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Monsieur le Président, je suis ravie de me joindre à mes collègues ce soir pour participer à cet important débat sur ce projet de loi de retour au travail. À l'intention des téléspectateurs qui suivent ce débat et qui ne comprennent peut-être pas tout à fait les éléments du problème, je vais consacrer une minute à passer ces éléments en revue. Je comprends le point de vue des gens qui voient une perturbation, que ce soit dans l'industrie ferroviaire ou autre, et qui se demandent tout simplement pourquoi les intéressés ne retournent pas au travail, ce qui résoudrait le problème.
Pendant quelques minutes, je vais vous parler du processus de négociation collective. Je comprends que l'on s'inquiète au sujet de l'économie et de la nécessité d'acheminer nos marchandises. Premièrement, il faut comprendre que le processus de négociation collective concerne deux parties. Il s'agit d'un processus de négociation en vertu duquel deux parties essaient d'en arriver à une entente qu'elles devront respecter pendant toute la durée de celle-ci.
Les travailleurs du rail, ceux qui sont visés par cette entente collective, peuvent avoir des craintes qui apparaissent de temps à autre, de façon continue sur une période de mois et d'années. La seule occasion pour eux de faire entendre leurs voix de façon démocratique, c'est au moyen de leurs représentants élus, dans le cadre du processus de négociation. Leurs représentants signalent leurs préoccupations à la table de négociation et, dans un contexte où les employés visés par la convention collective et la direction siègent en tant qu'égaux, on s'efforce de résoudre les différends.
C'est un processus qui est défini par la loi. Cela a pris des décennies, des générations. Les droits qui sont inscrits dans le processus de négociation collective sont des droits pour lesquels des gens ont lutté. Ils ne leur ont pas été simplement donnés par un gouvernement ou par l'employeur. Les gens ont dû s'organiser et lutter pour ces droits et parfois, il s'agissait de luttes terribles. Avec leurs représentants élus, ils voulaient pouvoir dialoguer avec l'employeur, soulever les questions qui les préoccupaient et les résoudre de façon démocratique. C'est une occasion pour les employés protégés par la convention collective d'aborder une gamme de sujets qui les préoccupent.
Habituellement, quand il y a un différend au cours de la négociation, l'attention des médias et donc, du public, se porte automatiquement sur la rémunération qui devient la question centrale. La rémunération fait habituellement partie du problème, mais ce n'est pas tout le problème. Bien entendu, les questions sur lesquelles porte la négociation sont la rémunération, les avantages sociaux, les conditions de travail, les relations de travail pour ce qui est de la façon de régler les différends, de régler les problèmes. En ce qui concerne les conditions de travail, les plus importantes portent sur la santé et la sécurité des gens qui travaillent dans un milieu donné.
Ce qui me préoccupe toujours quand un gouvernement présente une loi de retour au travail maladroite, c'est que ces droits et le processus démocratique sont alors balayés de la table. C'est une façon très maladroite, très sévère de régler ce qui devrait être une convention collective habilement négociée que chacun doit accepter.
Souvent, quand des ententes sont imposées, quelle que soit la méthode employée, elles sont moins satisfaisantes. Les questions qui demeurent non résolues perdurent et restent problématiques, qu'elles concernent l'employeur ou les travailleurs. C'est là une de mes grandes préoccupations.
Il ne s'agit pas d'un cas isolé. Ces dernières années, le gouvernement du Canada a adopté plusieurs lois qui ont érodé les droits des travailleurs, des droits législatifs conçus pour les protéger ainsi que leurs droits fondamentaux au lieu de travail, et leur droit démocratique à la négociation collective et, au bout du compte, au droit de grève.
J'aimerais parler brièvement du droit de grève parce qu'il s'agit d'une question de pouvoir. L'employeur dispose de beaucoup de pouvoir au lieu de travail. Les employeurs décident qui engager, qui renvoyer, qui promouvoir. En outre, les employeurs décident de ce que leur produit ou service sera, de la façon dont ils géreront ce produit ou ce service, dans quel équipement ils investiront, quel genre de publicité ils utiliseront ou quel genre de clients achèteront leurs produits. Ils décident de la publicité et de la façon dont ils vont commercialiser leurs services. Ils disposent de beaucoup de pouvoir sur ce qu'ils produisent sur le marché, et cela est certes bien connu. C'est le système que nous avons.
Comme je l'ai dit précédemment, les travailleurs ne peuvent apporter leur contribution et exercer leurs droits au lieu de travail que par le biais de leur convention collective, ce qu'ils font à titre collectif et non pas individuel.
L’organisation de ce processus, la participation à la négociation collective est une chose pour laquelle les gens se sont battus pendant des années. L’érosion de ces droits à laquelle nous assistons a fait du Canada l’un des pays du monde occidental où les droits des travailleurs sont les moins respectés. C’est très inquiétant et c’est une chose dont tous les Canadiens devraient s’alarmer.
Certains diront que les syndicats sont une source de problèmes, qu’ils causent trop de difficultés, qu’ils ont toujours quelque chose à réclamer. Que ce soit les droits des travailleurs ou les autres droits juridiques ou fondamentaux fondés sur la religion, l’ethnicité, le sexe ou un handicap, les droits des autres ne nous semblent peut-être pas aussi importants que nos propres droits, mais lorsque nous sommes directement touchés, nous comprenons à quel point ils sont importants. Je crois que tous les Canadiens qui ont le sens de la justice devraient se demander, lorsqu’ils constatent que l’on porte atteinte aux droits des travailleurs, quels sont les autres droits qui sont menacés au Canada.
Nous avons eu une discussion, plus tôt aujourd’hui, à propos de l’annulation par le gouvernement du Programme de contestation judiciaire qui réduit la capacité des Canadiens, surtout les plus défavorisés, de faire respecter les droits fondamentaux que leur reconnaît la Charte.
Ceux qui font peu de cas des droits des travailleurs devraient comprendre que ce n’est là qu’un aspect de l’ensemble des droits dont nous tirons fierté au Canada. Toute cette érosion nous entraîne sur une pente savonneuse. Les Canadiens, qui pensent avoir le sens de la justice et qui se voient comme les protecteurs des droits de la personne, ne veulent sans doute pas se diriger dans cette voie.
Il y a quelques semaines ou quelques mois, nous avons eu un débat à la Chambre sur les travailleurs de remplacement. Un projet de loi d’initiative parlementaire sur le sujet a été rejeté. Je rappelle à la Chambre que les gouvernements libéraux ont aidé à rejeter 10 projets de loi d’initiative parlementaire contre les travailleurs de remplacement entre 1993 et 2006. C’est ce qu’on peut lire dans la Gazette de Montréal, qui a publié un article à ce sujet aujourd’hui.
C’est une question qui devrait préoccuper sérieusement tous les Canadiens et qui, en tout cas, m’inquiète. Je sais qu’elle préoccupe mon parti.
Pour ce qui est du conflit en question, n’oublions pas que le Conseil canadien de relations industrielles a déclaré qu’il s’agit d’une grève légale. Lorsque la grève a commencé en février, les travailleurs ont négocié, sous la direction de leur comité de négociation élu démocratiquement, les modalités d’un retour au travail en février, mais le gouvernement a cherché, dès le départ, à imposer une loi ordonnant le retour au travail. Je tiens à le rappeler, car les médias n’ont pas cessé d’annoncer l’adoption prochaine d’une loi ordonnant la reprise du travail.
Les parties ont conclu un accord préliminaire. Ce genre d’accord n’est pas imposé aux gens. Il doit être ratifié. Les membres ont voté à 79 p. 100 contre l’offre comme ils en avaient légalement le droit. Ils ont commencé des grèves tournantes tout en acceptant de maintenir le service de trains de banlieue. Néanmoins, le CN a décidé de répondre à ce conflit assez limité en mettant tous les travailleurs en lock-out. La situation devant laquelle nous nous trouvons actuellement n’est pas une grève, mais un lock-out. C’est l’employeur qui est en grève.
Comme je l’ai dit plus tôt, normalement, le pouvoir se trouve entre les mains de l’employeur et les travailleurs n’ont pas d’autre possibilité de se faire entendre. Le gouvernement récompense la réaction très musclée du CN en légiférant pour ordonner le retour au travail, ce qui revient à approuver les agissements du CN. Il approuve son approche musclée. C’est une attitude qui sape les droits légaux et démocratiques des travailleurs.
Tout au long de la négociation, le CN a brandi la menace d’une loi ordonnant le retour au travail, et ce n’est pas la première fois que cela arrive.
Examinons quelques-uns des problèmes que ces travailleurs essaient de résoudre à la table de négociation, par exemple la question de la sécurité au travail et de la sécurité ferroviaire.
Transports Canada a réalisé, il y a un an ou deux, une étude qui a mis en lumière de graves problèmes sur le plan de la sécurité ferroviaire. Le public n’est peut-être pas informé de tous les problèmes qui se posent quotidiennement sur le plan de la sécurité. Lorsqu’un train déraille, nous en sommes informés. Il s’agit parfois d’une énorme catastrophe qui a des effets sur nos collectivités. Elles sont mises en danger. Les gens se demandent comment prévenir les déraillements. Ils sont coûteux et destructeurs. Comment les éviter?
Toutes les études, sans exception, montreront sans doute que la meilleure façon d’éviter des déraillements consiste à appliquer des mesures de sécurité de tout premier ordre et à effectuer des investissements de très grande qualité dans les infrastructures pour s’assurer que les voies, les assiettes des rails et l’ensemble du matériel roulant sont exploités dans des conditions optimales de manière à réduire au minimum les risques de déraillement.
Pour ce qui est de l’entente, le CN cherchait à augmenter le nombre d’heures que les travailleurs passent hors du foyer. Ils en sont déjà à 80 heures par semaine, ce qui rappelle pas mal le régime de vie des parlementaires. Le syndicat, lui, essayait d’obtenir de meilleures conditions de repos, des pauses pour aller aux toilettes, un repas de 40 minutes par quart de travail de neuf heures — autant de revendications qui m’apparaissent plutôt raisonnables —, de même que la fin des journées de 16 heures et l’adoption d’un certain nombre de mesures de sécurité. Il s’est produit plus de 100 déraillements au Canada depuis 2005.
