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NDDN Rapport du Comité

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CHAPITRE 2 — LA MISSION

Question : Quelle est la chose la plus importante dont les Afghans ont besoin aujourd'hui?

Réponse : Il nous faut de la sécurité, de l'électricité et de l'eau potable.

Ahmadsha, de la ville de Kandahar
Site Web de l’Équipe provinciale de reconstruction
http://geo.international.gc.ca/cip-pic/afghanistan/library/kprt-fr.asp?lang_update=1
Mai 2007

GÉNÉRALITÉS

Le présent rapport porte essentiellement sur la mission, telle qu’elle nous est apparue à la fin de 2006 et au début de 2007. Le Comité tient cependant à souligner que, lorsque les Forces canadiennes sont revenues à Kandahar à l’été 2005, c’était pour prendre la relève de l’Équipe provinciale de reconstruction et que ce n’est qu’au début de l’année suivante que le Groupement tactique du 1er Bataillon du Princess Patricia's Canadian Light Infantry (GT 1 PPCLI), sous le commandement du brigadier-général David Fraser, a été appelé à diriger les opérations de la FIAS contre les talibans, qui s’efforçaient de reprendre pied dans la province de Kandahar depuis qu’ils en avaient été évincés par les Américains en 2001.

À son arrivée en février 2006, le brigadier-général Fraser a pris la tête de la Brigade multinationale dans le Commandement régional Sud, y compris, de troupes américaines[1]. Au plus fort des combats qui ont fait rage à l’été, la Brigade multinationale a mené à bien la transition de l’opération à la FIAS, pendant qu’elle accueillait des forces fraîches venues du Canada. Les troupes canadiennes ont aidé les forces britanniques à entrer dans la province d’Helmand (le major Bill Fletcher, envoyé à Sangin pour cinq jours, n’en est revenu qu’au bout de cinq semaines) et contribué au déploiement des troupes néerlandaises dans la province d’Uruzgan en y transportant, à bord d’avions Hercules C-130, à peu près un millier de soldats. Elles ont reçu de nombreux éloges de la part des États-Unis, du Royaume-Uni et des Pays-Bas, sans que cela se sache vraiment au Canada.

En septembre 2006, l’opération Medusa, première opération militaire d’envergure de la FIAS, a été menée avec succès par les Canadiens. Cette opération avait pour but de déloger les insurgés talibans d’une position fortifiée dans la région de Pashmul, à une trentaine de kilomètres de Kandahar. Selon les informations publiées dans la presse, plus de 200 insurgés auraient été tués, et près de 80 autres capturés, au cours des premiers jours des combats. Un autre groupe de 180 insurgés aurait réussi à prendre la fuite[2]. Les talibans menaçaient de s’emparer de Kandahar et d’en chasser les troupes de l’OTAN, mais ce sont eux qui se sont fait chasser par les troupes canadiennes. Selon le ministre de la Défense de l’Afghanistan et le commandant en chef des forces armées afghanes, il s’agissait de la première défaite des talibans dans cette région.

L’opération Baaz Tsuka (Falcon Summit) a suivi en décembre 2006. Tirant parti des succès de l’opération Medusa, cette opération, qui avait pour but de créer des conditions stables et durables pour l’acheminement de l’aide humanitaire et la réalisation de projets de reconstruction et de développement dans le district de Panjwayi-Zahre, a été exécutée en collaboration avec les forces nationales de sécurité afghanes. Les militaires afghans et ceux de la FIAS ont œuvré de concert avec les aînés tribaux et les chefs de district à la prestation d’aide et d’un développement ciblé aux habitants de ce district[3]. Une partie de l’opération consistait à chasser les insurgés, ce qui a été réussi, avant le début des activités de développement et de reconstruction.

Les talibans n’ont atteint aucun de leurs objectifs en 2006[4]. À la fin de l’année, le général David Richards, commandant de la FIAS, a constaté que les attaques contre les troupes de la FIAS avaient diminué de plus 40 p. 100 dans trois des cinq régions où celle-ci était présente en décembre 2006, par rapport à décembre 2005. En outre, le nombre total d’incidents causés par des insurgés a atteint son plus bas niveau, 342, en décembre 2006, après avoir culminé à 913 en août précédent.

Mais tout cela est de l’histoire récente. Il serait utile de revenir en arrière pour voir comment on en est arrivé à la situation actuelle.

LE MANDAT

L’accord de Bonn[5] prévoyait la constitution d’une Autorité intérimaire en Afghanistan, le 22 décembre 2001. En plus de solliciter l’aide de la communauté internationale pour lever et entraîner de nouvelles forces de sécurité et une nouvelle armée afghanes et pour restaurer l’infrastructure afghane, l’accord invitait explicitement l’ONU à mandater une force militaire pour assurer le maintien de la sécurité à Kaboul et dans les environs.

Le 20 décembre 2001, la résolution 1386 du Conseil de sécurité des Nations Unies (2001) autorisait la création de la FIAS dans le but d’aider l’Autorité intérimaire à maintenir la sécurité à Kaboul. La FIAS pouvait aussi étendre sa protection à d’autres centres urbains et d’autres secteurs[6]. Le 22 décembre 2001, les premières troupes de la FIAS, sous commandement britannique, commençaient à se déployer.

Au début de février 2003, le Canada était invité à participer à la FIAS. Le ministre de la Défense nationale d’alors, John McCallum, avait déclaré à la Chambre des communes :

[…] la communauté internationale a demandé l'aide du Canada pour maintenir la paix et la sécurité en Afghanistan, dans le cadre d'une mission mise sur pied par les Nations Unies, à Kaboul. Le Canada a accepté de faire partie d'un groupement tactique et d'un quartier général de brigade pour une période d'un an à compter de la fin de l'été. Nous tenons à l'heure actuelle des discussions à ce sujet avec d'éventuels partenaires[7].

En avril de la même année, le ministre McCallum a indiqué que le gouvernement était « fier de sa contribution militaire très importante en Afghanistan, qui comprend l'affectation de 1 500 à 2 000 militaires pour une période de six mois à compter du mois d'août, et celle d'un effectif similaire pour les six mois suivants[8] ». Des troupes canadiennes étaient à pied d’œuvre à l’été et formaient l’essentiel des forces de la FIAS à Kaboul. Vers la même période, plus précisément en août 2003, l’OTAN prenait le commandement de la FIAS et celle-ci se voyait autorisée par le Conseil de sécurité de l’ONU à déployer des forces en dehors de Kaboul pour aider à stabiliser la situation sur le plan de la sécurité et à étendre l’autorité du gouvernement dans tout le pays.

Dans le but de contribuer à l’expansion de la FIAS, le gouvernement canadien décidait en 2005 de redéployer ses effectifs militaires de Kaboul à Kandahar, afin qu’ils prennent la relève de l’Équipe provinciale de reconstruction américaine à cet endroit. Le ministre de la Défense nationale de l’époque, Bill Graham, avait fourni ces explications à la Chambre :

[…] nous avons décidé, avec nos alliés de l'OTAN, d'accroître notre engagement militaire en Afghanistan au cours des prochains mois. En fait, d'ici le début de l'an prochain, nous aurons une plus grande présence militaire en Afghanistan et notre rôle sera plus varié qu'à l'heure actuelle, même si nous avons beaucoup contribué au cours des trois dernières années [...]

