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CC27 Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité législatif chargé du projet de loi C-27


NUMÉRO 002 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 5 juin 2007

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Français]

    Bonjour. Il s'agit de notre deuxième réunion.

[Traduction]

    Nous sommes le comité législatif chargé de l'étude du projet de loi C-27. Conformément à l'ordre de renvoi du jeudi 5 avril 2007, nous examinons le projet de loi C-27, Loi modifiant le Code criminel (délinquants dangereux et engagement de ne pas troubler l'ordre public).
    Nous avons le plaisir d'avoir parmi nous en ce moment L'hon. Rob Nicholson, ministre de la Justice et procureur général du Canada, et M. Doug Hoover, haut fonctionnaire du ministère de la Justice. Bienvenue à vous deux.
    Monsieur Nicholson, veuillez nous livrer vos remarques préliminaires.
    J'ai le plaisir d'être ici avec M. Doug Hoover, de Justice Canada, qui examine depuis un bon bout de temps cette mesure législative et ce domaine particulier du droit. Il est un spécialiste en la matière, et je suis heureux qu'il m'accompagne aujourd'hui.
    Je suis enchanté d'avoir l'occasion de comparaître devant ce comité législatif pour parler de certaines réformes significatives du Code criminel, et surtout des articles 810.1 et 810.2, qui portent sur l'engagement de ne pas troubler l'ordre public, sans oublier la partie XXIV du Code criminel, qui renferme des dispositions relatives aux délinquants dangereux.
    Ce projet de loi a été déposé en octobre dernier, en réponse aux préoccupations des Canadiens et des gouvernements de l'ensemble des provinces et territoires concernant le fait que les dispositions existantes du Code criminel, qui ciblent les délinquants dangereux à haut risque, nécessitent des modifications pour répondre aux nouvelles questions soulevées devant les tribunaux. Le gouvernement a déjà indiqué qu'il s'engageait à des réformes dans ce domaine précis, car nous croyons qu'il arrive que des prédateurs récidivistes échappent à une désignation de délinquants dangereux et soient ensuite mis en liberté sans supervision adéquate.
    Ce projet de loi s'attaque au problème en donnant aux procureurs les outils nécessaires pour déclarer délinquants dangereux des criminels qui représentent une grave menace pour la population. Ce projet de loi renforce aussi les dispositions du Code criminel sur l'engagement de ne pas troubler l'ordre public, qui permettent aux procureurs généraux d'imposer des conditions strictes à la mise en liberté, souvent après que les délinquants aient purgé complètement leurs peines, même s'il y a manifestement un risque élevé qu'ils commettent à nouveau des actes de violence ou des agressions sexuelles.
    J'aimerais souligner que ces réformes ont été en grande partie fondées sur des consultations en cours avec nos partenaires provinciaux et territoriaux en matière de justice criminelle. La plupart de ces mesures ont fait l'objet d'un examen exhaustif et d'une recommandation par des hauts fonctionnaires des ministères de la Justice de chaque province du Canada. En même temps, nous avons pris toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que les droits constitutionnels des individus soient protégés. À mon avis, ce projet de loi arrive à établir un équilibre entre les droits des Canadiens d'être protégés des crimes violents ou sexuels et les droits fondamentaux d'un accusé confronté à une longue peine d'emprisonnement.
    Comme je l'ai indiqué, le projet de loi C-27 est axé sur des réformes dans deux domaines du Code criminel, ce que j'aimerais expliquer en plus grand détail.
    Premièrement, ce projet de loi propose certaines modifications importantes aux articles 810.1 et 810.2 du Code criminel, deux dispositions sur l'engagement de ne pas troubler l'ordre public qui imposent des conditions aux prédateurs sexuels ou violents à haut risque mis en liberté. La durée maximale de ces conditions passera de 12 à 24 mois. Cette réforme permettra à la police d'éviter d'avoir à retourner devant les tribunaux pour renouveler des engagements de ne pas troubler l'ordre public dans les circonstances appropriées. Cela donnera à la police et aux employés du système de justice un plus grand niveau de souplesse pour ce qui est de la capacité à long terme de surveiller et superviser ces individus.
    Ce projet de loi accroît la capacité de la société à contrôler ces individus assujettis à des engagements de ne pas troubler l'ordre public en établissant clairement qu'un tribunal peut envisager et imposer toutes les conditions jugées nécessaires et raisonnables dans les circonstances, afin d'assurer la protection de la population contre des préjudices futurs. Le projet de loi stipule également qu'un certain nombre de conditions d'un type particulier sont disponibles mais que bien des tribunaux, par le passé, ont refusé d'en tenir compte, notamment la surveillance électronique, le traitement médical ou psychiatrique, les conditions de résidence et l'interdiction de consommation de drogues ou d'alcool. Ces nouvelles dispositions répondent à un certain nombre de décisions judiciaires récentes qui ont eu pour effet de limiter l'éventail de conditions prévues dans le libellé actuel des articles 810.1 et 810.2 du Code criminel. Le projet de loi C-27 améliorera donc notre façon de gérer les risques que posent ces individus pour le public quand ils sont mis en liberté.
    Le second élément de réforme majeur que vise le projet de loi C-27est celui des individus qui présentent les risques les plus élevés de commettre des délits de nature sexuelle ou violente, pour faire en sorte qu'ils ne soient pas libérés dans la communauté tant qu'ils n'auront pas démontré qu'ils ne représentent plus une menace à la sécurité publique. Le projet de loi atteint cet objectif en donnant aux procureurs de la Couronne les outils dont ils ont besoin pour désigner ces individus comme des délinquants dangereux, ce qui donne lieu à une peine d'emprisonnement d'une durée indéterminée sans possibilité de libération conditionnelle avant sept ans.
(1535)
    Les réformes encouragent également les procureurs de la Couronne à être plus vigilants lorsqu'ils recourent à l'option de désignation de délinquant dangereux.
    Le projet de loi C-27 atteint ces objectifs au moyen de quatre amendements significatifs aux dispositions relatives aux délinquants dangereux qui figurent à la partie XXIV du Code criminel.
    Premièrement, les procureurs de la Couronne seront tenus de considérer et de déclarer devant la cour s'ils ont l'intention d'appliquer une désignation de délinquant dangereux chaque fois qu'un individu est reconnu coupable d'une troisième infraction de nature violente ou sexuelle. Cet amendement fait en sorte que les dispositions relatives aux délinquants dangereux seront utilisées de façon plus uniforme dans toutes les provinces.
    Je signale que depuis le dépôt du projet de loi, certaines provinces ont exprimé des inquiétudes quant au fait que cet amendement pourrait entraver le pouvoir discrétionnaire de la poursuite pour la prononciation de sentences. J'aimerais donc souligner que cet amendement ne force pas un procureur provincial à présenter une demande visant à faire déclarer un délinquant dangereux; il exige seulement que la Couronne évalue et indique à la cour si elle a envisagé cette possibilité de désignation.
    Si la réforme devait aller aussi loin que de rendre la tenue de l'audience automatique, les provinces pourraient faire valoir le solide argument que le projet de loi empiète sur leur important pouvoir discrétionnaire traditionnel de demander l'imposition des sentences appropriées.
    Deuxièmement, l'article 753 est modifié pour qu'un accusé soit censé répondre aux critères de désignation de délinquant dangereux dès qu'il est déclaré coupable pour une troisième fois d'une liste restreinte d'infractions graves de nature violente ou sexuelle. Il incombera alors au délinquant de réfuter cette présomption. Ce changement facilitera la tâche des procureurs de la Couronne pour ce qui est d'obtenir des désignations de délinquant dangereux dans les pires cas d'inconduite à caractère sexuel ou violent. J'estime que cette disposition résistera à tout changement constitutionnel, puisque cette présomption n'a rien à voir avec la présomption d'innocence, étant donné que le délinquant a déjà été reconnu coupable.
    Bien que la protection de la Charte canadienne des droits et libertés relativement au droit d'être présumé innocent constitue un droit fondamental enchâssé dans l'alinéa 11d) de ladite Charte, elle ne s'étend pas à un délinquant qui a déjà été reconnu coupable. Ce point de vue correspond à la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Regina c. Lyons, où la Cour a maintenu le principe selon lequel le droit à un procès devant jury ne s'étend pas à une audience de demande de déclaration de délinquant dangereux car, encore une fois, l'individu passible d'une telle déclaration a déjà été reconnu coupable.
    Troisièmement, l'article 753 est amendé afin de codifier la nécessité pour le juge, dans toutes les audiences de désignation de délinquant dangereux, d'évaluer s'il existe une peine réduite qui pourrait protéger adéquatement le public. Cet amendement s'impose pour réagir adéquatement à la décision constitutionnelle historique de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Regina c. Johnson.
    À l'heure actuelle, différentes interprétations de cette décision sont appliquées dans diverses provinces. Cela entraîne de la confusion et de l'incertitude et équivaut à un handicap pour les procureurs de la Couronne de certaines provinces dans le cadre des audiences de déclaration de délinquant dangereux. Cet amendement fera en sorte que les procureurs provinciaux ne soient pas nécessairement désavantagés à cause des interprétations variées des principes établis dans Regina c. Johnson. En conformité avec cette décision, cet amendement stipulera qu'en cas d'application de l'exigence de considérer si une peine réduite peut protéger le public, le fardeau n'incombe ni à la Couronne, ni au délinquant.
    Finalement, ce projet de loi ajoute deux amendements à l'article 752.1 en vue d'alléger la procédure relative au dépôt de l'évaluation psychiatrique prévue dans la partie XXIV du Code criminel. Ces amendements visent à répondre aux préoccupations particulières dues au fait que dans bien des provinces, les ressources en psychiatrie légale sont souvent débordées face aux exigences associées aux audiences de délinquants dangereux. En prolongeant les délais pour présenter l'évaluation psychiatrique obligatoire en vertu de l'article 752.1, les Couronnes seront plus à même de satisfaire aux exigences en matière de poursuite dans le cas d'une demande de déclaration de délinquant dangereux. 
(1540)
    Avant de conclure, monsieur le président, j'aimerais parler de certaines préoccupations soulevées récemment au sujet de ce projet de loi.
    Je sais que certaines provinces ont réclamé un amendement pour permettre la tenue d'une nouvelle audition de délinquant dangereux lorsqu'un individu qui est jugé délinquant dangereux selon les critères qui s'appliquent, mais qui a été déclaré délinquant à contrôler, viole une condition de l'ordonnance de surveillance. Je signale qu'à cet égard, mes fonctionnaires sont actuellement engagés dans des consultations avec des hauts fonctionnaires de l'ensemble des provinces et territoires pour trouver une méthodologie viable et constitutionnelle qui puisse trouver un appui auprès de tous les procureurs généraux du Canada.
    Donc, bien que je sois favorable à ce processus, je suis conscient qu'il faut tenir compte de certaines préoccupations, notamment et surtout celle d'une contestation en vertu de l'alinéa 11h) de la Charte relativement au droit de ne pas être puni une nouvelle fois pour la même infraction. Cela dit, il est impératif de continuer à étudier le projet de loi C-27 et, parallèlement, à trouver des moyens de composer avec les nouvelles conceptions des provinces et territoires.
    Pour terminer, je tiens à vous remercier, honorables membres du comité, de m'avoir permis de comparaître devant vous aujourd'hui. Je serai enchanté de répondre à toutes vos questions, si le temps me le permet.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le ministre.

