CC27 Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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CANADA
Comité législatif chargé du projet de loi C-27
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 5 juin 2007
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Je déclare ouverte la séance no 3 de ce comité législatif chargé du projet de loi C-27.
[Français]
Conformément à l'ordre de renvoi du jeudi le 5 avril 2007, le comité fait l'étude du projet de loi C-27, Loi modifiant le Code criminel (délinquants dangereux et engagement de ne pas troubler l'ordre public).
Nous recevons, à titre personnel, M. Lorne Goldstein,
[Traduction]
qui est avocat chez Webber Schroeder, et M. Ian Lee, professeur à l'Université Carleton. Je vous souhaite la bienvenue à tous deux.
Nous allons débuter avec M. Goldstein.
Tout d'abord, je tiens à remercier le président du comité de cette occasion de vous faire part de mes commentaires sur cet important projet de loi.
Le document qui je vous ai fait remettre est en réalité un article à paraître dans le bulletin d'information de la Criminal Lawyers' Association. Je tenais à ce que vous sachiez dans quelle optique il a été rédigé.
Permettez-moi également de vous préciser le cadre auquel je vais m'en tenir aujourd'hui. Je ne suis en effet pas prêt à traiter de façon exhaustive de la constitutionnalité de ce projet de loi, mais, au besoin, je serais ravi de le faire à une autre occasion.
Comme je l'écris dans cet article, et je répondrai avec plaisir en détail aux questions que vous pourriez avoir sur ce sujet, je suis d'avis que ces modifications au Code criminel comportent des lacunes importantes, peut-être pas au titre de l'article 11 de la Charte mais à ceux des articles 7 et 12. J'ai observé que les commentaires du témoin précédent ont essentiellement porté sur la présomption d'innocence qui, elle, est affirmée par l'article 11. Pour moi, je suis plus préoccupé par les implications des articles 7 et 12, mais je n'entends pas en traiter ici par le détail avec une analyse du genre de celles de Lyons and Johnson, etc.
Je vais plutôt vous parler de l'application concrète de ce projet de loi, s'il est adopté. Dans cet article, je parle de son « effet dissuasif » et je vais vous expliquer très rapidement ce que j'entends par là avant de répondre ensuite à toutes vos questions, de façon aussi complète que possible.
Je sais que les membres de ce comité connaissent fort bien l'histoire de cette législation sur la détention préventive, qui remonte à 1947, sans parler des législations similaires adoptées au siècle précédent dans d'autres pays. Nous avons donc une grande expérience en la matière.
La législation sur les délinquants dangereux est l'un des très rares textes de loi qui permettent la détention préventive. On entend par là qu'il ne s'agit pas d'incarcérer une personne parce qu'elle a commis des actes fautifs, mais pour éviter qu'elle en commette, quand on s'attend à ce que ce soit le cas. Les dispositions sur la détermination de la peine permettent l'incarcération ou la détention pour des actes fautifs. Seules la partie XXIV du Code criminel et les dispositions sur les cautions permettent d'incarcérer une personne parce que nous sommes d'avis qu'elle va commettre un délit. Ce concept d'incarcération d'une personne pour l'empêcher de commettre un délit, qu'elle n'aurait peut être pas commis de toute façon, est répréhensible dans une société juste. S'il va totalement à l'encontre des valeurs canadiennes, il est cependant justifié dans certaines circonstances.
Il arrive que la personnalité d'un individu justifie le recours à la détention préventive. C'est d'ailleurs le principe sous-jacent du concept de la caution. Dans la pratique, celui-ci est pris en compte à chaque fois qu'une personne fait l'objet d'une accusation. En vertu de l'article 515 du Code criminel du Canada, une personne peut être incarcérée en attendant son jugement. C'est là une mesure préventive puisque la personne est incarcérée non pas à titre de punition ou de correction mais pour l'empêcher de se sauver ou de commettre d'autres délits, ou, au troisième niveau si le délit est d'une telle gravité que la conscience de la collectivité l'impose.
Le fait que les dispositions sur la caution permettent la détention préventive ne devrait pas donner bonne conscience aux membres de ce comité. En effet, lorsqu'une caution est exigée, la durée de l'incarcération est limitée par nécessité. Elle est régie par l'article 11 de la Charte, qui impose que la caution soit raisonnable et que la personne soit jugée dans un délai raisonnable. Vous savez donc que la période sous caution va prendre fin. À son expiration, la personne sera remise en liberté dans la collectivité, si elle est acquittée, ou condamnée. Ce n'est pas ce qui se passe en application de la partie XXIV du Code criminel. En vérité, en étudiant cette question plus attentivement, nous constatons que lorsque la personne a été incarcérée pendant la période sous caution, un ordre de détention a été émis et le procès est retardé, il y a un article complètement distinct qui traite de l'examen des motifs de la garde. Je me permets de vous rappeler que l'examen des motifs de la garde incombe à la Couronne, même si la personne est incarcérée et qu'une ordonnance de détention a été émise par un juge de paix ou par un juge, même dans les cas où le fardeau de la preuve a été imputé auparavant à l'accusé. Voilà le sérieux avec lequel nous prenons le concept de détention préventive.
La partie XXIV ne fait pas de la détention préventive une forme de punition, c'est une mesure préventive pour empêcher la personne de commettre des actes inconnus que, à notre avis, elle commettrait autrement.
Au-delà de la formulation de la législation, il est très important de se pencher sur le déroulement des audiences consacrées aux déclarations de délinquant dangereux. Les membres de la Commission nationale des libérations conditionnelles témoignent, tout comme ceux du Service correctionnel du Canada, ainsi que des psychiatres et des psychologues. Ces experts en médecine s'efforcent de prévoir si l'individu va récidiver, et on en arrive toujours aux mêmes interrogations : quelle est la probabilité statistique que cette personne récidive? Si elle récidive, sera-t-elle violente ou non violente? Si elle est violente, quel sera le niveau de violence? S'agira-t-il d'une simple bousculade ou de l'homicide que tout le monde craint? Quand cette personne récidivera-t-elle? Au bout de sept ans, de 15 ans, à n'importe quel moment? Personne, ni les psychiatres, ni les membres du Service correctionnel du Canada ou de la Commission nationale des libérations conditionnelles n'a cette réponse. Personne ne le sait. La détention préventive en vertu de la Partie XXIV vise une personne qui pourrait commettre un tel délit à l'avenir, mais qui ne le fera peut-être pas.
