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AFGH Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité spécial sur la mission canadienne en Afghanistan


NUMÉRO 005 
l
2e SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 28 mai 2008

[Enregistrement électronique]

  (1905)  

[Traduction]

    Chers collègues, je vous souhaite la bienvenue, à vous et aux Canadiens qui suivent à la télévision cette cinquième séance du Comité spécial sur la mission canadienne en Afghanistan. Nous avons aujourd'hui l'honneur d'accueillir M. Graham Fuller.
    M. Fuller est écrivain, analyste, chargé de cours et consultant indépendant en affaires internationales et musulmanes. M. Fuller a travaillé pendant 20 ans à la CIA comme officier des opérations, dont 17 ans à l'étranger, surtout au Moyen-Orient, en plus d'avoir été chef de station de la CIA en Afghanistan de 1975 à 1978.
    Merci encore d'être venu, monsieur Fuller. Je vous laisse maintenant la parole pour votre exposé préliminaire.
    J'ai remarqué l'honneur que vous me faites tous en insistant pour me donner le titre de docteur. En fait, c'est M. Fuller et pas docteur, mais si vous insistez, j'accepte que vous employiez le terme dans d'autres acceptions.
    C'est pour moi un très grand plaisir d'être ici pour faire un exposé sur une question qui me tient beaucoup à coeur. Je sais qu'elle est d'une importance extrême pour le Canada à ce stade-ci de développement de sa politique étrangère.
    J'aimerais tout d'abord rendre un très grand hommage au courage, au dévouement et à l'abnégation des Canadiens et des Canadiennes qui sont en Afghanistan et qui travaillent d'arrache-pied, font d'énormes dépenses et surtout sacrifient leur vie en Afghanistan pour défendre cette cause.
    Il ne fait aucun doute dans mon esprit que les objectifs de la participation au conflit en Afghanistan sont extrêmement louables, car il s'agit d'affaiblir le radicalisme, d'améliorer la situation en ce qui concerne les femmes, les droits de la personne, l'éducation —surtout pour les femmes, encore une fois — et la primauté du droit, de déraciner la corruption et d'instaurer la démocratie et la justice. Je pense que ce sont des objectifs qui n'ont rien d'exceptionnel et auxquels nous pouvons tous aspirer. Le problème est que ces objectifs ne sont pas mis en oeuvre de façon significative en Afghanistan. Je pense que la situation se détériore, en fait.
    Je vous rappelle, à vous et aux personnes qui sont peut-être allées là-bas tout récemment, les statistiques et les chiffres les plus récents que vous avez. Je sais que quantité de chiffres provenant de nombreuses sources différentes appuient cette position; je n'essaie pas de jouer le petit jeu qui consiste à démontrer que mes statistiques sont meilleures que les vôtres. J'expose tout simplement ce que je considère être mon point de vue sur la situation.
    Je pense qu'elle se détériore, car le nombre d'attaques dans tout le pays augmente d'une année à l'autre. Un plus grand nombre de combattants étrangers participent au conflit. Les EEI ou engins explosifs improvisés, qui étaient en fait pratiquement inconnus en Afghanistan il y a quelques années, sont maintenant d'usage généralisé, à cause de l'expérience que les combattants ont acquise en Iraq.
    La situation est la même en ce qui concerne les attentats suicide à la bombe. Pendant les nombreuses années de conflit entre l'Afghanistan et les étrangers, les attentats suicide à la bombe étaient inconnus et ce, jusqu'à il y a quelques années à peine. Ils sont maintenant monnaie courante.
    La zone de conflit s'étend malheureusement au-delà de la zone la plus touchée, à savoir le sud, dominé par les pachtounes, et gagne des régions qui n'ont pas la réputation d'être sous leur contrôle. Kaboul n'a malheureusement pas le contrôle sur le pays comme tel. Karzaï est appelé — parfois de façon plutôt cruelle — président de Kaboul plutôt que de l'Afghanistan.
    Les problèmes liés à la culture du pavot sont très sérieux. L'Afghanistan fournit probablement la majeure partie du pavot qui est consommé dans le monde occidental, sous une forme ou une autre. Lorsque j'étais chef de station en Afghanistan, dans les années 70, je me souviens avoir été breffé par des personnes qui m'ont signalé avoir commencé la lutte contre le pavot une trentaine d'années avant cela. L'été, j'allais compter les cultures de pavot rien que dans les environs de Kaboul avec ma femme et mes enfants pour voir s'il y avait eu du changement grâce à tous les efforts des Américains et des autres ambassades de la région pour tenter d'atténuer ce problème. Je ne vois donc pas de changement important dans ce domaine. Et ce qui est pire aujourd'hui, c'est l'insistance de certaines politiques visant à détruire les champs de pavot. Ce serait détruire le gagne-pain des agriculteurs afghans et les pousser dans les bras des talibans.
    En bref, je ne pense pas qu'on est en train d'atteindre les objectifs qui ont été fixés par Washington, par l'OTAN ou par les participants à ces opérations; ils ne seront en fait pas atteints à moyen terme. On pourrait peut-être avoir un certain espoir d'atteindre certains de ces objectifs au cours d'une génération.
    Mes commentaires sont très pessimistes, mais je signale que je ne suis pas le seul à faire de tels commentaires. La plupart de mes collègues du milieu du renseignement ou ceux qui travaillaient pour le département de l'État, mais ne sont plus impliqués dans cette affaire, partagent généralement ces opinions, au même titre que de nombreuses évaluations externes indépendantes de la situation.
    Je voudrais faire quelques brèves observations sur la nature du problème. Je sais qu'un grand nombre d'entre vous connaissent une bonne partie des faits, mais j'aimerais les exposer dans un contexte.
    D'une façon générale, le pouvoir des talibans semble augmenter mais, ce qu'il est essentiel de comprendre au sujet des talibans, c'est qu'il ne s'agit pas principalement d'un mouvement idéologique. C'est plutôt un mouvement national ou nationaliste de la population pachtoune, qui est le groupe ethnique le plus important du pays, car il représente la moitié de la population. Si vous étiez pachtoune, vous considéreriez les talibans comme le principal outil d'exercice du pouvoir pachtoune en Afghanistan. Les pachtounes ont la perception d'avoir perdu ce rôle depuis la chute du gouvernement taliban, et même depuis plus longtemps. Bien que la plupart des pachtounes n'aiment pas les talibans ou qu'ils ne sympathisent pas tout à fait avec la plupart de leurs interprétations extrêmes de l'Islam, ils leur offrent souvent leur soutien au nom du rétablissement du pouvoir pachtoune dans le pays.
    Si certains parmi vous ont lu l'histoire fascinante de la région, je n'ai pas besoin de rappeler qu'au cours des siècles, les envahisseurs ne s'en sont jamais très bien tirés dans ce pays. Je ne vois aucune raison pour que les forces qui y sont actuellement, qui sont perçues comme des forces d'occupation par un grand nombre d'habitants, doivent s'attendre à ce que les perceptions soient très différentes.
    Bien que je pense qu'Hamid Karzaï soit un homme très honorable, très convenable et sympathique, il n'est malheureusement pas extrêmement compétent. Il y a pire: il est perçu comme un instrument des États-Unis et un peu comme un oncle Tom par la plupart des pachtounes. Bien que Karzaï soit pachtoune lui-même, on le perçoit comme un effort pour apaiser les perceptions des pachtounes, mais pas comme une personne qui les représente tout à fait. On voit par conséquent se former dans le pays de nouvelles coalitions qui sont pro-talibans, ou qui sont composées d'ex-communistes, de seigneurs de guerre ou d'autres types de personnes qui s'opposent au pouvoir de Karzaï.
    Une autre réalité au sujet du pays est qu'il est impératif de comprendre que, si les pachtounes sont le principal groupe ethnique en Afghanistan, ils sont deux fois plus nombreux au Pakistan. Toute la zone pakistanaise de la frontière avec l'Afghanistan est peuplée de pachtounes qui ont des liens très étroits sur les plans linguistique, culturel, tribal, en termes de clan ou encore à d'autres points de vue; une frontière à cet endroit est pour ainsi dire extrêmement artificielle. C'est une frontière poreuse. Les gens la traversent le plus souvent en dehors de tout contexte juridique. Par conséquent, les pachtounes pakistanais participeront très activement à la politique pachtoune en Afghanistan, qu'on le veuille ou non.
    Cette situation a une incidence viscérale sur la position du Pakistan. Le Pakistan est un pays qui manque beaucoup de sécurité à de nombreux égards, du fait qu'il est le voisin immédiat du colosse que représente l'Inde. Par conséquent, le Pakistan n'a pas les moyens d'avoir un autre ennemi ou de faire face à une autre menace à ses frontières occidentales. Je pense donc que tout gouvernement pakistanais ou que les responsables de la sécurité ou les responsables militaires du Pakistan seront déterminés à maintenir le contrôle et leur droit de regard sur la politique pachtoune en Afghanistan, et qu'ils aimeraient en fait avoir la maîtrise pour ce qui est de la nature des politiques de Kaboul. Je ne pense pas que la situation changera à cet égard. Elle n'a aucun lien avec l'Islam ou avec l'idéologie; elle est liée aux intérêts et aux craintes géopolitiques pakistanaises dans la région.

