La Chambre reprend l'étude, interrompue le 30 avril, du projet de loi , dont le comité a fait rapport avec des propositions d'amendement; ainsi que du groupe de motions no 1.
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Monsieur le Président, c'est pour moi un grand plaisir d'intervenir aujourd'hui pour appuyer le projet de loi . Je souhaite et j'espère que tous les députés jugeront eux aussi indiqué d'appuyer ce projet de loi.
Le projet de loi fait partie d'une série d'initiatives ministérielles que nous avons présentées à la Chambre dans le but de durcir le ton face au crime. La Chambre a été saisie de plusieurs autres initiatives, mais malheureusement, je dois dire d'entrée de jeu que les députés de l'opposition, particulièrement de l'opposition officielle, semblent avoir tenté, presque sans relâche, d'entraver le débat sur ces projets de loi et j'en suis troublé.
Je parle maintenant du projet de loi , car à maintes reprises dans le passé une fois le débat entamé, les membres de l'opposition officielle ont proposé des motions d'adoption pour interrompre le débat en cours.
Je dois dire encore une fois que malgré les efforts que nous avons déployés pour présenter des projets de loi qui séviraient davantage contre le crime et, ce faisant, qui protégeraient les Canadiens et les collectivités du pays, nous avons vu de la part des députés de l'opposition un effort concerté pour édulcorer ces projets de loi au comité. Quand ces tentatives ont échoué, ils ont tenté d'empêcher la présentation de ces projets de loi dans cette enceinte et d'y entraver le débat.
En toute franchise, je trouve cela abusif, parce que même si les députés de l'opposition ont de véritables divergences de vues, je pense que ces projets de loi méritent au moins d'être débattus comme il se doit dans cette enceinte. Comme je l'ai indiqué précédemment, les tentatives des députés de l'opposition visant à interrompre ce débat sont abusives. Je suis ravi de voir qu'aujourd'hui, nous avons la possibilité de continuer de débattre cette très importante mesure législative.
Il est important que les députés et les Canadiens qui suivent le débat comprennent entièrement les conséquences du projet de loi et son objet. Bien franchement, le projet de loi vise à alourdir les peines et à imposer des peines minimales obligatoires aux individus trouvés coupables de certains actes criminels liés aux gangs ou aux armes à feu.
Lors de la dernière campagne électorale, tous les partis d'opposition ont prôné, dans leur programme électoral, l'imposition de peines minimales obligatoires. Pour notre part, nous avons très clairement dit que si nous étions élus, nous présenterions une mesure législative prévoyant des peines minimales obligatoires pour bon nombre d'infractions commises ou non avec des armes à feu ou portant sur des armes à feu.
Si je me rappelle bien, au cours de la dernière campagne électorale, le Parti libéral a également appuyé cette initiative. En fait, les libéraux ont dit que s'ils formaient le gouvernement, ils demanderaient que les peines minimales obligatoires soient doublées. Or, ils ont fait exactement le contraire. Lorsque le comité a été saisi du projet de loi , l'opposition s'est ralliée, principalement sous la direction du Parti libéral du Canada, pour vider le projet de loi de sa substance.
J'ai trouvé quelque peu hypocrite que, durant la campagne électorale, quand les électeurs canadiens se demandaient pour quel parti voter, les libéraux disent à l'égard des questions liées à la loi, à l'ordre et à la criminalité en général, que s'ils formaient le gouvernement, ils présenteraient une mesure législative pour doubler les peines minimales obligatoires dans le cas des infractions liées aux armes à feu et aux gangs. Par contre, une fois la campagne terminée, lors de l'étude en comité, ils ont tenté de rendre le projet de loi pratiquement inopérant et d'en supprimer toutes les dispositions à l'exception de deux.
Les libéraux ont dit une chose aux électeurs canadiens mais, lorsqu'ils se sont retrouvés derrière des portes closes, au moment de l'étude en comité, ils ont tenu un tout autre discours. Je trouve cette attitude vraiment répréhensible.
J'estime que les Canadiens méritent d'être traités avec respect et nous avons vu tout sauf du respect de la part des libéraux en ce qui concerne le projet de loi .
Heureusement, cependant, nous avons vu que le député de , qui représente le NPD, s'est finalement résolu, et son parti aussi, à rétablir quelques-unes des initiatives contenues dans le projet de loi et de nous appuyer pour qu'il soit adopté et devienne loi. Je félicite le député de Windsor—Tecumseh de son initiative et de son soutien sur cette question.
Ce que dit le projet de loi, assez directement, clairement et simplement, c'est que, si une personne est reconnue coupable d'une première infraction mettant en jeu un gang ou une arme à feu, elle écoperait d'une peine minimale de cinq ans. Pour toute infraction subséquente, la peine serait d'au moins sept ans.
Cette approche est raisonnable. En fait, lorsque le projet de loi initial a été présenté, nous voulions une loi plus musclée. Nous voulions cinq ans pour la première infraction ou condamnation, sept ans pour la seconde et dix pour la troisième et les suivantes. Mais, encore une fois, l'opposition a décidé de vider cette disposition de sa substance et, sans l'appui du député de , le projet de loi C-10 ne ressemblerait en rien au projet de loi initial, tel que nous le voulions.
Cependant, je pense que nous avons abouti à un compromis raisonnable grâce à nos collègues du NPD qui nous ont aidés à rétablir au moins quelques-unes des dispositions du projet de loi initial, de sorte que, maintenant, nous savons que nous bénéficierons d'un appui pour imposer des peines minimales de cinq ans pour une première infraction et de sept ans pour les suivantes.
Je crois que cela est raisonnable et reflète la volonté de la majorité des Canadiens. Pendant trop longtemps, le système judiciaire du Canada, que certains qualifient de système à porte tournante, a permis que des individus reconnus coupables d'actes criminels graves mettant en cause des armes à feu soient remis en liberté avant d'avoir purgé la totalité de leurs peines. En fait, des gens de ma circonscription me demandent souvent: « Puisque vous avez enfin été élus et que vous formez le gouvernement du Canada, pourquoi ne faites-vous pas quelque chose pour protéger les Canadiens? »
Je crois sincèrement que les mesures dissuasives sont efficaces. À mon avis, si les gens qui envisagent de commettre un crime savaient que, s'ils se faisaient prendre, reconnaître coupables et emprisonner, la peine d'emprisonnement serait sévère, cela les dissuaderait de commettre ce crime. Certainement pas dans tous les cas, mais dans certains cas, je crois que c'est ce qui se passerait.
Si nous pouvons faire quoi que ce soit en tant que parlementaires pour prévenir ou réduire les crimes graves, nous devrions le faire. Nous devrions appuyer ces initiatives.
Les députés de l'opposition répètent sans cesse que les statistiques dressent un portrait différent, que les statistiques montrent que les mesures dissuasives comme les peines d'emprisonnement minimales ne fonctionnent pas. Malgré tout le respect que je dois aux libéraux, je m'inscris en faux contre leur approche. Je crois que les mesures dissuasives fonctionnent et que nous devrions faire tout en notre pouvoir pour veiller à ce que le système de justice du Canada punisse sévèrement les crimes graves.
Je me rallie aux propos des députés de l'opposition lorsqu'ils disent qu'il faut faire plus d'efforts pour trouver des façons d'empêcher que les crimes soient commis. C'est aussi l'avis du Parti conservateur du Canada. La seule différence entre notre parti et les députés de l'opposition c'est que, lorsque tous les efforts de prévention échouent et que les crimes graves sont commis, nous croyons que les responsables devraient être punis sévèrement.
Imposer des peines d'emprisonnement minimales aux personnes reconnues coupables d'infractions graves liées à des organisations criminelles ou mettant en jeu des armes à feu est l'objectif principal du projet de loi . Cela agira comme mesure dissuasive. Je demande à tous les députés d'appuyer ce projet de loi.
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Monsieur le Président, c'est avec une grande joie que je prends la parole aujourd'hui à propos du projet de loi . À toutes fins pratiques, ce projet de loi vise à augmenter significativement les peines minimales pour des crimes impliquant des armes à feu.
