CIMM Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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CANADA
Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration
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TÉMOIGNAGES
Le mercredi 31 mai 2006
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Je déclare la séance ouverte.
Comme je l'ai mentionné, certains membres du comité vont arriver plus tard, parce qu'il y a eu un peu de retard, aujourd'hui, à la Chambre. Nous allons commencer. Je suis certain qu'ils vont se joindre à nous.
Nous accueillons aujourd'hui les représentants de Sauvez nos Viet-Phi apatrides : Maxwell Vo, président du groupe; Hoi Trinh, avocat auprès de la communauté vietnamienne en Australie; Mai Nguyen, bénévole auprès du bureau à Manille, aux Philippines; et Richard Mahoney, conseiller juridique.
Bienvenue à tous.
Vous avez droit à une heure. Habituellement, nous prévoyons dix minutes pour les exposés, après quoi, nous passons aux questions et réponses.
Vous voulez dire quelque chose, monsieur Siksay?
Oui, monsieur le président. Merci.
Je tiens à dire au comité que les motions que j'ai déposées lundi peuvent être renvoyées au comité de direction, au sous-comité du programme et de la procédure. Nous pouvons, si cela peut simplifier les choses, les examiner en priorité à un autre moment.
Je m'appelle Max Vo.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, bonjour.
Je tiens à vous remercier de nous avoir invités à comparaître une deuxième fois devant le comité.
Je représente l'organisme Sauvez nos Viet-Phi apatrides. Je suis accompagné des témoins experts suivants : Hoi Trinh, avocat australien d'origine vietnamienne qui dirige un bureau d'aide juridique aux Philippines; Mai Nguyen, une Canadienne d'origine vietnamienne qui travaille comme bénévole auprès du même bureau; et Richard Mahoney, conseiller juridique du groupe.
Lors de notre comparution devant le comité en février 2005, il restait quelque 2 000 réfugiés de la mer vietnamiens aux Philippines, des gens sans patrie, laissés pour compte, au statut incertain et sans espoir aucun. La communauté internationale, y compris le Canada, a entendu leur voix. Aujourd'hui, environ 188 réfugiés de la mer se trouvent toujours aux Philippines, sans solution durable. Nous demandons encore une fois au comité et au gouvernement de mettre un terme à cette tragédie qui dure depuis trop longtemps.
Depuis notre rencontre, l'an dernier, le comité a adopté une motion recommandant que le Canada accepte environ 500 Vietnamiens apatrides comme réfugiés. En mars 2005, le ministre de l'Immigration de l'époque, l'honorable Joe Volpe, a annoncé que jusqu'à 200 Vietnamiens apatrides seraient autorisés à retrouver leurs familles déjà établies au Canada. Il y a deux personnes dans la salle qui sont ici aujourd'hui grâce à cette politique et qui tiennent à remercier le Canada : il s'agit de M. Lang Nguyen et de M. Lam Nguyen. Votre générosité leur a permis de retrouver leurs familles plus tôt ce mois-ci, à Vancouver, et ce, après plus de 14 ans de séparation.
Seulement 27 des 200 Vietnamiens apatrides pouvant être admis au Canada ont présenté une demande. Ils ont été reconnus comme réfugiés par d'autres pays, en vertu de programmes de réinstallation moins restrictifs. Toutefois, ces pays ne pouvaient accueillir toutes ces personnes, de sorte que 188 d'entre elles se trouvent toujours aux Philippines. Parmi celles-ci figure le père de Phuong Nguyen et de Patrick Nguyen, de Toronto, qui sont ici aujourd'hui. Cela fait 14 ans qu'ils n'ont pas vu leur père.
Je vais maintenant céder la parole à M. Hoi Trinh, qui va vous parler de la situation qui existe aux Philippines.
Bonjour. Comme Max l'a mentionné, je m'appelle Hoi Trinh. Je suis un avocat australien d'origine vietnamienne. Je travaille aux Philippines depuis 1997.
Je vais vous expliquer brièvement ce qui se passe depuis un an. Quand nous avons comparu devant le comité, l'an dernier, il restait 2 000 Vietnamiens apatrides aux Philippines. J'ai indiqué au comité, à l'époque, que les États-Unis avaient entrepris des démarches en vue d'en accueillir un certain nombre. Nous nous attendions à ce que 500 personnes environ restent en arrière. Le comité a adopté une motion recommandant que le Canada accepte ces 500 réfugiés vietnamiens. Heureusement, les États-Unis en ont admis un plus grand nombre, soit 1 600. La Norvège en a accueilli elle aussi, comme réfugiés. Voilà pourquoi il n'en reste que 188.
Vous devriez avoir devant vous un document qui s'intitule Stateless Vietnamese Refugees in the Philippines. Je vous renvoie à la page 22 de l'onglet 4, qui porte sur le Canada. Cette lettre, signée par l'ancien ministre Volpe, s'adresse à l'honorable Bill Siksay, qui est ici aujourd'hui. Il y a trois points sur lesquels j'aimerais attirer votre attention.
La lettre précise, au paragraphe 4, que la mission canadienne à Manille a confirmé que les Vietnamiens apatrides aux Philippines n'avaient pas été accueillis, par l'Australie, comme réfugiés, mais plutôt comme membres d'une catégorie spéciale de migrants. Il s'agit-là d'une fausse affirmation au plan légal.
Les onglets 5, 6 et 7 renferment des éléments de preuve fournis par l'Australie, les États-Unis et la Norvège, qui montrent que ces personnes ont été accueillies comme réfugiés en Australie. La lettre ajoute, plus loin, en parlant du programme de réinstallation norvégien, que les participants doivent avoir de la famille en Norvège et qu'ils ne peuvent être considérés comme des réfugiés. C'est également faux.
Enfin, la lettre indique que, selon le représentant américain, le programme de réinstallation en vigueur aux États-Unis accepte les demandeurs comme réfugiés, la définition de ce terme ayant été modifiée. Eh bien, ils accueillent les gens comme réfugiés, point à la ligne.
Je ne comprends pas pourquoi l'ancien ministre a fait de telles déclarations. Je vous encourage à reconnaître les 188 personnes qui restent comme réfugiés, comme l'ont fait d'autres pays. J'espère que Mai Nguyen sera en mesure de vous expliquer comment le Canada définit l'apatridie, et pourquoi ces personnes devraient être admises à titre de réfugiés et bénéficier de la protection du Canada.
Enfin, parmi les 188 personnes qui sont restées aux Philippines se trouve Phuong Nguyen, le père des deux jeunes enfants qui sont assis derrière moi. Le garçon n'a jamais vu son père, qui est toujours coincé aux Philippines. Il aimerait vous dire quelques mots, si vous êtes d'accord.
Bonjour. Je m'appelle Patrick Nguyen. J'ai 12 ans. Je n'ai jamais vu mon père. Je vis à Toronto avec ma mère et ma soeur. Il y a de nombreux réfugiés vietnamiens aux Philippines qui veulent venir au Canada. Mon père se trouve parmi eux. Je veux qu'il vienne nous rejoindre. De nombreuses personnes attendent d'être réunies avec leurs proches.
Très bien. Merci. Nous allons voir si nous pouvons faire quelque chose pour vous aider.
Vous pouvez continuer, monsieur Trinh.
Patrick ne peut parrainer son père parce que la nouvelle politique annoncée l'an dernier par l'ancien ministre précise que seuls les adules peuvent parrainer un membre de la famille, pas les jeunes.
Je vais maintenant céder la parole à Mai.
Bonjour, mesdames et messieurs les membres du comité.
Je suis née et j'ai grandi au Canada, un pays qui met un point d'honneur à défendre les principes de liberté et d'égalité, de sorte que j'ai eu beaucoup de mal à bien comprendre le sens du mot apatride. Aujourd'hui, je suis en mesure de dire, en tant que témoin oculaire de ce flagrant mépris des droits de la personne, que l'apatridie, c'est beaucoup plus que le fait de vivre dans le dénuement le plus complet. Être apatride signifie que l'on est privé de tout sentiment d'appartenance, de toute option.
J'ai vu, aux Philippines, des Vietnamiens appauvris être victimes de discrimination, de corruption, de crimes violents. Ces gens ne pouvaient s'adresser aux autorités locales, parce qu'ils craignaient d'être arrêtés de façon arbitraire et de ne pas avoir droit à la protection égale de la loi. J'ai parlé à un très grand nombre de travailleurs et de travailleuses honnêtes qui ont été emprisonnés pour avoir vendu des biens dans la rue, même s'il s'agissait-là de leur seul moyen de survie. En tant qu'apatrides, ils n'ont pas droit à un emploi légal. J'ai rencontré des enfants et je me suis liée d'amitié avec de jeunes adultes avides de savoir, mais qui n'avaient pas droit à une éducation supérieure.
Je vous invite à jeter un coup d'oeil à l'onglet 10 du document qui vous a été distribué, à visualiser les 188 apatrides dont nous avons parlé. Ce sont de vraies personnes, des personnes qui ont des familles et des enfants.
J'ai travaillé sur le terrain aux Philippines. J'ai donné bénévolement de mon temps, mais je ne peux tout faire. Vous, par contre, avez le pouvoir de faire beaucoup. Unissons nos efforts et faisons ce qui s'impose. Reconnaissons ces 188 apatrides; donnons-leur une nationalité et un avenir.
Merci.
Merci, monsieur le président.
Je m'appelle Richard Mahoney. C'est à titre de conseiller juridique de Sauver nos Viet- Phi apatrides que je comparais devant vous aujourd'hui.
Permettez-moi de vous décrire brièvement le rôle que je joue au sein cet organisme. Je ne pense pas pouvoir ajouter grand-chose aux témoignages percutants que nous avons entendus aujourd'hui. Toutefois, je m'occupe de ce dossier, de concert avec Sauver nos Viet-Phi apatrides, depuis deux ou trois ans. J'ai travaillé pendant plusieurs années comme avocat spécialisé en droit de l'immigration et en droit des réfugiés, ce qui fait que je suis en mesure d'aborder la question avec un certain recul.
D'abord, le comité a pris des décisions très importantes la dernière fois qu'il s'est réuni pour discuter de ce sujet. Je tiens à préciser que le ministère de l'Immigration hésite à considérer ces personnes comme des réfugiés en raison de la façon dont il définit ce terme.
Néanmoins, le ministre Volpe, le gouvernement du Canada et le comité ont fait, à notre humble avis, ce qu'il convenait de faire : ils ont décidé d'accueillir jusqu'à 200 Vietnamiens apatrides. Or, pour plusieurs raisons, ce projet ne s'est pas concrétisé. Certaines personnes sont venues au Canada, mais de nombreuses autres se sont installées ailleurs. Voilà où nous en sommes aujourd'hui.
J'ai, ici, un document que je compte remettre au greffier et qui traite de certains points de droit. J'aimerais vous en parler brièvement.
D'abord, malgré ce que dit le ministère, les Vietnamiens apatrides qui se trouvent encore aux Philippines font bel et bien partie de la catégorie de personnes de pays d'accueil. Je m'explique. D'après le Règlement, appartient à la catégorie de personnes de pays d'accueil l'étranger considéré par un agent comme ayant besoin de se réinstaller parce qu'il se trouve hors de tout pays dont il a la nationalité ou dans lequel il avait sa résidence habituelle et parce qu'une guerre civile, un conflit armé ou une violation massive des droits de la personne dans chacun des pays en cause ont eu et continuent d'avoir des conséquences graves et personnelles pour lui.
Or, ces personnes sont sans patrie. De plus, en raison de la guerre civile qui a sévi dans leur pays — une guerre civile qui est maintenant terminée —, elles se trouvent hors du pays dont elles ont la nationalité et ne peuvent être protégées. Le comité a reconnu ce fait l'an dernier quand il est arrivé à la conclusion, d'abord, que ces personnes sont restées à l'extérieur de leur pays pendant 16 ans et, ensuite, qu'elles ont subi des conséquences graves et personnelles. Vous avez donc déjà conclu, de fait, que cette question en est une de droit.
Toutefois, vous ne vous êtes pas arrêtés là. Vous avez fait quelques commentaires qui, à mon avis, sont tout à fait pertinents. D'abord, vous avez dit que ces personnes se trouvent dans une situation où il n'y a pas de probabilité raisonnable de trouver une solution durable dans un délai raisonnable. Elles sont, dans la plupart des cas, sinon tous, parrainées privément par des citoyens canadiens, et elles ont été victimes de violations de droits de la personne.
Si vous choisissez d'adopter la même approche dans ce cas-ci, vous allez constater, de fait, que les 188 personnes qui restent appartiennent à la catégorie de personnes de pays d'accueil.
Cela dit, puisque le ministère hésite à faire ce constat, d'autres options s'offrent au ministre. En effet, il existe plusieurs autres moyens, en droit, de reconnaître ces personnes. Par exemple, le ministre peut, en vertu du paragraphe 25(1) de la Loi, laisser entrer ces personnes au Canada pour des raisons d'ordre humanitaire. Je peux, quand nous allons passer aux questions, vous expliquer quels sont les critères d'ordre humanitaire qui sont appliqués en droit. Toutefois, je pense que nous pouvons nous entendre sur le fait que des motifs d'ordre humanitaire peuvent être invoqués dans ce cas-ci. Voilà pour la deuxième option.
