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NDDN Rapport du Comité

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RÉSUMÉ

Le mandat adopté le 16 mai 2006 par le Comité permanent de la défense nationale de la Chambre des communes est ainsi libellé :

Que le Comité étudie les divers aspects de la mission des troupes canadiennes en Afghanistan, tels que sa durée, l’état des troupes et des équipements, le rapport entre le volet de la mission directement lié aux opérations de combat et celui qui vise à contribuer à la reconstruction du pays ainsi que les critères d’évaluation qui permettront d’évaluer le succès de cette mission, le tout afin de déterminer s’il est possible de la mener à bien tout en respectant les autres obligations du Canada sur la scène internationale, et qu’il présente ses recommandations dans un rapport à la Chambre au terme de son étude[1].

Le présent rapport porte tout particulièrement sur la mission militaire du Canada en Afghanistan.

Le Canada est signataire du Pacte pour l’Afghanistan de 2006[2], conclu entre la communauté internationale et le gouvernement de la République islamique d’Afghanistan, et en vertu duquel la communauté internationale s’engage à aider l’Afghanistan à renforcer sa capacité de reconstruire le pays. À cette fin, trois grands domaines d’activités — ou « axes » d’intervention — ont été définis :

a.      Sécurité;

b.      Gouvernance, règle de droit et droits de l’homme;

c.      Développement économique et social.

Le contingent militaire canadien — la Force opérationnelle interarmées en Afghanistan (FOI-AFG) — représente l’un des trois « D » — en l’occurrence, la « défense » — qui, conjugué aux efforts de diplomatie et de développement, forme l’approche 3D adoptée par le gouvernement dans les situations complexes de conflit et d’après-conflit. L’approche 3D s’inscrit elle-même dans la démarche pangouvernementale généralement privilégiée par le gouvernement pour gérer les situations de crise modernes.

Le Comité constate que la FOI-AFG est la mission la plus efficace au combat, la mieux entraînée, la mieux dirigée, la mieux équipée et la mieux appuyée du genre à jamais avoir été déployée par le Canada. Elle figure au nombre des meilleurs contingents nationaux de la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS).

Les Forces canadiennes sont en Afghanistan :

a.      Pour défendre les intérêts du Canada en matière de sécurité nationale et contribuer à faire en sorte que l’Afghanistan ne redevienne pas un refuge pour les terroristes du monde entier;

b.      À l’invitation du gouvernement démocratiquement élu de la République islamique d’Afghanistan, pour aider à sécuriser l’environnement et le rendre propice à l’instauration d’un état de droit, au respect des droits de la personne et à la prospérité économique;

c.      Pour soutenir nos alliés et nos autres nations amies au sein de l’ONU, de l’OTAN et du G8 et exercer notre leadership dans l’une des zones opérationnelles les plus difficiles.

La leçon la plus importante que le Comité a tirée de son étude est sans doute la suivante : la mission des Forces canadiennes en Afghanistan est une entreprise hautement complexe et noble. Notre position est extrêmement délicate et il n’existe pas de solution simple, ni de remède miracle. Ce pays aura besoin d’un appui international pour au moins une dizaine d’années encore, si ce n’est toute une génération.

L’une de nos constatations les plus importantes est que les Canadiens ne sont en général pas suffisamment informés au sujet de la mission des Forces canadiennes en Afghanistan, de sorte que bon nombre d’entre eux ne comprennent pas bien ce que nos militaires font là‑bas. Dans notre rapport, nous prenons donc le temps d’expliquer le cadre et le contexte complexes dans lequel les Forces canadiennes doivent évoluer. Nous abordons ensuite le mandat des Forces canadiennes en Afghanistan. Les chapitres subséquents s’attardent aux aspects précis énoncés dans le mandat de notre étude et à d’autres questions importantes qui ont attiré notre attention au fil de nos travaux et sur lesquelles nous avons aussi décidé de nous pencher.