Le Canada a choisi de déployer une équipe provinciale de reconstruction à Kandahar parce que nous y avons déjà envoyé des troupes dans le passé. Nous connaissons bien la région. C'est aussi l'une des provinces qui a le plus besoin de sécurité et de reconstruction [...]

En février, les Forces canadiennes vont aussi déployer à Kandahar un quartier général de brigade composé de 350 militaires pour commander pendant neuf mois la force multinationale opérant dans la région. Parallèlement, nous déploierons — toujours à Kandahar — une force opérationnelle d'environ 1 000 militaires pendant une année [...]

Précédemment, pendant notre visite en Afghanistan le 12 octobre 2005, le ministre Graham avait tenu ces propos lors d’une conférence de presse :

Il ne fait pas de doute que la mission à Kandahar est beaucoup plus périlleuse que celle [...] Nous l’avons toujours dit [...] Jamais nous n’avons prétendu que ce serait une mission facile [...] Nos militaires se sont préparés à devoir subir des attaques et ils sont prêts à réagir [...] cela s’apparentera davantage à une mission de combat, où ils devront débusquer des gens qui se livrent à ce genre d’activités dans le but de déstabiliser le pays. Leur travail consistera à les combattre sur leur propre terrain et à les détruire afin de les empêcher de s’en prendre à nos troupes et à leurs innocents compatriotes[9].

Malgré le changement de gouvernement, la mission canadienne est demeurée sensiblement la même. Résumant les propos qu’il avait tenus à la Chambre des communes au cours d’un débat sur le déploiement militaire en Afghanistan, Gordon O’Connor, ministre de la Défense nationale, a indiqué que « nos forces canadiennes sont en Afghanistan parce que c’est dans l’intérêt national du Canada, parce que nous avons la responsabilité de jouer un rôle de chef de file dans les affaires du monde et parce que les Afghans ont besoin de nous et veulent que nous les aidions ». Au cours de son témoignage devant le Comité, le 30 mai 2006, il a été encore plus clair :

[...] le Canada est en Afghanistan pour assurer la sécurité des Canadiens [...]

[…] nous devons nous attaquer aux menaces à notre sécurité avant que celles-ci n'atteignent notre territoire. Le Canada a donc la responsabilité de faire en sorte que les extrémistes qui nous veulent du mal, à nos alliés et à nous, ne puissent plus trouver refuge en Afghanistan [...]

Nous sommes aussi en Afghanistan pour appuyer nos amis et nos alliés du G-8, de l'OTAN et des Nations Unies, qui considèrent tous que l'Afghanistan est une priorité. En tant que membre responsable de la communauté internationale [...]

Troisièmement, le Canada est en Afghanistan pour le bien du peuple afghan.

Il a aussi indiqué que le succès de la mission serait fonction des conditions établies dans le Pacte pour l’Afghanistan[10].

Dans le cadre de notre engagement envers l'Afghanistan, le Canada a signé le Pacte pour l'Afghanistan, qui définit clairement comment le gouvernement de l'Afghanistan, les Nations Unies et la communauté internationale collaboreront au cours des cinq prochaines années pour faire en sorte que les efforts multilatéraux en Afghanistan soient couronnés de succès. Le Pacte établit clairement des paramètres pour évaluer les progrès réalisés en Afghanistan.

Il faut cependant se rappeler que, dans le cadre de cette mission canadienne en Afghanistan, le ministère de la Défense nationale et celui des Affaires étrangères et du Développement international ont des priorités différentes, mais, il faut l’espérer, complémentaires. Pour des raisons d’efficacité, il faudrait s’assurer de coordonner certaines tâches.

En résumé, l’initiative canadienne en Afghanistan s’appuie sur une série de résolutions adoptées par le Conseil de sécurité des Nations Unies au cours des cinq dernières années et dont la plus récente, la résolution 1746 datée du 23 mars 2007, prolonge jusqu’au 23 mars 2008 le mandat de la Mission des Nations Unies en Afghanistan et de la FIAS.

LA MISSION

Faute d’une couverture équilibrée de la part des médias et d’explications suffisantes fournies par le gouvernement, les Canadiens ne comprennent pas très bien la nature exacte de la mission des Forces canadiennes en Afghanistan.

Celle-ci ne s’est jamais voulue et ne sera jamais une mission de maintien de la paix. Et ce n’est pas une mission où le Canada joue le rôle d’un observateur impartial. Nous avons décidé de faire front avec le gouvernement démocratiquement élu en Afghanistan, contre les insurgés qui souhaitent son renversement.

Il importe également de comprendre que le Canada n’est pas le chef de file des opérations qui ont cours dans ce pays. Toutes les activités de la communauté internationale en Afghanistan sont coordonnées par l’ONU. La FIAS est en grande partie responsable du volet de la sécurité. Même si le Canada en assure la direction, l’Équipe provinciale de reconstruction (EPR) de Kandahar n’est pas une entité canadienne comme telle, mais bien un élément de la FIAS. L’EPR a pour but d’aider tous les donateurs internationaux, et non pas seulement les organismes canadiens, à contribuer au développement et à la reconstruction de l’Afghanistan. Le Canada peut faire sa part dans ces domaines, en tant que membre de l’EPR, mais ce n’est pas lui qui contrôle toute l’activité de cette équipe.

Le brigadier-général canadien Tim Grant assume le commandement national des Forces canadiennes engagées en Afghanistan, au nom du chef d’état-major de la Défense.

Le brigadier-général Grant exerce aussi le commandement opérationnel des éléments des Forces canadiennes en Afghanistan qui, au point de vue des opérations, sont placés sous l’autorité de l’OTAN, de telle sorte que, même si le Canada assure en bout de ligne le commandement de ses troupes sur le terrain, les plans et les ordres suivent la chaîne de commandement de l’OTAN, depuis le Conseil de l’Atlantique Nord à Bruxelles jusqu’à la FIAS, en Afghanistan. Le brigadier-général Grant relève donc, sur le plan opérationnel, du commandant du Commandement régional Sud, fonctions occupées actuellement par un major-général britannique.

ENGAGEMENTS

Les Canadiens n’ont jamais vraiment saisi toute l’ampleur de la participation des Forces canadiennes aux opérations en Afghanistan. Or, la contribution canadienne est impressionnante, tant sur le plan de la quantité que de la diversité.

Opération APOLLO[11]

L’opération Apollo était la contribution militaire originale du Canada à la campagne contre le terrorisme.

Le 20 septembre 2001, le ministre de la Défense nationale Art Eggleton autorisait plus de 100 militaires canadiens participant à des programmes d’échanges avec les États-Unis et d’autres pays alliés à participer aux opérations menées par leurs unités hôtes en Afghanistan.

