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Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui au sujet du projet de loi C-9 visant à éliminer la condamnation à l'emprisonnement avec sursis dans le cas des crimes graves.
Le projet de loi C-9 découle de l'engagement sans équivoque que le gouvernement a pris envers les Canadiens de faire en sorte que les personnes qui commettent des crimes graves ou des crimes de violence ne puissent plus être condamnées à la détention à domicile. Comme le prévoit l'article 718 du Code criminel: « Le prononcé des peines a pour objectif essentiel de contribuer [...] au respect de la loi et au maintien d’une société juste, paisible et sûre [...]. »
La condamnation à l'emprisonnement avec sursis n'a jamais été censée s'appliquer aux auteurs de crimes graves. Celle-ci s'applique actuellement aux délinquants condamnés à un emprisonnement de moins de deux ans et dans le cas d'infractions non punissables d'une peine minimale d'emprisonnement.
Pour qu'une peine d'emprisonnement avec sursis soit imposée, il faut en outre que le tribunal soit convaincu que le fait de purger la peine au sein de la collectivité ne va pas à l'encontre de l'objectif essentiel et des autres objectifs du prononcé des peines, notamment dissuader les délinquants, dénoncer le comportement illégal et isoler les délinquants du reste de la société. Le tribunal doit également être convaincu que le fait de permettre au délinquant de purger sa peine au sein de la collectivité ne met pas en danger la sécurité de la collectivité.
Cependant, au cours des dernières années, nous avons constaté beaucoup trop souvent une mauvaise application de ce type de peine. Le public a été consterné d'apprendre que des personnes reconnues coupables d'infractions très graves ont pu purger leur peine dans la communauté, souvent dans le confort de leur foyer et en étant assujetties à un encadrement minime pour garantir l'observation des conditions de leur peine. Les Canadiens comprennent difficilement comment de telles peines correspondent aux objectifs et aux principes de base en matière de détermination de la peine.
Comme l'a déclaré un ancien ministre de la Justice dans le cadre d'un débat sur la condamnation avec sursis, le 10 avril 1997:
[...] nous croyons tous que quiconque commet un crime grave et violent devrait être condamné à la prison pour cet acte.
En effet, il n'a jamais été prévu d'imposer une peine avec sursis dans les cas de crimes graves.
Comme l'a déclaré le premier ministre le 3 avril 2006 devant l'Association canadienne de la police professionnelle:
Et les rues et quartiers sécuritaires auxquels les Canadiennes et les Canadiens en sont venus à s’attendre dans leur vie de tous les jours sont menacés par la hausse de la criminalité. Les crimes liés aux drogues sont à la hausse. Les crimes liés aux gangs sont à la hausse. Et le taux d'homicides est également à la hausse.
C'est justement la raison pour laquelle, au cours de la dernière campagne électorale, notre parti, le Parti conservateur, s'est engagé à mettre un terme aux condamnations avec sursis pour les délinquants reconnus coupables de crimes graves.
Le projet de loi C-9 mettrait un terme à l'imposition d'une peine avec sursis pour les infractions faisant l'objet de poursuites par voie de mise en accusation et punissables d'une peine de 10 ans ou plus, tant aux termes du Code criminel que de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. L'application de ce seuil visera le genre d'infractions qui méritent d'être sanctionnées avec fermeté. La mesure fera également en sorte que l'imposition d'une peine avec sursis ne pourra s'appliquer à un certain nombre d'infractions graves concernant la propriété et l'administration de la justice.
Il est arrivé bien trop souvent que des accusés ayant participé à des fraudes d'envergure, souvent avec abus de confiance, ont quitté le tribunal après avoir été condamnés à une détention à domicile dans des conditions relativement confortables. De tels contrevenants n'auraient plus cette possibilité.
Le projet de loi est fondé sur le principe selon lequel l'imposition d'une peine avec sursis ne s'appliquerait que dans les cas pour lesquels elle était prévue à l'origine. Il s'agit d'infractions relativement mineures, d'affaires méritant l'indulgence du tribunal et ne choquant pas le sens de la justice de la collectivité.
L'imposition d'une peine avec sursis ne serait plus une possibilité pour les infractions sexuelles comme l'agression sexuelle et l'agression sexuelle grave. La plupart des infractions sexuelles commises contre des enfants sont déjà visées par des peines minimales obligatoires depuis l'adoption du projet de loi C-2 au cours de la dernière législature. L'imposition d'une peine avec sursis ne serait pas possible non plus dans le cas d'autres infractions causant des lésions corporelles graves, comme la conduite avec facultés affaiblies causant des lésions corporelles ou la mort, ni dans le cas d'infractions concernant l'administration de la justice comme le vol qualifié, l'incendie criminel et le vol de biens d'une valeur supérieure à 5 000 $.
Il n'y aura plus de peines d'emprisonnement avec sursis pour les crimes graves tels que négligence criminelle entraînant la mort, homicide involontaire coupable, conduite avec facultés affaiblies ayant entraîné la mort, voies de fait graves, agression sexuelle grave, agression sexuelle armée, enlèvement, tentative de meurtre et torture. Tant que le projet de loi dont nous sommes saisis n'aura pas force de loi, tous ces crimes odieux n'entraîneront que des peines d'emprisonnement avec sursis ou de détention à domicile, conformément à la loi actuelle.
Quand une peine de détention à domicile constitue-t-elle une façon appropriée de punir une personne qui a commis une agression sexuelle armée sur un autre être humain? Jamais. Il est temps de s'en rendre compte.
Contrairement à ses prédécesseurs, le gouvernement actuel ne s'est pas contenté de reconnaître le problème et d'en parler. Le projet de loi C-9 est notre façon de régler le problème une fois pour toutes. Nous demandons à tous les partis de nous aider à mettre en oeuvre un système judiciaire dans lequel les Canadiens peuvent avoir confiance et qui défend leurs intérêts.
Ce projet de loi aborde le crime du point de vue de la victime: l'homme, la femme ou l'enfant qui a souffert à cause d'une autre personne. Pendant trop longtemps, nous avons sacrifié la protection des victimes au profit de l'allégement des peines pour les crimes graves. Avec l'adoption du projet de loi C-9, nous mettrons fin à cette tendance.
Nous proposons de restructurer le régime de peines d'emprisonnement avec sursis en fonction, d'abord et avant tout, de la sécurité des Canadiens. Dans les cas rares où les tribunaux jugent qu'une personne ayant commis un crime grave mérite une peine moins sévère, les tribunaux peuvent avoir recours à une condamnation avec sursis ou à une période de probation. Par contre, aux yeux du gouvernement, ces solutions ne sont appropriées que dans un nombre limité de cas.
Le gouvernement entend également s'attaquer au problème des drogues dans notre société. Les auteurs d'infractions graves en matière de drogue, qu'il s'agisse de producteurs, de trafiquants ou d'importateurs, détruisent la vie de milliers de citoyens, de leurs familles et des collectivités dans lesquelles ils vivent. Ces immenses torts causés à notre société doivent conduire à des sanctions bien réelles, à savoir l'isolement du reste de la société des individus qui s'attaquent à leurs concitoyens. Les gens qui font le commerce de drogues dures comme la cocaïne et l'héroïne n'ont pas leur place dans nos rues.
Si on en croit les dernières données du Centre canadien de la statistique juridique, entre 1994 et 2004, le nombre d'infractions en matière de drogue a augmenté de 61 p. 100. En 2003-2004, 34,6 p. 100 des condamnations pour trafic de stupéfiants ont abouti à une peine d'emprisonnement avec sursis. Ce n'est tout simplement pas acceptable. C'est pourquoi le projet de loi C-9 va également éliminer la possibilité pour les auteurs d'infractions graves en matière de drogue d'obtenir des condamnations avec sursis.
L'imposition d'une peine avec sursis pour une infraction grave en matière de drogue irait à l'encontre de l'objet fondamental, des principes et des objectifs de la détermination de la peine. Les condamnations avec sursis ne prévoient pas de mesures de réparation pour les torts causés à la société par les auteurs d'infractions liées aux drogues et elles ne favorisent pas suffisamment le sens des responsabilités chez les délinquants de ce genre. L'imposition de peines avec sursis dans le cas de crimes graves en matière de drogue n'est pas proportionnelle au degré de responsabilité du délinquant et à la gravité de l'infraction.
Il convient de mentionner qu'en 2003-2004, les peines avec sursis représentaient environ 5 p. 100 de toutes les peines imposées au Canada, soit un total de 15 493 peines. En ce qui concerne les répercussions globales du projet de loi C-9, on s'attend à ce qu'un tiers de ces peines environ soient touchées par cette réforme du processus de détermination de la peine.
Le projet de loi cible les actes criminels. Dans le cas des infractions mixtes, c'est-à-dire des infractions qui peuvent être poursuivies par voie de déclaration sommaire de culpabilité ou de mise en accusation, les peines avec sursis demeureront une option lorsque la Couronne choisit de procéder par voie de déclaration sommaire de culpabilité. Les corps policiers et les procureurs devront exercer leur pouvoir discrétionnaire pour veiller à ce qu'une infraction relativement mineure soit poursuivie comme il se doit.
Ce sont des modifications qui sont réclamées par les procureurs généraux des provinces, par des maires, par des groupes de défense des victimes et des organismes d'application de la loi de tout le pays. Ces gens-là sont aux premières lignes de la lutte contre la criminalité. Ils ont réclamé clairement une justice fondée sur le bon sens et la nécessité de punir les crimes graves en imposant des peines plus sévères que la détention à domicile.
Nous sommes conscients des risques que le projet de loi C-9 puisse accroître les coûts des services correctionnels. Ces augmentations de coûts vont varier, en fonction du pourcentage de délinquants qui sont condamnés à des peines d'emprisonnement et de la durée moyenne de ces peines. Comme le ministre de la Justice l'a expliqué durant sa conférence de presse du 4 mai, à la suite du dépôt du projet de loi, les coûts reliés au projet de loi C-9 pourraient être couverts par des fonds non attribués, versés aux provinces dans le cadre de paiements de péréquation.
L'actuel gouvernement estime que l'emprisonnement avec sursis, s'il est adéquatement structuré et assorti de conditions taillées sur mesure, constitue un peine appropriée dans certains cas. Toutefois, dans la plupart des cas les plus sérieux, l'emprisonnement avec sursis n'est pas approprié.
Cette réforme de la détermination de la peine ne vise ni à modifier, ni à changer le but ou les principes fondamentaux de la détermination de la peine prévus dans le Code criminel. Cependant, pour les cas graves, elle exige implicitement que les tribunaux se concentrent principalement sur les objectifs de dénonciation, de dissuasion générale et de neutralisation.
Ces réformes assureraient la sécurité dans nos quartiers en abolissant l'emprisonnement avec sursis, notamment la détention à domicile, dans les cas d'infractions graves. Grâce aux réformes prévues dans cette mesure législative, on aurait recours de façon plus prudente et plus appropriée à l'emprisonnement avec sursis, en le réservant aux auteurs d'infractions moins graves qui présentent un faible risque pour la sécurité de la collectivité.
Cette mesure législative prévoit non seulement des modifications pratiques et substantielles au Code criminel, mais elle vise aussi à améliorer la confiance du public, qui récemment n'existait plus, à l'égard des peines d'emprisonnement avec sursis et du processus de détermination de la peine en général. Justice sera rendue et les Canadiens auront le sentiment que c'est effectivement le cas. Le recours à l'emprisonnement avec sursis uniquement dans les cas appropriés renforcera non seulement la confiance du public dans l'administration de la justice, mais il lancera également aux auteurs de délits graves l'avertissement suivant: le système canadien de justice pénale les traitera avec toute la rigueur de la loi.
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Monsieur le Président, je suis heureuse de participer au premier débat sur le projet de loi C-9, qui vise à modifier les dispositions du Code criminel sur l'emprisonnement avec sursis. Afin de remettre le débat dans son contexte, et pour que les gens sachent bien de quoi nous parlons, je citerai les dispositions actuelles du Code criminel.
L'article 742.1 du Code criminel est donc le suivant:
Lorsqu’une personne est déclarée coupable d’une infraction — autre qu’une infraction pour laquelle une peine minimale d’emprisonnement est prévue — et condamnée à un emprisonnement de moins de deux ans, le tribunal peut, s’il est convaincu que le fait de purger la peine au sein de la collectivité ne met pas en danger la sécurité de celle-ci et est conforme à l’objectif et aux principes visés aux articles 718 à 718.2, ordonner au délinquant de purger sa peine dans la collectivité afin d’y surveiller le comportement de celui-ci, sous réserve de l’observation des conditions qui lui sont imposées en application de l’article 742.3.