J'écoutais l'allocution de mon collègue qui a pris la parole précédemment et qui tentait de qualifier l'opposition de mesquine et d'hypocrite, entre autres, en comité parlementaire et par la suite à la Chambre des communes, concernant le projet de loi . Je tiens à dire que la raison pour laquelle le Bloc a été en désaccord tout au long du processus en ce qui a trait au projet de loi , ce n'est pas pour des questions qui sont cosmétiques, mais c'est plutôt pour des questions de fond. L'approche initiée par le gouvernement au sein de ce projet de loi est nuisible, dangereuse et, à notre avis, elle ne mènera pas à des résultats concrets.
Cette approche qui est privilégiée par le gouvernement conservateur au sein du projet de loi est à l'opposé de l'approche qui a toujours été favorisée au Québec et qui a souvent donné des résultats concrets. Nous avons toujours mis l'accent sur la prévention et sur la réhabilitation. Je me rappelle de ces débats que nous avions eus ici à la Chambre des communes et qui avaient été gérés par mon collègue de l'époque de Berthier—Montcalm, qui était porte-parole de notre parti en matière de justice, sur la question des jeunes contrevenants.
Nous avions fait la démonstration que l'approche québécoise en la matière avait donné des résultats; que cette approche de prévention, de réhabilitation, pouvait nous permettre de tendre vers une perspective qui était diamétralement opposée à celle que nous proposait le gouvernement fédéral, tout en maintenant cet équilibre social qui était nécessaire. Au Bloc québécois, nous sommes contre ce projet de loi parce que l'approche qui est proposée est nuisible et inefficace et parce qu'elle ne contribuera pas à améliorer la sécurité des citoyens.
Nous sommes de ceux qui croient en cette Chambre que pour réduire la violence dans notre société, il faut d'abord agir en amont. Nous croyons que nous devons mettre en place des mesures tel un contrôle des armes à feu. Nous sommes de ceux qui croyons que nous devons par exemple réduire la violence à la télévision. Tel est l'objet du projet de loi que j'ai déposé et qui vise à modifier la Loi canadienne sur la radiodiffusion. Nous croyons que nous devons agir en amont pour réduire la violence à la télévision, ce qui est une approche qui est complètement inverse de celle qui nous est présentée par le gouvernement par l'entremise du projet de loi .
De plus, nous croyons que les peines minimales lient inutilement les mains des juges qui demeurent les mieux placés pour déterminer la sentence la plus appropriée, à la lumière de l'ensemble des faits qui leur sont soumis. À cet égard, le cas de Robert Latimer, cet homme qui a voulu soulager les souffrances de sa jeune fille de 12 ans et qui, par un geste de compassion, a enlevé la vie à sa fille, démontre que bien que cet homme ait été condamné à 25 ans de prison, l'évaluation des juges était toute autre. Le danger avec ces peines minimales, c'est que les condamnations à l'endroit de certaines personnes ne soient pas véritablement adaptées aux gestes qui ont été posés. Au fond, il nous faut personnaliser la condamnation plutôt que d'imposer de façon obligatoire une peine minimale qui, bien souvent, n'est pas à la hauteur du crime qui a été commis.
Troisièmement, les spécialistes indiquent que l'utilisation des peines minimales ne fait pas baisser le taux de criminalité et le taux de récidive. Il faut rappeler qu'une étude a été réalisée en 1997 pour le compte du ministère de la Justice du Canada par un criminaliste, M. Julian Roberts, de l'Université d'Ottawa. Ce dernier conclut « [...] que des peines d’emprisonnement obligatoires ont été introduites dans bon nombre de pays occidentaux [...] Les études qui se sont penchées sur l’incidence de ces lois ont rapporté des effets variables sur les populations carcérales et aucun effet discernable sur les taux de criminalité. »
Il est clair que les effets de ces peines minimales ne sont pas concluants. Lorsque nous regardons les statistiques, bien que le gouvernement tente de se fermer les yeux et tente de dire que l'opposition manipule les chiffres, on constate que le taux d'homicides — les homicides pour crimes de premier et de deuxième degré ainsi que les homicides involontaires — a baissé de 36 p. 100 au cours des dernières années.
Au cours de ces années, il n'y a pas eu d'augmentation de la criminalité. Il n'y a pas eu d'augmentation du taux d'homicides. Bien au contraire, il a chuté. Alors qu'en 1975, il y avait trois victimes par 100 000 habitants, il y en avait 1,95 par 100 000 habitants en 2004. Au cours des dernières années, nous n'avons donc pas connu d'augmentation du taux d'homicides, mais bien au contraire, une diminution.
Le problème de l'approche que préconise le gouvernement, c'est que celui-ci tente de calquer une approche venant du Sud, une approche initiée au Sud qu'on tente d'appliquer ici au Canada, alors que les chiffres d'ici sont différents de ceux des États-Unis, par exemple.
Aux États-Unis, en 2003, il y avait cinq victimes pour 100 000 habitants. Au Canada, c'était 1,73 pour 100 000 habitants et au Québec, c'était 1,34 pour 100 000 habitants. On veut faire croire à la population que le taux d'homicides a augmenté, or c'est totalement faux puisqu'il a diminué de 36 p. 100. Pour le gouvernement, la politique venant du Sud doit être adoptée ici au Canada. C'est totalement faux. Ce n'est pas parce qu'on emprisonne plus longtemps, et ce n'est pas parce qu'on emprisonne davantage, qu'on obtiendra des résultats plus probants. C'est tout à fait l'inverse. Lorsqu'on croit à la prévention et à la réhabilitation et qu'on se tourne vers le Québec, on se rend compte que les résultats sont pas mal plus probants que lorsqu'on regarde au sud de la frontière canadienne. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous nous opposons au projet de loi .
Au cours des deux minutes qu'il me reste, je dirai qu'au lieu de durcir les peines minimales, le gouvernement devrait plutôt s'attarder à réviser le processus de libération conditionnelle. C'est probablement ma collègue de qui a donné le meilleur exemple, pendant la période des questions hier, alors qu'elle posait la question suivante au :
[...] une maison de transition située dans mon comté, et qui se trouve à deux pas d'une école primaire, héberge Clermont Bégin, un prédateur sexuel que la Commission nationale des libérations conditionnelles considère toujours comme très dangereux. Les résidants de mon comté s'inquiètent.
Nonobstant la grande qualité du travail des professionnels de cette maison de transition, le ministre de la Sécurité publique trouve-t-il normal qu'une telle maison, située à moins de 300 mètres d'une école primaire, accueille des prédateurs sexuels?
En conséquence, plutôt que de s'attarder à durcir les peines minimales, le gouvernement devrait entreprendre une révision du processus de la Commission des libérations conditionnelles.
En terminant, je dirai que nous sommes opposés à ce projet de loi. Ce n'est pas pour des raisons cosmétiques, et ce ne sont pas des amendements cosmétiques qui satisferont l'approche proposée par le Bloc québécois, mais ce sont les questions de fond. Nous croyons en la prévention et nous croyons en la réhabilitation. C'est pour ces raisons que nous nous opposons au projet de loi .
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Monsieur le Président, je remercie mon collègue de Newton—Delta-Nord. Comme vous le savez, les députés ont parfois des horaires impossibles, et c'est mon cas aujourd'hui. Je tiens à remercier le député de sa générosité et je suis reconnaissant d'avoir l'occasion de participer au débat.
Le projet de loi est quelque peu bizarre. De toute évidence, le gouvernement change de sujet pour se remettre en selle après une fort mauvaise semaine. Les conservateurs veulent revenir à ce qu'ils appellent leur programme axé sur la loi et l'ordre, mais c'est tout simplement une façon peu subtile de détourner l'attention de la population de leur gestion maladroite des dossiers de l'Afghanistan, de l'environnement, des fiducies de revenu, de la déductibilité des intérêts et de toute une série d'autres dossiers d'ordre économique.
