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ACVA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des anciens combattants


NUMÉRO 031 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 22 mars 2007

[Enregistrement électronique]

(0905)

[Traduction]

    Bonjour, tout le monde. Je déclare ouverte cette séance du jeudi 22 mars 2007 du Comité permanent des anciens combattants.
    Nous sommes ravis d'accueillir parmi nous ce matin le Dr Stéphane Guay, qui va sans doute beaucoup nous éclairer sur une sujet très important qui touche la santé des soldats qui reviennent au Canada et de nos anciens combattants.
    Nous allons donc commencer, et ensuite, je vais céder la présidence à Rob.
    Docteur Guay, je pense que le greffier ou le président a dû vous dire que vous auriez environ 10 minutes pour faire votre exposé, de façon à ce que les membres aient tout le temps nécessaire pour vous poser des questions par la suite. Et, de votre côté, vous pourrez aborder toutes les questions qui vous semblent pertinentes.
    Avec cette petite introduction, je vous cède la parole. Merci de votre présence ce matin.

[Français]

    Je m'appelle Stéphane Guay, et je suis chercheur et directeur du Centre d'étude sur le trauma à l'hôpital Louis-H. Lafontaine de Montréal. Je suis également chercheur associé pour Anciens combattants Canada, au Centre Sainte-Anne de l'hôpital Sainte-Anne. Je suis affilié au Département universitaire de psychiatrie de l’Université de Montréal. Je suis psychologue de formation. J'ai obtenu un doctorat en 2001 et, par la suite, j'ai fait un post-doctorat sur le traitement du stress post-traumatique chez les civils. Il s'agissait d'une étude dans laquelle on cherchait à savoir si on pouvait augmenter l'efficacité des traitements en faisant participer un proche. Actuellement, mes principales activités portent sur l'évaluation de différentes méthodes de traitement psychologique du stress post-traumatique auprès de différents types de victimes, principalement des civils, mais aussi quelques militaires.
    Depuis 2003, je réalise des projets de recherche qui sont subventionnés par différents organismes subventionnaires canadiens, comme les Instituts de recherche en santé du Canada, et québécois, comme le Fonds de la recherche en santé du Québec. Au cours des dernières années, plusieurs de mes écrits ont été publiés au Canada et à l'étranger, et j'ai également fait plusieurs présentations lors de différents congrès. Tout récemment, j'ai publié un livre sur le stress post-traumatique avec mon collègue André Marchand aux Presses de l'Université de Montréal, sous le titre Les troubles liés aux événements traumatiques : Dépistage, évaluation et traitement.
    En ce qui a trait à ma présence ici ce matin, je pense que le fait que j'ai travaillé à deux principales études portant sur les militaires canadiens est particulièrement intéressant. L'une d'elle consiste en analyses que l'on a faites à partir de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes et du supplément fait auprès des membres des Forces canadiennes. L'enquête a été menée auprès d'un échantillon représentatif de la population militaire. Il y avait un échantillon et une population de 8 441 participants. J'ai aussi fait une étude avec les militaires à la base de Valcartier, à Québec, qui visait à évaluer la qualité de vie et le soutien social des militaires qui souffrent de stress post-traumatique. Nous avons terminé cette étude il y a quelques temps.
    Je crois pouvoir vous éclairer et vous informer de ces résultats en fonction des questions que vous me poserez ce matin. Je suis ici très certainement à titre de chercheur. Je suis également psychologue et clinicien, mais je pense que je suis invité principalement à titre de chercheur, et je vais tenter de vous éclairer sur le des données connues dans la littérature sur le sujet, en ce qui a trait aux vétérans et aux anciens combattants, au meilleur de mes connaissances.

[Traduction]

    Très bien. C'était rapide. Je suppose que cela nous laisse d'autant plus de temps pour les questions des membres. Vous êtes sûr de n'avoir rien d'autre à ajouter pour le moment? Vous avez terminé? Très bien.
    Nous passons donc à M. Valley, qui dispose de sept minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président. Je n'ai même pas eu le temps de me verser un verre d'eau.
    Merci pour votre exposé. C'était fort intéressant.
    Je voudrais poser quelques questions que je n'ai pas eu l'occasion de poser l'autre jour. Vous allez peut-être me fournir des éclaircissements.
    Vous avez parlé des familles. Nous savons qu'elles jouent un rôle important dans ce contexte, mais il faudrait que vous nous disiez à quel point leur rôle est important. Cela représente un changement, mais les choses changent. Il n'y a que cet élément-là qui reste constant. Tout est en perpétuel changement.
    D'ailleurs, nous avons été témoins de changements très importants auxquels nos Forces canadiennes sont actuellement confrontées. Nous rencontrons des situations en Afghanistan qui n'existaient pas autrefois: des attentats suicide à la bombe, des enfants kamikazes, etc.
    Quels nouveaux outils nous faudrait-il afin de mieux combattre ces problèmes? Que pourrions-nous faire que nous ne faisons pas à l'heure actuelle?
(0910)

[Français]

     Je ne suis pas sûr d'avoir compris la question. Vous me parlez des actes auxquels sont exposés les militaires au cours d'une mission et des enfants qui commettent ces actes. Vous me demandez comment ces événements peuvent affecter la qualité de vie des militaires à leur retour. Est-ce exact?

[Traduction]

    Oui. À leur retour, ils se trouvent confrontés à des problèmes que nous n'avons pas connus dans le cadre de guerres ou d'opérations précédentes; donc, que peuvent-ils faire pour composer avec cela? Que faire quand une personne qui revient est aux prises avec le syndrome de stress post-traumatique? Que faire face à ce problème, étant donné qu'il est relativement récent du moins en ce qui concerne les Forces armées canadiennes?

[Français]

    Il est difficile de préparer les militaires à de telles situations d'horreur. Un militaire qui a des enfants et qui, dans le cadre de sa mission, assiste à des événements impliquant des enfants, que ceux-ci soient victimes ou qu'ils portent des armes, peut voir sa conception de la vie bouleversée, sans aucun doute. Comment peut-on gérer ce problème au retour? Ça dépend toujours du degré de difficulté que vit le militaire dans cette situation. Qu'il souffre ou non d'un stress post-traumatique, il peut recevoir du soutien psychologique qui l'aidera à assimiler ces événements et à leur trouver un sens. Il s'agit d'éviter que ceux-ci aient un impact négatif sur le fonctionnement familial.
    En fait, je pense que ça souligne l'importance d'intervenir sur le plan des symptômes individuels des militaires, mais également de considérer un impact un peu plus large, notamment un impact systémique ou familial.

[Traduction]

    Je vous remercie.
    On nous a dit — et je crois que vous y avez fait allusion également — qu'il est très important de prendre des mesures rapidement et au tout début — pas vous, personnellement, étant donné que vous traitez les problèmes après coup, mais maintenant, quand nos soldats sortent d'une situation difficile, ils sont envoyés à Chypre ou ailleurs pour décompresser. D'après ce que vous savez de ce syndrome, est-ce vraiment important que cette intervention soit immédiate? Nous croyons savoir que c'est ce qui se fait à l'heure actuelle; c'est la première chose qu'on leur fait faire. Dans quelle mesure ce genre d'intervention est-elle importante et, selon vous, serait-il possible d'en faire davantage pour faciliter cette décompression — ou peut-être n'avez-vous pas l'occasion de traiter ces problèmes?

[Français]

    Sûrement. Pour tout type d'événement susceptible d'influencer négativement la qualité du rôle que joue le militaire dans le cadre d'une mission, je pense qu'on devrait tenter de pallier le problème afin d'éviter que les choses se détériorent. Sur le plan de la recherche, très peu de données confirment l'efficacité d'une telle intervention ou d'une telle stratégie, même sur place. Je pense qu'on doit aller plus loin et évaluer l'impact de ce genre d'intervention, même si c'est relativement difficile. Il faudrait peut-être déployer quelques ressources à cet effet.
    Pour ce qui est de l'intervention dite  précoce  ou préventive, on parle souvent du debriefing, qui peut se faire après ce qu'on appelle le diffusing. C'est probablement ce à quoi vous faites allusion. Le diffusing sert à faire un compte rendu des événements survenus. Le debriefing a comme but d'empêcher que des difficultés se développent.
    Les recherches traitant précisément de l'impact du debriefing sur la prévention du développement du stress post-traumatique indiquent clairement qu'il n'est pas efficace. Il n'y a peut-être pas eu encore assez de recherches sur le sujet. En fait, il n'y en a pas eu beaucoup qui portaient sur les militaires. Cependant, une bonne douzaine d'études ont été réalisées dans les règles de l'art, selon des méthodes scientifiques. Il y a eu plusieurs revues de la littérature portant sur la question. Il y a vraiment un consensus international voulant que les interventions précoces, faites de façon universelle, c'est-à-dire auprès de toutes les victimes d'un événement traumatique — mais on ne connaît pas encore de cas impliquant des militaires — ne permettent pas de prévenir le développement d'un stress post-traumatique.
(0915)

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Je ne comprends pas très bien, car je croyais vous avoir entendu dire que la plupart des pays, voire même tous les pays, croient à l'efficacité de ce débriefing ou de cette décompression, comme on l'appelle. Mais vous êtes en train de nous dire que d'après les études les plus récentes, rien ne permet de conclure que cette intervention permet d'éviter le SSPT. Donc, que faut-il faire? Si nous ne sommes pas sûrs que ce soit efficace, alors que tout le monde le fait, quelle doit être notre stratégie — j'ai besoin de vos lumières. Faut-il faire une étude plus approfondie? J'aurais supposé que si tous les pays font cela, ce doit être utile. Êtes-vous en train de nous dire que les études menées à présent ne permettent pas de tirer cette conclusion-là?

