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PACP Rapport du Comité

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PARTIE V — RECOMMANDATIONS

Certains témoins ont tenté de discréditer le rapport de la vérificatrice générale ou d’en réfuter des éléments, mais il s’agissait dans la plupart des cas d’arguments de complaisance absolument dénués de valeur. Le Comité a une longue expérience de la méthode de vérification employée par le Bureau de la vérificatrice générale et du processus de validation servant à confirmer les constatations qui ressortent de la vérification. Le processus est minutieux et fouillé. Les services qui font l’objet d’une vérification ont amplement l’occasion de corriger les interprétations erronées et les erreurs de fait, le cas échéant. Ils ont par ailleurs la possibilité, s’il leur reste des objections, de les faire valoir en fin de chapitre. Or, aucune ne paraît à la fin des chapitres que le Comité a étudiés sur le Programme de commandites.

Le gros de l’information communiquée au Comité tend à confirmer et à renforcer les observations et conclusions de la vérificatrice générale. Ainsi, les points saillants de la vérification figurant dans les premiers paragraphes de son rapport reposent sur des données empiriques solides aussi exactes et crédibles aujourd’hui qu’alors. Dans ces paragraphes, la vérificatrice générale a écrit que son Bureau :

[a] constaté que le gouvernement fédéral a mené le Programme de commandites en faisant peu de cas du Parlement, de la Loi sur la gestion des finances publiques, des règles et des règlements sur la passation des marchés, de la transparence et de l'optimisation des ressources. Ces arrangements — qui supposaient de multiples opérations avec de multiples entreprises, de fausses factures et de faux contrats, voire aucun contrat écrit — semblent avoir été conçus de manière à verser des commissions à des agences de communications, tout en cachant la source des fonds et la vraie nature des opérations.

Nous avons constaté un non-respect généralisé des règles de passation des contrats dans la gestion du Programme de commandites du gouvernement fédéral, et ce, à toutes les étapes du processus. On a ignoré ou violé les règles établies pour la sélection des agences de communications, la gestion des contrats, la mesure et la communication de l'information sur les résultats. En raison de l'effondrement quasi total des mécanismes de surveillance et des contrôles essentiels, ces violations n'ont pas été décelées, ni prévenues ni signalées, et ce, pendant plus de quatre ans. Au cours de cette période, le Programme a coûté aux contribuables 250 millions de dollars, dont plus de 100 millions de dollars en honoraires et commissions versés à des agences de communications.

Les fonctionnaires ont aussi violé les règles établies pour la sélection des agences de communications aux fins des activités de publicité du gouvernement. La manière dont la plupart des agences ont été choisies ne respectait pas les exigences de la politique du gouvernement sur les marchés. Dans certains cas, nous n'avons trouvé aucune preuve qu'il y ait même eu un processus de sélection38.

Non seulement le Comité considère que les faits qui entourent le Programme de commandites tels qu’ils sont présentés par la vérificatrice générale sont incontestables, mais il souscrit sans réserve aux recommandations de celle-ci. Il sait que le gouvernement les a acceptées et a déjà pris plusieurs mesures pour y donner suite. Néanmoins, pour s’assurer que ces recommandations seront mises en œuvre intégralement et en temps opportun, et pour en fournir l’assurance aussi au Parlement et à la population du Canada, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 1

Que le gouvernement remette au Comité un plan d’action comportant des dates cibles pour la mise en œuvre des divers éléments de la recommandation de la vérificatrice générale.

Aucune autre question n’a autant suscité la colère des Canadiens, ces dernières années, que le scandale des commandites. On a parfois fait valoir à la défense du Programme que celui-ci avait servi un objectif louable : la préservation de l’unité canadienne. Cependant, ce type d’argument sous-entend que la fin justifie les moyens et que l’on peut fermer les yeux sur la mauvaise gestion, aussi hasardeuse, coûteuse et préjudiciable soit-elle, parce que l’objectif ultime a été atteint. Or, même si le Programme avait atteint ses objectifs (ce qui reste à démontrer), rien ne justifie la manière cavalière dont on a allégrement fait fi des règles et dilapidé l’argent des contribuables, et c’est cela qui provoque la colère des Canadiens et sape leur confiance dans les institutions qui les gouvernent.

Les Canadiens ont besoin de savoir qu’on a définitivement fermé les brèches qui ont permis que le scandale arrive. Ils ont besoin de preuves concrètes que les actions qui sont à l’origine du scandale ne se répéteront jamais. Il importe en conséquence que la population et le Parlement soient tenus au courant de l’avancement de la mise en œuvre des recommandations de la vérificatrice générale. En conséquence, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 2

Que le gouvernement dépose un rapport annuel à la Chambre des communes sur l’état d’avancement de la mise en œuvre du plan d’action, jusqu’à ce que celle-ci soit achevée.