Tout cela est très grave. Je ne travaille pas dans ce milieu et j’ai de la difficulté à comprendre tous ces problèmes-là. Je ne les connais pas aussi bien que ceux et celles qui vivent ces conditions au quotidien, qu’ils soient syndiqués ou cadres. C’est pour cela que la négociation collective fonctionne aussi bien. Les deux parties, qui connaissent le milieu de travail, les problèmes et les enjeux peuvent adopter des points de vue différents à la table des négociations, mais elles n’ont d’autre choix que de démêler tous ces problèmes et de parvenir à une solution susceptible de leur convenir à toutes deux.
Le CN ne s’est pas particulièrement distingué par sa bonne foi dans les négociations. Il a d’abord demandé au Conseil canadien des relations industrielles de déclarer que la grève était illégale, ce que le Conseil n’a pas fait, après quoi le CN a attendu que le Parlement adopte une loi de retour au travail.
Des députés se sont dits inquiets des répercussions économiques de ce conflit. Je leur rappelle qu’il s’agit d’un lock-out et pas d’une grève. Par ailleurs, des conditions de travail justes et exemptes de dangers sont tout aussi importantes pour l’économie canadienne que le maintien du transport des marchandises. Les conséquences économiques d’un déraillement, par exemple, représentent un énorme gaspillage de ressources. Ce serait excellent pour notre économie si nous profitions de l’occasion pour régler certains problèmes de sécurité et d’infrastructure du réseau de chemin de fer.
Des députés ont parlé des répercussions économiques de la grève de février. Je rappelle à mes collègues que bien d’autres facteurs en février dernier, en plus de ce conflit, avaient occasionné des retards dans l’acheminement des marchandises. Il y avait eu l’incendie d’une raffinerie en Ontario. À plusieurs reprises, les mauvaises conditions météorologiques avaient provoqué des retards dans le transport de marchandises au Canada et aux États-Unis. Et puis un ralentissement économique s’est fait sentir, dans le secteur manufacturier entre autres.
Je rappelle aux députés que les gestionnaires travaillent. L'industrie ferroviaire n'est pas complètement paralysée, car les gestionnaires travaillent. Les gestionnaires du CN travaillent et il y a d'autres types de transport, dont d'autres lignes de chemin de fer. Toutefois, je ne prétends pas que la situation ne touche pas des agriculteurs et d'autres expéditeurs. Dès qu'il y a un litige, des gens sont touchés. C'est pourquoi il revient aux deux parties de s'asseoir à la table de négociation et d'aborder de bonne foi les questions en litige de manière à trouver une solution le plus rapidement possible et à limiter l'ampleur des répercussions.
Toutefois, lorsqu'on recourt aux voies législatives pour imposer le retour au travail de façon aussi maladroite, on prend parti pour l'employeur. On nie aux gens le droit à une convention collective équitable, car on leur impose une entente qui ne peut d'aucune manière régler les préoccupations légitimes qu'ils ont soulevées à la table de négociation. C'est tout simplement injuste à leur égard.
Mon collègue a parlé plus tôt de l'importance du chemin de fer pour le Canada. Le chemin de fer a présidé à l'édification de notre pays. Il est partie intégrante de notre histoire. Il est un élément de notre patrimoine et il a créé les liens qui nous unissent en tant que pays. Un pays aussi vaste et riche que le Canada, en définitive peu peuplé, devrait être un chef de file en matière de chemin de fer. Qu'il s'agisse du transport de marchandises ou de passagers, nous devrions avoir le système de transport ferroviaire le plus rapide, le plus efficace, le meilleur qui soit dans le monde. Lorsqu'on parle de préoccupations au plan de la sécurité, de déraillements, du traitement injuste des employés, cela me trouble énormément.
Parce qu'elles font l'objet d'un débat à la Chambre des communes, ces négociations viennent nous rappeler qu'il est nécessaire d'avoir un excellent système de transport ferroviaire et d'investir dans l'infrastructure essentielle à son maintien, que la sécurité est prioritaire et que nous devons miser sur notre histoire pour améliorer notre système de transport de l'avenir.
Selon moi, ce projet de loi de retour au travail est une mauvaise mesure de plus dans une série de mauvaises mesures qui érodent les droits des travailleurs.
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Monsieur le Président, c'est avec une certaine réticence que j'interviens dans ce débat, tout simplement parce qu'à notre époque, il ne devrait plus être nécessaire d'avoir un tel débat. On pourrait espérer qu'en 2007, des esprits raisonnables utilisant le cadre législatif sur lequel notre pays s'est entendu seraient en mesure de résoudre des conflits et pourtant, pour une raison ou une autre, nous nous retrouvons devant cette situation. Les travailleurs ont recours à une mesure légale et permise. Ils ont des préoccupations sérieuses et légitimes, en matière de santé et sécurité et à d'autres égards. De nombreux députés aimeraient également avoir la capacité d'influer sur leur milieu de travail immédiat, avoir la capacité de pouvoir s'assurer que des conditions de travail sûres et équitables sont appliquées ici. Certainement que tout député, pour ses propres intérêts, désirerait en faire autant. Pourtant, nous sommes devant une négociation forcée à la pointe du fusil, le projet de loi , comme on l'appelle. Je pense qu'avant même d'aller plus loin, il est nécessaire de clarifier certaines expressions.
Le véritable titre de ce projet de loi qui a été concocté à la hâte par le gouvernement est .
J'ai essayé de trouver dans le titre ou dans la substance du projet de loi une certaine mention de la question principale qui a été soulevée par les travailleurs ordinaires, c'est-à-dire la sécurité dans le transport ferroviaire selon le résultat de vérifications qui ont été effectuées par le gouvernement lui-même. La question, c'est la sécurité. La sécurité est une des questions déterminantes qui ont été avancées comme raison de ce conflit et ce texte législatif draconien qui a été présenté pour mettre fin au conflit n'en fait pas mention dans son titre. Il serait intéressant que le titre soit une loi prévoyant le maintien de services ferroviaires sûrs, mais le gouvernement ne pourrait pas le faire parce qu'à l'heure actuelle, les services ne sont pas sûrs. Il n'y aurait pas de reprise de quelque type de services sûrs que ce soit parce que nous avons des rapports de vérification qui nous disent autre chose. Le bilan en matière de sécurité s'est alourdi au fur et à mesure que les profits de l'entreprise ont augmenté.
Il y a certainement une façon de faire fonctionner un réseau ferroviaire dans ce pays qui soit à la fois sûre et rentable, mais il semble que, malheureusement ou autrement, le CN ne pense pas que ces deux choses puissent aller de pair et exister en harmonie. Ces gens nous diront qu'ils le pensent, mais alors, nous voyons au bulletin de nouvelles qu'un autre train a déraillé près d'une rivière ou dans une rivière, et nous voyons bien que ce n'est pas le cas. Il y a eu une explosion des pratiques non sécuritaires en matière de transport ferroviaire et nous le savons également parce que les travailleurs nous l'ont dit.
Il y a un autre terme dont il est important pour nous de prendre conscience. Avant d'entrer dans ce débat, parce que je n'étais pas certain, j'ai demandé à certains de mes collègues comment appeler l'entreprise, le CN ou le Canadien National. Elle a changé de nom depuis. Cela me rappelle le Poulet frit Kentucky qui a dû changer de nom pour trois lettres, PFK, pour éviter toute association avec le poulet, parce que, dans les faits, cette entreprise avait cessé d'offrir du poulet. Dans le présent cas, nous ne pouvons pas appeler l'entreprise Canadien National parce qu'elle n'est plus canadienne.
Non seulement la compagnie a changé son nom, ce qui est sans doute très bien ne serait-ce que par souci de brièveté parce que le nom complet est plutôt long à prononcer, mais désormais, les travailleurs n’ont même plus le droit de parler du Canadien National. Ils doivent dire CNR, parce qu’on ne peut plus appeler la compagnie par son ancien nom.
Ce sont de petites choses, mais elles sont importantes parce que symboliques de ce qui se produit dans une industrie et dans une activité qui est au centre de la vie nationale. Le chemin de fer est l’un des rares secteurs auxquels les Canadiens tiennent absolument et auxquels ils s’identifient. La réalisation de ce rêve merveilleux qui est né ici, celui de créer un système ferroviaire national afin de relier les deux côtes du pays au nom de l’identité nationale, n’a rien à voir avec nos autres entreprises. Le chemin de fer nous a permis d’ouvrir l’Ouest et il a permis aux Canadiens de sentir qu’ils font partie de notre énorme territoire. L’expérience du rapport pacifique entre la culture française et la culture anglaise a été fondamentale.
Les racines historiques du rail sont connues et il suffit, pour se les rappeler, de lever la tête et de faire le tour des sculptures qui ornent le foyer de la Chambre des communes. Le chemin de fer y est représenté comme l’une des premières industries du pays. Il est indéniable que le rail est inscrit dans notre ADN, qu’il fait partie du terroir.
Mais voilà que cette activité n’est plus source de fierté, à en juger par les rapports de vérification, par ce que disent quotidiennement les travailleurs du chemin de fer et par ce que pensent les résidants des collectivités riveraines. Cette activité est désormais source d’inquiétude, de dispute, de controverse et de conflits.
Je me dois de vous dire quelques mots au sujet de ma circonscription, Skeena—Bulkley Valley, dans le nord-ouest de la Colombie-Britannique. On y trouve l’une des plus importantes voies ferrées du pays, résultat des efforts louables déployés par le gouvernement afin d’ouvrir la Porte d’entrée du Pacifique. Elle a bénéficié d’un financement non négligeable que nous avions négocié avec le gouvernement précédent et qui a été versé par l’actuel gouvernement. Nous sommes fiers d’avoir pu obtenir ces fonds pour le terminal de conteneurs de Prince Rupert. Le CN a également consenti un financement très important pour cette voie.
Je vais vous raconter quelque chose d’intéressant. Les trains circulant sur cette voie, qui traverse le nord de la Colombie-Britannique, transportent des produits dangereux. Il y a quelques mois, le CN a envoyé une lettre à tous nos services d’incendie — presque tous composés de sapeurs-pompiers volontaires — pour indiquer qu’en cas de déversement de produit chimique toxique le long de la voie, ce sont ces corps de sapeurs-pompiers volontaires, n’ayant ni le matériel ni l’entraînement pour faire face à des déversements de produits toxiques, qui devraient tenir le fort pendant 12 heures jusqu’à ce que le CN rassemble une équipe de base pour prendre le relais. Voilà ce qui est écrit noir sur blanc dans une lettre du CN adressée à de méritoires corps de sapeurs-pompiers volontaires pour les informer que le CN prendrait une bonne demi-journée avant d’arriver sur place, une fois que le train se serait couché dans la rivière ou sur le bord de la voie. C’est cela qu’une prétendue entreprise citoyenne propose aux gens qui habitent tout près de ces voies ferrées et dont la subsistance dépend de la protection de l’environnement et surtout des rivières.