[Traduction]

    Nous allons maintenant passer à la période de questions et réponses. Ce sera un tour de table à sept minutes.
    Commençons d'abord par Mme Jennings; allez-y, madame.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur le ministre, pour la présentation que vous venez de nous faire.
    Nous, les libéraux, avons quelques inquiétudes, surtout face au renversement du fardeau de la preuve que vous avez inclus dans le projet de loi C-27. Actuellement, la Couronne a normalement le fardeau de le preuve lors de l'audition pour demander que l'on déclare un délinquant dangereux. Dans votre projet de loi, ce sera le délinquant qui a été trouvé coupable au moins trois fois qui aura le fardeau de la preuve.
    Premièrement, cette question a-t-elle été soumise au test de la proportionnalité, qu'on retrouve à l'article 1 de la Charte?
    Deuxièmement, dans l'éventualité où le projet de loi serait adopté, deviendrait une loi et où, par la suite, il y aurait une contestation du renversement du fardeau de la preuve, si les cours jugeaient que l'appel est bien fondé, cela mettrait-il en péril le système entier, ou en partie, des délinquants dangereux?
    Troisièmement, pourquoi la violation d'une ordonnance de supervision des délinquants à long terme ne provoque-t-elle pas la tenue d'une audition pour les déclarer délinquants dangereux? Dans les faits, un bon nombre de délinquants ont déjà passé l'audition pour être déclaré délinquant dangereux, et la Couronne en a fait la preuve prima facie. Cependant, à cause de la jurisprudence, le juge est obligé de voir si le risque et la menace que ce détenu représente peuvent être contrôlés dans la communauté par des ordonnances de surveillance et de supervision.
    Je vous demande pourquoi. La raison est que nous, les libéraux, sommes très tentés de déposer un amendement pour que ce genre de violation figure parmi les actes qui permettent à la Couronne de faire une demande d'audition pour déclarer un délinquant dangereux.
(1545)
    Monsieur le ministre.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci, madame Jennings.
    Il va de soi que nous évaluons très attentivement la constitutionnalité de toutes les dispositions du projet de loi C-27. Comme je l'ai indiqué dans mes remarques préliminaires au sujet du changement touchant la présomption, cette mesure est très restreinte, en ce sens qu'elle s'applique seulement à la troisième condamnation, après que l'individu ait déjà été reconnu coupable. Comme je vous l'ai indiqué, d'après les précisions de la Cour suprême du Canada, le principe de présomption d'innocence, parmi d'autres protections en vertu de la Charte, n'est pas atteint à l'étape de la prononciation de la sentence. Après avoir examiné la question, je suis confiant que le transfert du fardeau de la preuve dans le cadre de la demande de désignation de délinquant dangereux s'applique selon des critères si étroits, et en fonction d'un groupe d'infractions si restreint, qu'il résisterait à cette épreuve.
    Vous avez demandé si cela pourrait nuire à d'autres dispositions concernant les délinquants dangereux... Cela me paraît en être une version améliorée. Je le répète, nous n'avons pas seulement examiné cette mesure sous l'angle de sa constitutionnalité, mais aussi codifié les remarques et directives de la Cour suprême du Canada dans l'affaire R. c. Johnson; je suis donc prêt à croire, si je me fie aux avis que j'ai reçus, qu'elle résisterait à une contestation constitutionnelle.
    Vous avez également demandé pourquoi nous ne proposions pas d'amendement visant les délinquants à long terme qui ont violé leurs conditions de mise en liberté. Je crois vous avoir indiqué très brièvement qu'une mesure en ce sens était susceptible de soulever des questions constitutionnelles, ce qui a toujours une importance en soi; mais, en plus, elle fait l'objet d'un certain nombre de discussions entre le ministère de la Justice fédéral et ses homologues provinciaux. Bien que je comprenne parfaitement la nécessité de s'assurer que les individus ne respectant pas les sanctions imposées par un tribunal soient punis comme il se doit, je vous demanderais, au lieu d'adopter un amendement à ce stade-ci, de laisser cela de côté pour l'instant. Allons de l'avant avec les dispositions de ce projet de loi, et nous continuerons d'assurer le suivi de cette question.
    Madame Jennings.
    En ce qui concerne le bris d'une condition de l'ordonnance de surveillance d'un délinquant à contrôler, j'ai discuté avec des procureurs de la Couronne et des procureurs généraux, et je sais qu'une lettre envoyée au président de notre comité indiquait que les procureurs généraux de l'Ontario et de la Saskatchewan... Et apparemment, d'autres procureurs généraux provinciaux se prononcent en faveur de la proposition libérale selon laquelle le non-respect d'une condition d'ordonnance de surveillance d'un délinquant à contrôler devrait figurer parmi les infractions susceptibles de donner lieu à une audition de délinquant dangereux.
    En fait, vous seriez probablement le mieux placé pour dire à notre comité combien de délinquants à contrôler ont été désignés comme tels à la suite d'une audition de déclaration de délinquant dangereux.
(1550)
    Nous disposons de cette information. Nous avons des renseignements sur un certain nombre d'entre eux. Mais pour ce qui est du début de votre question, madame Jennings, l'une des provinces que vous avez citées, la Saskatchewan, souhaite conclure les discussions entre les ministères de la Justice du fédéral, des provinces et des territoires. Je vous demanderais donc d'attendre cette conclusion. Je pense que c'est le souhait de la plupart d'entre eux en ce moment.
    Encore une fois, vous connaissez la législation que propose ce gouvernement en matière de justice. Nous sommes très ouverts à renforcer et à clarifier les dispositions du Code criminel, alors je vous conseillerais de réserver cette question pour un autre jour et d'adopter ce projet de loi qui, j'en suis certain, sera très bien accueilli.
    Pourriez-vous donner quelques éclaircissements là-dessus?
    En ce qui concerne la question particulière des délinquants à contrôler qui répondent aux critères de désignation de délinquant dangereux, il n'est vraiment pas possible de donner un chiffre définitif, car il faudrait nous pencher sur les justifications de cette désignation.
    Certes, j'ai examiné en profondeur toutes les affaires ayant fait suite au cas Johnson. Parfois, un juge est très éloquent. Il dira qu'après considération des faits, il a déterminé qu'un individu répondait aux critères de délinquant dangereux, mais pas à ceux de l'affaire Johnson et que, par conséquent, il peut être géré efficacement et est un délinquant à contrôler. Mais d'autres fois, les juges donnent peu de détails quant à leur raisonnement; il est donc difficile de vous donner un chiffre vraiment précis.
    Je pourrais dire que lorsque nous examinons certaines décisions ayant suivi l'affaire Johnson, environ 40 appels ont été interjetés par des individus désignés délinquants dangereux en s'appuyant sur un argument découlant de cette affaire. Environ la moitié de ces appels ont donné lieu à une ordonnance visant la tenue d'une nouvelle audience ou l'imposition d'une peine réduite. Encore une fois, cela nous révèle qu'ils sont nombreux. C'est une indication qui en dit long, je crois, sur le fait qu'un nombre significatif de délinquants à contrôler répondent aux critères de délinquant dangereux; mais pour ce qui est du chiffre précis, nous n'avons pas fait d'étude pour analyser tous les jugements, et j'ignore si une telle étude vous permettrait d'obtenir un chiffre valide sur le plan empirique.
    Il est difficile de donner une vraie réponse à cette question.

[Français]

    Monsieur Ménard.
    Bonjour, monsieur le ministre. Bonjour à vous également.
    Comme vous le savez, on a beaucoup collaboré avec vous par le passé. Ça a même en quelque sorte fait de vous un ministre béni des dieux. J'espère cependant que dans le cas de ce projet de loi, vous ne comptez en aucune façon sur notre collaboration. Vous avez vraiment franchi, me semble-t-il, la limite du raisonnable. Autant je vous dois des félicitations pour votre projet de loi sur les caméscopes et le cinéma, autant je trouve ce projet de loi excessif.
    En effet, les dispositions actuelles permettent d'établir, après une première infraction grave, qu'un individu est un délinquant dangereux. Votre projet de loi est une combinaison d'arbitraire et de préjugés dont on saisit mal la logique sur le plan juridique.
    Je vous pose donc deux questions. À quoi vous attaquez-vous?Qu'est-ce qui ne va pas dans le régime des délinquants dangereux? C'est en effet ce dont on parle. On saisit mal pourquoi vous avez jeté votre dévolu sur cette liste de 12 infractions alors que d'autres infractions tout aussi graves, entre autres la pornographie juvénile, la conduite avec facultés affaiblies causant la mort et le vol qualifié, ne font pas partie de cette liste.
    Expliquez-nous d'abord à quoi nous nous attaquons en tant que législateurs, en quoi l'actuel régime des délinquants dangereux est déficient et sur quoi repose cette liste de 12 infractions. Essayez d'être succinct, car j'aurai deux autres questions à vous poser.

