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Monsieur le Président, je suis heureux de participer au débat sur le projet de loi .
Un certain nombre de députés, lorsqu'ils entendent parler de recyclage des produits de la criminalité, se souviennent peut-être des discussions qu'ils ont eues à cet égard, que ce soit au sujet de l'économie souterraine ou du crime organisé. En fait, je viens de recevoir un rapport du Secrétariat de la construction de l'Ontario, qui a calculé que l'activité économique souterraine dans le secteur de la construction a fait perdre au gouvernement fédéral et à la province environ 1,3 milliard de dollars de recettes.
Ce problème existe depuis quelque temps. Beaucoup de gens ignorent probablement comment fonctionne le recyclage des produits de la criminalité. Si quelqu'un est payé sous la table, il reçoit l'argent de quelque part, mais cet argent n'est pas inscrit dans les livres parce qu'il doit être versé à quelqu'un d'autre. Il n'est pas déclaré, un feuillet T4 n'est pas remis et aucune autre sorte de paiement n'est indiqué, de sorte qu'on peut éviter de payer de l'impôt sur cet argent.
Lorsque les événements de 11 septembre se sont produits, tout à coup, toute cette question, y compris le crime organisé, a fait l'objet d'une énorme attention. Elle a mené à l'élaboration de la Loi antiterroriste. Elle a également conduit à la création d'une grande variété d'organismes judiciaires et d'organismes gouvernementaux chargés d'examiner les aspects liés au financement des terroristes.
Je voudrais rendre hommage au Sénat du Canada, ce que nous ne faisons pas assez souvent ici. En mai et juin derniers, le Sénat a mené un examen spécial et a présenté un rapport provisoire sur la question dont nous sommes actuellement saisis. Le rapport s'intitule Comment endiguer l'hémorragie de l'argent illicite: Une priorité pour le Canada. Il s'agit d'un examen parlementaire de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes.
De façon générale, lorsque j'examine un rapport, je lis l'introduction et la conclusion pour savoir de quoi il retourne. Dans l'introduction, le paragraphe suivant a attiré mon attention; il dit:
Les témoins n’ont pas été en mesure de fournir au Comité une estimation cohérente ou précise des sommes qui sont blanchies chaque année ou des pertes qu’entraînent le blanchiment d’argent et le financement des activités terroristes, mais nous croyons qu’elles s’expriment en dizaines de milliards de dollars. Il ne faut pas non plus oublier leur coût non économique, c'est-à-dire ce qu’elles nous coûtent sur les plans humain et sociétaire. À n’en pas douter, le coût de ces activités est gigantesque, et nous devons faire en sorte que, dans l’intérêt de ses citoyens et des citoyens du monde entier et dans l’intérêt du commerce légitime, le Canada se dote du meilleur régime de lutte au blanchiment d’argent et au financement des activités terroristes possible tout en assurant la protection de la vie privée.
Ce paragraphe de l'introduction résume vraiment nombre des détails dont les députés ont parlé jusqu'à maintenant.
J'ai dit, au début de mon intervention, que je lis l'introduction et la conclusion de tout rapport. En l'occurrence, je voulais prendre rapidement connaissance de la conclusion. Je constate, d'après la liste des témoins, que le rapport embrasse un large éventail de secteurs. Finances Canada, Justice Canada et Sécurité publique et Protection civile Canada ont comparu devant le comité, tout comme le surintendant des institutions financières et le Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada, communément connu sous le nom de CANAFE. Durant le présent débat, nous allons beaucoup entendre ce nom. C'est un établissement qui s'occupe des opérations et des rapports financiers. La Gendarmerie royale du Canada a comparu, à l'instar de l'Agence des services frontaliers du Canada, du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada , du Commissariat à l'information du Canada , de l'Association des banquiers canadiens, de l'Association des comptables généraux accrédités du Canada, de l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes et de la Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada.
Les Canadiens doivent savoir que, lorsque la Chambre ou le Sénat effectuent une étude, nous sommes en mesure d'assurer la participation de certains des plus grandes autorités sur la question. Ces gens seront en mesure non seulement de faire le point sur le sujet et d'en tracer l'évolution , mais également de nous expliquer comment réagir puisque les terroristes et ceux qui financent leur activité, comme des virus, ont la capacité de se transformer. Ils deviennent donc des cibles mobiles. Puisque les terroristes et ceux qui les financent évoluent dans leur façon de fonctionner, il est critique pour nous de connaître les techniques et les tendances en matière de financement du terrorisme. Au nom du Parlement du Canada, le Sénat a rendu un très grand service en effectuant ses consultations et en publiant son rapport.
Avant de passer à certaines de nos recommandations, j'aimerais rappeler la conclusion de l'excellent rapport du Sénat. Certains députés voudront peut-être l'intégrer à leur bulletin parlementaire. Le rapport est excellent. Il informe les Canadiens du fait que ce sont là des questions d'une importance considérable que les parlementaires doivent traiter en leur nom. Voici donc ce qu'on peut y lire:
À titre de partenaire mondial de la sécurité internationale et de membre de différentes tribunes internationales, le système canadien de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme doit non seulement répondre aux besoins internes, mais aussi remplir certaines obligations internationales raisonnables. Les crimes associés au blanchiment d’argent et au financement du terrorisme (fraude, détournement de fonds, trafic de drogues et d’armes, etc.) ont des effets nocifs sur les plans humain, social et économique et des conséquences à l’échelle nationale et internationale.
Le Comité estime que le Canada devrait être un exemple à l’échelle mondiale -- surtout au moment où il assume la présidence du Groupe d’action financière sur le blanchiment d’argent en juillet 2006 et où il doit faire l’objet d’une évaluation mutuelle par le Groupe de travail en 2007 --
Et, plus loin:
Ce système doit respecter plusieurs principes: les entités et les individus appropriés doivent être tenus rendre des comptes; il faut signaler les types et la valeur des opérations financières appropriées; et il faut maintenir l’équilibre appropriée entre les besoins d’information des organismes de police et du renseignement, pour qu’ils puissent faire leur travail avec efficacité et efficience, et les droits des Canadiens en matière de protection de la vie privée.
Les députés ont déjà entendu cela. Dans quels cas faut-il maintenir l'équilibre entre les enjeux relatifs à la protection de la vie privée et des problèmes comme le financement du terrorisme? On a constaté des cas où cela pose certains problèmes. Le comité sénatorial a formulé dans son rapport certaines recommandations concernant cette recherche nécessaire de l'équilibre. Les recommandations ne figurent pas dans le rapport mais sont affichées sur le site web. Je vais signaler certaines de celles qui sont les plus critiques.
La première recommandation consiste à obliger les vendeurs de diamants, de pierres et de métaux précieux à signaler les opérations douteuses supérieures à 10 000 $. La GRC a signalé que, à mesure que les modes habituels de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme deviennent moins intéressants, d’autres méthodes deviennent plus attrayantes: c’est le cas des diamants, des pierres et des métaux précieux. Nous nous sommes toujours préoccupés des espèces, mais d'autres objets de valeurs sont vulnérables à ces activités criminelles.
La deuxième recommandation porte sur l'élargissement de l'échange bilatéral d'information. On a souvent soulevé cette question à d'autres égards aussi, même en ce qui concerne la sécurité sur la Colline du Parlement, entre le Sénat et la Chambre des communes. Le comité a recommandé que le CANAFE ne se contente pas de fournir davantage de renseignements à des agences gouvernementales telles que la GRC, mais qu'il indique aux entités déclarantes l'utilité des renseignements qu'elles lui fournissent. La vérificatrice a fait la même recommandation dans son rapport de 2004.
Le comité du Sénat a aussi recommandé que les organismes d'application de la loi et l'industrie s'entendent pour déterminer les risques que posent les guichets automatiques privés, ceux qui n'appartiennent pas aux banques et ne sont pas exploités par celles-ci. On craint que des propriétaires ou des exploitants de guichets automatiques privés ne saisissent cette occasion de blanchir des capitaux en approvisionnant ces appareils en espèces.
La quatrième recommandation est la suivante: que le CANAFE ne puisse fournir de renseignements qu’aux services de renseignements financiers de pays dotés d’une législation sur la protection des renseignements personnels compatible avec la Loi sur la protection des renseignements personnels du Canada. Nous voulons en quelque sorte la réciprocité, c'est-à-dire que les pays avec lesquels nous faisons affaire offrent des protections semblables aux nôtres.
La cinquième recommandation consiste à donner au Parlement un pouvoir accru en ce qui concerne l'examen des activités du CANAFE. Actuellement, le CANAFE rend des comptes au ministre des Finances et présente un rapport annuel à l'automne. Cette question est trop importante pour qu'on se contente d'attendre la présentation d'un rapport annuel. Il y a lieu d'exiger un examen parlementaire plus fréquent des activités du CANAFE.