Le Comité a dégagé trois facteurs importants qui ont une incidence déterminante sur la mission des Forces canadiennes. Premièrement, le Canada n’intervient pas unilatéralement en Afghanistan. Par conséquent, les appels bien intentionnés pour exhorter le Canada à faire « ceci » ou à changer « cela » témoignent d’une vision trop simpliste des enjeux. Deuxièmement, l’un des aspects sans doute les plus mal compris de la mission est que son objectif en est un de renforcement des capacités. Depuis le début, l’aide internationale offerte a pour but d’appuyer les Afghans. Les Canadiens ne sont pas là pour faire le travail à la place des Afghans, ils sont là pour les aider à renforcer leur capacité de se prendre en mains et ainsi donner un « visage afghan » aux efforts de développement et de reconstruction. Il coule de source alors que les progrès ne peuvent être plus rapides que le rythme auquel s’effectue le renforcement des capacités du pays — c’est‑à-dire le « rythme afghan ». Il ne sert donc à rien de précipiter l’envoi de fonds, de ressources humaines et d’équipement si les structures en place ne sont pas prêtes encore à les utiliser efficacement. Troisièmement, et c’est là sans doute l’élément le plus important, le Canada a pris position dans ce conflit. Avec ses alliés, il a décidé d’appuyer le gouvernement démocratiquement élu de l’Afghanistan. La mission n’a pas et n’a jamais rien eu de commun avec une mission de maintien de la paix.

Les risques sont généralement de trois ordres. D’abord, la principale menace directe pour la sécurité nationale de l’Afghanistan et pour les troupes canadiennes réside dans la présence des talibans qui continuent à fomenter la rébellion contre le gouvernement afghan et utilisent des tactiques de guérilla contre la FOI-AFG, notamment des attentats-suicides, des engins explosifs improvisés et des embuscades à la mitrailleuse et au fusil lance-grenades. La deuxième menace réside dans le climat malsain créé par l’effet conjugué de la corruption, du commerce illégal de la drogue et de l’influence constante exercée par les seigneurs de la guerre à l’extérieur de la capitale,  Kaboul. Quant à la troisième forme de menace, le Comité estime qu’elle est plus près de nous. Elle réside dans notre propre impatience face à la lenteur des progrès accomplis en Afghanistan. Le fait est que les militaires ne peuvent à eux seuls résoudre le problème de l’Afghanistan.

Aussi fier qu’il puisse l’être de la contribution des militaires canadiens, le Comité n’en est pas moins conscient des lourds défis posés par l’ensemble de la mission internationale en général et la mission canadienne en particulier en Afghanistan. Nous avons constaté que, malgré certains signes récents d’amélioration, le travail d’information du gouvernement canadien et des médias pour renseigner la population canadienne en général et les parlementaires sur la mission militaire du Canada en Afghanistan a grandement laissé à désirer. Le gouvernement aurait pu faire davantage et les médias auraient pu être beaucoup plus nuancés dans leurs reportages et faire une plus grande place aux interventions non militaires que nos troupes ne cessent de mener là‑bas. À cet égard, nous nous réjouissons de la publication par le gouvernement d’un rapport expliquant les progrès accomplis par la mission canadienne en Afghanistan[3].

Les opposants à la mission lui reprochent son déséquilibre et estiment qu’il faut intensifier l’offensive diplomatique et les efforts de développement et réduire les opérations de combat. Pratiquement toutes les personnes que nous avons rencontrées, y compris les commandants, conviennent de la nécessité d’accentuer les efforts de développement, mais ils signalent que la sécurité l’emporte sur le développement et que tant qu’un niveau minimum de sécurité n’aura pas été établi, l’acheminement de l’aide au développement ne pourra être aussi fluide que voulu. De plus, les reproches formulés au sujet du déséquilibre de la mission reposent habituellement sur des hypothèses simplistes qui confondent équilibre et volume des effectifs ou montant d’argent investi. En fait, l’équilibre se mesure beaucoup mieux en fonction des résultats. Si l’on se fie aux travaux de l’Équipe provinciale de reconstruction (EPR) de Kandahar pilotée par le Canada et de l’Équipe consultative stratégique–Afghanistan qui travaille avec les ministères du gouvernement afghan à Kaboul, la mission militaire a toujours eu un degré d’équilibre qui échappe à la plupart des Canadiens.

