NDDN Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 14 juin 2005
¿ | 0905 |
Le vice-président (M. Rick Casson (Lethbridge, PCC)) |
M. Craig Forcese (professeur adjoint, Faculté de droit, Université d'Ottawa) |
Le vice-président (M. Rick Casson) |
M. Craig Forcese |
¿ | 0910 |
Mme Amy Groothuis (stagiaire en politique étrangère, Faculté de droit, Université d'Ottawa) |
Le vice-président (M. Rick Casson) |
Mme Maya Khakhamovitch (stagiaire en politique étrangère, Faculté de droit, Université d'Ottawa) |
¿ | 0915 |
Le vice-président (M. Rick Casson) |
Mme Amy Awad (stagiaire en politique étrangère, Faculté de droit, Université d'Ottawa) |
Le vice-président (M. Rick Casson) |
Mme Rachel Hird (stagiaire en politique étrangère, Faculté de droit, Université d'Ottawa) |
¿ | 0920 |
Le vice-président (M. Rick Casson) |
Mme Heather Watts (stagiaire en politique étrangère, Faculté de droit, Université d'Ottawa) |
Le vice-président (M. Rick Casson) |
Mme Heather Watts |
¿ | 0925 |
Le vice-président (M. Rick Casson) |
Mme Margot MacPherson Brewer (stagiaire en politique étrangère, Faculté de droit, Université d'Ottawa) |
¿ | 0930 |
Le vice-président (M. Rick Casson) |
L'hon. Judi Longfield (Whitby—Oshawa, Lib.) |
Le vice-président (M. Rick Casson) |
L'hon. Judi Longfield |
Le vice-président (M. Rick Casson) |
Le vice-président (M. Rick Casson) |
M. David Eaves (auteur principal, Canada25) |
Le vice-président (M. Rick Casson) |
M. Simon Robillard-Nicoloff (délégué national, Canada25) |
¿ | 0935 |
M. David Eaves |
¿ | 0940 |
¿ | 0945 |
¿ | 0950 |
Le vice-président (M. Rick Casson) |
M. Gordon O'Connor (Carleton—Mississippi Mills, PCC) |
Le vice-président (M. Rick Casson) |
M. Gordon O'Connor |
Mme Margot MacPherson Brewer |
Mme Amy Groothuis |
¿ | 0955 |
M. Gordon O'Connor |
Mme Margot MacPherson Brewer |
Mme Amy Groothuis |
Le vice-président (M. Rick Casson) |
M. Gordon O'Connor |
M. David Eaves |
Le vice-président (M. Rick Casson) |
M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ) |
À | 1000 |
Mme Maya Khakhamovitch |
À | 1005 |
Le vice-président (M. Rick Casson) |
L'hon. Bill Blaikie (Elmwood—Transcona, NPD) |
M. David Eaves |
À | 1010 |
Mme Maya Khakhamovitch |
L'hon. Bill Blaikie |
À | 1015 |
Le vice-président (M. Rick Casson) |
L'hon. Bill Blaikie |
Le vice-président (M. Rick Casson) |
L'hon. Larry Bagnell (Yukon, Lib.) |
Mme Rachel Hird |
L'hon. Larry Bagnell |
Mme Heather Watts |
L'hon. Larry Bagnell |
Mme Heather Watts |
L'hon. Larry Bagnell |
À | 1020 |
M. David Eaves |
L'hon. Larry Bagnell |
Mme Maya Khakhamovitch |
Mme Amy Groothuis |
L'hon. Larry Bagnell |
Le vice-président (M. Rick Casson) |
L'hon. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Lib.) |
À | 1025 |
Mme Heather Watts |
M. David Eaves |
L'hon. Keith Martin |
M. David Eaves |
Mme Margot MacPherson Brewer |
À | 1030 |
Le vice-président (M. Rick Casson) |
M. Odina Desrochers (Lotbinière—Chutes-de-la-Chaudière, BQ) |
Mme Amy Awad |
À | 1035 |
M. Odina Desrochers |
M. David Eaves |
Mme Rachel Hird |
M. David Eaves |
Le vice-président (M. Rick Casson) |
M. Odina Desrochers |
Le vice-président (M. Rick Casson) |
L'hon. Judi Longfield |
M. David Eaves |
À | 1040 |
Mme Amy Awad |
Mme Rachel Hird |
L'hon. Judi Longfield |
M. David Eaves |
Le vice-président (M. Rick Casson) |
À | 1045 |
L'hon. Keith Martin |
Mme Rachel Hird |
L'hon. Keith Martin |
Mme Rachel Hird |
L'hon. Keith Martin |
Mme Rachel Hird |
L'hon. Keith Martin |
Mme Rachel Hird |
L'hon. Keith Martin |
Mme Rachel Hird |
L'hon. Keith Martin |
Mme Rachel Hird |
Le vice-président (M. Rick Casson) |
M. James Lunney (Nanaimo—Alberni, PCC) |
À | 1050 |
M. David Eaves |
M. James Lunney |
M. David Eaves |
Le vice-président (M. Rick Casson) |
Mme Margot MacPherson Brewer |
À | 1055 |
Le vice-président (M. Rick Casson) |
L'hon. Larry Bagnell |
Mme Amy Groothuis |
M. David Eaves |
Le vice-président (M. Rick Casson) |
L'hon. Bill Blaikie |
Á | 1100 |
M. David Eaves |
Á | 1105 |
Le vice-président (M. Rick Casson) |
Mme Margot MacPherson Brewer |
Le vice-président (M. Rick Casson) |
La greffière du comité |
L'hon. Keith Martin |
Le vice-président (M. Rick Casson) |
CANADA
Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le mardi 14 juin 2005
[Enregistrement électronique]
* * *
¿ (0905)
[Traduction]
Le vice-président (M. Rick Casson (Lethbridge, PCC)): Mesdames et messieurs, la séance numéro 44 du Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants est ouverte.
Nous avons le quorum requis pour entendre des témoins mais nous ne pouvons pas encore adopter de motion. Dès que nous aurons le quorum pour l'adoption de motions, j'aimerais que nous traitions du deuxième point à l'ordre du jour du comité, à savoir l'avis de motion de Mme Longfield. Nous devons attendre l'arrivée de Judy parce qu'elle est la motionnaire, mais dès qu'elle arrivera, nous interromprons les délibérés pour discuter de la motion et prendre une décision.
Nous accueillons aujourd'hui des témoins de l'Université d'Ottawa et de Canada25. Nous recevons d'abord Craig Forcese, professeur adjoint à la Faculté de droit, puis Amy Awad, Nadia Campion, Amy Groothuis, Rachel Hird, Maya Khakhamovitch, Margot Macpherson Brewer et Heather Watts. Les porte-parole de Canada25 sont David Eaves et Simon Robillard-Nicoloff.
Il semble que M. Forcese présentera chacun des étudiants. Êtes-vous tous étudiants?
M. Craig Forcese (professeur adjoint, Faculté de droit, Université d'Ottawa): Plusieurs sont diplômés.
Le vice-président (M. Rick Casson): Chacun d'eux fera un court exposé sur leur domaine de spécialisation respectif.
Je vais vous donner la parole. Comme je l'ai dit, nous allons commencer l'audition des témoins, mais quand Mme Longfield arrivera, nous discuterons de la motion qu'elle propose puis nous trancherons la question.
Allez-y, vous avez la parole.
M. Craig Forcese: Merci beaucoup.
Au nom des stagiaires en politique étrangère de la Faculté de droit de l'Université d'Ottawa, j'aimerais vous remercier de nous avoir invités à témoigner au sujet de la politique de défense du Canada et de l'énoncé récent du gouvernement sur la politique de défense.
Dans le cadre du stage sur la politique étrangère, les étudiants en droit complètent un examen détaillé d'un sujet lié à la politique étrangère du Canada, en mettant l'accent sur le droit international. Le produit fini est un mémoire détaillé qui est présenté au gouvernement et à d'autres groupes non gouvernementaux.
En décembre 2004, les stagiaires ont élaboré et présenté un mémoire au Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international en prévision de la publication de l'énoncé du gouvernement sur la politique internationale. Les opinions exprimées dans ce mémoire ont été élaborées par les stagiaires et n'engagent qu'eux. Ce mémoire traite de questions qui vont au-delà de la politique de défense du Canada.
Dans les quelques minutes qui nous sont accordées aujourd'hui, chacun des stagiaires commentera brièvement la politique étrangère du Canada au regard de certains grands enjeux en matière de défense.
Amy.
¿ (0910)
Mme Amy Groothuis (stagiaire en politique étrangère, Faculté de droit, Université d'Ottawa): Bonjour et merci.
J'aimerais aujourd'hui aborder un élément important de l'énoncé de politique internationale qui touche à la défense. Ce commentaire est le prolongement de l'exposé que j'ai fait il y a deux semaines avec les stagiaires en politique étrangère devant le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international.
J'aimerais parler du déploiement rapide. J'ai à cet égard trois commentaires à faire.
D'abord, je constate un manque de cohérence entre les chapitres de l'EPI, l'énoncé de politique internationale, qui portent sur la défense et la politique étrangère. Par exemple, dans le chapitre sur la politique étrangère, il est question du groupe de travail sur la stabilisation et la reconstruction (GTSR) qui est censé être, ai-je cru comprendre, une initiative plus large de consolidation de la paix qui ne se résume pas à la création et au maintien d'une force de réaction rapide. Ce programme n'est pas mentionné dans le chapitre sur la défense où il est plutôt question d'une force opérationnelle de contingence permanente (FOCP). Cette dernière sera-t-elle intégrée au GTSR? Je signale cette imprécision, car j'ai peur qu'en l'absence de discussion, de coopération et de collaboration permanentes entre les divers ministères et organismes du gouvernement, il y aura un dédoublement inutile.
Ensuite, le chapitre sur la politique de défense ne donne pas suffisamment de détails quant à la participation et à la contribution permanentes du Canada au programme de déploiement rapide des Nations Unies. L'énoncé de politique en matière de défense précise que le Canada « continuera d'insister » sur la pleine mise en oeuvre des recommandations du rapport Brahimi sur les opérations de paix. Il n'y a pas d'autres détails.
La constitution d'une force opérationnelle de contingence permanente est un premier pas nécessaire, mais il ne faudrait pas s'en tenir à cela. Le gouvernement du Canada doit admettre que d'autres pays doivent mettre en place des initiatives semblables. Nous pouvons et nous devrions jouer à cet égard un rôle de chef de file. L'énoncé de politique précise que la FOCP sera en mesure d'être déployée dans les 10 jours, ce qui est admirable. Or, cela suscite d'autres questions auxquelles il faut apporter des réponses. L'énoncé est lacunaire en ce sens qu'il ne précise pas comment la force d'intervention rapide proposée sera constituée, maintenue et déployée. Pourtant, c'est exactement ce genre de force que le Canada se dispose à fournir. J'estime qu'il est essentiel que cela se fasse sous l'égide de l'ONU, point sur lequel portera le prochain exposé.
Le processus a été enclenché à l'ONU mais il est maintenant en panne. Permettez-moi de réitérer que nous sommes en mesure d'assumer un rôle de leadership dans les domaines de la défense et de la diplomatie et que nous devons saisir l'occasion de le faire.
Mon troisième et dernier commentaire concerne aujourd'hui la force opérationnelle interarmées 2 (FOI2) Il est brièvement question de ce groupe dans l'énoncé de politique et j'en parle aujourd'hui parce que cette force s'est avérée capable d'un déploiement rapide. Quarante de ses membres étaient en Afghanistan dès décembre 2001, c'est-à-dire peu après que les politiciens aient pris la décision de participer à la mission. Comment les leçons opérationnelles tirées de ce déploiement pourront-elles être utiles ailleurs, peut-être dans le cas de la FOCP? En outre, quels rôles, s'il en est, la FOI2 jouera-t-elle au sein de la FOCP? Je déplore que l'énoncé de politique de la défense ne donne pas plus de détails à cet égard.
Merci de m'avoir écouté.
Le vice-président (M. Rick Casson): Merci.
Mme Maya Khakhamovitch (stagiaire en politique étrangère, Faculté de droit, Université d'Ottawa): Bonjour. Je m'appelle Maya Khakhamovitch.
Mon témoignage aujourd'hui portera sur la coopération entre le Canada, les Nations Unies et l'OTAN dans le but de réaliser les engagements du Canada en matière de paix et de sécurité internationales.
Notre gouvernement a répété à maintes reprises qu'il tenait au principe de la responsabilité de protéger. Dans l'énoncé, il souligne que son but n'est pas de trouver une source d'autorité autre que celle de l'ONU et du Conseil de sécurité mais plutôt d'améliorer l'efficacité de l'ONU et du Conseil de sécurité. Or, l'EPI félicite l'OTAN de ses missions dans les Balkans et du rôle central qu'elle a assumé dans la lutte contre le terrorisme. Si l'engagement du Canada envers l'ONU est sincère, alors comment peut-il justifier que les « forces coalisées », agissant sans l'aval du Conseil de sécurité, aient marginalisé les structures de l'ONU? Tant que l'OTAN restera un organisme à vocation régionale, le Canada doit veiller à ce que la force d'intervention de l'OTAN ne soit pas utilisée pour mener des missions militaires unilatérales qui marginalisent les Nations Unies. Le Canada ne peut pas en même temps promouvoir le multilatéralisme et soutenir les interventions militaires de l'OTAN.
L'EPI annonce des engagements à l'égard de diverses forces d'intervention rapide. Ma collègue Amy Groothuis a parlé à la FOCP, du GTSR et de la FOI2. L'EPI annonce par ailleurs que le gouvernement assurera un rôle de leadership dans la Brigade multinationale d'intervention rapide des forces en attente des Nations Unies (BIRFA). Cette brigade aura pour mission de renforcer le système des forces en attente des Nations Unies. L'avantage de la BIRFA, c'est qu'elle donne aux Nations Unies un accès relativement prompt à une force existante qui a reçu un entraînement normalisé, qui possède un fort degré de cohérence et qui a la capacité d'intervenir rapidement pendant une mission pouvant durer six mois. Si le but de la BIRFA c'est d'intervenir rapidement et de façon efficace en période de crise, la mobilisation de cette organisation reste lente et inefficiente. Chaque pays membre est libre de décider s'il souhaite participer à une mission donnée et du nombre de soldats qu'il enverra et le processus de déploiement est assujetti aux procédures bureaucratiques de l'ONU.
L'engagement du Canada de jouer un rôle de leadership dans la BIRFA nous amène à demander si nous ne saupoudrons pas nos ressources. À combien de différents programmes de déploiement pouvons-nous nous engager à participer si nous voulons pouvoir être efficaces? Le Canada devrait-il s'engager envers un autre groupe de maintien de la paix dont les effectifs viendront surtout de pays de l'hémisphère Nord dont la population est en majorité de race blanche? Si la BIRFA est le mécanisme le plus évolué dont dispose l'ONU pour ses opérations de paix, et c'est ce que nous croyons, pourquoi a-t-on tardé à l'utiliser pour stopper le génocide au Soudan?
Merci de m'avoir écouté.
¿ (0915)
Le vice-président (M. Rick Casson): Merci.
Mme Amy Awad (stagiaire en politique étrangère, Faculté de droit, Université d'Ottawa): Bonjour.
Dans mon témoignage, je vais commenter deux aspects de la transformation proposée des Forces canadiennes : l'intégration plus poussée des éléments constitutifs des Forces canadiennes aux forces militaires étrangères et la capacité accrue des Forces canadiennes de participer à des opérations internationales.
Ces deux décisions promettent soit d'être avantageuses en ce sens qu'elles accroîtraient l'efficacité des Forces canadiennes et la sécurité des Canadiens, mais elles suscitent un certain nombre de questions qui nécessitent une réflexion sérieuse.
Selon l'EPI, le Canada devrait poursuivre l'intégration avec les forces militaires étrangères et participer à des missions et à des activités d'entraînement interarmées. Il ne fait aucun doute que des forces bien intégrées permettent un déploiement plus efficient et plus efficace. Cela dit, la prudence est de mise quand l'on sait que nos alliés ne respectent pas toujours les valeurs chères aux Canadiens en ce qui a trait au respect des droits de la personne et de la primauté du droit.
À titre d'exemple, il est certain que depuis le début des opérations en Afghanistan, le Canada a transféré des prisonniers aux forces américaines. Certains de ces prisonniers, baptisés combattants ennemis, se sont vraisemblablement retrouvés dans le camp de détention si décrié de Guantanamo, ouvert dans le but express d'éviter d'avoir à respecter les garanties juridiques nationales.
Bien que le camp de Guantanamo n'ait pas été une idée canadienne, nous le cautionnons par nos actions. Le soutien public que nous accordons implicitement aux activités illégales et immorales de nos alliés peuvent avoir des conséquences négatives sur la sécurité qui peuvent l'emporter aisément sur les avantages que nous pourrions tirer au plan de la sécurité de l'intégration plus étroite de nos forces.