  (1910)  

    J'aimerais sauter des passages, car le temps dont je dispose est limité; je suis d'ailleurs impatient d'avoir une discussion avec vous.
    J'aimerais pouvoir dire que le Canada a été apprécié au Pakistan et dans la région à titre de puissance totalement indépendante ayant une longue et éminente culture de maintien de la paix et travaillant dans le contexte des Nations Unies. La plupart des Afghans pensent toutefois que la participation du Canada fait essentiellement partie d'un projet américain. Je crains que cette association au projet américain soit vraiment fatale, car c'est une source d'angoisse et de colère pour la plupart des musulmans, pas seulement en Afghanistan ou au Pakistan, mais aussi dans tout le Moyen-Orient. Bien que nous puissions la considérer comme une organisation internationale qui chapeaute la participation canadienne, l'Organisation du Traité de l'Atlantique-Nord est essentiellement perçue comme un instrument du pouvoir occidental.
    À l'heure actuelle, les musulmans de tout le Moyen-Orient perçoivent la guerre américaine au terrorisme et ses alliés comme une guerre contre l'Islam. Quels que soient les faits, c'est la perception. La perception est que des dizaines de milliers de musulmans de toute la région sont tués, surtout par les forces américaines. Les musulmans craignent les objectifs américains — et même ceux de l'OTAN — dans la région, et ils s'en méfient. J'aimerais que ce ne soit pas le cas et que le Canada puisse être là à titre indépendant, qu'il soit apprécié pour lui-même, à titre de force indépendante ayant de prestigieux antécédents.
    J'aimerais donner deux précisions qui sont à mon sens capitales. Je ne tiens pas à avoir des discussions sur le Pakistan avec les nombreux experts du gouvernement canadien. Je pense que votre éminent ambassadeur en Afghanistan vient ce soir, et je ne tiens pas à croiser le fer avec lui, à quelque égard que ce soit. J'aimerais toutefois signaler que si un échec de l'OTAN et de ses alliés est probable au cours des prochaines années, bien que ce ne soit pas ce que je souhaite, il est essentiel de réfléchir à des stratégies de retrait. C'est la vieille maxime de Colin Powell en ce qui concerne la participation américaine: des stratégies de retrait.
    Je pense qu'il n'y aura pas de solution durable tant que les pachtounes n'auront pas été entièrement intégrés au système, ce qui implique qu'il faudra intégrer certaines formes et certains éléments des talibans, aussi détestable que ça puisse être. Il n'est pas réaliste d'envisager de transformer l'Afghanistan à court terme en un pays démocratique, homogène, uni, épris de paix et propre.
    De plus, outre qu'il faudra faire participer activement les pachtounes, autrement dit le pouvoir pachtoune, même si les talibans les plus radicaux sont exclus, certaines puissances régionales représentent des intérêts très considérables dans la région et sont très importantes dans le contexte d'un futur règlement. Ces puissances sont l'Iran, qui a une influence énorme sur l'ouest de l'Afghanistan; le Pakistan, sur lequel j'ai déjà fait des commentaires, mais aussi la Russie qui, comme vous le savez, lèche toujours ses plaies à la suite de son intervention, qui présente de nombreux parallèles déplorables avec la participation actuelle de l'OTAN. La Russie, la Chine et l'Inde ont des intérêts profonds et permanents que n'ont pas les États-Unis. Les États-Unis n'ont pas été voisins de l'Afghanistan et la plupart des habitants de la région estiment que, lorsque la crainte d'al-Qaïda aura disparu, les États-Unis et l'OTAN ne s'y intéresseront plus.

  (1915)  

    Il doit y avoir des possibilités de faire participer ces pays, même si Washington ne tient pas à discuter ou à traiter avec l'Iran, ni à faire participer de façon plus active la Chine ou la Russie. Je pense en fait que, bien que les Américains qui sont sur le terrain soient très réalistes, les dirigeants qui sont à Washington continuent de percevoir l'Afghanistan comme une future base de la projection de la puissance américaine à travers l'Asie, pour faire obstacle à la Chine et à la Russie. Par conséquent, j'estime que, bien qu'il ne soit pas formulé, cet objectif est bien réel et suscite une réaction de la part de la Chine et de la Russie dont l'aide, sans mentionner celle de l'Iran, est absolument essentielle.
    En conclusion, je pense que le Canada aura un rôle très prestigieux à jouer à l'avenir, à titre de force de maintien de la paix et de pays indépendant. Cependant, son association avec les politiques gravement déficientes et dangereusement vouées à l'échec du gouvernement américain, sous l'administration actuelle, rend quasi impossible la mission canadienne dans cette région. J'aimerais que ce ne soit pas le cas mais, étant donné que j'ai été longtemps associé à la politique étrangère américaine, je suis au regret de dire que c'est la réalité.
    Par conséquent, étant donné que le monde devient davantage multipolaire, même contre les voeux de Washington, je pense que le Canada trouvera de plus en plus de latitude pour exercer de l'influence auprès des grandes puissances émergentes du monde plutôt que de se contenter de demander tout simplement si elles sont pour ou contre l'Amérique. Je pense que le monde ne se résume pas à être pro-américain ou anti-américain. Des pays comme le Canada devraient avoir la latitude d'oeuvrer parmi un large éventail de puissances différentes.
    Merci beaucoup.

