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Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité permanent, je vous remercie de nous avoir invités aujourd'hui. J'aimerais vous présenter, comme l'a fait le président, Mme Marilyn Stuart-Major, secrétaire générale de la commission, et M. Timothy Morin, avocat général intérimaire. Tous deux m'aideront aujourd'hui à répondre à vos questions.
Monsieur le président, je vais m'en tenir au temps que vous m'avez alloué.
Il y a quelques temps déjà, je me suis présenté devant votre comité et c'est avec grand plaisir que je me trouve à nouveau parmi vous. Puisque bon nombre de nouveaux membres du comité sont présents aujourd'hui, j'aimerais d'abord profiter de cette occasion pour vous donner un bref aperçu du travail effectué par la commission.
Étant donné que nous avons fourni des documents d'information donnant une présentation détaillée de la commission et de ses trois sections, je ne m'étendrai pas sur le sujet. Je vous donnerai un aperçu d'ordre général.
[Traduction]
J'aimerais commencer aujourd'hui par un rapide survol du rôle de la CISR -- ce que nous sommes, ce que nous faisons.
La CISR est un tribunal administratif indépendant qui rend des comptes au Parlement par l'intermédiaire du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration. La CISR est constituée de trois sections: la Section de la protection des réfugiés, la Section d'appel de l'immigration et la Section de l'immigration. Notre mission consiste à rendre, avec efficacité et équité, des décisions éclairées sur des questions touchant les immigrants et les réfugiés, conformément à la loi. Je suis persuadé que vous savez fort bien que nous rendons des décisions qui ont une incidence importante sur la vie, la sécurité et la liberté de ceux qui comparaissent devant nous. Essentiellement, la CISR rend justice et équité au nom du Parlement et des Canadiens. Le fait que nous soyons un tribunal administratif plutôt qu'une cour de justice nous donne une plus grande souplesse quant à la façon dont nous gérons les cas et les appels qui nous sont présentés. C'est ce qui est formidable avec les tribunaux administratifs; ils sont à la fois indépendants et souples, tout en étant autonomes et pourtant tenus de rendre des comptes.
Je voudrais maintenant prendre un instant pour vous informer de ce que nous ne faisons pas. Nous ne sommes pas un organisme d'exécution de la loi. Nous ne procédons pas au renvoi de personnes ou de demandeurs d'asile déboutés qui sont interdits de territoire au Canada. Cette responsabilité relève de l'Agence des services frontaliers du Canada. En travaillant en collaboration avec le SCRS, l'Agence est également chargée d'exécuter les contrôles de sécurité de tous les demandeurs d'asile avant la tenue de l'audition de leur demande devant la Commission.
Nous n'élaborons pas de politiques gouvernementales susceptibles d'engendrer des mesures législatives sur les immigrants et les réfugiés, ni de politiques pour préciser qui a accès à notre processus d'octroi de l'asile. Cette tâche incombe à CIC. La CISR ne sélectionne pas, non plus, les réfugiés à l'étranger. Encore une fois, cette responsabilité incombe à CIC. Vous savez, et vous l'avez déjà entendu des représentants de CIC et de l'Agence, que nous faisons partie d'un continuum dans les processus visant les immigrants et les réfugiés, dans le contexte de l'octroi de l'asile.
CIC défère les demandes d'asile à la CISR; nous appliquons la loi et tranchons les cas, et nos décisions peuvent alors faire l'objet d'un contrôle judiciaire par la Cour fédérale. Les demandeurs d'asile déboutés disposent d'autres recours, notamment l'examen des risques avant renvoi à CIC. Finalement, l'Agence est responsable du renvoi des demandeurs d'asile déboutés.
[Français]
La commission remplit son mandat dans un milieu complexe et en constante évolution. Nous ne contrôlons pas le nombre de cas qui nous sont déférés au cours de l'année. Des facteurs internationaux et nationaux ont une incidence sur le nombre de demandes d'asile présentées au Canada. Des changements dans les mouvements migratoires internationaux peuvent également avoir les mêmes résultats, en influant sur le nombre de personnes qui cherchent à entrer au pays.