Toujours selon l'EPI, les effectifs des Forces canadiennes devraient participer à un plus grand nombre de programmes d'échanges, de liaisons et d'entraînement avec les forces militaires étrangères. Les mises en garde formulées à l'égard de l'intégration de nos opérations valent tout autant pour ces programmes. Notre participation équivaut à une caution implicite des activités des forces militaires étrangères. Cela doit nous préoccuper tout particulièrement en ce qui a trait aux forces militaires qui ont des bilans peu reluisants en matière de respect des droits de la personne.
J'aimerais formuler les recommandations suivantes à l'égard des problèmes que je viens d'énumérer.
D'abord, les Forces canadiennes doivent adopter au préalable des règles sur la conduite à adopter en cas d'atteintes aux droits de la personne qui pourraient survenir dans le contexte de missions intégrées. Ces règles devraient inclure, à tout le moins, l'interdiction de la remise de prisonniers dans certaines circonstances. Si le Canada prévoit ne pas pouvoir respecter ces règles, il devrait tout simplement refuser sa participation.
Deuxièmement, avant de décider de participer à des programmes d'échanges, de liaisons et d'entraînement avec les forces armées étrangères, nous devons déterminer, entre autres choses, si notre participation aura pour effet de cautionner les abus commis par des forces armées étrangères ou ce qui pourrait être perçu comme tels.
Il fait peu de doute que depuis de nombreuses années les Forces canadiennes n'ont pas la vie facile compte tenu de l'intervalle très court entre les départs en mission et les ressources limitées. Selon l'EPI, cette situation s'améliorera bientôt grâce à de nouveaux investissements dans les effectifs et l'équipement, investissements qui seront échelonnés sur les prochaines années. En conséquence, le Canada ne pourra peut-être plus refuser de participer à certaines opérations sous prétexte qu'il n'a pas les ressources voulues.
Vous vous souviendrez qu'à la veille de l'invasion américaine de l'Irak, certains ont justifié la non participation du Canada en invoquant l'insuffisance de ses ressources. Étant donné la capacité accrue des Forces canadiennes, le Canada devra maintenant donner des raisons motivées pour expliquer sa non participation à certaines opérations faute de pouvoir invoquer des raisons plus pragmatiques comme il le faisait dans le passé.
S'il est vrai que les Canadiens sont fiers des hommes et des femmes des Forces armées canadiennes à l'étranger, il ne faut pas prendre pour acquis que la population du monde, particulièrement en Asie et en Afrique—ressentent pour eux la même admiration. Dans de nombreux pays, la présence de soldats étrangers sur le sol de leur pays est perçu comme une menace immédiate à leur souveraineté. Le Canada devrait évaluer plus soigneusement sa participation à certaines missions et, à tout le moins, résister à la suggestion de créer des postes militaires permanents à l'extérieur du Canada. En définitive, peu importe si ces installations sont sensées être secrètes ou non.
Merci.
Le vice-président (M. Rick Casson): Merci.
Mme Rachel Hird (stagiaire en politique étrangère, Faculté de droit, Université d'Ottawa): Bonjour. Je vais traiter de la prolifération des armes et de la politique de défense du Canada.
L'examen du traité sur la non prolifération des armes nucléaires réalisé cette année a révélé qu'il faudra à l'avenir déployer de plus grands efforts pour combattre la prolifération des armes. Il est souvent difficile pour un État de cacher complètement un programme d'armes nucléaires ou autres armes de destruction massive. Or, il est assez difficile de vérifier la capacité exacte en armes d'un État. Une étude récente commandée par le président des États-Unis conclut que le renseignement peut parfois être totalement erroné à certains égards. Le renseignement ne joue qu'un rôle de soutien à la prise de décision stratégique. Les décideurs prennent rarement les décisions relatives à la guerre ou à la paix sur la seule foi du renseignement, tout particulièrement lorsque rien n'indique l'intention d'un État de lancer une attaque directe.
Les décisions stratégiques prises par le Canada à l'égard des armes de destruction massive doivent tenir compte du renseignement. Ces décisions stratégiques peuvent aussi être prises sur la foi de renseignements fiables obtenus dans le cadre de régimes multilatéraux de contrôle et de surveillance des exportations. Selon l'EPI, les contrôles à l'exportation sont l'un des meilleurs moyens de combattre la prolifération des armes, mais le document ne précise pas quels contrôles à l'exportation il convient d'utiliser. Il existe non seulement des régimes internationaux dont le but est de surveiller le transport de matériaux qui pourraient être utilisés pour fabriquer des armes biochimiques et nucléaires, et je songe plus particulièrement au groupe Australia, mais il existe aussi des façons d'utiliser les contrôles à l'exportation dont peuvent se prévaloir les pays à titre individuel, pour faire obstacle au commerce illicite de matériaux qui pourraient contribuer ultimement à la prolifération.
Les États mal intentionnés qui souhaitent se doter d'armes de destruction massive sont davantage en mesure d'acheter des usines d'armes clé en main. Plutôt que de créer de nouveaux régimes de contrôle, on pourrait renforcer les régimes de non prolifération existants en y adjoignant des instances de vérification chargées de faire enquête sur des transactions internationales douteuses qui profitent des mêmes circuits que le commerce international régulier. Ces mesures comprendraient la surveillance des connaissements, puisque les agents d'assurance et les agents des douanes doivent vérifier ces documents en les comparant aux marchandises expédiées afin de déterminer ce que les États achètent pour de tels montants. Si les régimes de surveillance sont en mesure de contrôler non seulement les pièces destinées à la fabrication d'armes de destruction massive mais aussi les transactions financières associées à l'achat d'armes et d'installations, ils seront mieux en mesure de contrôler la prolifération des armes.
Outre le commerce illicite d'armes, il se crée de nouveaux programmes dont le but serait de créer de nouvelles armes nucléaires et de nouvelles zones où ces armes pourraient être utilisées. L'espace doit demeurer libre d'armes et le Canada doit exercer son influence diplomatique pour tenter d'éviter l'arsenalisation de l'espace. En outre, le Canada doit chercher à obtenir des renseignements sur le nouveau programme américain de remplacement fiable d'ogives et sur les efforts déployés par les États-Unis pour mettre au point de nouvelles armes nucléaires de grande et de faible puissance. Plusieurs pays ont dit très clairement que s'ils n'obtiennent pas de garantie que ces armes ne seront pas utilisées pour lancer une attaque, ils ne souhaitent pas discuter de leurs programmes éventuels d'armes de destruction massive.
Bien que les armes légères et de faible puissance n'ont pas le même potentiel de destruction à grande échelle que les armes de destruction massive, elles causent néanmoins plus de morts par année que les armes de destruction massive. Les armes légères sont peu évoluées au plan technique, pour l'essentiel, de sorte que les régimes parias peuvent armer des enfants soldats. Dans le passé, on n'a pas jugé aussi urgent de contrôler les armes légères au même titre que les armes de destruction massive de sorte que certains ont pu se constituer des stocks importants. La lutte contre la prolifération sera entravée à moins que l'on retrace ces stocks et qu'on les retire aux acteurs privés ou publics.
À l'avenir, il sera de plus en plus difficile d'identifier les armes, de faire avancer les pourparlers sur le désarmement et de combattre la prolifération. Le gouvernement a souligné à juste titre qu'il faut intégrer à la politique internationale les politiques relatives à la défense, la diplomatie et le développement, et qu'il faut mettre en oeuvre cette politique intégrée.
Merci.
¿ (0920)
Le vice-président (M. Rick Casson): Merci.
Mme Heather Watts (stagiaire en politique étrangère, Faculté de droit, Université d'Ottawa): Bonjour.
Je m'appelle Heather Watts et je vais vous parler de la politique canadienne de défense dans l'Arctique.
Le vice-président (M. Rick Casson): Vous venez de capter l'attention de M. Bagnell, croyez-moi.
Mme Heather Watts: J'en suis ravie.
Selon l'énoncé de politique internationale, les Forces canadiennes ont pour mission primordiale de protéger les Canadiens au Canada. Il faut pour cela qu'elles soient en mesure de surveiller le territoire canadien, y compris ses eaux territoriales et son espace aérien, et elles doivent être en mesure de détecter les attaques sur le territoire canadien. Il faut pour atteindre ces objectifs assurer la surveillance du territoire, de l'espace aérien et des eaux de l'Arctique.
Des exercices conduits récemment par les Forces canadiennes dans le Grand Nord ont confirmé que le Canada est mal préparé pour ces exercices dans l'Arctique. Ces exercices ont été utiles pour évaluer les pannes d'équipement en climat froid, la désorientation géographique et les difficultés que crée la glace et le mauvais temps pour le transport et pour le personnel. Ces exercices ont aussi révélé qu'il faut investir davantage dans l'entraînement et la technologie pour préparer les Forces canadiennes aux futurs exercices d'affirmation de notre souveraineté dans le Grand Nord.
Il est important de comprendre que la souveraineté et la sécurité du Grand Nord canadien vont de pair. Si nous voulons assurer notre souveraineté dans l'Arctique, le Canada doit être en mesure d'assurer une surveillance efficace du territoire et être en mesure d'intervenir en cas de menace ou d'urgence. Il doit pour cela investir pour se doter des ressources technologiques et humaines requises.
L'une des façons les plus efficaces et les plus efficientes d'augmenter et d'améliorer les patrouilles terrestres et maritimes dans l'Arctique est d'investir dans la connaissance locale. Le choix le plus évident pour de tels investissements, ce sont les Rangers canadiens. Les Rangers sont des réservistes recrutés localement qui travaillent à temps partiel et qui possèdent déjà la connaissance du territoire et du climat. Des investissements dans les Rangers, à court et à long terme, ne se résument pas à l'achat de carabines et d'uniformes neufs. Il faut aussi financer la formation dans les connaissances traditionnelles et techniques, investir dans des moyens de transport fiables et évaluer la capacité locale.
On prévoit une augmentation de la navigation dans la région. Ces projections résultent de l'amincissement du couvert de glace dans l'Arctique, de la croissance du Nunavut, de l'intérêt que portent les touristes au Grand Nord et de la faisabilité économique accrue de la mise en valeur des gisements de gaz naturel. L'accroissement de la navigation commerciale peut s'accompagner de divers dangers dont la contrebande, le transport de matières dangereuses, les déversements de matières dangereuses, les incursions militaires étrangères, la nécessité d'opérations de recherche et de sauvetage et la vulnérabilité des infrastructures. À cet égard, le rôle des Forces canadiennes ira au-delà des rôles militaires typiques de réaction aux menaces; ils devront s'occuper de transport, d'intervention en cas de catastrophe et de surveillance.
L'activité humaine accrue dans le Nord s'accompagnera d'un besoin accru de capacités de recherche et de sauvetage. Les Forces canadiennes doivent se préparer à relever ce défi.
Les habitants du Nord continuent de s'inquiéter de la possibilité d'essais du système de défense contre les missiles dans l'espace aérien de l'Artique. Dans le passé, on a souvent utilisé le Nord pour faire des essais militaires. Aucun exercice militaire ne doit avoir lieu dans le Nord ou dans son espace aérien sans que les populations locales n'aient été averties, consultées ou, de préférence, qu'elles n'aient donné leur consentement.
La capacité du Canada de défendre sa souveraineté et d'assurer sa sécurité dans l'Arctique nécessitera des efforts concertés de la part de divers ministères. Le cadre de la stratégie pour le Nord qui doit être publié prochainement inclut parmi ces objectifs celui-ci : « voir à ce que le Canada joue un rôle de premier plan dans la promotion d'une action internationale concertée dans le domaine circumpolaire, et s'assurer que les préoccupations des résidents du Nord sont prises en compte dans l'effort déployé à l'échelle nationale pour renforcer la souveraineté, la sécurité nationale et la coopération circumpolaire ».
Les objectifs énoncés dans le cadre incluent l'assurance de la sécurité et de la surveillance dans le Nord, en tenant compte des intérêts du Nord; le renforcement de la souveraineté du Canada à l'égard du Passage du Nord-Ouest; une capacité efficace de recherche et de sauvetage basée dans le Nord; le leadership dans les questions relatives à la coopération circumpolaire.
Le Canada doit veiller à ce que ses politiques en matières de défense et de diplomatie contribuent ensemble à la réalisation d'objectifs communs grâce à la coopération et à la bonne communication entre les divers ministères.
Merci.
¿ (0925)
Le vice-président (M. Rick Casson): Merci.
Allez-y.
Mme Margot MacPherson Brewer (stagiaire en politique étrangère, Faculté de droit, Université d'Ottawa): Bonjour. Je m'appelle Margot Macpherson Brewer. Mon chapitre dans le mémoire original traite de l'aide et du développement. Je veux commenter les éléments de la politique de défense qui traitent précisément du développement international et de l'aide humanitaire.
Premièrement, je voudrais soulever des questions au sujet de ce que l'on appelle l'approche 3D, qui propose une plus grande intégration de la défense, de la diplomatie et du développement pour relever les défis internationaux. Deuxièmement, je veux commenter de manière générale l'ambition de la politique de défense. Et troisièmement, je veux réitérer l'importance de l'aide humanitaire comme principe directeur pour le Canada et les Forces armées canadiennes.
Avec la publication de la portion de la défense de l'énoncé de politique internationale, un ambitieux programme de renouvellement des Forces armées canadiennes a été proposé, et l'on prévoit notamment travailler avec les services diplomatiques et de développement du Canada pour relever ensemble les défis internationaux. Dans ce contexte et en grande partie à cause du succès de cette approche en Afghanistan, la méthode 3D est un élément de base de l'énoncé de politique.
Je suis toutefois préoccupée parce que, d'abord, cette approche est encore tout à fait nouvelle, mais aussi parce que l'on ne comprend pas encore clairement comment ces éléments vont travailler ensemble efficacement et sur le long terme. Même si les forces humanitaires et militaires collaborent plus souvent sur le terrain, la meilleure manière de procéder en cette matière n'a pas encore été pleinement établie. Il faut des années pour acquérir les connaissances tacites et la délicatesse nécessaire pour mener des relations diplomatiques. Et le personnel des secteurs militaires et de l'aide internationale prennent autant de temps pour acquérir de l'expertise dans leur domaine respectif.
Quelle a été la réflexion sur la manière dont les acteurs de ces trois sphères très différentes apprendront à travailler ensemble avec succès tout en gardant le cap sur leur mandat et en conservant leur identité séparée et distincte? Et quelles stratégies sont en place pour résoudre les conflits internes ou les luttes de pouvoirs? Et que dire du danger que posent les parties hostiles qui, constatant que ces diverses factions travaillent ensemble, ne font pas la distinction entre les travailleurs humanitaires et les militaires du Canada, ce qui met souvent en danger de mort les travailleurs de l'aide à l'étranger, comme on l'a vu avec une fréquence inquiétante en Iraq?
Le Comité de l'aide au développement de l'organisation de coopération et de développement économique a publié en 2003 un rapport qui a suscité énormément d'inquiétude au sein de la communauté mondiale de l'aide. On y laisse entendre que, de plus en plus, les initiatives de développement international sont en danger d'être débordées par les impératifs de sécurité nationale. En fait, la guerre contre le terrorisme et la réponse aux crises humanitaires urgentes ont détourné une importante partie des fonds de l'enveloppe de l'aide ces dernières années.
Il est certain que la ligne de démarcation planétaire crée par les événements du 11 septembre ont forcé une redéfinition du rôle des militaires. L'Amérique du Nord s'est recentrée sur la sécurité et notre discours s'est subitement détourné du paradigme de la guerre froide. Mais si les activités internationales sont concentrées sur la lutte contre le terrorisme, comment le développement et la diplomatie vont-ils pouvoir conserver leur place dans cette dynamique dite 3D?
Je passe maintenant à mon deuxième point. Nous avons vu que le monde peut changer très rapidement et qu'il change effectivement, mais que la bureaucratie qui le dirige peut réagir beaucoup plus lentement. Un document de politique du MDN publié il y a cinq ans, intitulé « Façonner l'avenir de la Défense canadienne : une stratégie pour l'an 2020 », annonce qu'il faudra jusqu'à deux décennies pour mettre au point les capacités militaires. Un vaste éventail de changements est proposé pour le secteur de la défense du Canada, ce qui amène à se demander si le programme des Forces canadiennes n'est pas trop ambitieux et à s'interroger sur la manière dont les priorités seront fixées.
L'effort de reconstructions des Forces canadiennes posera à l'avenir et pendant très longtemps des difficultés considérables en terme de transformation.
Troisièmement, je vais terminer en touchant un mot sur les valeurs canadiennes telles qu'elles sont réalisées dans les Forces canadiennes.
L'engagement collectif du Canada envers les principes et les causes humanitaires est incontestable. En fait, le rôle des Forces canadiennes dans les exercices humanitaires à l'étranger a été une source de fierté nationale, mais l'envergure, la profondeur et la mise en application de cette participation d'un pays à l'autre ont été inégales. Comment des choix seront-ils opérés à l'avenir pour décider à quelle crise internationale il faut répondre et sur quel critère va-t-on se fonder?