L'imposition d'une peine à un délinquant peut parfois susciter la controverse au sein de la collectivité, prise dans un sens large, particulièrement lorsque la seule source d'information ce sont les reportages des médias sur les crimes. L'emprisonnement avec sursis est devenu disponible en 1996 et nous avons maintenant environ neuf ans d'expérience pour fonder notre évaluation de la situation.
De façon générale, les conditions énoncées dans cet article du Code criminel devraient suffire à empêcher que les auteurs des infractions les plus graves ne bénéficient d'une peine d'emprisonnement avec sursis. La jurisprudence qui s'est développée depuis l'entrée en vigueur de ces dispositions sert de guide pour le recours à l'emprisonnement avec sursis. Cette mesure, dont les objectifs visent à la fois le châtiment et la réadaptation, permet d'imposer la détention à domicile assortie de certaines conditions et des heures de rentrée.
Dans R. c. Proulx, la Cour suprême du Canada a précisé clairement qu'il ne devrait y avoir aucune présomption judiciaire pour ou contre le recours à l'emprisonnement avec sursis quelle que soit la catégorie d'infraction. Une peine d'emprisonnement avec sursis ne doit pas nécessairement être de la même durée qu'une peine d'emprisonnement. Des avocats m'ont dit que les peines d'emprisonnement avec sursis sont invariablement plus longues que les autres. Il s'agit d'une vraie peine purgée en dehors d'un système carcéral coûteux. Aujourd'hui, dans certains cas, on suit même les déplacements des contrevenants au moyen de bracelets électroniques. Cela permet aux gens de continuer de travailler pendant qu'ils sont en détention à domicile, d'avoir une heure de rentrée, de recevoir du counseling ou de s'occuper de leurs enfants à la maison. Lorsqu'on envoie au pénitencier des gens qui n'ont pas besoin d'y être, cela a des conséquences sur la vie de leurs proches.
Bien que l'emprisonnement avec sursis soit un outil utile, dans bien des cas il serait nécessaire d'établir des limites concernant le recours à ce genre de peine, particulièrement lorsqu'il s'agit d'infractions plus graves et plus violentes. C'est là une question qui s'est posée ces dernières années dans les débats publics et dans les discussions des ministres de la Justice fédéral, provinciaux et territoriaux.
En octobre 2005, avant que le gouvernement libéral ne soit défait, l'ancien ministre de la Justice avait présenté le projet de loi C-70. Je corrige le secrétaire parlementaire, qui a dit qu'on n'a écouté personne. Un projet de loi a bel et bien été présenté. Parce que le gouvernement a été défait, le projet de loi C-70 n'a jamais été débattu à la Chambre et est mort au Feuilleton lors du déclenchement des élections. L'approche employée dans le projet de loi C-70 était différente de celle employée dans le projet de loi C-9 que nous débattons aujourd'hui.
Pour faire une comparaison, l'ancien projet de loi C-70 visait à modifier le Code criminel pour créer une présomption contre le recours à l’emprisonnement avec sursis en cas de sévices graves à la personne, d’infraction de terrorisme, d’infraction d’organisation criminelle et d’infraction dont la nature et les circonstances de la perpétration sont telles qu’elles commandent au tribunal d’accorder prépondérance à l’objectif de dénonciation pour déterminer la peine. Il y avait aussi d'autres dispositions spéciales dans l'ancien projet de loi qu'on ne retrouve pas dans la mesure présentée par le nouveau gouvernement.
Je voulais remettre le débat en contexte et faire une comparaison avec notre ancien projet de loi qui traitait du même sujet. Or, celui-ci était davantage axé sur la présomption que sur l’imposition d’une peine, outre qu'il était de portée plus limitée.
Je vais maintenant parler de questions qui concernent davantage la procédure, mais qui vont nous aider à comprendre ce dont il retourne.
En règle générale, le gouvernement libéral envoyait les projets de loi au comité après l'étape de la première lecture. Cela donnait plus de latitude au comité pour y apporter des changements. Les membres du comité qui travaillent sur les projets de loi n'en débattent pas forcément par la suite en Chambre. En comité, ils se fient aux avis experts des témoins.
Le gouvernement conservateur nous a indiqué que nous allions voter sur le projet de loi C-9 en deuxième lecture et que le texte serait ensuite soumis au comité. C'est sa prérogative. Une chose est sûre, cependant, c'est que l'ancienne procédure faisait davantage appel à la collaboration de tous les intéressés et que cela donnait généralement un meilleur résultat.
Même après la deuxième lecture, le comité a encore la possibilité de modifier le projet de loi, et d'autres amendements peuvent y être apportés à la Chambre à l'étape du rapport. Les votes subséquents peuvent réduire la teneur du projet de loi par voie d'amendements, à condition que ces amendements soient conformes au principe du projet de loi.
En l'occurence, le gouvernement a déposé un projet de loi qui a une portée très large en matière de condamnations avec sursis. Les membres du comité auront tout de même l'occasion d'en restreindre la portée après avoir entendu le point de vue des spécialistes.
Compte tenu de ce que proposait notre ancien projet de loi, qui portait sur le même sujet, et de la teneur du communiqué qui a suivi la rencontre fédérale-provinciale-territoriale des ministres de la Justice, il y a de bonnes raisons d'apporter certains changements à la loi. Les personnes versées dans ce domaine devraient communiquer les noms de leurs organisations à la greffière du comité de la justice afin de que nous puissions recueillir tous les point de vue sur ce projet de loi, qu’ils soient pour ou contre.
Il est temps pour nous de légiférer à partir de ce qui est avéré. Nous ne devons pas faire de la petite politique avec le Code criminel du Canada. C'est un texte trop important. Aucun parti ici n’est le défenseur exclusif de la loi et de l'ordre. Nous voulons tous que nos villes soient sûres. Nous voulons tous que la justice soit équitable, mais nous voulons aussi qu'elle soit efficace.
Le projet de loi C-9 modifie l'article 742.1 du Code criminel afin d'interdire l'imposition de peines avec sursis dans le cas d'infractions au Code criminel ou à la Loi sur les drogues et autres substances ainsi qu'à toute autre loi fédérale, infractions poursuivies par mise en accusation et passibles d'une peine maximale d'emprisonnement de dix ans ou plus. Cela paraît simple, je dirais même simpliste.
Pour mettre en contexte cette approche législative particulière, je dirais que si elle avait été en vigueur en 2003-2004, environ un tiers des délinquants qui ont été condamnés à l'emprisonnement avec sursis n’y auraient pas été admissibles. Le juge aurait été privé de son pouvoir discrétionnaire de recourir à ce moyen. Nous aurions payé pour l’incarcération d’environ 5 480 personnes de plus.
Certaines des infractions qui tombent sous le coup de ce projet de loi sont d’une nature hybride. Cela signifie que la Couronne peut recourir soit à une mise en accusation soit, si l’infraction n’est pas trop grave, à la procédure sommaire. Je crains par conséquent qu’il y ait un certain nombre de cas intermédiaires dans lesquels la condamnation à l'emprisonnement avec sursis aurait constitué la sentence la plus appropriée pour des raisons que j’expliquerai dans un instant.
Je dois dire, en toute équité, que les tribunaux auraient toujours la possibilité, s’ils estiment que les circonstances le justifient, de rendre une ordonnance de probation dans le cas des infractions pour lesquelles l'emprisonnement avec sursis serait interdit. En réalité, cela limite encore la latitude des juges.
Songez au cas d’un parent qui fraude la sécurité sociale. D’après les avocats de la défense que j’ai consultés, il s’agit en général de femmes. Une mère qui serait dans cette situation se retrouverait probablement en prison alors que l'emprisonnement avec sursis est souvent accordé aujourd’hui. Les services de protection de l’enfance et les services sociaux auraient alors à intervenir parce que des enfants seraient privés du parent qui subvenait à leurs besoins.
Nous devons bien comprendre ce qui pourrait se passer si des crimes sans violence tombent sous le coup du projet de loi. Les juges doivent déjà déterminer si la collectivité court des risques. Ils doivent suivre un processus établi avant de prononcer une condamnation à l'emprisonnement avec sursis.
Ces gens ne lisent pas les comptes rendus des procès dans les journaux. Ce sont eux qui rendent les décisions dans les tribunaux. Ils prennent connaissance de la preuve présentée, écoutent les déclarations du ministère public et de la défense, digèrent toute l’information et tous les faits, puis usent de leur jugement. Ce sont les juges. Nous les payons pour juger. Nous ne leur donnons pas des directives strictes et ne les privons pas du pouvoir de s’écarter de certaines règles, s’ils jugent bon de le faire.
De toute évidence, le gouvernement doit expliquer aux Canadiens les raisons pour lesquelles il veut retirer l’option de l'emprisonnement avec sursis pour tant d’infractions. Le gouvernement semble disposé à jeter beaucoup plus de gens en prison et semble vouloir enlever l’option du sursis aux juges qui entendent les cas et qui, comme je l’ai dit, prennent connaissance des faits et des circonstances.
La question qui appelle une réponse est la suivante: quelles sont les infractions qui devraient figurer dans le projet de loi et que nous devrions adopter, et quelles sont les infractions qui devraient être laissées de côté? Qu'on nous explique ensuite les motifs retenus dans chacun des deux cas. On ne nous a pas donné beaucoup d'explications. On nous a servi beaucoup de belles paroles, mais nous n'avons pas reçu d'explication ou d'information, ou de documents probants, si ce n'est qu'on a invoqué le fait que des associations ont réclamé ces modifications. Beaucoup de gens veulent beaucoup de choses. En règle générale, ils n'obtiennent pas ce qu'ils demandent, sauf s'ils peuvent démontrer qu'il existe un réel besoin et que de bons arguments militent en faveur de cette approche plutôt que de telle autre.
À l'évidence, le gouvernement, et je l'en félicite, a quelque peu fait marche arrière en n'abolissant pas complètement les peines avec sursis, et il a donc reconnu que les peines avec sursis ont un rôle à jouer dans le régime juridique canadien.
Dans presque tous les cas, les ordonnances de sursis comportent des conditions restrictives d'assignation à résidence ou de couvre-feu, souvent les deux; elles prévoient souvent des travaux communautaires; un traitement et un counselling obligatoires; il est fréquent que d'autres conditions personnalisées soient intégrées à la peine et ces conditions, notamment l'assignation à résidence, peuvent prévenir efficacement la récidive et, partant, empêcher la personne qui y est assujettie de menacer la sécurité de la communauté. Il ne s'agit pas de pratiquer la clémence ou la rigueur à l'égard de la criminalité, mais d'imposer des peines efficaces et justes au Canada à l'encontre de ceux qui enfreignent la loi.
On me dit que toutes les provinces et tous les territoires ont exprimé des préoccupations à propos des coûts qu'ils auraient à absorber si ce projet de loi est adopté, au titre, par exemple, de l'embauche de procureurs supplémentaires, de personnel dans les tribunaux et au sein du service correctionnel, et de la construction de nouvelles prisons.
Le budget annonce des crédits pour l'accroissement du nombre de cellules dans les prisons, mais on nous a donné très peu de détails. Nous n'avons pas cette information. On nous communique des généralités. Or, lorsque je voterai, comme bon nombre de mes collègues, nous aurons besoin de davantage de renseignements avant de nous prononcer sur des modifications aussi importantes.
Le gouvernement n'a pas décrit d'une manière appropriée ou efficace la façon dont il entend aider, le cas échéant, les provinces et territoires touchés. Nous savons manifestement que les coûts augmenteront. Comme les peines d'emprisonnement avec sursis ne représentent actuellement qu'environ 5 p. 100 des peines imposées en vertu du Code criminel, elles ne sont pas utilisées couramment dans tous les cas.
La peine imposée le plus fréquemment est la probation et, selon les autorités judiciaires, elle représente environ 46 p. 100 des peines. J'ai effectué une recherche, car j'estimais que ce pourcentage était quelque peu élevé. Cependant, en regardant d'autres pourcentages, j'ai compris que la probation s'ajoute habituellement à la majorité des peines d'emprisonnement de moins de deux ans. La probation fait partie intégrante d'une autre peine, par exemple, l'emprisonnement et la probation, des amendes et la probation; ou encore, elle fait partie d'une peine discontinue qui vise, par exemple, une personne qui travaille à l'extérieur de chez elle et qui purge sa peine les fins de semaine. Même dans le cas des peines avec sursis, la probation s'ajoute souvent à la fin de ces peines. Il s'agit là d'une bonne combinaison de peines et elle est largement utilisée.
Avant de modifier les moyens discrétionnaires dont disposent les juges de tout le pays pour nous offrir les meilleurs résultats possibles, nous devons comprendre ces moyens, au lieu de dire simplement que l'un d'entre eux est mauvais et qu'il ne faudrait pas y recourir. Nous devons comprendre de quoi il est question avant de faire des modifications.
