pour amener les gens à s’adresser aux programmes appropriés et à un «  centre polyvalent  » auquel pourront être greffés ces services27.

Le gouvernement, dans sa réponse à Miser sur le succès, s’est engagé à appuyer un certain nombre de projets pilotes pour évaluer des aspects clés de la coordination et de l’intégration horizontales des programmes de développement de la petite enfance dans les réserves. Nous estimons que la Stratégie pour les Autochtones vivant en milieu urbain nous fournit l’occasion d’étendre cette coordination aux services destinés aux enfants autochtones vivant en milieu urbain.

RECOMMANDATION 3

Nous recommandons que des mesures soient prises afin d’élaborer un projet pilote sur les services offerts aux enfants dans le cadre des projets pilotes de la Stratégie pour les Autochtones vivant en milieu urbain.

1.

Comme nous reconnaissons que ces projets pilotes doivent être déterminés par la communauté, nous exhortons le Bureau du Conseil privé à inviter des représentants des services aux enfants aux rencontres préliminaires dans les villes où ces projets pilotes n’ont pas encore été définis. Ces services comprennent entre autres les services à l’enfance et à la famille, les services de développement de la petite enfance et les écoles.

2.

Comme nous reconnaissons que de nombreux parents autochtones en milieu urbain éprouvent de la difficulté à gérer les différences entre les domaines de compétence fédérale et provinciale dans leurs va-et-vient entre les réserves et la ville, nous recommandons donc que l’évaluation des projets pilotes menés dans le cadre de la Stratégie pour les Autochtones vivant en milieu urbain comprenne des indicateurs d’une meilleure collaboration concernant les problèmes de compétences et de ressources relatifs aux programmes et aux fonds destinés aux enfants ayant des besoins complexes, comme les enfants handicapés et les enfants souffrant de troubles émotifs ou médicaux. Nous recommandons également que cette évaluation permette de déterminer dans quelle mesure les fonds ont donné des résultats concrets et significatifs pour les familles autochtones vivant en milieu urbain.

3.

On a souligné au Sous-comité l’importance de s’assurer que les projets de collaboration conservent un caractère communautaire et visent des objectifs définis par les communautés. Nous exhortons donc le Bureau du Conseil privé à s’assurer que les partenaires de la communauté participant aux projets pilotes de la Stratégie pour les autochtones vivant en milieu urbain jouent un rôle clé dans la définition de la stratégie et des objectifs sur lesquels seront évalués ces projets pilotes.

4.

Le Sous-comité exhorte le Bureau du Conseil privé à collaborer avec ses partenaires fédéraux de manière à adopter à l’échelle nationale les méthodes de collaboration entre les différents ministères fédéraux qui pourraient être établies dans ces divers projets pilotes.

LES DÉFIS RELATIFS AUX POLITIQUES PUBLIQUES

Lors de notre étude sur les enfants autochtones vivant en milieu urbain, on a souvent rappelé que les diverses sphères de compétence devaient collaborer entre elles et qu’il fallait tenir des consultations concernant les différentes politiques, mais on nous a également souligné les défis spécifiques qui se posent dans tout un éventail de domaines, notamment les soins de santé, la protection de l’enfance, l’éducation, la culture et les enfants handicapés.

La santé

L’an dernier, Statistique Canada a publié les résultats de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes concernant l’état de santé, les comportements ayant un effet sur la santé et la consommation de soins de santé des Autochtones vivant hors réserve et donc dans des villes et villages de tout le pays. Ces résultats montraient que les Autochtones vivant en milieu urbain étaient en moins bonne santé que le reste de la population28. Or, des témoins nous ont indiqué que la santé et le bien-être des enfants sont étroitement liés à la santé et au bien-être des parents, et ils ont souligné qu’il faut concevoir des programmes globaux répondant aux besoins des parents tout en fournissant les services voulus pour favoriser le développement normal de leurs enfants.