Une analyse qui provoque la réflexion par les auteurs Ian Smillie et Larry Minear nous met en garde que la politique économique de l'humanitarisme signifie que l'on fait souvent des choix moins en fonction des besoins identifiés par les personnes en détresse qu'en fonction de la commodité politique et des critères établis par les pays donateurs pour accorder des subventions et des dons. De plus, Smillie et Minear soutiennent que l'on accorde une importance disproportionnée à l'élimination des symptômes comme le terrorisme, ce qui peut perpétuer le conflit mondial, surtout lorsque « l'action humanitaire est généralement considérée comme optionnelle et volontaire, plutôt que comme une activité fondée sur les droits et faisant partie intégrante d'une société civilisée, pacifique et respectueuse de la loi. Il n' y a actuellement aucun régime humanitaire... comme il en existe un dans les domaines des réfugiés, du commerce ou de la non-prolifération nucléaire ».
¿ (0930)
Il n'y a aucun doute que la sécurité, autant personnelle que nationale, l'emporte sur toutes les autres considérations tant et aussi longtemps qu'elle n'est pas assurée. Bien que je sois d'accord pour dire que le renouvellement des Forces canadiennes est souhaitable et même absolument essentielle, des questions se posent. Quel est le juste équilibre à établir entre la sécurité et le développement sur le terrain? Qui va établir les priorités pour réaliser le programme de la politique de défense? Pour réitérer l'argument soulevé par ma collègue Amy Awad au sujet de l'intégration accrue, dans un environnement international de plus en plus axé sur la collaboration, quelles garanties seront mises en place pour s'assurer que les valeurs et l'identité canadienne sont préservées et respectées?
Merci.
Le vice-président (M. Rick Casson): Merci beaucoup.
Veuillez rester avec nous, parce qu'il y aura des questions. La jeune femme qui a parlé du Nord, préparez-vous, parce que je suis certain que M. Bagnell aura bien des choses à vous dire là-dessus.
Peut-être que le groupe suivant, Canada25, pourrait s'approcher. Pendant qu'ils prennent place, je me demande si nous pourrions traiter de la motion de Mme Longfield.
Madame Longfield, êtes-vous prête à discuter de votre motion?
L'hon. Judi Longfield (Whitby—Oshawa, Lib.): Oui.
Le vice-président (M. Rick Casson): Nous sommes saisis d'une motion en bonne et due forme et le préavis de 48 heures a été donné. L'honorable Judy Longfield, député de Whitby-Oshawa, propose que le Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants appuie la nomination de M. Yves Côté en tant qu'ombudsman du ministère de la Défense nationale et des Forces canadiennes.
Avez-vous des observations, madame Longfield?
L'hon. Judi Longfield: Mes seuls commentaires sont que j'ai été impressionnée par la profondeur et l'envergure de la présentation de M. Côté. Je pense qu'il tient beaucoup à ce poste et qu'il en comprend l'importance. Je suis convaincue qu'il peut exercer ses fonctions de manière non-partisane... Je pense que des réserves vont peut-être être émises parce qu'il est issu des militaires et que l'on craint que cela puisse lui rendre la tâche plus difficile. Je pense que cela lui donne la compréhension dont le titulaire de ce poste a besoin. Il lui sera difficile d'égaler la performance de son prédécesseur, cela je peux le comprendre, mais j'espère que nous pourrons appuyer cette décision.
Le vice-président (M. Rick Casson): Il y a-t-il d'autres commentaires?
Est-on prêt à se prononcer?
(La motion est rejetée).
Le vice-président (M. Rick Casson): Nous poursuivons donc et je souhaite la bienvenue à David Eaves et à Simon Robillard-Nicoloff, de Canada25.
Vous avez la parole. De combien de temps pensez-vous avoir besoin?
M. David Eaves (auteur principal, Canada25): Probablement près de 12 ou 13 minutes.
Le vice-président (M. Rick Casson): C'est excellent. Allez-y.
[Français]
M. Simon Robillard-Nicoloff (délégué national, Canada25): Je vous remercie.
Je vais d'abord faire un survol de l'organisation Canada25 et vous parler du processus qui a mené à la rédaction de notre dernier rapport, intitulé De puissance moyenne à puissance modèle.
Canada25 est une organisation apolitique et non partisane. Elle a maintenant trois ans et compte 1 000 membres. Ceux-ci sont organisés en chapitres dans différentes villes du Canada ainsi qu'à l'étranger, soit à Paris, Londres, Boston et San Francisco.
Le processus qui a mené à la rédaction du rapport a commencé au cours de l'automne 2003 par une série de consultations sur Internet. À cette occasion, plus de 500 jeunes ont répondu à un sondage sur la politique étrangère et ont exprimé leur intérêt à cet égard. Par la suite, 11 tables rondes ayant comme thème la politique étrangère ont été organisées dans les villes que je viens de mentionner. Des questions comme l'environnement et la gouvernance ont été abordées, mais on y a également discuté de la transformation des forces armées. Tous les résumés de ces tables rondes sont inclus dans le rapport final.
Par ailleurs, 23 jeunes délégués nationaux ont participé à une rencontre l'année dernière à Gatineau pour mettre au point le rapport. Ces jeunes sont à notre avis parmi les plus brillants du Canada. Le rapport est disponible sur Internet à des fins de consultation à l'adresse suivante: www.canada25.com.
David Eaves va maintenant vous faire part de ses critiques concernant notre politique de défense et le processus de révision de notre politique étrangère.
Je vous remercie.
¿ (0935)
[Traduction]
M. David Eaves: Merci, Simon.
J'ai un bref ordre du jour et je vais le passer en revue très rapidement.
Je voudrais d'abord vous parler de la raison pour laquelle nous devrions écouter les jeunes. Je vais ensuite vous faire part des grands thèmes qui ressortent du rapport que nous avons remis à votre comité. Ensuite, je vais vous parler de la nécessité de travailler efficacement dans ce que nous appelons un monde en réseaux, et je mettrai en relief certaines recommandations précises de notre rapport. Enfin, je vais conclure brièvement en vous parlant de l'énoncé de politique internationale et peut-être de l'avenir de notre politique étrangère.
Premièrement, pourquoi écoutons-nous les jeunes? Bien des gens croient que les jeunes sont simplement un groupe comme les autres et que nous devrions communiquer avec eux. Mon expérience chez Canada25 me révèle que oui, c'est vrai, mais il y a une autre raison, à savoir que notre génération—la génération qui a contribué à rédiger ce rapport—n'a jamais vraiment observé la guerre froide. Nous n'étions pas au monde pendant la guerre du Vietnam et nous ne nous rappelons pas de Lester B. Pearson.
Par contre, nous avons grandi dans un monde caractérisé par l'Accord de libre-échange, dans un monde marqué par la Charte des droits et libertés, dans un monde marqué par l'Internet. Je ne dis pas que nous sommes les seuls à avoir été influencés par tout cela; tous les Canadiens l'ont été, mais nous l'avons été d'une manière différente en ce sens que nous n'avons pas vécu ce qui a pré-existé à cette situation et ces événements nous ont donc marqués particulièrement.
Un document comme l'énoncé de politique étrangère, qui est en fait un projet sur 10 ou 20 ans, doit prendre en compte non seulement la situation d'aujourd'hui, mais aussi celle qui existera dans 20 ans. C'est seulement en se tournant vers les jeunes que l'on peut ouvrir une fenêtre et voir à quoi ressemblera le Canada de demain. À bien des égards, nous sommes les clients ultimes de cet énoncé. Il est donc extraordinairement important de nous consulter, parce que nous allons vivre les conséquences, qu'elles soient bonnes ou mauvaises.
Comme Simon l'a dit, nous avons rassemblé plus de 500 Canadiens, au Canada et dans le monde, pour discuter du rôle du Canada et de l'avenir de la politique étrangère canadienne. Je voudrais vous faire part des principaux thèmes qui s'en sont dégagés.
Je pense que le principal thème qui a émergé de l'exercice, et qui ressort aussi des autres rapports que nous avons rédigés, sur les villes et sur l'exode des cerveaux, c'est qu'il y a un énorme changement qui s'effectue dans la manière dont les gens voient le monde, dans leur mode de pensée et surtout dans la manière dont ils s'organisent.
Plus précisément, la forme dominante d'organisation, à notre avis, est en train de passer de la hiérarchie aux réseaux. Nous avons examiné notre propre expérience personnelle pour en arriver à cette conclusion. Par exemple, la génération de mes parents, et certainement ceux qui sont encore plus âgés, ont grandi dans un monde où, au niveau familial, sur le plan de l'emploi et sur le plan national, ou même international, la hiérarchie était la forme dominante d'organisation.
Mes parents ont grandi dans une famille où le père était la figure d'autorité ultime, et ensuite il y avait la mère, et ensuite les enfants, probablement dans l'ordre de leur naissance. Ils travaillaient dans de grandes organisations comme General Motors, où il existait une hiérarchie d'une envergure extraordinaire, et l'information venait de la personne située au-dessus, qui la tenait de la personne située au-dessus d'elle, etc., et c'était le même cheminement vers le bas.
Le gouvernement était une énorme bureaucratie et le système international était lui-même hiérarchique, avec les États-Unis au sommet de l'une des pyramides, l'URSS au sommet de l'autre, et chaque État connaissant sa position à l'intérieur d'une hiérarchie sous l'égide de l'un de ces deux acteurs principaux; les gens qui se sont réunis au sein de Canada25 ont grandi dans un monde très différent.
Par exemple, dans ma famille, il y a quatre parents; il y a deux mères et deux pères. J'ai des demi-frères et demi-soeurs. Où se trouve le centre du pouvoir? En quoi cette organisation est-elle hiérarchique?
Dans les emplois que j'ai occupés, dans un cabinet d'experts-conseils, il y avait une organisation extrêmement horizontale; je n'avais qu'un seul patron et des équipes étaient constamment créées et défaites pour répondre aux besoins créés par le marché.
Même dans le système international, je ne suis pas certain que la hiérarchie existe encore. Je ne suis pas assez stupide pour essayer de prétendre que les États-Unis ne sont pas au sommet de la pyramide planétaire, mais où se situent tous les autres? Sommes-nous au-dessus ou en dessous de la Chine? Sommes-nous au-dessus ou en dessous du Mexique? Et le Brésil? Je ne suis même pas certain que le mot « hiérarchie » soit vraiment utile pour comprendre le système international.
Si nous vivons dans ce que l'on pourrait appeler un monde en réseaux, qu'est-ce que cela veut dire? Aujourd'hui, tout au moins du point de vue de nos membres, le Canada est lié au reste du monde par une série de réseaux formels et informels. Ceux-ci sont très divers, depuis un groupe aussi simple que Canada25, qui est simplement une organisation de citoyens qui sont préoccupés au sujet de certaines questions, qui ont un réseau mondial dans lequel ils se réunissent pour essayer de discuter de cette problématique, jusqu'à un autre réseau informel qui peut être considérablement plus étendu, par exemple le G-7, qui n'est même pas nécessairement une organisation internationale officielle, mais qui n'en réunit pas moins de puissants chefs d'État qui essaient de mobiliser l'ordre mondial pour accomplir un objectif précis. Mais, de plus en plus, c'est la nature diffuse du réseau au travers duquel des décisions sont prises et des gestes concrets sont posés.
En conséquence, dans un tel monde en réseau, comment peut-on fonctionner efficacement? Nous croyons qu'il y a deux facteurs qui par-dessus tout vont déterminer l'influence du Canada dans le monde, dans cet univers en réseaux.
¿ (0940)
Le premier s'exprime par la question suivante : peut-on se brancher sur les autres? Je ne veux pas dire seulement possédons-nous les télécommunications et la technologie nécessaires pour rejoindre le monde et y participer. Bien que ce soit un élément très important, il y a par ailleurs un autre aspect : possède-t-on le pouvoir discret? Parle-t-on les langues internationales? Connaît-on d'autres cultures? Peut-on se mettre à la place des autres et comprendre le monde de leurs ponts de vue? A-t-on des liens personnels avec une autre communauté qui nous permettent de communiquer avec celle-ci? Voilà les habilités qui permettront aux gens de se rassembler et de réaliser un résultat en commun.
Deuxièmement, est-on capable de résoudre des problèmes? Nos valeurs dans le monde actuel sont déterminées par la manière dont les gens perçoivent notre capacité de résoudre le dernier problème en date. Quand nos membres se sont réunis et ont commencé à discuter du besoin de formuler des recommandations dans ce rapport, chacun au comité voulait parler des questions nationales, parce que nos membres étaient conscients que lorsqu'on travaille à l'étranger, la crédibilité vient vraiment de la capacité de résoudre des problèmes, et si les problèmes intérieurs n'ont pas été résolus, notre crédibilité sur la scène internationale est extraordinairement limitée. Les gens voulaient donc, en particulier, discuter de l'environnement et des Autochtones, parce que ces dossiers sont perçus comme des domaines où le Canada a le moins de crédibilité. Donc, pour être un acteur efficace sur la scène internationale, nous devons obtenir des résultats novateurs axés sur les solutions à ces problèmes.
Dans le monde en réseaux, je ne suis pas d'accord avec Naomi Klein, qui dit que les marques sont le plus grand fléau qui n'ait jamais existé. Dans le monde en réseaux, je pense que les marques deviendront plus importantes que jamais. C'est l'image de marque du Canada et des Canadiens, perçus comme des gens avec qui on peut établir un partenariat efficace et qui trouvent et mettent en oeuvre des solutions, c'est donc cette image de marque qui va déterminer notre influence. Ce que j'ai vu dans le passé de la politique étrangère canadienne et ce qui m'inquiète, c'est que nous avons adopté une approche d'image de marque, mais nous nous y sommes pris à l'envers en ce sens que nous nous déclarons experts dans un domaine quelconque, ou bien nous déclarons que nous sommes des chefs de file mondiaux dans un domaine, et nous nous attendons ensuite à ce que le monde vienne frapper à notre porte, mais ce n'est tout simplement pas ainsi que les choses se passent. Dans ce monde nouveau, tout le monde est nu. Chacun peut voir ce que tous les autres font, quels sont les problèmes internes, quels sont les problèmes externes. Il ne suffit plus simplement de se proclamer expert en quelque chose pour le devenir.
Les gens veulent voir des résultats. C'est donc seulement en créant ces résultats que les gens viendront frapper à notre porte. Je pense qu'on en a d'excellents exemples au Canada. Par exemple, dans le domaine de l'environnement, un élément très pointu est le dossier de l'environnement durable dans les villes, et des villes comme Vancouver ont pris une avance extraordinaire; maintenant, partout dans le monde, même dans des endroits aussi progressistes que San Francisco, on envoie des gens à Vancouver pour voir ce qui s'y passe. Donc, il n'a pas suffit à Vancouver de se proclamer chef de file mondial dans le domaine de l'environnement durable, la ville s'est retroussée les manches et s'est mise à la tâche et elle exerce aujourd'hui une influence réelle, pas seulement dans ce domaine, mais dans d'autres aspects des affaires municipales, ce qui donne aux Vancouvérois un véritable pouvoir et de l'influence.
Notre rapport renferme donc trois recommandations dont je veux vous parler et qui, je crois, reflètent la problématique abordée par votre comité. Je veux vous parler d'abord d'une recommandation au niveau individuel, et ensuite peut-être de deux autres au niveau de l'État.
Il y a d'abord l'éducation. L'une des recommandations clef de notre rapport est que dans un monde en réseaux, c'est la capacité des particuliers de nouer des relations avec d'autres particuliers d'autres cultures et d'autres groupes linguistiques qui donnera à notre pays l'influence que nous espérons exercer. Nous formulons donc deux recommandations : la première est que chaque Canadien doit devenir bilingue, c'est-à-dire parler l'une de nos deux langues officielles nationales et parler une autre langue parlée ailleurs dans le monde; et la deuxième est que 25 p. 100 de nos étudiants doivent avoir de l'expérience internationale, pas seulement parce qu'en allant à l'étranger, on apprend une culture différente et comment nouer des contacts avec une communauté différente, mais parce que ceux qui reviennent au Canada peuvent ensuite aider à enrichir ceux qui sont restés au pays et leur permettre d'acquérir les habilités dont ils ont besoin pour s'insérer dans d'autres cultures et collectivités.
Et cela est d'autant plus important dans nos forces armées. Au cours des six derniers mois, j'ai eu l'extraordinaire possibilité de visiter un certain nombre de bases militaires et de m'entretenir avec bon nombre de militaires, et je suis notamment allé au Collège d'état-major à Toronto où, je crois, de 10 p. 100 à 15 p. 100 des étudiants viennent d'autres pays. Il y a là des colonels, des lieutenants-colonels et d'autres officiers jusqu'au grade de général qui viennent étudier au Collège d'état-major canadien. C'est l'expérience internationale acquise en côtoyant ces autres officiers qui enrichit vraiment l'environnement et cela a l'avantage additionnel de donner à ces officiers un réseau de contacts personnels, de sorte que lorsque nous participons à des manoeuvres et missions à l'étranger, les officiers ont des liens personnels avec quelque officiers d'autres forces armées et ils peuvent faire appel à ces ressources.