Les objectifs et les principes de la détermination de la peine figurent à l'article 718 du Code criminel qui est entré en vigueur sous le dernier gouvernement, en 1995. Il est important de signaler que cet article n'est pas modifié dans ce projet de loi. Il est bon que le gouvernement n'ait pas jugé utile de modifier cette disposition et qu'il ait préféré la conserver, car elle établit l'objet fondamental et les objectifs de la détermination de la peine, ainsi que les buts que les peines devraient viser à réaliser.
En bref, pour ceux qui n'ont jamais lu le Code criminel et cette disposition en particulier, les objectifs sont: dénoncer le comportement illégal; dissuader les délinquants, et quiconque, de commettre des infractions; isoler, au besoin, les délinquants du reste de la société; favoriser la réinsertion sociale des délinquants; assurer la réparation des torts causés et susciter la conscience de leurs responsabilités chez les délinquants, notamment par la reconnaissance du tort qu'ils ont causé aux victimes et à la collectivité.
Lorsque le Parlement a adopté cette disposition du Code criminel, il a rendu obligatoire l'application accrue des principes de justice réparatrice dans le cadre de la détermination de la peine, car l'emprisonnement ne favorise pas de façon générale la réinsertion sociale des délinquants. Les députés devraient se rappeler que peu importe la durée de la peine qui leur est imposée, ces individus finissent par retourner dans la collectivité. Lorsqu'ils ont fini de purger leur peine, nous voulons qu'ils soient mieux en mesure de fonctionner. Pour ce faire, ils doivent pouvoir compter sur des programmes et de la formation dans le système pénitentiaire, et nous devons être réalistes.
La disposition 718.1 dit que la peine doit être proportionnelle à la gravité de l'infraction et au degré de responsabilité du délinquant. D'autres principes de détermination de la peine figurent à la disposition 718.2 et il y a également d'autres dispositions reliées à la détermination de la peine qui touchent les enfants. La jurisprudence continue d'aider les tribunaux à rendre des décisions.
La modification de l'article 742 aura manifestement des répercussions dans un certain nombre de domaines. Il y aura des coûts liées au traitement des dossiers et au personnel. Nous devrons entendre des témoins qui connaissent bien ces répercussions, celles qui sont visées par le gouvernement avec les réformes proposées et surtout, peut-être, celles qui sont non intentionnelles.
Aura-t-on davantage besoin de l'aide juridique? J'ai rencontré des représentants des services d'aide juridique de ma circonscription et je sais que pour obtenir de l'aide juridique en Ontario, une personne doit avoir de fortes chances d'être condamnée à une peine d'emprisonnement. Le système de justice lui-même sera-t-il en mesure de supporter ce fardeau accru sur le plan des procès et des peines d'emprisonnement?
La majeure partie du débat et des questions adressées au gouvernement portera sur l'inclusion d'infractions qui, bien qu'elles soient graves, sont sans violence. Le gouvernement n'a pas vraiment expliqué l'ajout de ces infractions. Dans le projet de loi, le gouvernement semble utiliser sur le plan législatif l'équivalent d'une énorme masse, alors qu'il faudrait plutôt un scalpel. Il s'agit d'apporter des améliorations, au besoin, lorsque cela est efficace.
Notre parti veut que des faits étayés soient présentés au comité. Nous ne votons pas les yeux fermés en fonction d'une idéologie, nous votons en vue d'une amélioration réelle. Nous attendrons de voir si les faits présentés justifient le besoin, la pertinence, l'incidence et le coût des modifications proposées relativement à l'emprisonnement avec sursis.
Nous rejetons le projet de loi dans sa formulation actuelle, mais nous reconnaissons qu'il y a lieu de poursuivre l'étude de la question et d'apporter des changements. Il nous tarde de faire un travail constructif au sein du comité et d'écouter objectivement ce que les Canadiens, les intervenants et les experts dans le domaine ont à dire. Nous espérons que tous les membres du Comité de la justice travailleront dans cet esprit constructif.
Le gouvernement devrait nous dire pourquoi les dispositions portant par exemple sur la falsification, l'altération de documents sans autorisation légale, sont pertinentes dans ce cas. Il est beaucoup plus simple, en l'occurrence, de comprendre la pertinence des infractions d'agression causant des lésions corporelles ou des infractions perpétrées avec une arme dissimulée. Nous voulons aussi savoir si ces modifications auront des effets différents dans les différentes populations où le gouvernement tente d'appliquer le principe de justice réparatrice.
La mesure y perd au plan de la souplesse. Nous voulons savoir comment le gouvernement justifie ces vastes changements. Nous devons veiller à ce que les modifications ne soient pas contradictoires par rapport aux principes appuyant le prononcé des peines, principes formulés clairement dans le Code criminel. L'article 718 indique ceci:
Le prononcé des peines a pour objectif essentiel de contribuer, parallèlement à d’autres initiatives de prévention du crime, au respect de la loi et au maintien d’une société juste, paisible et sûre par l’infliction de sanctions justes visant un ou plusieurs des objectifs suivants.
Il me tarde de voir la suite des choses. Je crois que nous pouvons avoir un dialogue constructif et améliorer la mesure. On pourra réduire la portée des dispositions du projet de loi si l'information recueillie le justifie. Nous comptons écouter les autres parties et travailler avec elles de manière à ce que les dispositions relatives à l'emprisonnement avec sursis puissent être modifiées de façon constructive et utile.
Nous ne voulons pas aller trop loin et créer des difficultés ou des dépenses inutiles. En tant que parti, nous ne croyons pas que la livraison d'un message sans nuances l'emporte sur l'adoption de mesures législatives appropriées et nuancées.
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Monsieur le Président, j'apprécie cette intervention. Moi aussi, j'aime prendre mes décisions à partir de faits établis.
Tout n'est pas noir ou blanc. Le gouvernement cherche à simplifier les choses plutôt que d'examiner des études détaillées. Tâchons d'écouter ceux qui ont fait les études, les chercheurs universitaires par exemple, lorsque ces études existent. Voyons ce qu'il en est.
Neuf ans, ce n'est pas beaucoup. Mon parti a admis qu'il fallait rectifier certaines choses, mais j'aimerais entendre les réactions des provinces intéressées, de celles qui réclament ces changements et surtout de celles qui s'en inquiètent. Je sais que le ministre de la Justice de la Saskatchewan a fait des déclarations publiques sur ce que cela pourrait changer pour certains segments de la population dans sa province. Cela suscite des inquiétudes, mais on ne les exprime même pas. On manque d'information sur les conséquences de ces changements au chapitre des coûts.
On peut parler aux gens. Il y en a qui viennent m'en parler, des représentants des groupes de victimes ou des familles des délinquants, et d'autres qui travaillent avec les prisons, des associations d'hommes ou de femmes qui ont des contacts réguliers avec la population carcérale et qui la comprennent bien. Il faut les écouter.
Personnellement, j'aimerais savoir si, avant de présenter ce projet de loi, le ministre de la Justice a tenu des consultations, notamment auprès de ses homologues des provinces et des territoires, ou s'il s'est fié aux rencontres et aux conversations antérieures qu'il a eues avec ceux-ci. Je sais qu'il a dit qu'il s'est entretenu avec plusieurs de ses homologues après la présentation. Je voulais simplement savoir si ces derniers ont effectivement pris connaissance de cette mesure législative; je crois qu'ils seraient plutôt surpris de voir la sévérité des mesures qu'elle prévoit.
Il faudra beaucoup de temps pour passer attentivement en revue les dispositions du Code criminel et de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, qui seront visées par ce projet de loi. J'ose espérer que le parti d'en face, soit le gouvernement, collaborera avec les partis d'opposition. Il faut reconnaître que, compte tenu de sa complexité et de l'incidence qu'il aura, le projet de loi est facile à comprendre quand il est question d'infractions passibles de peines d’emprisonnement de dix ans et plus. Cet aspect n'est pas compliqué. Ce qui l'est, cependant, c'est l'incidence du projet de loi sur tous les régimes canadiens.
Dans certaines décisions judiciaires, notamment dans l'affaire Askov, si le processus est trop lent et s'il y a un délai pour présenter une affaire devant la justice, elle peut ne pas être entendue. On ne peut pas simplement s'attaquer à une situation sans se rendre compte que cela a une incidence ailleurs.
Je suis absolument convaincue que, à l'heure actuelle, le système d'aide juridique en matière pénale ne dispose pas de suffisamment d'argent. Il n'en est pas fait mention, rien n'a été prévu à cet égard, et quand j'ai posé une question à ce sujet au ministre de la Justice lors de sa comparution devant le comité, il m'a répondu que des discussions étaient en cours. Si on modifie la loi sans mettre en place certains éléments pour que les gens puissent s'adapter, il y aura de véritables problèmes.
Je crains que, dans les cas très sérieux, certains procureurs n'optent pour une déclaration de culpabilité par procédure sommaire alors que l'emprisonnement avec sursis offre certaines options, voire une meilleure solution, notamment dans certains cas de fraude, de vol de bétail ou d'autres infractions inscrites au Code criminel.
Nous n'allons pas faire de politicaillerie. Nous allons collaborer si vous êtes disposés à le faire. Si cela ne vous intéresse pas, nous collaborerons avec les autres partis d'opposition, mais je ne pense pas que cette mesure législative sera adoptée dans sa forme actuelle.
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Monsieur le Président, j'espère que ma collègue de London-Ouest restera avec nous quelques instants encore. En effet, je suis heureux de prendre la parole en cette Chambre et je répondrai à cette collègue que j'ai été avocat à l'Aide juridique au cours des 26 dernières années —, et ce qu'on appelle un avocat en droit criminel au cours des 10 dernières années. J'étais donc un criminaliste qui plaidait régulièrement des dossiers sur sentence. Je m'adressais au tribunal pour essayer de le convaincre. J'essaierai de faire de même devant vous, monsieur le Président. Si je me trompe — et cela va m'arriver — et que je vous appelle monsieur le juge, vous voudrez bien m'en excuser immédiatement. Il se pourrait en effet que ma plaidoirie — car je pense que cela en sera une — fasse en sorte que nous puissions aborder ce débat très important en cette Chambre aujourd'hui, sous un climat serein, en évitant certainement les sanctions de la cour.
Le Bloc québécois trouve très difficile de voter en faveur de ce projet de loi. Nous allons donc voter contre celui-ci, et ce, pour plusieurs raisons que j'expliquerai. C'est un projet de loi extrêmement difficile, qui fait en sorte que l'on réduit les possibilités du tribunal lorsque vient le temps d'imposer une sentence à un individu.
J'ai ici la bible que j'avais tous les jours lorsque je plaidais devant le tribunal, il y a de cela quelque temps. Comme je me tiens régulièrement au fait de ce qui se passe en matière criminelle, vous me permettrez de lire l'article 718 du Code criminel. Cet article est clair. Il concerne les objectifs visés lors du prononcé d'une sentence. Les voici:
a) dénoncer le comportement illégal;
b) dissuader les délinquants, et quiconque, de commettre des infractions;
c) isoler, au besoin, les délinquants du reste de la société;
d) favoriser la réinsertion sociale des délinquants;
e) assurer la réparation des torts causés aux victimes ou à la collectivité;
f) susciter la conscience de leurs responsabilités chez les délinquants, notamment par la reconnaissance du tort qu’ils ont causé aux victimes et à la collectivité.
Les objectifs et les principes qui doivent guider un juge lorsqu'il rend une sentence sont clairs. Le juge doit individualiser la sentence. Ainsi, l'individu devant lui reçoit une sentence adaptée au crime qu'il a commis. Ce n'est pas ce que l'on veut faire, compte tenu du projet de loi C-9. Ce projet de loi fait en sorte que l'on augmenterait l'emprisonnement dans plusieurs dizaines de nouvelles infractions, pour ne pas dire une centaine. Entre autres, un exemple me vient rapidement à l'esprit. Une personne accusée de conduite avec facultés affaiblies causant des lésions corporelles est passible d'une sentence d'emprisonnement maximale de 10 ans. Compte tenu du projet de loi C-9, on ferait en sorte d'imposer automatiquement une sentence d'emprisonnement. Cela est inacceptable.
Si mes collègues d'en face écoutent tout mon discours — et surtout ma plaidoirie qui est brillamment traduite —, ils comprendront qu'une telle sentence est inacceptable pour plusieurs raisons. Tout d'abord, la Cour suprême a dit, dans des décisions très importantes, que le premier principe qui doit s'appliquer lorsque l'on rend sentence, c'est le principe de l'individualisation. Voilà ce qu'on veut bafouer par ce projet de loi. En effet, on veut bafouer le fait d'individualiser les sentences.