Cela donne à mon avis une assez bonne idée de la question. Ce projet de loi remonte en réalité à la dernière législature. Le gouvernement libéral avait commencé à préparer ce projet de loi et nous en sommes maintenant saisis. Bien sûr, personne ne conteste qu'il s'agit d'un projet de loi important que la Chambre des communes et l'autre endroit doivent examiner dans les meilleurs délais, pour que ces dispositions soient adoptées et que nous puissions faire ce qui s'impose.
Je constate que l'agence du renseignement financier du Canada a rapporté des cas présumés de blanchiment d'argent et de financement terroriste totalisant 5 milliards de dollars l'an dernier. C'est plus que le double du montant de l'année précédente et, de cette sommes, 256 millions de dollars seraient rattachés à des cas présumés d'activités terroristes. C'est une hausse considérable. Voilà pourquoi il est important d'agir rapidement. Ces activités sont de plus en plus complexes et sont en constante évolution. Nos lois et les outils dont disposent nos institutions financières, nos organismes gouvernementaux et nos autorités policières, entre autres, doivent être aussi souples que possible tout en maintenant un certain équilibre et en respectant le droit à la protection de la vie privée des Canadiens.
Les 143 rapports que le CANAFE a faits aux organismes d'application de la loi n'ont entraîné aucune condamnation. Dans son rapport de 2004, la vérificatrice générale a indiqué qu'une meilleure communication entre les organismes d'application de la loi aiderait dans les enquêtes sur ces activités suspectes. Le projet de loi dont nous sommes saisis, le projet de loi , prévoit les pouvoirs nécessaires. Les députés seront probablement quelque peu préoccupés d'apprendre que les 143 rapports du CANAFE n'ont entraîné aucune condamnation.
Le projet de loi à l'étude, le projet de loi , compte sept grands objectifs. Je n'aurai pas la possibilité de tous les aborder, mais peut-être pourrais-je les résumer rapidement.
Le premier objectif consiste à améliorer les mesures relatives à l’identification des clients et à la tenue de documents qui incombent aux institutions financières et aux intermédiaires financiers.
Le deuxième consiste à déclarer les tentatives de transactions louches. Je préciserai que tous les organismes qui font des déclarations rapportent actuellement les transactions louches, mais ils devront maintenant rapporter les tentatives de transactions. La différence est subtile, mais les experts qui ont témoigné devant le comité semblent croire que cette mesure donnera une plus grande marger de manoeuvre, car on disposera de plus d'information.
Le troisième point est le régime d’enregistrement pour les entreprises de transfert de fonds et les bureaux de change. Les modifications proposées mettraient en place un régime fédéral d'enregistrement pour les personnes et les entités qui effectuent des transferts de fonds ou des opérations de change.
Le quatrième aspect du projet de loi est l'amélioration des renseignements contenus dans les communications du CANAFE. Comme l’a recommandé la vérificatrice générale dans son rapport de 2004 et à la demande des organismes d’application de la loi, les modifications proposées améliorent les renseignements que le CANAFE peut communiquer aux organismes d’application de la loi et aux agences de sécurité concernant leurs soupçons en matière de recyclage des produits de la criminalité ou de financement d’activités terroristes.
La cinquième partie porte sur la création d’un régime de sanctions administratives et pécuniaires. À l’heure actuelle, la loi ne prévoit que des peines criminelles graves en cas de contravention. Cela découle aussi d'une recommandation de la vérificatrice générale.
Le sixième élément vise la réinstauration des exigences à l’égard des conseillers juridiques Le gouvernement travaille de concert avec la profession juridique, y compris les notaires du Québec, afin de finaliser les exigences visant l’identification des clients, la tenue de documents et les procédures de conformité interne applicables aux conseillers juridiques lorsqu’ils agissent à titre d’intermédiaires financiers. Ce projet de loi élimine l’obligation pour un conseiller juridique de soumettre des rapports de transactions douteuses ou tout autre rapport de transaction prescrit.
Le septième aspect porte sur l'élargissement du partage d’information entre les ministères et organismes fédéraux, notamment l’Agence des services frontaliers du Canada, la GRC et ainsi de suite.
Ceci étant dit, ceux qui ont préparé le projet de loi et qui parlent aujourd'hui en sa faveur sont d'avis que les institutions financières devraient appuyer le projet de loi. Il ne limitera d'aucune façon notre capacité, en tant qu'intervenants intéressés, de protéger les biens et de protéger tous les Canadiens. Le caucus libéral appuiera certainement le projet de loi à l'étape de la deuxième lecture et espère qu'il sera adopté sans délai.
Je vais conclure en répétant quelques points qui préoccupent les libéraux au sujet du projet de loi mais qui, selon moi, peuvent être examinés par le comité. Le premier point est la question de savoir si la portée de cette mesure législative devrait être élargie de façon à inclure non seulement l'argent, mais aussi des articles de valeur tels que les bijoux, les diamants, etc., qui ne sont pas visés par le projet de loi. Le comité sénatorial a recommandé que ces biens soient inclus. À mon avis, une telle mesure devrait être sérieusement envisagée par le comité des Finances, lorsque celui-ci aura l'occasion d'étudier le projet de loi . Il devrait reconnaître la pertinence des témoignages entendus par le comité sénatorial et, évidemment, le fond de la recommandation faite par ce comité en ce qui a trait à ces articles de valeur.
Le deuxième point qui nous préoccupe est la question du secret professionnel. Il faut se demander si ce privilège est établi d'une façon tellement stricte dans le projet de loi que nous ne pouvons pas profiter de renseignements que détiennent les juristes et qui pourraient aider la société à retracer ceux qui financent le terrorisme et recyclent de l'argent. C'est un domaine très complexe que je connais mal. Nous savons que les parlementaires ne peuvent être des spécialistes dans tous les domaines, mais nous avons certainement les outils et les ressources nécessaires afin que le comité puisse entendre des témoins experts qui pourront nous dire si c'est le genre de mesure que l'on peut prendre sans compromettre les principes de confidentialité énoncés dans nos dispositions législatives sur la protection des renseignements personnels.
Enfin, l'élément le plus fondamental est probablement toute la question de l'équilibre entre, d'une part, la nécessité de réagir plus fermement et de dépister ceux qui financent le terrorisme et recyclent de l'argent et, d'autre part, la nécessité de protéger les droits de la personne et la vie privée. Je crois que le projet de loi a faussé cet équilibre et qu'il faudra renforcer d'autant les mesures de protection de la vie privée.
Encore une fois, le projet de loi semble vouloir s'attaquer d'une manière peut-être un peu trop forte à ceux qui financent le terrorisme, au point d'avoir des conséquences involontaires ou non intentionnelles en heurtant indûment les principes de protection des renseignements personnels. Nous devons étudier cet aspect d'une manière beaucoup plus approfondie. Il s'agit d'un principe important, et j'espère que tous les députés en conviennent. Nous devons nous assurer d'avoir un équilibre approprié. Nous devons nous servir de tous les outils et de toutes les ressources à notre disposition afin que le comité parlementaire puisse entendre des spécialistes qui nous fourniront l'information dont nous avons besoin pour, conformément à notre prière, adopter de bonnes lois et prendre des décisions sages.
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Monsieur le Président, je suis heureux d'avoir l'occasion de parler du projet de loi à l'étape de la deuxième lecture.
Cette mesure législative vise à mettre à jour la loi destinée à lutter contre ceux qui utilisent nos systèmes financiers pour blanchir de l'argent et s'en servir ensuite pour financer des activités terroristes.
Malheureusement, nous avons été témoins de tant d'exemples de la capacité des terroristes de frapper partout et notamment très près de chez nous. Nous l'avons vu à New York, à Londres, à Madrid, à Dubaï et à Toronto.
Nous avons été tous sidérés, en juin dernier, lorsque la GRC, le SCRS, la Police provinciale de l'Ontario et d'autres corps policiers canadiens ont uni leurs forces pour arrêter un certain nombre de prétendus membres de cellules terroristes dans la région du Grand Toronto. Ces individus sont accusés d'avoir planifié une série de grandes attaques terroristes contre des cibles dans le Sud de l'Ontario, et notamment, semble-t-il, la Chambre dans laquelle nous siégeons.
Des activités de ce genre menacent notre sécurité et notre mode de vie surtout. Le Canada est un pays dynamique. Nous sommes l'une des principales économies du monde, en tant que membre du G7, et sous ce gouvernement, nous avons pris l'engagement inébranlable de respecter nos obligations internationales. Nous prenons nos responsabilités internationales très au sérieux. Nous savons que les terroristes ont besoin d'argent et c'est pourquoi nous présentons ce projet de loi, pour qu'il soit plus difficile pour eux d'en obtenir.
Le secteur financier du Canada est reconnu à l'échelle internationale comme stable, sûr et bien portant. Notre ministre des Finances sait qu'il lui incombe de s'assurer que cela demeure. C'est la raison pour laquelle nous avons présenté ce projet de loi. Les modifications qu'il renferme vont renforcer la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes pour veiller à ce que le Canada continue de jouer un rôle important sur la scène internationale dans la lutte contre le financement du crime organisé et des activités terroristes.