La protection de l’enfance

Par organismes responsables de la protection de l’enfance, on entend habituellement les services sociaux de l’État qui veillent à protéger les enfants contre la négligence, les abus et l’exploitation, et à favoriser leur bien-être. Ces organismes prennent des mesures comme les programmes de prévention, et les retraits volontaires ou forcés d’enfants à risque. On nous a informés que les enfants autochtones étaient surreprésentés dans la clientèle des organismes de protection de l’enfance. Le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien (MAINC) estime que les enfants autochtones sont de quatre à six fois plus susceptibles que leurs homologues non autochtones d’être confiés aux services de protection de l’enfance. Ce qui est encore plus inquiétant, c’est que le nombre des enfants autochtones confiés aux services d’aide à l’enfance et à la famille continue d’augmenter de manière spectaculaire. Un rapport du MAINC indique que le pourcentage des enfants d’Indiens inscrits vivant dans les réserves qui étaient confiés aux services de protection de l’enfance est passé de 4 % en 1994-1995 à 6 % en 2000-200129.

Il est largement reconnu que nous assistons aujourd’hui aux effets intergénérationnels des interventions passées dans les familles autochtones, notamment en ce qui concerne les pensionnats et le très grand nombre d’enfants autochtones qui avaient été pris en charge par les services de protection de l’enfance au début des années 1950. Le Sous-comité a appris que tous ces événements ont entraîné une érosion de la compétence des parents, en particulier de leurs compétences fondées sur les connaissances et la culture traditionnelles. Des témoins nous ont souligné qu’il n’existe pas suffisamment de programmes de prévention pour appuyer les parents autochtones vivant en milieu urbain ou pour préparer les familles en prévision du retour des enfants; que les services spécialisés offerts aux enfants en famille d’accueil ne leur sont pas accessibles lorsque ces enfants vivent avec leurs parents biologiques; et qu’on n’offre pas assez de services aux parents qui cherchent d’eux-mêmes à obtenir de l’aide pour éviter des situations d’abus.

Frustrée du soutien financier insuffisant des services de prévention, une témoin a déclaré ce qui suit :

Si nous persistons à tenter de résoudre les problèmes des enfants et des jeunes Autochtones en nous contentant de leur offrir des services qui gèrent les symptômes plutôt que de s’attaquer aux causes étiologiques, nous serons encore ici dans 30 ans à discuter de ces statistiques tragiques30.

On nous a parlé de programmes de prévention qui doivent renvoyer chez elles des mères célibataires adolescentes qui sont en situation de crise parce qu’ils ne disposent pas du personnel voulu pour les aider. Des employés d’un foyer de placement familial nous ont déclaré qu’ils ne disposaient pas de suffisamment de ressources pour travailler avec les parents afin de les aider à acquérir les compétences nécessaires pour reprendre une vie normale avec leurs enfants. Nous avons appris que des enfants étaient confiés à des services de protection de l’enfance afin de pouvoir avoir accès à des services spécialisés de soutien des personnes handicapées dont le coût n’est pas remboursé dans le cas des familles biologiques. Voici d’ailleurs ce qu’un témoin travaillant dans le domaine du placement familial nous a déclaré :

Pour ce qui est du counseling, il suffit de placer un enfant dans une famille d’accueil pour qu’il bénéficie immédiatement de séances de counseling; par contre, lorsqu’un parent biologique recherche ces services ou ce financement pour que les enfants restent avec lui, il n’y a pas accès31.

Habituellement, le gouvernement fédéral finance les services de protection de l’enfance offerts aux enfants autochtones vivant dans les réserves tandis que les gouvernements provinciaux et territoriaux financent les services offerts à l’extérieur des réserves. Au cours de la dernière décennie, les Autochtones ont progressivement pris en mains les services de protection de l’enfance offerts dans les réserves, ce qui a entraîné la création de plus d’une centaine d’organismes des Premières nations chargés de fournir des services à l’enfance et à la famille, mais ces divers organismes doivent respecter les lois fédérales et provinciales. Afin de tenter d’adapter le plus possible à la culture de la clientèle les services de protection de l’enfance, les pressions se sont faites de plus en plus fortes afin qu’on reconnaisse aux Premières nations le droit de gérer ces services.