Au cours des dernières années, le nombre de personnes demandant l'asile a poursuivi sa tendance à la baisse au Canada et dans le monde. Parallèlement, le nombre de cas d'appels de l'immigration a augmenté, en particulier les appels en matière de parrainage. À titre de tribunal administratif, nous devons être en mesure de réagir rapidement à ces fluctuations.
Au cours des dernières années, la commission s'est donné comme objectif de devenir un tribunal plus souple et dynamique. Nous avons adopté un programme de transformation et d'innovation nous permettant de répondre de façon plus efficace aux fluctuations du nombre de cas que nous recevons et à leur diversité. Certains d'entre vous se rappelleront sans doute que nous avons connu, il y a quelques années, un arriéré considérable à la Section de la protection des réfugiés. Rien ne vaut une crise pour susciter une réflexion novatrice.
Les tribunaux administratifs ont été constitués pour rendre la justice plus simplement et plus rapidement que les cours de justice. Bien que nous soyons assujettis à des contraintes législatives, à titre de tribunal administratif, nous avons la capacité et la responsabilité d'être innovateurs et créateurs dans la façon dont nous exécutons notre mandat. C'est ce que nous avons tenté d'accomplir au cours des trois dernières années, tout en nous rappelant les objectifs ultimes que sont l'équité et la justice. L'efficacité et la créativité n'ont pas à se concrétiser au détriment de l'équité.
[Traduction]
Le premier volet de notre programme de changement comprenait la mise en place du plan d'action du président en 2003. À cette époque, en mars 2003, nous avions un arriéré de 52 000 demandes. Notre plan d'action a eu pour résultat une plus grande cohérence dans le processus décisionnel et dans la gestion des demandes d'asile.
Dans l'année qui a suivi la mise en oeuvre du plan d'action, nous avons atteint des résultats sans précédent. Nous avons considérablement réduit l'arriéré, qui est passé de 52 000 cas il y a trois ans à environ 20 000 aujourd'hui. Bien entendu, d'autres facteurs ont contribué à cette diminution, notamment la baisse simultanée du nombre de demandes d'asile.
Il reste, bien sûr, beaucoup à faire. Au même titre que les présidents antérieurs de la CISR, j'ai dit par le passé à votre comité que nous allions atteindre le plus rapidement possible des délais moyens de six mois pour le traitement des cas de la Section de la protection des réfugiés. Les délais sont actuellement de 11 mois, ce qui est une amélioration par rapport aux délais de 14 mois et plus enregistrés au moment où l'arriéré était à son sommet, mais il faut travailler davantage. Je suis toujours résolu à atteindre l'objectif de six mois. En fait, avec un nombre suffisant de nominations, nous prévoyons, cette année, que des décisions pourront être rendues dans un délai de six mois pour au moins 50 p. 100 des cas.
Comme je l'ai mentionné il y a quelques instants, dans le contexte de changement que nous connaissons, nous observons depuis quelques années une hausse du nombre d'appels de l'immigration, en particulier les appels relatifs au rejet des demandes de parrainage. Nous avons lancé un plan d'innovation à la Section d'appel de l'immigration dans le but de faire face aux pressions découlant de la charge de travail, de mieux répondre aux besoins des appelants et d'investir à long terme dans la SAI, dont le travail est indispensable pour l'ensemble du portefeuille de l'immigration. Nous avons tiré des leçons du premier plan d'action. Nous n'avons pas commis les mêmes erreurs et notre approche à l'égard de l'innovation s'est améliorée. Bref, nous devons faire en sorte d'avoir un mécanisme d'appel plus représentatif et plus souple pour la réunification des familles.
Nous avons publié, sur notre site Web, un rapport préliminaire sur le plan d'innovation et nous avons consulté nos partenaires, les intervenants et le Barreau dans la période de 90 jours. Le rapport représente notre vision quant à l'avenir de la section et trace la voie pour transformer la SAI en un tribunal moins formaliste et plus souple. Nous enrichissons actuellement le rapport à mesure que nos consultations avec les ministères et l'Agence se poursuivent, et tous les partenaires sont déterminés à trouver une solution raisonnable.
