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PACP Rapport du Comité

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BUREAU DES PASSEPORTS — LES SERVICES DE PASSEPORT

Introduction

Il y a déjà fort longtemps que les Canadiens ont le privilège de pouvoir utiliser des documents de voyage qui comptent sans doute parmi les plus respectés et les plus fiables du monde. Face aux turbulences et à l’imprévisibilité que connaissent de nombreuses régions de la planète qui n’ont pas la même chance, il est rassurant de savoir que le passeport des Canadiens peut leur faciliter le passage à l'étranger, que ce soit dans le cadre d’un voyage d’agrément ou d’affaires ou encore pour visiter des parents. Les terribles événements du 11 septembre 2001 ont rappelé aux Canadiens la fragilité des services de renseignement et de défense modernes, aussi avancés soient-ils sur le plan technologique, et la nécessité de préserver, voire de renforcer, la fiabilité de leur passeport.

C’est à Passeport Canada qu’incombe la tâche complexe de vérifier si les demandeurs de passeport sont bien ceux qu’ils prétendent être, tout en fournissant un service efficient — ce qui est particulièrement important car les coûts en sont assumés exclusivement par les utilisateurs — et en maintenant l’intégrité des systèmes de délivrance des passeports ainsi que des documents eux-mêmes.

Appelé jusqu'à tout récemment Bureau des passeports, Passeport Canada offre maintenant ses services dans 33 bureaux à l’échelle du pays et par le truchement des ambassades et bureaux consulaires du Canada à l'étranger. Bien qu’il ait dû répondre à des demandes de plus en plus pressantes pour une amélioration de la sécurité entourant la délivrance des passeports, Passeport Canada a aussi dû faire face à une flambée des demandes de passeports comme telles. Avant septembre 2001, Passeport Canada délivrait environ un million de passeports par année; le volume des demandes est maintenant passé à quelque 2,7 millions et tout donne à penser que cette tendance ira en s’accentuant [1].

En prévision de cette éventualité, Passeport Canada a pris des mesures pour rendre les passeports aussi accessibles que possible à un aussi grand nombre de Canadiens que possible. Par exemple, il vient de prendre des dispositions pour installer ses bureaux dans des locaux de Service Canada (même s’il continuera à faire partie du ministère des Affaires étrangères) et a conclu un accord avec Postes Canada, dont certains comptoirs deviendront un point de réception initial pour les demandes de passeport. Cela fait que, comme l’a exprimé la vérificatrice générale, Passeport Canada a « du mal à répondre [simultanément] à la demande de services et aux attentes croissantes en matière de sécurité ».

Connaissant les défis inhérents au mandat de Passeport Canada ainsi que la nature cruciale du mandat lui-même, le Comité a choisi de se pencher sur les conclusions d’une vérification menée par la vérificatrice générale et communiquée au Parlement dans le 3e chapitre de son rapport d’avril 2005, intitulé « Bureau des passeports — Les services de passeport ». Le Comité a donc rencontré la vérificatrice générale, Mme Sheila Fraser, le 20 octobre 2005, afin de discuter des observations de la vérification et des recommandations contenues dans son rapport. Elle était accompagnée de M. Richard Flageole, vérificateur général adjoint, et de M. Paul Morse, directeur principal responsable de la vérification. Mme Doreen Steidle, présidente-directrice générale de Passeport Canada, a également comparu, accompagnée de Mme Jody Thomas, directrice générale de la sécurité.

Observations and Recommandations

Lorsqu’elles ont été publiées, en avril 2005, les constatations de la vérificatrice générale ont suscité énormément d’inquiétude au sein de la population canadienne et parmi les parlementaires. Au chapitre de la sécurité, la vérificatrice générale a indiqué ce qui suit au Parlement :