  (1920)  

    Merci beaucoup, monsieur Fuller.
    Les représentants de chaque parti disposeront maintenant de sept minutes pour entamer la discussion, poser des questions et pour la réponse du témoin. Je donne d'abord la parole à l'honorable Bob Rae, pour le Parti libéral.
    Merci, monsieur Fuller. C'est formidable que vous soyez avec nous. Je regrette que vous ne vouliez pas croiser le fer avec M. Lalani, car je pense que ce serait intéressant pour nous de suivre une telle discussion. Je suis sérieux. Je ne pense pas qu'il faille hésiter à avoir de saines discussions.
    Monsieur Fuller, nous devons élaborer une stratégie de retrait, du moins sur le plan militaire, car nos troupes ne sont engagées que jusqu'en 2011. Aucun de vos commentaires ne me choque, mais si vous aviez à restructurer la mission jusqu'en 2011 et après cette date, comment procéderiez-vous?
    C'est, naturellement, la question à 64 000 $. J'aimerais y donner une réponse facile.
    Ce n'est pas seulement une question de tactique, mais encore faut-il tenter de faire participer progressivement les puissances régionales à ce processus, comme je l'ai déjà fait remarquer. Un des scénarios futurs pour l'Afghanistan — et ce n'est qu'un des scénarios — serait un pays dominé par le Pakistan. Je ne propose pas ou n'appuie pas ce scénario, mais je pense que c'est une éventualité logique.
    Étant donné que les pays occidentaux se lassent devant cette tâche pratiquement impossible, le Pakistan cherchera à renforcer son influence dans cette région en ayant recours à des moyens qui donneront des pouvoirs aux talibans mais qui aboutiront à l'écrasement de al-Qaïda et des forces internationales djihads. Je pense que c'est cela en fin de compte. S'il y a une tâche qui est absolument essentielle, c'est bien l'élimination de ces forces internationales djihads, et surtout d'al-Qaïda. Je pense que le Pakistan — et, soit dit en passant, les talibans eux-mêmes — est parfaitement capable de le faire quand les Pakistanais estimeront que leurs objectifs locaux sont atteints.
    Je voudrais en discuter avec vous. Revenons à l'origine récente du conflit. Je ne remonterai pas trop loin dans le temps, mais à l'attaque lancée sur les tours jumelles. Il est un fait qu'al-Qaïda a été soutenu de façon évidente par les talibans — pas seulement toléré, mais soutenu. Quelles indications auriez-vous que les talibans seraient maintenant prêts à se tourner contre al-Qaïda et contre les forces djihads établies actuellement en Afghanistan, ainsi que dans le nord-ouest du Pakistan?
    C'est une très bonne question.
    En premier lieu, il n'existe pas de talibans comme tels. C'est un très large éventail de personnes. La plupart des talibans s'intéressent à l'Islam en rapport avec l'Afghanistan, avec la société afghane et avec la défense des valeurs traditionnelles afghanes, quoi que nous puissions en penser. S'ils estiment qu'une attention minime est accordée à ces objectifs et que les forces militaires occidentales ont quitté la région, nous constaterons probablement qu'un grand nombre de talibans sont tout à fait prêts à se contenter d'être actifs dans leur propre pays, plutôt que de se joindre à une force internationale djihad d'un type ou d'un autre.
    C'est effectivement déjà arrivé — vous avez absolument raison — avec al-Qaïda, mais je pense qu'il y a une exception à la règle. D'une façon générale, les Afghans ne se sont pas joints à al-Qaïda dans le monde ou n'ont pas combattu ailleurs. Par conséquent, je pense que ce n'est pas une pure illusion d'envisager la possibilité que les talibans soient divisés, pour autant qu'ils estiment que les armées occidentales et les forces d'occupation ont quitté le pays.

  (1925)  

    Je laisserai ma dernière question à M. Ignatieff, monsieur le président, étant donné que nous sommes d'excellents amis.
    C'est bien vrai. C'est un spectacle vraiment étonnant.
    Merci, monsieur Fuller.
    Je pose directement ma question, monsieur. Si les talibans sont un mouvement nationaliste — et ce sont vos propres termes — et pas un mouvement terroriste avant tout, bien que des terroristes aient trouvé refuge parmi eux, et s'ils servent la cause du nationalisme pachtoune, qui est un nationalisme transfrontalier, est-ce qu'une des conclusions qu'on peut tirer de vos commentaires est que toute tentative de créer un État national à partir de Kaboul, avec l'appui des pachtounes, est vouée à l'échec?
    Si je comprends bien la stratégie canadienne en Afghanistan, elle consiste à créer un gouvernement national à Kaboul, avec l'appui des pachtounes. Il semblerait que vous pensiez que c'est illusoire — à savoir que le nationalisme pachtoune résistera toujours à la création d'un État central — et que, par conséquent, le Canada appuie un objectif politique qui ne peut être atteint.
    Est-ce la conclusion qu'on peut tirer de votre témoignage?
    Non, monsieur, pas du tout. Ça me préoccupe si c'est l'impression que j'ai laissée.
    Les pachtounes ont dominé l'Afghanistan pendant environ trois siècles, dans une société pluri-ethnique, et ça a relativement bien fonctionné. Actuellement, ils estiment avoir tout perdu en Afghanistan, depuis le renversement des talibans, qui était essentiellement un gouvernement pachtoune.
    Par conséquent, je ne dis pas qu'ils résisteraient à un pays uni dominé par Kaboul; la question est de savoir si les pachtounes auront la principale influence à Kaboul même. Non, je ne pense pas qu'ils résisteraient de quelque façon que ce soit à un Afghanistan uni; ils préféreraient cela; ils voudraient simplement participer à ce projet.
    Oui, c'est nationaliste, mais c'est aussi très religieux et, pour eux, il n'y a pratiquement aucune différence entre les deux. Lorsqu'on est pachtoune, on appuie ce type de religion plutôt primitive qui ressemble à une montagne — la montagne Islam. Quand on est religieux, c'est ce que l'on appuie. Il est très difficile de faire la distinction entre un mouvement ethnique et le type d'idéaux religieux fondamentalistes qu'ont les talibans.
    À propos, ils ne sont pas les seuls. D'autres éléments en Afghanistan partagent certaines de ces valeurs religieuses et sociales.
    Merci beaucoup.

[Français]

    C'est maintenant le tour de Mme Barbot du Bloc québécois.
    Merci, monsieur le président.
    Je vais partager mon temps avec M. Bachand. Je vais poser ma question, et M. Bachand posera ensuite la sienne.
    Monsieur Fuller, je vous remercie de vous être présenté ici. Vous présentez un portrait assez sombre de la situation en Afghanistan, en particulier en ce qui concerne l'apport du Canada.
    Même si vous dites que ça va mal globalement et qu'on se dirige vers l'échec, le travail que fait le Canada par l'entremise des ONG porte-t-il fruit? S'agit-il d'un travail assez consistant et quand même bien accepté par la population?

[Traduction]

    Je pense que les opinions chez les pachtounes et les musulmans du Pakistan en général sont que l'Afghanistan et le reste du monde musulman sont très semblables. Ils se sentent menacés par la lutte mondiale au terrorisme menée sous la direction de Washington. Ils la considèrent comme une guerre contre l'Islam et contre les valeurs islamiques. Ils voient des musulmans se faire tuer par dizaines de milliers, voire davantage, dans différents pays, à cause de politiques de Washington que je considère, en toute franchise, comme des politiques peu judicieuses: en Palestine par rapport à Israël, par rapport au Liban, par rapport à la Somalie, par rapport à l'Iraq, l'Afghanistan et le Pakistan. Par conséquent, la plupart des musulmans ne pensent pas uniquement à la situation locale, mais ils considèrent qu'il s'agit d'une défense globale contre l'impérialisme. Je ne qualifie pas la politique de Washington d'impérialisme, quoiqu'elle contienne quelques éléments d'une vision hégémonique planétaire, mais c'est la perception générale qu'on en a dans le monde musulman, et c'est ce qui rend les problèmes tellement complexes. La plupart des musulmans sympathisent avec le combat, même s'ils n'approuvent pas tout à fait Ousama ben Laden.
    J'espère que ça répond à votre question, telle que je l'interprète.