Au début d’octobre, réagissant aux attentats terroristes commis en sol américain, le Conseil de l’Atlantique Nord (l’organe principal de décisions de l’OTAN) invoquait l’article 5 du Traité de Washington, suivant lequel une attaque armée contre un pays membre de l’OTAN sera considérée comme une attaque dirigée contre tous les pays membres de l’OTAN. Quelques jours plus tard, soit le 7 octobre 2001, le premier ministre Jean Chrétien annonçait que le Canada engagerait des forces aériennes, terrestres et maritimes au sein de la force internationale constituée dans le but de faire la lutte au terrorisme.

Le général Ray Henault, chef d’état-major de la Défense à l’époque, fut chargé de préparer plusieurs unités militaires à intervenir. Le lendemain, le ministre Eggleton annonçait l’affectation de 2 000 militaires canadiens à l’opération Apollo, dont l’entrée en action d’un groupement tactique d’infanterie pour les opérations terrestres en Afghanistan et le déploiement immédiat de navires de guerre dans la mer d’Oman.

Le Canada était, après les États-Unis, le premier groupe de la coalition à dépêcher des navires de guerre en Asie du Sud-Ouest pour y protéger les forces et soutenir la flotte envoyées dans cette région, intercepter les dirigeants talibans et ceux d’Al-Qaïda et mener des opérations d’interdiction maritime. Au plus fort de sa participation, en janvier 2002, le groupe opérationnel naval canadien comprenait six navires de guerre et quelque 1 500 marins. La contribution de la Marine à l’opération Apollo a pris fin en décembre 2003.

En janvier 2002, le Canada a envoyé à Kandahar des troupes de combat destinées à faire partie de la force opérationnelle de l’armée américaine. Ces troupes se composaient essentiellement du 3e Bataillon de la Princess Patricia's Canadian Light Infantry (3 PPCLI), qui comprenait un escadron de reconnaissance du Lord Strathcona's Horse (Royal Canadians) (LdSH(RC)) et des éléments de soutien logistique du combat du 1er Bataillon des services. On leur a confié une mission de combat : en plus d’assurer la sécurité de l’aérodrome de Kandahar, les militaires canadiens devaient participer à la capture et à la destruction d’Al-Qaïda et des forces talibanes.

Le 3 PPCLI est rentré au pays en juillet 2002, mais l’opération Apollo, du moins la partie se déroulant sur terre, n’était pas terminée pour autant et, en mars 2003, une section d’infanterie était envoyée ailleurs dans la région du golfe Persique pour garantir la sécurité des unités des Forces canadiennes déployées à cet endroit.

En novembre 2001, un détachement de transport aérien stratégique de la 8e Escadre Trenton, comprenant un avion de transport à long rayon d’action CC-150 Polaris (un Airbus A310) et près de quarante membres des Forces canadiennes, soit trois équipages et une équipe de manutention de fret aérien, était envoyé en Afghanistan pour y accomplir différentes tâches, dont procéder à des évacuations sanitaires et assurer le maintien en puissance, le réapprovisionnement, la livraison rapide du matériel requis pour les opérations et le transport du personnel vers les théâtres d’opération. Même si le détachement est revenu au Canada en mai 2002, le CC-150 Polaris fait encore régulièrement la navette entre le Canada et la région du golfe Persique pour garantir le maintien en puissance de nos troupes dans ce secteur.

En décembre 2001, un détachement de patrouille à long rayon d’action composé de deux aéronefs de surveillance et de patrouille maritime CP-140 Aurora et d’environ 200 membres de la Force aérienne, dont des équipages et du personnel de soutien, était mobilisé dans la région du golfe Persique pour effectuer des missions de reconnaissance et de surveillance pour le compte des forces maritimes de la coalition. En juin 2003, ce détachement accomplissait la dernière de ses 500 missions, qui représentaient plus de 4 300 heures de vol.

Opération ALTAIR

L’opération Altair, amorcée en octobre 2003 et toujours en cours, est le nom désignant l’affectation de navires de guerre canadiens au sein de groupes d’intervention — porte-avions américains stationnés dans le golfe Persique, dans le cadre de l’opération Enduring Freedom.

Opération ACCIUS

Peu de Canadiens sont au courant de l’opération Accius, nom donné à l’affectation d’un officier supérieur des Forces canadiennes comme conseiller militaire auprès de la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (MINUA) dirigée par des civils. L’opération Accius a débuté à la fin de 2002 et s’est terminée en juin 2005.

Opération ARCHER

La contribution du Canada à l’opération Enduring Freedom dirigée par les États‑Unis en Afghanistan est désignée sous le nom d’opération Archer. Y participent une trentaine de militaires canadiens jouant divers rôles au sein du Combined Security Transition Command – Afghanistan (CSTC-A), un groupe dirigé par les Américains qui s’occupe de reformer et de mettre sur pied l’Armée nationale afghane (ANA) et la Police nationale afghane (PNA). Un brigadier-général et environ 12 autres officiers canadiens sont actuellement détachés au CSTC-A à Kaboul.

Les Forces canadiennes ont également 15 militaires qui agissent à titre d’instructeurs auprès des membres de l’Armée nationale afghane, au détachement canadien du Centre d’entraînement national afghan (Dét CA CENA), à Kaboul.

Opération ARGUS

Durant son mandat à titre de commandant de la FIAS en 2004, le général Hillier s’est rendu compte que le nouveau gouvernement de l’Afghanistan avait besoin d’aide et de soutien pour établir une bureaucratie compétente et efficace. Le Pacte pour l’Afghanistan et la Stratégie de développement national de l’Afghanistan précisaient le « quoi » en matière de tâches, mais les bureaucrates afghans avaient besoin d’aide pour savoir « comment » planifier et mettre en œuvre les stratégies appropriées. Le général Hillier a offert au président afghan Hamid Karzaï une équipe d’officiers pour former et soutenir les bureaucrates afghans. Le président Karzaï a accepté son offre avec reconnaissance.

Depuis septembre 2005, les Forces canadiennes fournissent, dans le cadre d’une entente bilatérale, les services d’une équipe appelée Équipe consultative stratégique–Afghanistan, ou ECS‑A.

L’ECS‑A est une équipe multidisciplinaire de planificateurs stratégiques militaires et civils chevronnés qui travaillent en étroite collaboration avec les dirigeants ministériels du gouvernement de la République islamique d’Afghanistan dans le contexte de la démarche canadienne axée sur les 3D. Elle suit les directives suivantes du Chef d’état-major de la Défense :

L’ECS travaillera directement avec le gouvernement de l’Afghanistan pour identifier les chemins critiques qui permettront d’établir des institutions afghanes efficaces et durables. Elle aidera le gouvernement à déterminer les capacités habilitantes, les besoins en ressources, les activités et étapes critiques et à établir un cadre de mesure du rendement. La portée des activités de l’ECS sera déterminée en consultation avec le gouvernement de l’Afghanistan et l’ambassadeur du Canada en Afghanistan[12].