[Traduction]

    Merci beaucoup. J'espère que je vais continuer d'être béni des dieux, monsieur Ménard.
    Vous me demandez de justifier ce projet de loi. Il y a un certain nombre de dispositions. L'une d'elles porte sur l'engagement de ne pas troubler l'ordre public. Nous avons tous convenu qu'il serait judicieux que cette période d'engagement passe de 12 à 24 mois, dans le cas de certains individus.
    En outre, nous essayons de faire suite à la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Regina c. Johnson. En fait, le nombre de demandes fructueuses a baissé. Dans certains cas, même certaines tentatives visant à faire reconnaître un individu comme délinquant dangereux ont fait semer le doute à l'égard du processus et l'interprétation n'était pas la même partout au pays, alors nous essayons d'uniformiser tout cela.
    Par ailleurs, vous me demandez quel serait le lien entre quelques-unes de ces infractions et l'étude menée par M. Hoover et d'autres. Ce sont les infractions qui ont fait le plus souvent l'objet d'une demande d'évaluation. Oui, nous ciblons les individus qui ont été reconnus comme des délinquants dangereux et ce que nous essayons de faire, c'est notamment de nous assurer que, par inadvertance ou négligence, nous ne manquons pas l'occasion d'avoir quelqu'un... C'est pourquoi nous avons demandé à la Couronne de se pencher sur cette question.
(1555)

[Français]

    La désignation d'un délinquant dangereux est une mesure qu'on souhaite efficace et opérationnelle dans le cadre du Code criminel. Dans les statistiques que nous ont soumises les gens de la Bibliothèque du Parlement, on parle de 334 personnes et d'un nombre de nouveaux cas variant entre 24 et 30 par année.
    Expliquez-nous en quoi il vous est difficile de rendre les dispositions existantes efficaces. Ne faudrait-il pas mieux s'employer à les rendre efficaces? Si vous déposiez un projet de loi visant à bonifier le fonctionnement du régime des délinquants dangereux, je serais très surpris que ma formation politique ne l'appuie pas. Je trouve tout à fait discutable, par contre, le fait que la règle du retrait sur trois prises s'applique ici. Pourquoi s'engager dans un tel processus d'inspiration américaine? Expliquez-nous concrètement ce qui ne va pas dans le régime actuel.

[Traduction]

    Monsieur Ménard, je ne suis pas d'accord avec vous pour dire que cette mesure ressemble — je crois que c'est ce que vous avez dit — à la loi américaine, qui prévoit l'imposition automatique d'une peine particulière après trois déclarations de culpabilité. C'est très différent. Tout ce que nous disons, c'est que lorsqu'une troisième infraction est commise, c'est à l'individu de démontrer pourquoi il ne doit pas être reconnu comme l'auteur d'une infraction désignée. Il peut le faire et c'est le juge qui décide au bout du compte si cette désignation s'applique ou non. Alors dans ce sens, c'est très différent, à mon avis.

[Français]

     Dites-nous concrètement ce qui ne fonctionne pas dans le régime, à quelles difficultés vous faites face.

[Traduction]

    Pourquoi faisons-nous cela?
    Monsieur Ménard, nous avons la tâche de clarifier la loi et de faire en sorte que cette procédure soit envisagée. C'est pourquoi l'avocat de la Couronne doit indiquer son intention à la cour, et il me semble raisonnable alors que le fardeau de la preuve revienne à cet individu. Ce sont des actions en justice qui sont longues, très difficiles et coûteuses. Elles accaparent beaucoup de ressources. Et quant aux résultats...

[Français]

    Il y a donc une difficulté du côté des procureurs de la Couronne. Encore une fois, je vous demande de me dire ce qui ne fonctionne pas dans le régime actuel. Il faut peut-être l'amender, mais j'aimerais savoir quel est le problème. Est-ce que les procureurs n'utilisent pas les dispositions? Est-ce une question de preuve? Est-ce trop compliqué?

[Traduction]

    Monsieur Hoover, voulez-vous faire un commentaire?
    Concernant la procédure, en particulier après l'affaire Johnson, un certain nombre de procureurs de la Couronne ont laissé entendre au cours de nos consultations que les avocats de la défense commençaient à utiliser une nouvelle stratégie dans les procès intentés contre des délinquants dangereux. Si le contrevenant décide de ne pas participer activement à l'évaluation psychiatrique, parce que le fardeau de la preuve dépasse le critère du doute raisonnable, il devenait extrêmement difficile de faire la preuve en fonction de l'état actuel du contrevenant. Ils auraient alors à recourir à une analyse judiciaire de ses antécédents, en particulier si le délinquant ne pouvait pas ou ne voulait pas participer activement aux études antérieures. Dans certains cas, c'était pratiquement impossible de satisfaire au critère, c'est-à-dire de faire la preuve hors de tout doute raisonnable.
    Alors la présomption sera certainement utile. Le délinquant ne pourra plus se réfugier derrière cet argument. Il devra se faire entendre et plaider sa cause. Il ne pourra pas rester muet. Il ne pourra pas refuser de participer. Et comme la portée des infractions est très étroite, on a pris soin de cibler les délinquants qui, si l'on s'en tient aux faits, correspondraient ab initio à la définition de délinquant dangereux.
(1600)

[Français]