Je comprends difficilement comment le gouvernement peut attribuer un tel degré d'urgence à l'augmentation des peines minimales obligatoires, au point de marginaliser des questions nettement plus importantes comme les fiducies de revenu, la déductibilité des intérêts, la lutte aux changements climatiques, la recherche de faux-fuyants et le congédiement de ministres incompétents à la Défense et aux Finances. On reste d'autant plus perplexe devant l'importance accordée à cette question que, contrairement au mythe que propage le gouvernement, les taux de criminalité ont généralement été à la baisse depuis le début des années 1990. Mais, bien entendu, dans sa volonté de légiférer, le gouvernement ne se laissera pas accabler par les faits.
Les députés libéraux siégeant au comité ont formulé un certain nombre de suggestions afin d'essayer de placer le projet de loi dans un contexte raisonnable, mais elles ont été rejetées et le gouvernement a indiqué assez clairement qu'il n'était pas intéressé. Les conservateurs se sont montrés plutôt laxistes quant aux causes de la criminalité. Ils ne désirent absolument pas s'attaquer aux causes fondamentales.
L'attitude laxiste du gouvernement en matière de contrôle des armes à feu rend l'obtention de celles-ci plus facile. Le gouvernement ne nourrit plus le registre des armes à feu et, désormais, il y a plus d'armes dans les rues de Toronto et d'autres villes. La violence, notamment celle qui est liée aux armes à feu, a augmenté. Ce n'est guère surprenant. Dire que les conservateurs prétendaient faire régner la loi et l'ordre. Ils veulent que tous obéissent aux lois, mais lorsque cela leur convient, ils souhaitent déroger aux lois de contrôle des armes à feu et ils veulent qu'elles tombent dans l'oubli.
Ce n'est pas qu'un peu pervers de contribuer au nombre d'armes à feu dans les rues, puis d'affirmer vouloir régler le problème qu'on vient de créer. À cause du Parti conservateur, il y a davantage d'armes à feu dans les rues. Une hausse du nombre d'armes à feu et de la violence est synonyme d'une augmentation de la criminalité, ce qui monopolise davantage le temps des tribunaux et gruge davantage les deniers publics. On se retrouve avec plus de détenus et un système de justice qui accuse des retards. Tout cela parce que le gouvernement a peur de déplaire au très puissant lobby des armes à feu.
Encore une fois, nous voici avec un cercle vicieux engendré par des priorités mal placées et le manque de fermeté d'un parti en ce qui concerne les causes de la criminalité. Les conservateurs préfèrent dépenser de l'argent pour remédier au problème qu'ils ont créé; c'est un processus improductif qui s'autoperpétue.
Je dirais que la véritable intention de ce gouvernement cynique avec le projet de loi est de donner l'impression qu'il prend des mesures efficaces pour rendre les collectivités canadiennes plus sûres. En réalité, son approche obsessive fragmentée, incohérente et axée sur la punition n'est qu'illusions.
En clair, l'approche des conservateurs en matière de criminalité repose davantage sur les apparences que sur la substance, ce qui expliquerait pourquoi ils ne tiennent pas compte des meilleurs avis donnés par les spécialistes du domaine qui prônent depuis longtemps une méthode équilibrée et exhaustive où la prévention, la dissuasion et la réadaptation ont le même poids.
Le gouvernement n'aime pas vraiment écouter les autres. Il n'écoute même pas ses fonctionnaires. L'Ottawa Citizen a publié un article intitulé « Les conservateurs prévenus tôt que les peines d'emprisonnement automatiques ne fonctionneront pas ». À un endroit dans l'article, on peut lire ceci:
[...] quelques jours après son entrée en fonction, le gouvernement a été prévenu par de hauts fonctionnaires fédéraux qu'une de leurs promesses électorales fondamentales, qui consiste à imposer de nouvelles peines d'emprisonnement automatiques, n'empêcherait pas les crimes et ne protégerait pas la population.
Les conservateurs ont apparemment ignoré l'avis des avocats du ministère de la Justice. D'après leur dossier préparatoire, les peines minimales obligatoires n'offrent aucun avantage tangible et incitent davantage les gens à négocier un plaidoyer pour sortir de prison.
Les conservateurs n'ignorent pas seulement l'avis de leurs propres avocats. Ils ignorent aussi celui des criminologues, ceux qui font carrière dans ce domaine, qui ont étudié le phénomène et qui offrent invariablement la même opinion. De nombreux criminologues n'aiment en fait pas du tout les peines minimales obligatoires, car elles ne font qu'encombrer les prisons et rares sont les preuves tendant à démontrer qu'elles dissuadent de la criminalité.
Ayant ignoré les conseils de leurs experts et de leur propre ministère, les conservateurs ont aussi choisi d'ignorer l'expérience d'autres pays, qui sont nombreux à tourner le dos aux peines minimales obligatoires parce qu'elles ne sont pas efficaces. Plusieurs États américains ont abandonné cette approche. On ne tient donc pas compte du ministère, du comité, des experts, de l'expérience d'autres pays et, bien entendu, de la population.
Nous nous opposons aussi au projet de loi parce qu'il a de graves conséquences inattendues. Le fait de retirer le pouvoir discrétionnaire aux juges nuit à leur capacité de porter un jugement adapté aux circonstances particulières à chaque contrevenant et à chaque infraction. Chaque infraction est unique et il est très difficile d'adopter une approche uniforme en matière de justice. Je ne crois pas que le gouvernement soit intéressé par la justice. Il est intéressé par le processus de condamnation. Pas de problème tant qu'il y a des condamnations. La justice n'est qu'un sous-produit accidentel.
Il n'en demeure pas moins qu'il n'y a absolument pas de consensus sur le fait que les peines minimales obligatoires permettent de prévenir la criminalité, ce qui explique pourquoi de nombreux autres pays et groupes demeurent sceptiques quant à leur efficacité.
Toutefois, les faits contredisent l'image déformée qu'on présente de la criminalité dans ce pays, car celle-ci est en baisse depuis 15 ans, de façon marquée dans certaines catégories, et dans une moindre proportion dans le cas des crimes violents.
La fin de semaine dernière, j'ai participé à quelques événements dans ma circonscription, ce qui m'a donné l'occasion de rencontrer une centaine de personnes. Franchement, personne ne m'a parlé du projet de loi . Personne n'a voulu me parler des peines minimales obligatoires. En fait, la question de la criminalité n'a pas été mentionnée une seule fois. La population se préoccupe surtout de l'environnement et de l'Afghanistan. Une ou deux personnes ont quand même soulevé la question des fiducies de revenu.
L'année dernière, Centraide a identifié un certain nombre de codes postaux de la région du Grand Toronto qui correspondent à des secteurs particulièrement pauvres. Ma circonscription en fait partie. Centraide, la Banque Toronto Dominion et d'autres leaders communautaires se sont regroupés pour demander à la collectivité de leur dire ce qu'ils pourraient faire pour aider. La collectivité et ses leaders ont travaillé ensemble. Peu de temps après, les leaders communautaires ont formé une alliance qui s'est attaquée aux causes réelles de la criminalité.
Je peux dire que, depuis que Centraide s'est impliqué dans le secteur auquel appartient ce code postal il y a deux ans, le taux de criminalité réelle a vraiment régressé. La police est enchantée de cette initiative, la collectivité est ravie et ses leaders semblent très satisfaits. Certaines personnes retournent même habiter dans le secteur après avoir auparavant mis leurs maisons en vente.
Parallèlement à cette initiative, le gouvernement s'est engagé à verser environ 250 millions de dollars. Je lance un défi au ministre. S'il pouvait distribuer ce montant proportionnellement entre les 308 circonscriptions, je voudrais bien que la mienne reçoive sa part et qu'on enterre définitivement ce projet de loi. Je puis donner l'assurance au ministre et à la Chambre que, si cet argent était investi proportionnellement dans ma circonscription, il contribuerait davantage à réduire les causes de la criminalité que toutes ces prétendues peines minimales obligatoires et tous ces projets de loi visant à lutter contre la criminalité.
Je me réjouis d'avoir pu prendre la parole et je remercie le député de , d'avoir partagé son temps de parole avec moi.