Le Sous-comité a été heureux d’apprendre que certains de ces organismes des Premières nations chargés de fournir des services à l’enfance et à la famille sont en train de prendre en mains les services fournis en milieu urbain. Dans certaines villes, des organismes autochtones entièrement autonomes sont en voie d’être constitués. L’Initiative de protection de l’enfance qui a été prise par le Manitoba permettra bientôt à certaines familles autochtones vivant en milieu urbain d’obtenir des services d’un organisme autochtone. La province autorisera en effet un organisme de protection de l’enfance des Premières nations à fournir des services à des familles des Premières nations vivant à l’extérieur des réserves, et reconnaîtra la compétence à l’échelle provinciale d’une organisation métisse de protection de l’enfance qui s’occupera de fournir des services à sa clientèle.

Certains enfants autochtones doivent quitter leur réserve pour être placés en famille d’accueil. Le Sous-comité a appris que des services préventifs de développement de la petite enfance offerts dans les réserves peuvent fournir le soutien nécessaire aux familles de la réserve pour empêcher que leurs enfants ne soient placés dans des familles d’accueil :

Ce que nous avons constaté dans les recherches que j’effectue, c’est que certains des enfants qui ont été confiés au service de protection de l’enfance et confiés, à titre temporaire ou indéfini, à des maisons d’accueil hors réserve ont pu demeurer dans la collectivité en raison du continuum de service grâce à l’amélioration d’un modèle de développement de la petite enfance utilisé comme point central32.

Ainsi, la qualité des services à l’enfance et à la famille fournis dans les réserves a des répercussions sur le nombre d’enfants qui doivent quitter leur réserve pour être placés en famille d’accueil à l’extérieur de leur communauté. Plusieurs témoins ont souligné qu’il faut renforcer les mesures de prévention afin de réduire le nombre d’enfants autochtones placés en famille d’accueil. Cette observation figurait également dans le rapport final de la L’examen mixte national de la politique sur les services à l’enfance et à la famille des Premières nations menée par l’Assemblée des Premières nations, des représentants des services à l’enfance et à la famille des Premières nations et le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien33. Comme les services à l’enfance et à la famille des Premières nations développent leurs moyens d’action, certains commençant à desservir des régions urbaines, et sont sensibles aux effets dévastateurs des bouleversements passés des familles autochtones,

RECOMMANDATION 4

Le Sous-comité rappelle la recommandation formulée dans L’examen mixte national de la politique sur les services à l’enfance et à la famille des Premières nations voulant que les formules de financement du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien (MAINC) pour les services à l’enfance et à la famille des Premières nations soient réexaminées afin de reconnaître l’importance des services de prévention, des nouveaux programmes et des mesures les moins perturbatrices/envahissantes possibles pour les enfants à risque. Il est en outre recommandé que le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien cherche à obtenir des fonds afin de financer ce genre de programmes par l’entremise des crédits accordés à ces services.

L’éducation

Des services d’éducation sont offerts aux jeunes enfants autochtones vivant en milieu urbain par l’entremise du Programme d’aide préscolaire aux Autochtones dans les collectivités urbaines et nordiques de Santé Canada. Le gouvernement fédéral est responsable du financement des écoles des Premières nations dans les réserves, mais environ 40 % des enfants autochtones vivant dans des réserves fréquentent des écoles provinciales situées à l’extérieur de la réserve. Le gouvernement fédéral transfert donc certains fonds à ces écoles provinciales pour offrir ces services. Les enfants autochtones qui vivent à l’extérieur des réserves sont la responsabilité du réseau scolaire provincial qui ne reçoit alors aucun remboursement du gouvernement fédéral.

Le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien (MAINC) a établi en 2002 un Groupe de travail national sur l’éducation qui était chargé de procéder à un examen approfondi de l’éducation des Premières nations au Canada. Ce Groupe de travail a présenté son rapport intitulé Nos enfants — Gardiens du savoir sacré, en décembre 2002. La majorité des recommandations visaient le Programme d’éducation primaire et secondaire du MAINC, mais certains des problèmes soulevés concernaient également l’éducation des enfants autochtones vivant en milieu urbain. Ce rapport traitait notamment de la sous-représentation marquée des peuples autochtones au sein du personnel enseignant, du racisme dans les écoles, et de la marginalisation des membres des Premières nations dans le programme scolaire.