Les recommandations du plan d'innovation sont centrées sur les deux thèmes suivants: régler les appels plus tôt et plus rapidement, et régler les appels grâce à la médiation, hors de la salle d'audience. Le plan d'innovation apportera un changement culturel à la SAI, qui deviendra un organisme moins formaliste et plus proactif, mieux adapté à son statut de tribunal administratif. Cela signifie qu'il faudra obtenir plus de renseignements dès le début de la part des deux parties pour permettre à la section de fonctionner plus efficacement.
[Français]
Dans le Plan d'action de la Section d'immigration, la priorité a été accordée à l'élaboration d'une stratégie exhaustive en matière de ressources humaines — ceci est la troisième division qui fait partie de l'institution —, étant donné que 50 p. 100 des décideurs de la section, qui sont des fonctionnaires, pourront prendre leur retraite au cours des prochaines années. La stratégie met l'accent sur le renouvellement de la main-d'oeuvre et sur un plan de formation exhaustif visant à assurer la disponibilité de décideurs chevronnés à long terme.
La commission doit s'assurer d'informer continuellement ses partenaires, ses intervenants et le grand public de ce qu'elle fait. Nous devons leur dire pourquoi il est nécessaire d'innover et quels sont nos projets en ce qui a trait à la commission. De façon plus générale, je crois que nous devons faire connaître au grand public le rôle de la commission et en finir avec de vieux mythes.
Dans ce but, la commission a amorcé un processus de diffusion externe continu. Par exemple, la commission a récemment informé les députés et leur personnel à Ottawa et dans l'ensemble du pays de la nature de son travail et de la façon dont ils devraient s'y prendre pour s'adresser à la commission. Nous continuerons d'offrir des séances d'information régulières aux députés à mesure que les circonstances le justifieront. En outre, nous tenons régulièrement des réunions avec des intervenants et diverses associations communautaires au pays.
Je crois que vous avez reçu de la documentation sur notre nouveau processus de sélection des commissaires. En 2004, la commission a mis en oeuvre des réformes en profondeur des processus de nomination et d'évaluation pour les commissaires nommés par le gouverneur en conseil. Nous avons vraiment été avant-gardistes en ce qui a trait à la mise en place d'un processus de nomination fondé sur les compétences et le mérite.
Selon le nouveau processus, en sa qualité de premier dirigeant, le président de la commission assume l'entière responsabilité de la sélection et de la qualité des décideurs de la commission. Le comité consultatif qui aide le président de la commission dans le processus de sélection est indépendant et représentatif de la société canadienne. Il comprend des avocats, des universitaires, des représentants d'organisations non gouvernementales et des experts en ressources humaines. Le nouveau processus de sélection indépendant, transparent et fondé sur le mérite garantit que seuls les candidats hautement qualifiés sont retenus en vue d'une nomination par le gouvernement. La qualification des candidats est évaluée d'après les nouvelles normes renforcées de compétence, de manière à certifier qu'ils possèdent les compétences, les habiletés et les qualités personnelles voulues. Notre liste de candidats qualifiés est utilisée par le gouvernement pour les nominations.
[Traduction]
Même si c'est peut-être évident, en bout de ligne, notre programme d'innovation ne connaîtra du succès que si nous disposons d'un effectif complet de décideurs et que les nominations et renouvellements de mandat sont effectués en temps opportun. BIen que notre effectif ne soit complet ni à la SAI ni à la Section de la protection des réfugiés, nous espérons que la situation actuelle se redressera dans un avenir prochain.
Pour conclure, je crois vraiment que la CISR est un chef de file en matière d'innovation. Nous comprenons fort bien que l'adaptation est maintenant une caractéristique permanente d'une fonction publique responsable. Nous faisons déjà preuve de souplesse et nous visons à obtenir de meilleurs résultats.