¿ (0945)
La deuxième recommandation est d'avoir des conditions claires pour le déploiement. Les forces armées sont un outil efficace pour intervenir et apporter une solution à l'étranger. Toutefois, si nos alliés ne savent pas quand, comment et pourquoi nous comptons utiliser cet outil, il est complètement émoussé. Dans un mode réseauté, où les partenariats établis déterminent votre capacité à résoudre un problème de façon efficace, vos alliés veulent savoir quand et où vous allez engager vos forces. Dans la guerre d'Iraq, d'abord nous étions partant, puis nous ne l'étions plus, puis nous l'étions à nouveau, puis nous ne l'étions plus. C'est ce type de prévisibilité qui nous rend indigne de respect, indigne d'être un partenaire—non seulement aux yeux des États-Unis mais aux yeux des autres observateurs.
Ma dernière recommandation porte sur ce que je qualifierai des alliances héritées. J'ai récemment assisté à un séminaire sur l'OTAN, avec l'ancien CEMD. Une bonne part de la discussion a porté sur la part qui resterait à de petits pays tiers comme le Canada, maintenant que l'OTAN comptait les États-Unis et l'Union européenne, deux acteurs majeurs. On a beaucoup discuté du processus et de la fonction de l'OTAN, sans jamais éclaircir pour moi un point essentiel : le but de l'OTAN. Je ne crois pas que le Canada ait entamé un véritable débat sur ces politiques et sur le rôle que peuvent encore jouer les nombreux traités que nous avons conclus, que je qualifierais de traités hérités.
Par exemple, tous les participants au séminaire estimaient que l'Afghanistan était un excellent exemple de la réussite de l'OTAN de nos jours, de sa capacité à entreprendre une mission avec succès. Par contre, si vous demandez aux Canadiens moyens ce que nous faisions en Afghanistan, vous constaterez qu'ils croient que nous y étions sous la bannière des Nations Unies, pas sous les auspices de l'OTAN.
D'accord, la mission a été réussie, d'un point de vue militaire. Mais si on avait ramené d'Afghanistan 500 victimes dans des housses, que se serait demandé la population canadienne? Qu'est-ce que l'OTAN faisait en Afghanistan?
C'est pourquoi il faut entreprendre un débat politique publique sur les traités que nous avons conclus, notamment dans le contexte militaire, sur nos attentes quant aux missions auxquelles nous serons amenés à participer et sur les modalités de cette participation.
Je pense qu'il faut également débattre du rôle du Parlement dans tout cela. Je suis dans le flou le plus total quant à la surveillance parlementaire et à la façon dont nous décidons où et quand engager nos forces. Je pense que les Canadiens aimeraient savoir si les parlementaires ont véritablement leur mot à dire, s'ils confirment effectivement quand et comment nous déployons nos forces.
En ce qui concerne le futur de l'Énoncé de politique internationale, je voudrais mentionner une caractéristique que j'approuve de tout coeur, mais dont les tenants et les aboutissants me préoccupent. En effet, on parle beaucoup des intérêts du Canada dans l'Énoncé, mais leur description laisse à désirer. En ce qui me concerne, c'est un tournant très sain dans le débat sur la politique étrangère du Canada. Pendant longtemps, l'accent a été mis sur les valeurs; nous voici en train de parler de nos intérêts.
J'aimerais que votre comité et celui des Affaires étrangères, ainsi que le Parlement en général, commencent à spécifier quels sont les intérêts canadiens, parce qu'une politique étrangère canadienne solide doit reposer à la fois sur des intérêts et sur des valeurs. Ce sont nos intérêts qui permettront à nos alliés de savoir quels problèmes nous souhaitons résoudre, quels partenaires nous voulons avoir pour résoudre ces problèmes, quels outils et quels mécanismes nous allons utiliser dans notre tentative pour les résoudre.
Et ce sont nos valeurs qui détermineront les limites que nous respecterons dans nos tentatives pour résoudre les problèmes, ainsi que le caractère juste ou injuste d'une approche. J'estime que nous avons beaucoup travaillé à définir nos valeurs; mais nos alliés se tournent à présent vers nous et demandent ce que le Canada souhaite accomplir. Ils veulent établir une collaboration efficace avec nous, mais en sont incapables sans une définition claire de nos buts.
Maintenant que le gouvernement a fait connaître son Énoncé de politique internationale, je crains que la question de la politique étrangère du Canada ne soit plus à l'ordre du jour. C'est pourquoi il est crucial que votre comité, le comité des affaires étrangères et le Parlement en général prennent véritablement le problème à bras-le-corps et commencent à définir quels sont les intérêts nationaux du Canada, afin que nous puissions être un partenaire efficace tout au long du XXIe siècle.
Merci.
¿ (0950)
Le vice-président (M. Rick Casson): Pourrait-on demander au professeur de revenir, et quand on pose une question à certaines personnes de votre groupe, cette personne pourrait-elle venir s'asseoir à la table? Je ne pense pas qu'il y ait assez de place pour tout le monde.
Veuillez vous présenter, quand vous vous asseyez, ou mettez votre petit signe devant vous, pour que l'on sache qui parle.
Nous avons une tournée de questions et de réponses de sept minutes. C'est M. O'Connor qui commence.
M. Gordon O'Connor (Carleton—Mississippi Mills, PCC): Merci beaucoup. Et merci à vous tous qui avez fait les exposés.
C'est un peu comme une lance d'incendie. Je pense qu'il y a eu neuf ou dix intervenants parlant de différents sujets, si bien qu'il est difficile de se concentrer sur un sujet cohérent.
Toutefois, je vais commencer par le groupe de droit de l'Université d'Ottawa, qui a couvert toute une gamme de sujets. Si je réfléchis aux idées fondamentales qui sous-tendent ce que vous avez dit, je crois que vous nous encouragez à aller voir ce qui se passe ailleurs dans le monde et à y participer.
Cela m'amène à une question : Pourquoi les Canadiens et les militaires canadiens devraient-ils être présents sur la scène mondiale, hors de nos frontières?
Le vice-président (M. Rick Casson): Vous comprenez la question? Pourquoi, en tant que pays, devrions-nous être présents sur la scène internationale?
M. Gordon O'Connor: Pourquoi devrions-nous être prêts à déployer des forces de contingence dans le monde? Pourquoi devrions-nous être prêts à lancer des forces humanitaires dans le monde? Si j'analyse ce que vous dites, vous suggérez même que nous sommes censés aller de par le monde et intervenir dans un pays, puis dans un autre, afin de veiller à ce qu'il y ait des activités humanitaires, protéger des droits civils, etc.
Ce que je voudrais comprendre c'est la philosophie qui sous-tend tout cela. Pourquoi devrions-nous procéder ainsi? N'oublions pas qu'il y a des conséquences, non seulement fiscales mais humaines, en termes de décès.
Mme Margot MacPherson Brewer: C'est une excellente question. J'ai esquissé le rôle plus marqué que les forces armées peuvent jouer en matière d'aide humanitaire. À ce que je comprends, les Forces armées canadiennes vont travailler davantage en étroite collaboration avec nos organisations non gouvernementales et d'autres organisations pour distribuer l'aide alimentaire. Je pense à l'expérience récente du Sri Lanka, où DART est intervenu, par exemple. D'ailleurs, les Forces armées sont déjà sur place et choisissent où intervenir. Je ne suggérais pas dans mon exposé que l'on disperse les interventions militaires partout où se présente une situation d'urgence humanitaire. En fait, le problème que je soulignais en partie, c'est qu'il y a des choix à faire; il faut déterminer comment les effectuer, qui décide et à partir de quels critères. C'est ce que je voulais souligner.
Mme Amy Groothuis: Dans cette lignée, je voudrais préciser, moi aussi, que je n'entendais pas suggérer que le Canada devienne, nécessairement, le gardien de la paix dans le monde ni que nous intervenions partout. Je voulais surtout insister sur la nécessité, une fois une décision politique prise—et je ne suis aucunement experte en la matière—il importe que les forces déployées soient prêtes, bien équipées et en mesure d'intervenir rapidement. Si le Canada décide de déployer des soldats à l'étranger, il doit s'assurer que ses soldats disposent de tout soutien voulu—physique, en matière d'équipement et politique, afin qu'il n'y ait pas de perte inutile. Si nous voulons avoir des forces d'intervention rapide, une force de contingence quelconque, nous devons veiller à ce qu'une fois une décision prise, l'on n'ait pas à se poser des questions sur l'équipement, le matériel, le nombre de tentes pour nos soldats dans le théâtre des opérations. Nous devons nous assurer que tout est prêt d'avance.
¿ (0955)
M. Gordon O'Connor: J'aimerais poursuivre, vu que nous cherchons à nous renseigner.
Avez-vous des suggestions quant aux critères que nous devrions adopter pour faire intervenir nos forces en dehors de nos frontières?
Mme Margot MacPherson Brewer: Là où nous serons les plus efficaces : je pense que c'est le critère qui doit être adopté.
Je trouve l'approche des 3D particulièrement intéressante et je suis tout à fait en sa faveur. J'espère que c'était clair dans mon exposé. Il me semble que l'évolution est logique, qu'il faut faire participer les forces de défense, mais aussi des agents de développement et des diplomates.
Cette réflexion en profondeur ne se fait pas pour le moment... Dans l'énoncé de politique internationale, par exemple, il est indiqué que l'ACDI ciblera 25 pays clés, au lieu de saupoudrer son aide un peu partout, comme par le passé. C'est, à mon sens, le type de travail de fond qu'il faut effectuer avant que ne se présente la prochaine situation d'urgence humanitaire. Il est sûr qu'il y aura une urgence, car elles deviennent de plus en plus fréquentes.
Nous souhaitons que s'effectue le travail de fond voulu pour déterminer quels devraient être les critères, et s'ils doivent nécessairement être politiques. Les forces armées obéissent à une impulsion essentiellement politique, contrairement aux agences d'aide internationale ou aux corps diplomatiques, qui ont des priorités différentes. Vu les optiques différentes des trois éléments, comment les faire fonctionner de concert? Est-ce que les discussions voulues ont effectivement lieu en coulisse, afin que les bons choix soient pris le moment venu?
Mme Amy Groothuis: Je souhaite poursuivre dans la même veine. Je me demande si, quand vous parlez de la philosophie sous-tendant nos exposés, c'est à la responsabilité de protéger que vous pensez. Je ne suis pas une experte en la matière, mais j'estime que le Canada devrait participer aux affaires du monde, que nous avons une responsabilité qui va au-delà de la défense de notre pays; personnellement, je parle en mon nom et non en celui du groupe, j'encouragerais le Canada à continuer de participer de façon active au soulagement des urgences humanitaires dans le monde.
Le vice-président (M. Rick Casson): Je laisserai M. Eaves répondre à la question de Gord.
M. Gordon O'Connor: Oui, effectivement, j'allais lui poser une question. Allez-y.
M. David Eaves: Je pense que vous avez eu raison d'exprimer cette préoccupation. Il existe une multitude d'endroits où on aurait besoin du Canada et où nos forces pourraient être déployées de façon efficace—selon la façon dont on définit le mot « efficace ». Il reste à savoir si les Forces canadiennes seront déployées dans des endroits qui tiennent au coeur des Canadiens, dans des endroits où elles ont des raisons claires d'intervenir.
L'un des meilleurs exemples que je puisse citer à cet égard est celui de Lester B. Pearson quand il a engagé les forces canadiennes dans le maintien de la paix. Pourquoi? Pas l'histoire de se manifester soudainement sur la scène internationale et de faire une bonne action, mais pour défendre des intérêts canadiens clairement en jeu. Les forces canadiennes ont été déployées au Moyen-Orient pour éviter une escalade qui aurait pu mener à une troisième guerre mondiale, avec l'Union soviétique et les États-Unis qui se seraient affrontés au-dessus de l'espace aérien canadien, à coup de chasseurs et de bombes nucléaires. Il était manifestement de notre intérêt d'éviter cela.
La même logique a justifié nos interventions pendant un certain nombre d'années par la suite, y compris à Chypre, où la Turquie et la Grèce menaçaient d'entrer en guerre et de mettre en cause la crédibilité de l'OTAN.
À mon avis, on ne peut pas déployer des forces sans que soit clairement en jeu notre intérêt national. Sinon, à long terme, je craindrais le désintérêt de nos politiciens et de notre population pour la mission. Or, je serais terrifié de voir nos forces en place quelque part dans le monde sans l'appui entier des membres du Parlement et de la population canadienne.
Le vice-président (M. Rick Casson): Merci.
Monsieur Bachand, à vous.
[Français]
M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): Je veux d'abord féliciter les représentants des deux organisations qui témoignent aujourd'hui pour leur présentation.
Je vous écoute parler et cela me rappelle l'époque où j'avais votre âge. J'étais syndicaliste. Je ne veux pas créer un conflit de générations, au contraire, il est important de bâtir des ponts et de voir où nous nous situons par rapport à vous.
J'étais des vôtres il y a quelques années seulement. Je voulais corriger des injustices sur la planète, je voulais l'équité, je voulais que la pauvreté disparaisse. J'ai mené une carrière de syndicaliste pendant 20 ans. Lorsque je l'ai conclue, je me suis dit que j'avais fait un bout, mais sans réussir à tout changer.
À mon arrivée en politique, je me suis dit que j'allais pouvoir régler des choses, puisque la politique dirige tout. Si j'étais à votre place, je ferais le même type de présentation que vous. Toutefois, si vous étiez assis à notre place, vous comprendriez que cela ne fonctionne pas toujours aussi bien qu'on le pense.
On a de bonnes idées, mais quand vient le temps de les mettre en oeuvre, on vit certains problèmes. Je me disais que maintenant que j'étais en politique, j'allais me lever et poser une question au ministre. Toutefois, des gens de mon propre parti m'ont dit que cela ne fonctionnait pas ainsi, car ils décidaient quelles questions allaient être posées. J'ai tâché de faire valoir que ma question était importante, mais on m'a rétorqué que 50 de mes collègues avaient aussi des questions importantes et que c'est pourquoi ils décidaient quelles questions allaient être posées.
Les choses commençaient bien, pour un idéaliste comme moi! Il fallait que je convainque mon propre parti de poser mes questions.
D'autre part, quand on pose une question, qu'on suggère de faire ceci ou cela, qu'on a une philosophie et qu'on suggère une nouvelle direction, on nous demande combien cela va coûter. On nous demande si on veut vraiment augmenter le fardeau fiscal des contribuables. D'autre part, ceux-ci disent qu'ils trouvent qu'ils paient assez de taxes.
Si on ne veut pas augmenter le fardeau fiscal des contribuables davantage, il faut prendre l'argent dans un autre ministère, mais les responsables de cet autre ministère disent qu'ils ont besoin de cet argent.
C'est un peu comme cela que les choses se passent. Je trouve que vous avez fait une très bonne présentation. On aurait besoin de deux jours pour faire le tour de cette vaste panoplie de sujets. Néanmoins, je suis obligé d'en choisir seulement un, parce que le temps file.
J'aimerais parler en priorité des interventions militaires extérieures. Je n'ai pas compris tout à fait ce que voulaient dire les gens de la Faculté de droit lors de leur présentation. Il faut aussi se décider. Les situations ne sont pas toutes pareilles. Quand on propose d'intervenir à la demande de l'ONU, on ne risque pas de se tromper beaucoup, car c'est la tradition. Cependant d'autres demandes sont formulées, d'autres avancées apparaissent. Il y a le droit à la protection, qui se conforte avec le droit westphalien. Le Darfour constitue un bon exemple. On peut vouloir y aller, mais leur propre gouvernement s'y oppose. Doit-on y aller quand même?
Que fait-on dans le cas des coalitions de volontaires? Quand les États-Unis, notre plus grand voisin, qui nous serre la vis économiquement, nous disent qu'ils veulent que nous les accompagnions en Irak et que nous refusons, il y a des conséquences.
On ne peut pas adopter une position permanente, parce que le droit international est en évolution constante. J'aimerais connaître vos idées sur la façon de garder notre esprit ouvert et la façon d'amener le droit international à cheminer dans le sens qu'on veut qu'il aille.
Je suis un gars charitable, je n'aime pas ce qui se passe au Darfour. Je serais peut-être prêt à y aller, mais je sais que si on y va tout seul, on va « manger la claque ». Je sais aussi que notre rôle serait probablement d'essayer de convaincre d'autres puissances de nous y accompagner. En effet, je pense qu'il faut régler les problèmes loin de nos frontières, parce que lorsqu'ils sont rendus à l'intérieur du pays, il est un peu tard.