[Français]

    C'est en effet un paradoxe. Ce type d'intervention se fait couramment, essentiellement en milieu de travail. Il peut s'agir de militaires mais aussi de civils, par exemple des policiers. Je pense que ça repose surtout sur le besoin de faire quelque chose pour aider des gens qui ont été exposés à des événements potentiellement traumatisants.
    Pour résumer ma réponse concernant ce que vous me demandiez plus tôt, je dirai que beaucoup de gens font ce genre d'intervention, mais que selon plusieurs études réalisées, ce n'est pas efficace. Vous m'avez demandé ce qu'on devrait faire à cet égard. Évidemment, la réponse n'est pas tout à fait simple. D'un point de vue éthique, il faut se demander si on doit laisser aller les choses sans intervenir, attendre simplement que des problèmes se développent chez ces gens pour ensuite intervenir ou tenter tout ce qui pourrait être d'un secours quelconque.
    En Angleterre, des cliniciens de plusieurs régions du monde se sont regroupés et ont rédigé un document qui propose des lignes de conduite dans le cas d'interventions auprès de gens ayant été exposés à des événements traumatiques ou ayant développé un stress post-traumatique. Ils suggèrent de ne pas faire de debriefing de façon universelle, c'est-à-dire dans tous les cas, mais plutôt d'intervenir auprès de ceux qui risquent de développer des difficultés à court terme, c'est-à-dire au cours des deux semaines suivant un événement.
    Cela dit, ce n'est pas toujours simple de procéder de cette façon avec des militaires qui sont en mission et qui viennent d'être exposés à ce type d'événement. Je comprends la complexité du contexte. Je tiens simplement à vous mentionner que le watchful waiting est ce qui est suggéré. Il s'agit d'appliquer une procédure non intrusive de dépistage pour évaluer de façon répétée et régulière l'état des gens et d'offrir une intervention que l'on pourrait qualifier de plus musclée ou plus intensive par l'entremise de ce qu'on appelle une thérapie cognitivo-comportementale de courte durée. Cette approche se fonde sur des recherches menées au cours des cinq ou dix dernières années auprès de victimes d'agressions sexuelles ou d'accidents de la route ayant développé par la suite ce qu'on appelle un état de stress aigu.
    L'état de stress aigu est un diagnostic transitoire qu'on peut faire pendant le premier mois suivant un événement traumatisant. On rend ce diagnostic lorsque les gens ont développé un ensemble de symptômes qui ressemblent beaucoup à ceux du stress post-traumatique, la différence étant cependant que cela se fait au cours des quatre semaines suivant l'événement.
    Bref, il serait bon de mettre en vigueur une procédure de dépistage et d'intervenir uniquement auprès de ceux qui risquent de développer un état de stress post-traumatique. En effet, ils risquent davantage de développer un état de stress post-traumatique puisqu'ils ont déjà des symptômes qui s'y apparentent beaucoup. Toutefois, l'état de stress aigu n'est pas un indice de prédiction parfait. En effet, seulement 60 p. 100 environ des gens qui répondent aux critères de l'état de stress aigu développent un état de stress post-traumatique par la suite. Il faut également continuer à faire du dépistage auprès de ceux qui ne sont pas dans un état de stress post-traumatique.
(0920)

[Traduction]

    Je vous remercie, monsieur Valley et monsieur Guay.
    C'est maintenant à M. Roy, pour sept minutes.

[Français]

    Vous venez de parler de l'état de stress post-traumatique aigu. Vous avez donné un pourcentage. Combien de personnes acquièrent le syndrome, avez-vous dit?
    Parmi les gens qui présentent les symptômes d'un état de stress aigu, de 50 à 60 p. 100 présentent par la suite les symptômes d'un état de stress post-traumatique. Lorsqu'on considère uniquement ceux qui sont dans un état de stress post-traumatique et qu'on se demande combien étaient auparavant dans un état de stress aigu, on constate que les pourcentages sont à peu près similaires : de 40 à 50 p. 100. L'équation n'est donc pas parfaite.
    C'est l'objet de ma question. Je vous écoute et je me dis qu'un être humain normal qui fait face à une situation semblable est automatiquement dans un état de stress évident. Je conçois mal que vous puissiez être témoin de la mort de quelqu'un qui est complètement déchiqueté devant vous sans que cela vous stresse un peu. Vous n'êtes pas nécessairement dans un état de stress aigu, mais il est évident qu'un être humain normal se trouve alors dans un état de stress.
    Je suis tout à fait d'accord avec vous. Il est certain que la grande majorité des gens qui sont témoins d'un événement comme celui que vous avez mentionné, soit un corps déchiqueté qu'ils sont obligés de ramasser, ont des réactions de stress. L'état de stress aigu n'est pas seulement un état de stress; c'est véritablement un état qui se rapproche beaucoup d'un état de stress post-traumatique. Cela inclut des symptômes comme les flash-back et les cauchemars. Il faut également avoir vécu de la dissociation lors de l'événement, avoir des difficultés de concentration, de l'hypervigilance, etc. Ce n'est pas tout le monde qui va présenter ces symptômes. C'est plus grave que la simple réaction de stress qu'ont la plupart des gens. C'est un peu différent.
    J'aimerais vous parler de l'étude que vous avez faite concernant la santé des militaires dans leur communauté. On a l'impression que très peu des militaires qui vivent un état de stress post-traumatique vont consulter. On renvoie ces gens dans la communauté — c'est un peu l'objet de votre étude, si j'ai bien compris — alors qu'ils ont des problèmes qui n'ont pas nécessairement été identifiés. J'aimerais que vous nous donniez davantage de détails sur les résultats de cette étude.
    Cette étude a été commandée par la Défense nationale à Statistique Canada. L'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes est une enquête pancanadienne sur la santé mentale. La Défense nationale a demandé à Statistique Canada de faire une étude auprès d'un échantillon de militaires représentatif de l'ensemble des militaires.
    Lors de cette étude, on s'est penché sur la prévalence à vie du stress post-traumatique et on a constaté que 6,8 p. 100 des militaires auraient vécu, à un moment de leur vie, un état de stress post-traumatique.
(0925)
    Sans nécessairement consulter.
    Au cours des 12 derniers mois, ce pourcentage a été de 2,3 p. 100. Quand on a voulu savoir combien de militaires avaient consulté, on a fait de la recherche avec une collègue qui s'appelle Deniz Fikretoglu. Ces études ont été publiées.
    En gros, le pourcentage de personnes qui vont consulter, de façon générale, pour un trouble de santé mentale est de 40 à 50 p. 100. Ce n'est pas seulement pour le stress post-traumatique, mais pour tous les troubles de santé mentale. Donc, de façon générale, dans la communauté des militaires, 40 ou 50 p. 100 vont consulter s'ils ont un problème de santé mentale.
    Ce qui est encore plus important, selon moi, c'est de voir combien de temps ils ont attendu avant d'aller consulter. Selon notre étude, chez ceux qui avaient vécu un état de stress post-traumatique au cours de leur vie, le délai moyen avant qu'ils n'accèdent à un traitement a été de sept ou huit ans. Cela ne veut pas dire que le traitement n'était pas accessible; cela veut peut-être dire qu'ils ne sont tout simplement pas aller consulter plus tôt. Un délai de sept ou huit ans est long et, malheureusement, un trouble de stress post-traumatique peut devenir chronique au cours de ces années.
    Chez les civils, cela prend aussi beaucoup de temps. Chez nous, au Centre d'étude sur le trauma, nous avons reçu plus de 150 victimes de différents événements traumatiques au cours des dernières années et nous les avons traitées. En moyennes, ces personnes étaient dans un état de stress post-traumatique depuis quatre ans. Donc, la situation est la même chez les civils. Le dépistage ne se fait pas assez rapidement et il serait avantageux qu'il se fasse plus rapidement. Évidemment, il faudrait inciter les gens à se faire traiter plus rapidement ou, à tout le moins, faire tomber les barrières qui empêchent les gens de se prévaloir des services offerts.
    On sait qu'à la Défense nationale, par exemple, il y a des cliniques qui sont ouvertes depuis près de 10 ans, je crois. Il y a donc des services, mais il y a aussi des barrières à cela. Lors d'une autre étude qu'elle a faite, ma collègue Deniz Fikretoglu est allée voir quelles étaient les principales barrières et quels étaient les prédicteurs du recours aux services existants.
    Les deux conclusions les plus importantes de son étude ont été celles-ci. Premièrement, c'est surtout la perception qu'a le militaire de sa propre santé mentale qui va faire en sorte qu'il ira consulter ou pas. Plus il a l'impression que son problème de santé mentale nuit à son fonctionnement, peu importe s'il s'agisse de son fonctionnement professionnel, familial ou autre, plus il aura tendance à aller consulter. Autrement dit, ceux qui ont tendance à minimiser leurs symptômes ou à éviter d'y penser n'auront pas tendance à se prévaloir des services, même s'ils sont offerts.
    L'autre résultat le plus important de cette étude porte sur les barrières qui empêchent les gens de consulter. Des variables qu'on a pu tirer des résultats de l'enquête de Statistique Canada, il ressort que le manque de confiance envers les Forces canadiennes était le principal facteur qui empêchait les gens d'aller consulter.
(0930)
    Que voulez-vous dire par un manque de confiance dans les Forces canadiennes?
    Je peux difficilement vous donner des détails là-dessus, mais je peux poser des hypothèses. Ce n'est pas précis, mais je présume, entre autres, que la crainte de dévoiler qu'on est dans un état de stress post-traumatique et la crainte de se faire expulser des Forces canadiennes, de perdre son emploi ou de se faire stigmatiser par les autres font partie des éléments sous-jacents à cela.
    Comme vous le savez, on a mentionné récemment dans les journaux — je pense que c'est la semaine dernière ou la semaine précédente — qu'on renvoyait en Afghanistan des militaires qui avaient des problèmes de santé mentale. Cela signifie qu'on renvoie sur les théâtres d'opérations des gens qui peuvent avoir des problèmes très sérieux. Cela augmentera les problèmes, non seulement pour la personne, mais aussi pour les forces armées. Ai-je raison?
    Oui, vous avez raison. C'est inévitable, certains vont y retourner, mais pas nécessairement. Il est possible d'en dépister davantage. Vous savez, des gens vont simuler un stress post-traumatique pour avoir droit à une pension. Par contre, d'autres vont le camoufler pour ne pas perdre leur travail, parce qu'ils veulent rester dans les forces armées. Ce dernier phénomène est nettement plus important. Le fait que ce phénomène se produise ne veut pas nécessairement dire que c'est la responsabilité des forces armées. En effet, des gens qui retournent sur le théâtre des opérations ont des problèmes de santé mentale, il n'y a pas de doute. Cela va-t-il les exacerber? Il est probable que oui, évidemment.

[Traduction]

    C'est maintenant à M. Stoffer du NPD.
    Je vous remercie, monsieur le président, et merci beaucoup docteur Guay.
    Les études que vous avez menées sont-elles examinées par vos collègues au Canada ou à l'étranger?

[Français]

    Oui.

[Traduction]

    Qui au juste assume cette responsabilité?

[Français]

    Il s'agit d'un processus très long et très exhaustif. Les études dont je vous parle ont été publiées notamment dans La Revue canadienne de psychiatrie et dans le Journal of Traumatic Stress. D'autres paraîtront dans ces revues, et dans d'autres, aussi. Tout cela est révisé habituellement par deux ou trois pairs, en plus de l'éditeur de la revue. En général, lorsqu'on soumet un tel article ou une telle étude, on reçoit des commentaires et on doit apporter des précisions, réviser certaines choses. C'est un processus très long, mais très fiable aussi.

[Traduction]

    Vos études portent-elles principalement sur ce qu'on appelle les anciens combattants contemporains ou peuvent-elles également inclure des anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale ou de la guerre de Corée, par exemple?

[Français]

    Il s'agit d'anciens combattants contemporains ou de militaires qui pourraient le devenir, à tout le moins, puisqu'ils ont souvent des problèmes.

[Traduction]

    Certains de mes collègues ont sans doute vu le film de Clint Eastwood intitulé Flags of our Fathers. Dans le premier segment du film, on voit un vieux monsieur et sa femme au lit, et il tremble en se rappelant quelque chose qui lui est arrivé lors de la bataille d'Iwo Jima 60 ans auparavant.
    À cet égard, certaines personnes m'ont dit que le syndrome de stress post-traumatique peut ne pas se déclarer tout de suite. Il peut se manifester bien des années après. Les souvenirs de l'événement sont refoulés, et bien des années après, la personne se rappelle de l'incident et souffre de stress post-traumatique. Est-ce quelque chose que vous avez souvent observé dans vos études?