Le projet de loi C-27cherche à éliminer le critère que je viens d'évoquer pour vous. S'il est adopté, si la personne est un récidiviste et si, dorénavant, le fardeau de la preuve lui incombe, les membres de la Commission nationale des libérations conditionnelles n'auront plus à témoigner, pas plus que ceux du Service correctionnel du Canada. Un psychiatre pourra ou non témoigner. Le juge ne disposera plus de rien d'autre que de cette présomption.
Comment le juge pourra-t-il alors se convaincre que cette personne présente un danger? Présente-t-elle un risque du fait de la formulation de la loi? La loi remplace-t-elle les médecins qui témoignent et les statisticiens qui peuvent expliquer les modèles de comportement? Ce sont ces critères qui ont permis aux dispositions de la Partie XXIV de résister à l'examen minutieux fondé sur la Charte par le passé, parce que la personne avait le droit de répondre, le droit d'exiger la divulgation complète des accusations portées contre elle, de faire appel à son propre psychiatre. La personne avait le droit non pas tant à la présomption d'innocence, parce qu'elle avait été accusée, mais à un procès équitable. Le projet de loi C-27 élimine ce processus.
Comme je l'ai indiqué précédemment, je me ferai un plaisir de parler de l'article 7 et du droit à un procès équitable, des peines cruelles ou inusitées, mais je vais me limiter à la troisième partie de l'article que j'ai remise au comité, dont le titre est « L'effet de dissuasion ». Vous allez constater qu'il s'agit pour l'essentiel d'une approche pragmatique à ce qui se passe quand vous avez à vous occuper d'une demande de déclaration de délinquants dangereux.
J'ai eu l'occasion, comme avocat responsable de la défense ou comme assistant, de défendre des accusés dans une dizaine de procédures de cette nature. J'ai ainsi rencontré tous les spécialistes qui étaient appelés à témoigner sur ces questions, aussi bien par la Couronne que par la défense, et je me suis bien sûr entretenu avec les accusés eux-mêmes. J'ai ensuite eu l'occasion d'analyser le projet de loi C-27 en cherchant à déterminer quelles répercussions il aurait sur mon travail. J'ai ainsi réalisé que les procureurs de la Couronne avaient été consultés, que le ministère de la Justice avait fait ses analyses, alors que les gens qui s'impliquent activement à défendre leurs clients face à de telles demandes ne semblent pas avoir été consultés si on se fie aux déclarations de l'honorable ministre.
Si le fardeau de la preuve est inversé, cela devient tout d'un coup ma demande. Une des choses que je veux préciser avec vous aujourd'hui, et bien sûr répondre à vos questions sur le sujet, est de savoir comment je vais pouvoir remplir mes obligations sur ce qui serait devenu une demande formulée par moi pour permettre à mon client de rester hors de prison pendant le reste de sa vie.
Au second paragraphe, je vous soumets un cas hypothétique. J'ai choisi un cas très intéressant, je l'espère, avec une accusation d'agression sexuelle. À la différence des États-Unis, où on attribue des niveaux aux délits, avec des agressions de premier et de second niveaux, des coups de premier et second niveaux, etc. Nous avons choisi au Canada de classer les délits de façon plus large. En vertu de l'article 271 de notre Code criminel, une agression sexuelle pourrait donc prendre la forme d'un simple attouchement pour aller jusqu'à ce que l'ancien code appelait un viol. Voilà toute la portée de l'article 271.
Dans l'exemple que j'ai donné d'un procès pour agression sexuelle, qui pourrait avoir comme moyen de défense —
Monsieur Goldstein, je veux simplement vous rappeler qu'il y a déjà dix minutes d'écoulées et que nous aimerions conclure, parce que nous devons encore entendre M. Lee. Il faut que la séance prenne fin à 17 h 30, parce que nous avons quelques questions à soumettre au vote ce soir. Nous aimerions également que les députés aient le temps de vous poser des questions et que vous pussiez leur répondre. Veuillez conclure, s'il vous plaît.
Je vous remercie, monsieur le président.
Je vais sauter les hypothèses, qui figurent toutes, bien sûr, dans cet article, et me contenter de dire ceci : dans le cas d'une personne qui n'aurait été arrêtée qu'une fois auparavant par la police, sans avoir utilisé sa force physique pour quelle que raison que ce soit, mais qui aurait participé à deux ou trois délits considérés comme primaires et obtenu la condamnation adaptée à la situation, avec la possibilité de formuler une demande et l'inversion du fardeau de la preuve, cette personne pourrait, comme je l'ai indiqué auparavant, être considérée à la prochaine occasion comme un délinquant dangereux.
À titre d'avocat de la défense, je serai tenu de dépenser l'argent des contribuables pour chercher toutes les façons possibles de réfuter ce qui est maintenant une présomption, y compris tous les dossiers, tous les témoins et tous les éléments qui incombent maintenant à la police et à la Couronne. J'espère pouvoir aborder cette question plus en détail.
Je vous remercie beaucoup de m'avoir invité à témoigner aujourd'hui.
J'aimerais vous signaler que je ne suis pas avocat, que je n'ai pas de formation d'avocat. Je suis professeur à l'Université Carleton en administration. Toutefois, j'ai fait mon doctorat en sciences politiques sur la politique publique canadienne et j'ai étudié en option la philosophie politique. Je m'intéresse donc avant tout à la logique de la politique publique et aux valeurs sous-jacentes qu'elle traduit. Ce sont là les aspects qui m'intéressent.