J'irai plus loin. Il n'y a pas bien longtemps, la Cour suprême a dû se prononcer sur les emprisonnements avec sursis. Si mes collègues d'en face m'écoutent avec attention, ils reconnaîtront une décision de la Cour suprême rendue en 2000. C'est une décision qui fait jurisprudence et que les tribunaux ont appliquée sans discontinuer depuis cette date. Elle explique très clairement les critères qui doivent diriger le tribunal lorsqu'il s'apprête à rendre une sentence d'emprisonnement avec sursis.
D'abord, il faut savoir que l'emprisonnement avec sursis n'est ni une directive ni une obligation. En fait, c'est un pouvoir additionnel qu'a le tribunal lorsqu'il doit rendre sa sentence. Cela s'ajoute à la panoplie des possibilités de sentence dont le tribunal dispose lorsqu'il juge un individu ou lorsqu'il rend une décision qui entraînera un impact certain sur la vie d'un individu, de sa famille et de tous ceux qui l'entourent.
Mes voisins d'en face doivent bien écouter ce qui suit. Tous comprendront que c'est très sérieux lorsque la Cour suprême se prononce.
Dans l'arrêt Proulx, il est mentionné que:
[...] les dispositions créant la peine d'emprisonnement avec sursis en particulier ont été adoptés à la fois pour réduire le recours à l'incarcération comme sanction et pour élargir l'application des principes de la justice corrective au moment de la détermination de la peine. L'emprisonnement avec sursis doit être distingué des mesures probatoires.
Les mesures probatoires sont des mesures de sentence avec probation.
La probation est principalement une mesure de réinsertion sociale. Par comparaison, le législateur a voulu que l'emprisonnement avec sursis vise à la fois des objectifs punitifs et des objectifs de réinsertion sociale.
C'est cela, l'objectif.
[...] une ordonnance de sursis à l'emprisonnement devrait généralement être assortie de conditions punitives restreignant la liberté du délinquant. Des conditions comme la détention à domicile devraient être la règle plutôt que l'exception.
Pour avoir plaidé et pour avoir défendu des clients devant toutes les instances, je peux vous assurer qu'une sentence de détention dans le lieu de résidence est bien souvent plus contraignante qu'une sentence de détention dans un pénitencier ou dans une prison provinciale. Voici un exemple: lorsqu'un individu reçoit une sentence d'ordonnance d'emprisonnement avec sursis, il reçoit généralement des appels à toute heure du jour et de la nuit pour vérifier s'il est bien chez lui. J'y reviendrai dans quelques instants. Qui plus est, il est sous un contrôle régulier du tribunal.
Voici ce qu'en dit la Cour suprême, encore une fois dans l'arrêt Proulx, un arrêt très important dont mes collègues d'en face et l'honorable ministre de la Justice ont pris connaissance. Ce dernier a été procureur général du Manitoba. Il me fera plaisir de discuter de cet arrêt avec l'honorable ministre de la Justice en cette Chambre. Nous en avions parlé l'an dernier, l'honorable ministre de la Justice et moi, lorsque nous étions tous deux au Comité permanent de la justice.
L'arrêt Proulx dit donc:
[...] le juge se demande s'il convient que le délinquant purge sa peine dans la collectivité.
C'est une interrogation que le tribunal doit se poser.
[...] il n'est pas nécessaire qu'il y ait équivalence entre la durée de l'ordonnance de sursis à l'emprisonnement et la durée de la peine d'emprisonnement qui aurait autrement été infligée.
Voilà la traduction française des honorables juges de la Cour suprême. Cela signifie que généralement — je l'ai moi-même vécu et mon collègue l'honorable ministre de la Justice pourra peut-être également le confirmer puisque cela s'est produit dans la province du Manitoba —, le tribunal se demande d'abord si monsieur, ou madame, est éligible. Si une sentence d'emprisonnement s'impose, la réponse est oui. Le tribunal décide alors que l'infraction qui a été commise implique et vaut une peine d'emprisonnement. Il se demande ensuite si cet emprisonnement doit être purgé dans un établissement carcéral ou si monsieur — ou madame — peut purger cette sentence chez lui ou ailleurs. C'est là qu'il doit s'interroger.
Généralement, le juge se dit que l'infraction commise mériterait une peine de trois ans ou de 30 mois, mais comme il souhaite que le détenu ou l'accusé la purge dans la société, il la baisse à deux ans moins un jour.
Le tribunal de la Cour suprême dit, et je cite: « Deux facteurs doivent être pris en compte: (1) le risque que le délinquant récidive; » Ce premier facteur est indiqué par le chiffre (1). Vient ensuite le chiffre (2). Je n'ai jamais vu (2) précéder (1). Donc, la première question que le tribunal se pose, c'est s'il y a un risque que l'accusé récidive.
Je poursuis la citation: « (2) la gravité du préjudice susceptible de découler d'une récidive. » À l'évaluation des risques que posent le délinquant, on doit inclure les risques créés par toute activité criminelle, et cela ne doit pas se limiter exclusivement aux risques d'atteinte à l'intégrité physique ou psychologique de la personne.
La Cour suprême est allée loin, à un point tel qu'elle a dit et répété, et je le répète en cette Chambre: il y a un principe intouchable dans notre droit criminel et c'est le principe de l'individualisation des sentences.
Ce n'est pas ce que s'apprête à faire l'honorable ministre de la Justice avec le projet de loi C-9. J'ai regardé rapidement les crimes dont fait état ce projet de loi: il y en a une centaine et ils sont tous passibles de 10 ans d'emprisonnement.
Celui qui me vient à l'esprit et pour lequel j'avais plaidé, comme je l'ai mentionné plus tôt, commandait une sentence pour facultés affaiblies causant des lésions corporelles. En vertu de ce projet de loi, le juge n'aurait plus le choix: il devrait imposer une peine d'emprisonnement de plus de deux ans, et cela est extrêmement dangereux.
L'arrêt Proulx est un arrêt très important. Je l'ai lu en entier, et j'invite encore une fois l'honorable ministre de la Justice à relire cet arrêt important avec une très grande attention. Je citerai un autre extrait de cet arrêt.
[...] les cours d'appel doivent faire montre de beaucoup de retenue à l'égard de la peine infligée par le juge [de première instance qui impose une peine d'emprisonnement avec sursis] [...] Sauf erreur de principe, omission de prendre en considération un facteur pertinent ou insistance trop grande sur les facteurs appropriés, une cour d'appel ne devrait intervenir pour modifier la peine infligée au procès que si elle est manifestement inappropriée
Aujourd'hui, nous sommes devant un débat de société extrêmement important. Le débat qu'entraîne le dépôt du projet de loi C-9 est un débat de société. Ce projet de loi va cataloguer les peines d'emprisonnement. On entrera de force dans ce catalogue et on sera sanctionné. Or ce n'est pas ce que veut la Cour suprême. La Cour suprême, et la société également, désirent que les peines individualisées soient rendues en tenant compte du caractère de l'individu, du risque de récidive de celui-ci et de la gravité du crime commis.
Lorsque l'on arrive à faire ces distinctions, il faut examiner de quelle façon le tribunal s'adressera à l'individu qu'il a devant lui afin de le sanctionner.
Il est évident que le projet de loi C-9 nous mène à une justice punitive et non à une justice de réhabilitation. Aujourd'hui, il faut que les sentences soient adaptées à l'individu. Nous, du Bloc québécois, nous croyons beaucoup plus à des sentences de réhabilitation qu'à des sentences de répression. Le projet de loi C-9 veut faire des sentences de répressions.
Il est vrai que la criminalité a augmenté dans certaines grandes villes.
Cependant, pour la première fois depuis l'instauration des peines d'emprisonnement avec sursis en 1996, Statistique Canada a fait une étude en 2003-2004 qui démontrait que le nombre total de délinquants assujettis à une nouvelle ordonnance de sursis avait diminué, passant de 19 200 à 18 900, ce qui équivalait environ à un recul de 2 p. 100. Par contre, il faut faire attention. En dépit de cette diminution par rapport à l'année précédente, il ressort de la même étude que les peines avec sursis ont un effet important sur le taux de nouvelles détentions, lequel a diminué de 13 p. 100 depuis l'instauration du sursis. Grâce à cette mesure, quelque 55 000 délinquants de moins ont été envoyés en prison.
Sauf le respect que je dois à l'honorable ministre de la Justice en cette Chambre, il ne me démontrera pas le contraire. L'an dernier, ce dernier siégeait au Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile à titre de porte-parole du Parti conservateur. Lorsqu'il avait tenté de déposer le même projet de loi, je lui avais demandé de nous fournir les chiffres démontrant que le taux de criminalité avait augmenté depuis le début de l'imposition de peines avec sursis. Ce n'était pas le cas; on avait connu une diminution du nombre de délinquants et de délinquantes.
J'irai un peu plus loin. C'est assez particulier comme sentence. L'administration des peines, surtout de celles avec sursis, est de compétence provinciale parce qu'elles s'appliquent dans le cas de peines de deux ans moins un jour. Or que se passera-t-il si ce projet de loi entre en vigueur? Il y aura une augmentation des peines d'emprisonnement. Et qui s'occupe des peines de deux ans moins un jour, comme on dit dans le jargon juridique? Ce sont les provinces. Alors il est évident que l'adoption de ce projet de loi entraînera un coût additionnel, une augmentation du fardeau financier des provinces. Deux points font mal. D'une part, on n'individualise plus les sentences. D'autre part, on passe de la possibilité de réhabilitation à la répression. On augmente ainsi le fardeau financier des provinces qui auront à vivre avec ces peines d'emprisonnement.
J'ajouterai un autre élément. Le projet de loi C-9 implique la construction de davantage de prisons. Cependant, il appert que, sur une base individuelle — les chiffres le confirment —, il est beaucoup plus coûteux de garder des délinquants en détention que de les surveiller dans la collectivité. Nous avons maintenant des chiffres à l'appui. En 2002-2003, le coût annuel moyen d'un détenu incarcéré dans un établissement provincial était de 51 450 $, comparativement à 1 792 $ pour la surveillance d'un délinquant dans la collectivité.
J'aurais encore beaucoup de choses à dire, mais je constate qu'il me reste moins d'une minute. Je dirai donc ceci. Il faut absolument éviter que ce projet de loi n'envoie un mauvais signal. Je comprends l'intention du ministre de la Justice d'envoyer un signal clair. Avec tout le respect que je lui dois, je crois cependant que ce n'est pas le bon message.
On pourrait envoyer des directives aux juges. Peut-être n'impose-t-on pas suffisamment de peines d'incarcération pour divers crimes. Cependant, les cours d'appel sont là pour rectifier une décision qui serait « mal » ou qui ne respecterait pas les critères de la Cour suprême.
La preuve est visible dans plusieurs dossiers. M. Brault vient d'être sentencié, et l'on vient de voir qu'il y a d'autres sentences. En fait, la Cour d'appel du Québec vient de se prononcer en faveur de l'exécution de sentences d'emprisonnement, alors que de telles sentences auraient dû être rendues en première instance.
Laissons aller les tribunaux, laissons faire nos juges. Ils en sont capables. Toutefois adressons-leur des directives plus claires.
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Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui au sujet du projet de loi C-9, qui modifie les dispositions législatives relatives à l'emprisonnement avec sursis. Il est important de saisir le contexte historique de cette mesure et de comprendre pourquoi on prête attention à ce type de peine.
La disposition initiale relative à l'emprisonnement avec sursis est relativement nouvelle dans notre système de justice pénale. Elle date d'un peu plus de neuf ans. Cette disposition est née du désir manifeste du gouvernement de l'époque de réduire la population carcérale afin que personne ne soit incarcéré pour un crime qui mérite davantage une réinsertion sociale, une dénonciation par l'État et la justice pour les victimes. Cela justifie l'utilisation des peines avec sursis par opposition à l'incarcération.
On a relativement peu prononcé de peines d'emprisonnement avec sursis durant les premières années. À la fin de 2004, on en comptait 15 500 à l'échelle du Canada, ce qui signifie qu'on incarcérait moins de gens. Aux termes de l'article de la loi, le recours à une peine avec sursis n'est possible, maintenant ou par suite de l'amendement proposé, que lorsque le juge décide que la personne sera envoyée en prison dans toutes autres circonstances. Dans ces circonstances, il vaudrait mieux, pour les raisons que j'ai déjà mentionnées, que la personne demeure sous garde restreinte au lieu d'être incarcérée.
Il importe de comprendre ce qui s'est passé. Depuis quelques années en particulier, nous voyons en page couverture des journaux ou aux bulletins de nouvelles nationales des cas de criminels reconnus coupables de crimes graves et violents qui reçoivent des peines avec sursis. Je ne sais pas combien de fois c'est arrivé, et le gouvernement non plus. Certains cas ont été très médiatisés. Lorsqu'on fait enquête sur ces affaires, on constate que des circonstances extérieures ont justifié le recours à des peines avec sursis. Toutefois, cela allait à l'encontre de la finalité première des peines avec sursis, qui étaient réservées aux crimes non violents et non aux crimes causant de graves torts aux victimes.
