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NDDN Rapport du Comité

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COMITÉ PERMANENT DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES ANCIENS COMBATTANTS

OPINION COMPLÉMENTAIRE DU BLOC QUÉBÉCOIS

Acquisition des sous-marins britanniques :
Un achat insensé

 

INTRODUCTION

Cette opinion complémentaire s’inscrit dans les paramètres fixés par le Comité permanent de la Défense et des Anciens combattants au début de l’étude se rapportant aux sous-marins. Il nous semble important de les rappeler :

  1. Évaluation des besoins en matériel des Forces canadiennes
  2. Le processus d’acquisition
  3. Le processus de prise de décision
  4. La formation des sous-mariniers canadiens

Les recommandations du Comité font largement état des paramètres 2 et 4. En voici la ventilation:

  • Formation (3 recommandations)
  • Acquisition (5 recommandations)
  • Politique de la Défense (1 recommandation)
  • Accroissement des ressources au Comité (1 recommandation)
  • Modernisation et carénage (1 recommandation)
  • Bilinguisme (1 recommandation)

On constate très vite que le rapport ne tient pas compte de l’évaluation des besoins en matériel des Forces canadiennes, pas plus que du processus de prise de décision.

De plus, dans le rapport, on prend bien soin de documenter le processus d’acquisition sur une base générale, plutôt que sur la base spécifique de l’étude qui nous intéresse, c’est-à-dire les sous-marins. Toutefois, la formation des sous-mariniers, quant à elle, est bien documentée et articulée.

Le Bloc Québécois, dans cette opinion complémentaire, se doit donc d’insister sur l’évaluation du besoin de sous-marins, ainsi que sur le processus de prise de décision, passé inaperçu dans le rapport du Comité.

ÉVALUATION DU BESOIN DES SOUS-MARINS

Au cours de l’étude, des témoins sont venus soutenir devant le Comité la nécessité pour le Canada d’avoir des sous-marins. Le Bloc Québécois tient à réfuter ces arguments.

 

1- Nécessité militaire

 

1.1- Lutte anti-sous-marine

D'aucuns invoquent leur importance pour la lutte anti-sous-marine. Le Bloc Québécois rejette cet argument. En effet, les principales menaces sous-marines étaient d’origine soviétique. Il appert que depuis la fin de la guerre froide, la capacité sous-marine de la Russie est en continuelle régression.

La menace de nos alliés peut-elle être retenue ? Nous n’en sommes pas convaincus. Le Bloc Québécois doute fort de voir un jour un sous-marin allié venir couler un navire canadien,  et réciproquement.

 

1.2- Confrérie sous-marine

D’aucuns invoquent l’importance de faire partie de la confrérie sous-marine pour recueillir des informations sur les plans de navigation dans les eaux canadiennes. L’argumentation invoquée est à deux niveaux. D’une part, éviter les dangers de collision sous-marine et d’autre part, protéger la souveraineté de nos eaux.

Nous rejetons ces arguments. D’abord, si le Canada n’avait pas de sous-marins, il n’y aurait pas de danger de collision. D’autre part, sur la question de la souveraineté, nous pensons que pour l’exercer, il faut être visible et non furtif comme l’exige l’emploi des sous-marins.

Le Bloc Québécois considère qu’il n’est pas nécessaire de posséder des sous-marins pour accéder aux informations sur la présence de navires étrangers dans les eaux canadiennes. Le Canada devrait exiger ne serait-ce que par courtoisie que toute plateforme navale étrangère soit signalée au ministère de la Défense.

 

1.3- Entraînement à la lutte anti-sous-marine

D’aucuns invoquent l’importance des sous-marins canadiens dans l’entraînement de la lutte anti-sous-marine. Comme nous l’avons expliqué plus tôt, le Bloc Québécois ne croit pas à la menace sous-marine. Donc l’argumentation d’un programme de lutte à la menace sous-marine ne peut pas tenir selon nous et ce serait faire payer trop cher aux contribuables canadiens de se doter de sous-marins juste pour entraîner la marine américaine à ce type de lutte.