Un grand nombre de soldats des Forces canadiennes participent à l’entraînement de l’Armée nationale afghane et se battent aux côtés des soldats afghans. Le Canada pourrait faire plus à ce chapitre, puisque la mise en place d’une Armée nationale afghane compétente, efficace et capable de protéger le pays constitue une condition préalable essentielle au retrait des troupes étrangères de l’Afghanistan.

Nos troupes ont été témoins d’importantes opérations de combat et l’ont emporté dans chaque grand affrontement tactique contre les talibans, mais elles ont payé un lourd tribut. Jusqu’ici, 58 Canadiens ont perdu la vie en Afghanistan. Beaucoup d’autres ont été blessés — 205 au 30 avril 2007. Les soldats qui subissent des blessures corporelles sont pris en charge par un système médical de calibre international qui fonctionne grâce au soutien des troupes multinationales et alliées, depuis le champ de bataille jusqu’au Canada. La capacité des Forces canadiennes de diagnostiquer et de traiter les traumatismes psychiques a beaucoup évolué au cours de la dernière décennie et les soins offerts aux soldats victimes de stress opérationnel à la suite de leur service en Afghanistan font l’objet d’une attention considérable. Pour la première fois aussi, les familles des soldats envoyés en mission reçoivent l’aide de professionnels en santé mentale, même si la situation à ce chapitre est encore loin d’être parfaite.

Les soldats canadiens en poste en Afghanistan disposent de certaines des meilleures pièces d’équipement au monde et, ce qui est sans doute plus important encore, l’amélioration du processus d’acquisition de matériel de défense a grandement accéléré la livraison de nouveau matériel opérationnel important. Alors que l’envoi de matériel important aux troupes sur le terrain pouvait auparavant prendre jusqu’à 10 ans ou même plus, de nouvelles pièces d’artillerie, de nouveaux véhicules blindés de transport du personnel résistant aux mines, des véhicules aériens sans pilote et d’autres matériaux de blindage pour les camions ont tous été livrés en Afghanistan dans l’année suivant la date où les commandants en ont fait la demande. C’est là un premier signe encourageant de la volonté du gouvernement de faciliter la collaboration entre l’état-major militaire et les fonctionnaires.

L’aide à la reconstruction et au développement a cependant été plus tardive à venir. En 2006, à l’issue d’importantes opérations de combat, il a fallu trop de temps avant que des projets de reconstruction et de développement ne soient mis en chantier pour atténuer les effets des opérations de la FIAS sur la population locale, dont une bonne partie avait pris le chemin de l’exode et ne pouvait pas revenir tant que de nouveaux puits n’avaient pas été creusés, que les maisons n’avaient pas été réparées et que l’approvisionnement alimentaire n’avait pas repris. Les forces militaires canadiennes sont en mesure d’assurer temporairement la sécurité, mais parce que les travaux de reconstruction tardent à se mettre en marche, il est difficile de convaincre les Afghans de rentrer chez eux. Les fonds du MDN destinés au commandant de la FOI-AFG sont arrivés rapidement et ont permis de financer la mise en chantier de certains projets locaux, mais les fonds plus importants provenant de l’ACDI ont mis plus de temps à arriver. Tout indique cependant que les formalités administratives ont été assouplies et que l’acheminement des fonds de développement de l’ACDI est maintenant plus fluide.