Le milieu juridique et les législateurs de la Chambre ont jugé par consensus qu’il fallait revoir cette question. Nous devions nous pencher sur l’à-propos des peines d’emprisonnement avec sursis. Dans les cas où ces peines étaient contre-indiquées, nous devions étudier la possibilité de modifier l’article qui interdit aux juges d’y recourir.
Vers la fin de la dernière législature, le gouvernement précédent a présenté un projet de loi s’attaquant à cette question. Ce projet de loi reflétait, jusqu’à un certain point, un consensus élaboré par les quatre partis. Le projet de loi ne s’est pas rendu à l'étape de la deuxième lecture et est mort au Feuilleton lors du déclenchement des élections.
Ce projet de loi traduit une approche fort différente et plus punitive à l’égard des peines avec sursis. Il est essentiel de se reporter aux dispositions de l’article. Au fond, le projet de loi prévoit qu’une peine d’emprisonnement avec sursis ne pourrait pas s’appliquer dans le cas de crimes passibles d’une peine maximale d’emprisonnement de dix ans ou plus.
Nous devons aussi réfléchir à l’incidence de cette modification. Si le projet de loi est adopté, et j’ose espérer qu’il ne le sera pas dans sa forme actuelle, toutes ces peines seraient purgées dans des établissements provinciaux, pas dans le système fédéral. Selon une des autres dispositions qui figurent déjà dans l’article, on ne pourrait recourir à l’emprisonnement avec sursis sauf dans le cas d’une peine de deux ans moins un jour. Si la peine est de deux ans moins un jour, la personne serait détenue dans un établissement provincial. Tous les individus recevant une peine en vertu de cette disposition aboutiraient normalement dans nos prisons provinciales.
La liste des cas où il serait interdit de recourir à cet article est très longue. Il y a 42 articles du Code criminel qui prévoient une peine maximale d’emprisonnement de dix ans ou plus, et qui ne pourraient donc plus entraîner des peines avec sursis. La difficulté que mon parti et moi y voyons, c’est que certains de ces articles visent des crimes non violents où personne n'est agressée ou blessée que ce soit légèrement ou grièvement. À notre avis, à peu près 20 articles portent sur des infractions contre des biens, dont certaines bien mineures. On en est parfois à se demander pourquoi quelqu’un recevrait une peine d’emprisonnement de dix ans pour une infraction de ce genre.
La première infraction sur la liste est le vol de biens d’une valeur supérieure à 5 000 $. On atteint facilement une valeur de plus de 5 000 $ avec quelques pièces d’équipement électronique volées dans une maison ou un magasin. Même s’il s’agissait d’une première infraction, une peine avec sursis ne serait pas envisagée dans un tel cas.
Je vais parcourir la liste. Il y a le vol de bétail, le vol ou la contrefaçon de cartes de crédit, l’utilisation non autorisée d’un ordinateur, l’introduction par effraction dans le but de commettre une infraction punissable par mise en accusation, le fait de se trouver illégalement dans une maison, l’introduction par effraction dans une maison et la possession d’instruments, le déguisement dans un dessein criminel et la possession de biens volés d’une valeur de plus de 5 000 $, le vol de courrier, l’introduction au Canada d'objets criminellement obtenus, la revendication mensongère de biens d’une valeur de plus de 5 000 $, l’obtention de crédit sous de faux prétextes, la contrefaçon, la mise en circulation de faux documents, la fraude de plus de 5 000 $ impliquant un document testamentaire falsifié ou un faux prospectus, la supposition intentionnelle de personne, le dommage volontaire de biens valant plus de 5 000 $, le dommage volontaire de divers biens et l’incendie criminel à des fins frauduleuses.
Il y a une vingtaine d'infractions, qui sont toutes des infractions contre les biens. Nous nous demandons pourquoi certaines de ces infractions sont même assorties d'une peine maximale de dix ans d'emprisonnement. Jamais personne ne se voit imposer une telle peine pour ce genre d'infraction, mais elles sont quand même incluses dans le projet de loi C-9. Cette mesure législative a donc pour effet de refuser le bénéfice d'une peine d'emprisonnement avec sursis à quiconque est reconnu coupable d'une de ces infractions.
Lorsque j'ai vu le projet de loi, ma première réaction a été de penser que nos procureurs de la Couronne, quand ils verront cela, s'empresseront de négocier avec les avocats de la défense. Sur les 15 500 causes entendues chaque année, de 5 300 à 5 400, soit environ le tiers, se verront refuser le bénéfice du sursis. Et ce n'est pas moi qui invente ces chiffres; ils viennent du ministère de la Justice.
Une chose qui pourrait arriver, c'est que les procureurs de la Couronne négocieraient avec les avocats de la défense, ce qui veut dire qu'on trouverait un moyen pour faire bénéficier quand même certains criminels du sursis. Le secrétaire parlementaire a mentionné les condamnations avec sursis comme une possibilité. Je ne vois pas cela comme une bonne solution de rechange pour les crimes de ce genre.
Avec les condamnations avec sursis, le juge ne peut pas imposer de restrictions au contrevenant. Le juge décide essentiellement de suspendre le prononcé de son jugement et de ne pas imposer de peine, mais si la personne commet une autre infraction et revient devant le tribunal, le juge pourra alors lui imposer une peine. C'est de cette façon que les condamnations avec sursis fonctionnent. Ce n'est pas une bonne solution de rechange du point de vue de la réadaptation ou encore du point de vue de la dénonciation de la part de l'État. Ce n'est pas une bonne solution de rechange à l'emprisonnement avec sursis pour les crimes de ce genre.
Cependant, certains d'entre eux ne bénéficieront pas du sursis. J'estime qu'au moins un millier de causes par année feront l'objet d'une négociation de plaidoyer, ce qui laisse plus 4 000 causes.
Lorsque les fonctionnaires du ministère de la Justice sont venus me voir pour une séance d'information, je leur ai demandé combien cela coûterait et, surtout, combien cela coûterait aux provinces parce que toutes ces peines seraient purgées au niveau provincial. Il en coûte quelque 125 $ par jour pour garder quelqu'un en prison dans le système provincial. Le coût varie d'une province à l'autre, mais c'est une moyenne. Si on faisait les calculs, on obtiendrait un coût de fonctionnement de 200 millions de dollars à 250 millions de dollars par jour par condamné. Toutes les provinces devront construire des cellules supplémentaires pour qu'il y ait assez de place pour tous les prisonniers.
Il était intéressant d'entendre le ministre de la Sécurité publique dire publiquement que l'argent n'avait pas été prévu expréssément, mais qu'il avait été mis de côté dans le budget. Cela montre que les conservateurs ne savent pas vraiment dans quoi ils s'embarquent. On aura déjà utilisé tout cet argent lorsque nous passerons à la mesure suivante, le projet de loi C-10, qui porte sur les peines minimales obligatoires.
Le ministre de la Sécurité publique estime que le gouvernement aura besoin de quelque 250 millions de dollars à 300 millions de dollars. Je pense que ce sont les chiffres qui ont été donnés. Toutefois, cet argent aura été dépensé lorsque nous traiterons du projet de loi C-10 et de tous les condamnés que nous mettrons en prison pour plus longtemps au niveau fédéral. Par conséquent, il n'y a pas vraiment d'argent dans le budget. Si le gouvernement est vraiment sérieux quand il dit vouloir adopter les deux mesures, le projet de loi C-9 et le projet de loi C-10, il n'y a pas d'argent pour les provinces. Tout cet argent, et bien plus, sera utilisé dans le système fédéral si le projet de loi C-10, qui porte sur les peines minimales obligatoires, est adopté dans son libellé actuel. Je suppose que nous serons saisis de ce projet de loi plus tard cette semaine.
Le gouvernement a pondu ce projet de loi à la va-vite, davantage d’après sa vision idéologique et philosophique du fonctionnement de notre société que d'après la réalité. Il a proposé cet article sans se soucier de ce que son application allait coûter aux provinces. À la lumière d'entretiens que j'ai eus avec certains procureurs généraux, je sais qu'il n'a jamais été question de ce que cette mesure allait coûter et que le gouvernement n'a jamais garanti qu'il en financerait la mise en oeuvre. En fait, il se trouve à faire payer aux provinces ses frasques idéologiques.
Et puis, ce n'est pas une bagatelle. Cela pourrait coûter de 200 à 250 millions de dollars par année en frais de fonctionnement auxquels il faut ajouter des coûts d'immobilisation non négligeables. D'après mes calculs, puisque le gouvernement n'en a pas fait, il faudra dépenser entre 200 et 500 millions de dollars pour construire les cellules de prison qui seront nécessaires à l'accueil des 4 000 à 4 500 prisonniers supplémentaires dans des prisons provinciales.
L'autre conséquence néfaste que présente cette façon d'aborder la justice pénale concerne les Autochtones qui ont davantage bénéficié de la formule de la condamnation avec sursis que les autres Canadiens s'étant rendus coupables d'actes criminels. Je vais vous en donner un exemple.
En Saskatchewan, où l'on applique les condamnations avec sursis proportionnellement beaucoup plus que n'importe où ailleurs, à l'exception du Québec, 64 p. 100 de ces condamnations sont prononcées à l'endroit de membres des Premières nations, de Métis ou d’Inuits.
Il y a quelques années de cela, sans doute à l'époque où les condamnations avec sursis ont commencé à se répandre, la Saskatchewan a sciemment pris la décision de réduire sa population carcérale et de fixer un objectif pour les Autochtones emprisonnés qui, dans cette province, représentent près de 80 p. 100 des détenus. Les condamnations avec sursis ont grandement contribué à réduire le nombre d'Autochtones emprisonnés, à les maintenir dans la société, au sein de leurs communautés, et à les réinsérer beaucoup plus efficacement.
Nous savons tous parfaitement, et personne à la Chambre ne devrait imaginer qu’il en est autrement, que plus les peines d'emprisonnement sont longues et plus le taux de récidive est élevé, tandis que moins on laisse les gens en prison et moins ils récidivent.
La Saskatchewan dit être aux prises avec un énorme problème. La province parviendra-t-elle à le régler? Si oui, pourquoi s'embêter avec ce projet de loi? Ce qui est tout à fait possible, en revanche, c'est que la Saskatchewan ne se contente pas de marchander juste un peu... elle risque fort de négocier beaucoup de plaidoyers.
Nous devons nous rendre compte que la probation et les condamnations avec sursis ne sont pas aussi efficaces, et de loin, que la condamnation à l’emprisonnement avec sursis. Les juges disposent dans ce dernier cas d’une gamme beaucoup plus étendue de conditions à imposer que les autorités ou les juges n’en ont en cas de probation ou de condamnation avec sursis.
Cette mesure aura l’un de deux résultats. Nous aurons soit plus de détenus dans nos prisons provinciales, ce qui imposera une charge supplémentaire aux provinces et touchera en particulier les Autochtones, soit plus de délinquants qui bénéficieront de condamnations avec sursis ou de la probation, c’est-à-dire qui purgeront une petite partie de leur peine en prison, puis seront soumis à une longue période de probation. Toutefois, les outils dont nous disposons dans ces deux cas sont beaucoup moins efficaces que dans le cas de la condamnation à l’emprisonnement avec sursis.
Nous devons comprendre le contexte de cette affaire. Les juges avaient commencé à recourir au concept de l’emprisonnement avec sursis et ont imposé des conditions dans un certain nombre de cas. Des députés du Bloc ont précisé que l’une des conditions imposées pouvait être de ne pas consommer d’alcool chez soi. Quelques-unes de ces conditions, comme celle-ci, ayant été contestées en vertu de la Charte, les tribunaux supérieurs ont déclaré que les juges n’étaient pas habilités à agir ainsi puisque cela n’était prévu ni dans le Code criminel ni dans aucune autre loi.
La disposition appropriée a donc été ajoutée au Code criminel. Les juges ont alors dit qu’ils disposaient ainsi des outils nécessaires et qu’ils allaient élaborer, de concert avec le ministère public, la police, les avocats de la défense et les délinquants eux-mêmes, un ensemble précis de conditions tenant compte des circonstances particulières de chaque délinquant et conçues pour contrôler son comportement et l’encourager à essayer sérieusement de se réadapter.