GESTION ET CONTRÔLE FINANCIERS

Les témoins que le Comité a entendus ont expliqué que les règles et procédures sur la passation des marchés et la gestion financière sont pour la plupart saines, mais qu’il faudrait y ajouter certaines précisions.

M. Guité a dit que, lorsqu’il était à la tête de la DGSCC, il signait les factures afférentes aux services offerts par les agences de communication dans le contexte du Programme de commandites et les transmettait ensuite aux Services financiers de TPSGC, lesquels se contentaient de vérifier si M. Guité avait bel et bien le pouvoir d’autoriser des paiements du montant indiqué sur la facture avant d’émettre un chèque.

Les vérifications et examens réalisés ont tous montré que, quoi qu’en dise M. Guité, les dossiers de la DGSCC contenaient fort peu de pièces, sinon aucune, attestant que les agences de communication avaient effectué le travail pour lequel elles avaient été payées. Il suffisait, pour qu’un chèque soit émis, que M. Guité certifie que les agences avaient fourni les services prévus au contrat. On sait maintenant que les assurances de M. Guité à ce sujet n’étaient pas étayées par des pièces versées au dossier. Si un service externe à la DGSCC avait demandé des pièces justificatives à l’appui des demandes de paiement, il est fort possible que les excès associés au Programme de commandites auraient, au minimum, été bien moindres. En conséquence, le Comité estime que les services financiers devraient effectuer une vérification finale des demandes de paiement s’appuyant sur des preuves tangibles et il recommande en conséquence :

RECOMMANDATION 3

Que les services financiers des ministères et organismes d’État examinent les pièces justificatives dont il est question à la recommandation 19 ci-dessous pour en vérifier la régularité avant de régler une facture afférente à un contrat.

La mauvaise gestion du Programme de commandites montre que les services financiers ne doivent pas se contenter de s’assurer que les pièces et attestations requises accompagnent les factures qui leur sont envoyées pour règlement. Ils doivent aussi à l’occasion communiquer avec l’autorité contractante pour discuter de la justification des paiements. Cette démarche devrait être la règle, particulièrement quand sont en cause d’importantes sommes d’argent et de nombreux marchés ou lorsque des vérifications internes antérieures ont mis au jour des problèmes liés à l’autorité contractante concernée. En conséquence, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 4

Que les services financiers des ministères et organismes d’État effectuent des contre-vérifications des demandes de paiement afférentes à des marchés et ce, de manière aléatoire et suivant le degré de risque.

RECOMMANDATION 5

Que les programmes et activités afférents à des marchés, des subventions et contributions et des transferts à d’autres ministères ou organismes d’État fassent l’objet de vérifications internes régulières.

VÉRIFICATION INTERNE

La principale constatation à laquelle le Comité est arrivé à l’issue de son examen est qu’une bonne vérification interne joue un rôle crucial dans la saine gestion des ministères et des programmes publics — et que cette fonction n’a pas, en l’occurrence, mis un terme aux abus en temps opportun.

Cela tient en partie aux rapports entre les services de vérification interne et la haute direction des ministères. Les cadres supérieurs, notamment les sous-ministres, se trouvent exposés à la tentation naturelle de «  gérer  » les résultats de vérification défavorables, soit en les gardant pour eux, soit en diluant les constatations pour éviter un portrait peu flatteur de la gestion dans leur ministère. Tant que les sous-ministres conserveront le pouvoir final de décision sur les vérifications internes, il sera impossible d’éliminer entièrement cette tentation.

Dans son Dixième rapport (2e session de la 37e législature). le Comité a formulé des préoccupations du même ordre et recommandé que la fonction de vérification interne relève directement du Secrétariat du Conseil du Trésor. Cette recommandation a été rejetée.

Les audiences sur le Programme de commandites ont conforté le Comité dans son opinion qu’une bonne fonction de vérification interne est indispensable à la saine gestion des ministères. Les faits ont montré qu’un examen et une vérification antérieurs commandés par les services de vérification interne de TPSGC avaient décelé une bonne partie des pratiques douteuses plus tard relevées dans la gestion du Programme de commandites, mais qu’on avait omis de prendre les mesures correctives qui s’imposaient. En fait, la personne qui dirigeait le service où ces pratiques douteuses ont été signalées a eu une promotion et s’est vu confier le Programme de commandites. Le Ministère n’a pas estimé nécessaire de surveiller le travail du service en question ou de son directeur général, ni de séparer les fonctions d’approvisionnement de la gestion des marchés comme cela se fait ailleurs dans le Ministère, ce qui avait au demeurant été recommandé par la vérification qu’il avait lui-même ordonnée. Toutes ces constatations ne font que confirmer la nécessité de rendre le plus rapidement possible les services internes de vérification indépendants de la haute direction des ministères.