Certains dossiers ont quelque peu porté ombrage aux réalisations de nos militaires. D’abord, un certain nombre d’enquêtes, basées sur des allégations non vérifiées, sont en cours au Canada pour faire la lumière sur le traitement réservé aux détenus afghans dans les prisons canadiennes et sur le transfert de ces détenus aux autorités afghanes. Ensuite, certaines inquiétudes ont été exprimées au sujet de la qualité de l’arrangement technique conclu entre les Forces canadiennes et le ministère de la Défense nationale de l’Afghanistan en ce qui concerne les modalités de transfert des détenus par les Forces canadiennes aux autorités afghanes responsables de la sécurité. Cependant, un second arrangement, qui a remplacé le premier, a dissipé une bonne partie de ces préoccupations. Enfin, les combats entre la FIAS et les insurgés talibans ont fait quelques victimes innocentes parmi les civils afghans. La plupart de ces malheureux incidents représentaient des dommages collatéraux associés à des frappes aériennes. Le Canada n’a pas d’avion de combat en Afghanistan et même si les troupes canadiennes n’ont pas participé directement à ces frappes, les Afghans mécontents ne font habituellement pas la différence entre les troupes étrangères. De plus, il est arrivé que les troupes canadiennes tirent sur des civils afghans dans le cours de leurs opérations. Peu importe leurs circonstances, ces regrettables incidents sont un souci constant dans la campagne menée pour « conquérir le cœur et l’esprit » du peuple afghan.

Aucun des témoins qui ont comparu devant le Comité ne s’attend à ce que le problème militaire en Afghanistan se règle d’ici février 2009. Tout le monde croit qu’il faudra beaucoup plus de temps. Certains parlent de dizaines d’années; d’autres, de générations; mais tous envisagent un engagement à long terme. Cela nous oblige à nous interroger sur la question de savoir s’il y a lieu ou non de prolonger le mandat de la mission.

Pour répondre à cette question, le Comité propose certaines recommandations sur les moyens que le gouvernement pourrait prendre pour améliorer sa façon de transmettre l’information à la population canadienne en général et au Parlement. En bout de ligne, le Comité recommande la tenue d’un débat parlementaire en 2008 sur la question de savoir si la mission doit être prolongée au‑delà de février 2009. Dans l’intervalle, le Comité trouve important de rappeler que le Canada n’est pas le seul à intervenir. Le Canada et ses alliés — les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Australie, le Danemark, les Pays-Bas, l’Estonie et la Roumanie — déploient près de 12 000 soldats (2 500 Canadiens) dans le sud de l’Afghanistan. Si nos troupes partent, un autre pays devra prendre la relève.

En guise de conclusion, nous reconnaissons bien humblement que bon nombre de nos proches alliés traditionnels assument effectivement leur part du fardeau du combat et consacrent énormément de ressources au développement et à la reconstruction dans le sud de l’Afghanistan. À l’instar du Canada, plusieurs d’entre eux ont payé de leur sang et de leurs deniers. Nous pouvons certes en exhorter d’autres à faire davantage, mais il n’y a pas de meilleure façon de les inciter à faire leur part que de continuer nous-mêmes à exercer un véritable leadership. À cet égard, la mission militaire du Canada en Afghanistan a porté fruit. Les hommes et les femmes membres des Forces canadiennes ont participé à l’écriture d’une autre merveilleuse page de l’histoire canadienne.


[1]              Comité permanent de la défense nationale, Procès-verbal, réunion no 2, le mardi 16 mai 2006.

[2]              Pour consulter le Pacte pour l’Afghanistan, voir le site Web de la MANUA à l’adresse suivante : http://www.unama-afg.org/news/_londonConf/_docs/06jan30-AfghanistanCompact-Final.pdf.

[3]              Gouvernement du Canada, La mission du Canada en Afghanistan : Mesurer les progrès, Rapport au Parlement, février 2007, http://geo.international.gc.ca/cip-pic/afghanistan/docs/260207_Report_F.pdf.