Je m’inquiète de voir le gouvernement se précipiter ainsi en l’absence de toute étude. J’ai fait des recherches dans les milieux universitaires et n’ai trouvé aucune bonne étude de l’efficacité des condamnations à l’emprisonnement avec sursis. On peut trouver beaucoup de faits anecdotiques appuyant la thèse de l’efficacité de ces sentences. Nous savons par ailleurs que la population carcérale a sensiblement diminué au niveau provincial. De ce point de vue, ces sentences ont été efficaces car c’était l’un de leurs principaux objectifs. Nous ne connaissons cependant pas les taux de récidive. J’estime que nous devrions les avoir avant d’adopter ce projet de loi.
Tous les partis reconnaissent, je crois, que l’emprisonnement avec sursis ne devrait pas être permis dans le cas des crimes comportant une violence grave. J’espère que lorsque le comité nous renverra le projet de loi, cette disposition aura au moins été modifiée en ce sens. Je crois que le comité tiendra compte des préoccupations de la société, mais nous n’avons pas à aller plus loin et à éliminer un outil qui s’est révélé très efficace pour nos juges et nos procureurs.
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Monsieur le Président, c’est avec plaisir que je parlerai aujourd’hui des dispositions du projet de loi C-9, Loi modifiant le Code Criminel (emprisonnement avec sursis).
Le projet de loi met en oeuvre un des éléments centraux du programme touchant la justice pénale que le gouvernement a présenté aux Canadiens aux dernières élections. Depuis que le gouvernement précédent a donné la possibilité de prononcer des peines avec sursis, il y a près de dix ans, le public s’inquiète de plus en plus de la façon dont ces dispositions sont appliquées. Plus particulièrement, les Canadiens voient d’un très mauvais oeil que des délinquants violents puissent bénéficier de ce type de peine, y compris des récidivistes qui commettent des crimes contre les biens.
J’ai eu l’occasion de parler au service de police de Vancouver, la semaine dernière. Un individu qui a été condamné à 125 reprises est toujours admissible à une peine avec sursis. Nous voyons constamment des récidivistes bénéficier de ce type de peine.
Le gouvernement précédent nous a assurés que cela n’arriverait pas. En fait, en octobre 2005, mon prédécesseur a déclaré que les peines avec sursis seraient utilisées aux fins auxquelles elles sont destinées et non pas comme forme de détention à domicile ou de peine de ce genre dans les cas d’actes criminels graves et violents.
Comme le premier ministre l’a déclaré le 19 avril, à l’occasion d’un discours, à Winnipeg: « Il est tout simplement inadmissible de permettre à certains criminels qui ont été condamnés pour des infractions violentes graves, que ce soit des agressions sexuelles, des crimes à main armée ou des infractions liées à la drogue, de purger leur peine à domicile. » Voilà pourquoi le gouvernement a promis, pendant la campagne électorale, de mettre un terme aux peines avec sursis pour les crimes que les Canadiens jugent les plus graves et qui méritent un châtiment rigoureux et exemplaire. Le meilleur moyen d’établir quelles sont les infractions les plus graves, c’est de se reporter tout simplement au Code criminel et de voir ce qu’il définit comme des infractions graves.
Nous sommes déterminés à faire comprendre que les crimes graves seront sévèrement punis. À l’heure actuelle, les peines avec sursis, c’est-à-dire celles qui sont purgées dans la collectivité et plus souvent à domicile que dans un établissement correctionnel, sont une option que les juges peuvent choisir sous certaines conditions. Premièrement, la peine doit être de moins de deux ans. Deuxièmement, le tribunal doit être convaincu que, si le délinquant purge sa peine d’emprisonnement dans la collectivité, la sécurité du public ne sera pas en danger. Troisièmement, l’infraction ne doit pas être punissable d’une peine d’emprisonnement minimum. Quatrièmement, la condamnation d’un délinquant à une peine d’emprisonnement avec sursis doit être conforme aux objectifs et aux principes fondamentaux de la détermination de la peine tels qu’ils sont établis dans le Code criminel. Ces objectifs sont notamment l’exemplarité, la dissuasion et la séparation du délinquant de la société.
Ces critères ont été conçus pour faire en sorte qu'il ne puisse pas y avoir d'emprisonnement avec sursis dans les cas les plus graves ou les plus violents. Quand le gouvernement précédent a présenté cette option, il a donné l'assurance qu'elle ne serait pas appliquée aux auteurs de crimes graves ou violents.
Ces sanctions plutôt clémentes, surtout si on les compare à l'incarcération, ont toutefois été appliquées dans des cas d'infractions graves et violentes. Cela a causé beaucoup d'inquiétude dans les collectivités où les contrevenants ont purgé leurs peines. Les organismes d'application de la loi et les organisations d'aide aux victimes partagent cette inquiétude.
Dans l'important arrêt R. c. Proulx, la Cour suprême du Canada a reconnu que l'emprisonnement avec sursis pouvait être coûteux et être utilisé pour atteindre les objectifs que sont la dénonciation et la dissuasion, mais qu'il s'agit d'une peine habituellement plus clémente qu'une peine de prison de même durée. J'ajouterai simplement que cela est logique. Nous n'entendons pas souvent un avocat de la défense insister pour la prison au lieu de la détention à domicile. La Cour suprême a ajouté qu'il y avait des objectifs tels que la dénonciation et la dissuasion et qu'ils sont particulièrement pressants. Dans ces cas, l'incarcération sera généralement la sanction préférable.
Pour améliorer et renforcer le droit criminel et pour veiller à ce que les crimes graves soient sévèrement punis, le projet de loi contient un critère additionnel concernant l'emprisonnement avec sursis.
Cette condition interdit l'emprisonnement avec sursis dans le cas des infractions poursuivies par mise en accusation et passibles d’une peine maximale d’emprisonnement de dix ans ou plus aux termes du Code criminel, de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et d'autres lois fédérales. Cela engloberait, par exemple, la conduite en état d'ébriété causant des lésions corporelles, qui est passible d'une peine d'emprisonnement de dix ans, et la conduite avec facultés affaiblies causant la mort, qui est passible d'une peine d'emprisonnement à vie. L'organisme Les mères contre l'alcool au volant a souvent soulevé cette question auprès des députés. Le projet de loi vise à régler ce point.
Cet amendement couvrirait aussi les infractions graves en matière de drogue poursuivies par mise en accusation.
Quelles sont les autres infractions qui ne pourront plus faire l'objet d'un emprisonnement avec sursis quand ce projet de loi entrera en vigueur? Il y en a beaucoup, y compris des infractions contre les biens et des infractions contre l'administration de la justice, comme les vols de plus de 5 000 $, l'introduction par effraction avec l'intention de commettre un acte criminel, la contrefaçon, les fraudes de plus de 5 000 $, les pots-de-vin, les faux serments, les abus de confiance criminels, les vols, les incendies criminels et la contrefaçon d'argent.
Ces infractions s'ajoutent aux crimes graves contre la personne qui seront exclus du régime de condamnation avec sursis, notamment la négligence criminelle causant la mort ou des lésions corporelles, la conduite dangereuse d’un véhicule à moteur causant la mort ou des lésions corporelles, l'agression sexuelle donnant lieu à une poursuite par mise en accusation et l'agression sexuelle grave, l'enlèvement, l'agression armée causant des lésions corporelles, les voies de fait graves commises à l'aide d'explosifs, l'homicide, la tentative de meurtre, l'enlèvement et la prise d'otage. Toutes ces infractions, à l'heure actuelle, peuvent être passibles de détention à domicile.
C'est une longue liste d'infractions considérées comme graves par les Canadiens. Bien entendu, toutes ne bénéficient pas systématiquement de peines avec sursis, mais cela est arrivé assez souvent pour susciter l'inquiétude du public et du système de justice pénale.
Par exemple, en Ontario, pendant le dernier exercice financier, on a enregistré plus de 200 introductions par effraction dans un dessein criminel, plus de 300 fraudes de plus de 5 000 $ et 130 vols qualifiés. Un vol qualifié n'est pas un simple vol. Il implique l'usage de la violence ou la menace d'en faire usage. Trente-neuf infractions de voies de fait graves ont fait l'objet de peines avec sursis.
Il s'agit du genre d'infractions qui, selon le gouvernement précédent, ne bénéficieraient jamais d'une détention à domicile.
En Colombie-Britannique, selon les statistiques, 466 condamnations passibles de 10 ans ou plus d'emprisonnement ont bénéficié du sursis. Au Québec, on parle d'un peu plus de 1 000, pour la période allant du 1er octobre 2004 au 30 septembre 2005. En Saskatchewan, l'année dernière, 603 contrevenants, soit 61 p. 100 de tous ceux ayant écopé d'une condamnation avec sursis, avaient commis des infractions passibles de peines de dix ans ou plus.
Voici quelques exemples tirés d'un rapport préparé par le ministère de la Justice et du procureur général de l'Alberta et déposé auprès du Comité de la justice de la Chambre des communes en 2003. Il s'intitule La peine d’emprisonnement avec sursis: Le besoin de modifier la loi.
Dans la cause R. c. Hall, dont a été saisie la Cour d'appel de la Colombie-Britannique, le contrevenant a été trouvé coupable de voie de fait grave, d'agression armée, de possession d'arme à des fins dangereuses et de tentative d'entrave à la justice. Il a été condamné à 18 mois d'emprisonnement pour voie de fait grave, à purger concurrement avec deux peines de 12 mois pour chacune des infractions commises avec une arme et consécutivement avec une peine de trois mois pour la tentative d'entrave à la justice, toutes ces peines pouvant être purgées avec sursis, c'est-à-dire sans incarcération. La Couronne a appelé du jugement.
C'était une attaque en bande. La victime, un homme, a été encerclée; on s'est rué sur lui. Il a reçu un coup de couteau dans le dos. On l'a frappé dans le dos. Il a reçu un coup de poignard dans le bas du dos et est tombé à genoux. Regardant vers le haut, il a vu qu'un couperet à viande était pointé vers sa tête. Il a avancé les bras pour se protéger et, résultat de cela, son coude a été nettement coupé en deux. Un des os s'est déplacé sur son bras. Il a néanmoins réussi à s'enfuir et à obtenir de l'aide. On a appelé une ambulance. On l'a conduit à l'hôpital, où il a été opéré. Il a été hospitalisé plus d'une semaine.
Cela a eu des conséquences sur ses activités scolaires, tout comme ses activités sportives. Dans sa déclaration de la victime, il a décrit l'effet persistant que la blessure a eu sur sa vie et, indirectement, sur sa famille. La Cour d'appel a maintenu la peine avec sursis. Elle a estimé que la peine était plutôt clémente, sans être inappropriée.
Comme deuxième exemple, je vais mentionner l'affaire R. c. Poulin, cause entendue en Nouvelle-Écosse, dans laquelle le défendeur a été trouvé coupable d'avoir conseillé à quelqu'un de commettre un meurtre. Il a été condamné à une peine de deux ans de prison moins un jour et, encore une fois, la peine devait être purgée dans la collectivité sous certaines conditions. La Couronne a fait appel de la peine, faisant valoir que ladite peine ne respectait pas comme il convient les objectifs de dénonciation et de dissuasion, et que le juge n'avait pas suffisamment justifié la peine.
La Cour d'appel a jugé, après avoir étudié le procès-verbal et les plaidoiries des avocats, que le juge de première instance n'avait commis aucune erreur de principe et qu'on ne pouvait pas démontrer que la peine imposée, bien qu'elle se situe tout au bas de l'éventail acceptable, était inappropriée dans les circonstances. Pour avoir conseillé à quelqu'un de commettre un meurtre, cet individu a purgé sa peine à domicile. Dans cette affaire, le délinquant avait, au moins une fois, offert de l'argent pour faire tuer sa femme après s'être querellé avec elle.
Voici un dernier exemple. Il s'agit de l'affaire R. c. C. (W.M.) en Nouvelle-Écosse. En septembre 2002, le contrevenant, un médecin âgé de 57 ans exerçant dans une région rurale a été reconnu coupable d'attentat aux moeurs commis contre trois de ses patients âgés de 13 à 15 ans. Il a été trouvé coupable, étant donné qu'il occupait une position de confiance par rapport à ses patients, et le tribunal a dit qu'il n'avait « manifesté aucun remords ». La Couronne a requis une peine d'emprisonnement de trois à cinq ans. Le tribunal a prononcé une peine de 18 mois avec sursis à être purgée simultanément pour tous les chefs d'acusation, en invoquant comme circonstances atténuantes le fait que « les infractions n'avaient pas été accompagnées de violence ou de menaces de violence ». Cela dépasse l'entendement! Alors que ces enfants de 13 ans ont été maltraités par leur médecin traitant, le juge n'a rien trouvé de mieux à dire que cet homme, qui n'avait manifesté aucun remords, n'avait pas été violent ou qu'il n'avait pas proféré de menaces de violence.