    Merci.
    Monsieur Comartin.
    Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    Merci, monsieur le ministre, et merci, monsieur Hoover, d'être ici.
    J'aimerais poursuivre dans le même ordre d'idée que M. Ménard et demander pourquoi nous utilisons l'inversion du fardeau de la preuve dans ces circonstances. J'aimerais avoir des chiffres.
    Monsieur le ministre, j'ai obtenu ces données de votre ministère. Depuis que nous avons commencé à désigner des délinquants dangereux, c'est-à-dire depuis 1978, 384 individus ont été reconnus comme étant des délinquants dangereux. En fait, le nombre de personnes ainsi désignées chaque année est à la hausse maintenant. Il n'y en avait que huit au début, et on en compte maintenant environ 17 ou 18 par année.
    Je ne sais pas si ces données sont disponibles, mais ma question est la suivante et fait suite à celle de M. Ménard: quel problème essayons-nous de régler? Combien avons-nous de cas par année — si vous pouvez me donner ce chiffre — où cette mesure s'appliquerait, où il y aurait une troisième infraction et, après l'évaluation, l'individu aurait à prouver pourquoi il...? Et je dis « il » consciemment parce que, à ce que je sache, aucune femme n'a encore été reconnue comme délinquante dangereuse. Je demande donc s'il y a en fait un problème.
    J'aimerais ajouter une chose. D'après mon expérience et d'après ce que j'ai vu dans le système de justice pénale, il me semble qu'en général, dans la plupart des cas, nous arrêtons habituellement le délinquant — lorsqu'il s'agit d'un tueur ou d'un violeur en série, quelqu'un qui a commis une série de crimes — après la première fois, et nous n'attendons pas la troisième fois. Je demande donc s'il y a en fait de nombreux cas où cette mesure sera appliquée.
    Pour répondre à votre question, monsieur Comartin, nous prévoyons qu'une cinquantaine de cas entreraient dans la catégorie que j'ai décrite.
    Excusez-moi, est-ce par année?
    Oui, 50 cas par année.
    Vous avez raison de dire que le procureur de la Couronne peut demander qu'un individu soit reconnu comme délinquant dangereux à la première déclaration de culpabilité; rien ne l'empêche de le faire. Ce que nous disons — et ceci est porté à notre attention régulièrement —, c'est que certains individus commettent à répétition des crimes violents et de nature sexuelle très graves, et certains demandent pourtant quel est le problème. M. Hoover vous a parlé de certaines brèches qu'on a trouvées dans le système.
    Quant à la question que vous me posez, il me paraît tout à fait raisonnable que si vous avez été reconnu coupable deux fois, et maintenant une troisième fois... Ce sont des crimes violents et graves de nature sexuelle. Il me semble que ce que nous demandons de faire n'est que raisonnable. Il me paraît raisonnable de demander « Dites-nous pourquoi vous ne devriez pas être déclaré délinquant dangereux? »
    Quant à la présomption de culpabilité, nous parlons d'une personne qui a commis un crime. Je crois que le public a le droit d'exiger que cette personne parle et dise pourquoi elle ne doit pas recevoir ce type de peine.
    Comme je l'ai dit à M. Ménard, il revient au juge d'imposer la peine qu'il croit appropriée. Dans ce cas, l'individu n'est pas nécessairement un délinquant dangereux. Cette partie du régime n'est donc pas changée. Toutefois, je crois que ce que nous proposons ici est simplement raisonnable.
    Vouliez-vous ajouter quelque chose, monsieur Hoover?
    Non.
    Monsieur Nicholson, vous savez aussi bien que moi que si vous êtes un juge... et j'aimerais encore une fois utiliser les chiffres de votre ministère. Parmi les 384 personnes incarcérées, un très petit nombre, je crois, ont été libérées. Moins de 18 individus parmi les 384 qui ont été reconnus comme délinquants dangereux ont été libérés. D'après le schéma que nous avons pu observer par le passé, la possibilité qu'ils soient un jour libérés est extrêmement faible.
    Alors, si vous êtes un juge et que vous dites que vous allez envoyer cette personne en prison à perpétuité... Ce n'est pas une peine d'emprisonnement à vie pour un meurtre au premier ou deuxième degré, ou un homicide involontaire coupable ou un autre crime violent grave, où la personne sera libérée dans 10, 15 ou 25 ans au maximum; cet individu restera en prison pour le reste de sa vie. Alors si vous êtes un juge et que cette personne doit vous dire pourquoi vous n'allez pas la mettre en prison pour le reste de sa vie, ne croyez-vous pas comme moi que la grande majorité des juges au pays, certainement aux plus hauts niveaux de nos cours supérieures, vont dire que ceci est contraire à la charte et vont invalider cette disposition?
(1605)
    Je ne suis vraiment pas d'accord avec vous, monsieur Comartin. Je ne crois pas que ce soit le cas. Je vous ai dit que la Cour suprême du Canada a indiqué que la présomption d'innocence telle qu'elle est articulée dans la Charte canadienne des droits et libertés s'applique aux personnes qui n'ont pas été déclarées coupables. Une fois reconnu coupable, vous n'avez plus cette présomption. Dans les cas dont vous parlez, vous avez donné les bonnes statistiques, mais je pose encore une fois la question: combien d'individus se sont évadés et n'avaient pas été reconnus comme délinquants dangereux alors qu'ils auraient dû l'être? Ils ne l'ont pas été à cause des problèmes que M. Hoover a indiqués et des méthodes utilisées par les avocats de la défense pour éviter que leurs clients ne soient reconnus de la sorte
    Quant à savoir si un juge peut à sa discrétion imposer une peine moins sévère que celle prévue pour un délinquant dangereux, je crois que ce serait tout à fait de mise si le juge en vient à cette conclusion. Mais je ne suis pas d'accord avec vous pour dire que le juge serait offusqué que nous demandions à l'individu qui est reconnu coupable de trois infractions sexuelles violentes graves de démontrer pourquoi il ne devrait pas recevoir une peine particulière.
    Nous allons maintenant donner la parole à M. Norlock.
    Je remercie le ministre et M. Hoover de comparaître devant nous.
    Nous avons des lois qui visent les délinquants dangereux ou les récidivistes depuis environ 1947. La récidive a toujours été un problème. De plus, nous avons constaté au fil du temps que, parce qu'il y avait de nombreuses personnes dans notre société qui commettaient, du moins par le passé, des crimes assortis d'une peine de plus de deux ans, ces individus étaient inclus parmi les délinquants dangereux.
    Nous remarquons que cette mesure législative limite en fait la portée des infractions. Depuis 1997, nous avons évidemment changé considérablement la loi pour prévenir ces infractions, mais dernièrement... et l'un de mes confrères a parlé des changements observés au fil des années et a présenté des chiffres. Si on regarde le document que les attachés de recherche ont eu la gentillesse de nous remettre, on remarque que nous sommes passés d'environ 14 à 22, et ce, sur une période d'environ 10 ans. Je vois à la page 5 du document que le nombre a grimpé à 39, et vous nous dites aujourd'hui qu'on prévoit qu'une cinquantaine d'individus pourraient être reconnus comme délinquants dangereux.