Cette année, le Canada a assumé la présidence du Groupe d'action financière sur le blanchiment de capitaux, un organisme qui élabore et soutient des normes nationales et internationales pour combattre le blanchiment d'argent et le financement d'activités terroristes.
Le fait que le Canada assume la présidence du GAFI est un autre exemple de notre engagement à l'égard de la sécurité nationale et internationale. Ce groupe d'action joue un rôle essentiel dans la lutte contre le financement des activités terroristes et le blanchiment d'argent en favorisant des politiques conçues pour priver ces organisations des fonds dont elles ont besoin pour mener leurs activités.
Les organisations terroristes et criminelles sont de plus en plus sophistiquées lorsqu'il s'agit de transférer, de cacher et de blanchir des fonds par l'entremise des systèmes financiers et d'autres moyens. Malgré les mécanismes de protection en place, le crime organisé, les groupes terroristes et d'autres éléments criminels continuent de trouver des façons de profiter de notre système financier. C'est la raison pour laquelle nous discutons du projet de loi aujourd'hui. Les modifications proposées dans le projet de loi vont améliorer la capacité du gouvernement d'agir rapidement et résolument contre l'utilisation possible de notre secteur financier à de mauvaises fins.
Je peux assurer la Chambre que le nouveau gouvernement du Canada fait des efforts constants pour lutter contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. Comme outil, le gouvernement se sert entre autres du CANAFE, un système largement considéré comme possédant une capacité analytique et technologique d'avant-garde. Le CANAFE reçoit, analyse, évalue et divulgue des renseignements financiers sur des cas présumés de blanchiments d'argent, de financement du terrorisme et de menaces à la sécurité du Canada.
Depuis que le CANAFE a commencé à divulguer des renseignements au début de 2002, il a fourni aux organismes d'application de la loi et de renseignements de sécurité des informations clés sur le blanchiment d'argent, le financement d'activités terroristes et les menaces à la sécurité du Canada, en analysant des transactions et des rapports financiers et d'autres informations.
Le CANAFE a récemment publié son rapport annuel dans lequel il révèle que, l'an dernier, il a signalé aux organismes canadiens d'application de la loi et au Service canadien du renseignement de sécurité des opérations douteuses représentant une valeur totale de plus de 5 milliards de dollars. C'est plus du double par rapport à l'année précédente. Le CANAFE n'existe que depuis deux ans, mais il est évident que son travail rapporte.
Le CANAFE fait partie du Groupe Egmont, un regroupement de cellules de renseignements financiers dont le but est d'améliorer la coopération et l'échange d'information pour soutenir la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement de régimes terroristes dans les pays membres.
La création du secrétariat d'Egmont à Toronto est un autre exemple de l'engagement du Canada à l'égard de la sécurité nationale et internationale, de solutions concertées face aux menaces mondiales et de la nécessité d'une coopération et d'institutions internationales.
Depuis son arrivée au pouvoir, le nouveau gouvernement du Canada a donné la priorité à la sécurité et à la sûreté des Canadiens et des citoyens du monde.
Dans notre premier budget, déposé en mai, le a annoncé de nouveaux investissements considérables pour renforcer le travail effectué par l'organisme canadien responsable des renseignements financiers, soit le Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada, ainsi que par la Gendarmerie royale du Canada, l'Agence des services frontaliers du Canada et le ministère de la Justice.
Le projet de loi améliorerait les mesures déjà en place et rendrait le régime canadien conforme aux normes internationales. Les mesures proposées dans cette mesure législative rendraient le régime canadien de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme plus efficace en le rendant conforme aux nouvelles normes du GAFI.
Le Canada s'est engagé à mettre en oeuvre les 40 recommandations du GAFI sur le blanchiment de capitaux ainsi que neuf recommandations spéciales sur le financement du terrorisme. Je signale aux députés que dans son rapport provisoire, le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce demande des mesures plus musclées à l'égard du blanchiment d'argent et du financement du terrorisme.
Le projet de loi découle des recommandations du comité sénatorial. Il donne également suite aux recommandations formulées par la vérificatrice générale dans son rapport de 2004 et à une évaluation du régime effectuée par le Conseil du Trésor en 2004.
L'une des principales mesures proposées dans le projet de loi consiste à améliorer les mesures relatives à l'identification des clients et à la tenue de documents qui incombent aux institutions financières et aux intermédiaires financiers.
Ainsi, la nouvelle loi obligerait ces institutions à surveiller de plus près les situations à risque élevé. Par exemple, les banques, les assureurs, les courtiers en valeurs mobilières et les entreprises de transfert de fonds seraient tenus de signaler et de surveiller les transactions effectuées par des ressortissants étrangers qui occupent un poste important ainsi que celles effectuées par les membres de leur famille immédiate.
Les modifications proposées dans le projet de loi obligeraient les institutions à signaler au CANAFE toute tentative de transaction douteuse. Le projet de loi prévoit la création d'un régime d'enregistrement pour les entreprises de transfert de fonds.
Comme nous le savons, ces entreprises sont très peu réglementées. Si les modifications proposées dans le projet de loi sont adoptées, le CANAFE se verra confier le rôle de registraire et tiendra une liste publique des entreprises de transfert de fonds et des bureaux de change enregistrés.
Conformément aux recommandations contenues dans le rapport de 2004 de la vérificatrice générale et à la demande des organismes d'application de la loi, le projet de loi permettrait au CANAFE de communiquer des renseignements supplémentaires aux organismes chargés de l'application de la loi et aux organismes de renseignement lorsqu'il soupçonne du blanchiment d'argent ou le financement d'activités terroristes. En accroissant la valeur des renseignements communiqués par le CANAFE, cette mesure se traduirait finalement par un nombre plus élevé d'enquêtes et de poursuites éventuelles.
Le projet de loi propose de renforcer les pénalités pour que le CANAFE soit davantage en mesure de faire respecter la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes.
Tandis que la loi actuelle prévoit seulement des sanctions pénales, le projet de loi propose de créer un régime de sanctions administratives et pécuniaires prévoyant l'imposition d'amendes pour les infractions mineures. Ce régime rétablirait aussi l'obligation relative à l'identification des clients et à la tenue de documents qui incombe aux conseillers juridiques.
Le gouvernement collabore avec la profession juridique, y compris les notaires du Québec, pour finaliser les détails relatifs à ces obligations et pour faire en sorte qu'elles soient respectées. La communication de renseignements est un élément crucial de notre lutte concertée contre le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes.
Le projet de loi propose d'élargir la capacité du CANAFE en matière de partage de renseignements avec l'Agence des services frontaliers du Canada, l'Agence du revenu du Canada et le Centre de la sécurité des télécommunications. En outre, le CANAFE sera dorénavant en mesure de recevoir des déclarations de biens appartenant à un groupe terroriste en vertu des règlements de la Loi sur les Nations Unies.
Toutes ces mesures et toutes nos initiatives auront pour effet de faire du monde un lieu meilleur et plus sûr pour tous, un monde où nos systèmes financiers seront utilisés aux fins pour lesquelles ils ont été créés, c'est-à-dire multiplier les occasions prometteuses pour les Canadiens et permettre une prospérité accrue pour nos pays.
Les criminels ne se croisent pas les bras et nous ne pouvons pas nous le permettre non plus. Comme ils s'adaptent, nous devons nous adapter, ce qui les force eux-mêmes à s'adapter. Nous devons être vigilants et inlassables dans notre recherche d'idées, d'innovations et de moyens permettant de faire en sorte qu'il soit de plus en plus difficile pour eux d'assurer le financement de leurs activités.
Grâce à un financement accru, à une législation améliorée et à une détermination inlassable à assumer ses responsabilités mondiales, le Canada envoie un signal clair: nous ne manquerons pas une occasion de mettre fin aux activités de ces criminels. J'exhorte tous les députés à adopter rapidement ce projet de loi, car il en vaut la chandelle.
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Monsieur le Président, aujourd'hui, je prends la parole au sujet du projet de loi .
Je fais cette allocution avec une arrière-pensée sur toute la réalité vécue depuis plusieurs années, que l'on pense à la montée du terrorisme et aux outils qu'on a voulu mettre en place pour faire la lutte contre le terrorisme. D'ailleurs, c'est connu, le Bloc québécois a relevé un défi majeur dans le passé, particulièrement en ce qui concerne la lutte contre le crime organisé.
Souvenons-nous de la bataille menée ici, par le Bloc, pour obtenir une loi antigang. Plusieurs ont mené cette bataille, soit le chef du Bloc québécois et député de ; le député d' — un jeune enfant de cette circonscription fut malheureusement victime de cette guerre du crime organisé; même mon ex-collègue, M. Michel Bellehumeur — qui est juge aujourd'hui mais qui était alors porte-parole en matière de justice pendant cette période —, a mené des offensives régulières et successives avec les succès qu'on a connus; ainsi que M. Richard Marceau, en ce qui a trait à la disparition des billets de 1 000 $. La crédibilité du Bloc québécois est bien assise, comme dans beaucoup d'autres domaines.