Je profite de l'occasion pour faire l'éloge du personnel et des commissaires de la CISR. C'est grâce à leur professionnalisme et à leur dévouement au travail que nous sommes ici aujourd'hui.
Nous serons heureux de répondre à toutes les questions que vous souhaiterez nous poser aujourd'hui. Si certains désirent obtenir des renseignements plus détaillés après la réunion, nous nous ferons un plaisir de vous rencontrer à nouveau.
Nous aimerions maintenant répondre à vos questions.
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Monsieur le président, je tiens à préciser que l'évaluation des risques n'est pas faite par nous, mais bien par le ministère.
Pour revenir à votre question, elle comporte trois aspects. D'abord, nous sommes très engagés avec l'ONU pour ce qui est des comparaisons avec les autres pays. Lorsque je suis entré en fonction, je suis allé en Angleterre et nous avons établi des comparaisons. Nous avons observé la France. Ces renseignements sont mis à jour chaque année. Tous les ans, je vais à Genève, où des pays semblables se réunissent en table ronde et... Cela nous permet de connaître de nouvelles façons de faire les choses, que ce soit sur le plan de la technologie ou dans la façon d'interpréter la convention, et l'ONU nous aide beaucoup dans ce sens.
Deuxièmement, il n'existe aucune méthodologie connue pour mesurer et comparer les taux d'acceptation des divers pays. Nous ne mesurons pas nécessairement la même chose. À titre d'exemple, prenons les États-Unis. Dans ce pays, la première instance rend une décision dans un délai de 60 jours, et il s'agit d'un service public. Puis il y a un appel, et un autre niveau d'appel au-dessus. Alors, si l'on tient compte du temps que prennent les trois paliers d'appel et du taux d'acceptation, nous ne sommes pas très loin derrière.
Quant au délai de traitement dont j'ai parlé, le délai de six mois, je ne suis pas bien placé pour faire des comparaisons, mais je dirai que si nous atteignons cet objectif, ce sera très bien. Si vous pouviez le faire en quatre mois, alors il y aurait une limite à la manière dont... Vous ne pouvez pas sacrifier la qualité, ni l'équité, mais vous devez faire en sorte qu'il n'y a pas de déni de justice parce que des affaires ne sont pas entendues. C'est donc là notre gros...
J'espère avoir répondu à votre question. Le taux d'acceptation est parfois difficile à mesurer. Je dirais que nous nous comparons très bien aux États-Unis, contrairement au mythe voulant que nous soyons poreux ou plus... Si on y regarde de près, nous ne le sommes pas, et je crois que c'est très bien ainsi. Toutefois, je n'accepte pas le fait que nous n'ayons pas atteint l'objectif de six mois. Je ne l'accepte pas et je ne l'accepterai jamais. Quand on regarde les provinces et les responsabilités qu'elles assument dans la détermination du statut de réfugié, c'est très important.
Ce qui me préoccupe également, bien sûr, ce sont les appels. Nous n'avons jamais eu d'arriéré à ce chapitre; nous avons toujours rendu des décisions sur les appels dans un délai de six mois. Les délais sont maintenant de 10 mois. Le nombre est trop élevé. J'ai réaffecté certains décideurs à l'audience des appels pour faire en sorte de ne pas accuser trop de retard. Toutefois, sur cet aspect, la question des ressources est très importante également pour le ministère, parce qu'il s'agit d'un système accusatoire, où le ministère représente le ministre dans l'appel qui sera entendu. Alors, si le ministère n'a pas les ressources nécessaires... Même si j'avais 60 décideurs, ce ne serait pas nécessairement d'une grande utilité.
Certaines comparaisons sont possibles. Les pratiques exemplaires sont comparées — je reviens au dossier des réfugiés — et, quant au taux d'acceptation, je sais que nous ne sommes pas plus généreux que d'autre, malgré ce que certains laissent entendre. Toutefois, il est difficile de comparer.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie beaucoup d'avoir invité le HCR à prendre la parole devant le comité. Je suis accompagné, comme l'a dit le président, de mon collègue, M. Buti Kale, administrateur principal du HCR chargé de la protection, en poste ici à Ottawa.