[Français]

    Non, c'est plus l'exception que la règle. Ce qu'on appelle un trouble de stress post-traumatique à survenue différée est peu fréquent. Il est plus fréquent, selon moi, que des gens apprennent à vivre malgré leurs symptômes et malgré les souvenirs traumatiques, et cela, beaucoup grâce à l'évitement. Il ne s'agit pas seulement d'évitement comportemental, mais aussi d'évitement cognitif, c'est-à-dire éviter de penser à l'événement, etc. Chez nous, il y en a aussi chez les civils. Récemment, on a traité un ancien directeur de banque qui avait vécu une prise d'otages en 1980. Il vivait avec un stress post-traumatique sévère depuis 26 ans. Il s'agissait d'une prise d'otages au cours de laquelle il y avait eu des morts et des blessés. Lui-même s'en était pris aux voleurs, et des coups de feu avaient été échangés. C'était un événement très grave. Il a tout de même réussi à vivre pendant 25 ans, mais son fonctionnement a été altéré. Il a réussi quand même à vivre tout ce temps-là.
(0935)

[Traduction]

    Nous avons reçu un groupe à la séance de la semaine dernière qui travaille avec les anciens combattants. Ils ont parlé de préoccupations parmi certains professionnels qui auraient des réticences au sujet de ce qu'ils font — c'est-à-dire que les professionnels ne sont peut-être pas tout à fait d'accord avec le travail de ce groupe de soutien.
    Connaissez-vous ce groupe de soutien? Avez-vous des préoccupations relativement à ce qu'ils essaient de faire pour aider les anciens combattants et leurs familles?

[Français]

    Faites-vous référence à OSISS, ou SSVSO en français?

[Traduction]

    Oui.

[Français]

    Je connais globalement le travail de ce groupe, qui est véritablement d'offrir du soutien par des pairs à des militaires qui sont revenus depuis un certain temps de mission, qui sont sortis des Forces canadiennes et qui sont devenus des anciens combattants. Ce travail est très bien perçu et semble avoir des effets positifs. Je n'ai pas de données ou de résultats d'études l'attestant, mais je sais que de façon générale, ce groupe est bien perçu et apprécié.
    Concernant les interventions auprès de la famille, des conjoints et des proches à Anciens combattants Canada, je peux vous dire que le Centre Sainte-Anne a développé des groupes d'intervenants et que ceux-ci raffinent leurs interventions. Je discute avec eux pour les aider, puisque j'ai acquis une expertise dans le développement d'interventions qui impliquent les proches et qui peuvent améliorer l'état des anciens combattants et des victimes ayant un stress post-traumatique.
    Je suis un peu au courant. Je sais qu'ils ont, par exemple, des groupes de conjointes. Ils rencontrent les conjointes et les amènent à discuter des difficultés qu'elles vivent par rapport au stress post-traumatique de leur conjoint ancien combattant. Ces interventions ont tout à fait leur place. Le fait de vivre depuis sept, huit, dix ou douze ans avec un conjoint ayant un stress post-traumatique, qui a de la difficulté à parler de ses problèmes et à ressentir des émotions positives, qui est plus irritable, qui éprouve des difficultés de concentration, qui ne dort pas bien, etc., amène une baisse de la qualité de la vie familiale. Il est nécessaire d'intervenir auprès de la famille et des conjointes.

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Nous passons maintenant à M. Shipley, pour sept minutes.
    Je tiens à vous remercier de votre présence, docteur Guay. Nous vous sommes reconnaissants d'avoir pris le temps de nous rencontrer ce matin dans le cadre de nos discussions.
    Ma question fait suite à celle posée par mon collègue au sujet du SSVSO. Vous faites de la recherche, vous êtes psychologue, et vous nous avez parlé de différentes études. Je vais y revenir dans quelques instants.
     Nous avons bénéficié d'un excellent exposé au sujet de ce que fait le SSVSO pour aider les militaires. Il est évident que ce ne sont pas tous des chercheurs, mais avez-vous eu l'occasion de travailler avec eux? Les avez-vous fait participer à vos études sur l'éventail des mesures de soutien qui sont à la disposition de nos militaires? Il me semble que le SSVSO, ou des organismes du même genre, doit jouer un rôle très important auprès de nos anciens combattants et des membres des Forces canadiennes.
    Je pense que vous avez dit que vous étiez un peu au courant de leurs activités, sans pour autant avoir vraiment travaillé avec eux, et je me demande pourquoi — que ce soit ce groupe en particulier ou un autre.
(0940)

[Français]

    Effectivement, je n'ai pas collaboré activement avec eux. Il n'y a pas de raison particulière. Cela n'a simplement pas adonné. Je l'ai fait de façon indirecte. Une personne a mené une étude qualitative auprès des conjoints et a travaillé de très près avec eux. Cette personne était une étudiante de mon collègue Alain Brunet, avec qui je travaille au Centre Sainte-Anne. Il n'y a aucune raison particulière pour laquelle je n'ai pas encore collaboré avec eux. Il est certain qu'il me ferait plaisir de le faire.

[Traduction]

    Je voudrais approfondir un peu plus cette question. Je suis un peu surpris, et je tiens à vous dire que pour nous, la recherche est importante. En même temps, vous êtes le seul à nous avoir dit que la décompression avant le retour au pays n'est pas efficace. Et là nous parlons d'études.
    Ce qui me frustre, c'est que des études sont menées par des chercheurs qui aboutissent à des conclusions complètement différentes. Je ne demande donc comment nous pouvons prendre des décisions alors que ces différentes études sont menées par des chercheurs qui ont des doctorats, etc. D'après certains d'entre eux, c'est efficace, mais d'après d'autres chercheurs, ça ne l'est pas. Or nous avons des gens sur le terrain qui nous disent qu'il faut amener les militaires à parler ou leur donner l'occasion de faire ce genre de choses.
    Je vous invite donc à répondre.

[Français]

    J'ai effectivement parlé de debriefing, et non de décompression. J'ai aussi mentionné qu'il y avait un consensus, c'est-à-dire qu'un nombre significatif de chercheurs s'entendent pour dire que le debriefing n'est pas efficace.
    Le consensus clair auquel on en est arrivé est que le debriefing ne permet pas de prévenir le syndrome de stress post-traumatique. Je vais d'abord expliquer ce qu'est un debriefing avant de dire pourquoi un certain paradoxe ressort de l'ensemble de ces études.
    Un debriefing est une intervention généralement prodiguée dans les 24 à 48 heures suivant un événement traumatique, par exemple après un vol de banque. Dans les 24 à 48 heures suivantes, un psychologue ou un autre intervenant en santé mentale viendra et, pendant environ une heure, il fera ventiler les gens par rapport à l'événement au moyen de différentes étapes. Il commencera par les faire parler des faits, de leurs émotions, etc. C'est cela, le debriefing tel qu'il a été conçu et tel qu'il est appliqué en général dans les entreprises, mais aussi auprès de différents types de victimes.
    C'est à cela que je fais allusion quand je dis que cela n'est pas efficace. Le volet décompression dont vous parlez est-il un processus qui amène les militaires à aller décompresser dans un endroit pendant une semaine avant de revenir ici?

[Traduction]

    Pourrais-je passer donc —
(0945)

[Français]

    J'aimerais terminer ce que je voulais dire. Si vous parlez de cet aspect de la décompression, je n'ai aucune idée de son effet positif ou négatif. C'est fort probablement apprécié et bénéfique, mais il faudrait le confirmer.
    Je voudrais compléter ce que j'avais commencé à dire sur le paradoxe. Même si le debriefing n'est pas efficace pour prévenir le stress post-traumatique, les gens l'apprécient beaucoup. Quand on leur demande s'ils sont satisfaits de l'intervention qu'ils ont reçue, s'ils sont contents et si elle a été utile pour eux, ils répondent par l'affirmative. Cependant, on ne peut pas simplement se baser sur cet indicateur pour dire qu'il faut faire un debriefing. Au fond, l'objectif principal du debriefing est de prévenir le développement de problèmes. Mais si on ne réussit pas à le faire davantage par le debriefing que dans le cadre d'un groupe contrôle où l'on n'a pas fait de debriefing, on peut dire que c'est une perte de temps et d'argent.

[Traduction]

    Vous avez 30 secondes.
    Très bien. Je n'ai qu'une question et je pense que j'aurai l'occasion un peu plus tard de la poser. S'agissant du débriefing, j'ai dû confondre débriefing et décompression. C'est intéressant, et peu importe que ce soit des membres des Forces canadiennes ou des membres de nos services d'intervention d'urgence. Autrefois quand j'étais maire d'une municipalité, il arrivait parfois que nos pompiers, par exemple, soient témoins d'incidents assez tragiques et, comme nous vivions tous dans la même localité, de temps à autre, ils connaissaient les personnes qui avaient été tuées ou grièvement blessées.
    À ces occasions, nous faisions venir des gens qui pourraient faire un débriefing avec eux et parler de l'incident. Donc, ils avaient l'occasion, non pas dans les 12 heures qui suivaient, mais en moins de deux semaines, de parler de leur expérience. Tout semble indiquer que ce genre d'intervention était très positive et très utile au niveau de la prévention. Nous n'avions pas recours à ce genre d'intervention autrefois. Nous avons constaté les graves contrecoups de certains incidents tout à fait tragiques, entre autres lorsque le voisin d'un résident a heurté un pont et ce dernier nous a dit à quel point il avait trouvé difficile d'avoir à ramasser les morceaux de cervelle de son ami sur la chaussée. C'est ainsi que moi-même et d'autres avons compris qu'il fallait faire intervenir des spécialistes. Quand un incident différent, mais semblable, s'est produit qui concernait deux jeunes enfants, l'aide de ces spécialistes a eu un effet très positif sur le personnel d'intervention d'urgence.
    En ce qui concerne l'utilité de ce genre d'intervention, j'ai donc des sentiments mitigés. Si vous me dites que cela n'est pas utile, je dois répliquer que je ne suis pas de cet avis parce que, pour ces personnes et quels que soient les incidents concernés, une intervention de ce genre peut leur éviter d'être aux prises avec le syndrome de stress post-traumatique. Je ne sais pas, mais si cela leur permet de vider leur coeur en présence d'un professionnel qui va les écouter et qui pourrait peut-être les voir deux ou trois semaines plus tard, ou éventuellement six mois plus tard, pour moi, c'est certainement bien utile.
    Voilà ce que je voulais vous dire.