L’énoncé de mission de l’ECS est le suivant :

Mener des opérations crédibles et justifiées de développement des capacités à l’appui direct de la haute direction du gouvernement de la République islamique d’Afghanistan caractérisées par la cohérence stratégique et propres à produire une saine gouvernance et à assurer la paix et la sécurité à l’appui du Pacte pour l’Afghanistan[13].

L’ECS‑A est constituée de 14 membres des Forces canadiennes ainsi que d’un représentant de l’ACDI, qui prodigue des conseils en matière de développement. Elle comporte un petit élément de commandement et de soutien, deux équipes de planificateurs stratégiques, un analyste de défense et un conseiller en communications stratégiques. La composition, la taille et les capacités de l’équipe varient en fonction des besoins.

Bien qu’elle soit une unité militaire chargée d’une opération indépendante et qu’elle relève donc directement du CEMD sur le plan juridique, l’ECS‑A travaille en consultation avec l’ambassadeur du Canada, le chef de la Coopération et un représentant supérieur du gouvernement afghan. Elle n’est en aucune façon un service de renseignement et n’a pas de rôle militaire caché comme certains médias l’ont insinué. L’ECS‑A est une organisation ouverte dont la mission dépend du bon vouloir du gouvernement afghan. À l’instar de tous les autres éléments des Forces canadiennes en Afghanistan, l’ECS‑A vise à développer les capacités afghanes en fournissant un soutien direct à la planification aux ministères et aux groupes de travail gouvernementaux en matière de développement et de gouvernance. Elle ne s’occupe pas du volet « sécurité » du Pacte pour l’Afghanistan, mais en plus d’offrir un appui aux ministères afghans[14], elle a beaucoup travaillé jusqu’à présent avec le Groupe de travail sur la stratégie de développement national de l’Afghanistan, les responsables de la réforme de l’administration publique et de la politique en matière d’égalité des sexes dans la fonction publique, ainsi qu’avec le ministère du Relèvement rural et du Développement de l’Afghanistan.

Les planificateurs stratégiques des Forces canadiennes sont intégrés dans les ministères et les organismes du gouvernement afghan avec lesquels ils collaborent et sont dirigés par les Afghans. En gros, l’équipe fonctionne de la manière suivante : les membres aident les fonctionnaires à intégrer les idées concrètes des dirigeants afghans et des experts internationaux à l’intérieur de cadres stratégiques cohésifs[15].

L’ECS‑A a par exemple facilité les déplacements de fonctionnaires venus évaluer sur place les dégâts causés par une inondation. Elle a aussi fourni un soutien logistique à l’occasion de rencontres tenues avec huit conseillers provinciaux pour discuter de disparité et du soutien des initiatives nationales, provinciales et locales. L’équipe a aussi aidé le ministre du Relèvement rural et du Développement à préparer sa visite au Canada l’automne dernier. Enfin, elle a contribué à l’établissement de plans de développement provinciaux, dans le but de coordonner les efforts des provinces, de la FIAS et de l’ONU.

On peut se demander s’il est vraiment opportun d’employer ainsi des officiers. Trois raisons expliquent pourquoi l’ECS‑A est composée d’officiers des Forces canadiennes. Premièrement, les officiers supérieurs des Forces canadiennes sont bien formés en planification stratégique et en organisation de programmes. Ils ont l’habitude de monter et de diriger de complexes opérations de grande envergure, une expérience précieuse quand il s’agit d’aider les Afghans à bâtir un appareil bureaucratique. Deuxièmement, les membres de l’ECS‑A proviennent de la force régulière et de la force de réserve et possèdent des compétences, des connaissances et une expérience spécifiques variées dans des domaines comme les communications, la logistique, le droit, la médecine et le génie. Enfin, aucun autre ministère n’a offert ses services pour faire ce travail. Les officiers eux-mêmes conviennent qu’on ne doit pas s’attendre à ce que les Forces canadiennes fassent le travail de l’ECS‑A indéfiniment et que d’autres ministères ont des fonctionnaires bien mieux placés pour offrir des conseils stratégiques pertinents. Il reste que le CEMD a constaté un besoin et y a répondu rapidement. Le personnel des Forces canadiennes a embrassé cette mission et poursuit sa tâche. Les Forces canadiennes ne seraient pas fâchées qu’un autre ministère fasse preuve du même esprit d’initiative ou offre l’aide de personnel qualifié, mais jusqu’à présent, personne d’autre ne paraît intéressé à mettre l’épaule à la roue.

Opération ATHENA

L’opération Athena représente la contribution des Forces canadiennes à la FIAS, qui se chiffre à environ 2 500 membres.

Après avoir quitté l’Afghanistan en juillet 2002, les Forces canadiennes y sont revenues en août 2003 dans le cadre de l’opération Athena, en déployant à Kaboul un important contingent destiné à servir au sein de la FIAS. Pendant près de deux ans, la Brigade multinationale et le groupement tactique d’infanterie chargés d’assurer la sécurité à Kaboul et dans les environs étaient sous commandement canadien. En 2003, le major‑général Andrew Leslie était le commandant adjoint de la FIAS. Celle-ci, qui regroupait à un moment donné quelque 6 500 militaires venus de 35 pays, fut également sous le commandement du lieutenant-général Rick Hillier, de février à août 2004.

Dans le cadre de cinq rotations successives de six mois, les soldats canadiens affectés à l'opération Athena ont effectué des patrouilles à pied et des missions de surveillance dans la zone de responsabilité de la FIAS. Ils ont fait des descentes armées dans des caches d’armes illégales et certains ont été victimes de blessures, parfois mortelles, causées par l’explosion de mines et de bombes humaines. Pendant leur période de service à Kaboul, les contingents des Forces canadiennes ont facilité le processus d’élection démocratique de l’assemblée nationale afghane, des conseils provinciaux et du président afghan.

À la fin de 2005, le redéploiement à Kandahar des éléments des Forces canadiennes, pour participer temporairement à l’opération Enduring Freedom et se préparer à rejoindre une FIAS élargie, mettait un terme à cette étape de l’opération Athena. Des membres des Forces canadiennes ont alors pris la relève de leurs homologues américains à la tête d’une équipe provinciale de reconstruction. En février 2006, le brigadier-général David Fraser devenait le commandant de la Brigade multinationale dans le Commandement régional Sud. Il était accompagné du 1er Bataillon du Princess Patricia's Canadian Light Infantry (GT 1 PPCLI), chargé de neutraliser les talibans dans la province de Kandahar afin de créer un milieu sûr et propice à la reconstruction et au développement. Le GT 1 PPCLI a occupé la majorité de son temps à combattre les talibans et déploré un certain nombre de décès et de blessés. Un diplomate canadien a aussi perdu la vie à la suite d’un attentat suicide à Kandahar.

Le 31 juillet 2006, les troupes canadiennes cantonnées à Kandahar repassaient sous le commandement opérationnel de la FIAS, après que celle-ci eut étendu sa zone de responsabilité et ses opérations, prenant graduellement la place des forces américaines affectées à l’opération Enduring Freedom dans le sud de l’Afghanistan.