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Monsieur le Président, dès le départ, il faut reconnaître que nous tous, ici, voulons la même chose. Nous voudrions qu'il y ait moins de crimes et, particulièrement, moins de crimes violents. Nous cherchons la meilleure solution et nous ne sommes pas d'accord sur ce qu'est la meilleure solution.
Je vais d'abord faire état de mon expérience. C'est par hasard que j'ai commencé à pratiquer le droit criminel en 1966. J'ai été parmi les quatre premiers jeunes avocats à sortir de l'université pour entrer au bureau des procureurs de la Couronne à Montréal. J'ai ensuite été au bureau des procureurs de la Couronne au fédéral. Un grand bureau est venu me chercher et j'ai finalement fondé mon propre bureau jusqu'à ce que j'entre en politique. Là, je suis d'abord devenu ministre de la Sécurité publique — le poste que j'ai occupé le plus longtemps au gouvernement du Québec —, puis ministre de la Justice enfin — peu de temps —, ministre des Transports. Mon expérience a donc toujours été liée au droit criminel.
Dès le départ, je me suis demandé pourquoi les gens commettaient des crimes et ce qu'on pouvait faire pour diminuer cela. La réponse n'est pas uniquement dans la pratique du droit. Je me suis aperçu assez rapidement qu'il était bon d'aller voir en criminologie. Je me suis donc joint à la Société de criminologie pour apprendre certaines choses contraires à ce que j'aurais naturellement pensé. Par exemple, la peur de la punition a peu d'effet sur le crime. C'est plutôt la peur d'être attrapé qui peut avoir des conséquences. L'importance de la punition, elle, en a peu.
Pourquoi suis-je contre les peines minimales malgré toute mon expérience? C'est que les peines minimales ne donnent rien. D'abord, les criminels ne les connaissent pas. Non seulement ils ne les connaissent pas, mais je suis convaincu qu'il n'y a pas un député de cette Chambre qui serait capable de réussir un examen sur le nombre de peines minimales au Canada et leur durée. On pourra simplement demander à ceux qui me suivront la différence entre la peine minimale pour un meurtre au premier degré et celle pour un meurtre au second degré. Si nous, nous ne les connaissons pas, imaginons les criminels!
Ensuite, au moment où les criminels commettent des crimes, ils ne pensent pas aux peines minimales. S'ils pensent qu'ils vont être attrapés, ils n'y vont pas. Ils ne pensent pas à la sentence qu'ils auront. Puis, il faut comprendre l'état dans lequel on est quand on commet un crime. C'est difficile pour nous, parce que nous sommes des gens honnêtes, et nous pratiquons probablement même l'honnêteté intellectuelle. Mais le crime est généralement commis avec une grande dose d'impulsivité. Effectivement, ce n'est pas quelque chose de rationnel que d'entrer dans la criminalité.
L'expérience démontre aussi que les peines minimales ne fonctionnent pas. Le meilleur exemple que nous en avons se trouve au Canada. Parmi les peines minimales qui nous sont proposés, il y a la peine minimale de sept ans. Sept ans, cela me rappelle une peine minimale célèbre. C'était la peine minimale prévue pour avoir importé de la marijuana. La marijuana est entrée au Canada vers la fin des années 1960. Elle a commencé à être consommée et a connu une grande popularité. Or la marijuana cultivée au Canada n'avait aucun effet hallucinogène. Toute la marijuana consommée pendant les années 1970 et même 1980 venait donc de l'extérieur. La peine minimale pour avoir importé de la marijuana était de sept ans d'emprisonnement. Cela n'a pas dissuadé les gens d'en importer, par toutes sortes de moyens. La plupart du temps, ceux qui étaient attrapés ne savaient d'ailleurs pas qu'ils risquaient un minimum de sept ans d'emprisonnement. J'ai pu constater cela dans ma pratique. Quand cette peine minimale a été déclarée inconstitutionnelle, on n'a pas observé d'augmentation.
Nous avons vécu la même expérience avec la peine de mort. Il me semble que cette peine devrait être la chose la plus dissuasive pour ceux qui commettent des crimes. Pourtant, depuis que la peine de mort a été abolie au Canada, le taux d'homicides a diminué.
A contrario, nous avons connu un succès sur le plan de la diminution du crime dans un domaine où nous n'avons pas appliqué de peines minimales. Certaines peines minimales sont petites et elles existaient alors. On les a maintenues, et c'est pour la conduite avec facultés affaiblies, l'ivresse au volant. Il y a beaucoup moins d'infractions de conduite avec facultés affaiblies aujourd'hui. Or ce n'est pas en augmentant les sentences que nous avons obtenu ces résultats, mais par toutes sortes de mesures de conscientisation et d'éducation de la population.
Au Sud, nous avons l'expérience américaine. Les Américains incarcèrent six fois plus que nous, et, pourtant, le taux d'homicide aux États-Unis correspond à trois fois le nôtre. Est-ce vraiment l'exemple à suivre? Car je constate souvent que les conservateurs sont vraiment orientés vers le modèle américain, au regard des modèles qu'ils recherchent pour les lois qu'ils veulent présenter.
Prenons l'exemple de plusieurs pays. Les Américains incarcèrent six fois plus que le Canada, et leur taux d'homicide est de trois fois supérieur au nôtre. Ils incarcèrent cinq fois plus que l'Angleterre, et leur taux d'homicide est de cinq fois supérieur à celui de l'Angleterre. Ils incarcèrent quatre fois plus que l'Australie, et leur taux d'homicide est six fois plus élevé que celui de l'Australie. Ils incarcèrent six fois plus que l'Allemagne, et leur taux d'homicide est sept fois plus élevé que celui de l'Allemagne. Ils incarcèrent trois fois et demie plus que la France, et leur taux d'homicide est huit fois plus élevée que celui de la France. En ce qui a trait à la Finlande, à la Suisse et au Danemark, les Américains incarcèrent de 10 fois à 11 fois plus que ces pays, et le taux d'homicide américain est de trois fois supérieur à celui de la Finlande, de six fois supérieur à celui de la Suisse et de cinq fois supérieur à celui du Danemark.
Partout, l'expérience démontre que ce n'est pas l'incarcération qui influence le taux d'homicide.
Ce qui est drôle, c'est que chaque fois que je parle à des Américains instruits et que je leur mentionne ces différences entre les taux d'homicide, tous me disent que la raison majeure pour laquelle le taux d'homicide est plus élevé aux États-Unis est liée à la liberté pour obtenir des armes et au nombre d'armes qui circulent dans ce pays.
Les conservateurs, qui s'inspirent souvent des républicains américains — j'ai cru le remarquer — véhiculent cette même contradiction, soit de vouloir incarcérer davantage, mais de laisser plus d'armes en circulation. Qu'ils examinent comme il le faut les statistiques américaines. On dirait qu'ils ne veulent pas le faire. S'ils les examinaient, ils constateraient que ce n'est pas une bonne solution qu'ils nous proposent.
J'ai aussi remarqué autre chose: lorsqu'on établit des sentences minimales, on pense toujours aux pires cas. Le malheur des sentences minimales, c'est qu'elles doivent aussi être appliquées dans les cas les moins graves. Je pense particulièrement aux cas de complicité, aux cas de la femme qui n'aime pas que son mari soit armé ou qui n'aime pas quelque chose, mais qui accepte que le fusil soit chez elle et qui va même jusqu'à le cacher dans un certain endroit. C'est impensable de la punir de la même façon que son mari, qui mène une vie criminelle moyennant une arme à feu. Pourtant, en raison des peines minimales que les conservateurs préparent, ils auront la même sentence.
La vraie solution pour diminuer la criminalité, par le rôle important des juges, c'est l'individualisation de la sentence.
J'ai aussi remarqué que lorsque les conservateurs donnent des exemples pour montrer que les tribunaux sont trop cléments, ils donnent des exemples extrêmes. Je ne les ai jamais entendus citer une cause d'une Cour d'appel. Comprenons bien que, dans ce pays, des dizaines de milliers de sentences sont probablement rendues chaque jour par des centaines de juges, voire des milliers de juges. C'est de notoriété publique que les médias ne rapportent pas les causes les moins intéressantes; les médias rapportent les causes exceptionnelles, de sorte que c'est uniquement de celles-là que nous entendons parler.