Depuis un an, le gouvernement a pris des mesures pour mieux surveiller et discipliner les dépenses des ministères. Le poste de contrôleur général du Canada est redevenu un bureau distinct au sein du Secrétariat du Conseil du Trésor. Son titulaire, qui a rang de sous-ministre et relève du président du Conseil du Trésor, aura son mot à dire dans le choix des contrôleurs des ministères et organismes d’État puisque ceux-ci relèveront de lui sur le plan fonctionnel.

Le fait de modifier les rapports hiérarchiques des vérificateurs internes des ministères pour leur conférer une plus grande autonomie serait tout à fait conforme aux nouveaux rôles et rapports du contrôleur général et des contrôleurs des ministères. Le gouvernement s’efforce actuellement de rendre à la fonction de vérification interne le poids qu’elle avait avant l’examen des programmes. Le moment serait donc opportun pour modifier les rapports hiérarchiques afférents à cette fonction au gouvernement. Le Comité recommande :

RECOMMANDATION 6

Que les services de vérification interne relèvent d’une autorité centrale intégrée au Secrétariat du Conseil du Trésor.

RECOMMANDATION 7

Que la surveillance globale des services de vérification interne au gouvernement soit confiée au contrôleur général du Canada.

RECOMMANDATION 8

Que le gouvernement poursuive le rétablissement des services de vérification interne dans les ministères et organismes d’État et qu’il fasse rapport annuellement au Parlement sur la situation de ces services en s’attachant notamment aux ressources humaines, financières et technologiques qui y sont affectées.

Comme on l’a dit plus haut, le Comité a été étonné de découvrir que la recommandation principale issue de l’examen qui a eu lieu en 1996 — à savoir que l’on sépare les processus de sélection et d’approvisionnement afférents aux marchés — n’a jamais été appliquée. Ces faits auraient dû être portés à l’attention du Secrétariat du Conseil du Trésor et du Parlement. Pour éviter que cela ne se reproduise et fournir au Parlement l’assurance que les vérifications internes aboutissent à l’adoption, en temps opportun, des mesures correctives appropriées, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 9

Que les vérifications internes donnent obligatoirement lieu à un suivi dans les 12 mois de la vérification initiale et que les résultats de ce suivi soient affichés sur le site Web du Secrétariat du Conseil du Trésor.

Le Comité est conscient du fait qu’il n’est pas toujours souhaitable d’adopter toutes les recommandations issues d’une vérification interne. Les situations évoluent, et le gouvernement doit avoir toute la latitude voulue pour apporter les changements qu’il souhaite aux pratiques et structures administratives. Cependant, tout écart par rapport aux recommandations des services de vérification interne doit être justifié et publié. En conséquence, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 10

Que, lorsqu’une recommandation issue d’une vérification interne est rejetée, cette décision soit justifiée, signalée au Conseil du Trésor et affichée sur le site Web du Secrétariat du Conseil du Trésor.

Le Secteur de la publicité et de la recherche sur l’opinion publique (SPROP) a fait l’objet d’une vérification critique par un cabinet externe en 1996. Il a par la suite été fusionné avec d’autres services pour devenir la Direction générale des services de coordination des communications (DGSCC). M. Guité, qui dirigeait le SPROP, est devenu directeur général de la nouvelle entité. Malgré cela, la DGSCC n’a pas fait l’objet d’une vérification interne avant 2000, ce qui témoigne d’un manque de jugement de la part du sous-ministre et de la personne qui dirigeait le service de vérification interne à TPSGC. Quand de nouvelles entités sont créées au sein d’un ministère, une vérification interne effectuée après une période raisonnable permettrait de prendre des mesures correctives rapidement si cela s’avérait nécessaire. La décision de mener une telle vérification ne devrait pas être discrétionnaire : cette vérification devrait être automatique. En conséquence, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 11

Que toutes les nouvelles directions créées au sein des ministères et organismes d’État fassent l’objet d’un examen interne un an après leur création, puis d’une vérification interne de suivi dans les six mois.