Ceux qui ont visité le Nord-Ouest ont contemplé certains des paysages les plus grandioses à bord des voitures de voyageurs parce que le chemin de fer longe nombre de nos cours d'eau parmi les plus spectaculaires et les plus magnifiques. La route est de l'autre côté. L'accès à ces endroits, malheureusement, il faut le dire, en cas de déraillement, selon les comptes rendus et l'expérience de cette entreprise, est sérieusement réduit.
Il n'est pas question de sécurité dans ce projet de loi. Il n'est pas question de la technique utilisée, de cette démarche radicale qui autorise l'arbitrage des solutions finales. Les deux parties présentent leur plaidoyer, et l'arbitre choisit entre les deux. C'est une démarche qui peut réussir ou échouer, selon la nature du conflit de travail.
Il est clair qu'en ne parlant pas des questions de sécurité dans le projet de loi, le gouvernement dit clairement à l'entreprise qu'elle n'a pas à négocier les questions liées à la sécurité qu'ont soulevées publiquement les travailleurs et les collectivités. Cela ne préoccupe pas le gouvernement et cela ne sera sûrement pas une préoccupation de l'entreprise dans les négociations. Et le projet de loi ne désigne pas d'arbitre.
Il importe de souligner qu'une fois que le projet de loi aura été adopté, et il le sera à n'en pas douter parce que les libéraux, les conservateurs et les bloquistes ont, pour une raison bizarre, décidé d'en forcer l'adoption à toute vapeur en recourant à la clôture, bel exemple de démocratie en action, le gouvernement, dis-je, pourra désigner qui il voudra comme arbitre. Il pourra choisir la personne qui rendra la décision finale relativement au contrat qui sera imposé aux travailleurs de l'entreprise.
Ceux qui ont suivi les conflits de travail au pays et l'histoire du CN et des TUT savent que ce n'est pas une organisation combative. J'ai rencontré les travailleurs dans ma circonscription, dans un cadre tant formel qu'informel. J'ai pris un café avec eux il y a à peine quelques jours alors que j'étais dans le Nord de la Colombie-Britannique. Je me suis assis avec un travailleur, un Canadien ordinaire, honnête, travaillant, qui ne fait que son boulot. Lorsque ce conflit de travail a éclaté en février, il en a eu assez. Il travaillait sur les chemins de fer depuis 25 ans.
Quiconque a passé une journée sur le chemin de fer a une idée des conditions de travail. Les travailleurs sont à pied d'oeuvre 12, voire 16 heures et même plus. Ils sont obligés de faire des heures supplémentaires. Le travail sur le chemin de fer est difficile. Les travailleurs savaient tous ce à quoi ils s'engageaient lorsqu'ils ont signé et ils sont disposés à le faire, mais ce travailleur-là en a eu assez. À de multiples reprises, il a fait part à ses superviseurs d'un problème de sécurité et signalé qu'un élément devait être remplacé parce qu'il était brisé et qu'il faisait partie du système de sécurité, et on lui a dit de tout simplement laisser faire, de ne pas s'en occuper.
La culture de la vigilance et de la sollicitude sur laquelle s'était bâtie cette organisation au fil des années pour s'assurer qu'en toutes circonstances, les trains circuleraient à temps et de façon sécuritaire, eh bien cette culture a disparu. C'est une tragédie, non seulement pour le symbole que sont le CN et le chemin de fer au Canada, mais aussi à d'autres niveaux, et j'aimerais vous toucher un mot de quelques-uns de ces aspects.
Nous avons beaucoup parlé de l'environnement et de la litanie de déraillements. Souvent, le CN n'a pas besoin de préparer un manifeste. Il n'est nullement tenu par la loi de dire aux collectivités qui vivent à proximité de la voie le genre de produits qui traverseront leur territoire.
Nous avons tous voyagé partout au pays et nous savons que certains trains passent dans le centre des collectivités. Aucun manifeste n'est créé même si certaines des substances transportées sont des plus toxiques. Et l'on croit qu'il est mieux de les transporter par train que par camion, car il y a toujours eu moins d'accidents par trains. Si une substance toxique doit être transportée d'une usine de produits chimiques, comme c'est souvent le cas, à un autre site, vaut mieux qu'elle soit transportée par train, car il y a moins de risque d'avoir un accident et, en cas d'accident, il y a moins de risques pour l'environnement et pour la santé humaine.
Pouvons-nous encore dire cela? Le 12 mars 2007, près de 3 000 passagers d'un train de VIA Rail ont été touchés. Le 10 mars 2007, la principale voie du CN destinée au transport du fret a été mise hors service à la suite du déraillement de 17 wagons à Plaster Rock. Le 1er mars, le déraillement d'un train de transport de fret à Pickering a provoqué le déversement de grains. En février 2007, il y a eu un déversement d'acide chlorhydrique. Et le 14 janvier 2007, encore dans le nord de l'Ontario, il y a eu un déraillement et 30 wagons se sont retrouvés dans un marécage.
Comme toujours, lorsqu'il s'agit des questions environnementales, nous savons qu'il est mieux et moins coûteux de prévenir la pollution. Actuellement, nous avons un exemple concret qui nous montre à quel point il serait mieux d'avoir un peu plus de protection, à quel point il serait mieux de connaître un peu plus la nature des produits chimiques et nocifs qui sont transportés et à quel point il serait mieux de prendre des mesures pour qu'il n'y ait pas de déraillement, sans parler des préoccupations humaines.
Lorsque j'étais à Sudbury récemment, un déraillement venait de se produire au nord de la ville, semblable à l'accident survenu l'année dernière. Toutes sortes de substances nocives ont été déversées dans les rivières et les lacs. J'ai parlé au député de la région. Les habitants de Sudbury ont fait beaucoup de choses pour réparer les dommages qui ont été fait par les industries au fil du temps. Nous connaissons tous l'endroit qui ressemble à un paysage lunaire et que la NASA utilise dans les environs de Sudbury afin d'entraîner ses astronautes. L'environnement a été gravement touché. Sudbury s'est dévouée à bien des niveaux pour assainir les lieux, et une fois par année, il y a des trains qui déraillent et déversent leur contenu dans les réseaux hydrographiques.
Les Canadiens s'inquiètent et sont en droit de s'inquiéter. J'espère qu'aucun député ne remet en question le fait que les Canadiens s'inquiètent à juste titre lorsqu'ils lisent les journaux et regardent les nouvelles télévisées et voient qu'il y a eu un autre déraillement. Les travailleurs ont décrit où se situaient les problèmes à leur avis, mais l'entreprise n'en tient pas compte.
Le gouvernement précédent avait demandé qu'un organisme indépendant effectue une enquête pour faire la lumière sur ce qui s'est produit afin que certains au gouvernement cessent de s'en prendre aux syndicats. La vérification a été effectuée par un tiers en 2005 et a pris fin en 2006, mais le gouvernement n'a rien fait après. Il a fallu que des journalistes du réseau anglais de la SRC présentent une demande d'accès à l'information pour que les résultats soient divulgués.
On pourrait supposer que si les auteurs de la vérification avaient constaté que tout allait bien, que la population canadienne n'avait pas à s'inquiéter et que tout était parfait, le gouvernement s'en serait vanté. Il aurait tenu une conférence de presse pour en faire l'annonce et dire à quel point tout cela était merveilleux, mais nous savons que ce n'est pas ce que la vérification a révélé. Elle a plutôt révélé que 54 p. 100 des locomotives montraient de graves avaries. Plus de la moitié de ce qui permet de faire circuler et d'interrompre les trains qui traversent nos collectivités et, en Colombie-Britannique en particulier, nos montagnes comportait de graves défauts.
C'est pourquoi le gouvernement n'a rien fait concernant la vérification. C'est pourquoi il a maintenant supprimé du projet de loi la notion de déclenchement d'une quelconque négociation concernant la sécurité des travailleurs. Nous devons comprendre que toute la notion de la sécurité des travailleurs, toute la notion de lieux de travail sûrs dans ce pays, s'est heurtée à l'origine à la résistance de l'industrie qui y voyait une dépense supplémentaire il y a des années. Cette notion a maintenant été adoptée et les industries, notamment les progressistes, se vantent de disposer de milieux de travail sûrs.
Dans ma collectivité, les scieries, les bonnes en particulier, indiquent aux visiteurs qu'ils sont les bienvenus dans telle et telle scierie et elles affichent le nombre de jours sans accident parce qu'elles savent que c'est bon pour l'industrie. Elles savent que c'est bon pour le moral des travailleurs quand les gens ne sont pas blessés. Elles savent que c'est bon pour l'absentéisme, de toute évidence, quand les gens ne sont pas blessés et, sur le plan éthique, ce pourrait être une bonne chose également de ne pas avoir un système ou un lieu de travail où les gens sont susceptibles d'être blessés.
Nous avons eu une vérification qui indique que les passages à niveaux et que certains des ponts ont des poutres défectueuses. Il y a deux ans, des travailleurs sont morts en Colombie-Britannique parce qu'un pont est tombé. Des travailleurs étaient venus me rencontrer auparavant pour me dire que des gens allaient mourir. Ils l'avaient dit sans ambages parce qu'ils avaient examiné les poutres. Ils avaient examiné la structure des ponts. Ils savaient que l'entretien n'avait pas été fait, mais qui gardait le poulailler? De toute évidence, c'était le renard.
On a maintes fois évoqué la raison sous-tendant ce projet de loi, la raison pour forcer ces travailleurs à retourner au travail même si le Conseil des relations de travail a déclaré qu'il s'agissait d'une grève légale et légitime. On suppose que l'entreprise a pensé que c'était dans le sac, qu'elle n'avait qu'à se présenter devant le Conseil des relations de travail qui ordonnerait aux travailleurs de retourner immédiatement au travail.