2- Nécessité constabulaire

Certains témoins ont tenté de convaincre le Bloc Québécois de l’importance des sous-marins pour protéger le littoral de nos côtes et de lutter contre le trafic illicite. Analysons ces deux raisons.

 

2.1- Protection du littoral

Le Bloc Québécois considère qu’il existe une menace réelle d’infiltration d’individus ou de matériel non bienvenus au Canada. Il est vrai aussi que le Canada avec ses trois mers a un immense littoral à protéger. La solution pour le Bloc Québécois réside davantage dans l’utilisation d’avions de reconnaissance et dans les UAV (véhicule non habité) que dans les coûts extravagants des sous-marins.

Le nombre de sous-marins (4) et la superficie du territoire à couvrir, de même que leur vitesse de déplacement, inciterait n’importe quelle personne mal intentionnée à défier le système de détection littoral. Les probabilités de détections étant presque nulles. L’utilisation des UAV cependant seraient beaucoup plus efficace et surtout beaucoup moins coûteuse. Ces appareils ont un rayon d’action et des vitesses de déplacements bien supérieurs à ceux des sous-marins. En augmentant leur nombre, ils peuvent facilement couvrir l’ensemble du littoral et en peu de temps.

 

2.2 Contrôle du trafic illicite navigable

La même explication que la surveillance du littoral s’applique ici. Les navires indésirables, particulièrement sur la côte ouest où un seul sous-marin est opérationnel, ne considèreront pas les sous-marins comme une menace à leurs activités illicites. Cette situation serait différente avec une panoplie de UAV qui seraient en patrouille constante. Leur nombre et leur vitesse d’action auraient un effet dissuasif encore plus fort.

 

3. Nécessité pour la protection de la souveraineté dans le Grand Nord

Ici deux écoles de pensées s’affrontent. Celle qui met de l’avant qu’une présence appréhendée et invisible protégerait la souveraineté et l’autre école qui pense qu’il faut être le plus visible possible pour sauvegarder la souveraineté. Le Bloc Québécois est de la seconde école. D’ailleurs, les Forces canadiennes entreprennent régulièrement des exercices dans le Grand Nord pour souligner haut et fort leur présence. Les mouvements de troupes et les survols constants d’avions de reconnaissance nous semblent un moyen beaucoup plus opportun de claironner sa souveraineté qu’une vague menace invisible.

De plus, comme les sous-marins diesel électriques n’étant pas dotés d’une capacité anaérobique1, il leur est interdit de s’aventurer trop loin sous la calotte polaire.

 

PROCESSUS DE PRISE DE DECISION

 

1. Équipe de négociation faible

Une simple lecture de certaines dispositions nous porte à croire que l’équipe de négociation canadienne a agi avec amateurisme. En effet, les négociateurs ont accepté, dans l’article 13, que ce soit le droit anglais qui régisse le contrat. Ce faisant, ils se plaçaient sur le terrains des Britanniques. Ces négociateurs ont aussi accepté l’article 27.6 qui prévoit qu’en cas de défaut de paiement du Canada, le gouvernement britannique est en droit de résilier le bail et d’exiger la totalité des sommes restant à être versées. Cependant, c’est surtout l’article 34.1 qui pose problème. En effet, il dispense le Royaume-Uni d’offrir des garanties en ce qui concerne la conception et la construction des sous-marins alors que, de son côté, le Canada reconnaît que la conception des sous-marins est éprouvée. Cet article laisse peu de jeu pour d’éventuels recours contre le vendeur.