Comme on l’a vu, la Direction générale des services de coordination des communications de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada a été créée et a fonctionné avec un minimum de contrôles et sans que rien ne soit fait pour corriger la situation. Cela en dépit du fait qu’on avait déjà signalé le manque de contrôles dans le service qui l’a précédée et les méthodes douteuses qu’utilisait M. Guité. On ne doit pas permettre à une nouvelle entité établie dans un ministère d’entrer en activité avant de s’être dûment assuré de l’existence de mécanismes de gestion et de contrôle financiers appropriés. Sur la foi des témoignages qu’il a entendus, le Comité estime que cette assurance doit émaner d’une source indépendante. En conséquence, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 12

Que le contrôleur général du Canada soit autorisé à approuver toutes les réorganisations internes dans la fonction publique du Canada ainsi que la création de nouveaux ministères ou agences de manière à garantir que les services généraux et internes de vérification demeurent intacts, fonctionnels, adéquats et capables à la suite des restructurations.

GESTION DES MARCHÉS

L’examen réalisé par le Comité, de même que des études antérieures, a montré sans équivoque que les règles qui régissent la passation de marchés avec le gouvernement sont parfaitement claires et appropriées. Pourtant, l’expérience a révélé — et l’épisode des commandites en est la triste illustration — que beaucoup n’en tiennent aucun compte ou y contreviennent carrément. Or, ceux qui contournent les règles ou les transgressent sont rarement réprimandés. Les personnes chargées de gérer le Programme de commandites ont enfreint sciemment toutes les règles de passation de marchés, sans doute convaincues qu’elles ne seraient pas inquiétées.

Il importe que les personnes chargées des marchés sachent que leur travail est contrôlé rigoureusement et que toute entorse aux règles les expose à des sanctions. En conséquence, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 13

Que les services de vérification interne contrôlent le respect des règles qui régissent la passation de marchés et signalent toute entorse au Secrétariat du Conseil du Trésor.

RECOMMANDATION 14

Que des sanctions administratives allant jusqu’au renvoi de la fonction publique soient établies de manière à décourager l’inobservance des règles de passation des marchés.

RECOMMANDATION 15

Que l’on tienne compte de l’observation des règles en matière de passation de marchés dans l’évaluation annuelle des fonctionnaires des services d’approvisionnement ou quand on envisage de leur accorder une promotion ou une prime au rendement.

RECOMMANDATION 16

Que le Secrétariat du Conseil du Trésor rende compte au Parlement, à intervalles réguliers et en temps voulu, des marchés conclus par les ministères. Ces rapports devront mentionner les cas d’inobservation des règles ainsi que les sanctions imposées ou les mesures correctives adoptées.

Le Comité estime depuis longtemps que le Secrétariat du Conseil du Trésor devrait veiller plus activement au respect du règlement et de la politique sur les marchés. On ne peut se contenter de formuler une politique et s’attendre à ce qu’elle soit suivie sans même en surveiller l’application ni intervenir en cas d’inobservation soupçonnée. Le Comité recommande donc :

RECOMMANDATION 17

Que le Secrétariat du Conseil du Trésor remette sérieusement en question les pratiques des ministères en matière de passation de marchés en s’attachant aux secteurs présentant le plus de risques.

Il est courant au gouvernement de séparer la passation de marchés de la gestion des marchés et du paiement des factures. C’était du moins la pratique à la SPROP avant que M. Guité ne fusionne les deux fonctions : un service passait les marchés par la voie de soumissions concurrentielles, et un autre administrait les marchés eux-mêmes et veillait au paiement, une fois fournis les biens ou services faisant l’objet du contrat. Comme l’a expliqué la vérificatrice générale, il y a une bonne raison à ce type d’arrangement : il élimine, «  autant que possible, toute occasion de fraude, d’inexactitudes ou de contournement des contrôles par la direction  » (3.22). Et, pourtant, cette séparation des rôles et responsabilités a été éliminée du temps de M. Guité et n’a pas été rétablie depuis. Le Comité estime qu’une telle situation ne doit plus jamais se reproduire et recommande pour cela :

RECOMMANDATION 18

Que le Secrétariat du Conseil du Trésor, d’une part, modifie ses politiques sur les marchés de telle sorte que l’octroi et la gestion des marchés constituent des responsabilités séparées incombant à des entités distinctes au sein des ministères et, d’autre part, veille à l’observation de ces politiques de manière qu’elles soient scrupuleusement appliquées.

GESTION DE DOSSIERS

Les témoins qui ont travaillé à la DGSCC ont déclaré au Comité qu’aucune règle — concernant notamment les dossiers des commandites — n’avait été enfreinte, puisqu’il n’y en avait pas. C’est inacceptable. Il faut au moins que les dossiers contiennent des pièces justificatives suffisantes pour que les vérificateurs internes puissent disposer d’une piste de vérification et qu’il soit possible de confirmer la fourniture des biens et services conformément aux exigences du contrat. Si ce type de justificatifs avait été exigé, il aurait été impossible d’accepter et d’approuver des factures pour des services non livrés. Pour éliminer toute ambiguïté à cet égard, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 19

Que les ministères indiquent clairement les pièces justificatives qui doivent figurer dans les dossiers concernant les marchés, les subventions et contributions, ainsi que les activités de communications et de publicité, afin de répondre aux exigences en matière de comptabilité, de vérification interne, de suivi du rendement et de règlement des factures.