[Français]

    À la suite de votre commentaire, je peux affirmer que, parmi les très bonnes études qui ont été faites sur le debriefing, une ou deux portaient aussi sur des pompiers.
    Je connais la situation des pompiers parce que j'en ai rencontré. En fait, j'ai rencontré l'Association des pompiers de la région de Montréal au cours de l'été dernier. Ce qui est ressorti de cette rencontre avec des chefs de pompiers, c'est qu'en général, c'est très apprécié. Par contre, ces chefs de pompiers m'ont aussi fait part de certains aspects négatifs, à savoir que durant les séances de debriefing, il y avait parfois des commentaires plutôt négatifs de collègues qui blâmaient certaines personnes pour leurs actions. Ils ont fait ressortir ce problème.
    Cela étant dit, je ne veux pas m'étendre trop longtemps sur le sujet. Néanmoins, je tiens à vous dire qu'on n'a pas encore bien mesuré tous les effets possibles du debriefing et que si on finit par mesurer, par exemple, des indices de la qualité de vie ou du bonheur ou autre, on va peut-être obtenir des résultats. Toutefois, on sait qu'actuellement cela ne permet pas de prévenir l'apparition du stress post-traumatique.
     En outre, il ne faut pas non plus négliger le fait que les êtres humains ont une grande capacité d'adaptation. Il faut se rappeler que même face à un événement qui suscite une grande aversion et qui est potentiellement très traumatisant — comme voir son collègue mourir —, la grande majorité des êtres humains s'en sortent indemnes. De fait, 90 p. 100 s'en sortent sans séquelles psychologiques ou psychopathologiques.
    Je tenais donc à mentionner que la résilience de l'être humain est très forte.
(0950)

[Traduction]

    Très bien. Merci beaucoup. Nous allons maintenant ouvrir le deuxième tour.
    Monsieur St. Denis, c'est à vous, pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président, et merci, docteur Guay. C'était très utile.
    Je me souviens d'avoir lu un article de journal il y a environ 18 mois où l'on disait qu'après les événements du 11 septembre à New York, un nombre considérable de conseillers aient venu aider les nombreuses personnes qui avaient été touchées par les événements — les membres de la famille, etc. — et qu'on a fait la même chose à la suite d'un massacre dans une école; je ne me rappelle plus si c'était à Columbine ou ailleurs.
    Ce rapport faisait essentiellement les mêmes recommandations que vous. Nous sommes des amateurs dans ce domaine — du moins, moi, je le suis — et on disait dans ce rapport que ce genre d'intervention précoce ou arrivée massive d'aidants professionnels, peut avoir un impact plus négatif qu'autre chose. Je ne peux pas savoir exactement ce que cela veut dire, mais le fait est que vous travaillez dans un domaine où vous n'avez pas à traiter des coupures au doigt ou un bras cassé; vous êtes confronté à des situations nébuleuses qui sont difficiles à évaluer. Donc, il est d'autant plus important que nous examinions cette question en comité et que nous comprenions bien votre position.
    Nous avons fait venir les représentants du SSVSO. Ils ont fait un bon exposé, et cela m'amène justement à vous parler de l'équilibre approprié à établir entre les pairs aidants qui sont utiles mais qui ne sont pas des professionnels, les familles, les amis, ceux et celles qui ont déjà connu ce genre de traumatisme et qui s'en sont sortis, et les véritables professionnels. Cela peut être utile ou avoir l'effet inverse, si vous avez la mauvaise personne au mauvais endroit au mauvais moment qui essaie d'aider quelqu'un qui a connu une situation de stress.
    Pouvez-vous nous parler de l'équilibre approprié entre l'apport des pairs aidants ou conseillers mentors et les professionnels? Nous voulons être positifs et mettre à profit de telles ressources, mais en même temps, nous voulons faire attention. Pourriez-vous donc aborder cette question de l'équilibre entre les ressources professionnelles et non professionnelles?

[Français]

    Certainement.
    En fait, lorsqu'on pense au concept du soutien social en général, on pense à différents types de soutien social qu'on peut recevoir de l'entourage ou de l'environnement. Il y a du soutien affectif, il y a du soutien plus tangible, il y a du soutien qu'on dit plus informationnel, etc. Chacun de nous a besoin de différents types de soutien dans des moments précis, notamment lorsqu'on vit un événement stressant.
    Les pairs aidants peuvent apporter un type de soutien différent de celui d'un intervenant professionnel. En ce sens, ils peuvent être très complémentaires. Cependant, l'un ne peut suppléer à l'autre.
    Voici comment je vois l'utilité des pairs aidants. Ceux-ci peuvent notamment offrir du soutien affectif ou émotionnel. Ils peuvent aussi offrir du soutien de camaraderie, c'est-à-dire partager des activités plaisantes. Le soutien ne consiste pas uniquement à échanger sur les choses difficiles; cela consiste aussi à vivre des moments agréables. Les pairs peuvent permettre de vivre cela, de se retrouver en groupe, de rigoler ensemble. Cela peut être très utile en ce sens.
    Sur le plan professionnel, il est question d'un type de soutien plus formel, plus spécialisé, qui se rapproche peut-être davantage du soutien informationnel, mais qui recoupe évidemment le soutien émotionnel. En effet, lorsqu'un psychologue écoute un militaire raconter ses choses et toute la détresse qu'il a vécue, il se doit assurément d'être empathique et d'avoir une écoute active. Par conséquent, il offre également un soutien émotionnel. Selon moi, c'est très complémentaire.
    On ne pourrait pas demander à un psychologue d'offrir du soutien de camaraderie, par exemple, ou de partager des activités plaisantes avec le militaire. Là n'est pas son rôle. De même, on ne devrait pas demander non plus aux pairs aidants ni à la famille d'offrir un soutien plus formel ou plus professionnel.
    À mon avis, il faut véritablement distinguer les rôles de chacun. Tel est l'idéal, car les pairs aidants ne se sentent pas compétents pour offrir du counseling. Selon moi, ce n'est pas ce qu'ils devraient faire; ils devraient plutôt offrir d'autres types de soutien.
(0955)

[Traduction]

    Pour un professionnel comme vous, qui essayez de déterminer, dans la mesure du possible, la gravité du SSPT, y a-t-il des degrés d'atteinte qui vous permettent de dire que tel cas est mineur et donc de prescrire un certain régime de traitement, ou encore de dire que c'est un cas grave? Êtes-vous en mesure de déterminer cela quand vous rencontrez l'intéressé pour l'évaluer, ou est-ce trop difficile?
    De plus, êtes-vous en mesure de savoir quel degré d'intervention est approprié entre les pairs aidants et les professionnels? Par exemple, êtes-vous en mesure de dire que le patient a simplement besoin de socialisation, alors qu'à l'autre extrême, il a besoin de passer du temps à l'hôpital, si ce sont bien les deux extrêmes qui peuvent exister?

[Français]

    Je pense que cela varie selon les besoins de l'individu. C'est à lui de déterminer le soutien qu'il souhaite recevoir. On ne doit pas lui imposer un soutien par les pairs. Cela doit être fait de façon volontaire. Quand on lui impose une participation à un groupe de soutien, cela peut avoir un impact négatif.
    Il faut qu'il y ait synchronie entre le besoin de soutien social et ce qui est offert en termes de soutien. En ce sens, je pense que le meilleur baromètre est l'individu lui-même.
     Merci.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à M. Perron, pour cinq minutes.

[Français]

    Bonjour, monsieur Guay.
    Excusez-moi, mais il peut arriver qu'au cours de la conversation, je vous appelle  Stéphane, mais ce n'est pas un manque de respect de ma part. J'appelle tous les gens par leur prénom, en général.
    J'ai été élu pour la première fois le 2 juin 1997. Vers le milieu du mois de juillet, j'ai rencontré mon premier électeur affligé de stress post-traumatique. C'était un jeune de l'âge de mon fils. Depuis ce temps, le stress post-traumatique est quasiment devenu une marotte pour moi. J'ai lu les ouvrages de Pascale Brillon, que vous connaissez sûrement, et je me suis beaucoup impliqué.
    Dans mon cheminement, j'en suis à penser qu'il y a sûrement moyen d'arriver à prévoir, lorsqu'on engage un jeune soldat, les problèmes d'ordre psychologique dont il pourra souffrir à la suite d'une mission de paix ou de guerre. C'est dommage que Betty ne soit pas présente. Je la taquine toujours parce qu'elle ne comprend pas l'humour noir des Québécois et les discours en paraboles. Je dis souvent que quand on a les moyens d'acheter des C-17, on a les moyens d'investir dans le développement et l'aide. J'ai été vraiment choqué lorsqu'un témoin que nous avons entendu mardi dernier, le major Le Beau, une gentille dame, nous a dit qu'avant de déployer des jeunes au front, on leur offrait une demi-journée de formation pour leur expliquer le stress post-traumatique.
    Dans les ouvrages comme ceux de Pascale Brillon, on décrit plusieurs symptômes qui permettent de s'auto-évaluer et de savoir si on est affligé du stress post-traumatique. Par exemple, on souffre d'insomnie, de nervosité, on fait des cauchemars, on maigrit. On sait que ces jeunes soldats sont des  machos — on ne doit pas s'empêcher d'utiliser de tels mots — qui disent être tough.
    Dans ce pays, on dépense de l'argent. Je ne dis pas que c'est de l'argent mal dépensé, mais on dépense de l'argent pour leur fournir des équipements de pointe. On dépense de l'argent pour les former physiquement pour aller au combat ou pour faire partie de l'armée. Par contre, on ne leur offre qu'une demi-journée de formation pour les préparer mentalement à affronter une situation de guerre.
    Pourquoi est-ce qu'un député comme Gilles Perron ne pourrait pas se permettre de dire au gouvernement canadien, indépendamment de sa couleur, qu'à chaque fois qu'il dépense un milliard de dollars pour l'achat d'équipement, il devrait voir à investir 1 p. 100 de cet argent pour les anciens combattants, pour éduquer nos jeunes et pour les soigner plus tard?
    Que pensez-vous de mon plan d'investissement? Je suis convaincu, mon cher Stéphane, que, comme tout le monde, vous dites que vous n'avez pas assez d'argent.
(1000)
    La prévention est probablement le meilleur des remèdes. Je pense qu'il y aurait très certainement beaucoup de choses à explorer à cet égard, entre autres pour essayer d'augmenter la résistance des militaires aux événements qu'ils vont vivre dans le cadre de leur mission ou de leur déploiement. Je suis tout à fait favorable à cela. Je pense qu'on devrait beaucoup investir en recherche sur ce sujet pour trouver quelque chose qui fonctionne et qui les aide véritablement.
    Ma première impression est qu'une bonne procédure d'autodépistage comme celle que vous évoquiez est probablement la meilleure solution. Cependant, les militaires étant ce qu'ils sont, ils hésiteront peut-être à reconnaître qu'ils ont un problème de santé mentale.
    Je ferai deux ou trois commentaires additionnels. Actuellement, à ma connaissance, on n'est pas encore en mesure d'identifier les militaires qui pourraient souffrir de stress post-traumatique s'ils vivent un événement potentiellement traumatisant durant leur déploiement. Je ne pense pas qu'on en soit rendu là actuellement.
    Dans l'étude sur les facteurs de risque et de protection des militaires, on en est vraiment aux premiers balbutiements. On distingue trois classes de facteurs de protection ou de risque. Tout d'abord, il y a les facteurs qu'on appelle pré-traumatiques, soit l'âge, le sexe, le fait d'avoir eu dans le passé des problèmes psychiatriques ou le fait qu'il y en ait eu dans la famille, le fait d'avoir été victime d'abus physiques ou sexuels durant l'enfance, le fait d'avoir vécu d'autres types de trauma. Ensuite, il y a des facteurs péritraumatiques, c'est-à-dire tous les facteurs liés à la gravité et à la durée de l'événement, le fait de s'être dissocié durant l'événement, etc. Enfin, il y a des facteurs post-traumatiques, notamment le soutien social ou organisationnel reçu après l'événement, le nombre de stresseurs vécus par la suite et qui ne sont pas nécessairement traumatisants. Par exemple, on peut avoir eu de la difficulté à dormir. Il existe certainement des facteurs d'autres niveaux, mais je résume.
    Selon l'état des connaissances actuelles sur la force de prédiction de ces trois types de facteurs, ce ne sont pas les facteurs pré-traumatiques qui nous permettent le mieux de prédire qui va souffrir de stress post-traumatique. Ce sont véritablement les facteurs péritraumatiques, c'est-à-dire l'intensité et la durée de l'événement, et son caractère effroyable.
    Cela étant dit, ces choses ne peuvent être prévues à l'avance. Chaque événement est unique. Il existe des événements auxquels on ne peut même pas penser et pour lesquels on ne pourrait préparer personne. N'importe quel militaire qui témoignerait ici vous donnerait des exemples d'événements effroyables qu'il a vécus et que nous n'aurions jamais pu imaginer.
(1005)
    J'ai beaucoup entendu parler de ces événements, Stéphane. Au-delà de 500 militaires qui sont sortis de l'armée m'ont raconté des atrocités. Rien qu'à les écouter, je suis presque stressé moi-même. J'ai également rencontré des jeunes militaires à la base de Valcartier. Parce qu'ils craignaient de perdre leur emploi, il y avait un rideau entre eux et moi lorsque je les rencontrais. Ils ne voulaient pas se faire reconnaître. Je pense qu'il faut investir dans ce domaine.
    En terminant, j'aimerais que vous me fassiez un bref commentaire. En écoutant le dernier témoin, j'ai comparé SSVSO, le Programme de soutien social aux victimes de stress opérationnel, aux Alcooliques Anonymes. Je ne veux pas dénigrer les Alcooliques Anonymes parce qu'ils font du bon travail, mais selon les lectures que j'ai faites, il faut que le debriefing se fasse au cours du mois ou des quelques semaines suivant l'événement. On ne peut pas attendre. Il faut donc des psychologues sur les champs de bataille.
     Il pourrait certainement être fort pertinent de dépister les problèmes de santé mentale le plus tôt possible mais, à mon avis, cela entraînerait des difficultés organisationnelles. Ce n'est pas évident. Comme psychologue, je pourrais moi-même être traumatisé en allant sur le champ de bataille. Néanmoins, il y a peut-être autre chose à faire, notamment sur le plan des processus et de la déstigmatisation. Il était question, dans le National Post de ce matin, du sénateur Kirby qui s'est fait accorder un budget pour une commission sur la santé mentale des Canadiens. Je pense qu'il consacrera un budget simplement à la déstigmatisation des problèmes de santé mentale. Imaginez, il fait cela dans la communauté en général. Ce serait encore plus important de le faire chez les militaires, entre autres à cause de ce que vous avez mentionné. Il y a beaucoup de travail à faire à ce niveau. Je pourrais faire beaucoup d'autres commentaires sur ce qui doit être fait, selon moi, pour les militaires et le stress post-traumatique, mais je vais m'arrêter ici.
    Vous êtes ici pour cela, monsieur.