La FIAS exerce son autorité par l’entremise des cinq commandements régionaux (CR) qui lui sont subordonnés :

a.      Le Commandement régional de la capitale à Kaboul;

b.      Le Commandement régional Nord à Mazar-e-Charif;

c.      Le Commandement régional Ouest à Herat;

d.      Le Commandement régional Sud à Kandahar; et

e.      Le Commandement régional Est à Bagram.

Chacun de ces commandements régionaux, à l’exception de celui de la capitale, a sa propre équipe provinciale de reconstruction, dont le rôle consiste à aider les autorités locales à reconstruire le pays et à maintenir la sécurité dans la région.

a.    Cinq EPR au Commandement régional Nord;

b.    Quatre EPR au Commandement régional Ouest;

c.    Quatre EPR au Commandement régional Sud (dont l’une, celle de Kandahar, est dirigée par le Canada);

d.    12 EPR au Commandement régional est.

Le contingent canadien en Afghanistan est désigné sous le nom de Force opérationnelle interarmées en Afghanistan (FOI-AFG) et commandé par le brigadier-général Tim Grant. Soldat pour soldat, la FOI-AFG offre une capacité supérieure à celle de tout autre contingent national présent en Afghanistan. En voici la composition :

a.   un groupement tactique d’infanterie de 1 200 membres comprenant :

1.      Un escadron de génie de combat,

2.      Une batterie d’artillerie,

3.      Une troupe blindée de reconnaissance,

4.      Un escadron de chars Leopard,

5.      Une unité de véhicules aériens tactiques sans pilote et

6.      Des équipes de liaison et de mentorat opérationnel (ELMO) travaillant en collaboration avec des kandaks (bataillons)  d’infanterie de l’Armée nationale afghane (ANA) et le QG de corps de l’ANA;

b.   70 membres du personnel de soutien des services de santé (SSS) affectés à l’Unité médicale multinationale (UMM), sur le terrain d’aviation de Kandahar;

c.   30 membres des FC affectés au Quartier général de la Brigade multinationale (BMN);

d. 300 membres des FC affectés à l’Élément de commandement national (ECN) de Kandahar;

e.   300 militaires canadiens affectés à l’Élément de soutien national (ESN), à Kandahar;

f.    À Kaboul, environ 50 membres des FC au Quartier général de la FIAS, 15 autres militaires canadiens avec un détachement réduit de l’ESN et 11 autres à l’ambassade du Canada;

g.    250 militaires canadiens affectés à l’Élément de soutien du théâtre (EST) en Asie du Sud-Ouest; et

h.   l’Équipe provinciale de reconstruction de Kandahar.

Contribution de la Force aérienne du Canada

Depuis 2002, la Force aérienne offre un soutien continu aux opérations menées par nos militaires en Afghanistan et dans les environs. En incluant les opérations de transport aérien tactique entre la zone d'étape au camp Mirage et Kandahar, la Force aérienne procure une liaison vitale à la FOI-AFG. Pour qu'un pont aérien soit efficace, il faut s'y consacrer totalement, car le succès même de la mission dans ce pays en dépend.

Au cours de l’année 2006, la Force aérienne a organisé plus de 550 vols stratégiques pour transporter des milliers de personnes et des tonnes de matériel jusqu'au théâtre des opérations, à l’appui des troupes canadiennes. La flotte de cinq CC‑150 Polaris d'Airbus a servi avant tout à transporter du personnel et du petit fret sur palettes. Cependant, la plus grande partie — presque 75 p. 100 — du transport aérien stratégique a été impartie, notamment à l'US Air Force et ses C-17.

Le matériel et le personnel sont d'abord transportés par voie aérienne au camp Mirage, principale base aérienne du Canada dans la région. C'est également à partir de ce camp qu'est administré le personnel à son arrivée en Afghanistan ainsi qu'à son départ pour le domicile ou en congé de repos et de récupération. Ce camp est commandé par un lieutenant-colonel de la Force aérienne canadienne et est occupé presque uniquement par les membres de celle-ci. Des milliers d'entre eux ont discrètement servi à ce camp depuis sa mise sur pied en 2002.

Compte tenu de la menace et des risques aériens dans le théâtre d'opération, le CC-130 Hercules demeure la seule plate-forme permettant de déplacer du personnel en Afghanistan à partir du camp Mirage. Le Hercules, dont la taille n'est que le tiers ou le quart de celle des aéronefs de transport stratégique, est l'appareil de travail de la flotte de mobilité aérienne. Les aéronefs Hercules ont effectué plus de 500 vols en Afghanistan en 2006.

La Force aérienne est aussi à l’œuvre en territoire afghan. Des équipages d'aéronef et du personnel de soutien exécutent des missions aériennes avec le CC-130 Hercules d'un bout à l'autre de l'Afghanistan afin d’assurer un soutien direct aux Forces canadiennes. Que ce soit en déplaçant des militaires de Kandahar à Kaboul ou en parachutant jusqu'à 14 500 kilogrammes de ravitaillements par vol aux soldats disséminés dans tout le pays, ils jouent un rôle tout à fait déterminant. Ces équipages et ce personnel sont devenus un instrument clé pour les commandants, puisqu'ils approvisionnent nos soldats dans des endroits reculés de l'Afghanistan où le réseau routier est soit déficient ou détruit par les talibans.

En plus de soutenir nos soldats canadiens, la Force aérienne contribue au transport du personnel et du ravitaillement de forces étrangères, notamment celles des Pays-Bas, du Royaume-Uni et des États-Unis. D'autres pays louent son exactitude et son efficacité, particulièrement pour le largage d'approvisionnements en zones dangereuses et hostiles.

De plus, la Force aérienne est chargée de produire et de fournir des véhicules aériens sans pilote (des UAV) à la Force opérationnelle interarmées en Afghanistan. Des militaires de la Force aérienne et de l'Armée de terre, intégrés au sein d'une unité tactique UAV, apportent aux commandants sur le terrain un précieux soutien dans les domaines du renseignement, de la surveillance et de la reconnaissance.

Des hommes et des femmes de la Force aérienne sont aussi très actifs à des postes clés au quartier général de la FIAS, à Kaboul. Le major-général Angus Watt[16], qui occupait jusqu’à récemment les fonctions de commandant adjoint de la FIAS (Services de l’air), dirigeait les opérations de la FIAS quand son commandant s'absentait du théâtre des opérations. D'autres militaires de la Force aérienne du Canada servent au sein de l'Équipe consultative stratégique – Afghanistan à Kaboul. Des membres du génie de l'air et d'autres spécialistes de la Force aérienne font aussi partie de diverses unités.