Lorsqu'une sentence est injustifiée, le remède ne consiste pas à changer la loi; il faut d'abord interjeter appel. À mon avis, si l'on examine les décisions des Cours d'appel, on constate qu'elles sont parfaitement adéquates. J'entendais cette expression d'un orateur conservateur qui parle de revolving doors et du fait que les gens ont l'expérience, que les sentences ne sont pas sévères. En examinant les statistiques, on se doit de bien comprendre que nous avons un taux d'incarcération comparable à celui de la majorité des pays occidentaux, sauf un. En effet, il y en a un qui se distingue de tous les pays occidentaux.
Il y en a un qui, je ne sais trop...
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Monsieur le Président, la prévention du crime et la sécurité personnelle sont au coeur de la vie quotidienne des citoyens de tout le pays.
Lorsque je discute avec les citoyens de ma circonscription, , dans leur salon ou dans les cafés, ou lorsque je me rends dans les écoles secondaires, on me fait part des mêmes inquiétudes que j'éprouve moi-même en tant que père et homme d'affaires local.
Ce débat n'a jamais été partisan, malgré les tentatives répétées du gouvernement de le rendre ainsi.
Le gouvernement affirme que c'est une politique conservatrice que de sévir contre les criminels. Malheureusement, comme beaucoup de choses lorsqu'il s'agit du gouvernement, la fiction l'emporte sur les faits. Lorsque les conservateurs déclarent qu'ils vont déployer 2 500 policiers de plus dans nos villes, c'est de la fiction. Nous savons que cette promesse n'est que du vent.
Où sont ces nouveaux policiers? Il n'y en pas un seul dans ma circonscription. Il n'y en a pas un seul dans aucune circonscription du pays. On peut toujours chercher dans le budget les fonds requis pour embaucher ces policiers, mais on ne les trouvera pas. Une fois de plus, la fiction l'emporte sur les faits.
Parlons-en au maire de Vancouver, qui a déployé plus de policiers dans les rues de sa ville que le gouvernement dans tout le pays. Il ne peut pas se fier au gouvernement pour obtenir plus que des belles paroles en matière de criminalité. Aucun maire ni aucun citoyen ne peut s'y fier.
Il est facile de parler, mais parler du crime ne suffit pas et ne suffira jamais à mes électeurs. Dans une collectivité comme la mienne, que font les gens que le crime inquiète?
Avec l'aide de la collectivité, le détachement de la GRC à Surrey et le service de police de Delta ont adopté leur propre stratégie de prévention du crime. J'ai eu l'honneur de prendre la parole lors du lancement officiel de cette stratégie à Surrey, le 26 février. Nous avons travaillé ensemble, sans l'aide du gouvernement conservateur, et les résultats sont éloquents. Le vol de voiture a diminué de 22 p. 100 à Surrey et les introductions par effraction dans les commerces ont diminué de 45 p. 100, ce qui est impressionnant, dans le secteur Whalley, à Surrey.
En tant que représentant élu de la circonscription de , j'appuie sans réserve ce type d'approche. Mon chef l'appuie aussi sans réserve. En fait, c'est en s'inspirant d'exemples comme celui de ma collectivité que le Parti libéral a élaboré sa stratégie complète de prévention du crime.
La façon la plus efficace de protéger nos foyers et nos droits consiste à arrêter et à déclarer coupables un plus grand nombre de criminels. Il incombe au gouvernement de veiller à ce que les criminels sachent qu'ils se feront prendre et seront déclarés coupables. De toute évidence, les peines sont une partie importante de la solution. Les crimes graves devraient être assortis de lourdes peines.
Lorsque je parle à mes électeurs, aux membres de ma famille ou à d'autres députés, je constate que tous les Canadiens souhaitent l'imposition de peines plus lourdes qui contribuent à faire échec au crime avant qu'il ne se produise.
Nous savons cependant que l'imposition de peines plus lourdes en vue de faire échec au crime n'est pas la seule solution. Le Canada doit trouver l'équilibre entre l'imposition de peines efficaces et le recours à des stratégies sociales vigoureuses.
Surrey et Delta le savent. Je me demande comment il est possible que le gouvernement ne comprenne pas. Le fait qu'on prenne des mesures sur la scène municipale montre bien que le gouvernement fédéral doit emboîter le pas et investir.
Le Parti libéral s'est engagé à fournir des fonds pour l'embauche d'un plus grand nombre de policiers. Dans notre programme électoral, nous avons prévu 200 millions de dollars de plus pour l'embauche d'un plus grand nombre d'agents de la GRC au sein d'une nouvelle équipe d'intervention rapide. Nous accorderons une aide immédiate aux services de police locaux pour la lutte contre les armes à feu et les bandes de voyous ainsi que le crime organisé et le trafic de la drogue.
Les Canadiens sont fatigués d'attendre. Ils veulent que nous agissons maintenant. Ils se rendent compte que le gouvernement conservateur n'est pas prêt à prendre des mesures concrètes pour assurer l'efficacité du système de maintien de l'ordre dans nos collectivités.
Au cours des dernières années, le Parti libéral a proposé son aide pour faire adopter six importantes mesures portant sur la justice pénale. Nous avons offert d'aider les conservateurs à faire adopter des mesures législatives qui hausseraient l'âge du consentement, qui apporteraient des améliorations à la Banque nationale de données génétiques et qui moderniseraient la procédure criminelle.
Pour l'instant, les conservateurs ont refusé ces offres d'aide et se sont efforcés activement de retarder l'adoption de leurs propres mesures législatives.
: J'ai une question à vous poser, Sukh.
: Le député pourra me poser la question quand j'aurais la possibilité de lui répondre.
J'ai une question à poser au au nom de mes électeurs. Quand mettra-t-il fin à ses manoeuvres électoralistes et prendra-t-il au sérieux la protection de nos enfants, de nos personnes âgés et de nos collectivités?
: Vous bloquez nos initiatives au comité. Quand allez-vous prendre cette situation au sérieux?
: Les libéraux sont très sérieux à ce sujet. C'est pourquoi j'interviens aujourd'hui à la Chambre, et c'est mon temps de parole.
J'espère, monsieur le Président, que vous reconnaîtrez que c'est mon tour d'intervenir. Lorsque le temps viendra de poser des questions, je serai heureux de répondre aux questions des députés.
Les victimes de crimes ne se soucient pas de la politique ou des manchettes dont parlent les députés de l'autre côté. Elles veulent seulement savoir que les criminels seront arrêtés et punis. Il est temps que ce gouvernement suive l'exemple de la ville de Surrey et qu'il prenne les mesures nécessaires pour mener la tâche à bien. Nous avons besoin de gestes maintenant, pas seulement de paroles.
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Monsieur le Président, j'ai le plaisir aujourd'hui de débattre de la motion du gouvernement concernant le projet de loi , Loi modifiant le Code criminel pour les infractions mettant en jeu les armes à feu.
Ce n'est pas la première fois que je commente ce projet de loi. À l'origine, le projet de loi proposait d'amender le Code criminel afin de prévoir des peines minimales d'emprisonnement augmentées à cinq, sept ou dix ans, selon qu'il s'agisse ou non d'une récidive, pour huit infractions graves pour lesquelles il y a usage d'une arme à feu.
Le projet de loi déterminait la peine de détention selon plusieurs facteurs, à savoir si l'arme en question est une arme à feu à autorisation restreinte ou une arme à feu prohibée, ou s'il existe un lien entre l'infraction commise et une quelconque organisation criminelle.
Le projet de loi prévoyait aussi l'imposition de peines minimales d'emprisonnement de un à cinq ans selon qu'il s'agisse ou non d'une récidive liée à la commission d'autres infractions mettant en jeu des armes à feu. À cela s'ajoutait la création de deux nouvelles infractions, à savoir l'introduction par effraction dans le but de perpétrer le vol d'une arme à feu et la commission d'un vol qualifié visant une arme à feu.