La troisième option est la suivante: vous pouvez, sur le plan légal, autoriser l'entrée de ces personnes au Canada en vous fondant sur le droit international et les conventions et traités signés par le Canada. Le Plan d'action global pour les réfugiés indochinois a pris fin en 1996. Or, le ministère insiste pour dire que si ces personnes n'étaient pas reconnues comme des réfugiés il y a 16 ou 17 ans, elles ne peuvent être considérées comme telles aujourd'hui, le plan d'action n'étant plus en vigueur. Que pouvons-nous faire, en droit, si ce plan d'action est expiré depuis 1996 — comment devons-nous traiter ces cas? Il existe une solution très simple et crédible : le droit international général.
Le Canada est signataire de plusieurs conventions, y compris de la Convention sur la réduction des cas d'apatridie. Or, encore une fois, il y a un certain nombre de personnes, ici, qui sont sans patrie.
Je vous renvoie au document que j'ai préparé. Si vous voulez avoir d'autres précisions, je pourrai vous les fournir lors de la période de questions. Toutefois, nous pouvons nous fonder, monsieur le président, sur le droit international.
Enfin, j'ai été en mesure — et ce fut un honneur pour moi — d'apporter mon soutien, l'an dernier, quand le groupe Sauver nos Viet-Phi apatrides, le député de Burnaby--Douglas et d'autres personnes ont pressé le gouvernement et le comité d'agir. Notre bilan, à ce chapitre, est fort admirable. Quand la crise des Vietnamiens réfugiés aux Philippines a éclaté, le Canada a donné le ton en accueillant des Vietnamiens.
La communauté vietnamienne à Ottawa, où je vis, compte de nombreux Canadiens d'origine vietnamienne qui sont des membres actifs et heureux de notre collectivité. Ils sont venus au Canada quand cette crise a éclaté. On les retrouve dans presque toutes les grandes villes du pays . Nous avons pris la décision qui s'imposait à l'époque.
Cela dit, vous avez également pris — et le ministre et le gouvernement aussi — la décision qui s'imposait l'an dernier, quand vous avez essayé de trouver une façon de régler le cas des personnes qui étaient restées aux Philippines. Heureusement, les États-Unis, l'Australie et d'autres pays ont fait la même chose. Or, il y a encore 188 personnes qui attendent — c'est moins que ce que le comité et le Canada ont accepté d'accueillir
Nous devrions honorer non seulement nos traditions et le travail que nous accomplissons, mais également la communauté vietnamienne qui est installée au Canada. Faisons enfin ce qu'il convient de faire à l'égard de ces apatrides.
Merci de votre temps et de votre patience.
Merci.
Nous devions, n'est-ce pas, accueillir 200 personnes faisant partie de 61 familles? C'est ce que disent mes notes.
Jusqu'à présent, seulement huit familles au Canada ont demandé à parrainer un parent. Au total, trois demandes, représentant huit personnes, ont été acceptés. Cinq autres dossiers sont en attente. Pourquoi y a-t-il seulement huit familles qui ont accepté de parrainer un parent?
Puis-je répondre à la question?
En vertu de la nouvelle politique annoncée par l'ancien ministre, le parrain doit accepter de payer tous les frais de transport et de réinstallation. De plus, il doit parrainer la personne pendant 10 ans. Or, la Norvège et les États-Unis ont accepté d'accueillir ces personnes comme réfugiés, ce qui fait qu'elles n'ont pas eu à payer de droits ou à être parrainées. Certaines des familles ici, même si elles veulent être réunies avec leurs proches, n'ont pas les moyens de parrainer ceux-ci pendant 10 ans.
D'accord.
Nous allons maintenant passer aux questions. Je ne sais pas par où commencer.
Madame Faille.
[Français]
Il me fait grand plaisir et je suis honorée de vous voir tous ici aujourd'hui. Il est vrai que le comité a travaillé très fort l'année dernière et que nous nous attendions à ce qu'il y ait de plus grands résultats. Nécessairement, il y a des embûches. Vous les avez clairement identifiées.
Pour vous donner peut-être un peu plus de temps pour développer la question des considérations humanitaires ou les critères... Un peu plus tôt, M. Mahoney mentionnait qu'il pourrait peut-être explorer la question ou nous donner un peu plus d'informations. Pour le bien des gens qui sont ici, je crois que nous avons besoin d'informations plus détaillées. Peut-être le comité pourrait-il réitérer les actions que l'on a prises l'année dernière, de telle sorte que l'on puisse demander au ministère justement d'alléger les critères. Il serait bien que vous nous donniez un peu plus de matière au niveau de l'argumentation.
Quels détails voulez-vous? Voulez-vous des détails concernant le statut actuel de ces individus, ou l'argumentation juridique?
Il s'agit de l'argumentation juridique, car nous connaissons très bien la situation de ces personnes. Ce qu'il nous faut, c'est l'argumentation juridique, parce que c'est ce à quoi nous sommes confrontés maintenant. Des gens du ministère viendront nous donner l'argumentation juridique. Il serait donc utile que vous nous éclairiez à cet égard. Merci.
[Traduction]
Essentiellement, le CIC ne croit pas que ces réfugiés répondent aux critères de réinstallation. Je vous renvoie encore une fois à l'onglet 4, page 22. Le ministre de l'époque — en novembre dernier — précise, au paragraphe 3, que le Canada, en considérant la catégorie de personnes de pays d'accueil, a appliqué la définition plus vaste de réfugié et a conclu que ces personnes n'avaient pas besoin de sa protection.
Voilà la norme qu'applique le ministère. C'est le CIC qui détermine si ces personnes doivent être réinstallées ou protégées par le Canada. C'est le ministre qui décide. Si le ministre, et c'est ce qui s'est produit aux États-Unis, en Australie ou en Norvège, pense que ces personnes doivent être réinstallées et protégées et qu'elles constituent des réfugiés, il va agir en conséquence. La Norvège n'a pas de programme qui s'appuie sur la catégorie de personnes de pays d'accueil. L'Australie a mis sur pied un programme humanitaire spécial, et c'est par l'entremise de ce programme qu'elle a accueilli ces apatrides comme réfugiés. La Norvège a adopté une loi spéciale pour reconnaître ces personnes comme réfugiés. Le Canada, lui, n'a pas jugé bon de le faire, mais ce n'est-là que l'opinion du CIC.
Avec votre permission, j'aimerais renchérir sur ce point, et que les députés n'hésitent pas à m'interrompre ou à poser des questions quand ils estiment le point important.
Je me demande si c'est mon rôle d'essayer d'aider Sauver nos Viet Phi apatrides et, sur une note plus générale, d'essayer de bien représenter la position du ministère, de CIC, mais je crois que sa réticence à reconnaître ces personnes comme des étant réfugiés date littéralement du début du processus qu'avaient mis en place les Nations Unies aux Philippines, quand il y avait littéralement des centaines de milliers, si ce n'est plus, de Vietnamiens apatrides: un processus avait été mis en place. À la fin, presque tous étaient réinstallés quelque part. Seules quelques milliers de ces personnes ont été jugées comme n'étant pas des réfugiés.
Nous pourrions débattre jusqu'à la fin des temps pour savoir si c'était la bonne décision et si les choses se sont déroulées comme il faut, si les Nations Unies ont fait du bon travail ou pas. Toutefois, j'estime que ce n'est pas là le coeur du débat. Le ministère a pour principe que, puisque ces personnes n'ont pas été jugées comme étant des réfugiés à ce moment-là, on ne devrait pas les accepter comme réfugiés maintenant. Je crois qu'il s'agit là d'une plutôt bonne caractérisation de sa position.
Bien que je sois avocat, il ne faudrait pas s'attarder aux aspects légaux — toutefois, si vous insistez, aux termes du règlement d'application de la loi, il existe ce qu'on appelle la catégorie de personnes de pays d'accueil. Selon moi, le critère, qui est défini dans le document que vous avez devant vous, est clairement satisfait non seulement par la preuve que vous avez devant vous, dans ce cahier, mais par la preuve dont font état en règle générale les rapports sur les droits de la personne, les rapports du Département d'État et ainsi de suite qui établissent que ces personnes sont avant tout apatrides. Ensuite, elles ont fui leur pays d'origine, le Vietnam, par crainte de faire l'objet de persécutions et elles ne peuvent plus y retourner parce qu'elles n'y ont plus de droit de citoyenneté. Elles sont vraiment apatrides. Elles ont quitté leur pays pour fuir la persécution, parce que la guerre civile y régnait, de sorte qu'elles satisfont clairement aux critères de la catégorie de personne de pays d'accueil.
Cela étant dit, si, en tant que comité, vous ne souhaitez pas emprunter cette voie ou si le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration — CIC — ne veut pas l'adopter, il existe d'autres arguments juridiques et d'autres constatations de faits. Comme vous le savez en tant que députés — vous devez traiter de pareilles questions tous les jours —, le ministre a toujours le pouvoir, en vertu de l'article 25 de la loi, d'autoriser l'entrée d'une personne au Canada pour des raisons d'ordre humanitaire. Nous pouvons passer cette option en revue si vous le désirez.
Merci, monsieur le président.
Je tiens à vous remercier, vous et les autres personnes qui vous accompagnent, d'avoir accepté de revenir ici à nouveau, cette année. Il aurait été agréable que la situation de ces personnes ait été réglée l'année dernière. Quoi qu'il en soit, je vous remercie d'avoir répondu à notre invitation.
Je souhaite à nouveau la bienvenue à MM. Nguyen. J'ai attendu à l'aéroport de Vancouver pendant trois heures, jusqu'à ce que je doive prendre mon vol pour Ottawa, de sorte que j'ai manqué leur arrivée par deux heures. Nous commencions à être un peu inquiets. Peut-être que le comité voudra examiner les retards qui surviennent aux douanes et à l'immigration à Vancouver par suite des expériences qu'ils y ont vécues. J'ai donc malheureusement manqué des retrouvailles très réjouissantes, d'après ce qu'on m'en a dit, mais je suis content qu'ils puissent être des nôtres aujourd'hui.
J'aimerais aussi remercier Patrick et sa soeur d'être venus témoigner cet après-midi.
Je crois que nous aurions dû pouvoir répondre à l'appel et faire mieux que ce que nous avons fait dans ce dossier, et je persiste à croire que le Canada peut encore le faire. À mon avis, la catégorie de personne de pays d'accueil est la voie à suivre, étant donné l'expérience vécue par ces personnes. Il est inadmissible qu'on leur refuse le statut de réfugié en raison d'une définition ou d'une norme.
Il est très important que le comité creuse cette question à nouveau, peut-être exactement de la même façon dont il l'a fait la dernière fois. Le Canada peut selon moi offrir une résolution définitive et durable au terrible imbroglio dans lequel se trouvent ces personnes.
Quand je fais le tour de la salle, je suis également très ému par l'appui de la communauté. La plus forte représentation de la communauté que nous ayons accueillie en tant que comité a été la dernière fois, quand la communauté vietnamienne est venue manifester son appui à cette solution. Je trouve cela émouvant parce qu'il s'agit d'une communauté qui, maintenant qu'elle est établie et que la plupart de ses membres ont la citoyenneté canadienne, a appris ce que sont les valeurs canadiennes en matière de réintallation des réfugiés. Elle a connu la générosité et souhaite maintenant rendre la pareille à d'autres. C'est un hommage à notre adaptation et à la vôtre, ainsi qu'à votre adoption des valeurs canadiennes. Cela en dit beaucoup sur la communauté vietnamienne et sur les Canadiens dans leur ensemble. J'aimerais que le gouvernement rende plus facile au comité la tâche d'assumer la responsabilité qu'il est si disposé à assumer.
[Applaudissements]
M. Bill Siksay: Il est rare au sein de ce comité-ci qu'on entende des applaudissements. Toutefois, je ne m'en plains pas. En fait, c'était agréable.
Quoi qu'il en soit, je crois qu'il est très important d'aller de l'avant, de sorte que j'espère que nous pouvons faire les représentations qui s'imposent auprès du ministre et du gouvernement actuels. Peut-être pouvons-nous obtenir du nouveau ministre qu'on adopte une approche différente.
Je souhaitais demander à M. Mahoney de nous en dire un peu plus au sujet de la convention relative aux apatrides et de son utilité pour le dossier à l'étude.
Comme je l'ai dit, le Canada a une longue tradition dans ce domaine et a tenté l'an dernier de faire entrer le plus grand nombre de personnes possible. Certaines sont venues; pour d'autres raisons, d'autres pays ont répondu à l'appel, d'où la situation actuelle.
J'aurais quelques point à faire valoir au sujet de la convention relative aux apatrides. Tout d'abord, il importer de noter que le Canada et les Philippines sont des États signataires de la convention. C'est un fait. Nous pouvons affirmer officiellement, aux fins du compte rendu de la présente audience, que ces personnes sont actuellement apatrides. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire de vous en convaincre.
Le Canada s'était déjà montré, en fait, disposé et prêt à réduire l'apatridie dans le monde en signant la convention. Nous sommes un État contractant. Nous avons affirmé que nous réduirions le nombre d'apatrides dans le monde. Les Philippines s'y sont aussi engagées.