De plus, pour que l’obligation de verser aux dossiers les justificatifs voulus soit absolument claire, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 20

Que le Secrétariat du Conseil du Trésor modifie les politiques visées de sorte, que, en l’absence de pièces justificatives appropriées, il soit interdit de faire des versements à l’égard de subventions, de contributions ou de marchés.

SOCIÉTÉS D’ÉTAT

Le Comité a été particulièrement perturbé par les agissements des sociétés d’État ayant participé au Programme de commandites. Bien qu’elles soient des organismes publics financés à même les deniers publics, ces sociétés se sont comportées comme si elles n’étaient absolument pas tenues d’agir de façon transparente ou responsable. Il est clair que, dans les circonstances actuelles, le Parlement est incapable d’exercer le degré de contrôle nécessaire sur ces sociétés, surtout si l’on en juge par le comportement qu’elles ont eu dans le cadre du Programme de commandites.

Le 17 février 2005, le Secrétariat du Conseil du Trésor a publié un rapport sur la gouvernance des sociétés d’État intitulé Examen du cadre de gouvernance des sociétés d’État — Répondre aux attentes des Canadiennes et des Canadiens. On y traite du rôle du Parlement sur le plan de la législation, de la surveillance des sociétés d’État et de l’examen attentif de leurs décisions, mais on n’y propose aucune modification du statu quo abstraction faite du dépôt des rapports annuels des sociétés d’État à la Chambre des communes. Pour sa part, le Comité estime que le rôle qu’ont joué certaines sociétés d’État dans le Programme de commandites montre que les mécanismes actuels de surveillance et d’examen des activités des sociétés d’État par le Parlement sont insuffisants et il recommande en conséquence :

RECOMMANDATION 21

Que la capacité du Parlement de tenir les sociétés d’État comptables de leurs actes soit renforcée.

RECOMMANDATION 22

Que la participation du Parlement à la sélection et à la nomination des dirigeants des sociétés d’État soit accrue.

Les agissements des sociétés d’État qui ont participé au Programme de commandites étaient, pour le moins, contestables. Il est troublant de voir que ces entités, financées à même le Trésor public, ont eu toute latitude pour agir dans l’ombre et sans rendre de comptes.

C’est la Loi sur le vérificateur général qui établit les pouvoirs de ce dernier à l’égard des sociétés d’État. Elle autorise ainsi le vérificateur général à effectuer, chaque année, des vérifications financières et, au moins une fois tous les cinq ans, des examens spéciaux (vérifications de gestion) d’un grand nombre de sociétés d’État. Les résultats des vérifications financières sont remis au ministre responsable qui les dépose au Parlement. Les comptes rendus des examens spéciaux sont soumis, quant à eux, aux conseils d’administration des sociétés d’État. Dans certains cas, ils sont également présentés au ministre responsable et à la Chambre des communes par la voie du rapport annuel de la société concernée.

Dans son rapport sur la gouvernance des sociétés d’État (Examen du cadre de gouvernance des sociétés d’État — Répondre aux attentes des Canadiennes et des Canadiens), le gouvernement propose de modifier la législation pertinente pour faire du vérificateur général le vérificateur externe de toutes les sociétés d’État et annonce son intention d’exiger que tous les rapports d’examen spécial (vérifications de gestion) soient soumis au Parlement.

Le Comité est d’avis qu’il faut éliminer tout pouvoir discrétionnaire concernant la communication au public des conclusions de ces examens spéciaux, de manière à accroître la transparence des activités des sociétés d’État et à renforcer l’obligation redditionnelle de ces dernières à l’égard du Parlement. Donc, fidèle à sa recommandation antérieure selon laquelle le Parlement doit davantage contribuer à tenir les sociétés d’État responsables de leurs actes, et dans l’esprit de l’engagement pris récemment par le gouvernement du Canada, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 23

Que la Loi sur le vérificateur général du Canada soit modifiée de sorte que le vérificateur général ait le pouvoir de mener des vérifications de gestion auprès des sociétés d’État et d’en communiquer les résultats directement au Parlement, et que le Bureau du vérificateur général obtienne les ressources nécessaires pour ce faire.