Dans les régions urbaines, on observe de grandes variations entre les diverses villes pour ce qui est de la capacité du réseau scolaire de combler les besoins des enfants autochtones. Certaines autorités ont établi des écoles autochtones ou mis en œuvre des projets visant à créer un milieu d’apprentissage plus positif pour les enfants autochtones, mais d’autres n’ont adopté aucune disposition spéciale pour leurs élèves autochtones. Il n’existe actuellement aucune directive prévoyant la prestation de services spécifiques aux Autochtones dans les écoles situées en dehors des réserves lorsqu’un grand nombre d’enfants autochtones y sont inscrits.

Le maintien de l’identité culturelle

On a, à de nombreuses reprises, souligné au Sous-comité que le maintien de l’identité culturelle des enfants autochtones vivant en milieu urbain et de leurs familles est crucial pour promouvoir l’estime de soi, en particulier dans une société où leur culture n’est pas valorisée. Plusieurs témoins ont indiqué qu’il fallait établir des programmes culturellement adaptés qui seraient appliqués par des fournisseurs de services autochtones dans des domaines comme les services à l’enfance et à la famille, l’éducation des jeunes enfants et les loisirs.

… très peu de ces services de prévention ciblés destinés aux enfants et aux jeunes Autochtones sont adaptés à leur réalité culturelle, et cela en dépit du nombre disproportionné d’enfants et de jeunes Autochtones qui sont pris en charge. Il est crucial que ces programmes soient conçus et administrés par des personnes qui comprennent les langues, les cultures et les traditions des personnes qu’ils aident34.

Les enfants handicapés

Il y a deux fois plus de personnes handicapées au sein des peuples autochtones que dans le reste de la population canadienne. Pour les jeunes de 15 à 24 ans, cette proportion est trois fois plus élevée que pour les autres jeunes.

Certains estiment aussi que le taux de syndrome d’alcoolisme fœtal (SAF) est de trois à trente fois plus élevé chez les enfants autochtones qu’il ne l’est chez leurs équivalents non autochtones. Des témoins ont précisé au Sous-comité que le SAF n’est pas considéré comme une déficience dans toutes les sphères de compétence, ce qui empêche certains enfants atteints de cette maladie d’avoir accès aux services d’aide voulus.

Les problèmes qui affligent les enfants autochtones handicapés ont déjà été cernés dans le passé, mais ils subsistent néanmoins. Ainsi, le Groupe de travail fédéral sur les personnes handicapées de 1996 a souligné que «  l’absence de services à l’intention des personnes handicapées vivant dans les réserves force souvent les Autochtones à quitter leurs communautés pour obtenir l’aide voulue. Une fois à l’extérieur de la réserve, les Autochtones handicapés doivent surmonter des obstacles liés au partage des compétences pour obtenir les services et l’aide dont ils ont besoin  ». Le Sous-comité a aussi appris qu’un grand nombre d’enfants autochtones handicapés sont confiés aux services de protection de la jeunesse afin de pouvoir bénéficier de l’aide qu’ils ne peuvent recevoir en demeurant avec leurs familles biologiques.

LES PROGRAMMES DU GOUVERNEMENT FÉDÉRAL VISANT À VENIR EN AIDE AUX ENFANTS AUTOCHTONES VIVANT EN MILIEU URBAIN

Des témoins ont louangé les programmes du gouvernement fédéral destinés à fournir des services aux enfants autochtones vivant en milieu urbain, notamment le Programme d’aide préscolaire aux Autochtones dans les collectivités urbaines et nordiques, le Programme d’action communautaire pour les enfants (PACE), et le Programme canadien de nutrition prénatale (PCNP). Ils nous ont exhortés à reconnaître la valeur de ces programmes qui visent à favoriser l’éducation et le développement physique, culturel et spirituel des enfants autochtones tout au long de leur enfance.