  (1930)  

[Français]

    Attendons 30 secondes, le temps que l'interprétation fonctionne.

[Traduction]

    Je veux m'assurer que vous entendez la question en anglais.

[Français]

    Monsieur Bachand, s'il vous plaît.
    Monsieur Fuller, cet après-midi j'ai lu votre curriculum vitae et j'ai été assez impressionné par vos faits et d'armes, mais ce qui a surtout attiré mon attention, c'est que vous avez travaillé longtemps pour la CIA. Vous êtes donc un homme de renseignement et d'information. Cela me fait dire que vous avez certainement encore d'anciens contacts qui vous ont rapporté ce que vous avez dit dans votre témoignage devant le comité.
    Je ne vous apprendrai rien en disant que la guerre du Vietnam n'a pas été perdue au Vietnam, mais en sol américain parce que le peuple américain s'est révolté et a décidé que c'était terminé. C'est du moins mon opinion.
    Avez-vous l'impression que, depuis cette guerre au Vietnam — et ça s'applique encore aujourd'hui —, les doctrines militaires ont changé en ce qui a trait à l'outil de l'information et de la propagande. C'est rafraîchissant de vous entendre aujourd'hui parce que nous discutons depuis des années, probablement, de l'intervention en Afghanistan, et chaque fois qu'un général, un haut fonctionnaire du gouvernement ou des travailleurs du gouvernement viennent ici, on nous dit que ce qui se passe en Afghanistan est extraordinaire et que nous cheminons sur la voie de la démocratie à une vitesse incroyable.
     J'aimerais aussi que vous nous disiez si vous pensez qu'un comité comme le nôtre peut prendre une tangente juste si on ne lui donne pas la véritable information et s'il n'a pas accès aux documents classés secrets. Autrement dit, on écoute les gens et on se fie à leur bonne foi. Je pense donc qu'il y a une opération de propagande et de manipulation de l'information de la part de tous les hauts dirigeants qui comparaissent devant nous, et c'est là-dessus que j'aimerais vous entendre.

[Traduction]

    Merci, monsieur. C'est une question très importante.
    Tout gouvernement tente de faire très bonne figure en ce qui concerne ses politiques et ses réalisations.
    Si l'on me demandait aujourd'hui d'être en charge de l'effort afghan, il faudrait que je pense de façon positive à ce que je pourrais faire dans l'immédiat pour changer cette situation. C'est peut-être un luxe d'être un agent de renseignement ou un analyste du renseignement pour avoir la liberté de voir ce qui se passera à l'avenir, peu importent les incidences politiques de l'analyse. C'est pourquoi il y a très souvent des tensions entre les organismes du renseignement et les décideurs.
    Oui, je pense que Washington a fait de gros efforts pour présenter sous un jour positif non seulement la situation en Afghanistan, mais aussi en Iraq et bien d'autres situations dans la région. C'est toujours vrai, mais je pense que ce l'est particulièrement depuis huit ans.
    Vous vous êtes demandé comment on peut être informé de la situation sans avoir accès à des documents secrets. J'ai travaillé pendant 25 ans avec des documents secrets et je ne pense pas du tout que ces documents contiennent nécessairement des secrets qui vous permettraient ou me permettraient de mieux comprendre ce problème. Les renseignements secrets peuvent être parfois importants pour savoir où se cache ben Laden et où se trouve actuellement une force militaire prête à lancer une attaque militaire; c'est donc important sur le plan tactique. Par contre, pour ce qui est de comprendre les tendances générales, aucun renseignement ne donne une réponse à cette question. Tout ce que l'on peut donner, c'est un jugement ou une opinion éclairée. Les personnes bien informées peuvent très bien ne pas s'entendre, même sur la façon d'interpréter les faits.
    Mon interprétation des événements qui se déroulent actuellement en Afghanistan, en Iraq ou dans d'autres régions n'est pas fondée du tout sur des renseignements secrets. Je n'ai pas de renseignements secrets. Je n'en ai pas vu depuis 15 ans.
    Si l'on apprend toutefois à réfléchir intelligemment et à examiner différentes sources... À propos, sur Internet, on trouve une variété remarquable de sources et de bons renseignements concernant les différents points de vue sur la situation. Si on examine les points de vue d'autres pays — la presse anglaise, la presse indienne en anglais ou des publications comme l'Asia Times, qui est publiée en Asie de l'Est en anglais et qui a un point de vue indo-chinois très différent et très éclairé —, ça donne quelques perspectives différentes.
    Je ne pense pas que des renseignements secrets soient nécessaires pour évaluer les difficultés considérables que l'on a à comprendre cette situation.

  (1935)  

    Merci beaucoup, monsieur Fuller.
    Je donne maintenant la parole à M. MacKenzie.
    Merci, monsieur le président.
    Je partagerai peut-être finalement le temps dont je dispose avec mon collègue, monsieur.
    Monsieur Fuller, j'ai suivi attentivement votre exposé, et j'ai quelques difficultés avec votre concept. Vous semblez indiquer qu'il faudrait quitter le pays et que la population pachtoune et les talibans combleraient alors le vide. N'est-ce pas précisément la raison pour laquelle nous sommes là-bas?
    Les Afghans ont expliqué ce qui se passait dans leur pays lorsqu'il était sous le contrôle des talibans. Comment peut-on faire la quadrature du cercle, à savoir qu'on quitte le pays et qu'on laisse ces personnes prendre le contrôle pour incendier les écoles et faire tout ce qu'ils ont fait pendant un bon nombre d'années? N'est-ce pas ridicule?
    C'est aussi une question très importante et très délicate, monsieur. S'il y avait une réponse facile à cette question, nous ne serions pas ici.
    Je pense qu'il y a une différence. Je pense que la présence des troupes occidentales « qui occupent » — et c'est le terme employé par la plupart des musulmans — leur pays engendre un élément radicalisant qui encourage d'autres forces radicales. Il encourage les djihads à venir des quatre coins du monde pour se battre, surtout contre la présence américaine, contre laquelle on mène un combat militaire dans plusieurs pays.
    J'estime d'abord que les talibans, dans la mesure où on peut généraliser à leur sujet, car il existe des tendances différentes parmi eux — ils sont tous pachtounes, ils sont tous nationalistes, ce sont tous des fidèles de l'Islam à un certain degré —, ont également appris quelques petites choses en une génération, en observant cette débâcle terrible. Même les vieux talibans n'étaient pas à l'aise avec ben Laden lorsqu'il est arrivé là-bas, mais ils se sont trouvés progressivement pris au piège dans une situation de dépendance à son égard. Je ne pense pas que cette situation pourrait se présenter à nouveau sous la même forme.
    Je pense donc que les talibans ont appris quelque chose, les pachtounes aussi, et que les Pakistanais eux-mêmes ont pris connaissance des dangers d'une perte de contrôle des éléments mêmes qu'ils appuyaient, comme ils l'ont déjà fait.
    Si l'on sait que les troupes occidentales quittent le pays et que des mécanismes sont mis en place avec le soutien des puissances régionales — de la Russie, de l'Iran, de la Chine, de l'Inde, d'autres pays et des Nations Unies — pour tenter essentiellement de rétablir un gouvernement au sein duquel les talibans pourraient avoir une forte influence, ce qui importe le plus, c'est le type de talibans et le type de politiques visés.
    Je ne pense pas qu'on se remette à incendier des écoles, mais n'observera-t-on pas un retour à un pays conservateur, à une politique sociale conservatrice, et à une politique conservatrice à l'égard des femmes, que je n'approuve pas? Oui, je pense que ce serait le cas dans une certaine mesure, mais pas qu'on en reviendrait aux atrocités et aux exagérations commises par les plus radicaux des talibans ni à leurs méthodes, qui sont considérées comme faisant partie de leur combat anti-américain.