Durant toutes ses audiences sur le Programme de commandites, le Comité a été frustré par l’impossibilité dans laquelle il était de pleinement saisir le rôle joué par les agences de communications. Les représentants des agences entendus étaient loin d’être coopératifs et, ces agences étant extérieures au gouvernement fédéral, elles échappent à l’examen du Bureau du vérificateur général du Canada. L’Équipe d’intervention rapide a certes permis de réunir des informations, mais le Comité est convaincu que certaines lui manquent encore.

Certaines provinces permettent à leur vérificateur général de «  suivre les fonds  » jusqu’au bout et donc de faire enquête sur des entités privées qui ont reçu des fonds publics, qu’il s’agisse de subventions ou de marchés privés.

La Loi sur le vérificateur général39 du Québec habilite le vérificateur de la province à faire enquête sur les subventions accordées par un organisme du gouvernement à une entité privée.  Ainsi, le vérificateur général peut consulter les dossiers, documents et comptes de tout établissement ou de toute institution, association ou entreprise en rapport avec une subvention accordée par un organisme du gouvernement.  Depuis le 1er avril 2005, la Loi sur le vérificateur général de l’Ontario40 autorise le vérificateur de cette province à procéder à une vérification spéciale du bénéficiaire d’une subvention.  Celui-ci doit fournir au vérificateur général de l’Ontario tout renseignement jugé nécessaire, y compris les livres, comptes, dossiers financiers et autres documents. Une loi analogue est en vigueur au Manitoba41

La Auditor General Act de la Colombie-Britannique va encore plus loin : elle autorise le vérificateur de la province à vérifier non seulement les subventions gouvernementales, mais aussi tout transfert en vertu d’une entente, ce qui veut dire tout marché conclu entre le gouvernement de la Colombie-Britannique et un fournisseur42.

Le Comité a demandé à la vérificatrice générale s’il avait été proposé de modifier la Loi sur le vérificateur général à la suite de sa vérification du Programme de commandites. Elle a répondu que des gens avaient dit que «  nos pouvoirs devraient peut-être être élargis pour que nous puissions pour ainsi dire suivre l'argent et aller voir les organismes qui reçoivent du financement du gouvernement  ».  Elle est satisfaite des pouvoirs que lui confère la Loi actuelle mais a précisé que «  si c'est ce que souhaite le Parlement [élargir les pouvoirs du BVG], il est évident que la vérificatrice générale et son bureau le fera  ».

Si le Bureau du vérificateur général était habilité à suivre les fonds au-delà des limites du gouvernement, ce pouvoir serait exercé de manière discrétionnaire — comme c’est le cas dans la majorité des décisions concernant l’objet et le moment des vérifications. L’existence d’un tel pouvoir permettrait d’atteindre deux objectifs. Premièrement, dans des situations comme la vérification du Programme de commandites, cela permettrait de fournir au Parlement une explication complète de la destination et de l’usage finals des fonds publics dépensés pour atteindre des objectifs de politique publique. Deuxièmement, cela pourrait décourager ceux qui seraient peut-être autrement tentés d’employer des fonds publics à mauvais escient. En conséquence, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 24

Que la Loi sur le vérificateur général soit modifiée par l’ajout d’une disposition habilitant le vérificateur général à effectuer une vérification des dossiers, documents et comptes de tout particulier ou établissement ou de toute institution ou entreprise ayant un rapport avec la réception et l’emploi d’une subvention, d’une contribution ou d’un transfert aux termes d’une entente conclue avec le gouvernement du Canada.

LE PARLEMENT ET LE PROGRAMME DE COMMANDITES

Les constatations de la vérificatrice générale et les audiences du Comité ont montré que le Parlement n’a pas reçu les renseignements dont il avait besoin pour examiner le Programme de commandites. De l’avis de la vérificatrice générale, «  le gouvernement fédéral n’a pas informé le Parlement des véritables objectifs du Programme et il ne lui en a jamais communiqué les résultats  » (3.14). Ce n’est qu’en 2001 qu’est mentionné pour la première fois le Programme de commandites dans le rapport sur le rendement de TPSGC, soit des années après le lancement du Programme, et encore, les données fournies étaient limitées.

Il n’existe qu’un seul moyen de concrétiser la transparence et la reddition de comptes qui doit l’accompagner : c’est d’établir officiellement l’obligation de rendre compte au Parlement de toute activité liée à la passation de marchés et aux subventions et contributions. Le Comité recommande donc :

RECOMMANDATION 25

Que les ministères et organismes d’État soient tenus d’inclure dans leur rapport sur le rendement des sections portant expressément sur les marchés passés, les subventions et contributions accordées et les transferts octroyés à d’autres ministères ou organismes. Les buts et objectifs de ces activités, les indicateurs de rendement et les résultats devront également être clairement énoncés.