Nous avons mené des batailles et nous avons aidé à formuler les meilleures lois possible. Aujourd'hui, nous sommes devant une loi que le Bloc québécois appuiera, parce que cela permettra au Canada de se conformer aux recommandations du Groupe d'action financière sur le blanchiment des capitaux. Il s'agit d'un groupe formé par le G7 pour examiner la question du financement du crime organisé de fond en comble partout sur la planète. Ce groupe peut faire des recommandations à tous les pays pour voir si l'on peut contrer cette utilisation de l'argent. Comme on dit que l'argent est le nerf de la guerre, il l'est aussi dans la lutte contre le terrorisme.
Il y a toute une bataille que l'on peut faire sur le plan de la propagande et qui se fait sur le terrain, mais il y a aussi toute la question du financement. Souhaitons que nous puissions faire notre part de façon intéressante et concrète.
Cependant, en même temps, — ce sera une préoccupation constante du Bloc —, lors du travail en comité, il faut s'assurer qu'on ne retrouvera pas, à partir de l'application de cette loi, les excès déjà constatés, comme dans le cas du traitement fait à M. Maher Arar par la GRC. On sait que la GRC a passé à travers les mailles des mécanismes existants pour réussir finalement à accuser M. Arar et à ce qu'on lui fasse subir un traitement inacceptable. En fin de compte, cet homme a subi des torts qui seront très difficilement réparables.
Il était alors question du cas d'un individu. Aujourd'hui, il est question du cas du financement du terrorisme. Il faudrait s'assurer que, dans le cadre de l'application de cette loi, il n'y aura pas de trou semblable dans la législation.
Je fais référence, par exemple, au fait qu'en vertu de la loi, un fonctionnaire du ministère du Revenu aura maintenant le pouvoir de transférer les informations qui lui ont été transmises par un autre fonctionnaire en vertu de la loi sur les enregistrements des organismes de bienfaisance. Il pourra les transmettre au Centre d'analyses des opérations et déclarations financières du Canada.
Cela peut donc se faire de bonne foi et aussi en toute légalité. Il peut s'agir de la transmission de renseignements pertinents, mais il faut s'assurer qu'on aura les garde-fous pour éviter des excès.
Après avoir débattu du principe même de ce projet de loi et de sa pertinence globale, lorsqu'il sera présenté en comité, les membres de ce comité devraient porter une attention particulière à cette question de la protection des renseignements personnels. Je souhaiterais qu'on y convoque la commissaire à la protection de la vie privée pour lui permettre de venir déposer une évaluation qu'elle aura faite de l'application de la loi dont elle est responsable à la réalité du projet de loi , à ce cadre réglementaire qui définirait comment on s'assure du suivi du financement des groupes terroristes, de sorte qu'il soit évidemment contré, qu'il soit minimisé et qu'en même temps, les droits des individus soient respectés.
Rappelons nous que le projet de loi était le précurseur du projet de loi dont nous sommes saisis. Il avait été déposé au nom du ministre des Finances en 1999, et il visait à lutter contre le blanchiment d'argent. C'était le projet de loi . Il était très semblable au projet de loi présenté en mai 1999, mais mort au Feuilleton lorsque la session a été prorogée.
L'objectif général du projet de loi était de remédier aux insuffisances de la législation canadienne sur le recyclage de l'argent, telles qu'elles ont été circonscrites dans le rapport de 1997-1998 du Groupe d'action financière sur le blanchiment des capitaux, soit le GAFI, formé par le G7.
De plus, le GAFI a recommandé, dans son rapport, que soient rendues publiques les dispositions relatives aux déclarations au Canada — qui sont présentement volontaires — et de créer une unité de renseignements financiers chargée de la collecte, de la gestion, de l'analyse et de la diffusion des déclarations d'opérations suspectes et d'autres renseignements pertinents. Donc, c'est un comité international qui a fait des recommandations et le projet de loi de 1999 visait à les mettre en vigueur.
Ce projet de loi a été adopté. Dorénavant, il est obligatoire, pour les institutions financières réglementées, les bureaux de change, les casinos et autres intermédiaires financiers de déclarer les opérations financières douteuses. Le projet de loi avait également comme objectif de mettre en place, de concert avec l'Agence des douanes et du revenu du Canada, un système de déclaration des mouvements transfrontaliers importants de devises. Beaucoup d'argent se transige. On verra un peu plus loin que les quantités d'argent sont très significatives.
De plus, le projet de loi prévoyait la création d'un nouvel organisme autonome, soit le Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada. Ce centre reçoit et administre l'information transmise. Le projet de loi a été promulgué le 21 juin 2000 et remplaçait la loi sur le recyclage des produits de la criminalité qui était alors en vigueur.
Le gouvernement conservateur propose de modifier le projet de loi par l'entremise du projet de loi , dont nous débattons aujourd'hui. Ce nouveau projet de loi vise à augmenter les devoirs des institutions financières quant à la collecte de données et au signalement d'activités suspectes, et ce, dans un contexte de lutte au financement des organismes terroristes. On veut s'assurer de plus de transparence dans la circulation des sommes d'argent. Les institutions bancaires sont des institutions responsables de la qualité de leur travail. Dans la lutte au terrorisme, elles ont, à mon avis, besoin de lignes directrices et de directives beaucoup plus claires et précises. Souhaitons que ce projet de loi permettra de clarifier la situation.
Premièrement, on étend le champ d'application de la loi à tous les organismes qui, en plus de se livrer au commerce des valeurs mobilières, se livre au commerce d'autres instruments financiers. Le fait de seulement cibler les valeurs mobilières est insuffisant par rapport aux façons d'investir des terroristes. Sont aussi ajoutées les personnes et les entités qui se livrent à la remise ou qui transportent des fonds par tout moyen ou par un intermédiaire aux entreprises qui oeuvrent dans le domaine du télévirement, qui émettent ou rachètent des mandats-poste, des chèques de voyage ou tout autre titre négociable semblable. Autrement dit, on s'est rendu compte de l'ensemble des actions et des transactions financières et monétaires qu'il fallait couvrir pour essayer d'endiguer la circulation de l'argent qui sert au financement des activités terroristes. Les gens qui vendent des métaux précieux réglementaires seront soumis au projet de loi .
Le nouveau projet de loi interdit à toute entité d'ouvrir un compte si la banque ne peut établir l'identité du client. La banque doit être certaine de connaître le client. De plus, le projet de loi fait en sorte que toute institution faisant affaire avec un étranger politiquement vulnérable, juge étranger, un chef d'État ou un ministre doit demander l'autorisation à la haute direction de son institution avant d'entreprendre toute transaction avec ce dernier. Ainsi, on se donne des garde-fous. Des remarques de ce type sont adressées à l'ensemble des secteurs. Par exemple, lors de télévirements, l'entreprise doit inclure le nom, l'adresse, le numéro de compte ainsi que tous les numéros de référence du client, et ce, autant lors de l'envoi que de la réception.
C'est là qu'entre en ligne de compte la question de l'autorisation donnée aux fonctionnaires de l'Agence du revenu de transmettre les informations au Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada. Il faudra être très vigilant pour s'assurer de ne pas rogner le droit à la protection des renseignements personnels et créer l'équilibre suffisant pour être en mesure d'avoir une loi qui respecte l'ensemble du cadre que l'on a voulu établir.
Une problématique particulière est celle du recyclage financier. Qu'est-ce que le recyclage financier? Il s'agit du processus par lequel des revenus issus d'activités criminelles sont convertis en biens dont on peut difficilement retracer l'origine criminelle. En fait, il s'agit de dissimuler des produits de la criminalité en leur donnant une apparence légitime. Au fond, il s'agit de blanchiment d'argent. Une grande partie de ces biens et de ces actifs provient du commerce illégal de la drogue, alors que d'autres résultent d'activités criminelles comme le cambriolage et la contrebande de cigarettes. Comme le recyclage d'argent, les activités criminelles qu'il tente de camoufler sont, par nature, des activités clandestines. Il est difficile de se faire une idée précise de l'ampleur des activités de blanchiment d'argent.
On dit que globalement, les spécialistes estiment que ce sont quelque 300 à 500 milliards de dollars américains de fonds d'origine criminelle qui entrent tous les ans sur les marchés internationaux de capitaux; 300 à 500 milliards de dollars, c'est beaucoup d'argent.
Au Canada, le gouvernement fédéral estime que c'est de 5 à 17 milliards de dollars de produits de la criminalité qui sont recyclés chaque année au pays. Il y avait donc nécessité d'agir, de trouver une façon de faire la lumière sur ces transactions pour, à tout le moins, les diminuer le plus possible.
Il y a aussi le problème du financement des organismes terroristes. Là on s'est rendu compte que les terroristes allaient jusqu'à utiliser certains organismes de bienfaisance pour, en bout de ligne, les détourner de leurs fins. De ce côté, cela prend une réorientation pour être sûr qu'on peut également bien suivre les transactions financières.