J'aimerais que vous développiez un peu les questions du droit international, des capacités d'interventions militaires sous la bannière des Nations unies, de l'OTAN ou de la Coalition des Volontaires. J'aimerais aussi que vous parliez d'une nouvelle donnée, le devoir de protection.
À (1000)
[Traduction]
Mme Maya Khakhamovitch: J'espère que vous me pardonnerez, mais mon français n'est pas à la hauteur et je parlerai anglais pour vous répondre.
C'était une excellente question, une question très large. J'y répondrai du mieux possible.
Je vais diviser le droit et l'interférence sur la scène internationale en deux stades, qui reflètent la réalité du monde où nous vivons : l'usage de la force, où le Canada ou tout autre pays doit intervenir dans une situation politique explosive et recourir à la force dans le pays en question; et le renforcement de la paix et son maintien.
Actuellement, le recours à la force ne peut être autorisée uniquement que par les Nations Unies. Le Canada s'est engagé à reconnaître l'autorité exclusive des Nations Unies, y compris du Conseil de sécurité, pour décider d'un recours à la force. Aux vues de cet engagement, nous ne pouvons pas faire volte-face et intervenir sous l'égide d'autres organisations, comme l'OTAN, quand nous voulons contourner les Nations Unies et intervenir, même si une intervention semble justifiée. C'est le point sur lequel je voulais mettre l'accent dans mon exposé.
Vu l'état du droit international, l'engagement du Canada à y adhérer et à promouvoir les Nations Unies et une réforme de celle-ci, il nous faut hélas nous ranger aux décisions des Nations Unies. Il nous faut attendre l'autorisation du Conseil de sécurité et des Nations Unies avant d'avoir recours à la force dans des régions du monde où la situation politique est explosive.
Le premier ministre du Canada met actuellement de l'avant la responsabilité de protéger. C'est une doctrine riche de possibilité prometteuse pour travailler en collaboration avec les États-Unis, intervenir quand les pays ont besoin de protection, répondre aux besoins lors d'une crise. L'approche dépend en bonne partie d'une réforme des Nations Unies, ainsi que d'un recours à d'autres entités, telles que l'Assemblée générale et la Commission des droits de la personne.
En parlant de l'envoi de troupes sous l'égide des Nations Unies, nous avons également mentionné la BIRFA, le groupe de travail sur la stabilisation et la reconstruction et le la force opérationnelle de contingence permanente, qui sont tous susceptibles de jouer un rôle dans le maintien de la paix.
Une fois que les Nations Unies autorisent une intervention dans une région en difficulté, il est important de savoir quels sont nos engagements. C'est ce que je nous soulignions, dans mon exposé et celui de ma collègue Groothuis. Il nous faut identifier quels sont nos engagements et quelle force d'intervention est présente. Si nous identifions nos obligations et que le Canada s'engage auprès de certaines organisations ou de certains groupes, il faut aussi que nos forces soient prêtes. Nous devons pouvoir dire que si nous avons pris un engagement, nous sommes en mesure de fournir le personnel voulu.
Quand les Nations Unies ont informé la BIRFA d'une intervention possible au Soudan, nous nous sommes heurtés à un problème : la participation à la BIRFA est volontaire. Il restait donc aux pays à décider s'ils allaient participer et combien de troupes ils enverraient. Cela a entraîné un délai impardonnable, trois ou quatre mois au moins, de tergiversation par des pays qui se demandaient combien de troupes envoyer et comment s'organiser, le Canada étant du nombre.
Il est important d'être mieux organisés, si nous voulions participer, si nous voulions nous engager. Il nous faut décider quelles sont nos priorités et nous engager à les respecter.
À (1005)
Le vice-président (M. Rick Casson): Merci. Votre temps est écoulé.
Monsieur Blaikie.
L'hon. Bill Blaikie (Elmwood—Transcona, NPD): Monsieur le président, je voulais enchaîner sur la question du rôle de l'OTAN.
M. Eaves a parlé de la nécessité d'un débat sur le rôle de l'OTAN et sur celui du Canada au sein de l'OTAN. Vous y avez fait référence dans votre réponse.
Il y a une chose qui me préoccupe, ces dernières années. Je me souviens avoir participé à des réunions de l'assemblée parlementaire de l'OTAN et débattu de ce que nous appelions des opérations hors zones. C'était au milieu des années 1990, à une époque où l'idée semblait révolutionnaire. Au sein de l'OTAN, au moins au niveau politique, on a amplement débattu la question de savoir s'il convenait d'effectuer des opérations hors zones.
Bien sûr, c'est précisément ce qui s'est passé au Kosovo, où on a franchi ce pas. La décision, prise sans la permission des Nations Unies, était très controversée. Dans les premiers temps, bien des partisans farouches de la permission des Nations Unies se sont retrouvés à dire que l'on pouvait s'en passer, à cause de la crise humanitaire, du besoin de protéger les réfugiés, etc. Cela a constitué un véritable dilemme moral.
À votre avis, que devrait être le rôle de l'OTAN? Partagez-vous ma préoccupation : que, jusqu'à un certain point, l'OTAN est devenue une espèce de substitut occidental de ce que les Nations Unies devraient faire?
Selon certains, les États-Unis notamment, l'OTAN était tenue d'intervenir parce que les Nations Unies en étaient incapables. Or j'ai souvent pris la parole à l'assemblée de l'Atlantique Nord pour rappeler que si les Nations Unies en étaient incapables, c'est parce que les États-Unis préféraient les choses ainsi, qu'ils ne payaient pas leurs cotisations et qu'ils sapaient délibérément les accises de l'organisation internationale. Il est trop facile de dire que l'OTAN doit intervenir parce que l'ONU en est incapable. Chaque fois que l'on renforce les capacités de l'OTAN, si cela se fait aux dépens de l'ONU, on crée en fait une espèce de capacité parallèle.
Enfin, je voulais vous inviter à exprimer votre opinion, et non donner la mienne. Donc, si vous voulez bien exprimer votre point de vue sur l'OTAN, sur la façon dont elle devrait évoluer ou pas, nous aimerions vous entendre.
M. David Eaves: Vous avez soulevé toute une série de questions intéressantes.
Je ne prône pas la dissolution de l'OTAN. C'est une merveilleuse organisation, qui permet toute sorte de coordinations entre nos forces armées et celles d'autres pays, qui assure des normes en matière de processus et d'équipement. Ce qui me préoccupe, c'est que l'OTAN s'entraîne encore comme si les Russes allaient nous envahir. J'estime que c'est une organisation qui recherche désespérément un mandat. Peu m'importe que l'OTAN décide d'effectuer des opérations hors zone, à une condition : que ce soit après un véritable débat organisé au Canada et dans tous les pays de l'OTAN. Pour doter l'OTAN d'un mandat clair, il faut en effet que la population comprenne la mission et l'approuve. L'OTAN s'est créé avec l'appui des masses, à une époque où elle souhaitait empêcher une invasion russe. Le problème est que si l'OTAN a une nouvelle mission, elle n'a pas l'assentiment des masses pour l'entreprendre.
Il existe une sphère de sécurité bien définie qui inclut l'Amérique du Nord et l'Europe. C'est un lieu où foisonne des échanges de populations, de biens et d'idées. Protéger cette sphère reste important. Mais le défi est d'identifier les menace véritables. Elles nécessitent une organisation d'un type radicalement différent, avec des capacités radicalement différentes. Mieux vaudrait peut-être une force d'interdiction du terrorisme ou du crime, que le gros outil utilisé pour empêcher l'ours russe de franchir les montagnes et s'emparer de l'Europe occidentale.
À (1010)
Mme Maya Khakhamovitch: Pour l'instant, je parlerai au nom de notre groupe. Mes collègues interviendront par la suite, s'ils le souhaitent.
Vous avez soulevé des questions intéressantes et exprimé des préoccupations valides. Non seulement est-il important de savoir si l'OTAN est un substitut occidental pour l'ONU, il faut aussi veiller à ce que l'OTAN ne soit pas un substitut pour les États-Unis. Dans des interventions comme celle du Kosovo, l'OTAN n'a pas l'appui du droit international. Il est vrai que le Kosovo a suscité toute sorte de difficultés d'un point de vue éthique et qu'il est difficile de savoir si l'OTAN a bien fait d'agir ou pas. N'empêche que, sur le plan du droit international, l'intervention était injustifiée. L'ONU et la communauté internationale ont simplement décidé de ne pas s'appesantir sur la question après coup. Si notre nation s'engage à soutenir l'ONU, elle doit tout faire pour respecter cet engagement, sans le contredire en s'alignant avec l'OTAN lors d'interventions illégales.
Quant à savoir ce que devrait être le rôle de l'OTAN, je ne peux parler qu'en mon nom. L'OTAN a des capacités militaires fabuleuses que l'on pourrait utiliser pour le maintien ou le renforcement de la paix. Cela reste une organisation de défense dont le rôle est de protéger ses membres, s'ils sont menacés. Toutefois, vu que cela ne s'est pas produit dernièrement, l'utilisation des capacités militaires de l'OTAN pour le maintien de la paix serait une excellente chose. Toutefois, comme l'a signalé M. Eaves, ce serait aux membres de l'alliance d'en décider. C'est à eux de définir le mandat et les modalités.
L'hon. Bill Blaikie: Je voudrais poser une question complémentaire, monsieur le président, concernant toute la question de la surveillance parlementaire qui a été soulevée. Voici, au Canada, nous n'avons pas le même genre de débats sur notre participation à l'OTAN que dans d'autres pays. Par exemple, même avec l'élargissement de l'OTAN, chacun des 14 ou 15 autres pays du groupe initial ont tenu un débat au sein de leurs parlements nationaux respectifs et un vote sur l'approbation ou le rejet des changements proposés au traité. Mais le Canada a été le seul pays à ne pas tenir de débat ou de vote.
Comme argument, on nous dit que nous avons le système Westminster, mais même au Royaume-Uni, il y a eu un débat et un vote. Ce que nous avons au Canada, c'est une sorte de mainmise de l'exécutif sur ce genre de choses. C'est pourquoi je vous encourage vivement à réfléchir à cela.
Pour ce qui est de l'OTAN par opposition à l'ONU, nous sommes souvent pris, nous les Canadiens, entre nos engagements envers l'OTAN et nos engagements envers l'ONU. La première chose qui me vient à l'esprit, ce sont toutes les mesures que nous appuyons à l'ONU au chapitre de l'abolition des armes nucléaires et de la non-prolifération nucléaire, et pourtant, à l'OTAN, nous souscrivons à la doctrine de la première frappe. Nous sommes liés par des alliances avec les Américains, qui sont aussi résolus à abolir les armes nucléaires que le Hamas est déterminé à abolir le terrorisme. D'où notre dilemme : nos engagements envers l'OTAN et nos engagements envers les Nations Unies.
Comme l'ont dit certains d'entre vous, vous, les jeunes, ne vous rappelez pas de la guerre du Vietnam, et vous ne vous rappelez pas non plus de Pearson, ni de la crise des missiles cubains. J'avais 11 ans à l'époque, et j'ai cru que le monde allait s'arrêter de tourner ce jour-là. Je pense que ma génération était beaucoup plus sensibilisée à la possibilité que le monde soit anéanti par une conflagration nucléaire. Bien que je pense que vous, les jeunes, soyez beaucoup plus conscientisés à toutes sortes de choses, n'empêche que vous semblez accepter l'existence continue d'armes nucléaires, que ce soit l'arsenal nucléaire des États ou celui des nations parias, où qu'ils se trouvent.
Je me demande si dans vos travaux, vous réfléchissez à la manière dont nous pourrions débarrasser la planète de ces armes qui risquent d'anéantir toutes nos perspectives d'avenir.
À (1015)
Le vice-président (M. Rick Casson): Les réponses vont devoir être brèves, monsieur Blaikie, vous avez déjà dépassé votre temps de deux minutes.
L'hon. Bill Blaikie: Je me suis laissé emporter.
Le vice-président (M. Rick Casson): Je pense que je vais les laisser répondre au prochain tour. Nous allons devoir avancer un peu. Cela dit, je pense que tout le monde a compris votre intervention.
Monsieur Bagnell.
L'hon. Larry Bagnell (Yukon, Lib.): Merci.
Je suis prêt à concéder une partie de mon temps si vous voulez répondre à la question de M. Blaikie.
Mme Rachel Hird: D'accord. Je vais y aller rapidement.
Une des plus grandes difficultés qu'on a à détruire les armes nucléaires maintenant, c'est qu'il y a une grande contradiction entre... je vais simplement vous citer la position américaine, parce que c'est la plus importante à l'heure actuelle. Les Américains sont en train de moderniser leurs stocks nucléaires. Leur position est qu'ils doivent soit maintenir leurs stocks existants, soit créer de nouvelles armes, car ils veulent être sûrs de leur technologie d'armement, en attendant que la conjoncture mondiale change. Ils ne veulent pas réduire leur arsenal nucléaire maintenant, à moins d'avoir la garantie de posséder de nouvelles armes, une technologie plus fiable, ou alors être sûrs que les armes qu'ils ont depuis les années 40 fonctionnent toujours. Voilà donc la grande contradiction des efforts pour réduire l'armement dans le monde.
Il y a des initiatives visant à réduire les stocks de la Russie et d'autres pays, mais tant que la position des États-Unis ne change pas, il sera très difficile de convaincre d'autres pays qui n'ont plus besoin d'acquérir ces armes. C'est le grand dilemme diplomatique à l'heure actuelle.
L'hon. Larry Bagnell: Très bien.
Je suis heureux d'entendre que vous n'en savez pas trop sur la FOI2, car c'est sensé être secret.
Des voix : Ah!
L'hon. Larry Bagnell : Je pense que ce serait une bonne idée que vous ayez cette discussion, madame, avec des responsables des politiques aux ministères de la Défense et des Affaires étrangères. Ce serait à mon sens, un excellent échange pour votre classe. D'ailleurs, on vous consacrerait probablement plus de temps qu'à nous.
Margot, sachez que parfois, il vaut mieux que l'armée ne coordonne pas l'aide militaire, car dans une guerre à trois volets, c'est l'armée—par exemple, nos équipes de reconstruction provinciales—qui assure la livraison de l'aide.
Rachel, j'adhère à la non-prolifération, et je pense que cela vous fera plaisir.
Amy, John Godfrey et moi-même avons plaidé la cause des prisonniers au Parlement, avec vigueur, et c'est pourquoi je suis heureux que vous ayez soulevé la question.
Je n'ai pas beaucoup de questions à poser—ce qui surprendra mes collègues, j'en suis sûr—mais s'il y a quoi que ce soit que vous voulez ajouter, Heather et David, allez-y. Je veux faire en sorte que l'Arctique soit bien représenté.
Mme Heather Watts: En me préparant pour l'audience d'aujourd'hui, je me suis rendu compte que la sécurité dans l'Arctique ne se limite pas à la sécurité militaire. Il s'agit d'assurer aussi la sécurité civile et la sécurité environnementale. Ces préoccupations dépassent peut-être le cadre du mandat de votre comité, mais pour ce qui est de l'environnement, des opérations de recherche, etc., il reste bien des choses à faire.
L'hon. Larry Bagnell: J'allais justement vous proposer de faire parvenir votre éloquent exposé au ministre de la Défense et au ministre des Affaires étrangères. Ce serait formidable si vous pouviez le faire.
Mme Heather Watts: Absolument.
L'hon. Larry Bagnell: David, avez-vous quelque chose à dire au sujet de la souveraineté de l'Arctique.
À (1020)
M. David Eaves: Non, rien au sujet de l'Arctique.
L'hon. Larry Bagnell: Très bien.
Amy et Maya, pour ce qui est de la dimension internationale, y compris les organisations, je pense qu'un des points forts de notre premier ministre c'est qu'il cherche de nouvelles façons de résoudre... et je ne parle pas de limiter les organisations existantes, ou de les réformer, ce qui devrait manifestement être fait d'ailleurs, mais du fait que, quand un problème survient, il cherche à le régler de concert avec d'autres parties prenantes, que ce soit au sein de l'OTAN, de la coalition des volontaires ou du G20, selon la nature du problème à régler.
Si une famille au Darfour, ou votre famille, devait être massacrée demain, je ne pense pas qu'il soit suffisant de dire « nous devons attendre l'ONU ». C'est mon opinion personnelle, pas celle du gouvernement. Dans la mesure du possible, je pense que nous devons trouver des moyens de...
Voyez-vous, si une personne souffre de la faim, une réponse consisterait à dire que c'est un problème de société. Nous devons régler ce problème social pour que nous n'ayons pas besoin de soupes populaires, pour que la personne en question n'ait pas à mendier pour se nourrir. Nous travaillerons donc à corriger le système dans les mois et les années à venir, et nous le réglerons, après quoi, ces personnes n'auront plus besoin de mendier. Dans l'intervalle, cette personne aura besoin de manger demain, et il faut faire quelque chose immédiatement, à mon avis.