À la lumière des études passées, le Comité en est arrivé à la conclusion que le Secrétariat du Conseil du Trésor, qui est responsable des documents budgétaires, exerce peu de contrôle réel sur le schéma général des rapports ministériels sur le rendement. Ces rapports omettent souvent de mentionner les principales activités du ministère ou de signaler les problèmes et les correctifs envisagés. Le Comité craint donc que les sections des rapports sur le rendement portant sur les marchés, les subventions et les contributions n’escamotent ou ne passent sous silence les difficultés. Pour pallier une telle éventualité et pour améliorer la qualité générale des rapports sur le rendement, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 26

Que le Secrétariat du Conseil du Trésor élabore un régime de surveillance et d’observation plus efficace pour faire en sorte que les ministères et les organismes respectent les lignes directrices quant au contenu de leurs rapports sur le rendement.

L’une des révélations les plus troublantes du Rapport du vérificateur général était que la DGSCC «  utilisait des méthodes fort compliquées et discutables pour transférer des fonds de commandites  » (3.36). La DGSCC a effectué des paiements à des sociétés d’État «  par l’entremise d’agences de communications [...] plutôt que de verser les fonds directement aux sociétés  » (3.37). De l’avis de la vérificatrice générale, si le Programme de commandites avait été établi en vertu de la Politique sur les paiements de transfert du Conseil du Trésor comme un programme de contribution, la DGSCC aurait été forcée de suivre une approche plus structurée qui aurait exigé qu’elle fournisse davantage de renseignements au Parlement (3.37). En agissant comme elle l’a fait, la DGSCC a, selon la vérificatrice générale, «  violé l’esprit de la Politique sur les paiements de transfert  » (3.39).

Dans son témoignage, M. Guité a confirmé que, dans les faits, des fonds que le Parlement avait attribués à TPSGC avaient été transférés de la DGSCC aux sociétés d’État par le truchement d’agences de communications, en échange de quoi ces dernières avaient demandé leurs commissions habituelles, ajoutant des frais au Programme sans contrepartie. Ces transferts n’avaient pas été autorisés au préalable par le Conseil du Trésor ni par le Parlement, et ce dernier n’en avait pas eu connaissance. M. Guité a pu agir de la sorte en raison du caractère ambigu et vague des politiques du Conseil du Trésor et parce que ces agissements ne sont pas expressément interdits. Comme l’a expliqué la vérificatrice générale, c’est également parce que les commandites n’avaient pas été établies comme des programmes de contribution. Le Comité souhaite empêcher que l’on puisse de nouveau contourner les exigences en matière de reddition de comptes et recommande donc :

RECOMMANDATION 27

Que tous les programmes comportant des versements à des particuliers ou à des entités privées qui ne se traduisent pas par l’obtention directe, pour le gouvernement, de biens ou de services soient établis comme des programmes de contribution aux termes de la Politique sur les paiements de transfert du Conseil du Trésor.

LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

Lorsqu’il s’était penché sur la vérification de trois marchés passés avec l’agence de communications Groupaction dans le cadre du Programme de commandites, le Comité avait appris qu’un adjoint du ministre de TPSGC, qui avait supervisé le Programme au cabinet de ce dernier, avait été transféré au Ministère, où il avait obtenu le poste de directeur exécutif de la DGSCC après le départ à la retraite de M. Guité. Il est manifeste que cette personne connaissait mal les règlements de la fonction publique et ses obligations en vertu de la Loi sur l’administration financière. Pourtant, en tant qu’ancien adjoint du ministre, il a pu entrer à la fonction publique et y occuper un poste de responsabilité en raison des dispositions suivantes de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique :

41(2)   Ont droit à une priorité de nomination absolue pendant une période d'un an à partir de la date de leur cessation d'emploi dans le cabinet d'un ministre ou du titulaire des charges de leader de l'Opposition au Sénat ou de chef de l'Opposition à la Chambre des communes :

a)         la personne qui était fonctionnaire au moment de devenir employée dans ce cabinet;

b)         la personne qui a participé à un processus de nomination externe annoncé pendant son emploi dans ce cabinet et qui, selon la Commission, possédait les qualifications essentielles pour une nomination à la fonction publique.

(3)       La personne qui a été, pendant au moins trois ans, directeur de cabinet d'un ministre ou du titulaire des charges de leader de l'Opposition au Sénat ou de chef de l'Opposition à la Chambre des communes, adjoint spécial ou secrétaire particulier dans ce cabinet ou titulaire successivement de deux ou trois de ces postes a droit à une priorité de nomination absolue à un niveau au moins équivalent à celui d'adjoint exécutif d'un administrateur général pendant une période d'un an à partir de la date de sa cessation d'emploi.