Mes collègues et moi avons lu très attentivement et analysé ce projet de loi dans ses moindres détails. En effet, le Bloc québécois a toujours donné un appui solide à la lutte contre la criminalité selon une approche fondée sur la réhabilitation des contrevenants. Pour nous, il s'agit de la manière la plus efficace d'enrayer véritablement le fléau de la violence en s'attaquant d'abord à ses causes. Le Bloc défend un modèle de justice qui repose essentiellement sur un processus personnalisé tenant compte de l'unicité de chaque cause, puisque les solutions durables et véritablement dissuasives prennent racines dans l'amorce d'une réhabilitation. De plus, nous pensons que seuls les juges demeurent les mieux placés pour déterminer la sentence la plus appropriée à la lumière de l'ensemble des faits qui leur sont soumis.
C'est pourquoi, dans le cadre du Comité permanent de la justice, nous avons mis à l'avant-plan cette idée de la justice et nos préoccupations face à la vision du gouvernement quant à la loi et l'ordre. Cette approche a été corroborée par la plupart des témoins qui ont passé devant le comité: le projet de loi est nuisible et inefficace parce que, faute de preuves convaincantes, il ne contribuera pas à améliorer de manière effective la sécurité des citoyens.
En effet, les spécialistes rencontrés ont indiqué que les peines minimales ne faisaient pas baisser le taux de criminalité et le taux de récidive. De plus, la greffière du Comité permanent de la justice nous a fait parvenir une trentaine d'études, autant américaines que canadiennes, qui révélaient bien qu'il n'y a pas de corrélation entre le fait d'avoir des peines minimales obligatoires, leur effet dissuasif et le taux de criminalité.
Suivant son étude en comité, le projet de loi a été vidé de l'essentiel de sa substance, reflet que la vision du gouvernement en matière de durcissement des lois ne rejoint pas celle des autres partis. Seul l'article 9 a survécu et concernait le vol d'une arme à feu.
La majorité a ainsi parlé. Or, voilà que ce gouvernement revient à la charge avec de nouvelles motions visant à réhabiliter l'ancienne version du projet de loi .
Hormis une douzaine d'articles qui figuraient au départ, les motions du gouvernement restaurent à peu de choses près les articles inscrits dans le projet de loi original, notamment ceux traitant des peines encourues pour les crimes commis avec une arme à feu.
Un exemple parmi d'autres: la motion no 10, c'est-à-dire celle concernant un individu commettant une infractions avec l'intention de blesser, de mutiler ou de défigurer une personne, de mettre sa vie en danger ou d'empêcher son arrestation ou sa détention, ou encore de décharger une arme à feu contre qui que ce soit. Et bien celle-ci, toujours avec l'usage d'une arme à feu, réintroduit encore une fois des peines minimales plus lourdes, c'est-à-dire cinq ans pour la première infraction, sept ans pour la seconde et dix ans pour chaque récidive subséquente.
Ce gouvernement s'entête et ne comprend toujours pas. Rien ne démontre que des peines minimales plus lourdes, que ce soit pour les armes à feu ou autres types d'infractions graves, auront un effet dissuasif sur les criminels. Je crois fermement que le Code criminel, dans son état actuel, possède des outils éprouvés dans l'attribution de peines minimales et dans la recherche d'une sécurité publique efficace.
En effet, le Code contient déjà des peines minimales obligatoires. Le juge qui prononce la sentence peut user de ses pouvoirs discrétionnaires pour imposer une peine plus lourde que la peine minimale. En d'autres mots, ce que le gouvernement devrait comprendre ici, c'est que la peine minimale est un plancher et non un plafond.
Je rappelle à ce gouvernement que ces peines s'inscrivent déjà dans plusieurs catégories, dont l'utilisation d'une arme à feu pour commettre un crime, l'usage d'une arme à feu pour perpétrer l'une des dix infractions violentes frappées d'une sentence minimale et la possession ou le trafic de diverses armes prohibées.
L'utilisation d'une arme à feu pour perpétrer l'une des infractions citées est frappée d'une sentence minimale obligatoire dans le cas de négligence criminelle entraînant la mort, d'homicide involontaire coupable, de tentative de meurtre, du fait de causer intentionnellement des lésions corporelles, d'agression sexuelle avec usage d'une arme, d'agression sexuelle grave, de kidnapping, de vol qualifié, d'extorsion et de prise d'otages.
J'ajoute que le Code criminel prévoit des peines minimales pour l'usage d'une arme à feu dans l'intention de perpétrer une infraction ou lors de la perpétration d'une infraction, d'une part, et, d'autre part, pour la possession non autorisée d'une arme à feu en toute connaissance de cause.
Des peines minimales sont également attribuées pour la possession d'armes à feu à autorisation restreinte ou prohibées avec des munitions, la possession d'une arme obtenue lors de la perpétration d'une infraction, le trafic d'armes ou la possession d'armes dans le but d'en faire le trafic, la fabrication d'une arme à feu automatique, ainsi que le fait d'importer ou d'exporter une arme à feu sachant que cela n'est pas autorisé.
Malgré tout, comme je le disais quelques minutes plus tôt, les peines minimales obligatoires affectent le pouvoir discrétionnaire du juge dans les causes entendues devant les tribunaux. Il n'y a aucune exception, aucune clause échappatoire, aucun pouvoir discrétionnaire. Toutefois, sans peine minimale obligatoire ou avec celles moins sévères que prévoit aujourd'hui notre Code criminel, les tribunaux ont tout de même le pouvoir discrétionnaire de modeler une peine proportionnelle à la gravité de l'infraction, à la conduite du délinquant et en tentant compte des circonstances aggravantes et atténuantes de chaque cas. Pour mes collègues et moi-même, il est primordial de laisser intacte cette latitude aux juges. Certes, le Bloc québécois a déjà appuyé l'idée de peines minimales obligatoires, mais sur un sujet bien précis: la pornographie infantile.
Je ne peux terminer mon allocution sans mentionner que ces motions cachent une réalité indésirable pour l'ensemble de la qualité de vie de nos citoyens: lorsqu'on fait le bilan de tout ce que ce gouvernement a prévu dans ce dossier, on constate une augmentation importante du coût du système carcéral. En conséquence, une partie de la facture sera indéniablement refilée aux provinces.
En effet, j'insiste sur le fait que le recours accru à l'incarcération drainera des sommes d'argent qui pourraient être consacrées à l'application de la loi et aux programmes de prévention. De plus, avec davantage de personnes incarcérées, le problème de la criminalité ne sera que déplacé autre part et ne sera pas résolu.
D'un certain point de vue, la détention est une mesure qui offre un certain degré de protection à la société mais, en contrepartie, la réadaptation et le rétablissement des relations sociales sont plus difficiles lorsqu'on a recours à l'incarcération, sans compter le fait que les prisons sont souvent considérées comme des écoles du crime et des lieux idéaux pour les criminels qui souhaitent tisser des liens.
Je pense que toutes ces préoccupations soulèvent des questions à propos de l'accent mis par le gouvernement sur l'augmentation des taux d'incarcération au Canada. Je me demande si le gouvernement a pris en compte le fait que l'adoption de ces motions touchera de façon disproportionnée certaines communautés, dont les Autochtones.
Pour l'ensemble de ces raison, je ne peux que m'opposer à l'adoption de ces motions qui ressuscitent le projet de loi C-10 initial. Soyons clairs: mon parti recherche un monde plus sûr pour l'ensemble des citoyens. Toutefois, mieux protéger les citoyens, c'est d'abord s'attaquer à la racine du problème, c'est-à-dire aux causes de la délinquance et de la violence. La pauvreté, les inégalités et le sentiment d'exclusion seront toujours des terreaux fertiles à l'émergence de la criminalité.