[Traduction]

    Si vous me permettez, j'aimerais poser une ou deux questions.
(1010)
    Pas question. Dans ce cas, je m'en vais.
    C'est bien ce que je pensais. J'ai l'impression que le désir de fumer y est peut-être pour quelque chose aussi.
    Vous avez parlé de thérapie cognitivo-comportementale. Je ne sais pas exactement de quoi il s'agit, mais je vais me lancer quand même, et vous me direz si je me trompe ou non.
    J'ai l'impression qu'on parle des symptômes qui se manifestent chez une personne aux prises avec le syndrome de stress post-traumatique. Peut-être que cette personne ne veut pas être confrontée à des choses qui lui rappellent certains événements, ou peut-être réussit-elle difficilement à dormir, etc. Lorsqu'on a recours à la thérapie cognitivo-comportementale — du moins, c'est ma théorie — on essaie de sensibiliser l'intéressé et de lui faire comprendre que ces symptômes sont liés au SSPT. C'est ma supposition. Mais j'aimerais que vous me disiez exactement de quoi il s'agit et que vous m'expliquiez cette thérapie.

[Français]

    En fait, cela fait partie de la thérapie. De façon générale, il s'agit d'une thérapie cognitive ou comportementale qui comporte trois ou quatre composantes. La première est de faire de la psycho-éducation avec la personne en traitant les symptômes, ce qu'elle vit. Très souvent, notamment chez les militaires, les gens ne sont pas conscients du fait que d'autres personnes peuvent vivre ce type de symptômes. Notamment chez les militaires, si les symptômes ne se manifestent que chez une seule personne sur les 10 qui auront vécu le même événement, cette personne, forcément, ne les reconnaîtra pas très facilement. La phase de psycho-éducation est donc fort importante, simplement pour entreprendre le processus de thérapie.
    Ensuite, on leur enseigne habituellement une façon de réduire les manifestations physiologiques de l'anxiété, c'est-à-dire la tension musculaire, la respiration rapide, etc. On utilise une méthode de relaxation ou on leur enseigne une nouvelle façon de respirer, la respiration diaphragmatique.
    Par la suite, on arrive habituellement à l'ingrédient principal, l'exposition, en imagination, au scénario de l'événement, et ensuite à l'exposition aux situations à éviter. La première partie est la plus importante, évidemment, dans le cas des militaires. On les amène à revoir le scénario de l'événement, à raconter ce qui s'est passé, et, ce faisant, les images et les pensées reviennent à l'esprit. Cependant, tout cela est fait dans un contexte thérapeutique qui permettra à la personne d'apprivoiser ces images et ces souvenirs de manière à ce qu'ils ne suscitent plus d'émotions négatives très graves et ne causent plus autant de détresse. Il s'agit d'amener la personne à nous raconter l'événement, à donner un sens à cet événement et à l'intégrer comme un événement faisant partie du passé.
     La grande difficulté des gens qui souffrent de stress post-traumatique est qu'ils sont hantés par leurs souvenirs, et ce, au quotidien. On essaie de les aider à ne plus être hantés. Bien sûr, on ne peut pas effacer le souvenir de l'événement, mais s'ils en viennent à pouvoir en parler et y penser sans se sentir en détresse, c'est un grand pas.
    Par la suite, on peut passer à l'exposition à des situations ou à des stimuli associés à l'événement. Lors d'un traumatisme psychologique, des associations se font entre certaines choses et le traumatisme. Il peut s'agir d'images, d'odeurs, de bruits. L'idée est de généraliser l'apprentissage réalisé lors de l'exposition au scénario de l'événement et aux autres stimuli qui peuvent rappeler l'événement ultérieurement, ou dans leur quotidien.
    En général, on cherche finalement à prévenir les rechutes. L'idée est de considérer quels sont les facteurs de risque, quelles sont les situations à risque et également de donner ou d'enseigner des stratégies qui permettront à la personne de gérer ces difficultés, si jamais il y a résurgence de ces difficultés.
    Essentiellement, il s'agit de multiples composantes. Évidemment, on peut y ajouter toutes sortes de modules très pertinents, entre autres pour les anciens combattants. Je sais qu'au Centre Sainte-Anne, par exemple, on travaille sur les cauchemars. Souvent, les cauchemars font partie des symptômes. En fait, ce sont les rêves qui causent la détresse. Il ne s'agit pas nécessairement d'un rêve qui représente exactement l'événement qu'ils ont vécu. Il existe des méthodes et des stratégies d'intervention qui permettent de se débarrasser de ces cauchemars, et cela peut être très utile. On peut aussi intervenir au niveau de la gestion de la colère, mais également au niveau d'autres émotions qui ne sont pas liées nécessairement à la peur et qui ne découlent donc pas de l'anxiété, par exemple la culpabilité ou la honte, qui sont souvent très présentes chez les anciens combattants et sur lesquelles il faut absolument se pencher dans le cadre d'une thérapie.

[Traduction]

    Dans une de vos réponses, vous avez parlé d'hyperactivité neurovégétative. Je suppose — et, encore une fois, je vous pose justement la question pour obtenir des éclaircissements — que cela concerne la situation de personnes qui sont hypersensibles à leur environnement. Dans le contexte militaire, on entend parler de gens qui sont très sensibles pendant leur sommeil, par exemple. Mon père a parlé de ce problème avec les anciens combattants qui se sont battus au Vietnam. Ils étaient hypersensibles, comme s'ils se trouvaient toujours sur le théâtre d'opérations. Je me demande donc si vous pourriez nous expliquer le phénomène de l'hyperactivité neurovégétative.
(1015)

[Français]

    Je ne suis pas sûr de bien comprendre. Toutes sortes de choses peuvent être associées au fait de se coucher, notamment se retrouver dans le noir et repenser aux événements ou à la détresse qu'ils vivent. Je n'ai pas connaissance que le simple fait de se coucher, mis à part le fait de repenser aux événements ou encore de faire des cauchemars, soit associé à cela.

[Traduction]

    J'essayais de vous donner un exemple, mais peut-être pourriez-vous simplement nous faire une description plus complète du phénomène de l'hyperactivité neurovégétative en tant que symptôme du SSPT.

[Français]

    Le hyperarousal est ce qu'on appelle en français l'hyperactivité neurovégétative. C'est un des groupes de symptômes du diagnostic. Au nombre de ces symptômes, il y a, entre autres, les troubles du sommeil, les difficultés de concentration, l'hypervigilance, l'irritabilité, etc. Évidemment, cette hyperactivation peut faire en sorte que la personne est constamment aux aguets. Le fait de se retrouver dans le silence au moment du coucher ou quand elle est couchée, le silence en soi, peut représenter certains aspects du traumatisme. Cela peut amener une personne à revivre le traumatisme qu'elle a vécu, à être anxieuse et à avoir des pensées dépressogènes.
    Si, en moyenne, ils ont attendu sept à huit ans avant de recevoir des services et que le stress post-traumatique est devenu chronique, il y a de fortes chances qu'ils aient développé une dépression majeure en comorbidité. Selon l'enquête de Statistique Canada, plus de la moitié des militaires vivent une dépression majeure et c'est la même chose chez les civils. Les gens arrivent avec une dépression majeure secondaire et, très souvent, ils vont prendre un antidépresseur. Il ne faut pas négliger non plus les effets de la dépression sur la santé mentale ou la qualité de vie générale de ces militaires.

[Traduction]

    Nous passons maintenant à M. Valley, pour cinq minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président. J'ai une toute petite question à poser, après quoi je vais céder la parole à M. St. Denis.
    Dans notre discussion de tout à l'heure, vous avez parlé de différentes méthodes de — Je ne sais pas si on peut qualifier ça de « traitements », et je ne suis pas sûr d'avoir bien compris la traduction, mais ce que j'ai compris, c'est que vous qualifiez cela de « hypervigilance ». Je ne demande si ce terme a bien le sens qu'il semble avoir. Est-ce quelque chose que font les professionnels lorsqu'on a diagnostiqué le SSPT chez quelqu'un? Est-ce les professionnels qui font cela, ou la famille? Pourriez-vous me dire de quel type de traitement il s'agit? Cela veut-il dire qu'on surveille ces personnes?