Programme d’aide préscolaire aux Autochtones dans les collectivités urbaines et nordiques

Mis sur pied par Santé Canada en 1995, le Programme d’aide préscolaire aux Autochtones dans les collectivités urbaines et nordiques est un programme d’intervention précoce auprès des enfants autochtones de zero à six ans et de leurs familles. Le programme est centré sur les projets préscolaires comprenant des éléments liés à la culture et à la langue, à l’éducation, à la promotion de la santé, à la nutrition, au soutien social et à l’engagement parental. On nous a informés que ce programme ne répond qu’à une petite proportion des besoins des enfants autochtones d’âge préscolaire puisqu’il ne fournit actuellement que 3 500 places dans l’ensemble du pays. Un accroissement des crédits pour l’exercice 2003-2004 entraînera la création de 1 000 places supplémentaires, mais cette mesure demeurera largement insuffisante pour répondre à la demande dans la plupart des centres urbains de l’Ouest canadien.

Les recherches menées sur l’éducation des jeunes enfants et les soins à leur prodiguer ont démontré que la qualité des programmes est fortement liée aux salaires, à la compétence et au taux de rétention du personnel. Le Sous-comité est préoccupé par le fait que le financement du Programme d’aide préscolaire aux Autochtones n’était pas indexé, ce qui a entraîné une érosion de la valeur réelle des crédits qui lui ont été consentis.

S’agissant des priorités à donner aux ressources financières, notre première priorité et assurément la principale de notre comité consultatif autochtone consiste à arrêter le grippage des programmes existants. Ces programmes n’ont pas connu d’augmentation depuis plusieurs années déjà. L’inflation fait qu’il leur est de plus en plus difficile de payer le loyer, de payer les services publics, de rémunérer, d’attirer et de conserver du personnel35.

L’effet combiné de la forte croissance de la population et des pressions inflationnistes a entraîné une lente érosion du Programme d’aide préscolaire aux Autochtones dans les collectivités urbaines et nordiques. Plusieurs témoins ont louangé ce programme, mais nous sommes inquiets que ses crédits actuels ne permettent pas de répondre aux besoins. On doit se réjouir de l’augmentation récemment annoncée, mais le programme ne pourra tout de même répondre aux besoins que d’une petite proportion des enfants autochtones vivant en milieu urbain.

RECOMMANDATION 5

Compte tenu que le Programme d’aide préscolaire aux Autochtones dans les collectivités urbaines et nordiques permet réellement de favoriser le développement de la prime enfance à l’aide de projets culturellement adaptés, nous recommandons que :

1.

le financement du Programme d’aide préscolaire aux Autochtones dans les collectivités urbaines et nordiques soit accru, en particulier dans les régions urbaines où les projets en cours comportent de longues listes d’attente;

2.

le financement du Programme d’aide préscolaire aux Autochtones dans les collectivités urbaines et nordiques soit indexé au taux d’inflation de sorte qu’on puisse offrir des services uniformes pendant toute la durée d’un projet.

Programme d’action communautaire pour les enfants (PACE) et Programme canadien de nutrition prénatale (PCNP)

Le Programme d’action communautaire pour les enfants (PACE), dont la prestation relève des bureaux régionaux de Santé Canada, finance des groupes communautaires désireux d’établir et de fournir des services pour répondre aux besoins de développement des enfants à risque de 0 à 6 ans. De nombreuses provinces ont affecté les fonds de ce programme de manière spécifique aux enfants autochtones.

Santé Canada gère également le Programme canadien de nutrition prénatale (PCNP), un programme communautaire complet venant en aide aux femmes enceintes qui se trouvent dans des situations menaçant leur santé et le développement de leurs bébés. Ce programme est conçu en particulier pour répondre aux besoins des femmes enceintes les plus susceptibles de donner naissance à des bébés de santé déficiente, notamment les femmes autochtones.

Les représentants d’organisations financées par l’entremise de ces programmes nous ont précisé qu’ils étaient incapables de répondre à la demande. Compte tenu de l’importance que revêtent les premières années de vie pour la santé et le bien-être futurs des enfants, il est particulièrement préoccupant qu’on ne puisse fournir le soutien voulu aux jeunes enfants et à leurs familles. Par conséquent :

RECOMMANDATION 6

Nous recommandons d’accroître les fonds consacrés au Programme d’action communautaire pour les enfants (PACE) et au Programme canadien de nutrition prénatale (PCNP), en particulier dans les régions urbaines comptant une forte proportion d’Autochtones.