Monsieur le président, je tiens d'abord à vous féliciter de votre élection au poste de président de ce comité très important. Nous nous réjouissons à l'avance de pouvoir travailler avec votre nouveau comité de la citoyenneté et de l'immigration.
Je profite de cette occasion pour faire de brefs commentaires sur des questions importantes concernant la protection des réfugiés, spécifiques au contexte canadien, et pour attirer l'attention du comité sur les récents développements qui auront un impact significatif sur la dimension internationale du travail du HCR.
Comme vous le savez sans doute tous, le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés a pour mandat de fournir une protection internationale aux réfugiés et d'aider les gouvernements à résoudre les problèmes en la matière.
Nous avons fait distribuer des brochures d'information dans lesquelles est décrit notre rôle au Canada. Je ne m'attarderai donc pas sur les détails mais je voudrais mettre l'accent sur un point important concernant la manière dont nous menons notre mandat de surveillance au Canada.
En tant que partie de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, le Canada accepte non seulement de collaborer avec le HCR dans sa tâche de surveillance de l'application de la Convention, mais cette volonté de coopérer va encore plus loin. Le rôle du HCR d'assister et d'observer toutes les procédures concernant les demandeurs d'asile et les réfugiés est en fait prévu dans la loi canadienne. Ainsi, le HCR est très bien placé pour observer de près les actions que prend le Canada pour remplir ses obligations internationales envers les demandeurs d'asile et les réfugiés.
En général, nous trouvons que le système de détermination du droit d'asile et du statut de réfugié au Canada est d'une très grande qualité. À la suite de nos observations, nous constatons que la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a en place un mécanisme de première instance équitable et solide. Ceci est d'autant plus remarquable qu'il s'agit d'une institution indépendante.
Un mécanisme de première instance solide et bien doté de ressources suffisantes doit être le fondement de toute procédure de détermination du statut de réfugié n'importe où dans le monde. Le fait que le processus décisionnel de la CISR tient compte de tous les angles de la protection dans une demande du statut de réfugié en référant à la Convention de 1951 sur les réfugiés et à la Convention de 1984 contre la torture aide à promouvoir l'équité et l'efficacité.
Néanmoins, le président de la CISR a souvent déclaré lui-même que la détermination du statut de réfugié est un des processus décisionnels les plus difficiles à exercer. Le HCR est de cet avis et c'est en tenant compte de ce fait que nous croyons que la mise en place d'une Section d'appel des réfugiés pour réviser les décisions prises en première instance renforcerait davantage le système canadien de détermination du statut de réfugié. Pour le HCR, un appel au mérite signifie la correction des erreurs commises en première instance et aide à assurer la cohérence et l'équité dans le processus décisionnel.
Le contrôle judiciaire de la Cour fédérale n'est pas un processus d'appel au mérite. La Cour fédérale ne peut, à partir d'un jugement, renverser une décision prise par la CISR. Cependant, elle peut renvoyer un cas à la CISR si elle estime que la décision prise n'est pas conforme à la loi, qu'elle se fonde sur une mauvaise compréhension des faits ou qu'elle a été prise de manière injuste.
L'examen des risques avant renvoi, ERAR, est un important filet de sécurité, particulièrement lorsqu'une période de temps relativement longue s'est écoulée entre une décision négative et le renvoi. Comme la demande pour considérations d'ordre humanitaire, l'ERAR est une procédure restreinte qui ne corrige pas une décision négative prise en première instance.
Nous croyons aussi qu'un autre élément clé pour augmenter la crédibilité et maintenir l'intégrité du système de détermination du statut de réfugié est que les demandeurs d'asile déboutés quittent le Canada si, après un examen complet et juste de leur demande, il a été décidé qu'ils n'ont pas besoin de protection. Le départ volontaire des demandeurs rejetés devrait être encouragé afin d'aider ces derniers à retourner chez eux de manière digne et sécuritaire.