Même s'il s'agit d'une grève légale, on a dit à maintes et maintes reprises qu'il s'agit d'une catastrophe économique en voie de se produire. Même si le gouvernement et l'opposition officielle avaient le courage de se lever pour parler de la mesure, ce qu'ils ne font pas, il a été signalé par les rares personnes qu'ils l'ont fait qu'il s'agit d'une catastrophe économique en voie de se produire dans ce pays et que nous devons forcer ces travailleurs à retourner au travail et leur imposer un contrat de façon que les affaires reprennent au pays parce que nous sommes une nation exportatrice.
Nous estimons que cette solution à court terme et mal gérée conduira à un désastre économique à moyen terme et à long terme, car on dit clairement aux chemins de fer qu’ils peuvent continuer comme d’habitude.
De nombreux expéditeurs de ma région sont complètement découragés. Ils doivent pouvoir acheminer leurs produits jusqu’au marché. La poursuite de leurs activités repose sur leurs rentrées d’argent. Ils ont une marge bénéficiaire très serrée et ils veulent donc pouvoir vendre leurs produits.
Néanmoins, depuis quelques années, ils se plaignent également de ne pas pouvoir obtenir un service fiable du CN. Lorsqu’un train détaille, que se passe-t-il? Il n’est pas possible d’envoyer un autre train sur la voie. Cela occasionne des jours et des jours de retard. Il y a ensuite une enquête, après quoi il faut réparer le train à l’atelier et il y a moins de wagons sur les voies.
Cela cause des problèmes, mais il est évident qu’au sein de cette compagnie, quelqu’un a dû faire des calculs et se dire qu’on économisera en imposant aux gens des horaires de travail de plus en plus long. Des études démontrent que, tant pour les étudiants que pour les travailleurs, passé un certain point, on constate une diminution importante de l’efficacité.
Dès que les gens dépassent huit à douze heures de travail, leur capacité d’attention et de concentration n’est plus aussi bonne qu’au cours des huit premières heures. Le CN veut continuer à pousser les gens au-delà des limites jugées sécuritaires. Pour le moment, ces travailleurs doivent rester loin de chez eux pendant 40 heures par semaine ou 160 heures par mois. Le CN veut qu’ils s’absentent davantage de leur domicile. Le CN veut qu’ils travaillent plus longtemps chaque jour. À l’heure actuelle, ils travaillent déjà 16 heures. Je ne sais pas exactement jusqu’où le CN veut aller. Il semble ridicule de s’attendre à ce que quelqu’un qui en est à sa 17e heure de travail soit aussi efficace qu’au cours de la première heure ou de la huitième heure. Cela semble même illogique.
Un certain nombre de Canadiens seraient inquiets s’ils savaient qu’un train qui transporte de l’acide chlorhydrique et qui traverse leur ville au milieu de la nuit est conduit par une personne qui en est à sa 17e ou 18e heure de travail et qui a fait cela régulièrement au cours des dernières semaines ou des derniers mois. Comment le gouvernement peut-il garantir aux Canadiens que tout va bien, que ces travailleurs ne vont pas s’endormir aux commandes?
En ce qui concerne l’environnement, il est malhonnête que l’on puisse sciemment exploiter un réseau peu sécuritaire en cherchant constamment à dépasser les limites permises, ce que la propre vérification du gouvernement a jugé dangereux. Quand le gouvernement se présente comme le protecteur de l’environnement et parcourt le pays en prétendant souscrire aux principes environnementaux et aux priorités environnementales et qu’il prend ce genre de mesures, des mesures qui menacent la qualité de l’air et de l’eau qu’il prétend défendre, ce qu’il n’est pas capable de faire, il fait preuve de malhonnêteté intellectuelle. Le gouvernement, les libéraux et le Bloc font preuve de malhonnêteté intellectuelle lorsqu’ils laissent entendre qu’ils remplissent leur mission à cet égard.
De nombreux députés sont en faveur de cette tactique musclée et essaient de dresser les familles de travailleurs les unes contre les autres. C’est une bonne vieille tactique à laquelle on ne renonce pas facilement. Les travailleurs de ma région du nord de la Colombie-Britannique sont très proches des autres gens. Les travailleurs des chemins de fer sont des gens dont les enfants jouent au soccer, qui vont au Rotary, etc. Ils sont exactement comme les gens qui doivent pouvoir expédier leurs produits, comme les travailleurs de l’usine ou de la fonderie qui ont besoin d’un service ferroviaire fiable pour nourrir leur famille. Ils ont des liens étroits.
Ils comprennent, tout comme ils le comprenaient en février quand la grève a commencé, combien la situation est grave lorsqu'ils disent que la sécurité laisse tant à désirer et que la relation entre la société et les travailleurs s'est tellement détériorée qu'ils veulent faire la grève. Ils comprennent les conséquences mieux que tout député et beaucoup mieux que les gros bonnets qui siègent sur les banquettes ministérielles du Parti conservateur. Ils comprennent parfaitement les conséquences de leurs actes, et ils sont déterminés. Quatre-vingt pour cent des travailleurs ont voté contre l'entente que le gouvernement aimerait maintenant leur imposer.
Il est tout à fait ridicule de croire qu'une telle technique pourrait rétablir la paix sociale, rétablir l'harmonie au travail et améliorer la qualité du service, que ce soit en protégeant l'environnement et la santé des Canadiens et veillant à ce qu'il y ait moins de déraillements, ou simplement en faisant en sorte que les trains soient à l'heure et qu'on transporte les marchandises que le CN, et non le Canadien National, a promis de transporter.
Le gouvernement et ses partisans crieront sur tous les toits que l'approche idéale a été adoptée et qu'une solution éclair a été trouvée pour rétablir le service ferroviaire et faire en sorte que les trains soient à l'heure. Je fais valoir à la Chambre, aux Canadiens et aux habitants de ma circonscription qu'il nous faut trouver la paix sociale. Il faut considérablement améliorer les opérations du CN et la façon dont il traite ses employés et la sécurité de tous les Canadiens, employés et autres, parce que la situation ne peut plus durer, et le projet de loi ne ferait que l'exacerber. C'est pourquoi je suis fier, en tant que néo-démocrate, de m'opposer au énième degré à ce projet de loi.
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Monsieur le Président, je sais que le député de a vu de près ce qui se produit lorsque que les rails sont en mauvais état. Il n’arrive pas souvent que des wagons transportant certaines substances nocives roulent en trombe en plein Montréal, Toronto ou Vancouver. Pour se rendre à destination, les convois de ce genre empruntent généralement d’autres trajets qui traversent des petites localités. C’est tout simplement ainsi que le réseau ferroviaire a été conçu.
Et c’est très bien comme ça, sauf que les gens ne se sentent plus en sécurité quand un train s’approche de leur village. Ce n’est pas seulement le bruit qui les dérange. Ils craignent de ne plus pouvoir boire l’eau une fois que le train sera passé, et de devoir nettoyer. Quand la capacité des gens de vivre où ils ont toujours vécu est menacée par le simple passage d’un train, on se demande bien ce que l’avenir nous réserve.
Nous nous sommes attaqués à cette question pour que les Canadiens puissent comprendre. Si nous mesurions le succès de cette entreprise à l’aune de la paie qu’elle offre à son PDG, nous pourrions croire qu’elle fonctionne merveilleusement bien. L’externalité, comme on dit dans les milieux d’affaires, est la marque de commerce de la maison. Ses trains ont déraillé et déversé leurs substances toxiques dans des rivières, comme ce fut le cas en Alberta, en Colombie-Britannique, en Ontario et au Québec. Je me demande s’il y a vraiment des provinces qui n’ont pas essuyé au moins un déversement de matière toxique depuis un an ou deux. Ce serait un club très sélect. Peut-être que le Yukon ou les Territoires du Nord-Ouest ont été épargnés jusqu’à maintenant, mais ils devraient se garder de s’illusionner pour l’avenir.
J’aimerais bien qu’on apporte un amendement au projet de loi, et nous pourrions peut-être le faire dans les heures qui viennent. Celui-ci devrait ordonner aux négociateurs de faire en sorte que la paie du PDG ait un lien avec le bilan de sécurité de l’entreprise. Je suis sûr qu’on trouverait bien des raisons de lui donner de plus en plus de dividendes et d’actions, mais, chaque fois qu’un train quitterait la voie ferrée, on rognerait un peu sur sa rémunération. Ce serait une approche formidable. Il va sans dire que le gouvernement sera favorable à une telle proposition, vu que la sécurité est si importante pour lui. Il l’a répété à maintes reprises.
Si la sécurité était si importante pour cette entreprise, qui semble avoir abandonné tout semblant de contrôle au regard de la protection de l’intérêt national que nous prétendons avoir tant à coeur à la Chambre, elle ne signerait pas un tel contrat. Le bilan de cette entreprise est si terrible actuellement sur ce chapitre que les investisseurs sont manifestement inquiets pour le prochain trimestre. Quand les investisseurs sont ainsi obsédés uniquement par ce qui se produira au prochain trimestre, la valeur des actions peut dégringoler tellement rapidement sur notre marché que les investissements à plus long terme dans la sécurité et dans l’amélioration de notre réseau ferroviaire lui-même semblent ne plus valoir la peine, de sorte qu’on y renonce. C’est ce que nous a révélé la vérification effectuée par le gouvernement fédéral du Canada.
Et voilà que les travailleurs viennent nous dire qu’ils ne sont pas certains qu’on soit toujours en sécurité quand on voyage en train, et je vais vous en donner un exemple récent que j’ai pris dans ma circonscription. Je ne mentionnerai pas le nom du type en question, quoique, le connaissant, je suis sûr qu’il l’apprécierait.
Un train a quitté les rails en février pendant la grève. Avant cela, le gouvernement libéral avait glissé une petite modification dans le Code du travail qui ne permettait pas aux travailleurs du rail de refuser de traverser la ligne de piquetage. Elle les obligeait à franchir la ligne, à moins qu'ils soient menacés. Il y a eu une grève dans une ville du nord, une grève légale et parfaitement bien menée. Un homme s'est rendu au travail ce matin-là et a dit qu'en tant que collègue syndiqué, il ne franchirait pas la ligne de piquetage. L'entreprise n'a pas tardé à rappliquer avec un exemplaire de la loi, signée par les libéraux et appuyée par les conservateurs. Elle disait qu'il devait franchir la ligne. En réponse, il a dit qu'il ne le ferait pas, que c'était contre ses convictions.
La seule façon pour une personne d'éviter de franchir la ligne de piquetage, c'est d'affirmer avoir été menacée par un gréviste. La GRC sera alors appelée pour arrêter le gréviste en question. C'est la condition qu'on lui a donnée. C'est là que la situation passe de l'absurde au ridicule.