Ce que j'ai à vous dire aujourd'hui est inspiré d'un article publié le 1er août, il y a plus d'un mois, dans l'édition annuelle de Comment Ottawa dépense, publié par McGill-Queen's University Press. Cet article est intitulé « Réparer les torts : Réformes des conservateurs concernant la criminalité et les peines — Les enfermer sans perdre la clé? ». Il porte essentiellement sur les projets de loi C-9, C-10 et C-27.
L'une des prémisses de cet article est que le projet de loi C-27 envisage l'imposition de mesures incapacitantes pour les personnes violant les droits de la personne, donc les contrevenants récidivistes, violents et dangereux, parce que je fais dans cet article l'hypothèse, à la suite de feu M. Lederman, ancien doyen de la Faculté de droit de l'Université Queen's, que la justice pénale porte sur les droits de la personne et que, pour reprendre sa formulation célèbre, le droit de la personne le plus fondamental est le droit d'être laissé en paix. La violence faite à l'être humain est donc une violation des droits de la personne. C'est sur cette prémisse que repose tout l'article.
Je vous ai fait remettre à l'avance un dossier d'information sur cette question. Certains d'entre vous connaissent déjà bien ces questions. J'y ai reproduit les principes de la Commission canadienne de la détermination des peines parce qu'il me paraît évident que l'avant-dernier, l'incapacitation, constitue la base du projet de loi C-27. J'ai témoigné l'automne dernier devant le comité de la justice, et on débattait alors des sommes que le gouvernement consacre aux prisons, et j'ai projeté cette diapositive qui montre que le gouvernement ne dépense qu'un très faible montant, soit environ 1,7 milliard de dollars par année. Vous voyez également ici l'entonnoir de la criminalité qui permet de situer le contexte, et nous pourrons y revenir plus tard.
Cependant, avant de prendre l'exemple de la Californie comme étude de cas — pour l'essentiel, au bout de trois fautes vous êtes sorti du jeu — j'ai quelques données de Statistique Canada à vous montrer que j'appelle les données sur « l'industrie du crime ». Il s'agit des données de 2003. Le coût annuel de la criminalité est d'environ 80 milliards de dollars et les victimes en assument environ 65 p. 100, soit près des deux tiers. C'est là quelque chose de passablement grave qui ne retient pas toujours l'attention des gens.
J'ai encore d'autres données de Statistique Canada, et j'y reviendrai, qui montrent que la majorité des victimes d'un crime violent ont moins de 30 ans, alors que la majorité des personnes qui analysent la criminalité, comme les universitaires, les criminologues et les parlementaires qui adoptent les lois sont plutôt des gens d'âge moyen, aisés, de la classe moyenne qui n'en supportent pas le prix. Ce sont eux qui sont le moins victimes de la criminalité. C'est là un autre aspect sur lequel j'aimerais revenir par la suite.
J'ai aussi des statistiques sur la répartition des délits, sur la durée moyenne des peines, et sur l'évolution du profil des détenus sous responsabilité fédérale. De tous ces derniers, 75 p. 100 ont commis des crimes violents. J'ai constaté lors de la discussion précédente que vous vous demandiez quel était le nombre des désignations annuelles de délinquants dangereux. Il apparaît sur la diapositive numéro 18 avec un nombre plancher de huit au cours des 20 dernières années, qui a plafonné à 29 en 2001. Il n'y a donc que très peu de personnes qui sont désignées comme délinquants dangereux. J'ai bien sûr également le taux global d'incidence de crimes violents par 100 000 habitants.
Je réalise parfaitement que je ne dispose que de quelques minutes et je tiens à traiter de quelques aspects de la réadaptation et de la récidive avant de prendre le cas de la Californie. Ensuite, je suppose que nous passerons à la période de questions.
J'ai aussi quelques données intéressantes du Service correctionnel du Canada sur les réadaptations au cours des cinq dernières années, et il y a bon nombre de délinquants dans nos prisons fédérales qui vont jusqu'au bout de leurs programmes de réadaptation. Ce n'est qu'environ 60 p. 100, ce qui signifie quatre sur dix — 40 p. 100, presque la moitié — de tous les délinquants qui ne vont pas jusqu'au bout de leurs programmes de réadaptation. J'ai traité de cela plus en détail dans cet article, parce que cela met en lumière certains problèmes graves. En matière de récidive, mon collègue a laissé entendre qu'il n'y a pas de statistiques. Dans un rapport de 2005, le Service correctionnel du Canada estimait que 36 p. 100 de tous les délinquants sous responsabilité fédérale seront condamnés pour avoir commis un nouveau délit dans les deux ans après leur libération d'un pénitencier fédéral. Les chiffres sont donc là.
Je vais maintenant terminer en parlant de la Californie, parce que c'est un sujet qui a fait l'objet de débats dans la presse. Je crois que votre comité en a discuté et j'aimerais que vous sachiez qu'il y a énormément d'information erronée qui circule sur la législation dite des trois fautes en Californie.
Je crois avoir lu qu'un député avait affirmé que quelqu'un pouvait aller en prison pour avoir volé trois fois une pizza en Californie. C'est faux. C'est tout à fait faux. Jennifer Walsh était procureur local en Californie, à Los Angeles. Elle est retournée à l'école, au Claremont College, a fait un PhD et a écrit sa thèse sur ce sujet. Elle fournit les données, une série fort intéressante de données empiriques.
Il y a deux éléments importants au sujet de la législation californienne. Deux des fautes doivent être des actes délictueux graves, c'est-à-dire commis avec violence. La troisième faute qui peut aboutir à une condamnation à vie peut être n'importe quel acte délictueux grave, mais elle a rédigé un article intitulé « In the Furtherance of Justice », parce que la législation californienne précise qu'un juge ou un procureur ne peut pas invoquer un troisième délit s'il n'a pas été commis avec violence.