  (1940)  

    J'ai l'impression que vous suggérez que nous tentions une expérience: quitter le pays maintenant pour voir ce qui se passera.
    Un des pays que vous mentionnez est la Russie. L'Afghanistan a déjà eu ses conflits avec la Russie. Je ne comprends vraiment pas pourquoi on pourrait quitter le pays en le laissant aux talibans, à leur passé et peut-être à leur avenir, en s'attendant à ce que la Russie soit un des pays qui les maintiennent en place en les considérant comme un intendant honnête. Ça défie le bon sens.
    En premier lieu...
    Je suis désolé, mais j'ai oublié ce que je voulais dire, mais pas l'autre commentaire important que je voulais faire. Ce que je voulais dire me reviendra à l'esprit.
    Il ne s'agit pas de remettre le pays entre les mains des talibans, mais d'entamer un nouveau processus politique et essentiellement non militaire, et ce, très rapidement, dans le cadre duquel un nouveau gouvernement et un nouvel équilibre des forces pourront être établis. Je ne peux pas indiquer la formule parfaite pour le déroulement du processus, mais l'alternative est également importante.
    Vous parlez de quitter le pays et d'abandonner la partie. Je ne suis pas persuadé que si nous restons deux, trois, cinq, voire dix ans, nous atteindrons l'objectif que nous espérons atteindre. Je pense que nous aurions de la chance si nous l'atteignions en une vingtaine d'années et on n'a aucune garantie qu'on ne continuerait pas à enflammer les passions nationalistes, religieuses et fondamentalistes, en Afghanistan, au Pakistan et dans la région, pour venir lutter contre le projet actuel de l'OTAN.
    Par conséquent, il ne s'agit pas de faire un choix qui soit de la folie plutôt qu'un choix raisonnable. C'est un choix raisonnable actuellement qui, à mon avis, n'est pas efficace et ne le sera probablement pas. Et c'est une nouvelle façon d'utiliser les puissances régionales pour empêcher les pires des éléments du passé de refaire surface. C'est la participation d'éléments comme al-Qaïda. Le Pakistan n'en veut pas et l'Iran, la Russie et la Chine non plus. Ces pays sont très puissants.
    Un autre scénario est que l'Afghanistan soit divisé en sphères d'influence pour un certain temps, avec la participation de ces pays. C'est parfaitement imaginable, quoique ce serait regrettable.
    Merci beaucoup.
    Madame Black.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur Fuller, merci beaucoup d'être venu de l'ouest du Canada. Je sais que c'est un long voyage, car je le fais toutes les semaines, et mon collègue M. Dosanjh aussi. Nous apprécions le fait que vous soyez venu. Vous donnez un aperçu différent de la situation et faites des commentaires qui nous interpellent.
    Les commentaires que vous avez faits sur la région et sur les pays voisins de l'Afghanistan — le Pakistan et l'Iran — m'intéressent tout particulièrement. Je me demande si vous estimez qu'il est impossible de trouver une solution pacifique à la guerre en Afghanistan sans l'adhésion de ces pays voisins. J'en doute personnellement.
    L'autre sujet sur lequel je voulais également poser une question est l'arrivée du Sud de 3 000 membres supplémentaires de la marine, pour faire une avancée semblable à celle qui a été faite en Iraq. Je me demande ce que vous pensez de ce type d'avancée et si vous estimez que ce type d'effort sera productif à long terme, car il faut avoir une vision à long terme, comme vous l'avez fait remarquer.
    Je me demande également si vous avez des informations à communiquer au sujet de la mission de la Force intérieure d'assistance à la sécurité ou FIAS et de celle de l'Operation Enduring Freedom, qui se déroule en même temps. Je pense qu'il y a actuellement entre 8 000 et 10 000 soldats américains en Afghanistan qui ne font pas partie de la mission de la FIAS. Je me demande si vous pourriez nous donner de l'information sur l'interaction entre ces deux missions tout à fait distinctes et si vous êtes au courant de certains problèmes ou de certaines communications entre les deux, ou si vous avez d'autres renseignements à partager avec nous.

  (1945)  