En définitive, les gens peuvent avoir un milieu de travail peu sûr en vertu des lois qui ont été élaborées par le Parlement et les assemblées législatives partout au pays, et en faire la preuve. Les députés n'accepteraient même pas de s'asseoir sur ces chaises s'ils n'étaient pas certains que leurs pattes sont solides. Ils refuseraient et exigeraient d'autres chaises. Aussi, ils accepteraient encore bien moins d'aller travailler sur des rails sans être certains qu'ils resteront sur ces rails jusqu'à la fin de leur quart de travail et refuseraient d'effectuer des heures de travail supplémentaires, sachant que leur sécurité serait menacée. Or, le gouvernement soutient maintenant qu'un tel refus porte atteinte aux droits de quelqu'un d'autre au pays.
Nous, du NPD, défendrons les droits des travailleurs partout au pays d'avoir des milieux de travail sûrs. Nous pensions vraiment que c'était déjà fait. Nous pensions que la loi était en place, que les codes avaient été élaborés et que des affiches avaient été placardées sur les murs dans tous les milieux de travail. Nous pensions que les gens pouvaient maintenant travailler et gagner un revenu en toute sécurité.
Ô surprise, le moment venu de prendre véritablement position, le gouvernement s'écroule. Il ne peut pas se tenir debout. En ayant recours à ce moyen, qu'il gardait en réserve, le gouvernement a faussé les négociations, il les a torpillées et fait en sorte qu'il était impossible pour le syndicat et l'entreprise d'en venir à une entente juste et raisonnable. Ce projet de loi était gardé en réserve et l'entreprise le savait. C'est ce qui a permis la tenue de négociations de bas étage, que préconisait le gouvernement et qu'il accepte maintenant, poussé par les libéraux et appuyé par le Bloc.
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Monsieur le Président, dans le cadre du présent débat, je me suis efforcée de trouver des arguments qui pourraient justifier cette mesure législative draconienne. Par exemple, selon le site cbc.ca, voici ce qu'a déclaré le président de l'Association canadienne de transport industriel:
Les expéditeurs qui servent des marchés d'exportation très concurrentiels et les détaillants qui doivent garnir leurs étagères de produits saisonniers importés seront tous touchés.
Je me suis donc demandé si nous limitions les droits à la négociation collective pour bien veiller à ce que nos étagères soient garnies de produits d'importation saisonniers. Je me suis dit que ce ne pouvait être la raison pour laquelle nous sacrifions le droit fondamental des travailleurs de négocier collectivement leurs conditions de travail. Compte tenu également des questions de sécurité soulevées durant le débat, je me suis dit qu'il devait y avoir une raison plus importante.
Je reviendrai sur cet aspect de la sécurité, mais je me suis interrogée sur d'autres raisons possibles. J'ai trouvé un article de la Presse canadienne dans lequel le ministre du Travail conservateur déclarait que les employeurs et bon nombre de groupes souhaitaient voir le gouvernement agir. Donc, cette mesure voudrait carrément nous voir prendre parti en faveur de l'employeur? Comment peut-on alors parler d'un gouvernement qui agit de façon objective en fonction de l'intérêt public?
Il a beaucoup été question récemment de cet équilibre délicat entre l'employeur et les travailleurs. Cet équilibre, on ne le juge équitable, semble-t-il, que lorsque les employeurs peuvent arriver à outrepasser le droit des travailleurs à négocier de façon collective et équitable, soit en ayant recours à des travailleurs de remplacement soit, comme c'est le cas à l'heure actuelle, en laissant au gouvernement la sale tâche de limiter le processus de négociation et d'imposer un règlement aux travailleurs, en bafouant un droit acquis sur une très longue période, de façon démocratique.
Puis j'ai lu dans le journal que l'employeur se réjouissait du fait que le gouvernement allait présenter une mesure de retour au travail. Je ne vois pas où réside l'équilibre en cela. Je constate plutôt que le gouvernement qui, après tout, est censé représenter les intérêts des Canadiens, travaille plutôt dans l'intérêt des entreprises et fait les quatre volontés de l'élite des milieux d'affaires en se laissant convaincre par leurs pressions, deux fois en un mois, de limiter les droits des travailleurs à une négociation collective équitable.
Dans le monde des sports, nous parlerions de tricherie. Puisque c'est de la vraie vie des travailleurs dont il est question, de la vraie vie des travailleurs qui sont exposés à des risques sur le plan de la sécurité, ne parlons pas de sport ou de tricherie. Parlons plutôt d'agissements répréhensibles.
Je me suis dit qu'une explication m'avait certainement échappé. Puis, une fois de plus, j'ai trouvé la réponse dans un article de la Presse canadienne, où le ministre du Travail soulignait toute l'importance qu'il fallait accorder à la santé de notre économie.
La santé et la sécurité des Canadiens sont importantes. La santé et la sécurité des travailleurs canadiens sont également importantes. La santé de notre environnement est importante. Si nous adoptons des lois ordonnant le retour au travail chaque fois que nous risquons de perdre un peu d’argent sur nos exportations, comment savoir si ce n’est pas au détriment des préoccupations concernant la sécurité? Tous les travailleurs canadiens ont de bonnes raisons d’avoir peur si la sécurité n’est pas assurée dans leur lieu de travail. Tous les Canadiens ont de bonnes raisons d’avoir peur si on néglige la sécurité du transport aérien ou la sécurité du camionnage pour des raisons économiques ou à cause de quelques dollars.
J’ai finalement découvert la raison qui a peut-être motivé le gouvernement. Toujours selon cet article de la Presse canadienne, le ministre du Travail a déclaré: « Nous avons vu ce qui s’est passé en février lorsque... nous avons perdu pour environ un milliard de dollars d’exportations. Il faut agir maintenant ». Si seulement le gouvernement était prêt à agir immédiatement sur le front des changements climatiques, des sans-abri, de la pauvreté, des soins de santé, de la dette étudiante, de l’alphabétisation, pour trouver une meilleure solution en Afghanistan et sur tous les dossiers dont les libéraux et les conservateurs prétendent se préoccuper.
Quelle est la première utilisation qui est faite de la clôture au cours de cette législature? À quelle occasion les conservateurs invoquent-ils pour la première fois cette mesure législative qui vise à résoudre uniquement les situations les plus désespérées et les plus urgentes? C’est pour des marchandises saisonnières importées.
Nous entendons beaucoup parler de la conscience sociale des députés de l’autre côté, des libéraux, mais pour quoi les libéraux s’allient-ils aux conservateurs quand ce n’est pas pour prolonger notre mission mal engagée en Afghanistan? C’est pour faire pencher l’équilibre délicat des relations de travail en faveur des employeurs, à deux reprises récemment, d’abord pour le projet de loi sur les travailleurs de remplacement et maintenant pour cette mesure draconienne.
Les libéraux sont-ils également d’accord pour agir immédiatement sur le front des changements climatiques, des sans-abri ou de la pauvreté? Non, ce n’est pas ce que je constate. Lorsqu’ils sont pour une action immédiate, c’est pour des marchandises saisonnières importées.
Le projet de loi empiète sur le droit fondamental à la négociation collective, le droit de négocier les conditions dans lesquelles les Canadiens travaillent alors qu’il est évident que le CN se sert de cette loi ordonnant le retour au travail pour balayer les préoccupations très graves que les travailleurs ont émises.
Les conservateurs ont invoqué cette loi restrictive sous prétexte que la grève a des répercussions économiques. Ils pourraient aussi bien dire qu’ils sont contre la négociation collective étant donné que la plupart des grèves ont un impact économique. Voilà pourquoi les deux parties travaillent ensemble, négocient, délibèrent et essaient de trouver une solution qui répond à leurs besoins. Ce n’est pas ce qui s’est passé.
Lorsque je prends la parole à la Chambre, je dis souvent que je parle au nom de mes concitoyens. Bien entendu, je parle en leur nom, au nom des Canadiens qui s’inquiètent, je pense, lorsqu’un groupe est lésé dans ses droits comme c’est le cas ici. Néanmoins, ce soir, je parle aussi au nom de mon père qui a travaillé pendant 25 ans pour les Chemins de fer nationaux du Canada, qui n’existent plus. Mon collègue a souligné que ce nom avait été raccourci. Lorsque mon père travaillait au CN, il s’est battu pour les droits des travailleurs au sein de son syndicat. Il aimait les chemins de fer et il m’a transmis son amour et sa passion pour les chemins de fer.
Depuis que je siège à la Chambre, j’ai vu se présenter certaines occasions de donner au transport ferroviaire et public une place de choix dans l’avenir de notre pays. Le chemin de fer devrait être un élément essentiel de l’avenir du Canada.
Cependant, la qualité du service ferroviaire sera proportionnelle aux investissements qui seront faits pour assurer la sécurité des travailleurs, de l'infrastructure et de l'environnement. Pourtant, le gouvernement n'a pas estimé nécessaire d'élaborer une stratégie nationale en matière de transports. Le gouvernement n'a pas de vision en matière de transports en commun et il devrait peut-être songer à y remédier dès maintenant.
Au cours des dernières décennies, une culture d'entreprise de plus en plus forte a mené à la privatisation de certaines lignes ferroviaires, favorisant ainsi la rentabilité plutôt que la sécurité; à la réduction du nombre de travailleurs; à un désinvestissement dans l'infrastructure ferroviaire et à la suppression de certaines lignes ferroviaires, sans égard au fait que certaines collectivités ne soient plus desservies, tant et aussi longtemps qu'il était possible de verser aux PDG d'imposants salaires.
Je cite un exemple, qui me tient vraiment à coeur, survenu dans l'Île de Vancouver où le service marchandises s'est lentement dégradé au fil des ans pour finalement être abandonné. On a également laissé le service voyageurs se dégrader. La voie ferrée elle-même était tellement mal entretenue que le service était lent, peu fiable et toujours en retard, au point où les compagnies de chemin de fer allaient l'interrompre. Cependant, la collectivité a fait front commun et a déclaré qu'elle refusait que l'emprise soit abandonnée et que le service ferroviaire disparaisse.