Elle a observé en rédigeant sa thèse que 98 p. 100 de toutes les personnes condamnées en vertu de la loi des trois fautes en Californie sont emprisonnées essentiellement pour des actes réellement violents, des inconduites notoires comme des meurtres, des tentatives de meurtre, des viols, etc. Ces gens-là ne sont pas emprisonnés à vie pour avoir volé de la gomme. C'est là un mythe urbain persistant dans notre pays. Il colle, je suppose, à l'anti-américanisme canadien dont je parle dans mes classes.
Je tiens donc vraiment à ce que, dans le cours du débat d'aujourd'hui, cela soit bien noté. J'ai les données sur la Californie qui montrent les répercussions de la loi des trois fautes au bout de dix ans. En ce qui concerne uniquement les crimes violents, les chiffres se sont effondrés puisqu'ils ont diminué de moitié. Ce n'est pas un accident. C'est une question qui a été étudiée quantité de fois. Jennifer Walsh a réalisé la recherche la plus empirique sur ce sujet, je crois. Les données sont donc là.
Enfin, je tiens à conclure parce que mon temps de parole est probablement presque épuisé. Je prétends, et j'ai prétendu dans mon article intitulé « Comment Ottawa dépense » que si le projet de loi C-27 est adopté, il se traduira par l'incarcération des personnes violant le plus gravement les droits des personnes les plus vulnérables de notre société. D'après Statistique Canada, ce sont les jeunes, les femmes et les personnes à faible revenu. Si cet aspect des choses ne nous préoccupe pas, il se peut alors que ce projet de loi ne soit pas important. Par contre, si nous accordons de l'importance au droit des membres les plus vulnérables de notre société, c'est une question à laquelle nous devons nous attaquer.
J'aimerais terminer en rappelant à tous que l'ancien premier ministre Trudeau, qui était un spécialiste des sciences politiques, affirmait que les sociétés sont jugées sur la façon dont elles traitent leurs membres les plus vulnérables. Quand nous n'incarcérons pas ces gens violents qui s'attaquent aux jeunes, aux femmes, aux personnes à faible revenu et vulnérables, nous ne nous occupons pas d'eux.
Je vous remercie.
Nous allons maintenant passer aux questions.
Nous allons accorder des tranches de sept minutes et demie à chaque parti politique.
Nous allons commencer par M. Murphy. La parole est à vous.
[Français]
Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Monsieur Lee, merci de votre exposé. J'étais là lorsque vous avez comparu devant un autre comité et je connais bien votre point de vue. En ce qui concerne le fait que les députés et les professeurs ne soient pas victimes de crimes, etc., je crois que vous avez offensé le secrétaire parlementaire, qui n'est pas d'âge intermédiaire. Les autres le sont peut-être, mais ce n'est peut-être pas le cas de Mme Davidson, ni certainement de Mme Jennings.
De toute façon, je veux essentiellement faire porter mes questions sur l'exposé de M. Goldstein, parce que ce n'est pas souvent que nous avons quelqu'un du métier et il a participé à dix auditions. Je tiens à rappeler dès le début que le projet de loi C-27 modifier une disposition du Code criminel qui existe déjà. Vous l'avez utilisée, elle fonctionne. Il y a des désignations de délinquant dangereux qui sont faites. La Cour suprême a entendu de ces causes et a tranché.
Il s'agit ici, à mon avis, d'utiliser le système, et le système de désignation, pour l'améliorer dans l'intérêt de notre société. Mais cela m'intéresse puisque vous formulez une hypothèse pour l'avenir. J'aime les hypothèses dans les cas reliés au droit criminel, parce qu'elles nous permettent d'imaginer ce qui pourrait se passer, ce qui est exactement ce que nous faisons ici. Maintenant, dans votre cas, je dois dire, et je parle en particulier de la partie trois, où vous parlez de l'effet de dissuasion au second paragraphe, que je comprends ce que vous dites. Je suis avocat et je n'ai jamais participé à une audience de déclaration de délinquant dangereux, mais j'ai parlé à des procureurs et à des avocats pénalistes et il me paraît peu probable dans cette situation hypothétique que le procureur — Ce qui manque ici est que l'accusation conserve la possibilité de faire cette demande, à sa discrétion, et que cela est conservé dans la modification à l'étude.
Je vais vous demander très franchement : n'avez-vous pas l'impression de tourner un petit peu les coins ronds pour défendre votre thèse? Votre hypothèse à l'effet que ces faits conduiraient la Couronne à formuler une telle demande n'est-elle pas un peu faible?
Le fait de tâtonner dans la piscine est un délit grave. Et votre réponse va probablement dépendre de la nature des deux premiers délits. J'ai constaté dans votre note de bas de page que vous parlez de la façon dont quelqu'un conduisant sa voiture en se rendant faire un vol à main armée, avec deux fautes à son actif, pourrait relever de cette disposition et je le comprends. Prenons ce cas, puisque vous l'avez inscrit dans vos notes de bas de page. Pensez-vous vraiment que la plupart des procureurs vont demander l'application des dispositions sur les délinquants dangereux?
Est-ce que je crois que la plupart le feraient? Non, mais probablement quelques-uns.
J'ai déjà vu des choses surprenantes. J'ai déjà vu des demandes surprenantes. Et nous n'avons pas le temps pour l'instant de nous raconter des histoires de guerre, mais ce n'est pas une hypothèse absurde au point qu'il serait injuste de la soumettre par écrit au comité.
Ce qui me pose un problème est que c'est possible. Rien dans la législation ne protège contre l'inversion du fardeau de la preuve dans ce cas. La décision incombe intégralement au procureur adjoint de la Couronne. Tout relève à ce point-ci de sa bonne volonté. Cette discrétion ne devrait pas permettre dans ces conditions à une personne de se retourner et de dire « prouver que vous ne constituez pas un danger, monsieur ». C'est tout simplement quelque chose que la législation ne devrait pas permettre. Ce pouvoir discrétionnaire est trop vaste.