C'est pourquoi partager davantage la richesse, travailler à une meilleure intégration sociale et miser sur la réhabilitation constituent des solutions incontournables pour prévenir le crime. Malheureusement, ces motions ignorent ces avenues et pensent parvenir à la sécurité en construisant encore plus de prisons et en les remplissant. Voilà un triste constat social pour un gouvernement qui veut donner l'image qu'il agit, bien qu'il s'agisse plutôt d'une apparence de sécurité.
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Monsieur le Président, je suis heureux de prendre part au débat sur le projet de loi .
Malheureusement, ma circonscription, Etobicoke-Nord, est le théâtre d'un grand nombre de crimes commis à l'aide d'armes à feu et liés aux organisations criminelles et aux drogues. Dans certaines zones d'Etobicoke-Nord, la situation est très grave. Dans la région de Toronto, ma circonscription et un secteur de Scarborough appelé Malvern sont deux endroits où le taux de criminalité lié à l'utilisation d'armes à feu compte parmi les plus élevés au Canada. Il n'y a pas de quoi être fier.
Heureusement, au cours de la dernière année, le nombre de crimes violents commis dans ma circonscription a diminué en raison d'un certain nombre de facteurs. Un de ces facteurs est la très importante descente policière de mai 2006, à Rexdale, grâce à laquelle 106 membres d'organisations criminelles ont été arrêtés et accusés. Si la police a été en mesure de procéder à cette descente, c'est grâce à la loi antigang que notre gouvernement a mise en oeuvre il y a de nombreuses années.
Nous avons également vu beaucoup de changements sur le plan des méthodes policières dans ma circonscription. Les agents de police sont plus visibles et nous avons mis l'accent sur les programmes de prévention de la criminalité dans la collectivité. Je vais donner quelques exemples. Nous avons un programme de prévention dans ma circonscription appelé Breaking the cycle, qui est financé par le ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences. Ce programme aide les jeunes à se sortir des gangs et à reprendre à une vie de famille normale, à se trouver un emploi ou à retourner à l'école. Ce programme fonctionne.
À Etobicoke-Nord, nous avons beaucoup profité du financement offert grâce au programme national de prévention de la criminalité, un autre programme fédéral géré par le ministère de la Sécurité publique.
Hoops Unlimited est un programme de basket-ball qui permet aux jeunes de pratiquer une activité après l'école, au lieu de flâner dans les centres commerciaux et de se retrouver plongés dans les gangs et la drogue.
Le North Albion Collegiate Institute offrait à ses étudiants un programme d'art dramatique. De nombreux autres programmes aident les jeunes à agir de façon constructive et non destructrice.
Pendant les deux dernières années de son mandat, notre gouvernement a jugé que la lutte contre les crimes commis avec des armes à feu nécessitait une approche globale. Nous avions besoin de peines plus sévères, d'un meilleur contrôle des armes à feu et de plus de programmes communautaires. C'était l'approche de notre gouvernement. En fait, c'est notre gouvernement qui avait proposé des peines plus sévères pour les crimes commis à l'aide d'armes à feu, car il était clair que, bien que les peines d'emprisonnement minimales obligatoires ne soient pas très efficaces, elles peuvent avoir un effet pour certains crimes commis à l'aide d'armes à feu.
C'est pourquoi notre gouvernement a proposé des changements aux peines minimales obligatoires pour certains crimes perpétrés avec une arme à feu, et des amendements visant à augmenter les peines minimales obligatoires de un à deux ans, dans certains cas, et de quatre à cinq ans, dans d'autres cas. Ce sont des réactions mesurées.
Nous devons comprendre que, quand des jeunes vont en prison, ils côtoient des criminels endurcis. Ils finissent par en sortir, et nous devons penser aux mesures à prendre pour les réadapter et en faire des membres productifs de la société.
On constate que, aux États-Unis, beaucoup d'États cessent d'imposer des peines minimales obligatoires pour de nombreux crimes, parce que leurs prisons sont pleines, que les taux de criminalité ne diminuent pas et qu'en fait, ils pourraient même augmenter.
Nous avons besoin d'une solution très globale. Nous pouvons faire mieux avec nos programmes de protection des témoins. L'un de ces programmes, administré par la GRC, soulève actuellement des questions, mais des policiers de ma ville m'ont dit que les programmes de ce genre, qui permettent à des gens de changer d'identité et d'aller vivre ailleurs, étaient nécessaires.
Nous pouvons toutefois, en modifiant le processus judiciaire, trouver des moyens beaucoup plus constructifs pour inciter des gens à témoigner. C'est pourquoi le Comité permanent de la sécurité publique et nationale invitera différents intéressés, dont le service de police de la ville de Toronto, à venir faire part de leur opinion sur l'avenir de notre programme de protection des témoins.
Dans Etobicoke-Nord, et en fait dans tout le Canada, la police constate que les gens ne veulent pas témoigner dans les cas de crimes violents impliquant des armes à feu et de crimes liés aux drogues. Cela nuit aux enquêtes et évite la condamnation à certains criminels.
J'estime importantes également les dispositions concernant le renversement du fardeau de la preuve pour la libération conditionnelle. Il arrive trop souvent que des personnes, non seulement, mais surtout, des jeunes, tout au moins dans ma région, accusés de crimes commis avec une arme à feu, soient libérés sous caution et récidivent. Notre caucus appuie donc le renversement du fardeau de la preuve. Autrement dit, toute personne déjà condamnée aurait à convaincre un juge qu'elle doit être libérée sous caution, et non pas l'inverse. J'estime qu'il s'agit là d'une bonne mesure.
Durant la campagne électorale de 2006, le premier ministre de l'époque, le député de , est venu annoncer dans ma circonscription, Etobicoke-Nord, l'interdiction des armes de poing. Cette mesure a été critiquée à l'époque. Certains disaient que cela ne servirait à rien. Évidemment, à elle seule cette mesure n'aurait pas été utile, mais elle l'aurait été comme élément d'un ensemble de solutions.
L'interdiction des armes de poing a certainement été accueillie très favorablement dans Etobicoke-Nord. On ne peut pas en dire autant pour certaines autres régions du Canada, je dois le reconnaître, mais des mesures de contrôle des armes à feu sont nécessaires. Il existe au Canada des mesures de contrôle des armes à feu et un registre des armes à feu, et cela est nécessaire.
Pensons aux États-Unis, où il est très facile d'obtenir une arme de poing, comme nous pouvons le constater. Et nous voyons les résultats. Les crimes commis avec une arme de poing sont beaucoup plus nombreux aux États-Unis qu'au Canada. En 2000, pour les homicides en général, il y en a eu 542 au Canada, pour un taux national de 1,8 homicide par 100 000 habitants alors que ce taux a été de 5,5 aux États-Unis, soit un taux trois fois plus élevé. Comme nous le savons, il existe une corrélation avec les crimes commis avec une arme à feu. Au Canada, le nombre d'armes à feu est de 0,25 par habitant. Aux États-Unis, il est de 0,82. Pour ce qui est des décès attribuables aux armes à feu en 1998, ils ont été de 4,3 par 100 000 habitants au Canada et de 11,4 par 100 000 habitants aux États-Unis.
Il nous faut de bonnes mesures de contrôle des armes à feu. Nous savons bien qu'il existe un marché noir des armes de poing, de sorte que si quelqu'un est abattu avec une arme de poing dans Etobicoke-Nord, les probabilités sont vraisemblablement de 50 p. 100 que l'arme provient des États-Unis ou encore il est fort probable qu'elle a été obtenue sur le marché noir. Cela ne veut pas dire que nous ne devrions pas contrôler les armes de poing. Cet argument est fallacieux.
En ce qui concerne l'enregistrement, je sais que le gouvernement veut préserver ce volet et je l'en félicite. Cependant, il faut continuer de contrôler et d'enregistrer les armes d'épaule, car il y a autant de crimes commis avec ce type d'armes qu'avec des armes de poing.