Contribution de la Marine canadienne

Des officiers de marine, de la force régulière comme de la réserve, se retrouvent également au sein de l'Équipe consultative stratégique – Afghanistan. La Marine a aussi détaché du personnel auprès du Combined Forces Command – Afghanistan dirigé par les Américains, afin de contribuer au transfert de commandement entre les forces américaines et les forces de l'OTAN qui a eu lieu en 2006. Elle a en outre déployé un vaste éventail de personnel sur le théâtre des opérations, dont des policiers militaires, des médecins, des spécialistes du fret, des plongeurs, des techniciens des approvisionnements et autres, et envoyé à terre des plongeurs spécialisés en déminage pour repérer et désamorcer des engins explosifs improvisés, un travail essentiel et extrêmement périlleux s’il en est un.

Des spécialistes techniques et opérationnels de la Marine aident le chef d'état‑major de l'Armée de terre à déterminer dans quelle mesure il serait possible de déployer à terre le système de défense rapprochée Phalanx, ou CIWS. Il s'agit en fait d'un canon Gatling équipant les escorteurs et les frégates de la flotte canadienne, dont la puissance de tir est impressionnante et qui fait office de moyen de défense ultime contre les missiles anti-navires. On pense que le CIWS pourrait servir à défendre certaines installations contre des tirs de mortiers ou de roquettes.

Rappelons qu’en octobre 2001, c’est un groupe opérationnel naval ainsi que des patrouilleurs maritimes canadiens envoyés dans la mer d'Oman qui avaient défendu l'US Navy et les Marines partis chasser les talibans de Kandahar.

COMMANDEMENT NATIONAL ET COMMANDEMENT OPÉRATIONNEL

Commandement national

Le brigadier-général Grant, commandant de la FOI-AFG, assure actuellement le commandement national de tous les éléments des Forces canadiennes en Afghanistan. La chaîne de commandement national sert à traiter les questions de politique, d’administration et de discipline nationales. Le chef d’état-major de la Défense garde le commandement intégral de toute force opérationnelle interarmées (FOI) canadienne déployée outre-mer, par l’intermédiaire du commandant du COMFEC (Commandement de la Force expéditionnaire du Canada), dont relève le commandant de la FOI.

Commandement opérationnel

Dans le cadre de la mission de l’OTAN en Afghanistan, le Canada a convenu de placer une partie de ses troupes sous le commandement opérationnel (OPCOM) de responsables militaires de l’OTAN. La FOI-AFG est chargée de toutes les opérations militaires dans la province de Kandahar. Son commandant, le brigadier-général Grant, relève sur le plan opérationnel du major-général britannique Jacko Page, commandant du Commandement régional Sud de la FIAS. Le Tableau 1 ci-dessous offre une représentation graphique des chaînes de commandement national et opérationnel.

Chaîne de commandement national du Canada

Tableau 1 — Chaînes de commandement national et opérationnel

OPÉRATIONS CINÉTIQUES ET NON CINÉTIQUES

Comme en fait foi le grand nombre d’éléments composant la FOI-AFG, la mission des Forces canadiennes en Afghanistan est beaucoup plus nuancée et adaptable qu’on le pense en général, et ce, notamment en raison de sa capacité à mener aussi bien des opérations cinétiques que des opérations non cinétiques. Comme le nom semble l’indiquer, une « opération cinétique » comporte le recours à une force militaire pour attaquer et détruire l’ennemi. Une « opération non cinétique » est une activité militaire sans combat.

Les opérations cinétiques ont pour propriété d’impressionner l’ennemi ou de lui enlever le goût de se battre, tandis que les opérations non cinétiques se veulent généralement un moyen de gagner le cœur et la faveur des gens. La FOI-AFG est en mesure d’accomplir avec succès ces deux types d’opérations.

Fort de ses 1 200 membres, le Groupement tactique d’infanterie est une unité formidable capable d’opérations cinétiques énergiques. Il n’a jamais connu la défaite et les succès qu’il a connus au cours de l’opération Medusa, au côté d’autres troupes de l’OTAN et d’éléments de l’Armée nationale afghane à l’automne 2006, ont été salués comme ce qui pourrait constituer la victoire la plus importante remportée par l’OTAN en Afghanistan jusqu’à présent. Le Groupement tactique du 1 RCR, en collaboration avec les forces alliées de la FIAS, avait repoussé les talibans qui essayaient d’atteindre la ville de Kandahar.

Mais nos soldats sont aussi capables de mener à bien des opérations non cinétiques, parfois au prix de leur vie. Des éléments du groupement tactique d’infanterie ont érigé des postes de sécurité pour protéger le chantier de construction d’une nouvelle route, la route Summit, dans le district de Panjwayi, l’hiver dernier. Les travaux de construction, financés par les Canadiens, les Allemands et les Américains, sont exécutés par une entreprise japonaise faisant appel à de la main-d’œuvre afghane. Des ingénieurs militaires canadiens ont été consultés pour une partie des travaux qui, malgré les attaques talibanes ayant fait des morts et des blessés parmi nos soldats, se sont poursuivis jusqu’à leur achèvement.

Un autre exemple d’opération non cinétique est l’opération Falcon Summit (Baaz Tzuka). Dans les jours qui ont précédé cette opération, des soldats canadiens ont multiplié les rencontres avec des aînés tribaux pour discuter des efforts de reconstruction qui allaient commencer et convaincre la population locale de soutenir la FIAS et de l’aider à empêcher les talibans de revenir dans les lieux d’où ils ont été chassés. Puis, le 15 décembre 2006, un aéronef de l’OTAN a attaqué un poste de commandement taliban dans la région. Le même jour, un autre aéronef de l’OTAN inondait la région de tracts. La première série de tracts prévenait la population de l’imminence des affrontements. La deuxième série l’implorait de tourner le dos aux talibans et de soutenir les efforts de l’OTAN. La troisième série montrait l’image d’un combattant taliban barrée d’un gros X, signifiant que les talibans devaient quitter la région, sinon ils devraient en subir les conséquences. Lorsque l’opération a pris fin, en janvier 2007, on avait eu à recourir à très peu de force militaire et les talibans qui n’avaient pas été tués ou capturés avaient plié bagage.

L’Équipe provinciale de reconstruction de Kandahar (EPRK) constitue la principale unité opérationnelle non cinétique de la FOI-AFG. Elle se compose de personnel militaire et civil offrant une vaste gamme de compétences pour favoriser la reconstruction locale et contribuer au renforcement des capacités des collectivités dans la province de Kandahar. Pour pouvoir accomplir ses fonctions non cinétiques, l’EPR peut avoir à mener des opérations cinétiques de faible envergure, habituellement pour protéger certains de ses éléments.

La FOI-AFG regroupe aussi d’autres éléments non cinétiques qui sont très occupés dans la région. Notons, par exemple, le personnel médical qui offre des soins dans les villages ruraux, les membres des Forces canadiennes qui font du mentorat auprès du personnel de l’Armée nationale afghane à Kandahar ainsi qu’au Centre d’entraînement militaire à Kaboul, et l’ECS‑A qui assiste les planificateurs du gouvernement à Kaboul.