    Je me demande pourquoi votre analyse montre que ce chiffre continuera d'être à la hausse. La plupart des arguments avancés contre ce projet de loi laissent entendre qu'il devrait diminuer. Si nous devons présumer que cette mesure législative n'aura aucun effet, je ne vois rien de cela. Les tendances observées montrent qu'il y a une augmentation du nombre de récidivistes.
    Ma question est très simple. Pouvez-vous expliquer l'analyse que vous avez faite pour en arriver à la conclusion qu'il y aura une cinquantaine de personnes?
(1610)
    Je demanderais peut-être à M. Hoover d'en parler, mais il est toujours difficile d'essayer de prévoir ces choses, de prévoir le comportement humain. L'un des changements importants qui ont eu lieu dans ce domaine est la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire R. c. Johnson. Comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, cette décision a posé un ensemble de défis aux procureurs de la Couronne. À l'heure actuelle, cette décision fait l'objet de différentes interprétations.
    Je crois que cette mesure apportera les clarifications nécessaires. Elle permettra d'uniformiser les critères utilisés. À mon avis, elle permettra de désigner plus facilement les individus qui méritent d'être ainsi désignés.
     Encore une fois, je ne souhaite pas cela et je n'espère pas que les cas seront nombreux. Personne ne souhaite ce genre de comportement. C'est le dernier recours. Soyons réalistes; c'est pour cette raison qu'il n'y a pas eu des milliers de demandes. C'est un processus long, difficile, coûteux et éprouvant, qui accapare les ressources du bureau du procureur de la Couronne.
    C'est donc le dernier recours pour essayer de contrôler les individus qui ont démontré qu'ils doivent être incarcérés. Encore une fois, c'est le dernier recours. Nous croyons que cette mesure législative est raisonnable et peut contribuer à protéger la population.
    Quant aux chiffres, je vais demander à M. Hoover s'il veut faire des commentaires.
    Lorsque nous avons entrepris des consultations il y a un certain nombre d'années, nous avons essayé d'écouter les préoccupations de toutes les provinces, et elles étaient très variées. L'Ontario, la Colombie-Britannique et l'Alberta ont un pourcentage de demandes très élevé par rapport aux autres. Dans les Territoires du Nord-Ouest, au Yukon et au Nunavut, les demandes sont très peu élevées par rapport au nombre de délinquants qu'on y trouve et lorsque vous demandez pourquoi, vous obtenez toutes sortes de réponses.
    Ce bilan a beaucoup à voir avec les ressources. Comme le ministre l'a souligné à quelques reprises, cette procédure accapare énormément de ressources. Elle dure souvent un ou deux ans et fait souvent l'objet d'un appel. Dans bien des cas, un gouvernement qui n'a pas les ressources nécessaires évitera cette procédure.
    Ensemble, la déclaration du procureur de la Couronne et l'inversion du fardeau de la preuve feront augmenter le nombre de demandes, en particulier dans les provinces et les territoires qui n'ont pas participé à ce régime. Vous verrez également, même dans des provinces comme l'Ontario et la Colombie-Britannique, une approche un peu plus énergique lorsque les procureurs de la Couronne seront en présence d'un individu qui pourrait correspondre au modèle. Ils seront plus portés, dès le début, à demander l'évaluation psychiatrique, qui encore une fois est un processus très coûteux. Les ressources se font rares même dans les provinces les mieux nanties à ce chapitre et en attendant de recevoir cette évaluation, vous ne pouvez pas être certains que cet individu peut être contrôlé dans la communauté et vous prenez donc un risque.
    Cette mesure législative vise donc en grande partie à faire ce premier pas et à décider si l'individu mérite davantage d'attention.
    Merci.
    Vous pouvez poser une très courte question, monsieur Norlock.
    On remarque aussi dans la loi que l'engagement à respecter l'ordre public passe de 12 à 24 mois. A-t-on augmenté cette période par suite des consultations tenues auprès des procureurs de la Couronne et d'autres procureurs généraux?
    À mon avis, cette mesure s'impose depuis longtemps. Pour tous ceux qui participent au système de justice pénale, que ce soit sur le terrain ou dans l'élaboration des politiques, s'il y a un élément particulier du projet de loi qui fait l'unanimité, c'est bien cette question: on fixe les conditions que doit respecter un individu dans la communauté pendant 24 mois, ce qui est une période plus raisonnable. Je ne crois pas que cette question suscitera la controverse.
    Merci.
    Nous allons maintenant passer au deuxième tour de table, au cours duquel chaque intervenant disposera de cinq minutes. Je crois savoir que M. Murphy partagera son temps de parole avec M. Bélanger.
    Monsieur Murphy, allez-y.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie aussi M. le ministre et M. Hoover.
    Nous entrons dans le sujet des demandes de désignation de délinquants dangereux. Si des données concernant le nombre de demandes présentées existent, elles ne figuraient pas dans les documents que nous avons obtenus, mais nous aimerions les connaître pour chaque année et chaque province.
    D'après les nombreux procureurs du Nouveau-Brunswick auxquels j'ai parlé, il y en aurait en moyenne dans cette province, je crois, une ou deux par année. Cela ne paraît pas énorme, mais ça l'est, car les procureurs respectent le processus et l'utilisent de manière judicieuse. Ils souhaitent des améliorations, bien entendu. Le problème du manque de ressources est donc grave.
    Permettez-moi d'abord de dire que je suis tout à fait en faveur d'une légère modification du système en ce qui a trait aux délinquants dangereux, qui fonctionne assez bien, mais qui nécessite quelques petits changements. À mon avis, contrairement à bien d'autres projets de loi liés à la justice qui ont été présentés jusqu'à maintenant, celui-ci vise véritablement... Les délinquants dangereux sont des individus qui doivent être incarcérés. Ils sont des récidivistes; ce sont des gens qui, en moyenne, ont plus de 40 ans et qui, dans certains cas — le quart d'entre eux —, ont commis une quinzaine d'infractions ou plus. Ils représentent un danger et ils sont... Je ne dirai pas qu'ils sont de mauvaises personnes — c'est trop moralisateur —, mais on peut certes dire qu'ils représentent un danger pour la société.
    Nous voulons vous aider à améliorer ce projet de loi, monsieur le ministre, mais je pense — vous pouvez être d'accord ou non avec moi, mais sachez que je suis très sincère — que vous avez fait abstraction de certains aspects de la Charte. Vous auriez dû selon moi examiner de façon approfondie l'article 7, qui concerne le droit à la liberté, ainsi que les décisions rendues par la Cour suprême du Canada qui portent sur la nécessité de démontrer, lors de la détermination de la peine, hors de tout doute raisonnable les circonstances aggravantes entourant la perpétration d'une infraction.
    Étant donné que les délinquants dangereux perdront leur liberté, qui est un droit fondamental garanti par l'article 7 de la Charte, ne pensez-vous pas que cette preuve devrait toujours être faite puisque les circonstances aggravantes constituent en quelque sorte le motif de ce projet de loi?
(1615)