  • Au Canada, les examinateurs de passeports sont bien formés, mais l’instruction sur la façon de détecter les faux documents n'est pas toujours offerte et les examinateurs ont besoin de formations d’appoint plus fréquentes.
  • Certains examinateurs ne possèdent pas la cote de sécurité appropriée et ont néanmoins accès à des documents et données internes essentiels.
  • Il n'y a pas de système structuré d’assurance de la qualité garantissant que les examinateurs suivent les procédures nécessaires.
  • Il n'y a aucune preuve que les examinateurs vérifient les renseignements fournis auprès des répondants (les personnes nommées par les requérants qui peuvent attester de l’identité de ces derniers).
  • Il n'y a pas de liaisons électroniques avec les bureaux de l’État civil des provinces ou avec Citoyenneté et Immigration Canada qui permettraient aux examinateurs de confirmer les documents d’identité présentés par les requérants.
  • Les requérants n’ont pas à indiquer s’ils ont fait l’objet d’accusations au criminel ou d’ordonnances de probation.
  • La liste de surveillance que tient Passeport Canada sur les personnes dont les demandes de passeport doivent faire l’objet d’un examen minutieux en vue d’un rejet possible, est incomplète; elle n'est pas reliée aux bases de données d’autres ministères et organismes — par exemple, elle n'est pas reliée au Centre d'information de la police canadienne (CIPC), qui contient des renseignements sur les personnes recherchées ou en probation.

Pour ce qui est de l’autre volet du mandat de Passeport Canada, les services aux clients, les constatations de la vérificatrice générale n’étaient guère plus rassurantes. Mme Fraser a indiqué que :

  • Le Bureau a réduit ses normes de service en décembre 2001 sans avoir consulté les clients.
  • Il n’existe pas de normes pour les fonctions de validation de l’identité et d’établissement de la citoyenneté par les examinateurs. Il n’existe pas non plus de normes nationales sur le nombre de demandes que les examinateurs doivent traiter chaque jour et le nombre d’erreurs pouvant raisonnablement se produire.
  • Passeport Canada ne possède pas d'information adéquate sur les coûts associés au respect des normes de service et, par conséquent, ne peut consulter les parties intéressées au sujet des coûts des services.
  • Passeport Canada n’a pas de plan d’urgence, de fonds d’urgence ou d’installations temporaires pour faire face à une éventuelle augmentation soudaine des demandes de passeport.
  • Passeport Canada n’a pas analysé ses différentes méthodes de prestation afin de déterminer lesquelles offrent le meilleur équilibre entre l’accessibilité, la sécurité, le coût.

Environ six mois après la publication de la vérification, Passeport Canada était impatient de démontrer que ses efforts visant à combler ces lacunes avaient donné des résultats. Les efforts en question, selon Mme Steidle, ont fait fond sur les recommandations de la vérificatrice générale, que le Bureau des passeports considère comme « un plan à suivre pour résoudre les problèmes ».

Utilisant ces recommandations et observations comme point de départ, Passeport Canada a élaboré un plan d’action et rencontré la vérificatrice générale afin d’entamer les préparatifs d’une vérification de suivi qui doit être publiée en 2007. Mme Steidle a pu fournir au Comité des exemplaires à jour de ce plan indiquant les secteurs où des initiatives ont été menées à terme et d’autres où des progrès ont eu lieu et pour lesquels des dates cibles d’achèvement ont été fixées. Dans un domaine aussi sensible et crucial que la sécurité des passeports, le Comité n’aurait accepté rien de moins.

La principale préoccupation du Comité concerne les délais. Comme on l’a fait observer pendant la réunion, les résultats de la vérification de suivi de la vérificatrice générale ne seront connus du Parlement qu’en 2007. Entre-temps, dans un monde où les événements ont tendance à se bousculer sans avertissement, il est impératif que Passeport Canada apporte sans tarder les changements proposés dans son plan d'action. Le Comité observe que Mme Steidle a acquiescé à la demande du Comité de lui remettre un rapport d’étape à jour sur son plan d'action, et il croit que cela revêt suffisamment d’importance pour le formuler sous forme de recommandation. Par conséquent, le Comité recommande :

Recommandation 1
Que Passeport Canada communique au Comité permanent des comptes publics l’état des progrès accomplis dans la mise en œuvre du plan d'action établi en réponse aux recommandations et observations faites par la vérificatrice générale du Canada, au plus tard le 1er septembre 2006.

En outre, le Comité estime qu’en raison de l'intérêt qu’ils présentent pour les autres parlementaires, ces renseignements devraient être communiqués au Parlement lui-même, et il recommande donc :

Recommandation 2
Que Passeport Canada incorpore, dans son rapport sur le rendement pour la période prenant fin le 31 mars 2006, une analyse détaillée des problèmes soulevés par la vérificatrice générale du Canada dans son rapport d’avril 2005 ainsi que des mesures prises pour y donner suite. S’il y a lieu, un examen des résultats doit également y figurer, et la communication de ces renseignements doit se poursuivre jusqu'à ce que toutes les mesures correctives aient été mises en œuvre avec succès.