Enfin, l'Assemblée générale des Nations Unies a reconnu les droits fondamentaux des personnes qui ne sont pas des ressortissants de l'État où elles habitent. C'est justement le cas des Vietnamiens apatrides résidant aux Philippines. Bien que rien dans la loi ne nous oblige à admettre ces personnes simplement parce qu'elles sont apatrides — sans quoi il faudrait le faire dans chaque cas —, étant donné tous les faits qui nous ont été soumis et d'autres sources, c'est assurément un autre argument percutant selon lequel, que nous le fassions en changeant le règlement, en passant par la catégorie de personne de pays d'accueil, en recourant au paragraphe 25(1) — quelle que soit l'approche jugée appropriée, à vrai dire —, le fait que nous avons signé la convention et le fait que d'autres pays et l'Assemblée générale des Nations Unies aient eux aussi pris cet engagement est un autre argument nous incitant à bien faire.
D'accord.
Des libéraux n'ont pas encore eu la parole, et je crois que Borys avait la main levée.
Blair, acceptez-vous que je cède la parole à Borys?
D'accord.
Je vous remercie beaucoup d'être venu témoigner devant le comité et je vous remercie aussi de votre exposé.
J'ai examiné tous les documents et, en tant que libéral, je peux affirmer que le multiculturalisme, la tolérance, la communauté et la justice sont manifestement synonymes de la tradition de notre parti et, je crois, du Canada. Je parle aussi de la question d'un point de vue économique et social.
Actuellement, le Canada a une population vieillissante qui doit prendre sa retraite en 2012. Il existe donc une très forte demande de travailleurs de toutes sortes, surtout dans l'ouest du Canada, où il y a pénurie de travailleurs qualifiés. Quand la demande est problématique, qu'il y a un arriéré de demandes de citoyenneté canadienne, vous compris, il semble facile de faire correspondre les deux en fonction des valeurs sociales et des valeurs économiques.
J'ai quelques questions à poser. Tout d'abord, selon vous, en ce qui concerne la catégorie de personnes de pays d'accueil, telle que prévue dans le règlement de protection de l'immigration et de la protection des réfugiés, si ces personnes correspondent nettement aux objectifs, pourquoi faut-il que le ministre intervienne? Les demandes ne peuvent-elles pas être examinées et acceptées dans le cadre du processus habituel?
Voilà un excellent point. Le ministre n'a besoin d'intervenir aux termes du paragraphe 25(1) que s'il souhaite faire exception pour des motifs d'ordre humanitaire et délivrer un permis. Il n'est pas nécessaire qu'il intervienne. Il faut qu'un agent délégué en vienne à la conclusion qu'aux termes de la loi, la personne satisfait aux critères prévus pour cette catégorie et qu'elle ait un parrain du secteur privé. Toutefois, cela n'existe pas actuellement, de sorte qu'il faut que quelqu'un le constate.
Or, ce rôle n'appartient pas à la Commission de l'immigration et de la protection des réfugiés, comme ce serait le cas des demandes individuelles. Nous avons besoin d'un agent autorisé, en vertu de la loi, à faire cette constatation.
N'importe quel agent pourrait faire la constatation, par exemple un agent de l'ambassade de Manille.
Malheureusement, depuis 2002, la communauté a fait des représentations auprès de CIC pour lui demander si ces personnes pouvaient être reconnues, et CIC a répondu par la négative. En fait, il s'est efforcé de ne pas reconnaître les personnes comme étant des réfugiés en invoquant que d'autres pays ne l'ont pas fait. Comme vous pouvez le constater au quatrième paragraphe, l'argument est trompeur, et je suis très déçu. Affirmer que le Canada ne les reconnaîtra pas comme des réfugiés est une chose, mais induire un parlementaire comme M. Siksay en erreur et lui faire dire que d'autres pays n'ont pas reconnu ces personnes comme des réfugiés est tout autre chose. D'autres pays les ont en fait reconnues comme des réfugiés; vous en avez la preuve devant vous.
En fait, je viens tout juste de rencontrer des représentants de l'ambassade canadienne le mois dernier, parce que j'ai soulevé une objection au quatrième paragraphe selon lequel notre mission à Manille a confirmé que les Australiens n'ont pas accepté les Vietnamiens apatrides résidant aux Philippines comme étant des réfugiés. J'ai demandé à M. Charles Godfrey, le chef de la mission là-bas, de m'expliquer ce point. Il m'a dit qu'il n'avait jamais fait de pareille affirmation. Je lui ai répondu que je tenais à savoir qui l'avait fait, parce que de toute évidence c'est faux. On a qu'à vérifier auprès du gouvernement d'Australie.
À l'onglet 6, intitulé « Australia -- Confirmation of Resettlement as Refugees », la lettre dit clairement qu'il existe, en provenance de l'ambassade de l'Australie à Manille, une lettre d'approbation selon laquelle, à l'égard de l'application d'une sous-catégorie de réfugiés, une décision a été prise en 2003 de vous délivrer à vous et à votre famille le visa.
Toutes les preuves sont là, mais pour une raison que j'ignore, CIC s'efforce d'affirmer le contraire, de dire que ces personnes ne sont pas des réfugiés. Je n'en comprends pas la raison.
Avec votre permission, j'aimerais ajouter que c'est la réticence de CIC à faire cette constatation qui a entraîné le ministre à adopter l'approche qu'il a adoptée, soit de changer la définition de la catégorie. Il essayait de trouver un autre moyen de régler le cas de ces personnes.
Merci, monsieur le président.
J'aimerais remercier tous ceux qui sont venus ici aujourd'hui ainsi que la communauté pour son appui manifeste. Le dossier est nouveau pour moi puisque je suis un nouveau venu au sein du comité. J'en ignorais tout.
J'aimerais que M. Mahoney sache que je comprends qu'il existe des règles et des procédures à suivre pour entrer au Canada, mais je sais également que le ministre a le pouvoir discrétionnaire d'accorder l'entrée à quiconque. Si l'on avait vraiment voulu régler cette question de manière expéditive, je ne comprends pas pourquoi on n'a pas exercé ce pouvoir. Trois ministres différents ont assumé la responsabilité du portefeuille de l'immigration depuis deux ans. En réalité, je crois que le ministre Solberg est le quatrième.
Je suis simplement curieux. Y a-t-il une raison, que vous sachiez, pour laquelle aucun des autres ministres de l'immigration n'a pas simplement exercé son pouvoir discrétionnaire, évitant ainsi d'établir un précédent ou d'avoir à obtenir une interprétation de la politique?
Pour m'assurer que j'ai bien compris, vous faites allusion au paragraphe 25(1) qui confère au ministre le pouvoir de le faire.
Autant j'aimerais m'improviser porte-parole du gouvernement précédent...
J'aimerais tout d'abord faire une mise en garde. La situation factuelle est différente actuellement, et c'est l'argument que je souhaitais en réalité faire valoir. Ceux d'entre vous qui sont peut-être d'avis qu'il faudrait agir avec prudence dans ces dossiers d'immigration, quand...
Primo, CIC est d'avis, à tort ou à raison — selon moi à tort, mais mon opinion compte peu à vrai dire —, que ces personnes ne sont pas admissibles à la catégorie de personnes de pays d'accueil. Vous avez demandé pourquoi il ne recourt pas au paragraphe 25(1). La dernière fois que votre comité a tenu des délibérations et au moment où le ministre précédent a changé le règlement, il ne restait pas 188 Vietnamiens apatrides aux Philippines, mais bien des milliers. Le conseil donné à ce moment-là a peut-être été de dire que la façon la plus intelligente de régler le problème était de créer une catégorie au sein de laquelle des Canadiens pourraient parrainer des proches et de simplement l'élargir.
À mon humble avis, c'est une proposition raisonnable, et il serait juste de dire qu'elle aurait probablement permis de faire entrer plus de personnes de cette catégorie, sauf que d'autres pays, les États-Unis en particulier, ont aussi décidé d'agir, d'où la situation actuelle.
Je ne peux donc pas vous expliquer pourquoi les ministres antérieurs ont fait ce qu'ils ont fait, mais connaissant les conseils qu'on leur a prodigués et la réalité de la situation, c'est probablement la raison.
Enfin, je ne m'inquiéterais pas de créer, comme vous le dites, un précédent ou d'ouvrir maintenant tout grand la porte. Il ne reste plus que 188 personnes. Il n'est donc pas question, comme vous l'avez dit, d'un précédent massif ou d'ouvrir la porte peut-être plus grand que certains Canadiens seraient disposés à le faire.
Par souci de clarté, je précise que je ne laissais pas entendre qu'il fallait agir avec prudence. En toute franchise, je suppose que chaque fois qu'un nouveau ministre assume ces fonctions, lorsqu'on lui présente une décision prise par un de ses prédécesseurs, il va demander à son sous-ministre ou aux hauts fonctionnaires du ministère les motifs de cette décision de manière à mieux la comprendre. Je soupçonne que vous avez probablement une excellente idée de la manière dont ces décisions ont été prises.
Je vous remercie.
Je vais me limiter à une question très pointue, bien que j'aie d'autres questions à poser. Votre exposé a certes été convaincant et il était bien ficelé.
Le ministre précédent avait tendance à régler le problème en assouplissant essentiellement les critères de la catégorie « regroupement familial ». Malheureusement, quelle qu'en ait été la raison, très peu de personnes en ont profité, même si on avait ouvert une fenêtre dans le temps pour le faire.
Si l'on persistait dans cette voie particulière — sans arguer de la question des réfugiés pour l'instant ou de l'apatridie que vous avez mentionnée —, y a-t-il d'autres assouplissements qu'on pourrait apporter qui seraient utiles à certaines de ces personnes? En ce qui concerne les 188 qui restent, ont-elles présenté aux États-Unis ou à d'autres pays une demande qui a été refusée pour une raison quelconque et quelle était cette raison?
Il est juste de dire que le député demande à savoir si, en mettant de côté l'argument du pays d'accueil, il existe une autre option qui pourrait être utile pour changer la définition de la catégorie, une autre option que pourrait examiner le comité en vue de régulariser la situation des 188 personnes qui restent.
D'accord, vous avez dépassé les 15 secondes, de sorte que vous devrez patienter jusqu'au prochain tour de table.
La parole va à Borys pour les libéraux, puis à Mme Faille.
Je tiens à remercier tous les témoins d'avoir accepté notre invitation d'aujourd'hui.
Il est très évident, à partir des questions posées, qu'il existe une bonne volonté au sein de tous les partis. La question est de savoir comment le faire rapidement. Ces personnes attendent depuis très longtemps.
Vous avez décrit trois éventuelles méthodes que pourrait utiliser le gouvernement. Donc, en supposant que la semaine prochaine la volonté politique de faire avancer ce dossier existe toujours, de quelle sorte d'échéances parle-t-on?
Si CIC désigne ces personnes comme étant des réfugiés ayant besoin de la protection du Canada selon la définition de la catégorie des personnes de pays d'accueil, alors il suffit simplement de faire des demandes à Manille. Il faut de six mois à un an pour traiter les demandes. Si cela se produisait, j'espère que cet enfant pourra rencontrer son père dans un an. Il faut toute une année pour traiter la demande.
Si l'on se fie aux circonstances et à votre documentation... bien qu'elle soit très brève, elle énumère les personnes et leur expérience de vie. Ce sont des personnes qui ont vécu des expériences horribles et qui vivent dans des conditions que nous pouvons changer. Nous pouvons faire ce qui s'impose.
Pour ce qui est de la volonté politique et du pouvoir discrétionnaire du ministre, si dans le cadre des autres options, il faut un an avant que les enfants puissent être réunis avec leurs parents, la volonté politique peut servir de scalpel pour trancher dans toute cette bureaucratie. Vous avez des arguments convaincants. Nous comprenons tous la situation. Essentiellement, il est question d'avoir la volonté politique d'agir. Il semble qu'il y ait un consensus au sein de tous les partis.
Avec quelle rapidité croyez-vous qu'on pourrait agir? Il y a eu la révolution hongroise de 1956. Combien de temps a-t-il fallu au Canada pour agir et faire venir ces personnes ici?
Je ne le sais pas au juste, mais ce fut très rapide.
Il ne fait pas de doute que le pouvoir discrétionnaire conféré au ministre au paragraphe 25(1) serait probablement le moyen d'action le plus rapide parce que le ministre peut émettre un permis comme il l'entend. Il faut peut-être respecter certains processus et passer certaines formes de contrôle, mais le permis du ministre — comme le savent bien les parlementaires — peut être délivré très rapidement.
Merci.
Vous pouvez faire ce que vous voulez de la minute et demie ou des deux minutes qui vous restent. Si vous souhaitez donner ce temps de parole à Blair... où je pourrais revenir à lui après avoir...
Après avoir souligné la bonne volonté qui émane de tous les partis, je serais bien mal placé pour refuser de partager ce temps.
[Français]
Je vais poursuivre dans la même veine que Borys. Autour de la table, il y a actuellement une volonté que ces personnes soient reconnues comme réfugiés. La motion avait fait l'unanimité au comité. Je ne vois pas d'inconvénient à ce qu'on formule une motion ici, au comité, qu'on la dépose et qu'on puisse en discuter la semaine prochaine, ne serait-ce que pour faire témoigner des gens comme Rick Herringer et Charles Godfrey. Dans le document, je ne vois pas la lettre de Rick Herringer, qui était l'officiel de Manille à ce moment-là, mais rien ne nous empêche d'entendre ces officiels. Comme vous le dites, le ministre peut user de son pouvoir discrétionnaire et octroyer un permis ministériel.