Ce ne sont là que trois exemples d'utilisation inappropriée d'emprisonnement avec sursis qui ont fait tomber la peine en discrédit. En fait, les tribunaux considèrent que le sursis était applicable dans ces cas. Il appartient donc au Parlement de modifier la loi de manière à ce que de telles choses ne se produisent plus.
Mon ministère, en collaboration avec les responsables provinciaux et territoriaux, a recommandé plusieurs façons de limiter l'admissibilité à l'emprisonnement avec sursis. Parmi toutes les options examinées, le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui me semble l'approche la plus claire et la plus directe.
Cela dit, il y a quelques points que je tiens à signaler à mes collègues.
Premièrement, nombre de contrevenants qui auraient pu être admissibles à une condamnation avec sursis dans le passé purgeront leur peine en détention dans l'avenir, mais pas tous. Certains se verront imposer une condamnation avec sursis et probation. En effet, des contrevenants qui seraient actuellement admissibles à une condamnation avec sursis se verront probablement imposer une peine d'emprisonnement plus courte, par rapport à la condamnation avec sursis qu'elle remplace, suivie d'une période de probation de plusieurs mois.
Deuxièmement, cette modification vise uniquement les infractions punissables par voie de mise en accusation, et non celles qui sont punissables par procédure sommaire. Dans les cas des infractions mixtes, l’emprisonnement avec sursis ne sera exclu qu’à l’égard des infractions faisant l’objet d’une mise en accusation. Pour faire en sorte que la peine soit proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du délinquant, le système de justice devra se fier au jugement prudent de la police et des procureurs, et la procédure sommaire sera utilisée seulement dans les cas où cela convient, comme c’est actuellement le cas, puisque le ministère public a le choix entre les deux procédures.
Troisièmement, il est certain que les provinces et les territoires devront engager de plus lourdes dépenses pour construire des prisons et embaucher un plus grand nombre de procureurs et de personnel pour les services correctionnels. Il y a un prix à payer pour améliorer la protection du public et faire mieux respecter la loi. J’ai l’impression que la plupart des Canadiens accepteront qu’une partie de leurs impôts serve à garantir la justice, la paix et la sécurité dans notre société.
Les peines avec sursis sont parfois la solution qui convient, mais elles ne doivent pas être utilisées pour les infractions graves. Je suis convaincu qu’une utilisation judicieuse des ordonnances de sursis renforcera la confiance à l’égard de la sanction même et de l’administration de la justice.
On ne saurait exagérer l’importance de la confiance du public envers le système de justice pénale. La sécurité des foyers et des quartiers est l’une des caractéristiques du mode de vie des Canadiens. Jusqu’à ces dernières années, les Canadiens étaient fiers, à juste de titre, de leur sens de la collectivité, de la sûreté de leur société et de la sécurité des personnes. Il faut lutter contre la baisse récente mais répandue de la confiance du public envers le système de justice pénale en général et des procédures de détermination de la peine, de correction et de libération conditionnelle en particulier.
Ceux d’entre nous qui ont eu l’honneur d’être élus pour la 39e législature doivent agir pour renforcer chez les électeurs le sentiment de sûreté et de sécurité et leur confiance à l’égard des institutions qui ont été mises en place pour nous protéger tous. Voilà pourquoi le gouvernement a promis de présenter les réformes les plus complètes du système de justice pénale que le Canada ait jamais connues.
Les deux projets de loi que j’ai eu la fierté de présenter jusqu’à maintenant ne sont que le début d’une mission qui vise à transformer notre système de justice pénale. Dans les semaines et les mois à venir, mon collègue, le ministre de la Sécurité publique, et moi présenterons à la Chambre des communes beaucoup d’autres projets de loi et d'autres mesures qui contribueront à protéger les Canadiens respectueux des lois.
J’ai eu récemment l’honneur d’inaugurer la première Semaine nationale de sensibilisation aux victimes d'actes criminels. Le gouvernement du Canada prend au sérieux les problèmes des victimes. Il continuera de travailler pour leur donner une voix qui sera respectée dans les services correctionnels fédéraux et le système de justice et leur garantir l’aide et le soutien dont elles ont besoin.
Pour conclure, j’invite les députés à se joindre à moi pour appuyer le projet de loi à l’étude. Ensemble, nous pouvons garantir aux Canadiens la possibilité de vivre dans des quartiers et des localités sûrs, dans une société juste où règne la sécurité.
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Monsieur le Président, je le répète, c'est une question très importante qui touche tous nos électeurs et qui suscite énormément l'intérêt de la population depuis très longtemps. Comme nous le savons tous, nous devons mutuellement nous assurer que nos citoyens sont protégés, qu'il existe un bon programme de prévention, que nous travaillons avec les provinces et que nous avons un plan intégré de réinsertion sociale dans tout notre système pénal. De cette façon, nous pouvons nous assurer que ceux qui violent la loi ont les meilleures chances possibles de parvenir à une réadaptation.
Sur la question des peines minimales obligatoires, l'Association canadienne des chefs de police a adopté un point de vue très équilibré, fondé sur le travail effectué dans le cadre du projet de loi C-70 au cours de la dernière législature. S'il avait été adopté par la Chambre, des peines minimales obligatoires auraient été appliquées d'une façon raisonnable, en se fondant sur les peines minimales prévues en 1995.
Je vais citer ce que l'Association canadienne des chefs de police a déclaré. Je crois que c'est une façon très équilibrée d'aborder la question. Elle a dit ce qui suit:
L'ACCP appuie l'imposition pour certains crimes de peines minimales obligatoires qui vont dans le sens de la notion voulant que les crimes graves aient des conséquences graves. Nous appuyons également l'élimination des peines avec sursis pour les gens condamnés pour des infractions graves, tout en reconnaissant que les peines avec sursis ont leur place dans les principes de détermination de la peine sur lesquels doivent se fonder les juges.
On peut dire que l'Association canadienne des chefs de police a adopté un point de vue équilibré, en reconnaissant que des lignes directrices sur la détermination de la peine doivent être établies pour les crimes très graves, surtout les agressions, les infractions sexuelles et les infractions reliées au crime organisé. Si nous devions adopter une position équilibrée, comme la secrétaire parlementaire l'a mentionné durant son discours, nous nous assurerions alors que les tribunaux puissent s'appuyer dans le cas de détermination de la peine sur des lignes directrices leur permettant de protéger les citoyens d'un groupe relativement peu nombreux d'individus qui sont responsables de la majeure partie des crimes commis dans notre société.
Lorsqu'on parle aux policiers dans n'importe quelle collectivité, ils nous disent en général qu'il y a un certain groupe d'individus dans chaque collectivité qui ne cessent de commettre des infractions, qui se fichent éperdument de la loi et qui, bien souvent, reviennent sans cesse devant les tribunaux. C'est tout à fait exaspérant pour nos policiers en première ligne et, chose certaine, pour les victimes de ces individus. Une bonne part de ces derniers n'ont aucun respect pour la loi et la violent constamment sachant fort bien que les tribunaux n'imposent pas souvent les peines nécessaires à ces individus qui commettent tous ces crimes.
Cela dit, nous serions mal avisés d'imposer des peines minimales obligatoires aux délinquants qui commettent une première infraction et qui bénéficient de circonstances atténuantes. Même si ces situations sont rares, les tribunaux devraient conserver suffisamment de souplesse pour ne pas que ces personnes soient simplement jetées en prison, où elles purgeront une peine très longue malgré l'existence de facteurs atténuants. Voici un exemple.
On a examiné des données recueillies dans certaines régions du monde concernant l'imposition de peines minimales obligatoires à des personnes qui ont été reconnues coupables de possession à plusieurs reprises. Ces données ont révélé que les peines minimales obligatoires ne découragent pas l'utilisation de drogues. Au contraire, le taux de récidive a augmenté de 3. p. 100 chez ces délinquants. Dans ces cas, les peines minimales obligatoires n'ont fait qu'empirer les choses.
Comme ce n'est pas le but que nous recherchons, j'invite le ministre de la Justice à examiner les faits. Nous disposons d'énormément d'information sur cette question, parce que beaucoup de pays occidentaux s'intéressent de près à ce type de peines. J'invite le ministre à examiner cette information. Je sais que son ministère possède une grande partie de cette information car c'est lui qui nous l'a fournie. Je crois qu'il serait sage et prudent de nous pencher là-dessus.
Le ministre pourrait aussi envisager les lignes directrices relatives à l'imposition de la peine d'une autre façon. Dans certains pays, les procureurs se sont servis de ces lignes directrices afin d'encourager certaines personnes à devenir des informateurs. Ces derniers sont très importants. Ils aident les agents de police à poursuivre les magnats du crime organisé.
Les activités criminelles organisées sont un grave problème au Canada. C'est malheureux mais, pour diverses raisons, le Canada est un lieu de prédilection pour les organisations criminelles. Le ministre de la Justice de l'ancien gouvernement a établi des peines plus strictes à l'intention des organisations criminelles. Bon nombre de ces peines sont très intéressantes. Je vais en donner quelques exemples.
Nous avons rendu plus strictes les dispositions dites RICO qui portent sur les peines prévues pour les organisations corrompues et frauduleuses. Pour vraiment s'en prendre aux organisations criminelles, il faut s'en prendre à leur argent. En s'attaquant aux structures financières des organisations criminelles, on s'attaque au coeur même de leurs activités, à leur moyen de subsistance, au moteur de ces organisations. Nous avons rendu plus strictes les dispositions RICO afin de pouvoir saisir les produits de la criminalité.
Auparavant, si quelqu'un était reconnu coupable d'avoir participé à des activités du crime organisé, c'était à la Couronne de prouver d'où venait l'argent. Nous avons renversé le fardeau de la preuve de telle sorte que les personnes qui ont été reconnues coupables doivent prouver qu'elles ont obtenu leur argent de façon légale, faute de quoi les tribunaux peuvent le saisir. Cet outil très intéressant et très puissant permet aux tribunaux de s'attaquer aux structures financières du crime organisé.
Il faut aussi faire autre chose. J'aimerais parler d'un gros problème: la toxicomanie. Le premier ministre a très clairement dit qu'il estime que la toxicomanie est un problème de moralité. Il déplore le fait que la société ne sanctionne pas plus sévèrement les toxicomanes.
La toxicomanie n'est pas un problème judiciaire, mais bien un problème médical, et c'est ainsi qu'il faut la considérer. Si nous nous bornons à sévir contre les toxicomanes, ou que nous adoptons une approche judiciaire à leur égard, nous allons simplement aggraver la situation. Nous allons accroître le degré de criminalité parmi eux, mais nous ne toucherons certainement pas au coeur du problème. Les toxicomanes sont habituellement des cas de diagnostic mixte. Nombre d'entre eux sont atteints aussi d'un problème d'ordre psychiatrique. La combinaison des troubles mentaux et de la toxicomanie est un véritable poison. Les deux maux s'alimentent l'un l'autre et constituent une tragédie pour les personnes qui en souffrent.
Monsieur le Président, vous avez pu le constater dans votre milieu comme nous l'avons tous constaté dans les nôtres. Parmi les sans-abri qui errent dans les rues se trouvent nombre de toxicomanes, de malades psychiatriques et de personnes souffrant des deux problèmes. Nous ne nous y prenons pas intelligemment dans ce dossier. J'ai été consterné et découragé la semaine dernière d'entendre le premier ministre dire, alors qu'il était de passage à Victoria, qu'il allait interrompre l'application de la stratégie de réduction des méfaits, à laquelle nous avions recours dans l'est de Vancouver. Cette stratégie a sauvé beaucoup de vies. Il dit qu'il faut étudier la question davantage.
Pourtant, les études ont déjà eu lieu, et leurs résultats sont très convaincants. Des vies ont été sauvées. On observe une diminution des taux d'infection au VIH, à l'hépatite C et à l'hépatite B. Si le premier ministre veut sauver des gens vivant dans des conditions qu'aucun d'entre nous ne voudrait avoir à supporter, il devrait s'appuyer sur les faits, oublier sa moralité et envisager la question sous l'angle des vies que l'on peut sauver et des méfaits que l'on peut réduire. Si c'est ce qu'il souhaite, il devrait étendre l'expérience de l'est de Vancouver à d'autres endroits au Canada. Ailleurs au pays, dans les milieux où l'on est aux prises avec le problème de la toxicomanie, on aurait besoin d'adopter ces programmes. Le premier ministre et le ministre de la Justice doivent donner le feu vert à ces programmes.