    J'espère bien que la présence d'un nouveau contingent de la marine aidera à pacifier le Sud. Comme nous le savons tous, il s'agit toutefois d'une guérilla et les guérilleros ne décideront pas de se battre si c'est pour perdre, car une défaite est inévitable. Ils disparaîtront dans les collines et attendront le départ des Américains.
    C'est le jeu du chat et de la souris à bien des égards. Personne ne s'attend à ce que Washington ait le cran — et encore beaucoup moins d'autres pays — de rester de deux à six ans ou plus pour continuer de déployer ce type d'effort. Les gens attendent un moment plus propice pour exercer leur pouvoir.
    En toute sincérité, je ne pense pas qu'une solution militaire à ce problème soit possible. Il faut que ce soit essentiellement une solution politique et je pense qu'il y a une certaine contradiction entre les deux. Idéalement, on affaiblit la force militaire de ses adversaires pour qu'ils négocient. Je ne pense pas qu'ils négocieront. Ils battront en retraite et attendront.
    Je ne peux pas faire une évaluation approfondie entre la FIAS et les forces militaires américaines, car je ne suis pas très versé dans ces détails. Je devrais dire qu'il y a une certaine contradiction depuis le tout début dans la politique américaine et c'est entre l'édification d'une nation par le biais du département d'État et l'édification d'une nation par le biais de l'aide extérieure ou de la mise en place d'institutions. Par contre, il y a aussi la CIA et les forces armées qui essaient de trouver al-Qaïda et d'en tuer les membres, et de tuer les membres des forces talibanes dans la région.
    On déplore malheureusement de nombreuses morts parmi les civils. Il ne faut pas considérer ça comme des dommages collatéraux; ce sont des morts parmi la population civile. Ce fut un facteur d'aliénation de la population très important. Même le président Karzaï a critiqué ouvertement Washington en disant que ces pertes civiles sont intolérables et, pourtant, elles font essentiellement partie du processus; je n'envisage aucune diminution marquée à ce chapitre. Cependant, alors que la CIA et les forces armées travaillent avec les seigneurs de la guerre, les appuient et leur donnent des fonds et qu'elles appuient les milices privées pour tenter de lutter contre les talibans et de localiser al-Qaïda et d'autres éléments étrangers, elles appuient du même coup les éléments mêmes au sein du gouvernement qui affaiblissent l'aspect civil de l'édification d'une nation.
    Par conséquent, il y a contradiction entre ces deux éléments. Je ne pense pas qu'ils soient tout à fait incompatibles, mais ils ont un effet affaiblissant. Chacun complique la mission de l'autre.
    Vous avez signalé dans vos commentaires que les talibans n'étaient pas un groupe idéologique.
    J'ai dit qu'ils n'étaient pas principalement idéologiques.
    Oui. Je me demande comment vous envisagez l'interaction entre al-Qaïda et les talibans. Il semblerait que les talibans aient des objectifs qui se limitent à l'Afghanistan — et au Pakistan, je suppose —, mais appuient-ils les objectifs généraux d'al-Qaïda? Voyez-vous ce type de lien? Est-ce que les objectifs des talibans s'inscrivent dans le contexte d'une crise plus générale de l'Islam, que vous avez évoquée?
    S'inscrivent dans le contexte d'une crise plus générale...
    Une crise plus générale dans les pays islamiques.
    J'insiste sur le fait qu'il est important de comprendre que, parmi les talibans, il y a des éléments modérés et des éléments plus radicaux, comme dans tout autre mouvement. Les talibans modérés ne nous rassurent peut-être pas tout à fait par une éducation occidentale, avec des opinions sur les femmes qui sont, dans la meilleure des hypothèses, primitives. Même les vues tribales très répandues sur les femmes sont extrêmement primitives à cet égard depuis des siècles et des siècles.
    Il y a toutefois un spectre. Je pense que, dans leur optique, lorsque les forces militaires d'occupation occidentales s'en iront, il y aura une lutte pour le pouvoir parmi les talibans. Certains talibans tenteront d'obtenir des fonds et de l'aide des pays occidentaux pour reconstruire le pays, pour autant que ce soit sans troupes et sans Américains. Ils accepteront même des fonds américains si c'est sans les forces américaines. D'autres ne voudront jamais en entendre parler, parce qu'ils ne veulent pas d'Occidentaux là-bas. Certains estimeront qu'ils devraient travailler en collaboration étroite avec le Pakistan alors que d'autres diront qu'ils vivent en Afghanistan et, par conséquent, ne voudront pas dominés par le Pakistan.
    Il y aura donc un désaccord au sujet de leurs liens avec les forces internationales djihads. Y a-t-il parmi les talibans des forces et des éléments qui coopèrent avec al-Qaïda? Oui. Mullah Omar et la vieille bande, les vieux éléments, sont très affaiblis, mais ils sont toujours là, et ils ont probablement ce vieux point de vue qui ne changera pas. Les jeunes éléments ont toutefois un jeu différent. Ce sont des Afghans. Ils sont intéressés au pouvoir en Afghanistan. La plupart d'entre eux ne veulent pas révolutionner le monde, malgré certains de leurs commentaires.
    Vous m'avez posé une question au sujet de la politique américaine. Je pense que c'est un facteur de l'échec général. Elle mettra dans le même panier tous les mouvements qui ont recours au terrorisme: ce sont tous des ennemis, il faut les combattre tous et il faut tous les tuer.
    Il est extrêmement important de faire la distinction entre des mouvements comme le Hezbollah au Liban, par exemple — je ne les appuie pas — et même le Hamas. On peut aller au Liban — je l'ai fait —, dans les bureaux du Hezbollah, leur parler, obtenir leurs documents, les interviewer, les prendre en photo et publier des articles sur eux. Ils font partie du gouvernement et font partie d'un mouvement dans ce pays. Il ne s'agit pas d'une conspiration internationale ou d'un mouvement international, qu'on le veuille ou non.
    Je pense que le même type de raisonnement est davantage applicable aux talibans, car la situation change. Ils ne seront pas très unifiés par cette présence américaine et par cette présence des forces armées occidentales. Ils se diviseront selon les clans, peut-être selon les croyances religieuses, selon les différences régionales, selon les politiques, et ils coopéreront avec certaines personnes et pas avec d'autres, comme je l'ai mentionné. Je pense qu'il faut être ouvert et encourager cette situation, mais toute l'approche militaire au terrorisme entreprise par Washington a mené à la catastrophe et s'est soldée par un échec dans tous les pays: au Liban, en Palestine, en Somalie, en Iraq et dans d'autres pays.

  (1950)  

    Je m'excuse, mais nous avons dépassé le temps dont nous disposions et nous devons passer au deuxième tour de questions, qui durera cinq minutes.
    Monsieur Patry.

[Français]

[Traduction]

Je partagerai le temps dont je dispose avec M. Dosanjh.
    Monsieur Fuller, je poserai une question immédiatement.
    Bien qu'il s'agisse d'une mission de l'OTAN, la perception dans le monde musulman est que cette guerre est dirigée par les États-Unis et qu'elle est dirigée contre l'Islam. Ma question concerne les talibans. Vous avez mentionné dans vos observations préliminaires que les talibans seraient prêts à jeter dehors un groupe terroriste comme al-Qaïda s'ils atteignent leurs objectifs locaux. Pourriez-vous expliquer quels sont ces objectifs locaux?
    Parlez-vous des objectifs des talibans?
    Ma deuxième question est la suivante: pensez-vous que le prochain gouvernement américain acceptera d'entamer, par la voie diplomatique, des discussions avec les puissances régionales comme la Chine, l'Iran, la Russie, le Pakistan et l'Inde, pour trouver, comme vous l'avez mentionné, une solution politique?
    J'ai signalé que je pensais que les talibans avaient avant tout des objectifs locaux que je résumerais comme suit.
    Ils veulent principalement restaurer une domination pachtoune du gouvernement à Kaboul, mais si j'emploie le terme « domination », il n'évoque pas nécessairement une image effrayante. Les pachtounes ont dominé la politique afghane pendant trois siècles et continueront probablement de le faire, puisqu'ils constituent le groupe le plus important. Il n'est pas exclu pour autant que d'autres éléments interviennent ou fassent partie d'un futur gouvernement.
    Il y a en Afghanistan des groupes religieux non violents, bien que fondamentalistes, qui partageraient un grand nombre de ces objectifs sociaux. Ils veulent davantage de charia. Ils veulent des fonctions sociales très traditionnelles. Ils voudraient au moins la séparation des hommes et des femmes dans le domaine de l'éducation. La plupart de ces groupes accepteraient que les femmes reçoivent une instruction, mais pas dans des écoles mixtes, comme cela se fait en Arabie saoudite.
    Je pense que le programme serait surtout une politique sociale conservatrice conjuguée avec une forte représentation pachtoune. Les pachtounes manoeuvreraient à l'intérieur du système pour obtenir le pouvoir.
    En ce qui concerne le prochain gouvernement américain, c'est difficile à dire. Je ne pense pas qu'un candidat républicain soit susceptible de modifier considérablement l'approche américaine. Elle pourrait être plus intelligente — elle sera probablement plus intelligente —, mais je pense que cette approche restera gouvernée par les mêmes instincts.
    S'il s'agissait d'un gouvernement démocrate — à supposer que ce soit quelqu'un comme Barack Obama —, une réflexion sur le projet global américain est possible, mais sur ce projet jusqu'à présent, car la fin de la Guerre froide a surtout été marquée par une hégémonie américaine. Que le gouvernement ait un visage souriant, comme celui de Bill Clinton, ou un visage grave, comme celui du gouvernement Bush, il s'agit surtout d'une vision hégémonique, et c'est ainsi qu'elle a été explicitement désignée. Je n'ai pas inventé ces termes; ce sont les termes qui ont été employés par de nombreux néo-conservateurs: le siècle américain, le nouvel empire américain, reconnu et appuyé par de nombreux citoyens.
    Je pense que l'idée d'abandonner un monde unipolaire sera tenace. Elle disparaîtra lentement, mais elle disparaîtra, car elle est déjà en train de disparaître de fait, comme on peut le constater dans des pays comme la Chine et la Russie, voire dans la récente solution des Hezbollah et du Liban, et à la suite des discussions avec le Hamas; les politiques américaines ne sont plus observées par les intervenants régionaux.
    J'espère qu'on verra à l'oeuvre un monde plus multilatéral et je pense que, dans ce contexte, Washington se mettra à abandonner ses aspirations à un contrôle hégémonique.