Je crois que personne autour de cette table en voudrait au ministre d'accorder les 188 permis aux personnes qui recherchent justement le statut de réfugié. On parlait de délai, on se demandait combien de temps il leur faudrait pour arriver ici. On a deux cas témoins pour qui il a fallu une année au moins, et ces dossiers étaient complétés.
Je pourrais peut-être, pour le comité, déposer une motion détaillée afin de réitérer la volonté du comité de voir ces personnes obtenir un permis ministériel. Cela donnerait l'occasion au ministre ou a un officiel du ministère de venir expliquer les motifs pour lesquels on refuserait d'avoir recours à l'article 25.
[Traduction]
De plus, parlez-moi un peu des 200 personnes qui se trouvent aux Philippines actuellement. Se sont-elles intégrées, tant sur le plan économique que sur le plan social, à la société philippine? Leur intégration pose-t-elle un problème au Canada, en ce qui concerne leur réinstallation?
En réponse à votre question, je vous demanderais de consulter la toute première page de l'onglet 2, c'est-à-dire la page 4 du document émanant du bureau de l'immigration des Philippines. On peut y lire très clairement:
Le gouvernement des Philippines a toujours eu pour politique de rapatrier lesdits Vietnamiens au Vietnam ou de les réétablir dans un tiers pays disposé à les accueillir. Les Philippines n'ont jamais été et ne sont pas un pays de réinstallation. Par ailleurs, elles n'ont pas l'intention d'intégrer dans leur société des personnes dont les demandes d'asile ou de statut de réfugié ont été refusées au départ.
C'est ce qu'elles ont toujours soutenu. Les lettres suivantes, signées en 2003-2004 par l'Assemblée législative et par le Sénat des Philippines, ont confirmé que les Philippines n'ont aucune solution durable à offrir à ces personnes.
Donc, le HCR a-t-il été prié de décider plus ou moins à nouveau si ces personnes devaient être déplacées parce qu'elles...? Le Haut commissariat pour les réfugiés s'est-il presque retiré de ce dossier pour l'instant?
Oui. Il a fermé le camp en 1996, à la fin du programme spécial. Il a fermé tous les camps, et ces personnes ont été livrées à elles-mêmes. Depuis 1996, j'ai de nombreuses fois pressenti le Haut commissariat à Manille pour lui demander d'au moins confirmer qu'à l'époque, 2 500 personnes ont été laissées pour compte, sans solution durable. Il a refusé de le faire jusqu'à ce que je me rende à Genève en 2002 pour obtenir la confirmation. En fait, j'ai présenté la documentation à ce sujet l'an dernier.
Le Haut commissariat pour les réfugiés a constamment répété qu'il ne s'occupe que de réfugiés. Il ne prend pas en charge les autres. La lettre que j'ai obtenue du Haut commissariat affirme simplement que, si les pays de réinstallation peuvent les accepter, qu'ils le fassent, que le Haut commissariat ne peut pas le faire.
J'aimerais revenir à la question que j'ai posée tout à l'heure, qui est double. La première partie porte plus particulièrement sur l'assouplissement de la définition, y compris des critères financiers. La seconde concerne les demandes faites, par exemple, aux États-Unis. J'aimerais savoir si leur nombre a régressé pour une raison quelconque. J'ai d'autres questions. Si vous pouvez répondre brièvement aux deux premières, j'aurai le temps d'en poser plus.
Pour ce qui est de la première question, soit de savoir si la définition pourrait être assouplie davantage, je vous répondrai honnêtement que c'est effectivement possible. La formule est peut-être encombrante, elle n'accomplit peut-être pas ce que votre comité a cherché à accomplir grâce aux motions qu'il a adoptées, mais nous pourrions tous, à mon avis, songer à un amendement qui pourrait être adopté tout de suite pour, par exemple, permettre à Philip de parrainer l'arrivée de son père, dans ce cas particulier. Ce serait là un changement. Il ne règle peut-être pas le problème de nombreuses autres personnes. Il ne nous permettra peut-être pas de faire entrer les 200 que nous avions à l'origine demandé à accueillir. Dans l'ignorance de tous les faits et de tous les liens, des éventuelles personnes là-bas qui pourraient être parrainées et des liens qu'elles entretiennent avec des proches ici, je ne puis en dire davantage, mais c'est simplement un exemple qui me vient immédiatement à l'esprit.
Je ne sais pas -- et j'ignore si quelqu'un d'autre le sait – si, parmi les 188 qui restent, certaines personnes ont présenté des demandes à d'autres pays.
Elles n'ont pas fait de demande parce que les autres pays, tout comme le Canada, ne sont pas disposés à les accepter.
Le père de Patrick n'a pas présenté de demande au Canada parce que le Canada a déjà dit qu'il n'examinerait pas sa demande.
Pour en revenir à la catégorie de personnes de pays d'accueil dont vous avez parlé tout à l'heure, vous avez dit qu'elle n'offrait pas de solution durable. Je croyais avoir compris qu'il existait une certaine loi aux Philippines en vue de régulariser la situation des 188 qui font partie de cette catégorie. Est-ce vrai? Y a-t-il un projet de loi à l'étude en vue les intégrer? Je crois savoir que bon nombre de ces personnes ont épousé des Philippins et ont eu des enfants avec eux. Ils sont là depuis longtemps. Ils sont presque intégrés déjà, mais leur situation n'a pas été régularisée. Y a-t-il un projet de loi à l'étude actuellement visant à régler le cas de ces personnes?
Non, il n'y en a pas. En fait, plusieurs projets de loi ont été déposés, et la communauté réclame au gouvernement de leur accorder la résidence permanente, sans succès. Si vous allez à la page 5 de la documentation, juste après la lettre du bureau de l'immigration, vous trouverez une lettre adressée aux États-Unis par l'assemblée législative en 2003. On peut lire au troisième paragraphe, entre autres, que pour ces Vietnamiens apatrides depuis 13 ans...
Le projet de loi n'a jamais franchi l'étape de la seconde lecture à l'assemblée législative. Il faut qu'elle adopte une loi spéciale et, comme vous pouvez le comprendre, il faut beaucoup de temps pour adopter une loi. Il faut habituellement neuf ans environ aux Philippines, comme l'a indiqué l'assemblée législative, parce que la situation politique demeure instable. À un certain moment donné, le projet de loi s'apprêtait à être adopté en deuxième lecture par la Chambre basse, mais le président Estrada d'alors a été démis de ses fonctions. Un autre projet de loi a été déposé à la Chambre sous le régime Arroyo, et il y eu un coup d'État. Ensuite, il y a eu des élections, et un nouveau comité a été formé.
Donc, actuellement, il n'y a pas de projet de loi accordant à ces Vietnamiens la résidence permanente. En fait, c'est pourquoi ils sont apatrides depuis 17 ans. Si quelqu'un avait vraiment voulu régler le problème, la situation n'aurait pas duré aussi longtemps. Nous avons fait de notre mieux aux Philippines, mais que je sache, il est plus facile au pays de réinstallation — à l'Australie et aux États-Unis — de changer leurs politiques qu'aux Philippines d'adopter des lois.
Merci, monsieur le président.
Je ne suis pas membre du comité, mais je suis content d'être ici aujourd'hui parce cette tragédie est incroyable. Nous en avons tant entendu parler au fil des ans et avons tant eu à coeur le sort de ces personnes. Elles ont vécu tant de mauvaises expériences et ont été en quelque sorte abandonnées par le Haut commissariat pour les réfugiés. Le CIC a fondé beaucoup de ses décisions sur l'information qui lui était fournie par les Nations Unies. Malheureusement, cela a laissé beaucoup de personnes apatrides. Cela ne fait aucun doute. Elles se trouvent dans une situation très vulnérable et elles ont besoin de la protection de la communauté internationale.
De tous les arguments qui ont été avancés — et je crois qu'il se dégage également un consensus au sein des partis —, je conclus que nous souhaitons vraiment régler cette terrible tragédie humanitaire. Par contre, le moyen le meilleur et le plus rapide peut-être, comme l'a mentionné M. Mahoney, est que le ministre exerce son pouvoir discrétionnaire et qu'il accorde à ces personnes le droit d'entrer au Canada.
Serait-il utile que le comité adopte à l'unanimité une motion demandant au ministre d'aller de l'avant sans plus tarder?
Pour l'instant, notre communauté demande au comité de réfléchir au meilleur moyen d'aider à regrouper les familles et à trouver une solution pratique. Nous venons d'Ottawa, de Montréal, de Vancouver — d'organismes communautaires et d'organismes religieux. Nous vous avons rencontrés, chacun d'entre vous, de nombreuses fois l'an dernier, puis en tant que comité. Par ailleurs, la communauté était disposée à offrir du parrainage privé dans le cadre de la catégorie de personnes de pays d'accueil.
Enfin, pourriez-vous informer le ministre de votre volonté de vous mettre d'accord avec lui ou lui recommander que les personnes soient reconnues comme des réfugiés — quel que soit le meilleur moyen de regrouper les familles, pour que Patrick puisse voir son père, ce que vous pensez être le plus indiqué? Vous avez ce pouvoir.
Mario, si vous avez terminé, je peux céder la parole à Bill, qui souhaite poser une question.
Bill, allez-y.
Merci, monsieur le président.
Y a-t-il quoi que ce soit qui caractérise ces 118 personnes? Y a-t-il un problème particulier puisqu'elles sont les dernières des 2 000? Y a-t-il quoi que ce soit dont le Canada doit se préoccuper, étant donné leurs circonstances et le fait qu'elles sont les dernières là-bas?
Non, et c'est ce qu'il y a de plus malheureux. Elles n'ont jamais été prises en considération, de sorte qu'on n'a jamais refusé une demande de leur part. Ce n'est pas comme si elles étaient interviewées par les États-Unis, l'Australie ou la Norvège, puis que leur demande était rejetée en raison de leur état de santé ou de leur casier judiciaire. Leur cas n'a jamais même été examiné. On ne les a jamais interrogées.
On a refusé sa demande simplement parce que son père n'était pas autorisé à présenter une demande aux termes de la politique élargie annoncée par le ministre précédent. Il ne pouvait immigrer en Australie parce que l'Australie refusait d'examiner son cas. En fait, nous n'avons même pas fait de représentation pour son père en Australie parce que nous savions que l'Australie ne pouvait accepter qu'un nombre limité de personnes.
Donc, la réponse est non. En fait, la communauté demande au Canada de considérer ce groupe de la même façon que tout autre groupe de réfugiés. Ses membres devront se soumettre à des tests médicaux, comme les autres, et leur passé devra être examiné pour voir s'ils ont des antécédents criminels, comme les autres. Si les résultats de ces tests et de ces enquêtes sont bons, alors qu'on les accueille. S'ils ne le sont pas, qu'on les refuse.
La communauté est aussi disposée à faire des levées de fonds pour couvrir une partie du transport et des frais de réinstallation. En fait, la communauté et moi avons levé plus de 90 000 $ l'an dernier pour aider ces réfugiés à se rendre aux États-Unis. Parce qu'ils ne pouvaient pas venir au Canada, nous les avons aidés à se rendre aux États-Unis. Mai est également allée aux Philippines, comme d'autres, pour aider à traiter ces dossiers.
Hoi, je me demande si vous et Mai pourriez décrire avec plus de précisions le véritable quotidien de ces personnes. Mai, vous y avez fait allusion quand vous avez dressé une sorte de liste de circonstances générales, mais pourriez-vous nous en dire plus pour qu'on prenne vraiment conscience des difficultés auxquelles font face ces personnes chaque jour aux Philippines?
L'histoire d'une personne qui m'a vraiment frappée parce que je suis moi-même étudiante concerne un Vietnamien apatride de 22 ans. Je me suis liée d'amitié avec lui. Il s'appelle Le Huy. Il a été admis à l'université pour motif d'ordre humanitaire. Son professeur l'a fait entrer à l'université, mais une fois que le professeur a pris sa retraite, l'université a appris que l'étudiant n'avait pas la citoyenneté et qu'il était apatride. Elle l'a donc mis à la porte. Des affiches incluant sa photo ont été placardées partout dans l'université et l'accès au campus lui a été interdit. Il a été traité presque comme un criminel parce qu'il essayait de faire des études. Sans qu'il y ait faute de sa part, il a été incapable de le faire à cause de son apatridie. J'ai toujours tenu mon éducation pour acquise, et c'est une histoire qui m'a réellement beaucoup touchée.
C'est là une situation plutôt typique — ne pas avoir le droit de faire des études et de travailler. Je sais que beaucoup d'entre eux gagnent leur vie comme marchands ambulants parce qu'ils ne sont pas légalement autorisés à travailler.
C'est juste. Il est interdit de faire de la vente ambulante, de sorte qu'on se trouve pris dans un cercle vicieux: on a le choix de crever de faim ou d'essayer de survivre et de risquer la prison pour l'avoir fait.
C'est juste.
Autre chose qui me touche vraiment, c'est que les enfants qui ont des parents apatrides naissent eux-mêmes dans l'apatridie. Il n'existe pas de moyen de s'en sortir; ils demeureront apatrides. Même si les Vietnamiens apatrides épousaient des Philippines, leurs enfants demeurent apatrides. Il n'existe pas de solution actuellement.