Le Groupe d'action financière sur le blanchiment de capitaux, créé en 1989, est un peu l'organisme international qui veut s'assurer d'avoir une législation à travers les différents pays du monde permettant de faire face à ce problème. Cependant, on a vu, depuis quelques années, un accroissement important des gestes publics des groupes terroristes. Je pense qu'il faut peser sur l'accélérateur pour assurer un meilleur encadrement. Le mandat du GAFI a d'ailleurs été renouvelé en 2004 pour s'étendre jusqu'en 2012, et il va continuer à faire des suivis.
Le projet de loi devant nous va, au plan de la déclaration obligatoire des opérations douteuses, assurer qu'on ne se retrouve pas soudainement devant un état de fait où on aurait à identifier une série de déclarations douteuses qu'on n'avait pas suivies. Avec la mécanique à être mise en place, on souhaite que cela soit fait correctement.
Au niveau de la déclaration de mouvements transfrontaliers importants de devises, lorsque des transactions passent d'un pays à l'autre, on va aller jusqu'à inclure que certains métaux précieux soient réglementés et soient inclus dans les devises à déclarer.
Deux dispositions autorisent un agent de douane à fouiller la personne ou le véhicule d'une personne qu'il soupçonne, pour des motifs raisonnables, de dissimuler sur elle ou près d'elle des espèces ou des effets qui n'ont pas été déclarés conformément aux règlements de l'application de la loi. Enfin, une nouvelle disposition permettra l'établissement de certaines ententes de collaboration entre le Canada et les agences douanières d'États étrangers qui imposent des exigences semblables de déclaration de mouvements transfrontaliers de devises et d'effets.
C'est là que la comparaison que je faisais avec M. Arar peut aussi s'appliquer. Il faut s'assurer que on ne crée pas un effet de cascades par une mauvaise protection des renseignements personnels. Il faudra s'assurer que quand on donne une information à une agence d'un autre pays, que cela soit fait conformément à la loi et que l'utilisation qu'en fera l'autre pays soit aussi conforme à la loi. Il ne faut pas se retrouver avec des réputations brisées pour des transactions qui auraient été mal faites. Dans le cas présent, cela n'irait peut-être pas jusqu'à la torture personnelle dont a souffert M. Arar, mais cela peut aller jusqu'à briser des réputations. En ce sens, il faudra faire preuve de vigilance pour s'assurer que le projet de loi, si besoin est, soit amendé de telle façon qu'on garantisse la protection des renseignements personnels.
Un troisième élément important, c'est la création du Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada couvert par les articles 40 à 72. C'est finalement le cadre, l'organisation, la structure qui va assurer la gestion de cette loi. Nous souhaitons que le centre puisse être opérationnel parce qu'il va avoir à analyser et évaluer les rapports qui lui sont soumis ainsi que d'autres renseignements. S'il y a lieu, il fournira des pistes aux organismes d'application de la loi. Il va avoir à faire des recommandations qui peuvent aller au ministère de la Justice, à la GRC ou vers d'autres organismes. Donc, là aussi, il faudra être vigilants pour s'assurer que, concernant les renseignements personnels, la gestion et l'analyse des données soient faites correctement.
En gros, le projet de loi prévoit des consignes quant à l'admissibilité des individus ou des entités au centre. Sont admissibles à l'inscription toute personne qui est inscrite sur la liste des entités terroristes, qui a été condamné pour activité terroriste ou pour avoir participé, facilité, donné des instructions ou incité à créer des activités terroristes, a été condamné pour participation aux activités d'une organisation criminelle, a été condamné une fois par mise en accusation ou plus d'une fois par voie de sommation pour toute infraction relative à la fraude sur la Loi sur les drogues et autres substances, à l'exception de la consommation simple.
On voit donc qu'on veut se donner un cadre complet qui va permettre d'intervenir correctement quant à la circulation du flux monétaire lié aux terroristes. En ce sens, le Bloc québécois considère que ce projet de loi mérite d'être appuyé.
On y prévoit aussi des infractions importantes pour que les gens soient bien conscients de l'importance des gestes qu'ils posent.
En conclusion, je reviens à ma remarque sur la protection des renseignements personnels. Je souhaite que ce projet de loi soit adopté assez rapidement en tenant compte de l'étude qui sera faite en comité. En effet, il faut l'étudier à fond pour éviter que des cas personnels échappent au filet de sécurité, et éviter surtout que des gens honnêtes, qui ne posent aucun geste illégal, soient pénalisés par l'application d'une telle loi.
Les flux monétaires qui circulent dans ce secteur d'activité sont importants, et à la limite, cette loi a des implications sur la vie humaine. Les actions terroristes financées à la source par l'argent qui circule de cette façon se terminent souvent par la mort d'innocents.
Tant mieux si nous pouvons mettre en place des outils pour contrer la circulation de cet argent, mais assurons-nous que c'est fait en équilibre avec la protection des renseignements personnels.
Le Bloc québécois se prononce en faveur du principe de ce projet de loi. Nous verrons si, par des amendements, nous pouvons le rendre plus adapté à la réalité de ces gens et plus respectueux de la Loi sur la protection des renseignements personnels.
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Monsieur le Président, je remercie mon collègue de sa question, qui est très pertinente.
En effet, le gouvernement actuel est très orienté vers l'ordre public. Il croit souvent qu'il peut réglementer des situations en augmentant, par exemple, les peines prévues par rapport à certains actes criminels, en investissant moins dans la réhabilitation des gens et en croyant qu'on suscitera automatiquement une modification de comportement si on les pénalise fortement. Cet aspect cause une résistance à adopter ces projets de loi. On le sent dans la Chambre. Tous les partis d'opposition, à une occasion ou l'autre, manifestent leur opposition, et on se rend compte que cette vision des choses ne correspond pas aux valeurs de la société québécoise ni aux valeurs de la société canadienne en général, à mon avis.
C'est pour cela qu'il faut juger chacun des projets de loi à la pièce. C'est la pratique que le Bloc québécois a développée. Lorsqu'un projet de loi, à la limite, est à l'avantage du Québec, nous l'appuyons, nous le favorisons, et lorsqu'il ne l'est pas, nous ne l'appuyons pas.
C'est évident que le Bloc québécois sera à l'opposé du gouvernement en ce qui a trait au vent de droite, pour tout ce qui vise à resserrer le Code criminel et, par exemple, à criminaliser des personnes de plus en plus jeunes, dont des enfants et des adolescents. Il lui fera face, il s'assurera que ces projets de lois ne seront pas adoptés et qu'ils subiront tous les tests parlementaires possibles avant de nous revenir au bout du compte, alors que nous, du Bloc québécois, manifesterons clairement notre opposition.
Je me souviens que nous l'avons fait à propos de la Loi sur les jeunes contrevenants dans le passé, avec la démonstration que nous avions raison à ce moment-là, et on le voit aujourd'hui par rapport à d'autres projets de loi.
Dans le cas présent, c'est un projet de loi qui parle du recyclage des produits de la criminalité. Or le Bloc québécois a été à l'avant-garde de la guerre, dans le passé, pour la question du crime organisé, afin de s'assurer qu'il y aura moins de crime organisé et qu'on sera capable de le démanteler.
Rappelons-nous le projet de loi antigang. Il y a une marge nette et claire entre ce type de projet de loi, qui vise à assurer, dans notre société, un traitement plus correct, plus équitable, et l'ensemble des projets de loi qui, à côté, viennent criminaliser particulièrement les jeunes et qui, selon moi, ne représentent pas la façon dont on veut que les choses fonctionnent dans notre société du futur. Or le Parti conservateur est minoritaire — heureusement, comme un collègue l'a dit —, et il peut difficilement faire adopter ces projets de loi.
Au bout du compte, lorsque nous retournerons devant l'électorat, nous aurons eu la démonstration, pendant cette année, que le gouvernement conservateur est porté par le courant de droite qui vient des États-Unis, mais qui vient plus des Partis allianciste et réformiste qui ont procédé à la création du Parti conservateur. Néanmoins, les députés conservateurs du Québec dorment au gaz pendant ce temps. Et lorsqu'il y aura une prochaine élection, on verra que ces gens auront à répondre, devant leurs électeurs, des projets de loi qu'ils ont adoptés ou appuyés et qui allaient à l'encontre des valeurs de la société québécoise. Ils auront à en répondre devant la population.
Nous le voyons d'ailleurs déjà dans les sondages, où les conservateurs sont maintenant rendus à 16 à 18 p. 100 des intentions de vote au Québec. Ils auront à en payer le prix s'il n'y a pas une réorientation du gouvernement dans ce secteur.
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Monsieur le Président, je suis très heureuse de me joindre au débat sur un sujet aussi important que le projet de loi .
Ce texte modifie la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes en vue d'améliorer les mesures relatives à l'identification des clients, à la tenue de documents et à la production de déclarations qui incombent aux institutions financières et aux intermédiaires financiers.
Il établit un régime d'enregistrement pour les entreprises de transfert de fonds et les bureaux de change, et crée une nouvelles infraction concernant le défaut d'inscription.