  (1955)  

    Monsieur Dosanjh, vous disposez d'une minute pour la question et la réponse.
    Il me faudra moins de 30 secondes pour poser ma question sans préambule.
    Vous avez signalé que les talibans seraient différents. Ce sont les anciens talibans qui ont abrité al-Qaïda. Comment se fait-il que les nouveaux talibans ne seraient pas susceptibles d'agir de la même façon?
    J'ai une deuxième question, qui est surtout une observation, et qui n'est même pas une question. Vous signalez que vous ne voyez que des échecs, surtout avec l'approche actuelle. Vous pensez que si les États-Unis se retirent de l'Afghanistan et que d'autres pays y restent, la situation sera peut-être meilleure qu'elle ne l'est actuellement.
    Je ne peux pas garantir que les nouveaux talibans seraient radicalement différents, mais j'ai exposé quelques-unes des raisons pour lesquelles, si une force militaire américaine provocatrice et polarisante, ou même une force de l'OTAN, s'apprêtait à quitter le pays, ça ouvrirait en quelque sorte la porte à un règlement par le biais de la politique intérieure.
    Par ailleurs, je ne pense pas que des forces régionales — même le Pakistan, qui accueillerait volontiers un élément pachtoune vigoureux au sein du gouvernement... Le Pakistan ne peut s'offrir le luxe d'une reprise du dernier petit jeu d'al-Qaïda/Ousama ben Laden. Ça a coûté cher au Pakistan. Ça a coûté très cher à l'Afghanistan et, dans la mesure où les islamistes ou les nationalistes radicaux n'ont plus d'excuse pour lutter contre l'occupation américaine, je pense que d'autres puissances pourront proposer des conditions très intéressantes d'aide à un nouveau gouvernement, qui ne serait pas entièrement taliban.
    Une vigoureuse présence pachtoune au sein du gouvernement peut faire des demandes très claires. Si on veut de l'aide ou de l'appui du Canada, de la Russie, de la Chine, de l'Europe, de n'importe quel autre pays, et même de l'Amérique, il faudra répondre à certains critères. Je suis à peu près sûr qu'ils agiront de façon rationnelle en cette capacité, mais qu'ils n'accepteront pas une éducation mixte et des écoles mixtes du jour au lendemain. Non, monsieur, ils ne l'accepteront pas. Ils ne se mettront pas non plus à aimer les États-Unis. Je pense toutefois que si nous arrivons à les persuader de cesser d'appuyer des mouvements internationaux et de se concentrer sur les problèmes intérieurs en essayant de développer le pays et de lui faire prendre des orientations plus constructives, ils ne tourneront pas le dos à cette proposition.

  (2000)  

    Merci beaucoup. Nous donnons maintenant la parole à Mme Boucher.

[Français]

    Je vous remercie, monsieur Fuller, de votre présence ici.
    Je pourrais vous poser plusieurs questions, mais je n'en poserai qu'une. Vous avez beaucoup parlé de la mission des États-Unis. Je suis canadienne et nous sommes au Comité spécial sur la mission canadienne en Afghanistan du Canada. Ce qui m'intéresse, c'est de savoir ce que nous, nous avons fait en Afghanistan, et dans quelle mesure nous avons aidé le peuple afghan. On a beaucoup parlé de reconstruction et de développement. Avez-vous vu, dans l'évolution de la reconstruction en Afghanistan, des changements dans la mission canadienne, et je dis bien « canadienne »?

[Traduction]

    Avant de commencer, je m'excuse pour le point de vue américano-centrique que j'ai donné — quoique je vive maintenant au Canada —, mais je pense que la présence américaine est au coeur de l'opération qui se déroule dans ce pays et qu'elle a inévitablement une incidence sur les relations de tous les autres pays qui y sont. Par conséquent, les erreurs des États-Unis ont inévitablement une incidence très forte et directe sur le Canada.
    Je ne suis que partiellement au courant — et je m'en excuse — des détails des projets canadiens en Afghanistan, mais j'ai entendu des commentaires élogieux sur les efforts en matière d'écoles et d'éducation — l'éducation féminine en particulier — et sur quelques projets de reconstruction et d'infrastructure dans ces régions. Je voudrais pouvoir dire que ces projets apportent un changement décisif à la nature stratégique de ce problème. Je pense que ceux qui savent faire la différence entre un Canadien et un Américain apprécient peut-être la nature de l'approche canadienne en ce qui concerne ces efforts, approche qui manque peut-être à quelques autres pays. Je suis certain que le Canada a fait des contributions très utiles sur place, mais je crains que ce ne soit pas suffisant, pas assez important ou pas assez influent pour modifier l'orientation stratégique de ce problème, dans lequel interviennent des forces internationales et locales, des forces tribales, des forces économiques, des forces religieuses et d'autres forces colossales qui donnent une complexité extrême à ce problème.
    Si le Canada pouvait en quelque sorte agir à l'avenir comme une nation indépendante, non liée à quelque autre projet occidental, je pense qu'il serait particulièrement apprécié dans ce rôle.
    Merci.
    Monsieur Keddy.
    Merci, monsieur le président. Je souhaite la bienvenue à notre témoin. C'est une discussion très intéressante et très instructive.
    Je ne peux pas m'empêcher de faire une remarque au sujet du commentaire que M. Bachand a fait sur le Vietnam; je me demande si nous ne mélangeons pas les problèmes. Une mission militaire, dans laquelle nous sommes très engagés, est en cours; nous avons aussi, il faut bien le reconnaître, une mission politique. Au Vietnam, une grande partie du manque de réussite est lié au fait que la mission politique n'a jamais été accomplie. La réforme agraire ne s'est jamais réalisée. Ce fut un échec sur toute la ligne en ce qui concerne toute une série d'autres questions.
    Vous préconisez un engagement graduel des puissances régionales. Je pense que nous avons fait certaines tentatives dans ce sens. Vous signalez la capacité du Pakistan d'exercer une influence positive. Pour être poli, la situation politique au Pakistan pose certains défis, mais nous l'avons assurément fait participer. L'idée des troupes occidentales disséminées sur une vaste superficie de l'Afghanistan, qui n'ont pas toutes des fonctions de combat...
    Je me demande si, en fin de compte, ça ne nous aiderait pas de faire un effort massif pour subventionner l'agriculture, pour sevrer les talibans ou les pachtounes de la culture du pavot — de sorte que d'autres cultures deviennent plus lucratives pour eux — et de centraliser notre effort dans les zones de l'Afghanistan, où nous ne jouons pas un rôle de combat, sur le chemin long et ardu que nous empruntons pour jeter les fondements d'un État-nation qui aurait une chance de réussite.