[Français]

    Merci, monsieur Murphy.
     Monsieur Bélanger.
    Merci, monsieur le président.
     Bonjour, monsieur le ministre, monsieur Hoover.
    Monsieur Hoover, j'aimerais connaître vos fonctions et votre titre exact, de sorte qu'on puisse savoir où vous vous situez dans la hiérarchie du ministère de la Justice.
    Monsieur le ministre, j'ai l'impression que les travaux de ce comité vont se prolonger jusqu'à l'automne. Les gens pour qui ce genre d'étude est nouveau auront un peu de temps pour faire des lectures cet été. Je me demandais si vous accepteriez de partager avec le comité la documentation qui sous-tend le projet de loi, par exemple des statistiques ou des prévisions fondées sur le nombre, la catégorie, et ainsi de suite. J'aimerais aussi savoir si vous avez fait faire des études pour en arriver à ce projet de loi. Serait-il possible d'obtenir un inventaire des études qui ont été faites à la demande du ministère ou de celles que le ministère a utilisées dans le cadre de sa réflexion?
    Vous avez dit plus tôt avoir reçu des avis juridiques concernant la constitutionnalité de certaines dispositions du projet de loi. Êtes-vous prêt à en faire part au comité? Enfin, compte tenu que le renversement du fardeau de la preuve occasionnera, si le projet de loi est adopté, des frais à ceux qui auront été trouvés coupables, je voudrais savoir si dans les crédits budgétaires, on a prévu une augmentation des ressources pour que ces gens puissent assumer financièrement ce fardeau.