Les collectivités de l'Île de Vancouver ont formé ce qu'on appelle aujourd'hui la Island Corridor Foundation, pour protéger l'intégrité de l'emprise ferroviaire et pour améliorer les services voyageurs et marchandises. Dans les documents expliquant son plan d'action, l'organisation explique certaines des raisons qui l'ont amenée à ce point. Elle dit que, au cours des dernières années, divers changements commerciaux ont entraîné des problèmes financiers, notamment le manque d'investissement et des plans d'affaires peu judicieux. Elle ajoute que le manque d'intérêt pour le maintien d'un bon service ferroviaire est tout simplement devenu évident et que, compte tenu des réactions lentes ou inadéquates aux changements, le service ferroviaire ne pouvait conserver son statut dans le marché et risquait de faire défaut à maintes reprises.
Il est vraiment triste de voir qu'au Canada, un pays qui a été bâti grâce au chemin de fer et où, compte tenu des préoccupations environnementales, nous voyons de plus en plus notre avenir dépendre à nouveau du transport ferroviaire, nous jugeons acceptable de faire fi des très importantes questions de sécurité qui ont été soulevées.
En faisant une recherche très rapide à l'aide de Google, j'ai trouvé bon nombre d'articles qui parlent des questions de sécurité, dont un qui rapporte un accident qui s'est produit le lendemain du dépôt des conclusions d'une vérification qui avait signalé des lacunes dans les mesures de sécurité ferroviaire. Là encore, la sécurité a déraillé.
La Transcanadienne a été fermée en deux endroits en Colombie-Britannique. Puis il y a eu un autre déraillement. Plusieurs déraillements se sont produits cette année, soit le 10 mars, le 4 mars et le 1er mars, de même que le 28 février, le 14 janvier et le 8 janvier 2007. Et cela ne s'arrête pas là, mais c'est tout de même une société que nous nous apprêtons à récompenser; en agissant à sa place nous appuyons ce genre d'intérêts et nous lui donnons la permission, en un sens, de perpétuer son désastreux bilan en matière de sécurité.
Cela n'aidera pas cette industrie à long terme. Cela n'améliorera pas non plus la sécurité de nos travailleurs. Cela détruit plutôt la volonté des employés de bien faire leur travail. Cela mine la confiance des Canadiens et des sociétés à l'égard du service ferroviaire. Je suis d'avis que c'est un projet de loi inconsidéré que le gouvernement veut faire adopter.
Je ne sais pas quand le gouvernement finira par comprendre que nous ne pouvons pas appuyer l'économie au détriment de l'environnement ou des droits sociaux. Nous ne pouvons pas construire un tabouret à trois pattes équilibré si nous continuons de favoriser l'économie au détriment de l'environnement et de brimer les droits des travailleurs à la négociation collective. C'est malheureusement ce que ce projet de loi propose de faire.
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Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui pour m'opposer à ce projet de loi de retour au travail draconien. Je tiens à reprendre certaines observations formulées par mes collègues et camarades de , , , et . Certains ont parlé de leurs familles et de la fierté qu'elles ont éprouvée à édifier ce pays. Leurs ancêtres qui ont travaillé dans l'industrie ferroviaire et dans d'autres industries ont construit ce pays.
J'aimerais parler un peu de ma parenté. Mon grand-père et mon père étaient bûcherons et ont construit les petites collectivités du nord de l'île de Vancouver. Ils ont travaillé d'arrache-pied pour façonner l'industrie que nous voyons aujourd'hui. Il est approprié que j'en parle pour souligner mon opposition à cette loi de retour au travail, comme l'ont fait mes collègues avant moi.
Mon grand-père et mon père ont travaillé dans l'industrie forestière. Ils ont travaillé dans de petits camps où les problèmes de santé et de sécurité étaient nombreux. Partout où ils sont allés, ils ont essayé d'améliorer les choses pour les autres travailleurs et ceux qui viendraient après eux. Ils ont mené une lutte acharnée et ont dû faire la grève dans des conditions vraiment difficiles pour s'assurer que les droits des travailleurs étaient mis au premier plan de sorte que des gens ne soient pas tués au travail comme bon nombre d'entre eux l'étaient à cette époque.
J'ai grandi dans une famille qui était très sensibilisée aux questions liées à la sécurité des travailleurs et du lieu de travail. J'ai grandi dans une famille qui était très politisée. C'est pour cette raison que je suis devenue moi-même une militante syndicale. J'ai oeuvré activement dans le mouvement syndical pendant longtemps pour faire avancer la cause des travailleurs. J'ai siégé à des comités de négociation. Là où je travaillais, nous avons fait la grève et avons été mis en lock-out. Je sais ce que c'est que d'être sur la ligne de piquetage avec des travailleurs qui, dans des circonstances pénibles, essaient de défendre d'autres travailleurs et de défendre des droits dont bénéficieront un jour ceux qui les suivront. Voilà ce que font les militants syndicaux.
J'ai entendu à la Chambre d'autres députés énoncer le vieil argument, que nous venons tout juste d'entendre, qui consiste à monter les travailleurs les uns contre les autres sous prétexte qu'il nous faut régler l'affaire parce que d'autres en pâtissent. C'est un vieil argument qu'ont utilisé les employeurs et les gestionnaires pendant de nombreuses années. Ça ne prend plus. C'est un argument bidon qui permet aux employeurs de ne pas faire la chose à faire, qui est de négocier en toute bonne foi.
Encore une fois, mon passé de militante syndicale est tout à fait lié à mon opposition à cette loi de retour au travail. Ce genre de loi n’est jamais la bonne solution. Mes collègues néo-démocrates et moi sommes contre. Nous nous opposons aux lois qui permettent le recours à des travailleurs de remplacement et à toute autre loi qui mine le droit fondamental à la négociation collective.
Les travailleurs du rail sont sous le coup d’un lock-out. Il s’agit d’un différend légal dans les relations de travail. Le gouvernement avait d’autres possibilités. Il aurait pu renvoyer le CN à la table de négociation, mais il ne l’a pas fait. Il a préféré priver les travailleurs de leur droit à la négociation collective. Si le gouvernement s’inquiétait vraiment de l’économie, il ordonnerait au CN de reprendre les négociations et de négocier sérieusement. Il donne plutôt au CN le feu vert pour exploiter une fois de plus les travailleurs.
Les Canadiens s’inquiètent de la sécurité des travailleurs tout autant que de l’économie. L’économie ne doit pas l’emporter sur la sécurité des travailleurs, comme c’est trop souvent le cas.
Revenons-en à la Colombie-Britannique et à l’industrie forestière. L’an dernier, il y a eu 40 morts dans les forêts parce que des travailleurs ont dû travailler dans des conditions dangereuses. La fatigue qui vient avec de longues heures à faire un travail dangereux, dans des conditions dangereuses, voilà qui mène tout droit à la catastrophe pour les travailleurs de la forêt. Étant donné la façon dont l’industrie a été restructurée, c’est pour eux la seule façon de joindre les deux bouts. Les travailleurs ont réclamé et obtenu des engagements du gouvernement provincial pour qu’il veille à la sécurité et à la qualité des conditions de travail. Mais pourquoi, je le demande, pourquoi faut-il toujours qu’il y ait des morts pour que les gouvernements prennent les choses au sérieux?
Les gouvernements ont un rôle à jouer pour forcer les employeurs à se conformer à des pratiques de travail sans danger. Ils peuvent légiférer et appliquer des règles strictes de sécurité en milieu de travail. Nous avons vu ce qui s’est passé dans l’industrie minière. Nous aimons à croire révolue l’époque où on envoyait un oiseau dans les mines de charbon pour s’assurer que l’air était respirable, mais il suffit de se rappeler la catastrophe de la mine Westray, il n’y a pas tellement longtemps, où des mineurs ont perdu la vie parce que l’employeur n’avait pas suivi les règles de sécurité.
C’est ce qui se passe chaque fois qu’un travailleur est tué parce qu’un employeur, soucieux d’accroître sa marge bénéficiaire, prend des libertés et insiste pour que les travailleurs prennent des risques. Dans bien trop de familles, on a perdu un mari, un père, un frère, une mère, une femme ou une sœur parce que, au nom de l’économie, la sécurité en milieu de travail, dans la mine ou dans les transports ferroviaires est sacrifiée.
Le différend actuel ne met pas l’économie en danger. Ce qui est en danger, ce sont les droits des travailleurs, c’est la sécurité publique, c’est l’environnement.
Au Canada, depuis 2005, il y a eu plus d’une centaine de déraillements. Je n’en rappellerai que sept, et ils se sont tous produits en 2007. Nous ne sommes qu’à la mi-avril, quatrième mois de l’année, et il y a eu sept déraillements. Cela fait deux par mois. Je présume qu’il faut s’attendre à en avoir un autre incessamment.
Le 12 mars 2007, environ 3 000 passagers de VIA Rail ont dû se déplacer par autocar le premier jour du congé de mars : le service ferroviaire dans le couloir Toronto-Montréal-Ottawa a été perturbé, un train de marchandises ayant déraillé près de la gare de Kingston.
Le 10 mars 2007, la circulation ferroviaire sur la ligne principale de transport de marchandises du CN dans le centre du Nouveau-Brunswick a été perturbée jusqu’au lendemain parce que 17 wagons avaient quitté la voie dans la région de Plaster Rock.
Le 4 mars 2007, du grain a été déversé près de Blue River, en Colombie-Britannique, à deux heures au nord de Kamloops : 27 wagons d’un train qui roulait vers l’ouest ont déraillé. Comment un train peut-il dérailler?
Le 1er mars 2007, le déraillement d’un train de marchandises, près de Pickering, en Ontario, a perturbé le service de VIA dans le couloir Toronto-Montréal-Ottawa et le service des trains de banlieue dans la région de Toronto.
Le 28 février 2007, de l’acide chlorhydrique s’est échappé d’un des cinq wagons d’un convoi du CP qui ont déraillé dans le canyon de Kicking Horse dans le Sud-Est de la Colombie-Britannique. Des équipes d’urgence sont parvenues à contenir le déversement, et, par bonheur, aucun produit chimique n’a atteint les voies navigables avoisinantes.
Le 14 janvier 2007, un déraillement survenu près du lac Minisinakwa dans le Nord de l’Ontario a entraîné la chute dans un marécage de plus de 30 wagons, dont l’un contenait des produits de peinture. Les autorités ont déclaré qu’il n’y avait eu aucun indice de fuite, mais le trafic ferroviaire a été interrompu à Gogama en attendant qu’on répare les dégâts de l’accident.