Ainsi, le mariage à une personne ayant la citoyenneté philippine ne leur confère aucun statut particulier, pas plus qu'à leurs enfants.
D'accord.
Bill, je crois que je vais accorder vos deux dernières minutes à Rahim, qui a une question. Ensuite, nous ferons la synthèse.
Merci, monsieur le président.
Il est agréable de revoir plusieurs d'entre vous. Il est malheureux que le problème ne soit toujours pas réglé. Nous espérions qu'il le serait. Il en a été question pour la première fois au sein de ce comité-ci il y a deux ans presque, si je ne m'abuse.
En vertu de la nouvelle catégorie dont a parlé le ministre, huit personnes à peu près sont entrées au Canada jusqu'ici. Pourriez-vous simplement me le confirmer?
Oui, deux d'entre elles sont ici actuellement.
Y en a-t-il d'autres qui ont présenté une demande? Je sais que vous avez dit qu'ils craignaient que leur demande ne soit pas traitée, qu'elle soit rejetée ou je ne sais trop quoi encore. Combien des 500 — des 200 familles — que nous avons identifiées ont en réalité franchi les étapes du processus? Je n'ai peut-être pas entendu quand vous nous avez fourni cette information.
À l'origine, 56 familles, soit 200 personnes environ, ont été jugées admissibles. Le comité en a reconnu 500, mais la politique en visait 200 environ.
De ces 56 familles ou 200 personnes, seulement huit familles ont présenté une demande. Les autres sont allées aux États-Unis. La majorité d'entre elles a choisi les États-Unis parce que ceux-ci les ont reconnues comme réfugiés, leur ont remis de l'argent et tout le reste quand elles se sont établies là-bas.
En ce qui concerne le parrainage de 10 ans, nous avons fait venir l'an dernier une famille qui ne pouvait assumer les frais parce que la dame était le seul gagne-pain. Ses six frères et soeurs étaient aux Philippines . Elle aurait pu présenter une demande, mais cela aurait coûté à la famille des dizaines de milliers de dollars. Donc, la famille ne pouvait pas être regroupée.
Vous êtes donc en train de dire qu'il reste 188 personnes. L'une d'entre elles a-t-elle trouvé une source de parrainage ou d'éventuels liens ici au Canada? Si nous allons insister sur ces groupes particuliers, y a-t-il moyen d'accélérer le traitement de leurs dossiers?
Si ces personnes sont reconnues comme faisant partie de la catégorie de personnes de pays d'accueil, elles continuent de devoir avoir un parrain du secteur privé. Ce que nous en disons, c'est que le comité souhaite effectivement intervenir et fournir les parrains privés.
Dans le cas de Patrick, nous aimerions que sa mère ou son oncle, par exemple, soit le parrain. Toutefois, dans le cas de personnes qui n'ont pas de famille ici, le comité interviendra et fournira le parrainage exigé pour la catégorie de personnes de pays d'accueil. Il est disposé à en partager le fardeau avec le Canada.
Je vous remercie. Nous vous sommes vraiment reconnaissants d'être venu ici aujourd'hui pour défendre votre cause. Vous l'avez d'ailleurs fort bien fait, croyez-moi.
Nous ne pouvons faire autrement que d'être émus par le nombre de personnes qui sont venues aujourd'hui vous appuyer. Ayez l'assurance que le ministre sera pleinement informé de tout ce que vous avez dit aujourd'hui, surtout du fait que son secrétaire parlementaire est membre de notre comité.
Je vous remercie.
Tout d'abord, nous souhaitons simplement vous remercier à nouveau de nous avoir invités ici aujourd'hui et nous tenons à remercier le comité de la 38e législature d'avoir adopté la motion l'an dernier.
Comme vous pouvez le voir, nous comptons des membres un peu partout au Canada—à Vancouver, à Toronto, à Montréal et à Ottawa, y compris parmi les membres de l'United Buddhist Congregation—qui sont venus nous appuyer.
Comme nous le savons tous, il y a actuellement dans le monde 20 millions de réfugiés. Alors, pourquoi faudrait-il intervenir et aider ce groupe? Tout d'abord, je tiens simplement à dire que le Canada est bien connu pour son aide aux réfugiés de la mer qui sont maintenant intégrés à la société canadienne. Dans mon cas, comme je suis né ici au Canada, j'ai pu faire un apport à ma société et à mon pays.
Le Canada accueille quelque 30 000 réfugiés par année. Nous demandons seulement qu'un petit nombre soit admis : 188 personnes. C'est moins que 1 p. 100 du quota annuel. Seulement l'an dernier, 200 places ont été réservées au regroupement des familles, et nous n'en avons utilisées que 27. De plus, ces personnes méritent qu'on les aide. Elles attendent depuis 17 ans.
Nous avons l'appui du Vietnamese Canadian Committee et de nos amis de tous les coins du pays qui ont dit qu'ils étaient prêts et disposés à faciliter l'intégration de ces personnes dans notre société, de fournir les parrainages privés requis et de lever les fonds nécessaires pour les amener ici.
En fait, nous avons joint le geste à la parole. Mon bon ami Thao Duong et moi avons personnellement signé en tant que parrains financiers personnels d'une des huit personnes qui ont été admises au Canada.
Pour toutes les raisons qui précèdent, aidez-nous, je vous en supplie, à trouver un moyen d'alléger le sort de ces pauvres personnes. Je vous remercie beaucoup.
D'accord. Je vous remercie.
Nous aimerions continuer, mais nous avons aussi prévu d'entendre un groupe de défense des adeptes du Falun Gong. On aimerait bien pouvoir continuer de poser des questions.
Je ne veux pas poser de question. Je veux seulement mentionner que nous avons eu une discussion et que demain matin, je vais déposer une motion mise à jour portant le libellé convenu par les députés pour remplacer la motion que j'ai présentée l'an dernier afin d'appuyer Sauver nos Viet-Phi apatrides. Nous pourrons ensuite poursuivre notre travail à cet égard avec les représentants du ministère. Je pense que nous allons trouver un moyen d'obtenir l'appui dont vous avez besoin.
Oui. Ils ne viennent pas de moi ni de nos députés. Ils viennent d'un député vietnamien, Wayne Chow, de l'Assemblée législative de l'Alberta, que bon nombre d'entre vous connaissez sans doute. Il a produit toute une série de certificats de l'Assemblée législative, dans lesquels il nomme bon nombre d'entre vous qui avez travaillé à cette cause, et il voulait les présenter au nom du peuple de l'Alberta et de tous ceux qui se préoccupent de cet enjeu.
Comme je viens de l'Alberta, il m'a demandé de les présenter. C'est un honneur pour moi de le faire. Lorsque nous aurons terminé la séance, je vous les distribuerai.
Vous pouvez les distribuer.
Encore une fois, merci infiniment, vous réentendrez sûrement parler de nous.
Nous allons interrompre nos travaux environ cinq minutes.
Je vais demander à tout le monde de s'asseoir pour que nous puissions commencer la réunion.
Au nom du comité, je souhaite la bienvenue aux représentants de la Falun Dafa Association of Canada.
Monsieur Chipkar, je vais vous laisser nous présenter vos membres.
Nous avons environ une heure. Je pense que vous connaissez la formule; nous commençons par une présentation d'environ dix minutes, puis les membres du comité posent des questions et discutent avec vous.
Comme vous êtes le porte-parole de votre groupe, je vais vous céder la parole, à vous ou à un autre de vos membres.
M. Matas s'exprimera le premier, mais je vais vous présenter notre groupe : Shawn Li, président de la Falun Dafa Association; Carolyn Jin et trois autre témoins qui nous accompagnent, des adeptes persécutés en Chine.
Voici M. David Matas.
Vous pouvez commencer dès que vous le voulez. Comme je l'ai dit, vous avez dix minutes environ pour votre exposé, puis nous donnerons la parole aux membres du comité qui veulent poser des questions.
C'est moi qui vais parler le premier, mais ce n'est pas moi qui vais parler le plus longtemps. Je vais essayer d'être bref.
J'aimerais vous parler du cadre juridique général pour les solutions que nous demandons à ce comité de recommander. Nous demandons d'abord au comité de faire en sorte que le gouvernement du Canada accorde la protection de réfugiés aux adeptes du Falun Gong depuis les bureaux de visas canadiens à l'étranger, à l'extérieur de la Chine, par le truchement du programme de parrainage de réfugiés du gouvernement, parce que chaque année, le gouvernement accueille environ 7 500 réfugiés qu'il parraine. Nous demandons que les adeptes du Falun Gong fassent partie de ce nombre. Nous demandons qu'un nombre précis de visas de réfugiés soit alloué aux adeptes du Falun Gong et que ce nombre soit suffisant pour comprendre tous ceux qui ont des liens avec le Canada, qui sont persécutés et qui n'ont pas de solution durable dans leur pays d'origine.
Pour ce qui est de la situation au Canada, nous comprenons que c'est la commission ou l'agent d'examen des risques avant renvoi qui prend les décisions au cas par cas. Bien souvent, on se demande toutefois si une personne est vraiment adepte du Falun Dafa. C'est parfois une question de crédibilité. Évidemment, la Falun Dafa Association ne prend pas elle-même les décisions sur le statut de réfugié, ni ne peut répondre chaque fois à la question de savoir si une personne est une adepte du Falun Gong. Cependant, elle sait que certaines personnes sont membres du Falun Gong, elle s'offre comme ressource et demande qu'on la croit lorsqu'elle dit qu'une personne fait partie du Falun Gong.
Le troisième contexte qui pose problème, c'est celui des personnes qui se trouvent en Chine. Habituellement, nous n'octroyons pas le statut de réfugié aux personnes qui se trouvent dans le pays où elles sont persécutées, mais il y a une exception, soit la catégorie de personnes de pays source. La liste des pays de cette catégorie compte six pays. La Chine n'en fait pas partie, mais nous demandons à ce qu'elle y soit inscrite. Voilà donc pour le système de réfugiés.
Il y a deux volets à notre requête. Premièrement, nous demandons la protection des adeptes persécutés du Falun Gong. Deuxièmement, nous demandons que les personnes qui persécutent les adeptes du Falun Gong soient déclarées inadmissibles. Nous demandons que le gouvernement du Canada refuse un visa et l’entrée au pays à tout étranger dont on a des motifs raisonnables de croire qu’il serait complice de crimes contre l’humanité commis contre des adeptes du Falun Gong. C'est assez clair. Ce n'est qu'une reprise des termes de la loi appliqués à ce groupe de personnes. Cependant, nous irions plus loin et dirions qu'il faudrait refuser des visas à ces personnes, quel que soit leur objectif d'entrée, que ce soit pour accéder à un poste consulaire diplomatique, pour faire du commerce, pour participer à des rencontres bilatérales ou intergouvernementales tenues au Canada, de passage pour se rendre ailleurs ou pour toute autre raison.
Le problème actuellement, c'est qu'il existe ce qu'on appelle la Loi sur les missions étrangères et les organisations internationales, qui permet essentiellement aux personnes qui participent à des événements au Canada, à des rencontres internationales faisant l'objet d'une ordonnance, d'entrer au pays même s'il s'agit de criminels de guerre ou de criminels contre l'humanité. Cette loi a même préséance sur la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et l'interdiction d'entrée qu'elle prescrit lorsque les gens entrent au pays à des fins consulaires diplomatiques ou intergouvernementales. Nous sommes contre. Ces personnes ne devraient pas être admises, quel que soit le but de leur visite, si elles sont complices de crimes contre l'humanité commis contre le Falun Gong.
Nous affirmons aussi que les personnes qui se trouvent au Canada, qu'elles fassent ou non partie de la mission consulaire ou diplomatique chinoise, devraient être expulsées du Canada si elles ont participé à des activités d'incitation à la haine contre le Falun Gong, parce que c'est un grave problème. Cela contrevient à nos lois, et nous ne devrions pas accorder l'immunité diplomatique ou consulaire contre l'application des lois sur l'incitation à la haine aux personnes incitant les autres à poser des gestes haineux à l'endroit des adeptes du Falun Gong du Canada. Ces personnes aussi devraient être expulsées du Canada.
En gros, c'est notre position juridique et l'essence de notre motion. Pour vous parler des faits, je vais céder la parole à Joel Chipkar.
Merci. J'aimerais remercier sincèrement le comité de l'immigration de nous donner l'occasion de lui présenter notre point de vue aujourd'hui.
Nous vous demandons de renforcer la protection des adeptes en Chine et au Canada, de reconnaître la compétence de la Falun Dafa Association en la matière et de protéger l'intégrité du Canada en interdisant d'entrée les responsables de torture et de crimes contre l'humanité commis contre les adeptes du Falun Gong.
Pour ceux d'entre vous qui ne le savent pas, le Falun Gong est une croyance spirituelle profonde. C'est un exercice de culture du corps et de l'esprit qui épouse les principes de la vérité, de la compassion et de la tolérance. Tout le monde sait qu'en Chine, la liberté de croyance n'existe pas. Il n'y a aucune religion ni discipline spirituelle existante qui ne soit régie par le Parti communiste chinois.