Les lacunes dans les services destinés aux enfants de 6 à 12 ans

On s’entend généralement pour affirmer que c’est entre 6 et 12 ans que les enfants commencent à établir des relations sociales à l’extérieur de l’unité familiale. Par conséquent, il est important de fournir aux enfants de ce groupe d’âge les ressources nécessaires pour participer à des activités récréatives positives à l’extérieur du foyer.

Plusieurs témoins ont souligné qu’il n’existait aucun programme de financement national pour combler les besoins des enfants autochtones de 6 à 12 ans en matière d’activités récréatives. On a plusieurs fois mentionné le Little Beavers Program, un programme qui a remporté énormément de succès auprès de ce groupe d’âge et qui était géré par le gouvernement de l’Ontario jusqu’au milieu des années 1990. Ce programme visait à combler les besoins spéciaux des enfants autochtones vivant en milieu urbain en reconnaissant le fait que cette clientèle avait tendance à ne pas participer aux programmes réguliers comme ceux des scouts ou des guides. Ce programme avait été conçu et a été modifié au fil des ans afin d’offrir un programme culturellement adapté de développement et d’orientation des enfants de 5 à 16 ans. Des témoins ont souligné l’importance que ce programme avait revêtu pour éveiller le leadership au sein des jeunes Autochtones vivant en milieu urbain et ont décrit de manière éloquente les différences notables observées dans le dynamisme des jeunes qui ont grandi sans cette forme d’aide.

Les programmes Bon départ, PACE et PCNP visent les 0 à 6 ans36. Les centres urbains polyvalents pour les jeunes Autochtones s’adressent quant à eux aux jeunes de 13 à 24 ans. Aucun de nos centres d’amitié situés en région urbaine n’offre des programmes destinés aux 6 à 12 ans. Le programme Little Beavers était un programme de prévention qui contribuait à garder les enfants hors de la rue. Il leur enseignait comment se tenir loin de ce qui allait interrompre leur vie, comme les drogues et l’alcool. Maintenant, il n’existe plus aucun programme s’adressant aux 6 à 12 ans dans nos centres d’amitié. C’est un véritable problème37.

L’Initiative des centres urbains polyvalents pour les jeunes Autochtones est un projet quinquennal financé par l’entremise du ministère du Patrimoine canadien afin d’offrir aux jeunes Autochtones des projets et activités qui sont culturellement adaptés et fondés sur les collectivités autochtones. Cette initiative vise à soutenir les jeunes Autochtones de 15 à 25 ans qui souhaitent améliorer leurs perspectives économiques, sociales et personnelles. Des témoins nous ont indiqué que ce programme avait eu d’excellents résultats. Nous aimerions nous assurer que les avantages des programmes culturels et récréatifs soient étendus aux enfants se trouvant à un âge les plaçant entre les programmes préscolaires et l’Initiative concernant les centres urbains polyvalents pour les jeunes Autochtones.

RECOMMANDATION 7

Reconnaissant l’importance de la phase intermédiaire de l’enfance (de 6 à 12 ans) et les lacunes qui existent dans les programmes destinés aux enfants autochtones de ce groupe d’âge qui vivent en milieu urbain, nous recommandons que le ministère du Patrimoine canadien mette sur pied un programme destiné aux enfants autochtones de 6 à 12 ans vivant en milieu urbain. Il devrait s’agir d’un programme assurant la continuité des programmes destinés à la première enfance et fournissant des services d’orientation et de développement culturellement adaptés qui donnent aux enfants l’occasion de faire des expériences leur permettant de développer une forte personnalité, d’acquérir un sentiment d’accomplissement et de respect, et d’apprécier le patrimoine et les valeurs autochtones. Ce programme pourrait s’inspirer de l’Initiative des centres urbains polyvalents pour les jeunes Autochtones du ministère du Patrimoine canadien, qui a été un succès.

Initiative sur le syndrome d’alcoolisme fœtal et les effets de l’alcool sur le fœtus (SAF/EAF)

Des études préliminaires indiquent que les taux de SAF/EAF observés dans certaines communautés autochtones pourraient être beaucoup plus élevés que dans le reste de la population. L’Initiative sur le syndrome d’alcoolisme fœtal et les effets de l’alcool sur le fœtus (SAF/EAF) cherche à prévenir le SAF/EAF et à réduire ses effets dévastateurs sur les enfants, les familles et les communautés. Pour ce faire, on cherche à développer des programmes de prévention et d’intervention précoce, à améliorer la formation des fournisseurs de services, à développer des outils de dépistage pratiques et à améliorer le soutien que les parents et soignants fournissent aux familles aux prises avec le SAF/EAF.