Le 8 janvier 2007, 24 des 122 wagons d’un convoi de marchandises ont déraillé à Montmagny, Québec, à environ 60 kilomètres de la ville de Québec. Il n’y a pas eu de blessés, mais l’accident est survenu dans un quartier résidentiel, et un des wagons a terminé sa course à environ 12 mètres d’une habitation.
Il me semble que les déraillements font plus de mal à l’économie que n’importe quel conflit ouvrier.
D’après ce que j’ai lu, certains de ces déraillements ont eu des conséquences dévastatrices pour les collectivités. J’ai des collègues qui m’ont parlé de certains des déraillements qui se sont produits dans leur province. Des gens ont dû être évacués en raison des émanations toxiques, et il y a eu de lourds dommages à l’environnement par suite de déversements de produits toxiques dans des rivières, des lacs et des bassins hydrographiques. Des millions de poissons et d’animaux sauvages sont morts, leur habitat ayant été détruit.
Nous en avons pour des années à subir les effets désastreux de ces accidents. Une récente vérification de sécurité effectuée au CN a soulevé d’énormes inquiétudes au sujet de la façon dont les cadres de cette entreprise abordent la question des mesures de sécurité. Pourquoi ces gens ont-ils eu à se faire rappeler à l’ordre par Transports Canada?
Nous entendons constamment dire qu’il s’agit d’une entreprise socialement responsable, qu’elle a notre intérêt à coeur, mais quand une vérification révèle un certain nombre de manquements à la sécurité, un taux très élevé – 54 p. 100 pour être exact – de locomotives présentant divers problèmes, depuis des aérofreins défectueux jusqu’à des accumulations excessives d’huile sur les locomotives et les réservoirs à combustible, on ne peut que présumer qu’on cherche à aller au plus vite et que la sécurité du public et des travailleurs s’en trouve compromise. Chaque fois qu’il se produit un déraillement, l’environnement en souffre.
L’objectif que visent les travailleurs du CN, c’est que la sécurité soit assurée sur leurs lieux de travail et dans l’ensemble du réseau ferroviaire. Les employés du CN subissent d’énormes pressions pour accroître leur productivité. Ils craignent d’être victimes de représailles s’ils dénoncent un manquement à la sécurité. Quel genre de message l’entreprise envoie-t-elle en omettant de se soucier de la sécurité?
Le CN essaie d’aller à contre-courant en forçant ses travailleurs à accepter une augmentation du nombre d’heures où ils sont loin de leur famille. Ils travaillent déjà jusqu’à 80 heures par semaine. Le syndicat réclame de meilleures conditions de repos et la fin de la journée de 16 heures. Ces hommes et ces femmes travaillent très fort. Tout ce qu’ils veulent, c’est qu’on les traite équitablement.
Selon certains, la grève n'est qu'une affaire d'argent et les travailleurs demandent 70 000 $ par année. Pour des gens qui travaillent 16 heures par jour, cela donne à peu près 12 $ l'heure. Comme rémunération horaire, ce n'est pas tant que cela, d'après mes calculs. Ce ne sont pas des demandes scandaleuses. Ce qui est scandaleux, c'est le salaire du PDG du CN, Hunter Harrison, qui a gagné 56 millions de dollars en 2005. À 16 heures par jour, cela donne 9 580 $ l'heure. Je me demande s'il y a beaucoup de gens au Canada qui gagnent un tel salaire. C'est scandaleux et c'est pertinent puisqu'il existe au Canada un écart grandissant entre riches et pauvres et que ce sont surtout les travailleurs qui en font les frais.
Comment se fait-il qu'en matière de lois ouvrières, d'équité pour les travailleurs, le gouvernement n'arrive pas à passer de la parole aux actes? Comment se fait-il que les libéraux font cause commune avec les conservateurs chaque fois qu'il est question d'équité pour les travailleurs? Ils disent appuyer la négociation collective libre, mais ils votent en faveur d'un projet de loi de retour au travail. Ils disent appuyer la négociation collective libre, mais ils votent contre une mesure législative qui interdirait les travailleurs de remplacement.
Comment se fait-il que le gouvernement conservateur joue le jeu du CN en imposant la clôture au débat sur ce projet de loi? Le gouvernement aurait pu faire un meilleur choix. Il aurait pu choisir d'obliger le CN à revenir à la table de négociation au lieu d'imposer brutalement une solution aux travailleurs.
Le gouvernement a nommé un négociateur mais sans lui donner le temps de trouver une solution. Tous souhaitent une solution raisonnable et un retour au travail. Tous souhaitent l'issue la plus avantageuse pour le Canada: des conditions de travail sûres pour les travailleurs ferroviaires, le transport des marchandises en toute sécurité et un réseau ferroviaire solide susceptible de favoriser le dynamisme de l'économie.
Contrairement à d'autres ici à la Chambre, le NPD estime que le dynamisme de l'économie va de pair avec l'équité et la sécurité à l'avantage des travailleurs, la sécurité des voyageurs, et la sécurité de nos collectivités et de l'environnement.
Permettez-moi de dire, en terminant, que mes collègues du NPD et moi-même sommes tout à fait contre une loi de retour au travail, ou une loi qui mine le droit fondamental à la négociation collective. Nous préconisons des heures de travail raisonnables, des pauses nécessaires durant le travail, des conditions de travail sûres qui permettront de protéger les travailleurs ferroviaires de manière à ce que, à la fin de la journée, chaque travailleur puisse revenir à la maison en bonne santé auprès des siens.
J'invite tous les députés à considérer les conséquences d'une situation où le CN continue de fonctionner comme si de rien n'était. L'enjeu déborde largement celui de l'économie. Je suis fière de me tenir debout, de m'opposer à un nouvelle violation des droits des travailleurs et de voter contre ce projet de loi de retour au travail.
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Monsieur le Président, j’apprécie de pouvoir me joindre au débat de ce soir. Il est intéressant de voir que, souvent, la taille d’un projet de loi ne reflète pas nécessairement son effet ou son impact. C’est ce qui se passe ici.
Le projet de loi n’est pas un document bien long. Il ne couvre que six pages. Il contient toutefois des armes incroyables, des armes qui, aux yeux des travailleurs canadiens, auront été tournées contre eux par le Parlement et par leur propre gouvernement.
C’est peut-être un sujet de discussion pour certains d’entre nous ici présents, mais pour ceux qui se trouvent sur la ligne de piquetage ou qui continuent de travailler de leur mieux pour assurer, non seulement le meilleur service qui soit aux clients du CN, mais aussi leur sécurité, celle de tous les passagers et de tous ceux qui sont touchés par l’escalade incroyable des déraillements qui ont eu lieu au Canada, c’est un puissant projet de loi qui va dans la mauvaise direction.
Voici ce que dit le sommaire du projet de loi:
Le texte prévoit la reprise et le maintien des services ferroviaires et impose l’arbitrage comme mode de règlement des questions qui font toujours l’objet d’un différend entre les parties.
Cela semble bien simple. Le NPD voit trois énormes objections à la teneur de cette simple phrase. Premièrement, quand on dit que le texte prévoit la reprise et le maintien des services ferroviaires, cela signifie également que les Canadiens qui ont décidé, par un vote libre et démocratique, d’exercer leur droit de suspendre le travail et d’exercer des pressions sur leur employeur pour obtenir une meilleure convention collective se voient privés de ce droit. Si ce projet de loi est adopté, ces citoyens canadiens seront lésés dans leurs droits.
Deuxièmement, le projet de loi impose l’arbitrage. Je vois quelques députés d’arrière-ban du gouvernement hocher la tête comme s’ils étaient sur la lunette arrière d’une automobile. Maintenant que le député écoute, je dois lui dire qu’il ne s’agit pas d’un processus équitable pour les travailleurs en cause. Ce n’est peut-être pas important pour les députés de l’arrière-ban, mais c’est important pour un grand nombre de Canadiens et leurs familles.
Troisièmement, le sommaire parle du « règlement de questions qui font toujours l’objet d’un différend ».
Et les agriculteurs?
M. David Christopherson: Je vais continuer malgré le chahut. Si les députés ne veulent pas écouter, il n’est pas nécessaire qu’ils le fassent, mais les travailleurs auront leur mot à dire à propos des conservateurs qui leur imposent un accord ou une loi leur enlevant leurs droits. J’ai des petites nouvelles pour les membres du caucus conservateur. Le NPD défendra les droits de ces travailleurs aujourd’hui et chaque fois que ce sera nécessaire.
Le dernier point porte sur le « mode de règlement des questions qui font toujours l'objet d'un différend », ce qui n'est qu'une belle façon de dire que le gouvernement leur imposera un règlement et qu'ils devront l'accepter. C'est essentiellement ce qu'il dit.
Permettez-moi de citer les propos qu'a tenus un des dirigeants syndicaux les plus en vue du Canada.
Qu'en est-il de l'agriculteur ordinaire?
M. David Christopherson: Les conservateurs peuvent bien rigoler et chahuter. Tout membre du Syndicat national des employées et employés généraux du secteur public, du SNEGSP, qui veut savoir qui est en train de rigoler, pendant que je fais la lecture de la déclaration de son président national, n'a qu'à téléphoner au bureau du NPD. Nous serons heureux de donner le nom de ceux qui trouvent ça drôle.
Dans le communiqué, le président national du SNEGSP, James Clancy, a dit ce qui suit à propos de ce qui se passe ici:
Voilà un autre exemple regrettable où le Canada abroge les obligations en matière de travail et de droits de la personne [...]
Notre pays a le devoir d'honorer les conventions et les traités que nos gouvernements ont signés au fil des ans avec les Nations Unies (ONU) et l'Organisation internationale du Travail (OIT).
Le « nouveau gouvernement » du Canada se conduit de la même façon éhontée que les anciens gouvernements en violant nos obligations internationales de respecter les droits des travailleurs.
Cette façon de faire tourne en dérision la signature, par le Canada, des conventions et des traités internationaux portant sur le travail et sur les droits de la personne. Les conservateurs de Harper ne se conduisent pas mieux que les libéraux l'ont fait, a soutenu Clancy.
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Mes excuses, monsieur le Président. Je croyais que vous parliez du nom du président, ce qui aurait été convenable je crois, mais le nom d'un député figure dans le communiqué. Vous avez absolument raison et je vous présente mes excuses. Cela ne change rien à mon argument, mais sachez que c'est noté.