Je m'intéresse aux histoires de guerre, mais nous disposons pour toute l'équipe de sept minutes. J'espère vous parler à nouveau et que vous reviendrez traiter de la dimension législative de la contestation en vertu de la Charte, ce que vous n'êtes pas prêt à faire aujourd'hui.
Je céderai donc une partie de mon temps de parole.
Oui. Cela fait suite à la question posée par mon collègue, M. Murphy.
Dans la situation actuelle, la Couronne a le pouvoir discrétionnaire — et nous sommes très préoccupés par toute la question de l'inversion de la présomption d'innocence — de faire une demande de renvoi pour évaluation. Une fois le rapport d'évaluation rempli, et les copies remises à la fois à la Couronne et à l'avocat de la défense, la Couronne doit alors demander la tenue d'une audience de détermination de délinquant dangereux.
C'est donc là le cas dont vous parlez. Je ne crois pas que, même si la Couronne exerçait son pouvoir discrétionnaire pour demander l'évaluation, elle se présenterait avec les convictions que vous affichez. Le rapport d'évaluation reviendrait et ne confirmerait pas que le délinquant est un délinquant dangereux, étant donné les exemples que vous avez fournis.
À ce point, la Couronne devrait exercer son pouvoir discrétionnaire dans ce cas pour demander pour la seconde fois une détermination de délinquant dangereux, dans le cas, bien sur, où le projet de loi C-27 serait adopté.
Vous pourriez peut-être envisager de réviser votre exemple, parce que ce n'est pas automatique. Même en me préoccupant de l'inversion de la présomption d'innocence, je veux néanmoins disposer de bases solides. Il ne me semble pas que votre exemple soit bon, parce qu'il n'y a pas d'évaluation obligatoire à la troisième condamnation.
Lorsqu'il y a évaluation, si la Couronne exerce ses pouvoirs discrétionnaires pour demander un renvoi pour évaluation, et que le juge estime qu'il y a des motifs raisonnables de croire que le délinquant puisse être un délinquant dangereux, il peut ordonner le renvoi pour évaluation. Sur réception du rapport, la Couronne doit encore exercer ses pouvoirs discrétionnaires pour formuler la demande.
Ai-je raison?
Je crois que vous avez effectivement raison. Si la Couronne veut obtenir une désignation de délinquant dangereux dans le premier cas, ou même l'envisage, le nombre de fois qu'elle devra faire appel à ses pouvoirs discrétionnaires n'est pas rassurant. Que ce soit la première ou la seconde fois, avant ou après l'évaluation, après la demande —
Je ne vois rien dans le texte du projet de loi C-27qui impose un seuil. Je voulais dire au tout début, lorsque la première question a été posée, que le système actuel fonctionne. Les dossiers sont identifiés, les procureurs font des demandes, les juges tiennent des audiences et les gens qui sont dangereux sont désignés comme des délinquants dangereux. Ceux qui n'atteignent pas ce seuil sont considérés comme des délinquants à contrôler.
Ça ne me fait pas plaisir de le reconnaître, mais j'ai perdu quelques-uns des cas dont je me suis occupé. Pourquoi? Parce qu'il y avait des preuves, et j'ai alors recommandé de ne pas faire appel. Pourquoi? Parce que c'était la bonne solution.
Le replâtrage que cherche à faire le projet de loi C-27 n'a pas d'utilité, en ce qui me concerne, d'un point de vue juridique. D'un point de vue politique, et je ne veux pas me lancer sur ce terrain, je reconnais qu'il peut avoir une certaine efficacité. Cependant, d'un point de vue juridique, il ne fait rien si ce n'est de permettre une contestation en vertu de la Charte, et imposer un fardeau de la preuve presque insoutenable à la défense. Cela va épuiser les ressources de l'aide juridique et fort probablement, amener une situation assez perturbante pour les victimes antérieures et les autres membres de la collectivité qui seront touchés par un fardeau de la preuve aussi large imposé à la défense.
[Français]
Monsieur le président, le temps passe.
Monsieur Goldstein, je veux simplement comprendre. La question se pose quant à la pertinence du projet de loi. J'estime que le ministre ne nous a pas convaincus. S'il faisait l'objet d'une évaluation à l'Université d'Ottawa dans le cadre d'un cour de droit, je crois qu'il obtiendrait une notre si situant entre C- et D+. Je pense qu'il n'a pas vraiment répondu aux questions.
Monsieur le président, nous sommes en Ontario.
Tout cela pour vous dire que j'essaie de comprendre ce qui ne fonctionne pas dans le régime des délinquants dangereux.
Une des explications avancée par le ministre est que les jeunes contrevenants qui font eux-mêmes l'objet d'une évaluation et qui devraient voir un professionnel — il a parlé d'un psychiatre — ne sont pas obligés de participer.
Pour votre part, vous semblez dire que le rôle de la Commission nationale des libérations conditionnelles, du Service correctionnel du Canada ou d'autres instances de cette nature, ne va pas non plus être mis à contribution dans ce projet de loi.
Quel sera le rôle de ces instances si le projet de loi C-27 est adopté? Que pensez-vous de l'explication du ministre selon laquelle il est difficile d'obtenir une déclaration de délinquant dangereux dans des situations où des jeunes ou des moins jeunes — on semble dire que ce sont des gens de plus de 35 ans, comme si c'était vieux dans notre société — refusent de se soumettre à une évaluation et qu'il est à toutes fins pratiques impossible d'obtenir une déclaration de délinquance?
[Traduction]
Les deux questions posées par le député sont, si je les comprends correctement, de répondre aux commentaires du ministre concernant maintenant le manque de participation des accusés et les entraves que cela pose.