Des témoins se sont inquiétés que la récente augmentation des fonds consacrés à cette initiative ne permette pas de mettre de côté des crédits pour les fournisseurs de services aux Autochtones vivant en milieu urbain, ce qui force les fournisseurs de services à concurrencer les programmes destinés à la population en général en vue de l’obtention des crédits. Cette situation fait de nouveau ressortir l’importance de tenir compte de la pertinence culturelle des programmes destinés aux enfants de la population générale, en particulier lorsqu’il existe des disparités entre les indicateurs de bien-être des enfants.

CHAMPS DE COMPÉTENCE

RECOMMANDATION 8

Le Sous-comité recommande que toutes les mesures visées par ce rapport tiennent compte des champs de compétence directs des provinces, dans le but de respecter diverses ententes conclues entre les provinces et le gouvernement fédéral, ainsi que pour assurer qu’il y ait négociation sur toute mesure future, tel le regroupement des services à l’enfance dans les garderies ou les écoles ou toute négociation concernant les municipalités, prévue par le gouvernement fédéral.

Il est important que le gouvernement fédéral respecte toute entente déjà conclue avec certaines provinces et qu’il obtienne la coopération et l’approbation des provinces, par l’entremise d’ententes bilatérales ou autres, pour toute mesure future qui toucherait une compétence directe des provinces.

Le Sous-comité souligne que toutes les mesures visées par ce rapport se doivent d’être appliquées par les gouvernements fédéral et provinciaux dans le respect de l’Accord sur l'union sociale conclu le 4 février 1999, sauf dans le cas du Québec, puisqu’il n’est pas signataire de cet accord.

CONCLUSION

Globalement, les témoins se sont déclarés très satisfaits des programmes du gouvernement fédéral destinés aux enfants autochtones vivant en milieu urbain. Les principaux défis que nous devons maintenant relever concernent la pertinence de ces programmes, l’élimination des cloisons entre les ministères et les paliers de gouvernement, et l’acceptation de l’idée que les enfants autochtones vivant en milieu urbain requièrent des programmes tenant compte de leurs réalités socioéconomiques et culturelles.

Le Sous-comité est encouragé par l’espoir, la force et le dévouement manifestés par les communautés autochtones en milieu urbain qui travaillent de manière innovatrice à assurer un avenir meilleur à leurs enfants. Nous reconnaissons qu’il est important que le gouvernement fédéral prenne l’initiative d’établir un climat propice au développement de programmes autochtones destinés aux enfants et familles vivant en milieu urbain et ce, tant sur le plan politique qu’administratif. Les recommandations formulées dans le présent rapport sont fondées sur cette prémisse. Nous aimerions accorder le mot de la fin au chef national de l’Assemblée des Premières nations qui nous a déclaré ce qui suit :

Notre population est jeune et croissante. Nos enfants représentent la main-d’œuvre de demain, les dirigeants de demain, les entrepreneurs, les innovateurs et les capitaines d’industrie. L’avenir du Canada passe par le bien-être de nos enfants. Nous ne pouvons les laisser englués dans une toile que nous avons nous-mêmes tissée et que nous laissons se perpétuer. Le bien-être de nos enfants, de leurs enfants, et l’avenir du Canada en dépendent38.