[Traduction]

    Monsieur le ministre.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
    Je ne suis pas très certain, monsieur Murphy, de ce que vous voulez dire par modifier légèrement le projet de loi. Il me semble que si vous abondez dans le même sens que votre collègue, qui a parlé de présenter des amendements aux dispositions visant les délinquants à contrôler qui contreviennent aux conditions, il s'agirait à mon avis d'une modification importante au projet de loi, et comme je l'ai dit à Mme Jennings plus tôt, nous devrions aborder cette question à un autre moment.
    Si on peut apporter des amendements mineurs qui amélioreraient le projet de loi, je le répète, je suis toujours disposé à écouter des propositions de modification, comme c'est le cas pour toute mesure législative.
    Quant à votre commentaire au sujet d'une éventuelle contestation en vertu de la Charte, je peux vous dire qu'il s'agit toujours d'un élément dont on tient compte lorsque nous présentons une loi au Parlement. En effet, c'est notamment ce qu'examine le procureur général avant de déposer un projet de loi. D'après l'analyse que nous avons effectuée au ministère de la Justice, nous sommes d'avis que cette mesure est constitutionnelle et résisterait à une contestation. Je vais demander à M. Hoover de faire d'autres commentaires à ce sujet.
    Pour ce qui est des statistiques, nous sommes prêts à vous fournir toutes celles dont nous disposons. Je vais aussi demander à M. Hoover de voir à cela.
    En ce qui concerne la note que j'ai passée en revue, je ne suis pas certain d'avoir parlé d'une note en particulier. À la suite de la discussion que j'ai eue avec les représentants du ministère de la Justice, j'ai conclu que le projet de loi est constitutionnel, et bien entendu, ils, dont M. Hoover, portent leur attention...
    Vous avez demandé quel est son rôle exactement. Il se considère comme un avocat au sein du ministère de la Justice et, comme je l'ai signalé durant mon exposé, il a travaillé particulièrement à ce projet de loi.
    Pour ce qui est des coûts, on estime que la détention d'un individu pendant un an coûte environ 87 000 $. Je parle ici bien entendu des pénitenciers fédéraux, et je dois dire que nous avons les ressources nécessaires pour affronter une hausse du nombre de détenus. Comme certains membres du comité le savent, quand on m'interroge au sujet des coûts, je réponds toujours que la société paie un prix élevé lorsque certains de ces individus n'obtiennent pas la peine appropriée.
    Je crois que vous avez hâte de me poser une autre question ou de me demander des éclaircissements, alors je vais...
(1620)

[Français]

    Monsieur le président...

[Traduction]

    Vous ne répondez pas à la question de M. Bélanger. Je vais lui demander de la répéter, et je vous demanderais de bien vouloir y répondre.
    Monsieur Bélanger.

[Français]

    Je vais le dire en anglais pour m'assurer que le ministre comprenne.

[Traduction]

    Je faisais référence à vos propos. Vous avez déclaré avoir reçu des conseils, vraisemblablement par écrit, alors je me demande si vous seriez prêt à nous en faire part.
    J'ai aussi fait référence à une série d'études que le ministère aurait peut-être menées pour lui-même ou sur lesquelles il se serait appuyé.
    Enfin, lorsque j'ai parlé des ressources, je ne parlais pas des ressources pour les détenus. Ma question à ce sujet est la suivante: si le fardeau de la preuve doit désormais peser sur les personnes trouvées coupables d'une troisième infraction, a-t-on prévu des ressources pour ces personnes qui devront prouver qu'elles ne sont peut-être pas des délinquants dangereux?
    En ce qui concerne...
    Comme le temps file, pouvez-vous répondre brièvement à ces trois questions de M. Bélanger...
    Tous les conseils que je reçois, monsieur Bélanger, sont protégés par le secret professionnel.
    Quant aux ressources, je vais demander à M. Hoover de répondre à cela.
    Premièrement, la grande majorité des défenses des individus qui font l'objet d'une demande de désignation de délinquant dangereux sont prises en charge par les programmes provinciaux d'aide juridique, qui bénéficient d'un peu d'argent du gouvernement fédéral. C'est donc dire que ce sont les provinces qui devront faire face aux répercussions de ces changements sur les ressources. Ce sont elles qui principalement nous aident à mettre en oeuvre ces modifications aux dispositions concernant les délinquants dangereux.
    L'impact véritable, je le répète, dépendra du nombre de demandes présentées. Rien n'empêche la Couronne de décider elle-même si une demande s'impose. Au bout du compte, c'est le procureur général de chaque province qui doit approuver une demande de désignation de délinquant dangereux et de déterminer quelle en sera l'incidence sur les ressources.
    Je crois que cela répond à votre question à ce sujet.
    Merci.
    Nous allons maintenant passer à M. Moore.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie aussi, monsieur Hoover et monsieur le ministre, d'être ici aujourd'hui.
    Parfois, quand nous discutons des détails d'un projet de loi, nous perdons de vue ce dont il est question précisément. Je me demande si vous pourriez nous expliquer brièvement quel type d'individu est considéré comme étant un délinquant dangereux. Il s'agit d'un très petit nombre de Canadiens. Notre pays compte plus de 30 millions d'habitants, dont seulement une poignée sont désignés délinquants dangereux. J'aimerais que vous me décriviez en quelques mots ce type de personnes, précisément ce qui les caractérise.
(1625)
    C'est à cela que sert notamment l'évaluation psychiatrique; elle vise à mieux connaître l'individu. Il faut dire que ce projet de loi vise particulièrement ceux qui ont commis plusieurs infractions sexuelles et pour lesquelles ils ont obtenu une peine d'emprisonnement considérable, ou bien ceux qui ont obtenu une peine de deux ans ou plus à quelques reprises. Ce sont donc des personnes qui ont été trouvées coupables.
    Il n'y a pas lieu de se demander si nous nous trompons ou non, car il s'agit d'individus qui ont été trouvés coupables à trois reprises.
    Il s'agit donc des personnes les plus dangereuses, et ce sont celles à mon avis qui inquiètent le plus la majorité des Canadiens. La population souhaite que le système de justice pénale s'occupe de ces individus conformément à la règle de droit. Ne pas appliquer les mesures que prévoit un projet de loi comme celui-là contribuerait à miner la confiance du public dans le système de justice.
    Quant au profil de ces personnes, comme M. Hoover — ou c'était peut-être M. Ménard, je ne m'en souviens plus — l'a indiqué, ce sont généralement des gens dans la quarantaine. Ce ne sont habituellement pas des personnes qui sont au début de la vingtaine. Il s'agit d'individus qui ont depuis longtemps un comportement antisocial qui les porte à être violents avec leur entourage. Ce projet de loi vise ce genre de personnes.
    Avez-vous des commentaires à ce sujet?
    Je crois que vous allez recevoir comme témoin M. Jim Bonta de la direction générale des affaires correctionnelles de Sécurité publique Canada. Comme il connaît très bien le sujet, il sera mieux à même que moi de répondre à ce genre de questions.
    Je tiens à ajouter que le Service correctionnel du Canada est reconnu dans le monde comme étant un des meilleurs organismes de ce genre, non seulement parce qu'il réussit à garder derrière les barreaux les délinquants sexuels violents à risque élevé, mais aussi parce qu'il cherche à comprendre la cause du problème ainsi qu'à déterminer quels types de programmes peuvent aider ces délinquants à arrêter leur comportement sexuel violent. La plupart de notre analyse concernant les délinquants dangereux s'appuie sur l'expertise du Service correctionnel. En examinant les résultats de l'évaluation psychiatrique, le juge tente de trouver des éléments qui indiquent que le traitement dispensé par des psychiatres auquel l'individu est assujetti dans des installations à la fine pointe de la technologie ne fonctionne pas, ce qui signifie par conséquent que peu importe les ressources qui seront consacrées à cette personne, il est certain qu'elle commettra à nouveau un crime sexuel et violent.
    Je crois que M. Bonta sera en mesure de vous donner davantage de détails là-dessus.
    Madame Freeman.