[Français]

    Cela ne concerne pas strictement les personnes qui souffrent de stress post-traumatique, mais essentiellement, cette expression s'appliquait à elles.
    Cela étant dit, il est important de faire un dépistage de problèmes de santé mentale dans la famille, chez les conjointes et les enfants, parce que ces problèmes peuvent avoir des répercussions sur eux et se manifester de différentes manières.
    À ce que je sache, les militaires ne dévoilent pas facilement à leurs conjointes ce qu'ils vivent, d'une part, et les événements qu'ils ont vécus, d'autre part, souvent par peur de les contaminer ou de les traumatiser. S'ils ne parlent pas de ces choses, la conjointe ne comprendra pas pourquoi ils sont dans cet état ni l'ampleur des difficultés qu'ils ont l'air de vivre. Souvent, elles sont un peu victimes de l'isolement et du détachement émotionnel de leur conjoint puisqu'il a de la difficulté à communiquer ses problèmes. De plus, le stress post-traumatique fait en sorte qu'il a aussi de la difficulté à vivre des émotions positives. Cela veut dire, par exemple, échanger de l'affection, avoir des relations sexuelles, etc. II y a plusieurs composantes.
    Les militaires ou les victimes en général vont souvent rapporter qu'ils sont plus irritables avec leurs enfants. Ils tolèrent moins facilement les écarts de conduite, ce qui a un impact assez important sur la famille. Il ne fait aucun doute qu'on doit s'occuper d'eux.
    Cela peut même aller plus loin. Les études qu'on a menées sur les vétérans de la guerre du Vietnam ont révélé qu'il y a plus de violence conjugale chez ces gens et d'insatisfaction conjugale. Cette violence conjugale découle-t-elle des symptômes du stress post-traumatique? Fort probablement, à tout le moins en partie, peut-être même complètement.
    Il faut s'occuper de ce problème. Une séparation conjugale n'est pas toujours catastrophique. Quelques-uns d'entre vous êtes certainement séparés ou divorcés, si on en croit la tendance générale de la société. Quand notre conjoint en vient à nous laisser ou à souhaiter se séparer de nous à cause de nos problèmes de santé mentale, c'est encore plus difficile à accepter. L'impact d'une séparation éventuelle sur un ancien combattant doit également être pris en considération.
    Il y a également lieu de faire un dépistage non seulement de la santé mentale des proches, mais aussi de la santé familiale ou conjugale.
(1020)

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Je vais utiliser les dernières minutes du temps de parole de mon collègue, si vous me permettez.
    Pour ce qui est de prédire qu'un militaire réagira mal face à une situation difficile, quel est l'état actuel des connaissances à cet égard? On peut supposer que si les organismes subventionnaires, les gouvernements, etc. disposent de 100 $, ils voudront consacrer une partie de cet argent à l'évaluation de cet élément-là dès le départ — c'est-à-dire la prédiction et la préparation — même si la majeure partie des fonds servira nécessairement à assurer le suivi approprié, étant donné qu'on n'est pas en mesure de faire de très bonnes prédictions. Donc, disons que 10 $ sont dépensés au préalable et 90 $ après coup, juste pour simplifier les choses.
    Pourriez-vous nous parler un peu de dépistage et des différents paramètres de prévision?

[Français]

    Je suis content que vous me posiez la question. Si j'avais 100 $ à investir, j'en consacrerais la moitié au développement de traitements applicables après le développement d'un stress post-traumatique et j'investirais l'autre moitié dans la recherche sur le dépistage des individus à risque et le développement de stratégies de prévention efficaces. On connaît très peu de choses sur le sujet, malheureusement.
    Je trouve que les militaires sont une population avec laquelle on pourrait vraiment accomplir de belles choses. En effet, ce sont ce qu'on appelle dans notre langage de chercheurs des individus captifs. En d'autres mots, on peut tous les évaluer avant qu'ils soient exposés à des événements traumatiques. Il serait très difficile de le faire auprès de la population générale. Il faudrait évaluer plusieurs centaines de milliers de personnes pour obtenir un échantillon de gens qui seraient exposés au cours des mois suivants à des événements traumatiques. Dans le cas des militaires, on a une cohorte de gens dont on sait qu'ils le seront presque assurément.
     Évidemment, le fait de pouvoir faire de la recherche, évaluer avant le départ de ces gens notamment les facteurs de risque et de protection et vérifier lesquels de ces facteurs permettent de prédire qui va développer un état de stress post-traumatique pourrait nous fournir des pistes fort intéressantes pour ce qui est d'appliquer des stratégies préventives ainsi que des stratégies thérapeutiques au retour. J'investirais aussi de l'argent dans les soins offerts à ceux qui reviennent. À mon avis, l'état actuel des connaissances n'est pas suffisant pour qu'on puisse se permettre de n'investir que dans la prévention.
(1025)
    Merci.

[Traduction]

    Merci, monsieur St. Denis.
    Nous passons à M. Sweet, qui dispose de cinq minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Docteur Guay, merci infiniment de votre présence parmi nous ce matin.
    J'aimerais vous poser une question qui rejoint quelque chose que vous avez dit tout à l'heure, à savoir que dans la population militaire — et cette information est tirée d'une étude — 6,8 p. 100 des militaires peuvent souffrir du SSPT. Mais quelle est la proportion dans la population générale? Êtes-vous en mesure de nous donner un chiffre à ce sujet-là?

[Français]

    Au Canada, on n'a malheureusement pas fait d'études auprès de la population générale. Je ne peux donc pas faire de comparaison avec la population canadienne. Ces études ont été menées à certains endroits spécifiques, entre autres à Edmonton et à Winnipeg. Je peux vous dire que dans ces études, les taux étaient relativement plus bas, soit autour de 3 p. 100 ou de 4 p. 100.
    C'est une excellente question, et elle est très complexe. Je vais vous donner quelques éléments de réponse. Aux États-Unis dans la population générale, la prévalence de stress post-traumatique au cours d'une vie est également de 6,8 p. 100. On pourrait conclure que c'est équivalent. Par contre, une autre étude a été faite en 2005. Il s'agit d'une excellente étude épidémiologique réalisée selon toutes les règles de l'art.
    La même chose a été faite en Europe, mais la prévalence au cours d'une vie se situe plutôt autour de 2 p. 100 ou 3 p. 100. C'est assez étonnant. Il y a beaucoup de variation d'un pays européen à un autre en termes de prévalence. Comme vous le voyez, c'est une question complexe. Les épidémiologistes qui font ces études ont de la difficulté à expliquer pourquoi sur un même continent il y a tant de variation d'un pays à l'autre. Ils ont aussi de la difficulté à comparer ces résultats à ceux obtenus aux États-Unis.
    Par ailleurs, je peux vous dire que la prévalence de stress post-traumatique chez les militaires est quelque peu sous-estimée dans cette étude, et ce, pour des raisons de nature méthodologique.

[Traduction]

    Vous avez mentionné que le SSPT est un syndrome fort complexe. En fait, c'est un syndrome qui peut comporter un large éventail de troubles. Ai-je raison de penser que ce syndrome englobe toutes sortes de comportements qui peuvent se manifester après qu'une personne a subi un traumatisme?

[Français]

    Oui, tout à fait. Le stress post-traumatique est évidemment l'un des principaux troubles qui découlent de l'exposition à un événement traumatique, mais il y a effectivement d'autres troubles qui peuvent se développer. Il peut s'agir notamment d'une dépression, d'autres troubles d'anxiété, de troubles de panique avec agoraphobie, par exemple, ou simplement d'attaques de panique, etc.
    Les problèmes de santé mentale à la Défense nationale ou dans les Forces canadiennes ne concernent pas seulement le stress post-traumatique. En fait, il y en a d'autres qui sont encore plus répandus que le stress post-traumatique.

[Traduction]

    J'écoute tous les témoignages, et j'aimerais vous demander un éclaircissement au sujet d'une question posée tout à l'heure par M. Perron.
    Il ne serait pas possible de mieux entraîner les soldats individuels qui sont déployés à l'étranger, et par conséquent, il faut faire plus de recherche. En d'autres termes, vous ne disiez pas tout à l'heure qu'il y aurait lieu de mieux entraîner les soldats et que nous refusions de leur donner un meilleur entraînement du fait de ne pas reconnaître la réalité du SSPT. Il faut simplement faire plus de recherche sur toute cette question fort complexe.
(1030)

[Français]

    En effet.

[Traduction]

    Je voudrais également apporter un petit éclaircissement, étant donné que vos témoignages sont contraires à ceux que nous avons reçus d'un groupe de témoins. Les quatre témoins du SSVSO étaient assez impressionnants, mais ils ont dit quelque chose que je trouve préoccupant.
    J'ai trois bases militaires dans ma circonscription électorale: celles des Argyle and Sutherland Highlanders, du Régiment de la Royal Light Infantry, et du NCSM Star.
    L'un des grands obstacles liés au SSPT, du moins pour ce qui est de la possibilité qu'un soldat le reconnaisse rapidement et, bien entendu, de déclarer qu'il en souffre, concerne justement l'éventuel impact sur la carrière. Le SSVSO explique clairement aux soldats que son mandat consiste à aider ces derniers à retrouver leur santé et leurs capacités mentales, de façon à pouvoir fonctionner normalement et reprendre leur carrière, ce qui est tout à fait honorable. De plus, cet organisme aide ainsi à combattre l'un des grands problèmes qui se posent à cet égard, à savoir la déconsidération qui accompagne celui qui se déclare malade.
    Mais vous disiez tout à l'heure que des soldats qui avaient en réalité de graves difficultés mentales étaient renvoyés sur le théâtre des opérations. J'ai besoin d'une confirmation à cet égard. S'agit-il simplement de conjecture de votre part, ou en tant que clinicien, avez-vous traité des soldats qui étaient dysfonctionnels au niveau psychologique et qui étaient néanmoins renvoyés sur le terrain?

[Français]

    En fait, non. C'est une déduction, car on n'a pas traité de gens qui ont été redéployés par la suite et qui avaient encore des problèmes. C'est une déduction que l'on fait à partir des études quand on voit, par exemple, qu'une personne victime d'un stress post-traumatique depuis six ans a été déployée au cours des quatre dernières années. Évidemment, on peut conclure, on peut déduire que cette personne a été déployée alors qu'elle avait des symptômes. On le voit à partir de la base de données que l'on a, notamment celle de Statistique Canada. On est en mesure de voir que si, en moyenne, les gens qui ont un stress post-traumatique depuis huit ans sont allés deux fois en mission au cours des huit dernières années, il y en a très certainement parmi eux qui sont allés en mission malgré des difficultés ou des problèmes de santé mentale. Mais c'est une déduction. Je n'en ai pas vu moi-même à qui c'est arrivé.