Dans certains secteurs, le Comité croit que le plan d'action devrait être plus précis. Sa principale préoccupation vise la manière dont Passeport Canada finance ses opérations et élabore des plans pour faire face aux imprévus.

Comme on le mentionne plus haut, Passeport Canada est financé exclusivement par les frais d’utilisation. Par exemple, en 2003 2004, il a recueilli 158 millions de dollars auprès des détenteurs de passeport et 54 millions de dollars additionnels au titre des droits consulaires [2]. Cet arrangement semble approprié au premier abord, mais un examen plus attentif fait naître des questions. Comme l’a signalé la vérificatrice générale dans son rapport, Passeport Canada n’avait ni plan ni fonds d’urgence pour l’aider à traiter le nombre sans précédent de demandes de passeport présentées en 2002 2003 et 2003 2004. S’adressant au Comité, elle a ajouté :

Jusqu'à maintenant, il demeure ce qu'on appelle un organisme de service spécial. Il doit donc couvrir ses coûts au moyen des frais exigés pour les passeports. Dans une nouvelle ère en matière de sécurité, lorsqu'il faut adopter des techniques nouvelles, ne doit-on pas considérer certains de ces coûts comme servant à assurer le bien commun et ne pas nécessairement les financer au moyen des frais exigés pour les passeports?

Dans le plan d'action qu’il a présenté pour la première fois au Comité en mai 2005, Passeport Canada a convenu d’élaborer des plans d’urgence pour les hausses soudaines et imprévues de la demande. Il a depuis passé un contrat avec le Conference Board du Canada afin d’anticiper la demande future (prévisions de volume) et il a convenu d’adopter l’approche intégrée en matière de gestion des risques recommandée par la vérificatrice générale. Toutefois, dans son rapport de la mi année sur son plan d'action daté d’octobre 2005, Passeport Canada promet uniquement d’examiner la création d’un plan financier d’urgence. Cela reste en deçà des mesures concrètes que souhaite le Comité. Le Comité recommande par conséquent :

Recommandation 3
Que Passeport Canada prépare un fonds d’urgence et fixe une date pour son établissement lorsqu’il fera rapport sur la mise en œuvre de son plan d'action, en septembre 2006.
Recommandation 4
Que Passeport Canada examine si l’arrangement financier actuel demeure adéquat à la lumière des coûts croissants liés à la nécessité d’élaborer, d’installer et de faire fonctionner de nouvelles technologies de la sécurité, et qu’il utilise cet examen comme fondement de discussions avec Affaires étrangères Canada sur d’éventuelles modifications à sa politique de financement. L’examen devrait aussi étudier la possibilité de renouveler les passeports pour une période de 10 ans.

Le plan d'action doit aussi être précisé dans d’autres secteurs. Bien que les témoins aient fourni des détails additionnels, ceux ci doivent être intégrés dans le plan lui-même afin que le Parlement dispose de points de repère pour évaluer les progrès accomplis dans le règlement des problèmes urgents. Par conséquent, le Comité recommande :

Recommandation 5
Que Passeport Canada renforce son plan d'action en y ajoutant les clarifications suivantes :
  • Une date cible pour la mise en œuvre complète d’un système approprié d’assurance de la qualité du travail accompli par les examinateurs;
  • Le calendrier pour l'établissement d’un système interjuridictionnel de vérification de l’identité, de même qu’une indication des comptes à rendre pour sa mise en œuvre;
  • Des dates cibles pour l’établissement de liaisons électroniques aux fins de l’échange sécuritaire de données en vertu de nouveaux protocoles d’entente; et
  • Une date cible pour la mise en œuvre d’un système de coûts amélioré ainsi qu’une indication du moment où les parties intéressées seront consultées sur les coûts et avantages des droits consulaires et des frais d’obtention de passeports.
Ces éléments doivent être intégrés au plan d'action avant le 1er septembre 2006 et faire l’objet de renvois appropriés dans le rapport d’étape à jour devant être présenté par Passeport Canada à ce moment.