5Les régions urbaines sont définies dans le recensement comme étant des agglomérations de plus de 1 000 habitants.
6SCYR, Témoignage, Mme Deborah Wright (Congrès des peuples autochtones), 5 février 2003 (1530).
7SCYR, Témoignage, M. Calvin Hanselmann (Canada West Foundation), 12 février 2003 (1700).
8SCYR, Témoignage, l’honorable Ralph Goodale (interlocuteur fédéral auprès des Métis et des Indiens non inscrits), 19 février 2003 (1520).
9Rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones, volume 4, p. 624.
10SCYR, Témoignage, Mme Cindy Blackstock (First Nations Child and Family Caring Society of Canada), 26 mars 2003 (1605).
11SCYR, Témoignage, Mme Veronica Dewar (présidente de Pauktuutit), 12 février 2003 (1635).
12SCYR, Témoignage, Mme Nadine Egler-Wiome (Rainbow Youth Centre), 30 avril 2003 (1615).
13Le gouvernement du Québec n’a pas signé l’Accord fédéral-provincial-territorial sur le développement de la petite enfance. Il reçoit sa part des fonds du gouvernement du Canada pour les programmes et services de développement de la petite enfance par le biais du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux (TCSPS).
14Rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones, volume 3, chapitre 2, section 1.1.
15SCYR, Témoignage, Mme Nadine Egler-Wiome (Rainbow Youth Centre), 30 avril 2003 (1615).
16Santé Canada, Document d’information — Améliorer la santé des Autochtones du Canada.
17SCYR, Témoignage, l’honorable Ralph Goodale (interlocuteur fédéral auprès des Métis et des Indiens non inscrits), 19 février 2003 (1525).
18L’Enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes est une étude à long terme des enfants canadiens, menée conjointement par Statistique Canada et Développement des ressources humaines Canada, pour évaluer leur développement et leur bien-être de la naissance au début de la vie adulte.
19Susan Dahinten et J. Douglas Willms, «  The Effects of Adolescent Child-Bearing on Children’s Outcomes  », sous la dir. de J. Douglas Willms, Vulnerable Children, 2002. p. 249.
20Ibid. p. 256.
21SCYR, Témoignage, Mme Nadine Egler-Wiome (Rainbow Youth Centre),  30 avril 2003 (1620).
22SCYR, Témoignage, M. Calvin Hanselmann (Canada West Foundation), 12 février 2003 (1655).
23SCYR, Témoignage, M. Calvin Hanselmann (Canada West Foundation), 12 février 2003 (1650).
24Le Sous-comité reconnaît que les municipalités relèvent des provinces et choisit donc de ne pas préciser quand il faudrait collaborer avec celles-ci concernant les programmes intergouvernementaux destinés aux Autochtones vivant en milieu urbain.
25SCYR, Témoignage, Dre Jessica Ball (Université de Victoria), 9 avril 2003 (1630).
26SCYR, Témoignage, Mme Christa Williams (First Nations Education Steering Committee), 9 avril 2003 (1650).
27Cette idée de se servir des services de développement de la petite enfance pour orienter les gens vers un «  centre polyvalent  » a été présentée par Dre Jessica Ball, coordonnatrice des programmes de partenariat des Premières nations et professeure à l’école des services de garde et des soins aux jeunes de l’Université de Victoria.
28Statistique Canada, Le Quotidien. Le 27 août 2002.
29Ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, Données ministérielles de base 2001, p. 50.
30SCYR, Témoignage, Mme Cindy Blackstock (First Nations Child and Family Caring Society of Canada), 26 mars 2003 (1540).
31SCYR, Témoignage, Mme Claudette deWitt (Ben Calf Robe Society), 19 mars 2003 (1610).
32SCYR, Témoignage, Mme Jessica Ball (Université de Victoria), 9 avril 2003 (1645).
33Dre Rose-Alma McDonald et Dr Peter Ladd, et coll., L’examen mixte national de la politique sur les services à l’enfance et à la famille des Premières nations Rapport final. Assemblée des Premières nations/ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Juin 2000, p. 120.
34SCYR, Témoignage, Mme Cindy Blackstock (First Nations Child and Family Caring Society of Canada), 26 mars 2003 (1540)
35SCYR, Témoignage, M. Gary Ledoux (Santé Canada), 29 janvier 2003 (1640).
36Veuillez noter que les programmes financés dans le cadre du PACE au Manitoba et au Québec ont élargi les critères d’admissibilité, grâce à un protocole d’entente, de manière à inclure les services offerts aux enfants âgés de 6 à 12 ans.
37SCYR, Témoignage, M. Rick Lobzun (Ontario Federation of Indian Friendship Centres, Association nationale des centres d’amitié), 5 février 2003 (1545).
38SCYR, Témoignage, chef Matthew Coon Come (chef national, Assemblée des Premières nations), 12 février 2003 (1525).