En 1999, le président de l'époque, Jiang Zemin, a ordonné des mesures énergiques et violentes de persécution. Depuis sept ans, la persécution s'observe dans tous les secteurs de la société chinoise, dans les 30 provinces de la Chine. Le système judiciaire en entier est menacé. Les avocats et les juges ont la consigne de ne pas défendre, mais de criminaliser les adeptes du Falun Gong. Tout le système d'éducation force les élèves et étudiants de la maternelle à l'université à condamner le Falun Gong, faute de quoi ils risquent l'expulsion. Les milieux de travail privés et publics persécutent les adeptes en les congédiant, en prenant leur maison ou en les envoyant dans des classes de lavage de cerveaux. Les citoyens reçoivent des récompenses pour espionner et signaler les adeptes.
Cette persécution a mené à l'emprisonnement et à la mise en camps de travail forcé sans procès de centaines de milliers d'innocents, dont des milliers sont morts sous la torture. Parmi les méthodes de torture les plus barbares, on ligote des femmes nues avant de les jeter dans des cellules de criminels masculins, où elles sont victimes de viols collectifs, d'avortements forcés, de suffocation, d'injections de drogue, de brûlures et d'électrocution.
Les cas que je vais vous présenter sont documentés par des ONG, la Commission des droits de l'homme des Nations Unies et Amnistie internationale. Ils représentent moins d'un pour cent des cas de torture connus en Chine aujourd'hui.
En novembre 2005, le Parti communiste chinois a ordonné la fermeture forcée du cabinet d'un avocat respecté du nom de Gao Zhisheng en Chine, parce qu'il avait mené une enquête poussée et indépendante sur la persécution du Falun Gong. Amnistie internationale a publié un bulletin d'action urgente après qu'il a été victime d'une tentative d'assassinat. Voici quelques-unes des nombreuses histoires sur lesquelles il a compilé de la documentation dans son enquête.
[Mme Chang]... a baissé la tête de honte pendant qu'elle racontait son expérience humiliante dans un camp de travail : ...Ils m'ont ligotée nue, puis plusieurs détenus ont commencé à me pincer les seins, à arracher mes poils pubiens et à me lacérer le vagin. Ils utilisaient une brosse qui servait habituellement à récurer les toilettes. ...[Ils] frottaient sans cesse mon vagin avec cette brosse. Je ne pouvais plus supporter cette atroce douleur et j'ai succombé à leur demande de ne plus faire les exercices du Falun Gong dans le camp.
Des détenus ont fait plusieurs noeuds dans une corde épaisse et l'ont frottée sur le vagin de [Mme Wang Lijun] dans un mouvement de scie avant arrière. Tout son corps inférieur a enflé. Le chef de police a ensuite ordonné aux détenus d'enfoncer dans son vagin enflé le bout brisé d'un manche de moppe cassé. La torture a fait saigner abondamment le vagin de Mme Wang. ...J'ai également vu ces détenus faire subir la même torture à une vierge.
M. Liu Haibo s'est fait arracher tous ses vêtements et a été forcé de s'agenouiller. Le policier a poussé le plus long bâton électrique qu'il pouvait trouver [dans son rectum et l'a allumé]. Liu est mort immédiatement sur les lieux. ...Vingt-trois adeptes ont été torturés à mort à cet endroit. J'en connaissais beaucoup. Les policiers ont simplement brûlé leurs corps dans un trou.
La persécution est répandue dans tout le pays et dans les 30 provinces. Elle ne se limite pas aux millions de personnes en Chine qui pratiquent le Falun Gong, elle détruit leurs familles et leurs amis. Toute la structure sociale et morale d'une société est détruite par cette persécution. Des rapports externes du département d'État des États-Unis et d'Amnistie Internationale confirment que cette persécution est arbitraire et que quiconque est associé au Falun Gong peut être en danger.
Le 21 avril 2005, la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada a déterminé que la persécution répandue et systématique contre le Falun Gong constituait un crime contre l'humanité. Le 25 octobre 2005, Amnistie Internationale Canada a confirmé ses inquiétudes sur la déportation d'adeptes vers la Chine et a déclaré que les adeptes du Falun Gong qui étaient portés à l'attention des autorités chinoises par leur vaste réseau de renseignements en Chine et à l'étranger risquaient de voir leurs droits de l'homme bafoués et par conséquent, avaient besoin de protection. L'organisme a affirmé aussi ce qui suit:
Nous nous inquiétons de l'utilisation répandue de la détention arbitraire et de la torture ou des mauvais traitements infligés aux adeptes du Falun Gong et des informations selon lesquelles les autorités chinoises surveillent les activités de militants chinois à l'étranger, y compris... des adeptes du Falun Gong. [Traduction]
Il y a au moins 120 personnes qui vivent actuellement ici, au Canada, qui ont été victimes de torture, dont M. Lizhi He, qui a passé trois ans et demi en prison, où il a presque été tué. Son seul crime était d'avoir envoyé des lettres à ses amis pour leur dire la vérité sur la persécution du Falun Gong.
Comme la protection des véritables adeptes du Falun Gong est une question de vie et de mort et dans le contexte des renseignements que je viens de vous donner, nous demandons que le comité de l'immigration adopte la motion jointe à cet égard.
Nous vous remercions sincèrement de nous consacrer de votre temps et de nous permettre de venir ici aujourd'hui discuter de cette question avec vous.
Avez-vous déjà demandé aux tribunaux internationaux ou canadiens de statuer qu'il s'agissait de crimes contre l'humanité? Cette démarche a-t-elle été faite?
Il y a eu un jugement en ce sens dans l'affaire d'un réfugié nommé Guang Sheng Han. C'est un arrêt rapporté. Il a été exclus parce qu'il a été complice de crimes contre l'humanité en tant que responsable d'une prison où les adeptes du Falun Gong étaient persécutés.
Il y a donc un jugement en ce sens dans la jurisprudence canadienne.
Je vois. Merci.
Je suppose que vous êtes prêts pour les questions et la discussion.
Borys, voulez-vous commencer, ou Blair?
Monsieur le président, j'aimerais dire quelque chose avant que nous interrogions les témoins. Je pense que le comité sera ouvert à cette proposition.
Je remarque que nous recevons des témoins ayant vécu des expériences personnelles pénibles. Je sais que nous donnons habituellement une période de temps limité aux intervenants, mais je me demandais si nous pouvions leur octroyer deux ou trois minutes chacun pour nous faire part de leurs expériences, s'ils peuvent le faire. Je pense que cela nous renseignerait sur la situation, surtout que les témoins ont été confrontés personnellement à ce problème.
Je ne sais pas si les membres du comité et les témoins seraient...
Voulez-vous procéder de cette façon, monsieur Chipkar? Croyez-vous qu'il serait juste que nous demandions à vos représentants qui ont subi de la torture de nous donner quelques minutes, s'ils sont prêts à le faire?
Nous siégeons de façon très informelle aujourd'hui, et s'ils veulent nous dire un mot ou deux, c'est très bien. Sinon, nous pouvons donner la parole aux membres du comité, qui pourront poser des questions. Tout dépend d'eux.
Les membres du comité sont-ils d'accord? D'accord.
Vous pouvez prendre la parole comme vous le voulez et dire ce que vous voulez.
J'ai commencé à exercer le Falun Gong en 1995 et j'ai beaucoup bénéficié de cette pratique. Je travaillais comme ingénieur principal au Ministère du bâtiment en Chine. En 1999, lorsque la persécution du Falun Gong a commencé, j'ai pris conscience qu'il n'y aurait pas de liberté de croyance en Chine, donc j'ai demandé à être reçu comme immigrant au Canada.
En 2000, ma demande d'immigration a été approuvée, mais juste avant que je sois prêt à déménager au Canada, j'ai été arrêté, simplement parce que j'ai envoyé des lettres personnelles à mes amis pour essayer de leur dire la vérité. Je voulais qu'ils sachent que cette persécution se fondait sur des mensonges et qu'elle ne profitait ni à la nation ni à personne. Je ne me rendait pas compte que pendant tout ce temps, j'étais suivi, surveillé, et que mes lettres étaient interceptées. Plus tard, j'ai été accusé d'essayer de saboter la solidarité politique de la Chine. J'ai été arrêté et jeté en prison pendant trois ans et demi.
En prison, j'ai beaucoup souffert physiquement et mentalement. Pendant que j'étais détenu, j'étais ligoté nu et on versait de l'eau glacée sur mon corps. J'ai eu de fortes fièvres pendant presque deux mois. J'ai ensuite été transféré ailleurs, où j'ai été forcé de faire des exercices physiques ardus comme de courir et de sauter sans arrêt. Cette forme de punition physique a presque détruit ma santé. J'ai failli mourir. C'est là où j'ai été envoyé dans une prison, où un examen physique a révélé que mon poumon adhérait à mon diaphragme parce que j'avais souffert de fortes fièvres pendant longtemps. Les rayons X ont montré que mon poumon n'était pas clair. Je ne pouvais même pas prendre de courtes respirations profondes. J'avais aussi d'autres problèmes dont de graves troubles du foie. Je toussais beaucoup et urinait beaucoup.
Malgré mon état de santé lamentable, j'ai reçu des dizaines de milliers de volts en électrochocs d'un bâton électrique parce que je refusais toujours d'abandonner ma croyance. J'ai également souffert de séquelles mentales, parce que tous les jours en prison, j'étais contraint de regarder des vidéos des scènes sanglantes fabriquées à dessein de suicides et de tueries. Je les regardais heure après heure, tous les jours, et je pense que c'était pire que de l'esclavage. Après trois ans et demi, j'ai été relâché, c'était en janvier 2004.
Encore une fois, je suis très reconnaissant au gouvernement canadien de m'avoir donné la permission d'immigrer au Canada. J'ai retrouvé ma femme en mai 2004.
C'est une grande chance. Je vous dis merci.
Monsieur le président, peut-être pourrions-nous poursuivre et répondre aux questions, et s'il nous reste du temps, nous pourrons revenir aux autres témoins.
Merci, monsieur le président.
J'aimerais remercier nos témoins, particulièrement ceux qui ont vécu personnellement ces horribles expériences aux mains des autorités chinoises.
Je pense que le témoignage que nous venons d'entendre montre bien qu'il ne s'agit pas que d'une aberration. On nous a dit qu'en 1999, le gouvernement avait pris une décision. Un témoin nous a parlé des différents types d'interrogatoires et de tortures utilisés. Le fait qu'on ait produit des vidéos laisse croire à une approche très méthodique cautionnée par l'État. Il ne s'agit pas d'une aberration. Ce n'est pas qu'il y a peut-être des gens particulièrement sadiques à certains endroits, ou que dans certaines provinces, les autorités locales ont adopté une position spécifique. Je crois que cela reflète la position du gouvernement chinois et montre bien quels moyens celui-ci est prêt à utiliser pour arriver à ses fins.
Selon Amnistie Internationale, environ 2 500 adeptes du Falun Gong sont en prison. Cela correspond-t-il plus ou moins à vos estimations? Combien d'adeptes y a-t-il en Chine?
En 2001, l'Australian Broadcasting Corporation a réalisé un reportage d'enquête. Elle rapportait les persécutions dans leur dure réalité, et je cite :
Les adeptes du Falun Gong représentent près de la moitié des Chinois que l'on détient dans des camps de travail, sans aucune décision judiciaire.
Nous savons que des milliers et des milliers d'adeptes ont été assassinés alors qu'ils étaient détenus par la police, et que des centaines de milliers d'autres sont prisonniers dans des camps de travail. L'Association Falun Dafa peut seulement confirmer le décès d'environ 2 800 personnes.
Nous ne pouvons pas inventer de chiffres. Nous voudrions vous fournir des données plus proches de la réalité, mais nous ne pouvons le faire en raison de la vaste campagne de dissimulation qui est menée. En plus, il est impossible de demander aux médias d'enquêter. Reporters Sans Frontières a condamné la Chine pour son blocage médiatique total concernant les persécutions liées au Falun Gong.
J'ai quelques remarques à faire.
D'abord, en ce qui concerne le nombre de détenus, Amnistie Internationale a dressé une liste grâce à ses propres moyens de vérification. Les chiffres que nous avons correspondent à ceux communiqués par ABC, l'Australian Broadcasting Corporation, et environ 50 p. 100 des gens visés sont prisonniers dans des camps de travaux forcés. Selon une source fiable, entre un quart de million et deux millions de personnes y sont retenues contre leur gré. Je pense qu'au moins 100 000 personnes sont actuellement derrière les barreaux. Bien entendu, beaucoup de gens sont emprisonnés puis libérés, et nous savons que les personnes incarcérées pour une courte période se comptent par millions. Donc, le nombre de gens touchés est très élevé.
Par ailleurs, au moins 2 862 personnes sont fichées et font l'objet de contrôles, et nous avons nos propres moyens de vérifier ces données. Mais comme Joel l'a mentionné, compte tenu du blocage et de la dissimulation de l'information, les chiffres réels pourraient être bien plus importants.
Et pour ce qui est de la seconde partie de la question, avez-vous une idée approximative du nombre d'adeptes du Falun Gong en Chine?
Début 1999, avant les mesures de répression, le gouvernement estimait qu'il y avait entre 70 et 100 millions d'adeptes. Cette information a été largement diffusée par les médias. C'est l'une des causes du problème — ils étaient plus nombreux que les 33 millions de membres du Parti communiste à ce moment-là. C'est aussi une question de jalousie; on voulait avoir la mainmise sur le pouvoir. C'est l'une des raisons pour lesquelles on a réprimé le mouvement. Donc, il y a de 70 à 100 millions d'adeptes en Chine.