 

2. Valse de décisions du gouvernement

Bien que le Bloc Québécois soit conscient que le livre blanc de 1994 prévoyait l’achat de sous-marins, il faut quand même prendre note que les députés du Bloc Québécois ont soumis un rapport dissident volumineux sur l’ensemble de cette politique2. À cette époque, le Bloc Québécois s’opposait déjà à l’achat de sous-marins. Depuis longtemps, le Bloc Québécois insiste sur la nécessité de revoir la politique sur la Défense. En effet, si le gouvernement fédéral avait eu une vision à long terme et avait planifié ses achats, il n’aurait pas gaspillé plus de 3/4 de milliard de $ en fonds publics pour ces sous-marins que même le gouvernement australien ne voulait pas !

Ce qui est notable également, c’est la suite de rebondissements négatifs qu’ont entraînés les décisions et non décisions du Premier ministre et du Conseil des ministres.

Les délibérations du Conseil des ministres étant secrètes, il faut quand même se poser plusieurs questions.

D’abord, est-ce qu’il fallait absolument se doter de sous-marins pour remplacer les vieux Obérons? Quelle a été l’évaluation du conseil des ministres en ce qui a trait à l’importance d’une capacité sous-marine?

Est-ce que la marine canadienne a bien renseigné le Conseil des ministres ou était-elle obnubilée par l’obligation de cet achat au point de fermer les yeux sur l’aspect négatif et l’état réel des sous-marins de type Victoria ?

Pourquoi les sous-marins de type Victoria uniquement et ne pas avoir considéré d’autres types de sous-marins de d’autres nations ?

Pourquoi maintenir une capacité sous-marine alors que les budgets du ministère de la Défense étaient considérablement réduits et que d’autres priorités étaient plus essentielles ?

Pourquoi avoir soulevé une possibilité de troc, c’est-à-dire obtenir les sous-marins en échange de l’emploi de nos bases à des fins d’entraînement pour les troupes britanniques, alors que la réalité n’a pas été celle-là ? En effet, le gouvernement fédéral a décidé de payer selon un calendrier de paiements échelonnés sur plusieurs années. Le gouvernement n’a jamais remis les pendules à l’heure à l’effet que le troc n’avait pas eu lieu.

 

LES DERNIERS 100 MILLIONS $

Finalement, le Bloc Québécois a tenté en vain de convaincre le Comité de la nécessité de se garder un levier de négociation en retenant le dernier paiement de 150 millions $ pour une tentative d’entente de gré à gré avec le gouvernement britannique. Le porte-parole à la Défense du Bloc Québécois a même écrit au ministre de la Défense, le 30 mars 2005, pour le convaincre de s’entendre de gré à gré avec son homologue britannique ne pas verser la tranche de 45 millions $ prévu dans le calendrier des paiements. La correspondance est restée lettre morte. Il apparaît important pour le Bloc Québécois de revenir à la charge auprès du ministre canadien de la Défense afin qu’il avise son vis-à-vis britannique que le Canada propose à la Grande-Bretagne l’ouverture de négociation de gré à gré dans le but que la Grande-Bretagne reconnaisse sa responsabilité dans la tournure dramatique des événements et, conséquemment, qu’elle renonce à percevoir les derniers 100 millions$.



1Les systèmes anaérobiques permettent aux sous-marins diesels électriques conventionnels de rester en plongée pendant de plus longues périodes. Normalement, les sous-marins diesel-électrique doivent remonter en surface afin de recharger les batteries à l'aide du moteur diesel, ce qui cause un grand risque de détection car on doit hisser le tube d’air pour permettre l’admission d’air aux moteurs diesel et de mettre en service le système d’évacuation des gaz d’échappement. Avec le système anaérobique cela permet le fonctionnement des moteurs diesel tandis que le sous-marin est entièrement immergé, c.-à-d., sans employer une prise d'air.
2Rapport dissident des députés du Bloc Québécois faisant partie du Comité spécial mixte sur la politique de défense du Canada, dans le rapport de ce comité intitulé La sécurité dans un monde en évolution, octobre 1994, p. 92.