Je ne sais pas si vous avez autre chose à ajouter, Maya, sur l'action internationale. Je pense que nous devons agir maintenant pour que les gens ne soient pas massacrés au Darfour, au Congo et au Rwanda, et ensuite, nous aurons tout le temps nécessaire pour réformer les Nations Unies et le droit international afin de parvenir à des solutions à long terme aussi.
Mme Maya Khakhamovitch: J'aimerais tellement pouvoir vous dire que j'ai une réponse claire et nette pour vous. Dans le mémoire original que nous avons présenté, je me suis débattue pendant 25 pages contre le même dilemme, à savoir qu'est-ce qui constitue la bonne action et la mauvaise action.
En dernière analyse, une intervention comme celle de l'OTAN dans les Balkans soulève énormément de questions, à savoir si l'OTAN avait causé plus de dommages que si elle n'était pas intervenue où qu'elle avait attendu l'intervention de l'ONU.
Il est clair qu'on ne peut pas dire à quelqu'un au Darfour, au Rwanda ou dans n'importe quel autre pays en crise, de simplement attendre, que nous y travaillons. La seule chose que nous puissions faire maintenant, en tant que pays responsable et résolu à protéger cette responsabilité, c'est-à-dire qui est attachée à cette doctrine, c'est de réformer le processus. Dans le cadre de la responsabilité de protéger et de la réforme onusienne en cours, on est train de s'employer à corriger le processus pour que peut-être dans les cinq prochaines années, nous ne retrouvions pas dans une crise comme celle-ci et que nous ayons en place un processus plus rapide pour régler les problèmes. Autoriser une action militaire sans savoir ce qui se passe dans la région, sans connaître toutes les préoccupations, ni tous les problèmes, n'est, pour le moment, pas la solution. En effet, cela risque de faire beaucoup plus de mal que de bien.
Cela étant dit, je sais aussi que dire qu'il nous faut un meilleur processus n'est pas une solution, notamment quand on sait que ces gens ne font que se répéter. Pour les cinq prochaines années, notre plan d'action devrait être axé sur l'amélioration du processus. Si nous ne réussissons pas, si au bout du compte nous sommes obligés de constater que les Nations Unies ne sont plus un organe efficace, qu'on le contourne alors, en passant par l'assemblée générale, par exemple, comme le prévoit la doctrine de la responsabilité de protéger.
En outre, et Amy en parlera davantage, une fois que nous nous engageons à déployer rapidement des forces, un autre problème survient, c'est qu'une fois qu'on obtient l'autorisation des Nations Unies pour intervenir, comment pouvons-nous alors organiser nos forces efficacement? Une fois que nous nous engageons à déployer nos forces rapidement, nous devons comprendre la nature des engagements, et nous devons faire en sorte que nos capacités nous permettent d'intervenir immédiatement.
La BIRFA est un bon exemple. C'est une brigade d'intervention rapide dont les membres sont censés s'entraîner ensemble, s'organiser ensemble, et elle est censée être mobilisée dans un intervalle de quelques semaines pour être déployée pour une durée de six mois. Nous avons pris cet engagement, mais aucun déploiement rapide et aucune coopération d'urgence n'a encore vu le jour.
Voilà donc une autre chose que nous pouvons faire, c'est-à-dire faire en sorte qu'une fois les Nations Unies sonnent l'alarme et nous donnent le feu vert, nous devons être prêts, avec le concours d'autres pays qui seraient prêts aussi, et nous pouvons alors agir efficacement.
Je vais laisser Amy dire quelques mots de plus à ce sujet.
Mme Amy Groothuis: La seule chose que je voudrais ajouter à cela, ayant peut-être trait à votre comité, c'est que le comité pourrait examiner les choix que le Canada peut faire pour rendre nos forces armées les plus efficaces qui soient. Dans mes recherches, je suis tombée sur le terme « créneau de maintien de la paix ». Il y a-t-il des aspects que les Forces canadiennes pourraient explorer et où le Canada peut excéder? Après tout, qui est propre à tout n'est propre à rien! Pouvons-nous réfléchir aux aspects sur lesquels les Forces canadiennes peuvent se concentrer?
Par exemple, en cas de crise humanitaire, nous pouvons dire que, face à ce problème, nos forces armées ont le personnel tout à fait compétent pour intervenir et régler la situation. Nous ne pourrons pas régler tous les problèmes, d'où la question : quel serait le meilleur usage que nous puissions faire de nos ressources?
L'hon. Larry Bagnell: J'ai une question différente à vous poser.
Le vice-président (M. Rick Casson): Vous allez devoir attendre le prochain tour. Vous avez déjà dépassé votre temps.
Nous allons maintenant revenir à M. Martin.
L'hon. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci à tous les témoins d'être ici aujourd'hui. Comme mon collègue M. Bagnell l'a dit, vos propos méritent d'être entendus par un plus grand auditoire.
Je vous recommanderais, pour votre propre gouverne, si vous avez l'occasion de le lire l'ouvrage de Samantha Powers intitulé A Problem From Hell: America and the Age of Genocide. Si vous ne l'avez pas lu, s'il n'est pas inscrit au programme, je vous invite vivement à le lire. C'est une condamnation sans équivoque de l'échec de la communauté internationale à s'attaquer au génocide, ce qui m'amène à la première question avec laquelle nous sommes aux prises.
En en faisant l'analyse, il me semble que—et c'est vous les avocats, pas moi—que nous avons un cadre judiciaire sans mécanisme de répression, et nous avons la responsabilité de protéger sans l'obligation de protéger. Ma question donc : en tant que futurs avocats, comment boucler la boucle et faire en sorte qu'il y ait une obligation de protéger, de manière à ce que nous soyons obligés de mettre en application les législations des Nations Unies?
À la lumière de notre expérience, si vous regardes l'histoire—Sam Powers a écrit une très éloquente dissertation là-dessus—que ce soit le cas aujourd'hui au Darfour ou anciennement le conflit au Soudan, au Congo, en Sierra Leone, ou encore aujourd'hui au Zimbabwe, plus tôt au Libéria—la liste est longue—l'histoire de l'ONU témoigne d'un échec lamentable, un échec absolument effroyable de la part du Conseil de sécurité et de l'Assemblée générale de protéger le massacre de milliers d'êtres humains.
Dans bon nombre de vos interventions, vous avez dit que vous voulez attendre une action du Conseil de sécurité, de l'ONU, mais je vous soumettrai que les deux ont jusqu'ici carrément échoué à sauver des vies humaines. Comment colmater la brèche? Que devons-nous faire?
À (1025)
Mme Heather Watts: Brièvement—je sais que mon exposé ne portait pas là-dessus—, je pense qu'un des problèmes dans les situations auxquelles vous faites allusion est d'ordre politique. En effet, vous entendez les politiciens et autres dirigeants parler en ayant peur d'utiliser le mot « génocide » dans des situations comme celles que vous avez évoquées. C'est que, une fois qu'ils auront utilisé ce terme, ils seront obligés d'agir.
Nous devons faire face à la réalité sur le terrain et voir ce qui s'y passe réellement plutôt que de tenter de lui trouver des noms. À l'ONU, c'est ce qui pose problème—c'est-à-dire les considérations politiques et les luttes intestines sur la manière de décrire la situation, car si nous parlons de génocides, la convention des Nations Unies exige alors une intervention pour y mettre fin.
Je crois que nous devons voir au-delà des étiquettes et faire face à la réalité de la situation. Je conviens que les Nations Unies n'ont pas été efficaces dans le règlement de ces situations. Cela dit, promouvoir une idée comme la responsabilité de protéger, tenter de changer les mentalités et aborder ces situations sous un angle différent constituent des pas positifs.
M. David Eaves: Vous soulevez là un point intéressant : est-ce la faute de l'ONU ou est-ce la faute des membres de l'ONU? Pour ma part, je crois qu'il y a une distinction importante à faire. Si vous croyez vraiment que ce sont les processus de l'ONU qui ont échoué, votre constat d'échec au sujet de l'ONU devient alors correct. Par contre, si vous pensez que ce sont les membres qui n'ont pas réussi à prendre des engagements politiques, je ne pense pas qu'il soit juste de parler de l'échec de l'ONU. On devrait plutôt parler du refus des membres de l'ONU de prendre des engagements pour mettre fin à ces problèmes ou de les prendre suffisamment au sérieux.
Je veux faire en sorte qu'à tout le moins nous explorions la question, car il y a bien des gens qui parlent de l'échec de l'ONU, alors que je ne suis pas toujours sûr de comprendre ce qu'ils entendent par cela.
L'hon. Keith Martin: Est-ce l'ONU ou nous?
M. David Eaves: Pour ce qui est du deuxième point, s'agissant du déploiement des forces, si vous croyez vraiment que la situation est critique, vous pouvez alors former une coalition de volontaires et intervenir au Soudan ou au Rwanda. Vous pouvez le faire, mais dans le même temps, vous ne pouvez pas revenir et dire que vous n'êtes pas à l'aise par rapport à ce que font les États-Unis en Irak. Vous n'aurez plus le droit de le dire.
Dans ce système international, le seul pouvoir que nous ayons vraiment, c'est le pouvoir d'imiter le comportement que nous attendons des autres. Parfois, cela implique de faire des choix difficiles. Mais si vous voulez que les autres se comportent d'une certaine façon, vous devez, à tout le moins, vous comporter en conséquence vous-mêmes.
Mme Margot MacPherson Brewer: J'aurais autre chose à ajouter à cela. En fait, votre intervention, monsieur Martin, m'interpelle à bien des égards. Je vous en remercie.
Dans mon mémoire initial, j'ai cité Charles Bassett, ancien vice-président principal de l'ACDI et chef actuel de la Banque interaméricaine de développement—si je ne m'abuse—à Washington. Charles Bassett, qui est quelqu'un de très perspicace et qui connaît bien le domaine de l'aide internationale, m'a dit quelque chose que j'ai trouvé frappant. Il m'a demandé ceci : comment se fait-il que nous ayons toujours autant de difficultés à trouver de l'argent pour prévenir et endiguer ce genre de crises, alors que dès que la crise éclate, on ouvre les vannes financières et l'argent commence à couler à flots?
Un autre argument péremptoire que j'ai présenté dans mon mémoire initial était la nécessité de mobiliser la population. J'insiste de nouveau là-dessus, car je pense que la rapidité avec laquelle le monde est en train de changer ne laisse pas beaucoup de temps, à bien d'entre nous, de saisir ce qui se passe. Nous sommes tous en quelque sorte en train de chercher notre chemin à travers ce nouveau paradigme qui se dessine au XXIe siècle. C'est important en ceci que les Canadiens commencent à peine à comprendre le rôle sur la scène internationale, et ce, grâce à des événements bons et mauvais. Cela étant, il nous reste encore beaucoup de chemin à faire pour mobiliser les Canadiens et les conscientiser aux enjeux mondiaux qui les touchent. En tant que représentants élus qui devez rendre des comptes à vos électeurs dans vos comtés respectifs, vous devez comprendre à quel point il est indispensable de le faire.
Les problèmes ne surviennent pas du jour au lendemain, et c'est ce qui est tragique. En effet, les problèmes prennent des années à se développer. Je crois qu'on a déjà avancé l'argument ici. Dans quelle mesure faisons-nous attention aux signaux d'alarme qui nous viennent des points chauds autour du monde? Qui les écoute? Dans quelle mesure est-ce qu'on réussit à se faire entendre? Je pense que tout cela mérite d'être approfondi.
Avant de terminer, je voudrais aussi évoquer le mouvement de la gestion du savoir. Je crois qu'il y a un mouvement du genre qui est en train d'émerger au sein même de la Défense nationale. Si je soulève la question ici, c'est qu'une seule voix sur une question particulière aura toujours de la difficulté à se faire entendre seule, notamment par les médias et dans les endroits où les clips sonores ne sont pas très importants. Cela étant, bien des gens estiment... En fait, je pense que vous aurez constaté un thème collectif qui ressort de nos exposés ici aujourd'hui, et j'espère que certains de ces thèmes trouveront une oreille attentive et qu'ils exprimeront notre voix—même le fait que ce livre a été publié, que les gens vont tout de même s'y intéresser, sans oublier le livre que j'ai cité des auteurs Ian Smillie et Larry Minear, intitulé The Charity of Nations. Le livre a comme sous-titre Humanitarian Action in a Calculating World.
Le monde est différent aujourd'hui. Il est clair qu'il est différent par rapport à ce qu'il était il y a une vingtaine ou une cinquantaine d'années, durant la période d'après-guerre. Nous avons une toute nouvelle série de règles à créer et à mettre en oeuvre.
À (1030)
Le vice-président (M. Rick Casson): Merci.
Odina.
[Français]
M. Odina Desrochers (Lotbinière—Chutes-de-la-Chaudière, BQ): Merci, monsieur le président.
Bienvenue. Je vous laisse le temps de vous brancher sur la plus belle langue au monde, le français, en vous faisant remarquer que nous faisons partie d'un pays bilingue qui respecte les deux langues.
Mes premiers mots sont pour vous féliciter pour l'énorme tâche que vous avez accomplie et pour la cohérence des réponses de votre groupe, coordonné par le professeur Forcese. Je vous félicite aussi pour la façon dont vous vous êtes préparés à comparaître devant le Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants. Je dirais même que vous étiez mieux préparés que certains témoins officiels qui sont venus ici.
À la décharge de mon collège Claude, j'ai débuté ma carrière en tentant de découvrir et de comprendre ce qui se passait dans le monde, puisque j'ai été journaliste pendant 18 ans. C'est la raison pour laquelle mes questions sont très courtes et très directes. Par la suite, j'ai voulu changer le monde et provoquer l'actualité. Et je suis maintenant député. Si un jour j'écris mes mémoires, je pourrai dire que j'ai oeuvré des deux côtés de la médaille.
J'ai pris le temps de parcourir vos documents. Vous savez que le monde a changé depuis les fameux événements de septembre 2001.
Comment voyez-vous le rôle du Canada? On sait que les États-Unis ont des lois très agressives. Ici, nous avons une loi qui va assez loin en matière de protection des l'information, soit la Loi sur la protection des renseignements personnels. Comment voyez-vous le rôle de la Défense nationale en matière de protection contre les terroristes? C'est quand même une question importante, et j'aimerais connaître votre opinion à ce sujet.
[Traduction]
Mme Amy Awad: Comme point de départ, je dirais que nous n'avons pas abordé ce point précis dans le cadre de notre exposé, et je vais donc donner seulement mon opinion personnelle. Je ne parle pas au nom du reste du groupe.
Il est quasiment évident qu'une bonne stratégie pour combattre le terrorisme va en fait améliorer tous les aspects du gouvernement, de sorte que la Défense nationale a un rôle à jouer pour protéger les Canadiens contre le terrorisme et d'autres formes d'agressions, essentiellement.
Bien sûr, il y a des préoccupations au sujet de la participation de la Défense nationale aux mesures antiterroristes, parce que contrairement à la défense traditionnelle faisant intervenir des armées et des groupes très nombreux, nous ciblons ici des particuliers. C'est habituellement le domaine du système de justice criminelle au Canada et il y a des protections spécifiques intégrées au système de justice criminelle pour les particuliers, protections qui sont peut-être moins faciles à intégrer à un cadre plus étendu de défense nationale, où les dossiers de la Défense nationale jouent un rôle de premier plan dans les mesures antiterroristes.
Le conseil que je pourrais donner au comité à ce sujet, c'est simplement d'être conscients de cela et du rôle que la Défense nationale doit jouer dans la lutte contre le terrorisme, parce que celle-ci est de nature individuelle, elle cible des particuliers et les droits individuels doivent être protégés dans ce processus.
Si vous avez d'autres questions, peut-être sur un sujet plus précis, je me ferai un plaisir d'y répondre également.
À (1035)
[Français]
M. Odina Desrochers: Quelqu'un d'autre veut-il répondre?
Voulez-vous faire un commentaire, monsieur Eaves?
[Traduction]
M. David Eaves: Je répète que nous n'avons pas mis l'accent sur les conséquences intérieures de la guerre contre le terrorisme dans notre rapport, et je vais donc également parler en mon propre nom, bien qu'ayant discuté avec un certain nombre des membres de Canada25, je pense qu'il y a énormément d'inquiétudes quant à l'orientation et à la portée de la loi canadienne et la manière dont elle traite la question du terrorisme et les droits individuels dans notre pays.
En l'absence d'un exemple précis, il me serait difficile d'en dire davantage, mais je vais me contenter de réaffirmer ce que Amy a dit. Pour nous, la guerre contre le terrorisme ne sera pas gagnée en fonction du nombre de gens que nous arrêtons ou de l'efficacité avec laquelle nous enrayons un groupe terroriste. Elle sera plutôt gagnée si nous réussissons à préserver et à protéger les libertés et les droits qui font que les Canadiens forment la nation que nous connaissons. Dans la mesure où votre comité peut influer sur ce débat, il est extraordinairement important d'affirmer que les droits des Canadiens doivent être protégés et que des situations comme celle de M. Arar ne se reproduisent pas.