Merci.
C'est un élément intéressant qui m'amène à poser la question suivante : combien y a-t-il d'organisations soi-disant « hérétiques » en Chine? C'est le terme qu'emploie le gouvernement chinois. Combien y a-t-il d'organisations ainsi désignées?
C'est difficile à dire. D'après la liste initiale figurant dans le rapport envoyé par Amnistie internationale, je sais qu'elles étaient environ une douzaine. En fait, tout ce qui n'est pas conforme à l'idéologie communiste est ainsi catégorisé par le gouvernement, et sera traité comme tel. Ainsi, ce ne sont pas seulement ces organisations qui sont visées; il y a aussi les Tibétains, les chrétiens et les catholiques. Tous sont opprimés, mais le Falun Gong est le plus grand groupe à être la cible de harcèlement en Chine, et celui victime de la répression la plus sévère.
[Français]
Lorsqu'on se penche sur la question, on constate que les infractions aux droits fondamentaux de la personne sont tout à fait inacceptables de la part de la Chine, et le Canada doit faire beaucoup plus lorsque vient le temps d'établir des relations économiques ou encore de signer des ententes avec la Chine. Il doit notamment inclure des règles quant aux droits de la personne.
Johanne Deschamps, avec qui je vais partager le temps qui m'est alloué, vous parlera un peu de ce que fait le Bloc québécois par rapport au Falun Gong. Par contre, à court terme, je crois que certains dossiers sont urgents, comme le renvoi de personnes qui ont demandé le statut de réfugié au Canada.
Au meilleur de votre connaissance, combien d'ordonnances de renvoi ont été délivrées contre les adeptes du Falun Gong jusqu'à présent? On m'a sollicitée pour que je m'implique dans quelques dossiers, mais vous avez une meilleure idée du nombre de ces personnes. J'aimerais également que vous expliquiez le contexte politique que vous m'avez déjà décrit. Vous aviez l'appui du premier ministre de l'époque; que s'est-il passé depuis ce temps à la CISR? Pourquoi, tout à coup, a-t-on commencé à renvoyer les gens du Falun Gong?
[Traduction]
Merci beaucoup d'avoir posé cette question. Joel pourra ajouter des commentaires quand j'aurai terminé.
Le Canada est le premier pays au monde à avoir officiellement condamné la persécution des adeptes du Falun Gong, le 26 juillet 1999. Un titre du Globe and Mail disait ceci : « le Canada condamne les mesures répressives de la Chine ». Par la suite, M. Axworthy a également dénoncé ces pratiques, comme l'a rapporté Reuters. Nous sommes donc très fiers du geste du gouvernement de l'époque.
Mais, en même temps, nous avons aussi été découragés d'apprendre que le renvoi de Hu Xiaoping, une adepte vivant à Montréal, avait été fixé au début du mois d'août dernier, soit juste un mois avant la visite au Canada du président chinois, Hu Jintao. Ne serait-ce que par sa coïncidence, ce cas était réellement déchirant pour nous. Nous pouvons maintenant confirmer qu'on avait fait cela pour plaire à nos hôtes chinois, mais cela nous a profondément déçus.
Je conçois qu'il puisse y avoir des erreurs, mais une situation similaire s'est déjà produite par le passé. Il y a environ quatre ans, on avait prévu de renvoyer une autre personne en Chine, mais l'Association Falun Dafa est intervenue et l'a identifiée comme adepte du Falun Gong, et le Canada a pris des mesures immédiates pour annuler son renvoi, même si le délai était très serré.
Nous avons fait la même chose dans l'autre cas; nous nous sommes mobilisés, même juste avant le décollage de l'avion de Vancouver, début août, et nous avons tenu une conférence de presse sur la Colline parlementaire. Nous avons constaté une certaine détermination à renvoyer cet homme en Chine. Au Canada, c'est le seul cas de renvoi d'un adepte du Falun Gong reconnu par l'Association Falun Dafa.
Hormis le Canada, nous savons que le Cambodge a fait la même chose le 9 août 2002, à la suite des pressions exercées par la Chine pour qu'il renvoie deux adeptes. Ceux-ci possédaient un certificat de protection des réfugiés de l'ONU, mais on les a quand même déportés, et ce geste a été condamné dans le monde entier. La Thaïlande et les Émirats arabes unis ont fait des efforts pour empêcher de tels renvois.
Pour le cas aux EAU, nous avons fait appel à l'ambassadeur canadien là-bas, et le Canada a délivré un visa spécial à Yuzhi Wang pour qu'elle puisse venir ici. Mais en ce qui a trait au cas dont nous avons parlé — et c'est l'une de nos requêtes —, nous espérons, premièrement, que cela ne se reproduira plus jamais. Deuxièmement, nous voulons le retour au Canada de Hu Xiaoping, parce que, d'une part, lorsqu'on l'a renvoyé en Chine, il était déjà la cible de persécutions psychologiques et ne pouvait pratiquer librement, et que, d'autre part, il risque à tout moment des persécutions physiques. Même avec notre collègue de Montréal... nous avons tenté de la joindre pour vérifier son statut en Chine... elle a peur et ne veut rien dire sur la situation.
Désolé.
C'est bien. En raison d'une contrainte de temps, je dois maintenant passer à Bill.
Je sais que vous aviez une question, monsieur Xun, mais soyez sans crainte, vous pourrez intervenir au second tour.
Bill.
Merci, monsieur le président, et merci à nos témoins d'être ici aujourd'hui.
Je voudrais spécialement remercier MM. He, Qiu et Lin d'être venus relater devant nous leurs expériences personnelles.
Monsieur Matas, vous avez parlé de la nécessité de bannir du Canada les gens qui font de la propagande haineuse contre les adeptes du Falun Gong. Pourriez-vous nous donner des exemples d'incitations à la haine ou de persécutions dont certaines personnes ont été victimes au Canada et qui pourraient justifier une telle mesure?
Eh bien, oui. En fait, cela concernait le consul chinois à Calgary. Une unité de lutte contre les crimes haineux, à Edmonton, a recommandé au procureur général des poursuites pour incitation à la haine. C'est une infraction qui doit être reconnue par le procureur — la police ne peut pas véritablement porter d'accusations —, ce qu'il n'a pas fait. Cependant, la police avait de toute évidence des preuves substantielles, sans quoi elle n'aurait jamais fait une telle recommandation.
Ce qui se produit avec le Falun Gong, et qui est typique des crimes contre l'humanité, c'est la déshumanisation. Les adeptes font l'objet de diffamations sous prétexte que leur mouvement est un culte; on les accuse de se livrer à des pratiques barbares. C'est de cela dont M. He a parlé; c'est ce genre de choses qu'on le forçait à voir sans arrêt. Et les Chinois répètent ces calomnies. Au Canada, il y a eu plusieurs poursuites pour libelles diffamatoires. En ce moment même, l'une d'elles est en cours à Toronto, et elle vise MingPao, si je me souviens bien. Il y en a une autre à Montréal, contre le Chinese Daily News, je crois.
C'est un gros problème ici. Le gouvernement chinois ne se limite pas à encourager la haine contre les adeptes du Falun Gong en Chine; il le fait dans le monde entier, y compris au Canada.
Nous devrions clamer haut et fort que le Canada n'accepte pas ce genre de comportement.
Monsieur Matas, j'ai cru comprendre que vous-même et un ancien député, David Kilgour, vous étiez lancés dans une enquête indépendante sur l'une des accusations les plus horribles qui ait été portée contre le gouvernement chinois et selon laquelle on prélèverait des organes sur des personnes internées dans des camps de travail, dont des adeptes du Falun Gong.
J'aimerais que vous nous donniez quelques précisions sur ces allégations ainsi que sur la manière dont vous vous y prenez pour recueillir des informations à ce sujet.
Il est vrai qu'on nous a demandé de faire enquête. La raison en est que, contrairement aux autres persécutions dont vous avez entendu parler, et qui sont très bien documentées — grâce aux témoins et à Amnistie —, cette accusation particulière a été accueillie avec incrédulité, même par ceux qui s'insurgent contre les violations des droits dont sont victimes les adeptes du Falun Gong. Amnistie Internationale n'est pas certaine que ces pratiques aient bien lieu, pas plus que le gouvernement américain, entre autres... C'est difficile à croire, tellement c'est horrible. Nous n'en sommes donc pas à décider de prendre des moyens pour y mettre un terme, mais plutôt à nous demander si c'est bien réel.
La coalition qui a été formée pour protester contre les violations des droits humains dont sont la cible les membres du Falun Gong nous a demandé, à David Kilgour et à moi-même, d'enquêter sur ces allégations, et c'est exactement ce que nous faisons. Nous allons produire un rapport d'ici la fin juin. Nous avons interrogé des témoins. Lorsqu'il était à Washington, David Kilgour en a fait de même. Plusieurs enquêteurs ont téléphoné à des hôpitaux, des médecins et des intervenants du domaine de la transplantation d'organes en Chine. Nous avons obtenu des déclarations incriminantes de ces personnes. Nous devrons ensuite déterminer la crédibilité des témoignages; nous sommes en train de compiler toutes les données recueillies. Évidemment, il y a tous ces renseignements contextuels à propos de l'incitation à la haine, des détentions massives, de la persécution, et j'en passe.
Nous présenterons un rapport d'analyse de tous les témoignages dans lequel nous dirons si nous estimons que ces allégations sont fondées et s'il y a lieu de pousser plus loin l'enquête. Mais pour le moment, je ne peux vous dire quelles seront les conclusions du rapport.
Alors ma question sera brève.
Si l'on considère les adeptes du Falun Gong comme des gens susceptibles d'être la cible de persécutions, pouvez-vous nous dire ce qui les caractérise et comment on peut déterminer leur appartenance au mouvement?
Je crois que pour la CISR, c'est la question à un million de dollars. C'est très difficile, parce que le Falun Gong est une croyance, une pratique spirituelle. Vous y croyez. Cela fait partie de vous. Mais il n'y a pas d'adhésion au mouvement en tant que telle ni de rituels ni de culte. Par conséquent, en nous servant de notre expertise, nous essayons d'informer la CISR de ce qui, à notre avis, caractérise les adeptes du Falun Gong, parce que c'est nous qui évoluons jour après jour dans la communauté Falun Gong. Selon l'expérience et le vécu qu'ils partagent avec nous, ainsi que leur implication dans la communauté, nous pouvons déterminer si les gens sont véritablement des adeptes du mouvement.
Merci, monsieur le président, et merci aussi à nos témoins.
On peut voir dans vos notes d'information que, d'après l'Ottawa Citizen, la GRC aurait placé 15 hauts dirigeants sur une liste de surveillance. La GRC a-t-elle communiqué avec votre organisation pour obtenir des renseignements supplémentaires? Quelles mesures, le cas échéant, la GRC a-t-elle prises pour enquêter sur les personnes dont le nom figure sur cette liste?
Le Canada a un programme sur les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité, comme nous l'avons appris à l'été 2003. Nous avons communiqué avec cette unité spéciale de la GRC et avons eu une rencontre avec un agent d'immigration ainsi qu'avec deux représentants de la GRC. À la suite du visionnement de notre vidéo et à l'issue de notre présentation, ils nous ont immédiatement promis que les individus en question seraient interdits d'entrée au Canada s'ils agissaient vraiment comme la vidéo le montrait.
Début 2004, nous avons joint la section des crimes de guerre de la GRC, qui nous a confirmé avoir ouvert un dossier sur le Falun Gong. En outre, on nous a dit que si ces individus venaient au Canada, on pousserait plus loin l'enquête à leur sujet. Nous avons tenu une conférence de presse conjointe avec David Matas, tant pour des considérations légales que morales. Donc, la GRC nous a contactés mais, compte tenu des pressions exercées actuellement par le régime chinois, on peut se demander quelle sera l'efficacité de ces mesures.
Le mouvement Falun Gong est reconnu dans plus de 70 pays. La Chine est le seul qui persécute ses adeptes. Beaucoup de pays comptent des associations — dont bon nombre sont de taille modeste —, ainsi que des centres d'aide ou de coordination. Nous croyons qu'il y a des milliers d'associations Falun Dafa dans le monde. Autrefois, en Chine, il y avait beaucoup d'associations de ce genre, mais elles ont toutes été éliminées après le début des mesures de répression. On en recensait 10 000.
Il est évident que certaines allégations, comme l'a mentionné M. Siksay, sont de nature telle qu'elles suscitent l'incrédulité. Mais tout est une question de preuves et, d'après ce que j'ai compris, vous vous efforcez de connaître la vérité, quelle qu'elle soit.
Évidemment, avant de décider d'un renvoi, la CISR examine d'abord les demandes de statut de réfugié. Elle procède à un examen des risques avant renvoi et, si on peut en faire la preuve, ce type d'allégations est déterminant pour les cas qu'il faudra trancher. C'est l'élément central qui permettra de composer avec ce genre de situations.
Êtes-vous convaincus d'avoir soumis à la Commission la documentation, les preuves et les témoignages les plus à jour dont vous disposez?