Il permet au Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada de communiquer des renseignements supplémentaires aux organismes chargés du contrôle d’application de la loi et aux organismes de renseignements et de communiquer des renseignements à d’autres organismes.
Il habilite le centre à échanger avec ses homologues étrangers des renseignements concernant la vérification de la conformité à certaines obligations prévues par la loi et permet à l’Agence des services frontaliers du Canada de fournir à ses homologues étrangers des renseignements sur l’application du régime de déclaration des mouvements transfrontaliers d’espèces. Il prévoit également une modification corrélative à la Loi sur l’Agence des services frontaliers du Canada.
Le projet de loi crée un régime de pénalités, qui semble certes être nécessaire.
Il modifie aussi la Loi de l’impôt sur le revenu en vue de permettre à l’Agence du revenu du Canada de communiquer au centre, à la Gendarmerie royale du Canada et au Service canadien du renseignement de sécurité des renseignements sur les organismes de bienfaisance soupçonnés d’être impliqués dans des activités de financement du terrorisme.
Tous les députés conviendront qu'un des meilleurs moyens de lutter contre le crime organisé et le terrorisme est de priver les gens qui s'adonnent à ces activités des fonds dont ils ont besoin pour fonctionner. Il est très important d'empêcher les mouvements de fonds illégaux et il est tout aussi important de protéger les renseignements personnels des Canadiens et leurs droits garantis par la Charte.
Le projet de loi est un pas dans la bonne direction. Il contient une bonne partie des mesures que l'ancien gouvernement libéral s'affairait à mettre au point. Nous appuierons certainement ce projet de loi en principe à cette étape-ci du débat.
Les modifications proposées dans le projet de loi rendront le régime de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes plus conforme aux nouvelles normes du Groupe d'action financière. Elles permettront aussi de donner suite aux recommandations formulées par la vérificatrice générale dans son rapport de 2004 et à une évaluation du régime effectuée par le Conseil du Trésor en 2004 également. Je vais maintenant mettre en relief certains des points saillants de ce projet de loi.
Le projet de loi prévoit des mesures accrues d’identification des clients et de tenue des documents à l’intention des institutions financières et des intermédiaires financiers. Les modifications proposées comprennent des exigences pour que les entités tenues de faire des déclarations effectuent une surveillance accrue des situations à risque élevé, des relations de correspondance bancaire et des transactions effectuées par des personnes politiquement exposées. Les banques, les sociétés d’assurance, les courtiers en valeurs mobilières et les entreprises de transfert de fonds ou de vente de titres négociables devront prendre des mesures afin d’identifier et de surveiller les transactions des ressortissants étrangers et des membres de leur famille immédiate qui occupent des postes publics bien en vue.
Il y a aussi la déclaration de tentatives de transactions douteuses. Toutes les entités qui doivent actuellement signaler toute transaction douteuse devront signaler au CANAFE toute tentative de transaction douteuse. Cette pratique adoptée par d’autres pays du G8 est conforme aux recommandations du GAFI.
Un autre point saillant du projet de loi est le régime d’enregistrement pour les entreprises de transfert de fonds ou de vente de titres négociables et les courtiers de change. Les modifications proposées visent à créer un système fédéral d’enregistrement pour les particuliers et les entités spécialisés dans le transfert de fonds, la vente de titres négociables et les opérations de change. Le CANAFE agira à titre de registraire et tiendra une liste publique des entreprises de transfert de fonds et des courtiers de change enregistrés. Ces entreprises sont déjà visées par la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et les activités terroristes, mais étant donné qu’il s’agit d’un secteur non réglementé, le registre aidera le CANAFE à assurer le respect de la loi.
Il est également question de l'amélioration des renseignements contenus dans les communications du CANAFE. Comme l’a recommandé la vérificatrice générale dans son rapport de 2004 et à la demande des organismes d’application de la loi, les modifications proposées améliorent les renseignements que le CANAFE peut communiquer aux organismes d’application de la loi et aux agences de sécurité concernant leurs soupçons en matière de recyclage des produits de la criminalité ou de financement d’activités terroristes. Ces changements viseront à accroître la valeur des communications du CANAFE et pourraient mener à un plus grand nombre d’enquêtes et de poursuites éventuelles.
Le projet de loi crée un régime de pénalités administratives et pécuniaires. À l’heure actuelle, la loi ne prévoit que des peines criminelles graves en cas de contravention. Le CANAFE a besoin d’imposer des amendes pour les cas moins graves d’inobservation et d’appliquer ainsi une approche plus équilibrée et plus progressive au respect de la loi. Les modifications créeront un régime de sanctions administratives et pécuniaires, grâce auquel des amendes pourront être imposées en cas d’inobservation. Il s'agissait là d'une recommandation qui avait été faite dans le rapport de la vérificatrice générale de 2004.
Le projet de loi réinstaure les exigences à l’égard des conseillers juridiques. Le gouvernement travaille de concert avec la profession juridique, y compris les notaires du Québec, afin de finaliser les exigences visant l’identification des clients, la tenue de documents et les procédures de conformité interne applicables aux conseillers juridiques lorsqu’ils agissent à titre d’intermédiaires financiers. Ce projet de loi élimine l’obligation pour un conseiller juridique de soumettre des rapports de transactions douteuses ou tout autre rapport de transaction prescrit.
Le projet de loi élargit le partage d’information entre les ministères et organismes fédéraux. Les modifications qui figurent dans le projet de loi visent à élargir la capacité du CANAFE de partager des renseignements avec l’Agence des services frontaliers du Canada, l’Agence du revenu du Canada et le Centre de la sécurité des télécommunications. En outre, le CANAFE pourra dorénavant recevoir des rapports de biens terroristes aux termes du règlement d’application de la Loi sur les Nations Unies.
À l’échelle internationale, l’application des exigences de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes serait renforcée par des dispositions de partage de renseignements entre le CANAFE et ses homologues étrangers concernant l’observation des exigences applicables au secteur financier, et entre l’Agence des services frontaliers du Canada et ses homologues étrangers sur l’application du régime de déclaration des mouvements transfrontaliers de devises.
Ce projet de loi propose d'apporter certains changements nécessaires au projet de loi d'initiative gouvernementale précédent présenté en 2001 sous le numéro , la Loi antiterroriste. Des changements de ce genre devront probablement être apportés régulièrement, au fur et à mesure que les blanchisseurs d'argent amélioreront leurs techniques d'opération et que les policiers auront besoin de nouveaux pouvoirs pour les combattre. C'est la nature même du blanchiment d'argent et c'est ce qui le rend si difficile à combattre. Peu importe le nombre de mesures de protection et de contrôle que nous, les législateurs, mettons en place, les éléments criminels chercheront toujours de nouvelles façons de les éviter ou de les contourner.
L'agence de renseignements financiers du Canada a signalé des cas suspects de recyclage des produits de la criminalité et de financement d'activités terroristes d'une valeur de 5 milliards de dollars l'année dernière seulement. Ce total représente plus du double de celui de l'année précédente. De ce montant, une somme de 256 millions de dollars est liée à des cas suspects de financement d'activités terroristes. À la suite des 143 rapports que le CANAFE a présentés aux organismes chargés d'appliquer la loi, aucune condamnation n'a été imposée. En 2004, la vérificatrice générale a laissé entendre que de plus grands pouvoirs de communication de renseignements aux forces de l'ordre permettraient d'enquêter sur ces activités suspectes. Ce projet de loi accorde ces pouvoirs.
Le projet de loi s'inspire en grande partie de recommandations formulées par le ministère des Finances sous le mandat du gouvernement libéral précédent. Le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme comportent des coûts économiques et sociaux face auxquels nous devons demeurer vigilants. Pour y arriver, nous devons continuellement réévaluer la façon dont nous surveillons et divulguons les transactions suspectes, alors que, pendant ce temps, la nature de ces activités évolue et ne cesse de devenir de plus en plus raffinée. Le gouvernement doit contrer cette vague de blanchiment d'argent et de financement du terrorisme, tout en préservant les droits à la protection des renseignements personnels des Canadiens respectueux de la loi.
Étant donné qu'aussi bien la vérificatrice générale que la GRC se sont dits préoccupés par le fait que des exemptions en faveur des avocats laissent des trous importants dans le projet de loi, je m'inquiète de la décision du gouvernement de supprimer l'obligation qui était faite à un avocat-conseil de signaler une transaction suspecte au CANAFE.
Nos collègues à l'autre Chambre ont récemment déposé un rapport intitulé Comment endiguer l’hémorragie de l’argent illicite, qui comprend plusieurs recommandations, dont certaines se retrouvent dans le rapport et d'autres, non. J'aimerais également que soient reprises les recommandations du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce visant à ce que le Parlement ait un plus grand pouvoir d'examiner le CANAFE en profondeur.