M. Clancy a ensuite ajouté:
Il n'est pas absolument nécessaire que le gouvernement intervienne. Le Conseil canadien des relations industrielles a déclaré la grève légale [...] et les parties devraient pouvoir résoudre seules leurs différends dans le cadre du processus de négociations collectives.
C'est essentiellement ce que nous demandons. Tout ce que nous demandons, c'est que le gouvernement reconnaisse que les deux parties sont actuellement engagées dans des négociations démocratiques. Une grève légale est en cours. Ce n'est pas en soi la fin du monde. Il s'agit de grèves rotatives. Je ferais remarquer aux députés qu'un syndicat qui déclenche des grèves rotatives, au lieu d'une grève générale, tente simplement de faire passer son message et d'exercer des pressions sur la direction pour qu'elle accepte de négocier une convention collective équitable.
Si le syndicat voulait causer le type de ravages dont parlent les députés conservateurs d'arrière-ban, il aurait seulement tenu un vote. Il jouit d'un vaste appui de 70 ou de 75 p. 100 je crois. Les travailleurs auraient pu approuver ce mandat et forcer la fermeture du réseau, mais ce n'est pas ce qu'ils ont voulu.
Les travailleurs veulent une convention collective. Il faut se rappeler que, en principe, l'objectif est d'en arriver à une convention collective. Lorsqu'il y a une grève ou qu'un arrêt de travail est imposé, le processus de négociation est rompu. La grève est acceptable parce qu'elle respecte les règles, mais lorsque le gouvernement commence à imposer des conditions, il nie complètement au syndicat son droit légal de représenter les employés dans le cadre du processus de négociation.
En outre, si le syndicat avait voulu faire tout ce dommage et qu'il était si mal intentionné comme le prétendent les députés conservateurs d'arrière-ban, il aurait inclus les trains de banlieue. Si le syndicat voulait vraiment faire monter davantage la pression, il aurait pu aller jusque-là. S'il avait uniquement voulu montrer son pouvoir, le syndicat était en mesure de faire cela.
Cependant, comme ce n'est pas ce que le syndicat cherche à faire, la situation est vraiment désolante aujourd'hui. Cette mesure législative ne reconnaît absolument pas les droits des travailleurs dans ce conflit.
Un collègue ne cesse de mentionner les agriculteurs. J'en conviens; ils font partie de l'équation, mais cette mesure ne les aidera pas.
Ceci m'amène au point suivant qui est celui de la sécurité. Les gens ne sont pas vraiment avancés si leurs produits se trouvent dans un train qui tombe dans un précipice.
Je tiens à ce que tout le monde entende ceci. Si on attend assez longtemps, ça commence à sortir. Un autre d'entre eux, en arrière, lance que les assurances sont faites pour ce genre de situation.
Ce n'est pas ce que j'ai dit.
M. David Christopherson: Il n'est pas suffisant qu'une personne perde la vie dans ce train qui tombe dans le précipice.
J'aimerais que tout le monde soit ici pour entendre les protestations à l'idée que des gens pourraient vraiment être blessés. Un déraillement est une situation vraiment grave parce qu'il entraîne un mouvement incontrôlable d'une énorme masse de métal. De combien de déraillements avons-nous été témoins cette année seulement?
Mes amis qui s'occupent de ces questions chaque jour affirment que le nombre de déraillements a doublé cette année en janvier. Je sais qu'on a déjà fait mention de ces accidents, mais je tiens à les répéter à mon tour.
Le 4 janvier, une locomotive a dévalé un talus dans le canyon du Fraser. Pourquoi les gens d'en face ne rient-ils pas? D'après eux, c'est une situation cocasse. Ils estiment qu'un train qui dévale un talus est une situation drôle.
Et que dire de la bonne blague du 8 janvier, quand 24 des 122 wagons d'un train de marchandises ont déraillé au Québec. C'était vraiment rigolo.
Que dire de l'incident du 1er mars? Il y a vraiment de quoi se bidonner. Un train de marchandises du CN a déraillé à Pickering. Je parie que les habitants de cette ville rient jaune quand ils repensent à ce qui s'est passé et à ce que cela veut dire.
Le 4 mars, il y a eu un déversement de céréales près de Blue River, en Colombie-Britannique. J'imagine que les cultivateurs n'étaient pas très contents de voir leurs céréales ainsi répandues, même s'ils ont des assurances.
Le 10 mars, le trafic ferroviaire sur la principale ligne du Canadien National traversant le Nouveau-Brunswick a été interrompu par le déraillement de 17 voitures. Même si je sais que ce n'est pas une nouvelle, on peut encore s'étonner de ce que, pour cette réalisation formidable en matière de sécurité, le PDG du CN gagne 56 millions de dollars par année. C'est plus de 1 million par semaine.
Mes collègues ont fait le calcul. J'ai arrêté après avoir calculé 9 000 $ l'heure. Non, mais pensez-y. Nous avons des travailleurs compétents pour assurer le transport ferroviaire au Canada et nous avons des problèmes de sécurité au point où le nombre de déraillements double et nous mettons maintenant la population en danger. Nous avons une entreprise qui pense que son grand patron fait un si bon travail qu'il mérite 56 millions de dollars par année pour de si beaux déraillements.
Le plus exaspérant dans cette situation pour bien des travailleurs et assurément pour le syndicat, c'est le processus. J'ai mentionné tout à l'heure l'arbitrage des propositions finales, les moyens mis sur la table par le gouvernement. Cet arbitrage n'est pas juste.
Il y a différents moyens de régler des désaccords et des conflits de travail qui n'impliquent pas seulement deux parties. Il n'est pas rare de faire intervenir un médiateur ou un conciliateur. Parfois, les parties reconnaissent qu'elles sont dans une impasse et qu'elles ont besoin d'aide. Pour forcer l'impasse, elles saisissent alors un arbitre de leur différend, font valoir leur point de vue et se plient ensuite à sa décision. Il y a deux façons principales de procéder, soit l'arbitrage du différend et le choix de l'offre finale, mais il y en a également d'autres.
Le problème avec l'approche choisie dans le dossier dont nous sommes saisis, c'est qu'elle est surtout utilisée lorsque le différend est principalement de nature monétaire. On peut alors présenter des comparaisons de marchés ou d'emplois équivalents, des études de marché ou encore d'autres conventions collectives en faisant valoir son point de vue, avant que l'arbitre ne prenne une décision qu'il estime équitable.
Cependant, dans ce cas-ci, il y a deux offres globales qui portent sur toutes les questions en suspens. L'arbitre en choisira donc une des deux, dans son intégralité. C'est une situation gagnant-gagnant ou perdant-perdant. S'il advenait qu'une autre partie soit impliquée, le processus choisi ne devrait-il pas naturellement correspondre aux désirs des deux parties plutôt qu'aux souhaits des dirigeants? Nous savons ce que veulent les dirigeants. Nous savons ce que veulent les propriétaires américains du CN, mais ce n'est pas ce que souhaitent les travailleurs. Ceux-ci veulent simplement être traités équitablement. Le gouvernement aurait donc pu avoir recours à une solution d'arbitrage de différend.
Pourquoi cela est-il aussi important? Pour revenir au projet de loi que je brandissais en disant qu'il était plutôt mince, mais qu'il avait un grand pouvoir, à qui reviendra la responsabilité de nommer l'arbitre? Au syndicat? Non. Aux clients? Non. Aux agriculteurs ou aux petites entreprises? Non plus. C'est le gouvernement qui nommera l'arbitre, qui lui donnera pleins pouvoirs. Le gouvernement est du côté de la grande entreprise. Tout le monde le sait. Pourtant, le gouvernement espère que les travailleurs du CN et leurs familles vont croire que, d'une manière ou d'une autre, ils finiront par obtenir leur juste part. Nous ne pensons pas qu'il en sera ainsi.
Hunter Harrison, le PDG, a reçu une rémunération de 56 millions de dollars en 2005. Il a gagné encore plus d'argent depuis ce temps, j'en suis certain. Il est payé 9 000 $ l'heure. Compte tenu des rémunérations qui ont cours dans l'industrie, les travailleurs spécialisés du CN sont bien payés. Ils ont beaucoup de responsabilités et un important bagage de formation. Selon leur ancienneté et le poste qu'ils occupent, ils peuvent être payés entre 70 000 $ et 90 000 $ avec quelques heures supplémentaires. C'est une bonne rémunération, mais ce n'est pas 9 000 $ l'heure. Quoi qu'il en soit, ils ne sont pas trop payés. Si ma fille est dans un train, je veux être certain qu'il s'y trouve des travailleurs compétents et bien concentrés sur leur travail, qui se sentent valorisés, qui savent qu'ils sont des professionnels et qui sont traités en conséquence. C'est le genre de personnes que je tiens à voir chargées de la sécurité dans les trains. Je ne veux pas que ces gens aient l'impression que leurs dirigeants se moquent d'eux constamment, avec la complicité de leur propre gouvernement.
En fin de compte, c'est mauvais pour les travailleurs et c'est mauvais pour le CN parce que cette entreprise peut ainsi continuer de refuser d'allouer les sommes d'argent qui seraient si nécessaires pour la maintenance et pour la santé et la sécurité au travail. Elle reste obsédée par ses résultats financiers, sans oublier de réserver au moins 56 millions de dollars pour le PDG.
La démarche choisie dans ce projet de loi plutôt draconien ne contient pas une miette de démocratie ou d'équité. Elle serait acceptable si au moins le syndicat pouvait l'accepter en grinçant des dents, mais ce n'est même pas le cas. Le choix de l'offre finale est la démarche retenue.
Les travailleurs du CN ne peuvent rien attendre de ce projet de loi. Ils voient leur propre gouvernement s'en prendre à eux et se joindre à la direction, dans l'autre camp, pour leur nier leur droit démocratique de négocier un traitement équitable en retour du travail qu'ils accomplissent pour leur employeur et pour les Canadiens, lorsqu'ils veillent à la sécurité du système ferroviaire du pays.
C'est un mauvais projet de loi. Nous sommes fiers de nous y opposer. Ce serait préférable que le gouvernement le reprenne, l'amende et l'imprègne d'un authentique esprit démocratique en permettant un véritable choix et un règlement définitif du conflit qui augurerait d'un bel avenir pour le CN et d'un monde propice à la création d'emplois, où les gens se sentiraient en sécurité. Nous sommes loin du compte avec ce projet de loi.