À Victoria, en Colombie-Britannique, le directeur de la santé, le docteur Richard Stanwick, a mis en place une stratégie de réduction des méfaits très complète et très intéressante à partir des travaux réalisés à Francfort et dans d’autres régions d’Europe. Ces expériences montrent très clairement que pour réduire la toxicomanie, il faut adopter une approche globale. Si nécessaire, le toxicomane devrait avoir accès à un site d’injection supervisé ainsi qu’à la drogue. Cela risque de déplaire à certains, mais si nous ne lui donnons pas la drogue, le toxicomane se livrera à des activités criminelles et nous n’aurons pas résolu un élément très important de la problématique. C’est une idée que certaines personnes auront du mal à avaler, mais si elles y réfléchissent bien et de façon logique plutôt que moralisatrice, elles verront que c’est la solution.
Si nécessaire, l’intéressé devrait avoir accès à un site d’injection supervisé ainsi qu’à la drogue dont il a besoin. Il faudrait que ce soit accompagné, au besoin, d’un service de counseling et d’une aide psychiatrique en raison du double diagnostic dont j’ai parlé tout à l’heure. La personne en question a également besoin d’une formation professionnelle et d’un emploi.
Les syndicats feraient mieux de ne pas mettre leur nez là-dedans et de ne pas essayer d’imposer leur volonté, car c’est une question de vie ou de mort pour ces personnes. Le travail faisait partie intégrante du programme de traitement des toxicomanes. Le travail a donné aux participants aux programmes un sens de l’ordre et de la discipline qu’ils n’avaient jamais eu avant. Il les a valorisés et leur a ouvert d’autres éléments de leur programme de traitement qui devaient se poursuivre pendant une période prolongée.
Il s’agit d’un programme intégré et il fonctionne. Il faut pour cela que le ministre de la Justice donne le feu vert. J’exhorte le ministre de la Justice et le premier ministre à donner le feu vert à Victoria et aux autres régions du pays. Je leur demande de ne pas empêcher ces programmes de fonctionner. Ils s’apprêtaient à empêcher la mise en place de programmes de réduction des méfaits au Canada. S’ils le faisaient, ils signeraient l’arrêt de mort des gens qui vivent dans la rue. Cela augmenterait l’incidence de l’hépatite C, de l’hépatite B et du VIH. Ce n’est certainement pas ce qu’ils souhaitent, mais c’est exactement ce qui se passerait s’ils ne donnaient pas immédiatement le feu vert à ces programmes.
Il y a bien des gens dans la rue qui seront morts d’ici un an si ces programmes ne sont pas maintenus ou mis en place. J’exhorte le gouvernement à permettre la poursuite de ces programmes. C’est une question fondamentale d’humanité et de justice.
J’ai un certain nombre d’autres idées à soumettre au ministre de la Justice. L’Association canadienne des chefs de police a formulé une série de recommandations en août 2005. Elles contiennent des solutions très pertinentes, des mesures qui permettraient aux policiers de faire leur travail aussi efficacement qu’ils le font maintenant. Je le répète, nous leur sommes profondément reconnaissants de leur travail. Ils risquent leur vie pour garantir notre sécurité à tous. Ils ont besoin d’établir un cadre policier intégré et des programmes de communication radio compatibles. Notre ancienne vice-première ministre travaillait là-dessus. Le ministre de la Justice serait bien avisé de continuer à appliquer ce programme.
Nous devons aussi appuyer le Programme Jetway de la GRC. Ce programme de formation a été un moyen extrêmement efficace d’aider les agents de la GRC à identifier les criminels et à saisir les produits du crime.
Il y a encore la question très importante des empreintes digitales, plus particulièrement pour les infractions punissables par voie de mise en accusation. Si une personne est inculpée d’un acte criminel et n’accepte pas qu’on prenne ses empreintes digitales, les autorités qui l’ont arrêtée peuvent soit la libérer, soit l’emprisonner. C’est ridicule. Il s’agit là d’une grave entrave à la justice qui empêche la comparution et les poursuites. Il est très important qu’on prenne les empreintes digitales.
Je propose aussi au ministre de la Justice de collaborer avec ses homologues provinciaux pour trouver le moyen d’informer les pompiers lorsqu’ils doivent intervenir dans une maison où on soupçonne des activités de culture de la marijuana ou de fabrication de méthamphétamine en cristaux. Pour l’instant, les pompiers se rendent dans ces maisons sans savoir ce qui les attend. Ils s’exposent à des dangers mortels, car ces maisons sont souvent piégées. Je comprends qu’il y a ici des questions de respect des renseignements personnels, mais la vie des pompiers est plus importante que la vie privée des personnes qui, peut-être, fabriquent de la méthamphétamine en cristaux ou cultivent de la marijuana.
Ce serait fort simple. J’exhorte le ministre de la Justice à collaborer avec le commissaire de la GRC, M. Zaccardelli, et ses homologues provinciaux pour trouver une formule permettant aux pompiers d’appeler rapidement la station locale de la GRC ou de la police pour savoir s’ils risquent de trouver une culture de marijuana ou un laboratoire de fabrication de méthamphétamine en cristaux. C’est ce qu’exigent le principe de la diligence raisonnable et la justice, et nous sauverions la vie de pompiers qui nous protègent.
Le gouvernement a supprimé le programme d'éducation préscolaire que nous avions mis au point. Il a été démontré que le programme Bon départ pour les enfants, grâce auquel les besoins essentiels des enfants peuvent être assurés, est une mesure efficace de prévention de la criminalité. Le bilan de 25 années de programmes Bon départ permet de constater une diminution de 50 à 60 p. 100 de la criminalité juvénile. Imaginez. De tels programmes ont été mis en oeuvre à Moncton, au Nouveau-Brunswick, et à Ypsilanti, au Michigan, de même qu'à Hawaï.
J'ai financé mes études en occupant un emploi de gardien dans une prison à sécurité maximale. Il y avait une forte incidence du syndrome d'alcoolisation foetale au sein de la population carcérale. On estime que 40 à 50 p. 100 des détenus souffrent de ce syndrome et de l'effet de l'alcool sur le foetus. Le syndrome d'alcoolisation foetale est la principale cause de lésions cérébrales congénitales évitables au Canada. Ses victimes ont souvent un quotient intellectuel aussi bas que 70 et connaissent beaucoup de problèmes d'intégration sociale. Le syndrome d'alcoolisation foetale est irréversible, mais il est évitable.
Le syndrome d'alcoolisation foetale pourrait être évité si tous les futurs parents étaient sensibilisés à ce danger avant de procréer. Imaginez les économies réalisables pour le système de santé. Imaginez la diminution de la population carcérale. Le syndrome d'alcoolisation foetale et l'effet de l'alcool sur le foetus sont évitables. Les ministres de la Justice et de la Santé devraient s'attaquer au problème, car des mesures simples, logiques et rentables peuvent être mises en oeuvre pour empêcher cette maladie de frapper.
Les victimes du syndrome d'alcoolisation foetale sont souvent marginalisées à l'école en raison de leurs capacités mentales réduites et de leurs difficultés psychologiques. Imaginez que cela ne puisse plus se produire. Ces enfants auraient une occasion inestimable de s'intégrer à la société.
Si les ministres de la Justice et de la Santé examinaient le programme Bon départ, s'ils tiraient parti du programme d'éducation préscolaire élaboré par mon parti, la société canadienne leur en serait redevable. Les taux de criminalité juvénile et de grossesse chez les adolescentes diminueraient. Les enfants resteraient plus longtemps à l'école. Ils seraient par le fait même moins dépendants des programmes sociaux.
J'ai préparé certaines solutions constructives et j'espère que le ministre les examinera. L'ancienne secrétaire parlementaire avait déjà proposé des solutions judicieuses sur les peines minimales obligatoires et présenté les résultats de nos travaux sur l'ancien projet de loi C-70. Nous espérons que nous pourrons élaborer un projet de loi qui servira adéquatement les Canadiens et qui aidera nos agents de police tout en réduisant la criminalité au sein de la société.
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Monsieur le Président, c'est un privilège pour moi de prendre la parole aujourd'hui au sujet du projet de loi C-9, Loi modifiant le Code criminel en ce qui concerne l'emprisonnement avec sursis.
Comme le ministre de la Justice et procureur général du Canada l'a mentionné plus tôt, par ce projet de loi, le gouvernement remplit une promesse et respecte l'engagement d'éliminer la possibilité d'emprisonnement avec sursis dans le cas des crimes graves, dont les infractions désignées à caractère violent ou sexuel, les infractions relatives aux armes, les infractions graves liées à la drogue, les infractions contre les enfants et la conduite avec facultés affaiblies causant la mort ou des blessures graves. C'est une préoccupation majeure du chapitre local de MADD, Les mères contre l'alcool au volant, dans ma circonscription et ma localité.
De plus, le projet de loi créerait une condition supplémentaire à remplir avant de songer à imposer une peine avec sursis. En effet, il ne serait plus possible d'imposer une telle peine dans le cas d'infractions passibles d'une peine maximale d'emprisonnement de dix ans ou plus qui seraient poursuivies par mise en accusation. La nouvelle mesure exclurait d'emblée les infractions graves, dont les infractions graves de violence en vertu du Code criminel ainsi que les infractions graves liées à la drogue en vertu de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.
Par cette réforme du régime d'emprisonnement avec sursis, le gouvernement cherche à limiter l'application de cette mesure aux seuls cas auxquels elle était censée s'appliquer. À ce propos, j'attire l'attention des députés sur les propos tenus en 1994 par le ministre de la Justice et procureur général du jour, l'honorable Allan Rock, à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi C-41, qui instituait l'emprisonnement avec sursis à titre de peine de substitution:
Il me semble que cette façon de faire permettra de mieux protéger la population en cherchant à isoler les délinquants plus dangereux de la collectivité, tout en prévoyant que les délinquants moins dangereux puissent purger leur peine dans la collectivité, grâce à des services communautaires efficaces, tout en respectant les conditions qui leur sont imposées.
Et le ministre d'ajouter:
Les prisons seront là pour ceux qui en ont besoin, ceux qui devraient être punis de cette façon ou exclus de la société [...]
En juin 2003, le ministère albertain de la Justice et du Procureur général a élaboré, au nom de la Colombie-Britannique, du Manitoba, de l'Ontario et de la Nouvelle-Écosse, un document intitulé « The Conditional Sentence of Imprisonment: The Need for Reform », document dont le Comité permanent de la justice et des droits de la personne s'est servi pendant la 37e législature dans le cadre de son étude de la question de la peine avec sursis.
Selon le document, les peines avec sursis constituent un instrument approprié et efficace pour le tribunal dans de nombreux cas, mais le comité s'inquiète qu'on permette de purger une peine dans la communauté dans le cas d'infractions comportant de graves actes de violence ou des actes criminels graves contre des biens.
Les provinces qui ont contribué au document ont regretté qu'on accorde trop souvent le sursis dans des cas de crimes graves, comme des crimes graves avec violence, des agressions sexuelles et des infractions similaires, la conduite avec facultés affaiblies, la conduite dangereuse et la négligence criminelle entraînant la mort et des lésions corporelles graves.
Parmi les possibilités de réforme qui ont été avancées, je mentionne l'interdiction du sursis pour les infractions de ce type ou une présomption réfutable de refus du sursis dans le cas de ces infractions graves.
Le 25 janvier 2005, les ministres de la Justice du gouvernement fédéral, des provinces et des territoires ont affirmé que les peines avec sursis constituaient un instrument approprié pour le tribunal, mais, en outre, ils ont exprimé la nécessité de réformes opportunes afin de cerner les limites pertinentes à l'utilisation du sursis, en particulier dans les cas de crimes graves avec violence.
Il y a maintenant un nouveau gouvernement et il est résolu à protéger nos familles et nos collectivités. Une des façons d'y parvenir est de veiller à ce que les peines avec sursis soient utilisées de la façon prévue à l'origine, c'est-à-dire, dans le cas d'infractions moins graves commises sans circonstances aggravantes.
Je reconnais que les peines avec sursis peuvent représenter un instrument approprié pour le tribunal dans de nombreux cas, mais pour les infractions très graves, particulièrement les infractions graves avec violence. Je suis persuadé que l'utilisation plus appropriée des ordonnances de sursis renforcera la confiance de la population dans l'administration de la justice et les sanctions que celle-ci impose.
En unissant les efforts de tous les ordres de gouvernement, des services de police et, bien sûr, des habitants de nos collectivités, nous pouvons avancer sur la voie d'une société plus sûre pour nous-mêmes et nos familles.
Je crois que les députés estimeront que c'est un mythe, ou au mieux une propagande politique, de dire que les partis d'en face veut prévenir et que notre gouvernement veut seulement punir. À mon avis, parmi les raisons qui expliquent notre position, il y a l'affaiblissement du système de justice et l'indulgence envers les criminels qui ont conduit à un accroissement de la criminalité.
L'approche de notre nouveau gouvernement sera visible et elle sera concrète. Conformément à notre plateforme électorale, nous allons rendre les rues plus sûres à St. Catharines et dans tout le Canada. C'est là une de nos principales priorités.