Ce ne sont pas seulement les décisions de la Commission et l'examen des risques avant renvoi qui nous préoccupent; ce qui se passe après le renvoi nous inquiète aussi. Par exemple, il y a eu le cas d'une personne renvoyée, alors même que l'Association Falun Dafa l'avait reconnue comme adepte. La Commission a dit ne pas y croire. D'après l'examen des risques avant renvoi, il n'y avait aucune nouvelle preuve l'indiquant. C'est après ces deux décisions que la personne s'est adressée à l'Association Falun Dafa, et c'est là que cette dernière a fait savoir au gouvernement que la personne visée était bien une adepte du Falun Gong.
Le problème, c'est qu'il faut intervenir au moment opportun. Il est bien possible que si ces renseignements avaient été communiqués à la Commission ou à l'agent d'examen des risques avant renvoi, la personne ne se serait pas retrouvée dans cette situation. Mais, de notre point de vue, peu importe le moment où l'information est transmise, nous devons réagir. Tant que la personne est ici, il ne devrait jamais être trop tard.
Sur le plan technique, évidemment, si l'Association Falun Dafa fournit par la suite d'autres renseignements selon lesquels une personne est membre du Falun Gong, on pourrait effectuer un autre examen des risques avant renvoi et, jusqu'à ce qu'on ait examiné ces renseignements, cette personne ne devrait pas être renvoyée.
Le problème, c'est que cette personne a été expulsée, pratiquement sans qu'on ait examiné les nouveaux renseignements fournis par l'Association Falun Dafa l'identifiant comme membre du Falun Gong, tout simplement parce que les étapes normales du processus avaient été franchies.
Merci, monsieur le président.
Merci aussi aux témoins.
Avant de poser ma question, monsieur Chipkar, je vois ici que vous êtes le porte-parole de Toronto. Quelle organisation représentez-vous au juste?
Je suis désolé, j'aurais dû le préciser dès le début. Je représente l'Association Falun Dafa du Canada.
Y a-t-il ici un représentant d'Amnistie Internationale? On nous a fourni des notes d'information de cet organisme.
D'accord.
Ma question est celle-ci : actuellement, au Canada, quel est le nombre de ressortissants chinois qui présentent des demandes de statut de réfugié sur la base des persécutions pour des raisons d'appartenance au mouvement Falun Gong que vous avez alléguées?
Je pense que c'est un très bon point; cela donne de la crédibilité à notre organisation.
J'ai fait de nombreuses interventions, dont deux l'an dernier devant la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, à Toronto. J'ai donné mon opinion à titre de témoin expert dans une quarantaine de dossiers, qui ont tous connu une issue heureuse.
Des commissaires de la CISR m'ont dit que des milliers de demandeurs se réclamant du Falun Gong entraient au Canada pour tenter d'obtenir le statut de réfugié. L'an dernier, l'Association Falun Dafa a été saisie d'au plus 40 dossiers.
Notre mandat ne consiste pas à distinguer les faux demandeurs du statut de réfugié des vrais, mais à protéger activement ceux que nous estimons être de véritables adeptes du Falun Gong et qui sollicitent notre aide.
À plusieurs reprises, la CISR a jugé le témoignage de l'Association Falun Dafa digne de foi, le considérant comme celui d'un témoin expert. Je le répète, nous sommes la seule organisation qui traite quotidiennement avec la communauté Falun Gong.
J'ai pour ma part été contacté par des avocats qui m'ont demandé de les aider à traiter des demandes de statut de réfugié, mais j'ai refusé. M. Joel Laten, mon avocat — celui à qui nous faisons appel à Toronto et qui a toute notre confiance en tant qu'ardent défenseur des adeptes du Falun Gong — m'a dit que, s'il le voulait, il pourrait gagner plus de 150 000 dollars par année seulement en s'occupant des demandes concernant le Falun Gong.
C'est un marché très lucratif, mais nous ne voulons rien savoir de cela. Nous avons envoyé une lettre à la CISR dans laquelle nous lui demandions une autre audience parce que nous avions entendu dire que d'autres organisations exigeaient 300 dollars de demandeurs en échange d'une lettre attestant qu'ils étaient membres du Falun Gong. Dès que nous avons eu vent de cette pratique, nous avons voulu y mettre un terme. Ce n'est pas pour l'argent; nous voulions donc avertir la CISR que l'Association Falun Dafa est la seule organisation autorisée qui possède une expertise pour identifier les véritables adeptes.
Selon les statistiques de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié que j'ai ici dans mon ordinateur, pendant l'année civile 2005, on a examiné 1 743 demandes d'asile uniquement en provenance de Chine, et 1 879 autres étaient toujours en instance de traitement à la fin de l'année.
Combien de ces demandes en instance ont été présentées par des adeptes du Falun Gong se disant victimes de persécution?
Votre organisation le sait-elle? Combien de personnes s'occupent comme vous de l'arriéré des demandes d'asile?
Oui. Je vais vous fournir des données plus concrètes. À ma connaissance, l'Association Falun Dafa a vu 75 personnes obtenir le statut de réfugié au cours des sept dernières années. Environ 70 autres l'ont demandé et attendent toujours. Donc, le total des sept dernières années n'excède pas 150.
J'ai ici la répartition géographique des personnes. Si vous avez besoin de cette information, je peux vous en parler en aparté.
La CISR a-t-elle besoin de plus d'informations pour accélérer le traitement des dossiers? Le comité peut-il faire quelque chose pour lui venir en aide?
Si le comité pouvait accepter que l'Association Falun Dafa fasse autorité pour déterminer qui sont les véritables adeptes, cela permettrait sans doute de faire avancer plus rapidement les dossiers dont nous sommes saisis. Une fois de plus, notre mandat ne consiste pas à nous occuper de tous les cas, mais seulement de ceux pour lesquels on sollicite notre appui et que nous considérons comme touchant de vrais adeptes.
[Français]
Merci, monsieur le président.
Je veux d'abord remercier les témoins, et plus particulièrement les trois témoins qui ont accepté de comparaître aujourd'hui. Je suis profondément touchée et je veux vous exprimer toute ma compassion.
Je veux aussi vous faire part de la démarche de notre porte-parole en matière d'affaires étrangères, Mme Francine Lalonde, qui a fait parvenir une lettre en date du mois d'avril dernier au ministre des Affaires étrangères, M. Peter MacKay. Dans cette lettre, elle l'informe que l'Association Falun Dafa a communiqué avec des parlementaires pour leur faire part de la persécution et de l'exécution, par le régime, de pratiques visant surtout à extraire des organes vitaux et des tissus humains pour en faire le commerce.
Je crois important d'en faire part à ce comité, car cela fait partie des histoires d'horreur que l'on entend.
Cette lettre parle aussi de l'existence de 36 camps de concentration en Chine, qui pourraient contenir 120 000 personnes. Elle informe le ministre que le rapporteur spécial de l'ONU sur la torture a fait savoir, en mars dernier, qu'il mènerait une enquête. Elle demande au ministre de s'assurer que cette enquête internationale soit effectivement menée, et que ce soit fait dans les plus brefs délais possibles afin que nous fassions la lumière sur cette affaire. Elle lui demande également d'accorder la plus grande considération à cette lettre.
On nous a aussi rapporté des cas de demandes de statut de réfugié faites par des personnes se disant victimes de persécution, demandes qui ont été refusées. Si la Section d'appel pour les réfugiés avait été en place, elle aurait probablement permis à ces gens de se faire entendre, ce qui n'est pas le cas actuellement.
[Traduction]
Merci. Il nous reste environ cinq minutes. Je vais donc céder la parole à Bill et ensuite à Borys, après quoi nous conclurons, si vous en avez terminé, bien entendu, madame Deschamps. Sachez qu'il vous restait encore quelques minutes.
[Français]
Non. Je crois que les mots sont trop pauvres aujourd'hui pour exprimer tout ce que ces gens ont vécu.
[Traduction]
Merci, monsieur le président.
Monsieur Matas, vous avez parlé de la catégorie de personnes de pays source et du fait que les adeptes du Falun Gong devraient être reconnus comme un groupe persécuté en Chine et que le Canada devrait leur délivrer des visas dans le cadre du Programme de réfugiés pris en charge par le gouvernement afin de leur venir en aide. Pouvez-vous nous expliquer plus précisément en quoi cela consiste?
Je pense que beaucoup d'entre nous connaissent bien la situation de gens qui ont fui leur pays pour venir se réfugier au Canada, et ont vu certains des problèmes qu'éprouvent les personnes déplacées à l'intérieur de leur pays et à quel point il est compliqué de les aider. Je suppose qu'il est aussi difficile de venir en aide aux adeptes qui sont toujours en Chine, victimes de persécution. Pourriez-vous nous dire comment cela fonctionne et à combien l'Association évalue le nombre de ces personnes?
En vertu du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés et d'autres lois canadiennes, on doit normalement se trouver à l'extérieur de son pays pour bénéficier de la protection accordée aux réfugiés. Le Canada prévoit une exception pour six pays, à savoir la Colombie, El Salvador, le Guatemala, la République démocratique du Congo — le Congo-Zaïre —, la Sierra Leone et le Soudan. Si une personne se trouve dans l'un de ces six pays, elle a droit à la protection accordée aux réfugiés et peut venir au Canada à titre de personne protégée.
Nous proposons d'ajouter la Chine à cette liste de pays, de sorte que quiconque se considérant en danger se présenterait à un bureau canadien des visas en Chine pourrait entrer directement au Canada sans devoir passer par un pays tiers.
Par ailleurs, dans le cadre du Programme de réfugiés pris en charge par le gouvernement, les réfugiés sont répartis par bureau. Le Canada en accepte de 7 300 à 7 500, mais il n'y a pas de nombre précis. Les réfugiés parrainés par le gouvernement sont répartis précisément par bureau des visas. Un certain nombre devront s'établir dans des pays tiers. On doit prévoir des visas pour les adeptes du Falun Gong qui ont de la famille au Canada et qui ne sont pas établis de façon permanente dans un pays tiers, peu importe leur nombre.
Merci.
J'aimerais revenir sur la question que vous avez soulevée, monsieur Matas, à propos de la mesure législative sur les crimes haineux. L'incitation étatique à la haine de la Chine est très préoccupante. Des diplomates — et j'ai des preuves à l'appui — se sont livrés à cette propagande haineuse. On se sert également de la télévision par satellite pour inciter les gens à la haine.
C'est pourquoi je fais appel à votre expertise. La mesure législative énonce diverses formes de haine, y compris contre les religions. Le Falun Gong correspond-il à la description donnée dans la mesure législative sur les crimes haineux, et si ce n'est pas le cas, auriez-vous des amendements à proposer afin qu'elle l'intègre?
Selon moi, oui. C'est une croyance spirituelle. À mon avis, la mesure législative devrait s'y appliquer et il ne serait pas nécessaire de la modifier.
En fait, maintenant que j'y pense, Joel Chipkar lui-même s'est intéressé à cette question. Il a intenté une poursuite pour libelle diffamatoire contre un membre du consulat chinois à Toronto; il a gagné par défaut et le membre en question a quitté son poste. Les lois sur les libelles diffamatoires sont un moyen de régler le problème, et évidemment, vous obtenez des dommages-intérêts.
Ces personnes ne devraient tout simplement pas être acceptées au Canada. Nous devrions dire que nous ne voulons pas de ces gens parmi les représentants du corps diplomatique dans notre pays. C'est aussi simple que cela. Nous n'avons pas à donner de raison, ni à dire que c'est une violation de la loi, ni à prouver devant les tribunaux qu'un crime a été commis.
Nous ne voulons pas dire par là que ces diplomates et ces agents consulaires devraient être poursuivis, quoique ce serait une possibilité, évidemment. Nous proposons simplement de les expulser. Par ailleurs, même si un avis juridique correspond parfaitement à la mesure législative sur les crimes haineux, c'est tellement inacceptable qu'il y aura des motifs d'expulsion.
J'aimerais vous parler d'un cas survenu récemment.
Ma mère siégeait à l'Ottawa Chinese Senior Association, et à cause des protestations contre la persécution organisées à Ottawa, par discrimination, on a mis un terme à son adhésion à la fin de 2001. Elle a déposé une plainte auprès de la Commission ontarienne des droits de la personne. Celle-ci a fini par renvoyer le dossier au tribunal afin qu'il décide si le Falun Gong pouvait être considéré comme une croyance. Il s'agissait là d'un facteur déterminant. Le témoin expert, David Ownby, professeur et directeur du Centre d’études de l’Asie de l’Est à l'Université de Montréal, qui est cité dans cette décision, a déclaré, dans un témoignage, que le Falun Gong, d'un point de vue occidental, est comparé à une croyance ou à une religion. Bien que nous-mêmes la considérions comme une pratique de cultivation, étant donné que nous n'avons ni rites ni lieux de culte, pour les Occidentaux, c'est une religion. Le tribunal a donc décidé qu'il y avait eu discrimination fondée sur la religion. On a lui versé des dommages-intérêts, mais la cause a été portée en appel.
Merci.
Nous devons nous arrêter ici.
Je tiens à vous remercier pour votre présentation d'aujourd'hui.
J'aimerais aussi remercier les membres du comité pour cette discussion fort intéressante.
Nous connaissons tous très bien le Falun Gong. Vous avez été très actifs sur la Colline au cours des dernières années. Ce que vous nous avez dit n'est pas complètement nouveau, mais nous l'apprécions quand même beaucoup.
Merci. La séance est levée.