Mme Rachel Hird: Je dirais que l'un des rôles de la Défense nationale serait de s'intéresser à la manière d'intégrer le renseignement dans vos décisions, surtout quand on voit à quel point les renseignements recueillis peuvent être erronés et peuvent être mal interprétés, en fonction de l'opinion politique des gens qui recueillent les renseignements. C'est très difficile—je vais citer encore une fois la situation en Iraq—, mais à l'avenir, pour tout autre pays qui pourrait être confronté à un destin semblable, c'est très important que la Défense nationale utilise son propre réseau de renseignements et obtienne ses propres renseignements et demande à voir de ses propres yeux avant de s'engager nécessairement dans des opérations antiterroristes. Je dirais que cela devrait également être un rôle.
M. David Eaves: Je voudrais ajouter brièvement quelque chose. Voici ce que votre comité peut faire, entre autres choses. La composition des Forces canadiennes ne reflète pas celle de la société canadienne dans son ensemble. Quand il s'agit de défense, nous avons besoin de pouvoir compter au sein de la communauté de défense sur le point de vue des Canadiens d'origine arabe, des Canadiens autochtones et des autres groupes minoritaires, parce que c'est cette communauté qui peut prêter une certaine crédibilité et une voix permettant de faire en sorte que notre politique de défense ne s'en prenne pas à certains groupes pour les punir. C'est ce groupe qui va nous permettre de comprendre cette perspective. Je pense que votre comité est chargé de la tâche très concrète de faire en sorte que la composition des Forces canadiennes reflète réellement la nature beaucoup plus diversifiée de la population canadienne, en comparaison des effectifs des forces.
Le vice-président (M. Rick Casson): Merci.
[Français]
M. Odina Desrochers: Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Le vice-président (M. Rick Casson): Judi.
L'hon. Judi Longfield: Merci.
Je veux passer à un autre sujet et examiner la défense du continent nord-américain. C'est certainement l'un des rôles que nous devons examiner relativement à notre politique de défense.
Je n'ai pas entendu la moindre référence au NORAD dans l'un ou l'autre de vos exposés, et je me demande si l'on a réfléchi à la question ou si l'on a discuté des rôles actuels du NORAD, de la perception que vous en avez et de son expansion possible. Le NORAD se consacre essentiellement à l'aérospatiale, mais il est question d'y englober le domaine maritime.
Je vais commencer par cela et j'aurai ensuite d'autres questions de suivi. Ma question s'adresse à quiconque veut y répondre.
M. David Eaves: Dans notre rapport, nous parlons très précisément d'élargir le NORAD aux opérations maritimes. Je répondrai donc à votre question en disant que nous considérons cela comme une nécessité.
On considère également qu'il existe en fait une zone de défense nord-américaine qu'il faut envisager d'une manière cohérente et qui suppose la participation des États-Unis et du Mexique. C'est pourquoi nous devons travailler étroitement avec ces alliés. Nous serions favorables, comme l'indique le rapport, à différents traités militaires qui faciliteraient notre tâche à cet égard.
On y parle très précisément de la défense antimissiles balistiques. Nous avons tenu délibérément à éviter un débat parce que nous voulions dans notre rapport nous tourner vers les 10 prochaines années de manière à ne pas être mêlés au débat actuel, c'est pourquoi je présenterai simplement mon opinion personnelle. J'ai parfois beaucoup de difficultés d'une part à considérer qu'il soit d'une certaine façon acceptable pour nous d'utiliser un morceau de métal pour en faire exploser un autre à 20 000 pieds, mais lorsque cela se produit à 100 000 pieds, dans l'esprit du public ou du moins de nombreux politiciens ce n'est plus acceptable. Si c'est ce que nous sommes en train de faire, je crois que nous devons alors tenir un nouveau débat sur la défense antimissiles balistiques.
Ce qui me préoccupe à propos de la défense antimissiles balistiques, c'est qu'il ne s'agit pas d'un mécanisme défensif. Si quelqu'un décide de lancer un missile vers notre pays, la provenance de ce missile sera assez évidente. On n'a pas vraiment besoin d'un système pour arrêter ce missile parce que les représailles que les États-Unis vont entreprendre contre ce pays seront d'une telle ampleur que cela équivaudrait à une attaque suicide. Un pays pourrait décider de lancer un missile en direction des États-Unis si les États-Unis décidaient de déclencher une attaque préventive contre, par exemple, la Corée du Nord, et que cette attaque préventive ne réussisse pas à détruire toutes les capacités de la Corée du Nord de déclencher une contre-attaque. Si, à ce moment-là, vous aviez recours à la défense antimissiles balistiques pour abattre un missile en approche, il ne s'agirait plus alors d'un mécanisme défensif mais d'un mécanisme qui permet en fait une attaque préventive.
Si c'est ainsi que l'on envisage la défense antimissiles balistiques, je crois alors que nous devrons tenir un nouveau débat à ce sujet et nous demander très sérieusement si nous voulons contribuer à améliorer la capacité des États-Unis de déclencher des attaques préventives.
À (1040)
Mme Amy Awad: Sans faire de commentaires particuliers à propos de l'élargissement du NORAD ou d'autres questions de défense conjointe avec les États-Unis, je crois qu'il y a certains aspects qui doivent faire manifestement partie du débat. Je suis sûre que vous avez entendu des représentants de la Défense nationale qui vous ont dit que c'est le meilleur moyen de rentabiliser notre investissement dans la défense; nous faisons un petit investissement et nous obtenons un résultat très important en matière de sécurité nationale. Je crois qu'il ne faut pas oublier que plus nous agissons ainsi, moins le Canada contrôlera sa propre politique de défense. Certains considèrent que ce contrôle nous échappe de toute façon et demandent ce que cela changera, mais c'est un important facteur dont il faudra tenir compte.
Quelles que soient les mesures que nous prendrons, nous ne devons pas oublier que si nous participons à des initiatives où nous cédons notre pouvoir de prise de décisions, la défense antimissiles balistiques ne constituera pas uniquement un problème parce qu'elle risque de ne pas fonctionner ou qu'elle pourrait être utilisée de façon agressive, mais tout simplement parce que le Canada n'aura pas un véritable rôle à jouer. Que nous y participions ou non, nous ne contrôlerons plus l'espace aérien au-dessus de notre territoire. C'est un facteur dont nous devons tenir compte dans toutes les décisions que nous prendrons à l'avenir.
Mme Rachel Hird: J'ajouterai simplement à ce qu'a dit Amy, parce que je suis tout à fait d'accord avec elle, que lorsque l'on examine ces élargissements, il faut déterminer l'importance de notre contribution financière et la part de contrôle, c'est-à-dire les personnes présentes à la table qui ont un pouvoir de décision, qui a été cédé en échange. Il s'agit d'une situation où il est tout à fait possible que si nous refusons carrément de participer à la défense continentale, nous n'aurons plus voix au chapitre. C'est un facteur dont il faudra tenir compte. Il sera préférable de travailler en coopération avec les États-Unis si cela signifie que nous pouvons contribuer à orienter cette politique dans une perspective qui n'est pas uniquement axée sur la défense.
L'hon. Judi Longfield: Envisagez-vous la possibilité de lier les questions commerciales aux questions de défense et de sécurité? Existe-t-il une contrepartie, c'est-à-dire « nous ferons ceci, si vous faites cela »? Devrions-nous marchander un peu plus que nous ne le faisons pour l'instant?
M. David Eaves: J'ai travaillé comme conseiller en négociations pendant quatre ans, et tout ce que j'ai appris au cours de ma formation m'indique que ce serait la mauvaise approche à adopter dans ce genre de relations. Les États-Unis ont beaucoup plus d'atouts dans leur jeu que nous, et si nous nous mettons à marchander, nous devrons déclarer forfait bien avant les États-Unis.
Mais l'aspect le plus important, c'est que nous sommes peut-être dans une position favorable aujourd'hui parce que nous avons un atout particulièrement important dans notre jeu, mais la dynamique que nous établissons avec les États-Unis si nous agissons ainsi indiquera que ce type de relation, ce marchandage, constituera la façon légitime dont se dérouleront désormais nos relations avec les États-Unis. Nous ne pouvons pas, lorsque nous avons l'avantage, dire que nous voulons faire du marchandage, puis dix ans plus tard, lorsque nous n'avons plus l'avantage et que nous avons besoin de quelque chose ou qu'ils veulent faire quelque chose et que ce sont eux qui ont l'avantage, dire non; nous croyons dans une relation en principe où la bonne réponse est la seule réponse et nous voulons arriver à un terrain d'entente et utiliser ces critères. Cela ne fonctionne tout simplement pas de cette façon.
Je crois qu'il nous incombe de nous assurer que le processus selon lequel nous négocions avec les États-Unis, le type de relations que nous souhaitons, est un processus que nous ne cessons jamais d'adapter. Je me méfie beaucoup de la notion de marchandage comme forme de stratégie à long terme. Bien que cela puisse être satisfaisant pour certains à court terme, en tant que stratégie à long terme je crois que ce serait absolument désastreux.
Le vice-président (M. Rick Casson): Je vous remercie.
Nous allons terminer le deuxième tour par M. Martin. Puis nous irons à M. Bagnell et enfin à M. Blaikie.
Monsieur Martin.
À (1045)
L'hon. Keith Martin: Je vous remercie.
Je voudrais revenir à la réforme des Nations Unies. Il ne s'agit pas de questions théoriques. Le processus de réforme des Nations Unies est en cours et il y aura bientôt certaines réunions importantes sur cette question.
Monsieur Eaves, j'ai trouvé intéressantes les observations que vous avez faites dans votre mémoire. Vous avez insisté sur l'importance de la capacité de combat de nos forces armées. C'est un aspect que l'on perd parfois de vue. Nous voulons des gens compétents, et il arrive que l'on perde de vue dans le débat la nécessité des capacités de combat.
En ce qui concerne les capacités-créneaux, le programme d'aide à l'instruction militaire, c'est un secteur où nous nous débrouillons bien. C'est peut-être le genre de créneau dont vous parlez. Au Sierra Leone, avec un petit nombre de gens et des ressources limitées, nous avons réussi à influer de façon importante sur un aspect essentiel, à savoir la sécurité sur le terrain pour les gens là-bas.
Ma question est la suivante : comment allons-nous maintenir le registre des armes légères? Si vous parliez au ministre des Affaires étrangères ou au ministre de la Défense, quels arguments présenteriez-vous pour renforcer le registre des armes légères? Il est tout à fait essentiel de s'attaquer à ce problème parce que des gens en meurent. Il s'agit d'un gigantesque risque pour la santé sur le plan international. Comment pouvons-nous convaincre d'autres pays de renforcer le registre des armes légères. Que devons-nous demander lorsque nous nous présentons à la table?
Mme Rachel Hird: L'une des raisons qui est plus déterminante pour consolider le registre des armes légères, c'est que si les pays en développement acceptent de fournir leurs chiffres sur les armes légères, d'enregistrer leurs armes légères, ils se trouveront à améliorer leur sécurité intérieure en prévenant un coup d'État de la part d'une puissance hostile à l'intérieur de leur propre État. Si les armes étaient enregistrées, si elles étaient placées en lieu sûr, il serait plus difficile pour un général rebelle de s'en procurer.
L'utilisation abusive d'armes légères a été liée étroitement à l'utilisation d'enfants soldats et à la discrimination à l'égard des femmes, parce que c'est un combat dont les principales victimes sont des femmes.
L'hon. Keith Martin: Je suis désolé de vous interrompre, mais je parle des P5. Ce sont les principaux vendeurs d'armes légères. C'est là le problème fondamental.
Mme Rachel Hird: Très bien, donc pour tâcher de convaincre les P5 des raisons pour lesquelles ils devraient enregistrer...
L'hon. Keith Martin: Comment traitons-nous avec eux? Ils représentent le plus grand obstacle pour ce qui est de prévenir les conflits. Quels arguments pouvons-nous leur présenter?
Mme Rachel Hird: L'un des problèmes, c'est que les armes légères sont surtout produites par des entreprises privées, donc ce ne sont pas nécessairement les gouvernements qui les produisent. Il serait très difficile sur le plan diplomatique de les convaincre d'imposer des lois pour obliger ces entreprises à enregistrer les armes avant qu'elles les exportent.
L'hon. Keith Martin: C'est là le fond du problème.
Mme Rachel Hird: J'ignore les arguments que vous pourriez utiliser pour les convaincre. Ce serait difficile. Vous pourriez peut-être faire le lien avec leur propre sécurité intérieure. Ils empêcheraient ainsi ces armes de se retrouver au bout du compte entre les mains de terroristes. C'est un argument que vous pourriez utiliser. Mais ce serait difficile.
L'hon. Keith Martin: En ce qui concerne la non-prolifération et les nouveaux ajouts qui découlent du TNP, est-ce que vous recommanderiez que le Canada appuie fortement ces ajouts?
Mme Rachel Hird: Lesquels?
L'hon. Keith Martin: Je parle de l'obligation de la part des divers pays de divulguer les matériaux et les technologies qui servent à produire des armes de destruction massive.
Mme Rachel Hird: Absolument. Il faut en faire rapport et il faut en assurer le suivi. Les contrôles à l'exportation sont les mécanismes les plus solides dont nous disposons pour combattre la prolifération.
Le vice-président (M. Rick Casson): M. Lunney aimerait poser une brève question. Puis nous passerons à M. Bagnell et ensuite à M. Blaikie.
M. James Lunney (Nanaimo—Alberni, PCC): Merci beaucoup, monsieur le président.
J'interviens tard parce que j'ai raté la première partie de votre exposé, et j'apprécie la possibilité de poser au moins une brève question. Dans la mesure où je ne suis pas un membre régulier du comité, j'ai trouvé votre exposé assez intéressant et stimulant, et j'apprécie les efforts que vous y avez consacrés. Il est formidable de voir des jeunes et de futurs chefs de file réfléchir à ces questions et comparaître devant le Comité de la défense pour essayer de faire valoir leurs points de vue.
Je m'intéresse à la notion que vous présentez ici et j'aime la façon dont elle est formulée, « de puissance moyenne à puissance modèle ». Cette notion me plaît car je crois personnellement que le Canada a un rôle à jouer dans le monde, et qu'il doit assumer ce rôle, et j'apprécie les réflexions que vous avez présentées à ce sujet.
J'ai sous les yeux votre rapport à la réunion de Vancouver qui s'est tenue, une parmi tant d'autres, je suppose, du 17 au 19 octobre à l'Université de la Colombie-Britannique. L'une des quatre grandes priorités était de créer des partenariats avec des États aux vues similaires. On y présente le simple énoncé qui suit :
Bien qu'il faille maintenir la tradition de longue date du Canada en matière de multilatéralisme, nous ne pouvons pas nous occuper des questions internationales uniquement par le biais d'institutions mondiales. Le Canada doit reconnaître les limites de ces institutions et établir des partenariats avec des pays aux vues similaires qui cherchent à changer les choses. |
Je crois que ce point a été soulevé par M. Bagnell et certainement pas M. Martin—l'échec important de nos institutions internationales. Aux Nations Unies, vous avez des pays comme la Syrie ou la Libye qui dirigent des conseils ou des comités des Nations Unies et lorsqu'il s'agit de la Commission des droits de l'homme ou du Conseil de sécurité, on se retrouve avec une organisation dysfonctionnelle qui n'est tout simplement pas capable de prendre des mesures décisives.
Il me semble qu'il ne serait pas nécessaire d'avoir une énorme force armée dans un pays comme le Darfour et dont nous avons déjà parlé ici, pour changer les choses là-bas. Mais il me semble que le Canada, en raison de sa composition multiculturelle très intéressante, est dans une situation unique pour changer les choses dans le monde en établissant un partenariat avec d'autres pays. Par exemple, si nous voulions agir dans une région comme celle-là, où le conflit comporte des éléments raciaux, ethniques et linguistiques très importants, nous pourrions nous associer à d'autres petites puissances qui disposent également de forces militaires afin d'aider à surmonter certains de ces obstacles. Nous pourrions développer une force qui incorporerait certains éléments de notre ethnicité multiple, de façon très stratégique, pour nous rendre là-bas et changer le cours des choses et devenir en fait le chef de file.
Je me demande si vous êtes tous d'accord à ce sujet, parce que nous avons entendu l'un des présentateurs dire que nous devons faire ce que dictent les Nations Unies. Je me demande s'il existe une divergence d'opinions, ou peut-être que certains autres d'entre vous considèrent que le Canada a un rôle à jouer pour ce qui est d'obtenir le consensus d'autres puissances plus petites pour changer le cours des choses dans le monde en ce qui concerne certains de ces conflits régionaux.