Parmi les choses qui m'inquiètent le plus, il y a le fait que nous n'intégrons pas dans le projet de loi certaines activités qui, en ce moment, ne sont pas visées par les lignes directrices régissant le CANAFE. Comme le Comité des banques et du commerce l'a signalé, la GRC est d'avis qu'au fur et à mesures que des règles plus strictes sont imposées aux entreprises du secteur des services financiers, les criminels recherchent d'autres moyens de blanchir l'argent qu'ils ont accumulé.
Diverses caractéristiques de l'industrie des métaux précieux, des pierres précieuses et de la joaillerie la rendent très vulnérable à l'activité criminelle. La GRC considère qu'il est vraisemblable que les criminels cherchent à blanchir de l'argent dans les entreprises. Pourtant, l'actuel projet de loi ne les oblige pas à signaler les transactions douteuses, alors que les institutions financières doivent le faire. Je recommande vivement que nous tous, de tous les partis, nous oeuvrions de concert pour modifier le projet de loi afin qu'il contienne clairement les mesures qui s'imposent.
Une autre lacune signalée tant par la vérificatrice générale que par la GRC est le fait que les avocats ne soient pas tenus de signaler les opérations douteuses au CANAFE. Certes, c'est une autre délicate question d'équilibre. D'une part, il est nécessaire de donner aux organismes d'application de la loi la capacité de traquer ceux qui tentent de blanchir des capitaux en recourant à des avocats à titre d'intermédiaires financiers et, d'autre part, il est essentiel de protéger le secret professionnel des avocats. Ce projet de loi offre un compromis et il me tarde de me pencher sur la question de savoir si ce compromis est approprié dans les circonstances.
Le projet de loi soulève une autre vive préoccupation: il n'assure pas de façon adéquate la protection des renseignements personnels des Canadiens. Il permettra au CANAFE de fournir davantage de renseignements aux organismes d'application de la loi. Certes, cela est nécessaire pour que ces organismes puissent mener des enquêtes approfondies dans les cas d'opérations douteuses et intenter des poursuites, le cas échéant.
Contrairement à ce que nous aurions souhaité, le projet de loi ne prévoit pas une protection accrue des renseignements personnels des Canadiens. Il aurait pu par exemple prévoir la création d'une commission d'examen indépendante détenant le pouvoir et l'autorité nécessaires pour effectuer des examens aléatoires des dossiers et des activités des organismes. La vérificatrice générale a aussi recommandé la création d'une telle commission. Dans son rapport de 2003, elle écrit ceci:
Le gouvernement devrait évaluer l'étendue de la surveillance et les rapports au Parlement visant les organismes de sécurité et de renseignement afin de veiller à ce que les organismes qui détiennent des pouvoirs d'intrusion soient assujettis à des mécanismes de surveillance externe et à des obligations de divulgation proportionnels au degré d'intrusion.
Il est important que l'on prévoie de tels mécanismes à l'étape de l'étude en comité. En somme, si nous voulons conférer au CANAFE le pouvoir de communiquer à des organismes tels que la GRC et l'Agence des services frontaliers du Canada davantage de renseignements personnels sur des Canadiens, ne devrions-nous pas aussi assujettir le CANAFE à une surveillance suffisante de manière à assurer que les renseignements qu'il fournit sont appropriés?
Comme je l'ai dit plus tôt, ce projet de loi est fondamentalement bon. Certes, il a des lacunes et des points faibles. Toutefois, je crois que nous devrions tous collaborer afin de l'améliorer à l'étape de l'étude en comité. Cette mesure fournira à la police et aux procureurs certains des outils dont ils besoin dans la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes.
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Monsieur le Président, je suis heureux de parler aujourd'hui du projet de loi .
Je vais d'abord donner un exemple de l'importance de ce projet de loi. Prenons un endroit, de l'autre côté du globe, où nos soldats meurent. Le président Karzaï, pendant sa visite au Canada, a déclaré: « [...] si nous ne détruisons pas le pavot en Afghanistan, c'est le pavot qui nous détruira. » Je crois que tous les députés s'en souviennent. Si nous ne détruisons pas les cultures de pavot en Afghanistan, c'est l'Afghanistan qui disparaîtra.
Pourquoi est-ce important et quel est le lien avec le projet de loi? La culture du pavot est à la base de la production de drogues, notamment de l'héroïne. Cette héroïne est transformée et vendue. Cette drogue cause nombre de problèmes, de maux et de douleurs, parfois même la mort, au Canada et dans bien d'autres pays. La vente d'héroïne permet aussi à des organisations criminelles d'engranger des profits énormes.
Nous pourrions passer une publicité à la télé: « Achetez de l'héroïne et appuyez les terroristes! » L'argent des consommateurs d'héroïne sert à tuer nos soldats en Afghanistan.
Les drogues ne sont qu'une des nombreuses catégories de produits dont les organisations criminelles et terroristes se servent. La vente de ces produits fournit les sommes qui permettent à ces organisations de se procurer les armes et les infrastructures nécessaires à la perpétration d'actes terroristes contre nous et nos alliés, ce qui contribue à une instabilité inestimable dans plusieurs régions du globe.
En fait, si nous ne neutralisons pas la culture du pavot en Afghanistan, nous ne remplirons jamais notre mission. C'est pourquoi il est capital que l'Occident ne change pas son approche par rapport aux drogues. Nous avons entendu cela récemment. Par contre, si nous anéantissons de grandes cultures de pavot, il ne reste plus rien aux agriculteurs. Voilà pourquoi certains d'entre eux se joignent à ce que nous appelons les néo-talibans. Il ne s'agit pas du même groupe de talibans qui était là en 2001-2002. C'est un nouveau groupe, constitué en partie d'agriculteurs qui se sont fait enlever leur gagne-pain. Ils vont donc gonfler les rangs des talibans et prennent les armes contre nous.
L'inaction face à la culture du pavot constitue non seulement une inaction face aux moyens financiers qui soutiennent les actes terroristes contre nos troupes et contre celles de nos alliés, mais également un poison qui empêche l'Afghanistan de se remettre sur pied. À mon avis, il faut convoquer une réunion régionale concernant la culture du pavot. Personnellement, j'ose espérer que la récolte sera achetée et détruite et qu'on proposera des cultures de remplacement aux agriculteurs visés.
À défaut de proposer à ces agriculteurs une solution de rechange pour gagner leur vie, lorsqu'on intervient et qu'on détruit leur gagne-pain, on ne leur laisse rien, ni pour eux, ni pour leur famille, ni pour leur collectivité. Si on ne leur propose rien, ils passent de l'agriculture de subsistance à la pauvreté la plus abjecte. Comme les talibans leur tendent la main et leur donnent de l'argent, ces agriculteurs prennent alors les armes contre nous.
Voilà la réalité sur le terrain et pourquoi ce projet de loi est important et pourquoi il faut prendre des mesures à l'égard de la culture du pavot et du narcotrafic.
Jetons un coup d'oeil à l'Amérique du Sud et à la Colombie où on produit du cacao. La Colombie et le principal producteur de cocaïne au monde. Les États-Unis dépensent 800 millions de dollars par année dans leur prétendue guerre contre le narcotrafic. Or, c'est une guerre qui ne sera jamais gagnée.
Les bandes du crime organisé et les groupes terroristes vivent de la vente de la cocaïne, notamment les FARC, l'ELN et les paramilitaires. Ce ne sont pas des groupes idéologiques. Ce sont des groupes du crime organisé et des milices organisées qui gagnent de l'argent en faisant le narcotrafic. Fait intéressant, ces groupes d'Amérique du Sud ont également des liens avec Al-Qaïda. Ils sont également liés à ce dont nous parlons ici, soit le blanchiment d'argent et le commerce de divers produits.
Je veux également aborder la question des pierres précieuses. En Afrique de l'Ouest et dans des pays comme la Sierra Leone et le Liberia, où les gens vivent dans une abjecte pauvreté, on trouve des diamants dans le sol.
Dans ces régions, on constate l'existence de bandes criminelles organisées qui collaborent avec divers seigneurs de guerre locaux, pour ainsi dire, en vue de s'approprier les diamants à vil prix et d'en tirer d'énormes bénéfices. L'intérêt des diamants réside dans le fait qu'ils sont faciles à transporter et très difficiles à retracer. Il est très facile de les vendre très cher et les marges de profit sont énormes.
Les gangs criminels profitent de ce phénomène. Il leur faut des marges bénéficiaires énormes sur des produits faciles à acheter et à vendre pour réunir les sommes très considérables que nécessitent leurs activités répréhensibles.
Selon la police, la façon la plus efficace de régler ce genre de problème et de combattre les gangs criminels organisés, ce qui nous importe le plus ici au Canada, consiste à les priver de leur source d'approvisionnement en argent. C'est ce que vise le projet de loi.
Mon collègue a formulé au nom de notre parti un certain nombre de réserves. Nous ne sommes pas contre le projet de loi. Nous souhaitons le renforcer.
Les États-Unis ont agi de façon fort brillante. Ils ont adopté ce qu'ils appellent parfois les amendements RICO, l'acronyme étant formé à partir de « racketeer influenced and corrupt organizations ». Ils partent du principe selon lequel la meilleure façon de miner le crime organisé consiste à le priver d'argent. En privant d'argent les organisations criminelles, on les affaiblit.