Je me ferai un plaisir de fournir la transcription de témoignages qui m'ont fourni l'occasion de procéder à des contre-interrogatoires dans lesquels M. Hucker, M. Bradford et M. Gojer, ainsi que d'autres, ont répété à de nombreuses occasions qu'il n,est pas nécessaire d'impliquer le délinquant dans son évaluation psychiatrique. Nous savons fort bien que ces évaluations psychiatriques sont l'élément le plus important dans la prédiction de récidive. Eh bien, l'échelle de psychopathie révisée, qui est l'outil fondamental pour cela, ne nécessite pas la participation du délinquant pour le classer comme psychopathe ou non psychopathe, ou pour le situer sur cette échelle. En réalité, M. Hare, qui en est l'auteur, recommande de faire preuve de beaucoup de prudence avant d'interroger le délinquant, parce que l'un des critères...
[Français]
Monsieur Goldstein, je veux simplement m'assurer que je comprends bien.
Vous dites qu'une cour peut déclarer un délinquant dangereux même si l'individu en question refuse de participer à son évaluation psychiatrique. Est-ce que je comprends bien le sens de votre témoignage?
[Traduction]
Oui, monsieur.
Une telle situation s'est présentée récemment devant la Cour d'appel fédérale et la décision a été maintenue, parce que le délinquant n'est pas tenu de participer. La discussion sur la prédiction de récidive éventuelle repose sur le comportement antérieur et celui-ci est noté dans les dossiers du Service correctionnel du Canada, dans son dossier scolaire, dans son dossier criminel et à d'autres endroits.
Quant à ce que le délinquant dit ou ne dit pas à l'audience, vous devez savoir qu'il ne témoigne pratiquement jamais. On fait l'hypothèse qu'il cherche à tromper quand il parle au docteur. Tous les employés du Service correctionnel du Canada vous diront que quand ils traitent avec les délinquants, ils font toujours l'hypothèse qu'ils essaient de les tromper. Tous les psychiatres vous diront que, quand ils les rencontrent pour faire leurs analyses, ils font l'hypothèse qu'ils cherchent à les tromper. La participation des délinquants n'a absolument aucun intérêt et la Cour d'appel fédérale a, je crois, maintenu une désignation de délinquant dangereux à laquelle le délinquant avait tout simplement refusé de participer.
Il n'est donc pas nécessaire de présenter un texte de loi pour obliger l'accusé à participer. Sa participation est tout à fait secondaire dans le système actuel, et ce système fonctionne, si vous examinez les taux de criminalité.
Quant à savoir ce que nous ferons comme avocat de la défense si le projet de loi C-27 est adopté, en toute franchise, je l'ignore. Nous demanderions immédiatement à bénéficier de l'aide juridique. Vous devez savoir que je n'ai jamais entendu parler, même de façon anecdotique, d'un accusé finançant sa propre défense dans le cadre d'une telle demande. Nous demanderions immédiatement à bénéficier de l'aide juridique pour financer l'étude de tous les documents du Service correctionnel du Canada, des psychiatres, des dossiers scolaires, etc. Nous aurions également besoin de certaines autorisations pour consulter les dossiers de la police afin de pouvoir étudier les déclarations de témoins dont nous aurons besoin pour contester cette demande.
De quoi aurions-nous besoin? Comment la défense assumerait-elle le fardeau de la preuve si le projet de loi C-27 entre en vigueur. Il faudrait beaucoup de travail de base, beaucoup d'argent et un accès élargi aux dossiers des institutions, tout ce dont dispose déjà la Couronne dans la situation actuelle.
[Français]
[Traduction]
Merci, monsieur le président.
Merci aux deux témoins d'avoir comparu devant nous.
Monsieur Lee, j'ai trouvé ça très intéressant. Il est relativement rare que des témoins comparaissent devant le comité pour parler du coût de la criminalité du point de vue de la société. Nous entendons souvent parler de ce qu'il en coûterait si quelqu'un qui devrait être actuellement en prison s'y retrouvait. Bien sûr, cela a un coût pour les contribuables, les gouvernements. Je constate que vous avez également indiqué le coût de la criminalité assumé par les victimes.
Nous avons entendu ce que le ministre avait à dire. Nous avons entendu des gens présents ici aujourd'hui nous dire que nous nous occupons ici de ce qu'une personne ordinaire décrirait comme le pire du pire. Il s'agit de gens qui, très certainement, pour être soumis à l'application de ce projet de loi, ont montré qu'ils sont des récidivistes, qu'ils ont une propension à commettre des crimes violents et sexuels graves. Nous ne parlons donc pas ici d'entrée par effraction, de vol à l'étalage ou d'autres choses mineures comme cela. Nous parlons de gens qui ont commis à répétition les pires crimes.
Il arrive que la terminologie puisse prêter à confusion, mais pour que quelqu'un soit désigné comme délinquant dangereux, il ne suffit pas d'avoir commis deux ou même trois délits. Un procureur peut faire une demande, même au premier délit, pour que quelqu'un soit considéré comme un délinquant dangereux.
Monsieur Goldstein, quand on vous a interrogé sur votre scénario factuel, vous nous avez dit ne pas nécessairement faire confiance au jugement d'un procureur ni à son exercice discrétionnaire de pouvoirs en la matière. Mais vous avez également précisé que le système, dans sa forme actuelle, fonctionne de nos jours. En vérité, même actuellement, les procureurs disposent de pouvoirs discrétionnaires pour demander une désignation de délinquant dangereux. Le projet de loi ne change pas cela. Il y a déjà un pouvoir discrétionnaire. Comment réagissez-vous à cela?
Avec le temps qu'il nous reste, monsieur Lee, vous pourriez peut-être nous expliquer comment vous êtes parvenu à certaines des mesures des coûts assumés par les Canadiens pour les victimes. Je reconnais que les éléments de preuve qui nous ont été présentés dans votre analyse montrent bien que, dans de nombreux cas, ce sont les personnes les plus vulnérables qui sont ciblées, et qu'il nous faut une forme d'équilibre dans notre système. À mon vis, ce projet de loi fixe cet équilibre de façon très responsable.