ZONES DE DÉVELOPPEMENT AFGHANES

Dans les provinces méridionales de l’Afghanistan, la FIAS observe une stratégie dite de la « tache d’encre », laquelle s’appuie sur le concept des zones de développement afghanes (ZDA), qui consiste en l’établissement de zones suffisamment sûres pour pouvoir se concentrer sur la reconstruction. On voudrait que ces zones, où le gouvernement afghan exerce son influence et son autorité, s’étendent comme une tache d’encre jusqu’à ce qu’elles couvrent l’ensemble du pays.

Essentiellement, la façon d’établir une ZDA est la suivante. Les forces de sécurité commencent par déloger les insurgés de la zone visée. Elles maintiennent ensuite leur présence afin d’assurer la sécurité des projets de développement en instaurant un climat de sécurité avec l’aide de l’Armée nationale afghane, de la Police auxiliaire nationale afghane et de la FIAS, et l’appui de l’EPR. Puis, l’EPR et les autres organismes de développement mettent en œuvre un programme accéléré d’investissements dans des projets importants non seulement sur le plan économique, mais également sur le plan social, par exemple ponts, routes, puits et cliniques. La FIAS offre une capacité d’intervention rapide afin de protéger ces ZDA contre la reprise des attaques des insurgés.

La FOI-AFG a pour tâche de transformer la ville de Kandahar en ZDA. Elle a pour cela déployé de solides éléments d’infanterie et des chars dans des bases d’opérations avancées en dehors de la ville, de part et d’autre des voies d’approche que pourraient emprunter les forces talibanes. C’est la Police nationale afghane qui est responsable d’assurer la sécurité à Kandahar, avec l’aide de l’Armée nationale afghane. L’EPR de Kandahar est aussi à pied d’œuvre dans cette ville. La stratégie fonctionne bien.

L’ÉQUIPE PROVINCIALE DE RECONSTRUCTION DE KANDAHAR (EPRK)

Le Canada s’est vu confier la responsabilité de l’EPR de Kandahar au mois d’août 2005. Celle-ci est une des 25 EPR constituées en Afghanistan pour :

a.      Aider à étendre l’autorité du gouvernement afghan et sa capacité de gouverner;

b.      Faciliter la reconstruction des infrastructures locales;

c.      Fournir des services aux citoyens.

L’EPRK cherche à faciliter une démarche interministérielle qui permet aux Afghans d’aider leurs concitoyens. Elle collabore avec des organisations non gouvernementales et des organisations internationales, et elle identifie les besoins de reconstruction dans les endroits où la communauté internationale n’est peut-être pas en mesure d’intervenir.

L’EPR de Kandahar regroupe près de 350 personnes, en majorité des membres des Forces canadiennes, mais aussi des conseillers diplomatiques du MAECI, des agents de développement de l’ACDI, des policiers civils sous la responsabilité de la GRC et des agents du Service correctionnel du Canada. Environ 145 personnes peuvent être affectées à des opérations. Le reste des effectifs est chargé de planifier et d’administrer les travaux de l’EPRK à partir du camp Nathan Smith de Kandahar. L’EPRK est constituée des ressources suivantes :

a.      Le Groupe du Quartier général tactique du commandant de l’EPR, qui assure la protection et la mobilité du commandant de l’EPR et de son personnel;

b.      Une compagnie de carabiniers d'infanterie pour protéger et escorter l'EPR, fournir une force de réaction rapide à Kandahar et effectuer des tâches de défense et de sécurité;

c.      Des chefs de projets militaires (ingénieurs militaires) qui augmentent les capacités de l’EPR à gérer des projets de reconstruction et de développement à impact rapide;

d.      Un peloton de coopération civilo-militaire (COCIM);

e.      Un peloton de police militaire;

f.        Des ressources médicales et de santé;

g.      Des éléments de service et de soutien; et

h.      D’autres éléments spécialisés, dont du personnel du Département d’État des États-Unis et de la US Agency for International Development (USAID).

La gamme de compétences

Il est important de souligner que l’EPRK cherche à mettre en valeur le potentiel afghan plutôt que de faire le travail elle-même. Le lieutenant-colonel Simon Hetherington a indiqué au Comité, au cours de sa visite à Kandahar en janvier 2007, que l’équipe cherche à donner une « couleur afghane » à tout ce qu’elle fait. À l’échelle locale, des spécialistes de l’EPRK rencontrent des « chouras » (des regroupements d’aînés d’un village) pour s’enquérir des désirs et des besoins de la population, afin de mieux aider celle-ci à reconstruire le pays.

Bien que dirigée par du personnel militaire canadien, l’EPRK n’est pas exclusivement canadienne. Le département d’État américain y a greffé des éléments de la US Agency for International Development (USAID) et l’équipe comprend aussi des représentants du ministère afghan de l’Intérieur.

Pour illustrer le travail accompli par les membres de l’EPRK, parlons de l’adjudant Dean Henley, surnommé le « prince de Panjwayi » par la population locale. À cause de la mallette grise qu’il transporte partout avec lui, c’est peut-être l’homme le plus populaire de tout le sud de l’Afghanistan. Cette mallette est bourrée d’argent avec lequel il engage des habitants, au salaire de 5 $ par jour, pour nettoyer les cours d’école ou encore creuser des tranchées ou des canaux. Lorsque le Comité a rencontré l’adjudant Henley en Afghanistan en janvier 2007, il avait déjà embauché plus de 500 personnes pour ce genre de travaux. L’idée, selon lui, était de donner aux Afghans juste assez d’argent pour qu’ils ne comptent pas seulement sur les Canadiens pour leur dénicher du travail.

L’adjudant Henley est un réserviste de l’Armée canadienne qui exerce normalement les fonctions d’enseignant au Canada. L’EPRK est remplie de gens comme lui.

La sécurité

L’EPRK a besoin de travailler dans un milieu sécuritaire. Les talibans sont hostiles aux travaux de reconstruction entrepris au niveau local et ont menacé et assassiné des Afghans qui ont décidé de collaborer aux projets du gouvernement et de la FIAS, dont Safia Ama Jan, directrice provinciale du ministère de la Condition féminine, abattue en septembre 2006 près de son domicile à Kandahar.

L’EPRK compte aussi une compagnie de carabiniers d’infanterie qui assure la sécurité de son personnel dans son travail de reconstruction. Elle fait appel au Groupe-brigade canadien pour les opérations de plus grande envergure visant à éliminer et à neutraliser les forces talibanes dans la région.

L’acheminement des fonds

Au cours de la visite du Comité à Kandahar, l’EPR s’est plainte du fait que l’ACDI n’acheminait pas assez rapidement l’argent devant servir à la reconstruction. Des sources officieuses nous ont appris que les fonds réservés à l’Afghanistan par l’ACDI sont assujettis aux mêmes processus contractuels et comptables que ceux qui sont imposés au Canada et que ces tracasseries administratives ne font que retarder la distribution, par l’EPR, du financement nécessaire à la mise en œuvre des projets.