[Traduction]

    Oui, je pense que c'est une hypothèse qui s'impose pour que la situation soit claire. À mon avis, les statistiques se situent à une altitude de 30 000 pieds, disons, par rapport à l'expérience réelle des gens et la situation pratique sur le terrain.
    Vous avez parlé de l'élaboration d'un processus en vue de déstigmatiser les militaires. Le fait est qu'à chaque fois que nous recevons des témoins, mon collègue pose une question en particulier, et c'est à moi maintenant d'avoir le plaisir de vous la poser. D'après les recherches que vous avez faites, quelles mesures le ministère des Anciens combattants et le ministère de la Défense nationale pourraient-ils prendre dès maintenant afin de lancer ce travail et surtout de déstigmatiser les victimes du SSPT?

[Français]

    Oui. Je ne sais pas exactement comment on doit s'y prendre, mais je pense que c'est quelque chose qui requiert beaucoup de moyens, puisque la crainte de perdre son emploi est non seulement très forte, mais aussi très réaliste. Si on est déclaré dysfonctionnel et qu'on n'est pas en mesure d'être déployé au bout de six mois, je crois, les risques de devenir un ancien combattant augmentent; ils sont presque de 100 p. 100. Alors, cette crainte est très fondée.
    À un moment donné, j'entendais le général Dallaire qui mentionnait, dans le cadre d'une entrevue à la télévision, que ce qui est traumatisant pour nos militaires, ce n'est pas seulement de vivre ces événements lors des déploiements et de revenir avec ces difficultés, mais c'est aussi d'être éjecté des Forces canadiennes, car ces gens ont donné leur vie, ont dédié toute une partie de leur vie à cela; leur famille également. Donc, le simple fait de devoir quitter génère beaucoup de détresse.
    Quand vous me demandez comment on pourrait diminuer la stigmatisation de cela, je vous réponds que cela va probablement passer par des grands changements au niveau organisationnel. Peut-être va-t-on essayer de trouver des fonctions autres que le déploiement militaire, si jamais, pour des raisons psychologiques, certains ne peuvent plus aller en mission. C'est peut-être là une des choses que l'on pourrait faire.
    Une autre façon de faire serait peut-être de promouvoir une procédure de dépistage systématique. De cette façon, on ne ciblerait pas seulement les personnes à risque ou qui seraient perçues comme étant plus faibles par leurs pairs. On ciblerait tout le monde et, donc, tout le monde passerait par un tri ou un dépistage qui permettrait véritablement d'arriver au résultat visé, mais sans stigmatiser personne.
     Ce sont deux exemples. On peut aller plus loin encore, mais je pense que la chose la plus importante qui a été faite pour déstigmatiser le stress opérationnel, comme disent les militaires, c'est véritablement la sortie du général Dallaire à ce sujet. Il est clair que lorsqu'un haut commandant a fait tout à coup état de ce que certains considéraient comme une faiblesse, évidemment, cela a dû amener beaucoup de gens à aller consulter quelqu'un. Par contre, à mon avis, il y a encore beaucoup de travail à faire.
(1035)

[Traduction]

    Si vous permettez, je voudrais poser une question de suivi.
    Supposons, par exemple, que vous ayez comme client quelqu'un qui manifeste toutes sortes de symptômes et qui a évidemment besoin d'aide, mais qui cherche encore à éviter de reconnaître qu'il y a quelque chose qui ne va pas. Il essaie de l'ignorer et de faire semblant de ne rien avoir, mais pour les autres autour de lui, c'est très clair. Que pouvez-vous nous proposer pour inciter quelqu'un dont les symptômes sont évidents à faire quelque chose?

[Français]

    Il y aurait sûrement plusieurs réponses à cette question. Néanmoins, je vais vous en donner une. Je pense que cela pourrait passer par les pairs.
     À titre d'exemple, le Service correctionnel du Canada a mis sur pied un programme de pairs aidants qui vise notamment à augmenter le dépistage des problèmes de santé mentale qui découlent d'événements critiques qui seraient survenus dans le cadre du travail des gardiens de prison, par exemple. Le Soutien social aux victimes de stress opérationnel peut sans doute contribuer à cela en partie, si ce programme est lié au ministère de la Défense nationale. Je ne sais plus s'il se limite au ministère des Anciens Combattants ou non. Cela pourrait peut-être y contribuer.
     La façon de faire de Service correctionnel Canada est la suivante: l'organisation sélectionne un certain nombre de travailleurs ou d'individus de l'organisation chez qui elle perçoit des habiletés naturelles ou des aptitudes à avoir une écoute active, mais aussi à interagir convenablement avec leurs collègues qui ont vécu des événements critiques. Prenons l'exemple d'une bagarre entre deux prisonniers: ils sont obligés de s'interposer pour les séparer, du sang gicle durant la bagarre et un des deux belligérants qui a saigné était séropositif. C'est le genre d'événement que l'organisation considère critique.
     La procédure qu'on applique à ce moment-là est qu'un pair aidant, à qui un certain nombre de personnes sont assignées, s'adressera au gardien qui a été impliqué dans cet incident, mais pas pour lui dire de parler de ce qui lui est arrivé comme on le ferait dans le cadre d'une séance de debriefing. C'est un des aspects de ce programme que je trouve vraiment génial, en fait. Il va simplement le voir et lui mentionne quelques-unes des manifestations possibles d'un symptôme de stress post-traumatique: il lui dira que si jamais il a besoin d'aide parce qu'il ne se sent pas bien ou parce qu'il repense à l'événement constamment, il ne doit pas hésiter à aller le voir pour obtenir de l'aide ou pour être éclairé sur l'aide à dénicher.
    Je pense qu'une simple procédure comme celle-là, non intrusive, non envahissante, qui permet à la personne de percevoir que du soutien est disponible en cas de besoin est un des exemples d'une façon de faire qui pourrait peut-être s'appliquer aux contingents de soldats. C'est une première suggestion.
(1040)

[Traduction]

    Très bien.
    Monsieur Perron.

[Français]

    Stéphane, je n'ai pas fini de te cuisiner.
    Tu viens de me parler du Soutien social aux victimes de stress opérationnel. J'ai été énormément surpris. Ce n'est pas une critique que je fais. Je voudrais que tu me dises ce que tu en penses.
    On a dit, mardi dernier, que les pairs aidants suivent une formation de trois jours à l'hôpital Sainte-Anne et qu'ils retournent sur le terrain pour tenir, bénévolement, des réunions du même genre que celles des Alcooliques Anonymes. Je trouve que trois jours de formation constituent un minimum.
    Peut-on inculquer des bases de psychologie ou de psychiatrie à une personne afin qu'elle puisse gérer ces centres ou ces réunions de formation? J'aimerais connaître ton avis.
    Comme je le mentionnais un peu plus tôt, je pense que les pairs et les professionnels ont des rôles complémentaires. Trois jours de formation sont-ils suffisants pour qu'un pair aidant puisse offrir le soutien qu'il devrait offrir? Selon moi, il s'agit essentiellement d'un soutien d'écoute, mais pas nécessairement une écoute prolongée. Je crois que l'idée est qu'il devienne une sorte de vecteur qui amènera peut-être ou encouragera la personne à aller chercher les services qui lui sont offerts.
    Je pense que le rôle d'un pair aidant devrait être de faire le strict minimum et amener la personne à faire appel aux services professionnels dont elle a besoin. Autrement, je pense que cela peut demeurer dans le domaine des compétences ou des aptitudes. S'il n'y a pas de grave difficulté, s'il s'agit seulement de tristesse ou d'un peu d'anxiété, peut-être qu'une écoute active sera suffisante. Par contre, s'il y a des difficultés plus sévères et persistantes, notamment du stress post-traumatique, je trouve que le rôle du pair aidant, qu'on devrait valoriser, serait d'amener la personne à faire appel aux ressources appropriées.
    On a ouvert une porte pour aider les anciens combattants. C'est un premier pas, je suis d'accord. Cependant, je suis un peu mal à l'aise face à un aspect de cette aide financière.
    On veut créer cinq centres de formation dans l'ensemble du Canada. Un centre existe déjà à Sainte-Anne-de-Bellevue. Or, on sait que ce centre ne dispose que de cinq lits pour les anciens combattants.
    J'ai une idée et j'aimerais voir si elle est réalisable. Je vais parler du Québec, mais je suis convaincu que la situation est la même dans toutes les provinces.
    Je connais un ancien combattant qui vient de Matane, la région de mon collègue. Il pense avoir des problèmes de stress post-traumatique. Je lui ai dit de prendre son auto, de faire huit heures de route pour se rendre à Sainte-Anne-de Bellevue, d'y passer une journée ou deux et de revenir ensuite chez lui.
    Au Québec, pourrait-on créer un groupe de psychologues qui seraient formés et mandatés par Anciens combattants Canada pour assurer un suivi auprès des anciens combattants? Il pourrait y avoir un psychologue dans les différentes régions, comme à Rimouski, qui est le centre du bas du fleuve, un autre encore au Lac-Saint-Jean, et ainsi de suite. Il y a peut-être des milliers d'anciens combattants au Québec qui souffrent de stress post-traumatique. On ne le sait pas.
    Lorsqu'il s'agit d'un problème de santé, par exemple, si je me fais couper un bras, j'ai besoin de consulter un spécialiste à Montréal et je n'hésiterai pas à prendre l'avion de Rouyn-Noranda pour aller le voir. Or, si j'ai un problème entre les deux oreilles mais que je n'en suis pas tellement convaincu, je vais remettre cette consultation à la semaine prochaine ou lorsque je me rendrai à Montréal pour autre chose. Finalement, je n'irai pas du tout.
    Un psychologue pratiquant la psychologie générale dans une clinique d'une région donnée pourrait recevoir une formation spécialisée par des personnes comme toi ou Pascale Brillon afin de pouvoir soigner le stress post-traumatique. Si cela coûtait 150 $ l'heure, eh bien, on enverrait la facture à ACC. Cela fera économiser de l'argent à l'ancien combattant, qui est obligé de payer pour aller à Montréal afin d'avoir une consultation.
    Qu'est-ce que tu penses de ce plan?
(1045)
    Je suis tout à fait d'accord. C'est une excellente façon d'offrir des services spécialisés et de pointe aux anciens combattants. Cela contribuerait aussi à développer un réseau de psychologues, afin qu'ils puissent traiter efficacement ce type de problèmes.
    C'est un des buts que je poursuis à titre de directeur du Centre d'étude sur le trauma. Le transfert des connaissances est l'un de mes objectifs. Il faut aussi qu'il y ait le plus de gens compétents possible afin de traiter ces gens. Tant dans la population en général qu'ici, les gens doivent attendre plusieurs années avant de recevoir des services appropriés. Ce n'est pas rien. Les troubles deviennent chroniques, et il ne fait aucun doute qu'il y a un coût à ne pas recevoir les bons services et au bon moment.
    Un homme de Kirkland Lake, la ville voisine de ma ville natale, a dû se rendre à Toronto ou à Ottawa pour se faire soigner. Il aurait été plus facile pour lui de se rendre à North Bay, qui est plus près, ou à Sudbury, s'il y avait eu un centre.
    Ces services pourraient être offerts aux anciens combattants, mais également à l'ensemble du réseau de la santé mentale.
    En Angleterre, étant donné que la thérapie cognitivo-comportementale s'avère le traitement de choix pour un grand nombre de troubles de santé mentale, le gouvernement anglais a décidé de lancer une campagne de formation. Il formera 10 000 psychologues en approche cognitivo-comportementale, car c'est le meilleur traitement pour soigner la dépression et l'ensemble des troubles anxieux. Ces deux catégories de troubles mentaux sont les deux plus fréquentes dans la population générale. Je pense que c'est de l'argent bien investi.

