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CIMM Rapport du Comité

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Opinion dissidente

Ed Komarnicki, député
Parti conservateur du Canada
Secrétaire parlementaire du ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration

Présenté au Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration
Le 22 juin 2006

Ce rapport dissident a été rédigé en réponse à la motion présentée par le député néo-démocrate de Burnaby–Douglas, qui a été votée telle que modifiée par le présent comité le 21 juin 2006. Par suite de la motion votée, le Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration a adopté l’énoncé suivant à titre de rapport à la Chambre :

Que, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, le Comité recommande que le gouvernement applique un moratoire immédiat à la déportation de tous les travailleurs sans papiers et de leurs familles qui subissent des vérifications de sécurité et de criminalité pendant la mise en place d’une nouvelle politique sur l’immigration.

Les membres du Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration n’étant pas parvenus à un consensus, le présent rapport dissident est déposé afin de traduire ma dissidence à l’égard du rapport approuvé par les membres indiqués.

Contexte

Actuellement, on s’inquiète de plus en plus de la situation critique dans laquelle se trouvent les travailleurs sans papiers partout au Canada. Il n’existe aucune solution simple à cette question, qui touche un certain nombre d’enjeux concurrents méritant tous un examen attentif. Il va sans dire que le présent gouvernement et le Parti conservateur du Canada reconnaissent le besoin de faire preuve de circonspection et de pondération afin de parvenir à une politique qui permettra de s’attaquer à toutes les facettes de la situation.

Sans contredit, il convient que le Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration se penche sur la proposition d’un moratoire sur les expulsions. Les Canadiens attendent de leurs représentants élus qu’ils s’emploient à résoudre les questions comme celle-ci. C’est par l’intermédiaire de leurs députés qu’ils peuvent participer à l’élaboration de propositions et de recommandations stratégiques à l’intention de leur gouvernement, des propositions et des recommandations qui, sans aucun doute, auraient tout à gagner de l’apport avisé des membres du Comité, en particulier de ceux qui réfléchissent au problème depuis 13 ans à titre de membres du caucus de l’ancien gouvernement libéral. En outre, grâce à leur capacité unique d’appeler des témoins, de recevoir des observations et de procéder à des consultations publiques, les comités parlementaires permettent aux intervenants et au grand public de contribuer directement et de façon transparente à l’amélioration de la situation des personnes touchées.

Pourtant, chose troublante, le Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration de la 39e législature n’a déployé absolument aucun effort pour entendre ne serait-ce qu’un seul témoin. Absolument aucun représentant des intervenant, des parties intéressées ou du public n’a eu la possibilité de témoigner devant le Comité ou de lui présenter quoi que ce soit. Les membres des trois partis de l’opposition ont plutôt choisi de se soustraire à leur devoir public et de restreindre l’apport du public, ce qui s’inscrit peut-être de façon éloquente dans le prolongement de l’absence de tout engagement de leur part ou de la part de leurs partis durant la dernière campagne électorale quant à l’arrêt des expulsions ou à la régularisation de la situation des travailleurs illégaux.

La proposition d’un moratoire devrait être étudiée à la lumière des politiques d’immigration du Canada, en général. Nous croyons que les politiques d’immigration du Canada sont considérées comme étant responsables, logiques, pleines d’humanité et démocratiques. Elles sont fondées sur les principes de la justice et du respect de la primauté du droit. L’immigration est un moteur économique, social et culturel important pour le Canada. On a mis en place plusieurs solutions pour accueillir de nouveaux arrivants au Canada tout en permettant au gouvernement d’atteindre ses objectifs et ceux du Parlement en matière d’immigration.

Dans le cadre du Programme des travailleurs qualifiés, on sélectionne les immigrants qui détiennent des compétences polyvalentes en fonction de leur capacité à réussir leur établissement économique au Canada. Les critères de sélection mettent beaucoup l’accent sur la connaissance des langues officielles du Canada, sur le niveau d’instruction et sur l’expérience de travail, car il s’agit des principaux indicateurs du succès à long terme des nouveaux arrivants et de leur intégration dans le marché du travail et la société du Canada. Des points sont également attribués aux étrangers qui ont de l’expérience à titre de travailleurs temporaires au Canada et à ceux qui jouissent d’un emploi permanent réservé. Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration explore des façons d’offrir un programme d’immigration mieux adapté aux besoins du marché du travail.