On se rappellera qu’un officier supérieur des Forces canadiennes avait fait état du même problème à un autre comité parlementaire, en 2006. Au mois d’octobre 2006, le commandant de la FOI-AFG jouissait d’un fonds de reconstruction de 1,9 million de dollars provenant du MDNA et devant servir à des projets de reconstruction locaux et qui a depuis été porté à près de 4 millions de dollars. L’ACDI devait fournir des sommes supplémentaires pour des projets à plus long terme, et c’est cet argent qui tardait à arriver. L’échange qui suit est tiré des dossiers publics :

Bgén Howard: La ministre Josée Verner est venue ici. Elle a parlé des 100 millions de dollars par année qui vont en Afghanistan et des 10 p. 100 qui sont destinés à la province de Kandahar. Cela figure dans les comptes rendus de sa comparution ici la dernière fois. Basés sur ces 10 p. 100, un certain nombre de projets sont prêts à commencer, créés par l'EPR avec les trois agents de développement. Ils attendent simplement que ces fonds arrivent. Une fois qu'ils auront les fonds, ils pourront exécuter ces projets.

Le président: Les soldats sont là depuis combien de temps, et nous attendons toujours l'argent de l'ACDI?

Bgén Howard : Oui[17].

L’impression de déséquilibre qui se dégage de la stratégie des 3D est due en partie à la difficulté qu’a l’argent à franchir tous les méandres de la bureaucratie gouvernementale. Le succès de cette stratégie tient à la capacité des trois D à mettre à contribution leur savoir-faire respectif de façon dynamique et dans une parfaire complémentarité, en fonction de la mission à accomplir. Il semble cependant que l’ACDI a peut-être freiné les efforts de la diplomatie et de la défense à la fin de 2006. Le Comité espère qu’on a tiré de cela certains enseignements et que l’ACDI a modifié son processus de financement afin que les nouveaux fonds destinés aux projets de reconstruction et de développement annoncés en février 2007 par le premier ministre Harper soient acheminés dans les meilleurs délais afin de répondre aux besoins opérationnels de la mission.

La situation appelle un certain nombre de recommandations.

RECOMMANDATION 1

Le gouvernement devrait revoir les règles régissant l’attribution de fonds à des fins de reconstruction et de développement par l’entremise de l’Équipe provinciale de reconstruction de Kandahar afin que ces fonds puissent être acheminés à un rythme suffisant pour répondre aux besoins de la mission, et instituer des mesures de reddition de comptes au sujet des dépenses et de l’avancement des projets.

RECOMMANDATION 2

Il est essentiel que l’attribution sur le terrain des fonds destinés à la reconstruction et au développement se fasse rapidement non seulement en Afghanistan, mais aussi dans le cadre de toutes les opérations internationales du Canada. Par conséquent, le gouvernement devrait revoir les règles régissant l’attribution des fonds à des fins de reconstruction et de développement dans le cadre de toutes les opérations internationales afin que ces fonds puissent être acheminés à un rythme suffisant pour répondre aux besoins des missions, et instituer des mesures de reddition de comptes au sujet des dépenses et de l’avancement des projets.

RECOMMANDATION 3

Les décaissements de fonds destinés à la reconstruction et au développement sont comptabilisés dans les rapports ministériels sur le rendement et les ministres responsables peuvent être invités à comparaître devant des comités parlementaires pour rendre compte de ces dépenses, mais le Comité estime qu’il faudrait soumettre les fonds destinés au développement international à une vérification afin de s’assurer que le financement des projets est transparent, efficace et efficient.


[1]              Les Américains ayant l’habitude de ne pas placer leurs troupes sous le commandement opérationnel d’étrangers, le fait de mettre des forces américaines en Afghanistan sous les ordres d’un Canadien représentait une belle marque de confiance dans la qualité du commandement opérationnel canadien.

[2]              Donald McArthur, « Canadian troops press ahead in Op Medusa », dans Canwest News Service, Windsor Star, 6 septembre 2006. http://www.canada.com/globaltv/national/story.html?id=57f6ad09-1281-4cf9-b1ca-2c90d4ce8154.

[3]              Communiqué de l’OTAN, « Operation Baaz Tsuka will send a strong message to Taliban from Afghan people », 15 décembre 2006.

[4]              Général David Richards, commandant de la FIAS, information fournie au Comité permanent de la défense nationale le 26 janvier 2007, à Kandahar. Le général Richards a énuméré les objectifs des talibans en 2006 : (1) s’emparer de la ville de Kandahar, (2) repousser les troupes britanniques de la province d’Helmand et (3) poursuivre l’offensive tout au long de l’hiver (2006-2007). Aucun de ces objectifs n’a été atteint.

[5]              Mission d’aide des Nations Unies en Afghanistan, Accord sur les arrangements provisoires applicables à l’Afghanistan en attendant le rétablissement d’institutions étatiques permanentes, http://www.unama-afg.org/docs/_nonUN%20Docs/_Internation-Conferences&Forums/Bonn-Talks/bonn.htm.

[6]              Ibid., Annexe I.

[7]              John McCallum, hansard, 12 février 2003.

[8]              Ibid., hansard, 28 avril 2003.

[9]              Bill Graham, Transcription d’une téléconférence, 12 octobre 2005, site du MDN,  http://www.dnd.ca/site/newsroom/view_news_e.asp?id=1778. [traduction]

[10]           Le Pacte pour l’Afghanistan est notamment exposé à http://www.fco.gov.uk/Files/kfile/20060130%20Afghanistan%20Compact%20Final%20Final,0.doc.

[11]           Les opérations décrites au présent chapitre sont toutes des opérations typiquement canadiennes correspondant à une mission précise. Il ne faut pas les confondre avec les opérations de combat menées par l’OTAN, comme l’opération Medusa et l’opération américaine Enduring Freedom.

[12]           Tiré d’une présentation du lieutenant-colonel Fred Aubin dans le contexte d’une table ronde de l’Institut de la Conférence des associations de la défense le 30 mars 2007. Le lieutenant-colonel Aubin venait de rentrer au Canada après avoir servi près d’un an comme commandant adjoint de l’Équipe consultative stratégique – Afghanistan. [traduction]

[13]           Ibid.

[14]           L’ECS–A collabore avec les ministères suivants : le chef de Cabinet du président; le premier conseiller économique du président; le directeur général de la stratégie de développement national de l’Afghanistan; le ministère de la Justice; le ministère des Communications nationales; le ministère du Relèvement et du Développement rural (Programme de solidarité nationale); le ministère de l’Éducation; le ministère des Transports et de l’Aviation civile; le ministère de l’Intérieur; le ministère des Finances; et le président de la Réforme administrative indépendante et la Commission de la fonction publique. L’ECS-A ne s’occupe pas des questions de sécurité.

[15]           Site Web du MDM,.Op. ARGUS, http://www.forces.gc.ca/site/afghanistan/argus_f.asp.

[16]           Qui allait bientôt devenir le lieutenant-général Angus Watt, Chef d’état-major de la Force aérienne (commandant des Forces aériennes) au Quartier général de la Défense nationale à Ottawa.

[17]           Brigadier-général A.J. Howard, Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, Témoignages, 16 octobre 2006.