Comme je l'ai dit plus tôt, nous savons que l'imposition de peines minimales obligatoires aux États-Unis, le concept des trois fautes en Californie, n'est pas efficace. Je préconise des mesures qui auront pour effet de raffermir les peines imposées pour les crimes commis avec une arme à feu, mais qui auront aussi une incidence au Canada. Voilà pourquoi je souscris aux propositions de mon parti. J'ai certainement l'intention de les appuyer.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, il faut recourir à une approche globale pour régler ce problème. J'ai indiqué, par exemple, qu'il faudrait envisager de mettre en place une équipe intégrée de la police des frontières dans la ville de Toronto.
Notre gouvernement avait déployé des équipes intégrées de la police des frontières -- 13 ou 14, je crois -- aux quatre coins du pays. La majorité sont postées aux principaux passages frontaliers, comme ceux de Detroit-Windsor et du pont Peace, mais nous savons que beaucoup d'armes à feu sont importées à Toronto via ces passages frontaliers. La mise en place d'équipes intégrées permet aux divers organismes d'application de la loi de travailler ensemble dans le but de prévenir et de résoudre ces crimes.
Soyons fermes dans la lutte contre la criminalité, mais tâchons aussi d'être efficaces.
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Monsieur le Président, il m'apparaît important de prendre la parole dans ce débat sur le projet de loi que j'ai eu l'occasion d'étudier. En effet, pendant une certaine période de temps, je siégeais au Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Lorsque ce projet de loi est arrivé, nous avons eu l'occasion de l'étudier avec attention et de voir ce qu'avait en tête le gouvernement.
Je dois d'abord dire que j'aimerais inviter tous les collègues de cette Chambre à suivre, une journée, un criminaliste dans un palais de justice. Pour ceux qui ne connaissent pas cela, je vais expliquer comment cela fonctionne.
Lorsque nous faisons du droit criminel, généralement, à moins d'être extrêmement populaire, nous n'avons pas qu'un seul client. Nous en avons plusieurs. Nous ne représentons pas uniquement des gens du crime organisé, de la mafia ou de groupes criminalisés. Bien souvent, nous représentons des individus qui en sont à leur première présence devant un tribunal et qui, dans un moment de découragement — et Dieu sait que nous en connaissons plusieurs —, ont décidé que pour arrondir leurs fins de mois, ils allaient faire un vol à main armée dans un dépanneur. C'est un exemple typique.
En vertu de ce projet de loi, si l'individu a déjà un casier judiciaire de semblable nature, ou d'autres en référence avec le projet de loi, il recevrait une sentence de sept ans. Voici donc ce qui va se passer. L'individu se présentera devant le tribunal. Il choisira un procès devant jury avec une enquête préliminaire, le tout pour faire durer les procédures le plus longtemps possible. Comme il y a des centaines de milliers de causes annuellement au Canada, il y aura un blocage considérable dans les palais de justice. Or, l'administration de la justice relevant des provinces, il faudra que le gouvernement fédéral ajoute des sommes considérables pour nommer de nouveaux juges, de nouveaux procureurs de la Couronne, de nouveaux policiers et, surtout, pour bâtir de nouvelles prisons.
En effet, au Comité permanent de la justice et des droits de la personne, nous avons obtenu des chiffres. Il semble qu'entre 20 et 22 millions de dollars par année de ressources additionnelles seront nécessaires pour la mise en oeuvre du projet de loi .
Je veux faire appel à mes collègues d'en face et leur expliquer qu'ils font fausse route en pensant que d'instaurer des automatismes dans la détermination des peines va réduire la criminalité. C'est faux. Cette prémisse est fausse et envoie directement un faux message à la population. On n'a pas réduit la criminalité aux États-Unis en imposant des sentences minimales d'emprisonnement. Au contraire, elle a augmenté.
Je peux comprendre la position du Parti conservateur, cependant je ne comprends pas celle du NPD. Je ne comprends pas les néo-démocrates, à moins qu'ils n'aient une intention carrément politique, ce que je n'ose pas affirmer. Je pense qu'ils font fausse route en appuyant un tel projet de loi.
Lorsque vient le moment de donner une sentence à un individu, un des premiers critères, le critère essentiel qu'a déterminé la Cour suprême dans plusieurs arrêts — dont je ne ferai pas ici la nomenclature — est que la sentence doit être individualisée. Je vais le traduire en français pour mes collègues d'en face. Nous devons sentencer l'individu qui est devant nous en fonction du crime qu'il a commis, en fonction de sa possibilité et sa probabilité de réhabilitation et ce, afin d'envoyer un message clair voulant que ce genre de crime ne doit pas être commis.
Le début de la réhabilitation commence quand un individu accepte sa sentence. Lorsque j'étais criminaliste, avant de siéger en cette Chambre, j'avais l'obligation d'expliquer à mon client que le tribunal lui imposerait une sentence de trois à cinq ans. On peut préparer notre client à accepter ce genre de sentence liée à des crimes très graves. Dès que l'individu accepte cette sentence, le processus de réhabilitation peut alors s'enclencher.
En raison de ce que se prépare à faire le NPD, de concert avec le Parti conservateur, on va braquer les individus. Je vous promets qu'il y aura une augmentation considérable des délais dans les tribunaux. On ne vise pas la bonne cible.
Les juges reçoivent des directives et de l'information. Malheureusement, contrairement à mes collègues d'en face, qu'il s'agisse de ceux du Parti conservateur ou du NPD, les juges de la Cour suprême, les juges de la Cour d'appel, les juges de la Cour supérieure et les juges de la Cour du Québec — pour ce qui est du Québec — lisent les arrêts, les décisions des tribunaux. Ils sont capables, eux, de comprendre que leur sentence n'a pas été assez sévère et que la Cour d'appel l'a révisée. Je n'ai pas besoin de donner d'exemples. Pour être allé à plusieurs reprises en Cour d'appel, je sais que les savants juges de la Cour d'appel nous demandaient si nous ne trouvions pas que notre client aurait dû recevoir une sentence plus sévère, compte tenu de la gravité du crime. On savait, dès lors, qu'ils réviseraient la sentence imposée en première instance.
Je le dis et je le répète — j'espère que cette fois-ci, certains députés d'en face comprendront —, le problème ne réside pas dans l'attribution de la sentence, mais plus probablement dans la sortie, c'est-à-dire dès l'administration de la sentence. Peut-être devrions-nous nous pencher sur les libérations conditionnelles. Peut-être que les détenus sortent trop vite. Peut-être, mais je n'en suis pas là.
L'individualisation des sentences est essentielle si l'on veut que notre système judiciaire fonctionne. Telle est la base de notre système judiciaire. Il faut que l'individu qui se présente devant le tribunal sache que c'est à lui qu'on parlera, que c'est lui qu'on sentenciera et que c'est lui qui commencera à purger sa sentence. Par automatisme, on va jouer le jeu: on va se dire qu'on va peut-être commettre un vol à main armée, mais au lieu de le faire avec un revolver, on le fera avec un poignard. On ne règle rien du tout, absolument rien, avec la position des conservateurs et du NPD en ce qui a trait au projet de loi .
Une trentaine d'études ont été présentées devant le comité. Je vous assure les avoir toutes lues, et j'ai cherché à donner raison à mes collègues d'en face, mais aucune étude ne dit que des sentences minimales d'emprisonnement réduisent le taux de criminalité. Il n'y en a aucune.
Il y a trois fois plus d'homicides aux États-Unis qu'au Canada, et quatre fois plus qu'au Québec. Pensez-vous que c'est avec des sentences minimales d'emprisonnement qu'on réglera les dossiers? Absolument pas! On va les traîner en longueur, cela prendra du temps, et rien ne sera réglé. Le but que recherchaient les conservateurs et le NPD par le projet de loi ne sera pas atteint. Dans quelques temps, on reviendra en cette Chambre en disant qu'on s'est peut-être trompé. À ce moment, la Cour suprême aura probablement déterminé que ce sont des sentences trop lourdes et qu'il faut refaire nos devoirs, nous, les députés.
Je terminerai en suggérant qu'on suive des criminalistes pendant une journée, aux Palais de justice de Montréal, de Toronto ou de Vancouver, et on se rendra compte alors que les conservateurs et le NPD n'offrent pas la bonne solution par le truchement du projet de loi .