À (1050)
M. David Eaves: Vous êtes en train de parler de la création d'une coalition de partenaires pour une même cause. Essentiellement, vous êtes en train de proposer de réunir un groupe de pays aux vues semblables aux vôtres, de les aligner et d'intervenir dans les affaires d'un autre État.
À mon avis, si vous souhaitez procéder ainsi, vous pouvez le faire, mais je crois que vous vous mettez dans une situation très difficile car vous ne pouvez pas alors dire aux États-Unis qu'ils agissent illégalement et que nous ne sommes pas d'accord avec la guerre en Irak.
Donc, si vous souhaitez créer une coalition de partenaires pour une même cause, je considère que ces genres de coalitions sont extrêmement efficaces. L'ALENA est une coalition de partenaires pour une même cause; nous n'avons pas agi par l'intermédiaire de l'OMC mais nous nous sommes réunis et nous avons créé un accord de libre-échange. Donc je pense que ces coalitions sont extrêmement efficaces pour ce qui est de changer le système. Cependant, il y a un prix à payer, c'est-à-dire que vous ne pouvez pas critiquer les autres qui agissent de la même façon, même si vous n'êtes pas d'accord avec les objectifs qu'ils se sont fixés.
M. James Lunney: Mais lorsque des vies sont en jeu et, comme M. Bagnell l'a indiqué, lorsque l'on sort des gens de force des camps jour après jour, et que la nuit lorsque les quelques soldats rentrent chez eux ils entraînent les femmes contre leur gré et les violent, il me semble que rester camper sur ses principes pendant que des gens sont détruits et qu'on assiste à un génocide n'est pas très utile aux personnes qui vivent dans la détresse.
M. David Eaves: Je ne prétends pas qu'il soit facile de répondre à cette question, mais je vous signale simplement que si vous agissez ainsi, vous permettez alors à d'autres personnes d'agir ainsi—et ils n'ont peut-être pas des objectifs aussi nobles que les vôtres. Si vous dites qu'il est légitime pour une coalition de partenaires pour une même cause d'envahir un autre pays et que les motifs qui justifient un tel geste peuvent être déterminés par la coalition, alors rien n'empêche un État extrêmement hostile ou dictatorial de créer sa propre coalition de partenaires pour une même cause qui ira tout simplement envahir un pays parce qu'il considère qu'il menace sa sécurité. Le nombre de morts qu'entraînera une telle invasion peut en fait dépasser le nombre de personnes que vous sauverez dans un pays donné où sévit un conflit aujourd'hui.
Donc, je ne dis pas que vous ne pouvez pas le faire, mais je dis simplement que si vous le faites, cela aura d'énormes répercussions sur la façon dont vous pourrez empêcher d'autres conflits à l'avenir.
Le vice-président (M. Rick Casson): Votre temps est pratiquement écoulé, monsieur Lunney. J'aimerais donner l'occasion à quelqu'un d'autre de répondre à votre première question.
Allez-y.
Mme Margot MacPherson Brewer: Je crois comprendre d'après ce que disent les membres du comité qu'il s'agit d'un problème permanent. Comment s'occupe-t-on à la fois des objectifs à court terme et à long terme?
L'objectif à court terme dont vous parlez est odieux, et on peut se demander comment y donner suite, mais la situation dans le monde est telle à l'heure actuelle que c'est la réalité à laquelle nous devons faire face, et je crois que c'est en fait l'élément de l'approche axée sur les 3D qui offre le plus d'espoir, à mon avis.
Je dirais que les militaires, les responsables du développement et les diplomates ont tous des façons différentes d'aborder ce genre de situations, et il faut le faire sans bouleverser nos relations avec les institutions multilatérales. Cela ne fait aucun doute. Mais je tiens à souligner qu'il faut discuter de la question. En ce qui concerne les faits dont on est en train de discuter dans cette tribune et ailleurs, des personnes qui ont un plus grand souci de l'humanité, qui sont extrêmement préoccupées par les conséquences de la situation dans un pays comme le Sierra Leone ou le Darfour, ou toute autre situation de crise à l'étranger ne peuvent plus supporter le déséquilibre qui se présente à nous à l'heure actuelle et considérer l'application régulière de la loi lorsque nous sommes dans une situation où, du jour au lendemain, on attaque un camp de réfugiés et on extermine des êtres humains.
Personnellement, je recommanderais que l'on discute davantage de l'existence de ces situations et que l'on reconnaisse qu'elles existent, et étant donné qu'elles existent, que l'on propose des solutions davantage à court terme sans détruire notre intégrité à long terme.
À (1055)
Le vice-président (M. Rick Casson): Je vous remercie.
Larry.
L'hon. Larry Bagnell: D'après ce que James a dit, Maya, si vous pouviez vous rendre à un certain moment en compagnie de Keith Martin au Congo ou au Darfour, j'aimerais entendre vos réflexions après avoir vécu l'urgence de la situation.
Rachel, nous avons fait une étude—en public toutefois—récemment sur notre service de renseignements étrangers. Il ne faut pas oublier que nous disposons peut-être d'un millième des ressources mondiales, et si nous pouvions effectuer un millième de notre propre recherche de renseignements, nous aurions quand même besoin de partenariats. Il ne fait aucun doute que le service de renseignements des États-Unis comporte de nombreuses lacunes, mais nous devons nous débrouiller avec les moyens dont nous disposons et avec nos sources de bons renseignements.
Vous êtes des avocats en droit international. Personne n'a indiqué que la force policière internationale serait alors Interpol. Mais je fais une croisade pour que l'on tâche d'augmenter l'effectif d'Interpol. Ce service devient de plus en plus nécessaire. Le Canada est l'un des pays qui y contribuent le plus, et notre contribution totale équivaut au prix d'une maison à Toronto. Quelqu'un a-t-il des commentaires à faire à ce sujet?
Ma dernière question s'adresse à David. Vous avez parlé d'échanges internationaux, ce qui est très bien mais vous avez également dit qu'il fallait que nous remettions d'abord de l'ordre dans nos propres affaires.
Nous avons besoin d'échanges internationaux tout d'abord entre le Québec et le reste du Canada afin que chaque étudiant puisse venir au Québec et que chaque étudiant québécois puisse visiter le reste du Canada, pour améliorer la compréhension les uns des autres au pays, et je n'ai alors aucune objection à ce que 25 p. 100 des étudiants participent également à des échanges internationaux.
Mme Amy Groothuis: Je pourrais peut-être répondre à votre question concernant Interpol. Ce n'est pas un sujet que notre groupe a examiné dans notre premier mémoire très étendu ni dans nos discussions qui ont abouti à notre exposé d'aujourd'hui.
Je dirais simplement que d'après ce que je crois comprendre, notre groupe à l'Université d'Ottawa croit dans le multiculturalisme et dans l'opportunité d'encourager d'autres pays du monde à tâcher de régler des questions qu'Interpol examinerait. Donc, la seule chose que nous pourrions probablement ajouter, c'est que nous nous réjouissons de toute recommandation que le comité formulera à propos de la contribution plus importante du Canada à Interpol.
M. David Eaves: Je n'ai rien contre le fait que les Canadiens apprennent à mieux connaître le Canada. Cependant, je considère qu'aujourd'hui une expérience au niveau international est indispensable à la réussite de carrières professionnelles individuelles. En fait, lorsque je regarde mes camarades qui ont obtenu leur diplôme d'études secondaires, un grand nombre d'entre eux sont allés à l'étranger pour apprendre le coréen, pour apprendre le japonais, pour travailler à l'étranger parce qu'ils savent que ces compétences sont presque obligatoires pour obtenir un emploi de retour au Canada.
Donc, même si je conviens que les Canadiens doivent connaître le Canada, posséder une expérience internationale est pratiquement une condition préalable pour fonctionner dans le milieu de travail aujourd'hui. Ma véritable préoccupation, et la raison pour laquelle je considère que cette recommandation est vraiment importante, c'est que je tiens à m'assurer que l'acquisition de ces compétences n'est pas le domaine exclusif des Canadiens qui peuvent se le permettre. Si nous voulons une main d'oeuvre concurrentielle, nous devons élargir la possibilité d'accéder à cette expérience internationale à l'ensemble des Canadiens, autrement l'accès aux emplois de l'avenir ne sera pas égal pour tous les Canadiens.
Le vice-président (M. Rick Casson): Je vous remercie.
Bill, vous avez la parole.
L'hon. Bill Blaikie: Je vous remercie, monsieur le président.
Je sais que David voulait répondre à un commentaire que j'ai fait plutôt, mais j'ignore s'il veut toujours le faire. Il pourra peut-être le faire dans le cadre de la réponse à la question que je vais poser.
Vous parlez du Canada comme puissance modèle, mais vous dites ensuite quelque part que vous voulez établir une relation modèle entre le Canada et les États-Unis. Nous essayons tous de déterminer en quoi consiste ce modèle idéal. J'aimerais en savoir un peu plus sur votre proposition proprement dite. D'autres voudront peut-être faire des commentaires à ce sujet, parce qu'il me semble que c'est l'un des plus grands défis, sinon le défi pour les Canadiens, cette relation.
C'est ce que nous sommes en train de vivre à l'heure actuelle au Manitoba, au nom de l'ensemble du pays, avec le détournement des eaux de Devils Lake. Nous sommes sur le point de nous trouver dans une situation où les États-Unis procéderont unilatéralement à l'échange d'eau et de biote entre bassins. Ils ont refusé de soumettre la question à la Commission mixte internationale. Cela risque d'avoir toutes sortes de répercussions. Les gens ont tendance à considérer qu'il s'agit d'un problème propre au Manitoba, mais si les États-Unis peuvent agir cette fois-ci sans consulter la Commission mixte internationale, alors ils pourraient détourner les eaux du petit lac des Bois sans consulter la Commission mixte internationale, et ils pourraient prendre toutes sortes d'initiatives dans les Grands Lacs sans consulter la Commission mixte internationale. Il s'agit donc d'un premier empiétement même s'il s'agit simplement d'un petit marécage quelque part dans le Dakota du Nord. J'ignore si certains d'entre vous se sont intéressés à cette question, mais je considère que c'est une question urgente et d'une importance primordiale.
Pour ce qui est de cette relation modèle avec les États-Unis, j'ai l'impression, en vous écoutant, David—parce que vous avez dit être favorable à l'intégration de l'élément maritime au NORAD—que cela se rapproche du modèle d'intégration poussée dont font la promotion John Manley et les PDG du pays. L'intégration que vous proposez est-elle différente d'une certaine façon? Comment peut-on parallèlement maintenir le genre d'indépendance d'esprit et de souveraineté? J'aimerais savoir ce que vous en pensez également.
Á (1100)
M. David Eaves: Il y a beaucoup de matière dans cette question.
D'abord, je n'ignore pas qu'on redoute beaucoup de nous voir perdre notre indépendance de pensée au Canada. Je le remarque surtout lorsque je discute avec des gens de la génération de mes parents, qui ont l'impression que nous faisons maintenant partie des États-Unis. Eh bien, j'ai vécu quatre ans aux États-Unis et je peux vous dire que si on m'amène les yeux bandés dans un aéroport de l'un ou de l'autre côté de notre frontière, une fois le bandeau enlevé, je saurai en un clin d'oeil si je suis aux États-Unis ou au Canada.
Bon nombre de jeunes à qui je parle, enfin, pas tous, mais un grand nombre ne partagent pas cette crainte de voir le Canada absorber en quelque sorte par les États-Unis en raison d'une plus forte intégration, parce qu'ils ont davantage confiance en eux-mêmes, en nos valeurs et en notre culture. Cette conscience donne l'impression qu'il existe un rempart contre les effets d'une intégration économique plus poussée.
Au sujet de ce qu'on entend par une puissance modèle, j'en reviens à cette idée qu'il faut que nous incarnions nous-mêmes les comportements modèles que nous attendons de la part des États-Unis lorsque nous négocions avec eux. Je suis extrêmement préoccupé par le projet de détournement des eaux du lac, car à mes yeux, il s'agit d'un recul, mais le problème me paraît aussi révélateur de certaines des difficultés que nous avons rencontrées par le passé.
Au cours de notre histoire, nous avons surtout fondé nos rapports avec les États-Unis sur des liens avec l'élite du nord-est du pays. Or, le pouvoir politique des États-Unis est en train de se déplacer vers le sud et vers l'ouest. J'ignore si nous nous sommes efforcés de nouer des liens avec les élites de ces régions, et même des régions frontalières. Je sais bien qu'il existe des groupes réunissant les gouverneurs et les premiers ministres provinciaux, mais seul celui des Maritimes est actif. Les autres le sont beaucoup moins.
C'est ce genre de rapports, les rapports entre les gouverneurs et les premiers ministres provinciaux, ainsi qu'entre les pouvoirs locaux et municipaux qui, à l'avenir, préviendront les problèmes semblables à ceux que vous venez d'évoquer. Ce seront de moins en moins les liens entre le premier ministre fédéral et le président qui réussiront à empêcher ce genre de choses, parce que les décisions pertinentes se prennent à des échelons inférieurs. Il faut donc que nous cultivions des contacts et que nous ayons de l'influence à ces autres niveaux des États-Unis, et de manière plus approfondie.
À mes yeux, ce qu'il y a de plus consternant, c'est le fait, qu'après l'expansion de nos consulats aux États-Unis, il n'y en ait qu'à peu près 14—mais je crois me tromper—quand le Mexique en compte plus de 30. Comment pouvons-nous nous attendre à jouir de la même influence que le Mexique, ou à connaître aussi bien que lui ce qui se passe dans les centres régionaux si nous nous n'y sommes même pas présents?
Pour ma part, j'estime que si l'on cherche à établir des liens modèles avec les États-Unis, il faut d'abord que nous nous comportions nous-mêmes en modèle de ce que nous voulons de leur part. Cela signifie que nous n'exercerons pas ce genre d'activités, et si les États-Unis le font, nous leur dirons, ce n'est pas quelque chose que nous ferions, et nous attendons la réciproque de votre part. En second lieu, il faut que nous connaissions vraiment les États-Unis. À cet égard, Jennifer Welsh a tout à fait raison : au Canada, nous nous imaginons bien connaître les États-Unis; en fait, nous en savons très peu de choses. Nous n'avons pas la moindre idée de ce que sont les États-Unis, ni de son fonctionnement. La plupart des gens pensent que si on réussit à persuader le président d'agir, alors les choses se feront, or c'est très rarement ainsi que ça se passe. Il faut que nous nous engagions vraiment, que nous entreprenions une étude sérieuse des États-Unis.
Je tiens vraiment à entendre les remarques des autres, je vais donc m'arrêter ici.
Á (1105)
Le vice-président (M. Rick Casson): Votre temps est écoulé, mais si vous voulez ajouter quelque chose, nous vous écoutons.
Mme Margot MacPherson Brewer: Ma réponse est extrêmement courte, et la voici : Soyez fermes. Quand je dis cela, je songe que les meilleures clôtures font les meilleurs amis. Dans ce contexte-là, ceux parmi vous qui sont près du feu, pour ainsi dire, sont les mieux en mesure de juger de nos faiblesses, de dire où nous perdons du terrain. L’un des meilleurs exemples est celui de l’eau, ressource dont dispose le Canada et pour laquelle la demande existe aux États-Unis.
Ce sera mon dernier mot : Soyez fermes.
Le vice-président (M. Rick Casson): Très bien.
Avant de remercier nos témoins, j’aimerais rappeler aux membres du comité que certains formulaires vous ont été envoyés en prévision de notre voyage au Colorado, en Virginie et à Washington. Vous devriez les avoir reçus. Je sais que les miens sont dans mon bureau.
La greffière du comité: Exact.
Nous vous avons aussi envoyé en fin de journée hier une enveloppe avec des renseignements sur les vols pour les diverses étapes. Vous pourriez peut-être les faire parvenir à la boîte législative ou à mon bureau le plus tôt possible afin d’indiquer si vous voyagerez avec le comité ainsi que la ville d’où vous partirez et la ville où vous retournerez.
L'hon. Keith Martin: J’invoque le Règlement. C’est réellement important, monsieur le président.
Je crois que nous devrions féliciter M. Bagnell qui convolera bientôt en justes noces.
Des voix : Bravo, bravo!
Une voix : Félicitations!
Le vice-président (M. Rick Casson): Larry se marie? Bravo, Larry.
Il va sans dire qu’elle a intérêt à être amoureuse du Nord sans quoi elle n’aura pas la vie facile. Je suis certain qu’elle l’est.
J’aimerais vous remercier tous. Manifestement, vous étiez bien préparés et vous avez été concis et pertinents. Vous deviez l’être puisque vous avez constaté que nous nous en tenons à des segments de sept et de cinq minutes. Nous devons procéder de cette façon pour discipliner les échanges et donner à chacun le même droit de parole. Vous avez bien fait votre recherche et le comité prend bonne note de vos commentaires. Félicitations.
Merci d’avoir pris le temps de venir nous rencontrer aujourd’hui. Continuez votre excellent travail.
La séance est levée.