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RNNR Rapport du Comité

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CHAPITRE 3 : Le rôle
des pouvoirs publics

Aux termes de la Constitution, les provinces sont propriétaires des ressources naturelles situées sur leur territoire et les administrent. Dans le cas de l’Alberta, les droits miniers1 ont été cédés par le gouvernement du Canada à la province en vertu de la Loi des ressources naturelles de l’Alberta de 1930. Le ministère de l’Énergie de l’Alberta signale que la province possède 97 p. 100 des droits miniers relatifs aux sables bitumineux; les 3 p. 100 restants sont entre les mains des propriétaires exclusifs.2 Le gouvernement de l’Alberta a donc compétence sur les sables bitumineux et administre cette ressource pour le compte de ses citoyens. Pour encourager la mise en valeur de cette ressource par l’entreprise privée, il cède par bail aux parties intéressées le droit de mettre en valeur et d’exploiter les sables bitumineux en contrepartie de paiements de location, de redevances et d’impôts sur les bénéfices. D’après des chiffres de l’Association canadienne des producteurs pétroliers, l’Alberta a touché 4 milliards de dollars environ en 2006 en redevances et paiements de location.3 Abstraction faite des paiements précités, les exploitants, canadiens et étrangers, doivent se plier aux lois et règlements provinciaux et fédéraux applicables.

Le rôle du gouvernement du Canada relativement aux sables bitumineux concerne essentiellement la protection de l’environnement, la protection des cours d’eau et des pêches, et la protection des terres appartenant aux Indiens. Plusieurs lois permettent au gouvernement fédéral d’intervenir sur certains aspects de l’exploitation des sables bitumineux : la Loi sur les pêches, la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (LCPE 1999), la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale, la Loi sur la protection des eaux navigables et la Loi sur les Indiens. La LCPE 1999, par exemple, confère au gouvernement fédéral le pouvoir de réglementer les émissions nocives. La Loi sur les pêches habilite le gouvernement fédéral à imposer des restrictions sur toute activité qui risque de porter atteinte aux pêches.

La Loi canadienne sur l’évaluation environnementale et la Loi sur les pêches fonctionnent souvent en tandem. Par exemple, une évaluation environnementale fédérale peut être déclenchée par un projet d’exploitation des sables bitumineux qui pourrait avoir des répercussions sur l’habitat du poisson.

Le fait que la Loi constitutionnelle de 1867 ne fasse pas expressément mention de l’environnement contribue à la complexité de la protection de l’environnement, laquelle est devenue l’un des grands enjeux de la mise en valeur des sables bitumineux. Dans les faits, l’environnement fait l’objet d’une compétence partagée entre le gouvernement fédéral et les gouvernements des provinces. Or, la compétence partagée est une situation complexe qui exige une étroite collaboration entre les ordres de gouvernement concernés. Comme l’a signalé le commissaire à l’environnement et au développement durable dans un rapport, « les deux ordres de gouvernement possèdent des pouvoirs constitutionnels sur diverses questions qui leur permettent d’adopter des lois régissant les enjeux environnementaux4 ».

L’évaluation environnementale des projets de mise en valeur des sables bitumineux est effectuée principalement en vertu de la Environmental Protection and Enhancement Act de l’Alberta (R.S.A. 2000). En théorie, diront certains, le gouvernement du Canada est habilité à effectuer des évaluations environnementales générales des projets en question, mais celui-ci prend en général bien soin de respecter les compétences de l’Alberta. Le Comité a appris par exemple, suite au témoignage de l’Institut Pembina, que le gouvernement du Canada n’avait pas encore participé à un processus d’évaluation environnementale portant sur toutes les répercussions de l’exploitation des sables bitumineux, y compris, par exemple, la pollution atmosphérique transfrontalière et les émissions de gaz à effet de serre5.

Signalons enfin que, dans le contexte de la mise en valeur des sables bitumineux, le gouvernement fédéral peut promulguer des lois au sujet du commerce interprovincial et international, tandis que les provinces ont compétence sur la propriété et les droits civils, ainsi que sur les travaux et entreprises de nature locale. De façon générale, le gouvernement du Canada, conscient des obstacles au développement que constituent parfois des lois et règlements lourds et mal coordonnés, cherche à améliorer l’efficacité de l’application de ses lois et règlement aux activités industrielles6.