Pour remédier aux pénuries de main-d’œuvre propres à un endroit ou à un secteur d’activité, le système d’immigration du Canada a également recours au Programme concernant les travailleurs étrangers temporaires (PTET) et aux programmes des candidats des provinces (PCP). Ces derniers permettent aux provinces participantes de choisir des immigrants permanents en fonction de leurs besoins particuliers, que les travailleurs soient recrutés à l’étranger ou qu’ils se trouvent déjà au Canada à titre de résidents temporaires, sans que soit nécessaire un avis concernant l’impact sur le marché du travail. De son côté, le PTET, un programme géré conjointement par CIC et Ressources humaines et Développement social Canada (RHDSC), est axé en grande partie sur les employeurs et vise principalement à combler les besoins d’employeurs canadiens qui font des offres d’emploi. Dans le cadre de ce programme, on recrute les personnes qui veulent travailler au Canada, mais qui ne comptent pas nécessairement s’y installer de façon permanente.

Dans les secteurs d’activité à forte demande, CIC poursuit ses efforts avec les intervenants en vue de créer des programmes spéciaux à l’intérieur du PTET. Par exemple, CIC a mis sur pied, avec l’aide d’intervenants du secteur de la construction, les Construction Recruitment External Workers Services (CREWS), qui visent à gérer et à contrôler les demandes d’entrée de travailleurs étrangers temporaires de la construction, ainsi qu’à permettre leur traitement efficace par RHDSC et CIC. Le ministre est intéressé à recevoir toute suggestion d’amélioration de ce programme de la part des personnes touchées. Des programmes semblables existent pour les secteurs de l’agriculture et des sables bitumineux.

Il est également nécessaire d’étudier tout moratoire sur les renvois à la lumière des politiques en place qui permettent aux étrangers devant être renvoyés de rester au Canada. Dans des circonstances exceptionnelles, un étranger qui se trouve au Canada peut demander un examen pour des motifs d’ordre humanitaire. Il doit alors prouver qu’il fait l’objet de difficultés inhabituelles, excessives ou injustifiées découlant de circonstances dont le contrôle lui échappe. Les agents de CIC évaluent toutes ces demandes de façon équitable.

Notre gouvernement prend continuellement le pouls de l’économie du Canada et ne cesse de chercher des façons de mieux adapter l’immigration aux besoins du marché du travail tout en respectant les exigences sociales et de sécurité relatives à l’immigration. Nous croyons que les membres du Comité permanent ont la responsabilité de garder à l’esprit l’importance de protéger l’intégrité du système de l’immigration. Il est primordial de traiter équitablement toutes les personnes qui cherchent à venir au Canada de façon légale.

Nombreux sont ceux qui croient que toute initiative de régularisation de la situation des étrangers restés illégalement au Canada est injuste pour les centaines de milliers d’étrangers qui ont demandé d’immigrer légalement et qui ont attendu patiemment qu’on traite leur demande. Certains se sont dits préoccupés par l’effet d’« attraction » d’un moratoire sur les expulsions — c’est-à-dire par la possibilité que d’autres viennent au Canada et y restent sans statut juridique — , tandis que d’autres ont fait valoir qu’un programme de renvoi efficace est essentiel à l’intégrité du système d’immigration du Canada. Nous nous demandons quel effet l’échec de membres de leur collectivité ou de personnes dans leur situation aux vérifications sur le plan de la criminalité et de la sécurité mentionnées dans la motion aura sur les sans-statut, et s’il les poussera à s’enfoncer plus profondément dans la clandestinité. Toutes ces questions méritent d’être étudiées à la lumière des conseils et des témoignages des experts en la matière. Or, l’opposition préférerait ne pas entendre ces questions ou ne pas participer à la recherche de réponses.

Le gouvernement conservateur a fait preuve d’un attachement à la justice et d’une volonté rafraîchissante d’écouter ceux qui ont des opinions sur les solutions à apporter aux problèmes que les Canadiens et les personnes qui veulent venir au Canada ont décelés dans les politiques des gouvernements précédents. Nous sommes fiers de faire partie d’un gouvernement qui a récemment admis plus de 800 réfugiés fuyant le Myanmar, donné aux étudiants étrangers des possibilités légitimes de venir au Canada et d’acquérir une expérience professionnelle précieuse grâce au Programme de permis de travail hors campus, créé de nouvelles mesures à l’intention des victimes de la traite de personnes, réduit de moitié les frais relatifs au droit de résidence permanente et mis fin au gel du financement des services d’établissement et d’adaptation, qui durait depuis une décennie, avec une augmentation budgétaire de l’ordre de 307 millions de dollars.