Finalement, le Comité s’inquiète de la cote de sécurité des employés étrangers qui s’occupent des demandes de passeport dans les ambassades canadiennes et de la qualité de la formation qu’ils reçoivent. Passeport Canada procède en ce moment à une évaluation des risques dans toutes les missions canadiennes et porte une attention particulière au traitement des demandes de passeport. Cette évaluation devrait être terminée en décembre 2005 et fournir de l’information quant à savoir qui délivre des passeports. Lorsque le Comité connaîtra cette information, il recommande :

Recommandation 6
Que Passeport Canada s’assure que le personnel étranger qui traite les demandes de passeport dans les ambassades et les consulats canadiens satisfasse aux mêmes normes de sécurité que les examinateurs au Canada, et qu’il reçoive une formation de qualité égale dispensée à la même fréquence.

Conclusion

Dans son rapport d’avril 2005, la vérificatrice générale a résumé ses constatations de la façon suivante :

Il faudra de nombreuses améliorations sur les plans des technologies et de l'assurance de la qualité pour accroître la sécurité de la délivrance des passeports. […] À notre avis, compte tenu des améliorations qui ont déjà été apportées, les systèmes et les pratiques de gestion actuelles [de Passeport Canada] ne sont pas adéquats pour relever les défis à venir.

S’adressant au Comité en octobre 2005, Mme Fraser était plus optimiste, quoique prudente :

Ce que nous avons vu jusqu'à maintenant nous donne l’impression que la direction a pris la question très au sérieux et a fait preuve de diligence pour remédier aux problèmes qui relèvent de sa compétence. Elle accomplit de grands progrès.

Lors de sa comparution devant le Comité, la présidente-directrice générale de Passeport Canada a dit toutes les bonnes choses. Elle a reconnu les lacunes révélées par la vérification, accueilli de façon constructive les recommandations de la vérificatrice générale et indiqué clairement qu’on s’appliquait déjà à mettre en œuvre les changements voulus.

Néanmoins, la longue expérience du Comité lui a appris à faire montre de circonspection devant de tels engagements et à attendre les résultats des changements promis avant de s’enthousiasmer. Et, peu importe le résultat, il exhorte la vérificatrice générale à continuer de surveiller de près cet organisme, dont les activités revêtent une si grande importance pour le Canada et les Canadiens. Par conséquent, le Comité applaudit à l’intention de la vérificatrice générale d’effectuer une vérification de suivi exhaustive en 2006, afin d’examiner non seulement l’état de la mise en œuvre du plan d'action de Passeport Canada, mais également si ces nouvelles initiatives auront produit les résultats escomptés.

Un dernier mot au personnel de gestion : le Comité remarque que Passeport Canada a bien réagi aux résultats de la vérification, mais il prévient que dans les circonstances, l’organisme non seulement devra trouver un meilleur équilibre entre les exigences de la sécurité et les besoins d’améliorer le service à sa clientèle, mais également réussir la difficile transition entre une démarche organisationnelle réactive et une démarche plus proactive.

De l’avis du Comité, bon nombre des lacunes révélées par la vérificatrice générale auraient dû être connues il y a longtemps des hauts dirigeants de Passeport Canada. Par exemple, le Comité a été surpris d’apprendre que Passeport Canada venait tout juste d’entreprendre un examen exhaustif de la cote de sécurité de tous les employés, afin de s’assurer qu’elle concorde avec les exigences de leurs descriptions de fonctions. Ou encore que Passeport Canada n’avait jamais eu de programme général d’assurance de la qualité et n’avait commencé à en instituer un qu’à l’exhortation de la vérificatrice générale. Un organisme vraiment proactif aurait entrepris ces démarches il y a longtemps.

Certains éléments donnent à penser que Passeport Canada évolue actuellement vers une démarche proactive; le Comité espère que cette transformation sera menée à terme sans délai et deviendra partie intégrante de la culture de l’organisme — de fait, il s’y attend.

[1]
Mme Doreen Steidle, présidente-directrice générale de Passeport Canada, déclaration d’ouverture devant le Comité permanent des comptes publics.
[2]
Le Comité remarque que Passeport Canada a demandé et reçu un financement additionnel unique de 5,3 millions de dollars afin d’appuyer sept projets visant à rectifier des défaillances signalées par la vérificatrice générale.