Je voudrais maintenant parler du mandat de surveillance spécifique du HCR concernant l'Entente bilatérale sur les tiers pays sûrs conclue entre le Canada et les États-Unis d'Amérique — un sujet qui je le sais est d'un intérêt particulier pour les membres du comité.
Comme vous le savez sans doute, le HCR a été sollicité par les deux parties concernées par l'entente pour contrôler la mise en oeuvre de l'entente bilatérale. Le cadre du mandat de surveillance du HCR consistait à établir si la mise en oeuvre de l'entente était conforme aux termes et principes qui y sont énoncés ainsi qu'au droit international des réfugiés. Autrement dit, que les demandeurs d'asile aient accès à une procédure de détermination du statut de réfugié au Canada ou aux États-Unis, la protection de ne pas être renvoyé dans un pays avec risque de persécution n'étant accordée qu'à ceux qui en ont besoin.
En général, les conclusions du HCR sur l'entente ont été positives, en ce sens que la mise en oeuvre de l'entente sur les tiers pays sûrs est conforme aux termes de l'accord et à ceux du droit international des réfugiés. Les décisions sur l'admissibilité ont été prises de manière correcte. Le fardeau de la preuve exigé des demandeurs d'asile, comme l'établissement des liens de parenté, est généralement raisonnable. De plus, le HCR a joui d'une très bonne collaboration avec les autorités gouvernementales et les agents des services frontaliers des deux pays relativement à l'accès aux points d'entrée et aux demandeurs d'asile.
Durant notre travail de contrôle sur le territoire canadien, le HCR a tenu des séances de consultation régulières avec les agents de CIC et de l'AFSC afin de discuter de toute question soulevée durant la mise en oeuvre de l'entente.
Les points importants que nous avons cernés et sur lesquels nous avons fait des recommandations sont les suivants: premièrement, un niveau de préparation insuffisant pour la mise en oeuvre de l'entente; deuxièmement, la politique des « retours immédiats »; troisièmement, les délais de traitement dans certains points d'entrée; quatrièmement, les demandeurs d'asile ne comprennent pas toujours les complexités de la procédure d'entrevue liée à l'entente sur les pays tiers sûrs; cinquièmement, une définition et une application restreintes de la clause d'intérêt public; sixièmement, la nécessité de présenter les rapports statistiques dans un délai raisonnable.
Je devrais signaler que tous ces points ont été discutés à différents degrés et que les recommandations du HCR ont été retenues. Le plus remarquable est la récente décision du Canada de discontinuer les « retours immédiats » à partir du 31 août prochain, sauf dans des circonstances particulières, décision que nous accueillons particulièrement bien.
Nos conclusions au terme de notre première année de surveillance indiquent qu'environ 74 p. 100 des 4 041 demandeurs du statut de réfugié tombaient sous le coup de l'une des exceptions régissant l'entente sur les pays tiers sûrs et ont donc été jugés admissibles à déposer une demande d'asile au Canada. Les principaux pays d'origine de ces demandeurs étaient la Colombie, le Zimbabwe, le Sri Lanka, la République démocratique du Congo, le Burundi, le Pérou, le Salvador, le Guatemala et Haïti.
Le rapport final de surveillance couvrant la première année de la mise en oeuvre de l'entente sera remis sous peu aux gouvernements du Canada et des États-Unis et nous croyons comprendre qu'il sera rendu public en temps voulu.
J'aimerais maintenant attirer l'attention du comité sur l'importance que le HCR accorde au rôle que joue le Canada dans la réinstallation des réfugiés, pas seulement à cause du nombre qu'il accepte chaque année, soit autour de 10 à 11 000, mais également du fait qu'il utilise un programme de réinstallation flexible et stratégique, conçu pour offrir une solution durable à un nombre maximum de réfugiés.
Le Canada s'est étroitement associé au HCR pour élaborer de nouvelles stratégies comme l'application d'une approche de réinstallation de groupes qui avantagerait un plus grand nombre de réfugiés se trouvant dans une situation prolongée et qui ne peuvent ni retourner chez eux ni intégrer leur pays d'accueil. À titre d'exemple, rappelons que cette approche a été utilisée l'année dernière pour réinstaller un nombre important de réfugiés somaliens et soudanais qui se trouvaient dans des camps du HCR au Kenya.