[Traduction]

    Merci, monsieur Perron.
    Nous passons maintenant à M. Shipley, pour cinq minutes.
    Je n'ai qu'une petite question à poser.
    Vous avez dit tout à l'heure qu'il existe d'autres troubles qui peuvent ou non être plus fréquents que le SSPT. Quels autres troubles du stress d'ordre opérationnel peuvent y être liés? Si nous parlons d'autres troubles du stress d'ordre opérationnel — et corrigez-moi si je me trompe — le SSPT en fait certainement partie.

[Français]

    En fait, le stress opérationnel est une terminologie qui est utilisée par les Forces canadiennes et par les anciens combattants. Au lieu d'appeler cela un trouble de stress post-traumatique, ils appellent cela un trouble de stress opérationnel. C'est la même chose, mais ils décrivent cela comme un syndrome qui découle du travail fait durant une opération militaire.

[Traduction]

    D'autres problèmes sont-ils liés aux troubles de stress opérationnel?
(1050)

[Français]

    Oui. J'imagine qu'il doit y avoir des blessures physiques aussi, mais je pense qu'ils viennent de déterminer que ce qu'ils appellent le TSO est la façon d'appeler un stress post-traumatique chez les militaires. C'est un trouble de stress opérationnel, mais j'imagine qu'il doit y avoir des blessures physiques aussi. Comme je le disais tout à l'heure, il faut savoir que les troubles de stress post-traumatique chez les militaires ne sont pas seulement causés par des événements subis durant les déploiements. Ils vivent quantité d'autres événements : cela peut être durant leur entraînement, cela peut être une agression sexuelle pendant qu'ils sont à leur base.
     En fait, selon qu'on considère la prévalence à vie versus au cours des 12 derniers mois, peu importe, environ 50 à 75 p. 100 des troubles de stress post-traumatique sont causés par un événement subi ou vécu durant un déploiement. Cela veut dire que de 25 à 50 p. 100 des événements qui ont causé un stress post-traumatique ont été vécus en dehors d'un déploiement. Donc, ce n'est pas nécessairement dans le cadre de leurs fonctions lors d'un déploiement que ces choses arrivent; elles se produisent aussi ailleurs.

[Traduction]

    Est-ce donc une simple question de terminologie ou de définition terminologique? Est-ce bien ça que vous nous dites?

[Français]

    Oui, je pense.

[Traduction]

    Je vous remercie.
    J'ai écouté très attentivement ce que vous avez dit aujourd'hui et j'ai également écouté attentivement les questions qu'on vous a posées. Ces séances représentent toujours l'occasion de se renseigner sur quelque chose à laquelle on n'a pas nécessairement pu être sensibilisé régulièrement en tant que membre du comité. Je tiens donc à vous remercier de vos témoignages. Je vous remercie également d'avoir pris le temps de faire du lobbying en vue d'obtenir des crédits pour votre clinique. À votre place, j'aurais fait exactement la même chose.
    Mais vous avez fait une affirmation aujourd'hui avec laquelle je ne suis pas d'accord — on peut me corriger si je me trompe — à savoir que, selon vous, beaucoup d'anciens combattants qui sont aux prises avec le SSPT ne veulent rien dire parce qu'ils ont peur de perdre leur emploi. Vous n'êtes certainement pas sans savoir que la Charte des anciens combattants a été adoptée plus tôt cette année, et cette dernière prévoit que tout ancien combattant peut recevoir les soins et services qu'il lui faut, y compris des cours de recyclage, le cas échéant. Par conséquent, je ne peux pas accepter votre affirmation selon laquelle ils ne parlent pas de leur situation de peur de perdre leur emploi. En ce qui me concerne, ce n'est pas la raison pour laquelle ils peuvent être réticents à parler de leur situation. Pour moi, cette réticence est davantage liée à la stigmatisation des personnes qui le font; le fait est qu'au sein des Forces armées canadiennes, on pense toujours qu'une personne aux prises avec le SSPT n'est pas un vrai soldat, alors que je rejette complètement cette attitude. Mais, à mon avis, la crainte de perdre son emploi n'est pas le véritable problème, étant donné qu'on s'occupe bien des familles, du soldat, et que des cours de recyclage de même que tout un système de soutien sont à leur disposition.
    Je voudrais donc savoir pourquoi vous estimez que, s'ils n'en parlent pas, c'est parce qu'ils ont peur de perdre leur emploi.
    Avez-vous vraiment posé une question, Betty?
    Je lui ai demandé de m'expliquer ce qui l'incitait à faire cette information.

[Français]

    Je vais répondre du mieux que je le peux. En fait, je vais apporter une précision.
    Je parlais plus tôt de soldats qui font encore partie de la Défense nationale, et non d'anciens combattants. En effet, à partir du moment où ils sont d'anciens combattants, ils ne peuvent pas perdre leur emploi ou leur pension s'ils disent souffrir d'un stress post-traumatique.
    S'il y a eu des changements dans les politiques de la Défense nationale à ce sujet, je ne les connais pas. Chose certaine, ces personnes veulent conserver leur rôle de militaires actifs, continuer à être déployées dans le cadre de missions et jouer un rôle qui correspond à la formation qu'elles ont reçue. Elles veulent éviter d'être affectées à d'autres fonctions ou de devoir tout simplement endosser le statut d'ancien combattant. Ça les préoccupe beaucoup.
(1055)

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Je voudrais intervenir.
    Je vous demande votre indulgence, monsieur Perron. Je suis dans une situation difficile en ce sens que les libéraux et le NPD ont encore un tour, mais il n'y en a plus pour le Bloc. Si, soit le Parti libéral, soit le NPD, est prêt à —
    Très bien, M. Stoffer me dit oui de la tête.
    Allez-y, monsieur Perron.

[Français]

    Je vais compléter la réponse de Stéphane à la question de Betty Hinton. J'ai vu plusieurs de ces militaires et je peux vous dire exactement ce qu'il en est. C'est le grand-père Gilles Perron qui parle.
    Ces jeunes disent qu'ils aiment l'armée et leur emploi, mais qu'ils vont perdre tout ça s'ils avouent avoir des problèmes entre les deux oreilles, s'ils montent l'escalier de la honte, comme ils l'appellent à Valcartier, pour aller au deuxième étage voir les spécialistes en santé mentale. Ils savent, vous savez, madame Hinton, et nous savons également que nonobstant la Charte des anciens combattants, ils peuvent attendre des mois voire des années avant d'obtenir des traitements pour un problème de stress post-traumatique. Pour quelle raison?
     Au Québec — et vous pouvez multiplier ce phénomène par 10 —, il y a seulement un endroit où ces gens peuvent se faire soigner, et c'est à l'hôpital de Sainte-Anne-de-Bellevue. Or, il n'y a que cinq lits pour des centaines ou des milliers de jeunes. C'est un problème de longue haleine. Ça implique que ces gens n'ont pas de salaire pendant un an et que leur famille n'a pas de quoi vivre. C'est un des facteurs qui expliquent le problème. Un autre facteur qu'il ne faut pas oublier mais que Stéphane n'a pas mentionné est que ce sont des machos et que pour eux, c'est contre la nature d'un soldat d'être malade. Quand ils sortent dehors, c'est qu'ils ont de drôlement bonnes raisons de le faire.

[Traduction]

    C'est toujours le problème de la stigmatisation.
    C'est maintenant à M. Sweet.
    Avez-vous le temps de répondre à une autre question?
    Oui, absolument.
    C'est merveilleux.
    Docteur, en parlant du débriefing, vous avez dit que rien ne permet de conclure que le débriefing est vraiment efficace, et vous avez même mentionné une étude. Quelle était la taille du groupe témoin dans le cadre de cette étude sur le débriefing?

[Français]

    Il ne s'agit pas d'une seule étude mais d'une douzaine d'études réalisées par des chercheurs différents dans des pays différents auprès de populations différentes, donc de plusieurs centaines de personnes.

[Traduction]

    Très bien; donc, en général, les gens ont confiance dans ces résultats, étant donné qu'il y a eu un grand nombre d'études.
    Excusez-moi si je l'ai manqué, mais il me semble que votre analyse du débriefing était assez détaillée, alors qu'elle l'était moins pour cette notion de décompression. Est-ce parce que la décompression dépend de la nature des troubles et du temps qu'il faut prévoir pour cette activité-là? Ou y a-t-il un certain nombre d'étapes que vous pourriez nous décrire pour nous permettre de mieux comprendre la décompression, par rapport au débriefing?

[Français]

    Pour ce qui est de la décompression, je ne sais pas exactement ce que voulait dire votre collègue qui se trouve à votre gauche quand on en a parlé. Je pense toutefois qu'il faisait allusion à la semaine pendant laquelle, à la suite d'une mission de six mois, par exemple, on amène les militaires quelque part pour qu'ils décompressent. Je ne sais pas exactement ce qu'ils font durant cette semaine.
     Pour ma part, j'ai parlé plus tôt du diffusing par opposition au debriefing. Le diffusing est davantage une intervention organisationnelle, en fait. Il vise à vérifier si les rôles de chacun ont été maintenus. C'est beaucoup plus relié à la nature du travail qu'à des difficultés ou des émotions qui ont été vécues. C'est différent.
(1100)

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Je voudrais remercier notre témoin pour son exposé aujourd'hui. Nous avons beaucoup appris.
    Je voudrais maintenant traiter une petite question administrative, étant donné que M. Valley a déposé un avis de motion et qu'à la prochaine réunion, nous devrons donc examiner la motion que voici : « Que le comité poursuive son étude du SSPT et en fasse rapport à la Chambre à titre de première partie de notre étude relative à la santé. »
    Je crois que l'avis de motion a été traduit en français.
    Monsieur le président, c'est M. Perron qui m'a aidé en corrigeant la dernière partie. L'avis de motion se lit donc ainsi : « … et en fasse rapport à la Chambre à titre de première partie de notre étude sur le programme pour l'autonomie des anciens combattants et la révision des soins de santé ». Il a simplement ajouté le titre officiel du programme. Voilà ce que dit la version française.
    Y a-t-il des réactions?

[Français]

    Il s'agit de la traduction. C'est moi qui l'ai faite, et je l'ai fait réviser par Jean-Yves, Amy Mills et Michel. Elle reflète bien la version anglaise. Il s'agit donc du dépôt d'une motion dans les deux langues.

[Traduction]

    Monsieur Perron, si vous en êtes satisfait, nous en sommes tous satisfaits.
    Allez-y, madame Hinton.
    Comme c'est un avis de motion, faut-il attendre pour en discuter, ou puis-je me prononcer là-dessus maintenant?
    Je pense qu'il vaudrait mieux attendre la prochaine réunion. Je ne vois pas de raison —
    Y a-t-il un autre comité qui arrive?
    Non, mais certains de nos membres — M. Stoffer est déjà parti. Voilà donc votre réponse.
    Très bien; merci beaucoup.
    La séance est levée.