Le Comité s’était dit d’avis que ces dispositions de la Loi contredisaient l’objectif fondamental de cette dernière, à savoir assurer la neutralité politique de la fonction publique canadienne, et qu’elles étaient incompatibles avec le rôle de gardien du principe du mérite qui incombe à la Commission de la fonction publique. Il avait donc recommandé dans son Dixième rapport (2e session de la 37e législature) que l’on revoie entièrement les dispositions en question pour vérifier qu’elles sont appliquées correctement.

À la lumière de son analyse du Programme de commandites, le Comité est plus convaincu que jamais du bien-fondé de ses réserves quant à l’aptitude du personnel exonéré d’un ministre — nominations partisanes — d’occuper des postes de haut niveau dans la fonction publique canadienne. Toute utilité que pourraient revêtir ces transferts est ternie par la politisation éventuelle des échelons supérieurs de la fonction publique. De plus, ce genre de transfert nuit à l’image de la fonction publique d’organe neutre constitué d’employés ayant obtenu leur poste grâce à leur compétence. Par conséquent, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 28

Que les paragraphes allant de 41(2) à 41(3) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique soient immédiatement abrogés.

Le Comité a noté que même s’il existait de bonnes raisons de s’interroger sur le rendement et les aptitudes de M. Guité avant la création de la DGSCC, celui-ci a néanmoins bénéficié de plusieurs promotions, qui ont culminé avec sa nomination au poste de sous-ministre adjoint relevant directement du sous-ministre. Il a suffi pour cela que le sous-ministre remplisse les formulaires appropriés et les fasse approuver par le Secrétariat du Conseil du Trésor. Le Comité trouve étonnant que l’ascension de M. Guité n’ait jamais suscité de questions alors qu’il était évident qu’il ne fallait pas lui confier la responsabilité de la passation de marchés. En conséquence, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 29

Que le Conseil du Trésor revoie la procédure d’examen et d’approbation des candidatures à des postes de niveau EX pour s’assurer que l’on tient bel et bien compte des antécédents des candidats.

CONCLUSION

À l’issue d’un long examen, le Comité en est arrivé à plusieurs conclusions, analogues à celles de la vérificatrice générale. Les objectifs, les coûts et les résultats du Programme de commandites n’ont jamais été communiqués au Parlement en bonne et due forme. Pour reprendre l’expression utilisée par la vérificatrice générale au sujet d’un autre événement fâcheux, le Parlement a été «  tenu dans l’ignorance  ». Les contrôles financiers qui auraient dû être en place n’existaient tout simplement pas. Les documents attestant la contrepartie des dépenses manquaient. Les responsables du Programme de commandites ont enfreint, altéré ou contourné les règles et ce sans hésitation ni regret apparent. Une relation des plus irrégulières entre un ministre de la Couronne et un fonctionnaire subalterne — passant outre à un sous-ministre avec l’aval de ce dernier — a pu se poursuivre impunément. Les personnes mêmes sur lesquelles le Parlement et les Canadiens comptent pour détecter, stopper et sanctionner les mauvaises pratiques de gestion et les activités éventuellement illégales n’ont pas honoré la confiance placée en elles. Rien, semble-t-il, dans l’administration de ce programme, n’a été fait dans les règles.

Actuellement, les tribunaux et la Gendarmerie royale du Canada cherchent à établir si la gestion du Programme de commandites présentait des aspects criminels. Le Comité est convaincu qu’ils feront bien leur travail, que les sanctions appropriées, le cas échéant, seront appliquées et que justice sera faite.

Le Comité souhaite, pour sa part, que, grâce à son travail et à ses recommandations — si elles sont acceptées et appliquées dans leur intégralité —, l’on remédiera aux carences d’ordre administratif qui ont empêché que les irrégularités auxquelles le Programme a donné lieu soient détectés et les responsables punis. Il espère également sincèrement que ces audiences ont contribué à révéler la vérité et permis à la population canadienne de mieux comprendre toute une série d’événements qui lui a tellement nui.******



38Bureau de la vérificatrice générale du Canada, Rapport de la vérificatrice générale du Canada à la Chambre des communes, novembre 2003, Points saillants globaux, chapitres 3, 4 et 5, paragraphes 1, 2 et 3.
39L.Q. 1985, ch. 38, art. 22.
40L.R.O. 1990, ch. A. 35.
41Loi sur le vérificateur général du Manitoba, C.P.L.M., ch. A180.
42Auditor General Act de la Colombie-Britannique, SBC 2003, ch. 2.