Lorsque les libéraux étaient au pouvoir, nous avons adopté pour le Canada des mesures analogues aux amendements RICO . Nous avons donc une loi qui vise les produits de la criminalité. J'estime qu'elle doit être renforcée et j'invite le gouvernement à s'y pencher de manière à ce que nous soyons en mesure de priver les criminels de ces ressources.
Permettez-moi de donner un exemple. Nous pouvons imposer à ceux qui ont gagné beaucoup d'argent et qui ont été accusés et reconnus coupables d'activités criminelles organisées l'obligation d'établir que leur vaste fortune provient d'activités honnêtes et respectueuses des lois. Si nous apportons cette modification demandée par les services policiers, cela nous facilitera grandement la tâche d'éliminer les ressources dont disposent les groupes criminels organisés.
Pour revenir au trafic des pierres précieuses, le gouvernement devrait profiter de ce qu'ont fait les libéraux, qui ont mis au point le Processus de Kimberley. Grâce à ce processus, nous avons été en mesure pour la première fois de nous attaquer au problème des diamants de la guerre. Le processus ne vise pas seulement les diamants mais d'autres pierres semi-précieuses dont le trafic est facile. Nous devons renforcer le Processus de Kimberley pour faire en sorte que le commerce des pierres précieuses légales soit permis tout en mettant un terme au commerce illégal de ce que l'on appelle les diamants de la guerre et d'autres pierres précieuses.
Nous devons absolument nous pencher là-dessus, car des pays comme le Libéria, la Sierra Leone et l'Angola ne pourront jamais se remettre sur pied tant que leurs ressources naturelles ne seront pas vendues, achetées et utilisées légalement, et que les profits ne seront pas réinjectés dans le pays d'où elles proviennent. Ainsi, ces pays pourront se doter d'infrastructures primaires et fournir des soins de santé et une éducation de base à leurs habitants. Toutefois, si cela ne se produit pas, les habitants continueront de vivre dans une pauvreté abjecte dont ils ne parviendront jamais à briser le cycle.
Un autre point que j'aimerais soulever concerne le vol de pétrole brut. À l'heure actuelle, un pourcentage du pétrole extrait en Afrique de l'Ouest, de l'Angola au Nigéria, est volé à même les pipelines et transféré sur des navires, puis il disparaît. Ce pétrole est vendu et acheté illégalement, et les profits qui en découlent peuvent ensuite servir à financer des activités terroristes. C'est une pratique très lucrative sur laquelle nous ne nous sommes pas encore penchés et qui finira par présenter un problème de taille si nous ne faisons rien.
Une grande partie de ces profits illégaux se retrouve dans des comptes en banque en Suisse et dans d'autres pays où les régimes fiscaux ne sont pas aussi transparents que le nôtre. Certains pays occidentaux ont un régime fiscal très obscur. J'encourage le gouvernement à collaborer avec ces pays afin d'établir un mécanisme basé sur des règles et une norme qui permettraient de suivre plus facilement le cheminement de l'argent dans les mécanismes financiers internationaux qui sont en place actuellement.
J'aimerais souligner encore une fois que, si nous ne remédions pas à ces situations, nous ne pourrons jamais enrayé le crime organisé et le terrorisme, car ces activités dépendent de transactions qui procurent un énorme profit tiré de la vente d'un produit parfois illégal, comme les narcotiques ou autres drogues illicites; l'argent ainsi obtenu est ensuite blanchi en utilisant des moyens légaux.
C'est pourquoi le projet de loi est aussi important. Mon parti l'appuie à ce stade afin qu'il soit renvoyé au comité, où nous serons en mesure d'apporter les amendements nécessaires pour renforcer les aspects du projet de loi qui, selon nous, doivent l'être.
En étudiant cette question, il est important d'écouter attentivement ce que les services de police ont à dire. Dans ma province, la Colombie-Britannique, plus de 60 p. 100 des activités illicites découlent du crime organisé, en grande partie du commerce des drogues illicites. Je sais que le gouvernement aime bien l'approche de la prétendue guerre contre la drogue, mais je pense que cette fameuse guerre ne pourra jamais être gagnée.
Ils n'y a que deux pays au monde qui appuient actuellement cette prétendue guerre contre la drogue, c'est-à-dire le Canada et les États-Unis. Il n'y a qu'à regarder au sud de la frontière pour constater où, en réalité, cette guerre a mené les Américains. À cet égard, la situation aux États-Unis est désolante et effrayante. Par exemple, la consommation des drogues dures et des drogues douces y est plus élevée. Les Américains ont des taux d'incarcération plus élevés, des taux de maladie plus élevés, des taux de mortalité plus élevés, des taux de VIH plus élevés et des taux plus élevés d'hépatite B et C, deux maladies liées à l'injection intraveineuse de drogues.
Pourquoi en est-il ainsi? Si la guerre contre la drogue est aussi efficace qu'on le dit, pourquoi donc, dans les faits, est-elle un échec aussi lamentable? Parce qu'elle ne fonctionne pas.
Alors, où et comment peut-elle fonctionner? Je pense que nous devons adopter une approche qui unit deux types de mesures. Premièrement, les dispositions de ce projet de loi pourraient être renforcées de façon à nous permettre de repérer, d'enrayer et de réduire le trafic de stupéfiants et le blanchiment d'argent associé à ce trafic. Deuxièmement, nous avons besoin d'une approche médicale rationnelle à l'égard de la toxicomanie. Où cela peut-il se trouver? En Europe du Nord. En Allemagne, à Francfort notamment, où l'on applique un modèle remarquable. Les Suisses ont également d'excellents modèles, tout comme les Suédois et les Finlandais.
Tous ces pays disposent de procédures adaptées et d'approches intégrées à l'égard du problème de la toxicomanie. Ce ne sont pas des approches judiciaires. Ce sont des approches médicales. Elles impliquent des éléments tels que la réduction des préjudices et, naturellement, des sites d'injection sûrs, la désintoxication et le suivi psychiatrique des toxicomanes, ainsi que des programmes de formation, de logement et d'emploi.
Si nous intervenons sur tous ces fronts, nous parviendrons à avoir un effet réel, car, fait très intéressant, un bon nombre de ceux qui ont un problème de toxicomanie, en particulier ceux qu’on retrouve dans nos rues, ont ce qu’on appelle un diagnostic mixte. Beaucoup d’entre eux souffrent également de troubles psychiatriques, de sorte que nous ne pouvons dissocier les toxicomanes des gens qui ont un problème psychiatrique. Ils ont des problèmes communs.
Selon moi, il serait non seulement inexact dans les faits et inefficace mais également inhumain d’adopter à l’endroit de ces gens une approche judiciaire. Ce dont ces gens ont besoin, ce n’est pas d’être jetés en prison, mais de recevoir un traitement médical qui saura les aider en s’attaquant à leurs problèmes sous-jacents, des problèmes auxquels il est possible de remédier.
J’encourage le gouvernement, qui, à mon sens, a adopté une démarche très brutale et très inefficace pour s’attaquer à ce problème, à ouvrir les yeux, à tenir compte des statistiques et des faits et à opter pour les solutions qui porteront fruits. Nous savons tous que, dans chacune de nos collectivités, il s’agit là d’un problème qui touche tout le monde, et aucun de nous ne souhaite voir des gens s’engager dans cette spirale de la mort que représente l’usage de substances illégales qui peuvent ruiner des vies. Nous avons tous eu l’occasion de voir dans nos rues des gens dont la vie a été détruite pour une foule de raisons, alors qu’il devrait en être autrement.
Il nous incombe de travailler en collaboration avec les gouvernements provinciaux, les gestionnaires de notre système de santé, pour pouvoir adopter et utiliser cette approche intégrée. Personnellement, j’aimerais que ce soit le cas dans ma ville, Victoria, sur l’île de Vancouver. J’aimerais que nous puissions appliquer cette stratégie intégrée de réduction des méfaits et nous attaquer aux questions de logement, de soins médicaux, de soins psychiatriques, de thérapie, d’acquisition de compétences et d’emploi, lesquelles sont primordiales pour solutionner ce problème.
Dans la ville où j’habite, Victoria, c’est un problème majeur. Les policiers veulent de l’aide. Ils reconnaissent que c’est la voie dans laquelle il nous faut nous engager. Ils veulent qu’on les aide à cet égard. Ils nous tendent la main, tout comme d’ailleurs la collectivité. J’encourage le gouvernement à nous écouter et à travailler avec nous pour appliquer les solutions qui seront efficaces.
En terminant, par égard pour nos troupes en Afghanistan, pour l’amour du ciel, commençons par nous attaquer, en toute rationalité, au problème de la culture du pavot en Afghanistan. La culture du pavot peut être éliminée, mais nous devons la remplacer par d’autres moyens d’existence. L’Afghanistan, notamment le Sud de ce pays, a déjà été très…