Pouvez-vous réagir à ces deux questions?
Je vous remercie.
Je fais confiance au pouvoir discrétionnaire des procureurs de la Couronne. Jusqu'à maintenant il a été exercé pendant des centaines d'années, au sens littéral, pour lancer une procédure. Un juge entend ensuite la cause et c'est alors que la défense peut contester les arguments de l'accusation. Je ne peux en dire de même d'une situation qui ne s'est jamais présentée jusqu'à maintenant, avec l'apparition d'une procédure qui fait tout porter sur les épaules de la défense. En d'autres termes, ce n'est pas le pouvoir discrétionnaire du procureur de formuler une demande qui, il le sait, aura des répercussions sur son bureau, sur la police et sur le tribunal, pour prouver ces affirmations. Si le projet de loi C-27 est adopté, le pouvoir discrétionnaire reviendra à décider de m'imposer ou non à moi, l'accusé, la totalité de la charge.
Ce n'est en rien le même pouvoir discrétionnaire, parce que l'un a des conséquences sur celui qui formule la demande alors qu'en vertu du projet de loi C-27, il s'agit simplement de décider si on formule ou non la demande. Ce dernier pouvoir discrétionnaire est beaucoup trop vaste, à mon sens.
Merci.
C'est pourquoi j'ai insisté au début sur le fait que je ne suis pas avocat pour parler des questions techniques. Mais on touche ici à des questions de politique qui sont importantes, et il me semble que dans la discussion ou dans les débats que j'ai suivis au cours des dernières années au sujet de la justice pénale, on accorde très précisément de l'importance au ministère de la Justice et aux coûts des services correctionnels, plutôt que de se pencher sur une vision plus large, ce que fait Statistique Canada, d'où viennent les données qui sont donc très fiables, montrant que les coûts sont beaucoup plus élevés.
J'impute ces dépenses au gouvernement du Canada parce que, l'automne dernier, j'ai témoigné devant le comité de la justice et un professeur de droit témoignait également, parlant des sommes énormes consacrées par le gouvernement du Canada aux prisons. Eh bien, cette année, en 2007, le Service correctionnel du Canada a dépensé 1,87 milliard de dollars. Cela représente les neuf dixièmes de 1 p. 100 des dépenses gouvernementales, du total du budget fédéral. C'est deux dixièmes de 1 p. 100 du PIB, le repère que vous utilisez quand vous voulez faire des comparaisons entre pays. Le montant que nous dépensons en sécurité au gouvernement fédéral est donc ridicule. Mais quand vous examinez les coûts de la criminalité dans l'ensemble de la société, ils sont très élevés.
Il s'agit ici de données de 2003. Malheureusement, j'ai fait une erreur et inscrit 2005 dans le titre, mais il s'agit de données de 2003 du ministère de la Justice et de Statistique Canada. Le montant a été évalué à 80 milliards de dollars. C'est là un montant énorme et, comme je l'ai indiqué, il est assumé de façon disproportionnée par les jeunes âgés de moins de 30 ans et c'est cela encore que révèle Statistique Canada.
Merci, monsieur. Je vous remercie de nous l'avoir signalé.
Monsieur Goldstein, pour revenir à ce que vous disiez, je ne saisis pas bien. Cela me paraît ne pas résister à l'examen. Avec le système actuel, au sujet duquel vous nous avez dit avoir confiance dans le pouvoir discrétionnaire des procureurs, et avec le système qui serait mis en place avec l'adoption du projet de loi C-27, on a encore un pouvoir discrétionnaire exercé par les procureurs de la Couronne. En réalité, le processus pour déterminer si quelqu'un est ou n'est pas un délinquant dangereux sera très comparable dans les deux cas. Il n'y a pas un cas dans lequel on va entendre « Non, mon client n'est pas un délinquant dangereux et en voici la preuve » et un autre dans lequel on dira « Non, cette personne est un délinquant dangereux, et voici pourquoi. » C'est ce qui se passe actuellement et c'est ce qui se passera avec l'adoption du projet de loi C-27.
Ce que le projet de loi C-27 fait, avant tout, est d'empêcher les demandes de disparaître dans les failles du système parce qu'il incombe au procureur de décider s'il va ou non faire une demande de détermination de délinquant dangereux et ensuite, il impose le fardeau de la preuve au délinquant, et ce uniquement après qu'il ait été reconnu coupable d'une troisième agression violente ou sexuelle. Il ne s'agit pas de savoir s'il doit y avoir une détermination de délinquant dangereux, ni si l'accusé est coupable ou innocent. Le fardeau de la preuve lui incombe dorénavant, après un troisième délit violent ou sexuel, et c'est à lui qu'il revient de prouver qu'il ne devrait pas être désigné comme un délinquant dangereux.
J'ai du mal à comprendre comment cela pourrait, de quelque façon que ce soit, réduire les pouvoirs discrétionnaires. Je ne crois pas qu'une fois la demande présentée par le procureur, cela provoquera un chambardement du rôle de l'avocat de la défense et des procureurs.
Le député indique qu'il fait confiance au pouvoir discrétionnaire de la Couronne et il parle ensuite des demandes qui disparaissent dans les failles du système. J'ai du mal à voir en quoi le projet de loi C-27 resserre les mailles du filet. Il ajoute ensuite que les demandes seront de même nature. Si les demandes doivent être de même nature, en apparence et en réalité, alors pourquoi présenter ce projet de loi C-27?
S'il a raison, poursuivons avec le système qui fonctionne actuellement. Si le député s'inquiète des demandes qui passent à travers les mailles du filet, il peut demander au procureur de la Couronne de se doter d'une politique en la matière. Il n'est pas nécessaire de présenter un texte de loi au Parlement du Canada pour s'assurer qu'ils font bien leur travail.