[Français]

    Bonjour, monsieur Nicholson. Merci d'être ici aujourd'hui. J'ai deux ou trois petites questions à vous poser.
    En ce qui concerne les trois infractions primaires, dans l'esprit de ce projet de loi, si un délinquant commet trois infractions en même temps, soit un enlèvement, une tentative de meurtre et une agression sexuelle, sera-t-il automatiquement reconnu comme étant un délinquant dangereux? Est-ce prévu ainsi?
    Une voix: Non.
    Mme Carole Freeman: Actuellement, on comprend qu'il peut y avoir eu une infraction en 1990, en 2000 et en 2007. La troisième infraction primaire ayant eu lieu en 2007, il y a alors renversement du fardeau de la preuve. Cependant, si le délinquant commet trois infractions primaires lors du même incident, comment procède-t-on, selon le projet de loi?
(1630)

[Traduction]

    Parfois, ce n'est pas très clair. Il se peut qu'un individu entre quelque part par effraction et qu'il commette un vol et une agression sexuelle. Il peut y avoir là plusieurs infractions primaires, mais si elles sont toutes reliées, elles seront considérées comme une seule infraction, pourvu que la peine totale s'élève à deux ans.
    On peut aussi être trouvé coupable de différentes infractions, par exemple une commise en 1978, une autre en 1982 puis une autre en 1985. Il est fort probable que ces trois infractions soient considérées comme trois infractions primaires parce qu'il n'existe aucun lien entre elles. Si on se fie à la jurisprudence, dans ce dernier cas, il y aurait trois infractions primaires et dans le précédent, il s'agirait d'une seule.

[Français]

    D'accord.
    Qu'advient-il du délinquant qui a commis trois infractions avant l'entrée en vigueur du projet de loi?

[Traduction]

    Comme M. Comartin l'a fait observer, une demande de désignation pourrait tout de même être présentée lors de la première infraction. Le procureur de la Couronne pourrait présenter une telle demande. Le changement qui est proposé concerne les situations où trois des déclarations de culpabilité dans les circonstances que M. Hoover a énoncées... Je le répète, il appartient au procureur de la Couronne de décider s'il doit présenter une demande de désignation, et s'il le fait, il y aurait renversement de la preuve. Le fardeau de la preuve incomberait à la personne qui a été trouvée coupable pour la troisième fois.

[Français]

    Ce n'était pas tout à fait ma question. Elle concernait les infractions commises avant l'entrée en vigueur de ce projet de loi. Dans le cas où ce dernier serait adopté, comment seraient traitées les infractions commises avant sont entrée en vigueur?

[Traduction]

    Encore une fois, d'après la jurisprudence concernant l'aspect rétroactif de la loi, on peut dire qu'une personne qui a été accusée avant l'entrée en vigueur de cette loi ne serait probablement pas assujettie à ces dispositions. Mais si une personne a commis l'infraction disons en 1978, mais qu'elle a été accusée après l'entrée en vigueur de cette loi, nous croyons qu'un tribunal jugerait que ces dispositions s'appliquent. C'est donc dire que oui, elles s'appliqueraient à ces individus.

[Français]

    Vous allez tenir compte de...

[Traduction]

    Oui. Si le procès commençait après l'entrée en vigueur, je crois que cela ne ferait aucun doute. On pourrait s'interroger si le procès commençait avant l'entrée en vigueur de la loi, mais que la sentence serait prononcée après. Il appartiendrait alors aux tribunaux de prendre une décision.
    Avant que nous terminions, je sais que M. Comartin veut apporter une précision à l'intention du ministre.
    Monsieur Comartin, allez-y, s'il vous plaît.
    Monsieur le ministre, je crois que vous avez laissé une impression qui est fausse, mais sachez que je ne veux pas donner à penser que vous l'avez fait de manière intentionnelle. Lorsque vous avez répondu à une de mes questions, vous avez affirmé qu'il y aurait renversement de la preuve dans environ 50 cas par année. D'après mes calculs toutefois, il y en aurait aussi peu que quatre ou cinq.
    Il existe deux types de désignations. Il y a celle de délinquants dangereux et celle de délinquants à contrôler. Jusqu'à maintenant, d'après les statistiques, il y en aurait 53 par année, précisément 14 désignations de délinquants dangereux et 39 de délinquants à contrôler. Parmi toutes ces désignations de délinquants dangereux, je crois savoir que seulement quatre ou cinq de ces individus en seront à leur troisième crime violent grave.
    Êtes-vous d'accord? Vous avez donné l'impression qu'il y en aurait 50 par année, alors que j'estime qu'il y en aurait seulement quatre ou cinq.
    Monsieur Hoover.
    Nous avons en fait des données que nous pouvons vous fournir. Elles ne sont pas tout à fait complètes, car elles portent sur le nombre de délinquants qui ont commis une des infractions primaires... mais il faut ensuite voir s'il y en a eu une deuxième puis une troisième. C'est un peu difficile parfois, car il peut y en avoir plusieurs.
    D'après l'analyse que notre service de recherche a effectuée — et nous pouvons vous donner les chiffres —, le nombre varie d'une année à l'autre, mais on peut dire qu'entre 30 et 50 personnes sont trouvées coupables d'une troisième infraction et sont condamnées à une peine d'emprisonnement de deux ans ou plus. Je peux voir à vous fournir ces données.
(1635)
    Merci beaucoup; c'est tout pour aujourd'hui.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur le ministre. Je crois que votre contribution aidera les membres à faire une analyse et à prendre une décision au sujet de ce projet de loi.
    La séance est levée.