Un autre exemple est la réinstallation au Canada de plus de 1 000 réfugiés afghans à partir des républiques d'Asie Centrale; le Canada est non seulement venu en aide à des réfugiés qui se trouvaient dans une situation prolongée, mais il a également fait en sorte que son programme influence les gouvernements de la région pour qu'ils accordent la naturalisation aux 10 000 autres réfugiés restants.
Nous espérons maintenant que le Canada jouera un rôle actif dans la création d'un potentiel de réinstallation au sein des pays de l'Amérique latine grâce à un support technique et financier. Beaucoup de pays dans la région se sont engagés à développer leurs propres programmes de réinstallation et d'intégration suite aux problèmes des réfugiés colombiens, mais ces derniers ont toutefois besoin du savoir-faire de pays expérimentés comme le Canada. Jusqu'à ce jour, CIC s'est montré ouvert à de telles initiatives.
Et je le répète, à l'échelle internationale, monsieur le président, je crois qu'il est important que les membres du comité sachent que depuis le début de 2005 — et cela a été mentionné dans les discussions qui ont eu lieu plus tôt avec la CISR — le nombre de réfugiés à travers le monde a atteint son niveau le plus bas en un quart de siècle ou presque, soit un peu plus de 9 millions de personnes. Plusieurs opérations importantes de rapatriement ont contribué à cette diminution, en particulier en Afghanistan où plus 4 millions de personnes sont retournées chez elles depuis 2002. En Afrique, les rapatriements vers l'Angola, la Sierra Leone, le Liberia et le Soudan sont soit achevés, soit en cours.
Ce changement positif dans le nombre des réfugiés a été malheureusement « contrebalancé » par le nombre croissant des déplacés internes, un nombre globalement estimé à l'heure actuelle à 25 millions. Ce sont des individus qui ont été déracinés par la violence et les persécutions et qui sont en réalité des « réfugiés » à l'intérieur même de leur pays puisqu'ils n'ont pas, à proprement parlé, franchi de frontière internationale. Quelques exemples de déplacements internes de grande envergure: en Colombie, 3,4 millions de personnes; dans la province de Darfour au Soudan, 1,8 million; et en Ouganda, 1,5 million.
Traiter le problème du niveau insuffisant de protection et d'assistance fournit à ces victimes civiles a été reconnu comme l'un des plus grands défis pour la communauté internationale. Dans le cadre d'une nouvelle approche des Nations Unies pour assurer un engagement fiable et prévisible dans les situations de déplacements internes, le HCR a eu pour tâche de diriger ces soit disant « petits groupes » vers la protection, les camps ou les abris d'urgence. Ceci marque un point tournant pour le HCR vu que les déplacés internes font dorénavant partie intégrante et importante de nos activités globales.
Cela créera sans nul doute des pressions sur le travail du HCR en ce qui a trait à sa capacité opérationnelle d'obtenir des ressources additionnelles. Le Haut Commissaire s'est pleinement engagé à prendre en charge les nouvelles responsabilités liées aux déplacés internes, à la condition que ce rôle élargi ne nuise pas à la protection et à l'aide aux réfugiés. Le gouvernement canadien est d'accord avec cette position.
Monsieur le président, pour récapituler, et conclure, le HCR croit que le Canada possède une tradition solide d'aide aux réfugiés, tant ici qu'à l'extérieur, que son système de détermination du statut de réfugié est d'une grande qualité et que son programme de réinstallation est très important en tant qu'outil de protection pour aider le HCR à trouver des solutions durables pour les réfugiés. Nous sommes reconnaissants de la coopération et de l'assistance dont nous jouissons au Canada avec le gouvernement et les autres partenaires.
Je vous remercie de m'avoir donné l'opportunité de prendre la parole devant le comité aujourd'hui.