Je n'ai pas dit que je fais confiance au pouvoir discrétionnaire des procureurs de la Couronne, même si c'est le cas. C'est un commentaire que vous, monsieur Goldstein avez fait au sujet de la situation actuelle, en disant avoir confiance dans la façon dont les procureurs de la Couronne utilisent leurs pouvoirs discrétionnaires dans ce type de cas.
Je n'ai pas non plus dit que les modalités de demande seraient identiques, mais que la façon de parvenir à ce que quelqu'un, au bout du compte, soit désigné ou non comme délinquant dangereux serait très comparable. Dans une discussion, il y a des partisans et des opposants. Au bout du compte, c'est un juge qui décidera si cette personne est ou non un délinquant dangereux.
Dans ce domaine, la seule modification est le transfert du fardeau de la preuve sur le délinquant. Nous sommes d'avis, comme la plupart des Canadiens, je crois, que lorsque vous avez affaire à quelqu'un qui en est rendu à son troisième crime violent ou sexuel, ce transfert du fardeau de la preuve est parfaitement adapté.
Je vous remercie.
Monsieur Moore, vous pouvez en discuter avec M. Goldstein.
Nous allons terminer avec M. Bélanger, s'il vous plaît.
[Français]
Merci, monsieur le président, et merci, messieurs Lee et Goldstein, pour les documents. J'imagine que vous allez vous assurer de nous faire parvenir les publications afin que nous puissions voir le produit final.
Monsieur Goldstein, je vais vous poser une question afin de poursuivre dans la même veine que M. Ménard. Dans son témoignage, M. Hoover a laissé entendre ou entrevoir, en réponse à une question, qu'une des raisons qui poussaient le gouvernement à déposer ce projet de loi sur le renversement du fardeau de la preuve est que depuis que la Cour suprême a rendu une décision en ce sens, les gens déclarés coupables pouvaient se réfugier dans le mutisme et ne pas répondre aux questions. Vous avez fait une affirmation qui va catégoriquement à l'encontre de ce motif, invoqué pour présenter le projet de loi. J'aimerais que vous poursuiviez vos réponses. Je suis intrigué.
Et si vous pouviez faire parvenir au comité des documents sur cette question du mutisme des gens déclarés coupables et nous dire si cela n'a aucune importance ou si cela a une incidence sur les décisions des tribunaux, je l'apprécierais.
Je posais ma question au ministre au sujet des ressources qu'il faudra prévoir si jamais ce projet de loi est adopté parce que présentement, lorsqu'on doit déterminer que quelqu'un est coupable et qu'il est un individu dangereux qui doit être incarcéré de façon indéfinie, l'État a les ressources requises pour le faire et c'est lui qui a le fardeau de la preuve. Par contre, si on prend le fardeau de la preuve de l'État et qu'on le transfert à l'individu, on peut se retrouver dans la même situation que celle décrite plus tôt. Si une jeune femme autochtone, pour des raisons qui ne relèvent pas de sa volonté, se retrouvait dans une situation du genre, on l'incarcérerait de façon indéfinie. C'est ce que j'aimerais que vous expliquiez.
Il y a un aspect que nous n'avons pas encore soulevé et qui est dans les notes.
En passant, je tiens à féliciter nos recherchistes pour le très bon document que j'ai reçu et qui donne une belle vue d'ensemble.
Est-on préoccupé ou non par l'incidence de ce projet de loi sur les Autochtones? En effet, le nombre de personnes d'origine autochtone incarcérées est disproportionné. Quelle serait l'incidence d'un tel projet de loi, s'il était adopté, sur les Autochtones?
[Traduction]
À titre de praticien et non pas de chercheur, je ne peux pas parler de tous les cas ni des différentes collectivités. Je ne peux vous parler que de ce que j'ai lu dans la jurisprudence et de mon expérience personnelle.
En se fiant à la jurisprudence, et je fais maintenant bien évidemment référence à R. c. Neve comme l'un des cas qui vient à l'esprit, quand vous examinez la situation des délinquants autochtones et d'autres aspects, de jeunes femmes prises dans le système, le projet de loi C-27et le renversement du fardeau de la preuve pourrait avoir un effet totalement néfaste sur quiconque était de quelle que façon que ce soit marginalisé au sens classique au début du processus. Les Autochtones, les gens appartenant à toutes sortes d'ethnies, ceux qui n'appartiennent pas à la majorité linguistique dans leur collectivité et tous ceux qui sont marginalisés au début vont se sentir désespérés quand on leur imposera le fardeau de la preuve et qu'ils joueront au lieu de réagir, l'enjeu étant le reste de leur vie.
Je me ferai un plaisir de vous faire parvenir tous les documents que je pourrai trouver au sujet de cette première partie.
Je vous remercie. Je vais répondre à cela.
Vous avez raison, monsieur Bélanger. Les Autochtones représentent actuellement environ 17 p. 100 de la population carcérale canadienne alors qu'ils ne sont que 2,5 p. 100 de la population canadienne.
C'est un sujet qui a été étudié très sérieusement dans la recherche, et je ne voudrais pas qu'on le mette de côté trop rapidement, parce que la plupart des actes violents commis par des autochtones sont à l'encontre d'autres autochtones. Il s'agit de violence entre Autochtones et, il me semble qu'il serait tout à fait inadapté de dire que ce sont des cas moins importants et de ne pas entamer de poursuites. C'est le risque.
Je ne laisse pas entendre que c'est ce que vous disiez. Je dis que le risque, quand on choisit cette voie, est alors qu'on commence à ignorer la violence dans certaines collectivités minoritaires parce qu'il s'agit trop souvent de violence entre les membres d'une même minorité.
Ma question visait, en réfléchissant au-delà du projet de loi, et je sais que vous ne pouvez pas y répondre parce que la réponse doit venir du gouvernement, à savoir si on s'est interrogé sur les effets du projet de loi, s'il est jamais adopté, les effets qu'il aura sur de telles collectivités. Il me semble que le comité devrait demander au gouvernement de répondre à cette question.