À titre de députés et de membres du caucus conservateur, nous avons consulté et écouté les intervenants qui se sont présentés devant les comités parlementaires pour élaborer ces politiques et ces programmes qui améliorent la situation des immigrants, des réfugiés et des nouveaux Canadiens. Lorsqu’il est question de sujets comme un moratoire sur les expulsions et des enjeux d’envergure qui touchent les sans-statut, nous croyons qu’il est tout aussi important, pour favoriser des résultats positifs, que les intervenants puissent contribuer et se faire entendre.

Règlement

Nous ne croyons pas que le dépôt de cette motion respecte la lettre et l’esprit du Règlement du Parlement. Le Règlement a pour but de faciliter l’étude par le Parlement de questions qui revêtent de l’importance au Canada, et il atteint ce but. La motion du député de Burnaby–Douglas a été présentée au Comité à titre de rapport supposément conforme au Règlement du Parlement; nombre de personnes ont maintenant l’habitude de cette pratique. Pourtant, à la lecture du Règlement 108, qui révèle les obligations de base des comités quant à la présentation d’un rapport à la Chambre, il est clair que la motion est bien loin de remplir les obligations en question.

Voici en partie ce que stipule le Règlement :

108.
(1)
a)
Les comités permanents sont autorisés individuellement à faire étude et enquête sur toutes les questions qui leur sont renvoyées par la Chambre, à faire rapport à ce sujet à l’occasion et à joindre en appendice à leurs rapports, à la suite de la signature de leur président, un bref énoncé des opinions ou recommandations dissidentes ou complémentaires présentées, le cas échéant, par certains de leurs membres.
 
(2)
En plus des pouvoirs qui leur sont conférés conformément au paragraphe (1) du présent article et à l’article 81 du Règlement, les comités permanents, à l’exception des comités énumérés aux paragraphes (3)a), (3)f), (3)h) et (4) du présent article, sont autorisés à faire une étude et présenter un rapport sur toutes les questions relatives au mandat, à l’administration et au fonctionnement des ministères qui leur sont confiés de temps à autre par la Chambre. En général, les comités sont individuellement autorisés à faire une étude et présenter un rapport sur :
 
 
e)
d’autres questions liées au mandat, à l’administration, à l’organisation ou au fonctionnement du ministère que le comité juge bon d'examiner.

Aux termes du paragraphe 108(2) du Règlement, il va sans dire que le comité est autorisé à faire une étude et à présenter un rapport concernant un moratoire sur les expulsions, ce sujet étant lié assurément au mandat, à l’administration et au fonctionnement du ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration.

Essentiellement, l’alinéa 108(2)e) du Règlement précise qu’il doit y avoir soit étude et enquête, ou étude et rapport ou à tout le moins une étude de quelque sorte par des parlementaires avant qu’un rapport puisse être présenté à la Chambre.

Les alinéas qui font exception en vertu du paragraphe 108(2) mentionnent aussi étude et rapport. Cela donne à penser que la présentation d’une simple motion par un membre du comité, et ce, hors du cadre d’une étude ou de travaux qu’effectue le comité, ne suffit pas.

Pour ce qui est de la présentation du rapport, celle-ci est régie par l’article 109 du Règlement, que voici :

109.
(1)
a)
Dans les 120 jours qui suivent la présentation d’un rapport d’un comité permanent ou spécial, le gouvernement dépose, à la demande du comité, une réponse globale et, lorsqu’une telle réponse est demandée, aucune motion portant adoption du rapport ne peut être proposée jusqu’à ce qu’une réponse globale n’ait été déposée ou jusqu'à l’expiration de ladite période de 120 jours.

Une motion n’est pas en soi un rapport. Les dictionnaires donnent la définition suivante du mot « rapport » : compte rendu ou opinion fournis de façon officielle à la suite d’une enquête ou d’un examen. Pour sa part, le mot « étude » désigne l’évaluation d’un sujet ou d’une chose. Ce sont les conditions à remplir avant le dépôt d’une affaire à la Chambre.