Mis à part l’adoption et l’application de mesures législatives relatives à l’extraction des ressources naturelles, le gouvernement fédéral a par ailleurs « des responsabilités importantes en ce qui concerne le cadre de politiques global, y compris le cadre de politiques macroéconomiques garantissant un milieu stable, propice à l’investissement7 » et a choisi de participer à la mise au point de technologies visant les
sables bitumineux et d’autres secteurs énergétiques par la voie de programmes administrés par Ressources naturelles Canada. Au chapitre de la main-d’œuvre, le gouvernement fédéral est chargé d’élaborer des politiques et programmes qui facilitent l’activité. Il est aussi le maître de la politique d’immigration. Le Canada cherche continuellement à attirer des immigrants, des étudiants étrangers, des visiteurs et des travailleurs temporaires, qui tous contribuent au développement social et économique de notre pays.

Enfin, l’Office national de l’énergie, un organisme de réglementation fédéral, régit entre autres la construction et l’exploitation des pipelines interprovinciaux et internationaux. Il réglemente aussi l’exportation de pétrole et de gaz et fait le suivi de l’offre et de la demande de ces produits de manière que les quantités exportées ne dépassent pas l’excédent qui demeure après que l’on a répondu aux besoins du Canada8.

De nos jours, le respect des secteurs de compétence est à la base de la politique énergétique du gouvernement fédéral et des politiques provinciales en la matière9. Ainsi, c’est à l’Alberta qu’il revient de décider de la manière dont elle exploitera ses gisements de sables bitumineux. Comme l’a signalé un haut fonctionnaire du gouvernement du Canada, « [c]’est l’Alberta qui est propriétaire de la ressource et c’est la province qui doit décider si elle veut la mettre en valeur rapidement10 ». Cela ne veut pas dire que le gouvernement fédéral n’a aucun rôle à jouer dans la manière dont les sables bitumineux sont mis en valeur. Le gouvernement du Canada dispose d’un certain nombre d’outils — règlements et politiques — qui lui permettent d’influer sur la portée et la nature des activités de mise en valeur des sables bitumineux. On abordera certains d’entre eux plus en détail un peu plus loin dans le présent rapport. Il importe cependant de reconnaître que, en matière de politiques et de mesures législatives, la poursuite de la coopération intergouvernementale sera plus fructueuse que la discorde s’agissant de veiller à ce que la mise en valeur des sables bitumineux soit profitable pour tous les Canadiens tout en présentant le moins de risques possible pour l’environnement.

En ce qui concerne le rôle des pouvoirs publics, le Comité recommande que le gouvernement fédéral, et spécifiquement le ministère des Ressources naturelles, fonde l’ensemble de ses actions dans le domaine de l’exploitation des sables bitumineux sur les principes du développement durable et du pollueur-payeur.

Le Comité recommande aussi que le gouvernement fédéral respecte la compétence des provinces relativement au rythme de la mise en valeur des sables bitumineux et qu’il rejette l’éventualité de la nationalisation des sables bitumineux.



[1]       Les droits miniers s’étendent au pétrole, au gaz naturel, aux sables bitumineux et autres minéraux.

[2]       Alberta Energy, Alberta Oil Sands Tenure Guidelines, juin 2006.

[3]       Greg Stringham, Association canadienne des producteurs pétroliers, Témoignages, 2 novembre 2006.

[4]       Bureau du vérificateur général du Canada, Rapport du commissaire à l’environnement et au développement durable 2000, chapitre 7, « La coopération entre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux », http://www.oag-bvg.gc.ca/domino/rapports.nsf/html/c007cf.html.

[5]       Dan Woynillowicz, Institut Pembina, Témoignages, 2 novembre 2006.

[6]       Howard Brown, Secteur de la politique énergétique, Ressources naturelles Canada, Témoignages, 19 octobre 2006.

[7]       Ibid.

[8]       Office national de l’énergie, http://www.neb.gc.ca/AboutUs/history_f.htm#exportation_importation.

[9]       Howard Brown, Secteur de la politique énergétique, Ressources naturelles Canada, Témoignages, 19 octobre 2006.

[10]     Ibid.