Selon le Règlement, la motion était prématurée, étant donné qu’un rapport ou une recommandation ne peuvent être présentés à la Chambre que lorsque le comité a étudié, examiné une question ou fait enquête à son sujet et a ensuite déposé un rapport sous forme de motion.

Une motion demandant au Comité d’examiner d’abord la question des travailleurs sans papiers et de déposer ensuite un rapport à cet égard aurait été conforme aux règles et appropriée. La motion présentée par le député de Burnaby–Douglas ne l’est pas.

Le Règlement énonce les règles que doivent suivre les parlementaires en ce qui a trait à la préparation des rapports; c’est là l’objet des articles 108 et 109 du Règlement. Il faut considérer le Règlement comme un instrument qui aide les parlementaires à accomplir cette tâche importante et non pas comme un moyen de transférer cette tâche à d’autres personnes.

Nous aimerions examiner la question des travailleurs sans papiers et nous nous attendons à ce que chaque membre du Comité veuille participer à une étude minutieuse et exhaustive de cette question. Cela permettrait à chacun d’entre nous de nous exprimer sur des solutions aux situations malheureuses que vivent les personnes qui résident et travaillent illégalement au Canada. Le sort des travailleurs sans papiers a tellement d’importance pour ce comité que ses membres ne peuvent pas abandonner ou négliger leurs responsabilités de parlementaires et confier tout simplement le dossier à quelqu’un d’autre qui rédigera un rapport sans aucune contribution du comité.

Conclusion et recommandations

Bien entendu, la question des travailleurs sans papiers est une question grave et lourde de conséquences qui nécessite l’attention du gouvernement.

De fait, il s’agit du second point qui sera traité par le Comité lors de la session d’automne, soit à compter de septembre 2006.

La motion dont il est question a été adoptée en application du paragraphe 108(2) du Règlement, malgré mes objections à titre de secrétaire parlementaire et en notre capacité personnelle à titre de députés et de membres du Comité permanent sur la citoyenneté et l’immigration.

Nous ne sommes pas d’accord avec le fait que la motion, si elle est adoptée, soit traitée comme un rapport à la Chambre des communes, alors qu’il ne s’agit pas, selon tout fondement objectif, d’un rapport. Il s’agit d’une simple motion présentée sous forme de recommandation sans que la moindre preuve ait été entendue, sans aucune documentation et sans aucun témoignage de la part de témoins ou de groupes d’intérêt.

À vrai dire, la motion ne répond pas aux conditions, préalables ou autres, d’un rapport aux termes de l’article 108 du Règlement et, de ce fait, n’aurait pas dû être traitée comme un rapport.

En fait, il s’agit d’un abus du processus du comité ou, à tout le moins, d’une utilisation inhabituelle de l’article 108 du Règlement. Le fait de présenter la motion comme rapport à la Chambre apporte également d’autres avantages comme ceux prévus à l’article 109 du Règlement, notamment une réponse du gouvernement et, en fin de compte, une motion portant adoption du rapport.

Étant donné l’absence de preuve ou d’examen pour une question d’une telle importance et compte tenu du fait que le Comité permanent sur la citoyenneté et l’immigration étudiera la question des travailleurs sans papiers une fois que la Chambre siégera de nouveau à l’automne, il serait souhaitable que cette question soulevée dans la motion soit reprise dans le cadre de l’étude sur les travailleurs sans papiers et que les résultats soient inclus dans le rapport en découlant.

Par conséquent, nous demandons une réponse du gouvernement quant à ma demande selon laquelle le sujet visé dans la motion soit traité dans le cadre de l’étude plus vaste sur les travailleurs sans papiers du Comité permanent sur la citoyenneté et l’immigration.

Les renvois aux dispositions pertinentes précisées dans La procédure et les usages de la Chambre des communes (édition 2000), publié sous la direction de Robert Marleau et de Camille Montpetit et dont une copie est annexée (annexe A), constituent d’autres éléments à l’appui de l’argument selon lequel le prétendu rapport n’est pas un rapport au sens de l’article 108 du Règlement.

Respectueusement soumis ce 22e jour de juin 2006.


Ed Komarnicki, député
Secrétaire parlementaire au ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration


J’approuve :


Rahim Jaffer, député d’Edmonton–Strathcona

Nina Grewal, députée de Fleetwood–Port Kells

Barry Devolin, député de Haliburton–Kawartha Lakes–Brock