  (2005)  

    Il nous reste environ une minute pour cette partie-ci de la séance.
    C'est une question qui pose beaucoup de difficulté. La bonne nouvelle est que nous n'essayons pas d'édifier un gouvernement dans un pays où il n'en a jamais existé. Il y a eu longtemps un gouvernement en Afghanistan, jusqu'à la main-mise communiste, en 1978, au sein duquel les forces multiethniques du pays ont coopéré. Les pachtounes avaient une position dominante, mais ça fonctionnait assez bien. Je pense qu'un rétablissement de ce type de situation est possible.
    Nous sommes toutefois actuellement dans un contexte surchauffé et radicalisé à outrance, dans lequel presque toutes les infrastructures ont été détruites; ce sera par conséquent une tâche très très longue. Si on arrive à remettre de l'argent aux agriculteurs pour qu'ils cessent de cultiver du pavot, ils n'en cultiveront plus, mais ça obligerait à leur donner de l'argent de façon permanente. Comme je l'ai signalé, il y a près de 30 ans, lorsque j'étais en Afghanistan, on m'a mentionné les 30 années d'efforts déployés jusque-là pour tenter de mettre un terme à la culture du pavot. Je ne suis donc pas très optimiste en ce qui concerne les possibilités de changement dans ce domaine.
    Vous avez raison. Une grande partie de l'Afghanistan jouit d'une certaine paix, quoique le terrorisme se répande dans ces régions également, à la suite d'efforts pour radicaliser et polariser la situation. Je ne tiens pas à être universellement pessimiste au sujet de la situation. Je suis sûr que votre ambassadeur sera capable de citer de nombreuses missions gratifiantes et réussies. C'est tout simplement que, d'un point de vue stratégique à long terme, ces missions n'apporteront probablement pas des changements suffisants pour que nous puissions nous retirer de l'Afghanistan en pensant que notre mission est accomplie, que l'infrastructure a été établie et que le pays peut maintenant voler de ses propres ailes et créer un gouvernement que les pays occidentaux aimeraient avoir.
    Je pense que nous aurons de la chance si nous nous en tirons avec un gouvernement qui n'est pas extrêmement brutal, qui n'appuie pas le terrorisme et qui est dirigé par des Afghans et pas par des étrangers. Je pense que c'est faisable.
    Merci beaucoup, monsieur Fuller. La première partie de notre séance est terminée.
    Au nom de tous les membres du comité, je vous remercie à nouveau d'avoir fait le déplacement jusqu'ici pour témoigner. Nous l'apprécions beaucoup.
    Chers collègues, je suspens la séance pendant trois minutes, puis nous nous rassemblerons à nouveau pour la deuxième partie.

    


    

  (2010)  

    Le comité reprend ses travaux.
    Au cours de la deuxième partie de notre séance, nous avons le grand honneur d'accueillir l'ambassadeur Lalani, ambassadeur du Canada en Afghanistan. Avant d'être nommé ambassadeur en Afghanistan, en 2007, il a été ambassadeur du Canada auprès du Royaume hachémite de Jordanie et auprès de l'Iraq. À Ottawa, il a notamment travaillé au cabinet du conseiller principal pour le processus de paix au Moyen-Orient.
    Monsieur l'ambassadeur, je devrais également signaler que certains des membres du comité — M. Laurie Hawn, mon collègue M. Wilfert et moi-même — viennent de rentrer d'une visite en Afghanistan. J'aimerais remercier votre personnel, par votre intermédiaire, de nous avoir organisé un excellent itinéraire à Kaboul. Nous avons eu l'occasion de rencontrer des responsables afghans et des ambassadeurs d'autres pays.
    Sur ce, je vous cède la parole, monsieur l'ambassadeur.
    Merci.
    Merci beaucoup, mesdames et messieurs. J'allais faire remarquer moi-même que certains d'entre vous ont fait un séjour en Afghanistan tout récemment et que d'autres y sont allés pendant que j'étais là-bas. Ça fait plaisir de voir quelques visages qui ont une expérience directe de l'Afghanistan.
    Monsieur le président, je vous remercie de m'avoir invité et de m'avoir donné cette occasion de faire un exposé.
    J'ai préparé un exposé. Je le parcourrai, mais j'attends impatiemment la discussion. Comme un de vos membres l'a signalé, vous venez d'entendre un exposé intéressant et même provocateur. Je me réjouis de poursuivre cette discussion.
    Je signale également que j'ai suivi les progrès de ce comité au cours de la brève période qui s'est écoulée depuis sa création; il est en tout cas très actif. Je pense qu'il est très utile pour la tâche que nous accomplissons en Afghanistan que des parlementaires s'intéressent d'aussi près à ce que le Canada tente d'accomplir dans ce pays-là.
    Je suis en poste à Kaboul depuis un an, mais je suis le dossier de l'Afghanistan depuis environ sept ans. J'étais à l'ambassade du Canada à Washington la nuit du 11 septembre 2001. À partir de cette nuit-là, mon travail a consisté à observer l'Afghanistan et la réaction internationale. Ensuite, j'y ai travaillé d'ici, et maintenant sur place, en Afghanistan.
    Je le précise pour vous donner une idée de mon point de vue. J'ai vu le dossier à des points bas et à des points hauts. Je termine ma première année en Afghanistan avec l'impression que nous prenons de la vitesse. Nous avons une certaine prise sur un grand nombre des questions que nous essayons de régler.
    Je voudrais faire quelques commentaires à ce sujet pour faire le point et vous parler de l'approche pangouvernementale du Canada en Afghanistan, du Pacte pour l'Afghanistan et de la façon dont nous le mettons en oeuvre, du lien entre la sécurité et le développement — qui est à mon avis crucial, et je pense qu'il est vraiment essentiel pour ce qui intéresse le comité; je voudrais aussi faire quelques commentaires sur les progrès et les difficultés, en guise de point de départ de notre discussion.
    Une de mes fonctions les plus importantes à titre d'ambassadeur consiste à superviser le travail de plus de 50 fonctionnaires civils canadiens en Afghanistan, à Kaboul et à Kandahar, et aussi à superviser la cohérence et l'intégration de l'effort canadien dans le pays.
    Outre des fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, des civils d'une demi-douzaine de ministères et d'organismes sont déployés en Afghanistan, notamment ceux de l'Agence canadienne de développement international, de la GRC et du Service correctionnel du Canada.
    Les efforts du gouvernement du Canada en Afghanistan sont, à bien des égards, une entreprise sans précédent. Jamais encore des fonctionnaires de plusieurs secteurs de la fonction publique n'avaient été déployés de façon aussi intégrée et coordonnée pour atteindre des objectifs communs. Le Canada est, naturellement, en Afghanistan dans le contexte d'un effort international beaucoup plus vaste, comme vous le savez sans doute.
    Avec plus de 60 nations et organisations internationales, le Canada est en Afghanistan dans le cadre d'une mission sanctionnée par les Nations Unies, ayant pour objet d'aider à édifier une société stable, démocratique et autonome. Il y a deux ans, le Pacte pour l'Afghanistan avait été adopté conjointement par les Nations Unies, par le gouvernement de l'Afghanistan et par les membres de la communauté internationale, y compris le Canada.
    L'objectif du Pacte est d'assurer une plus grande cohérence des efforts entre le gouvernement afghan et la communauté internationale. Il guide l'engagement du Canada. Il établit des résultats, des jalons et des délais de livraison précis, ainsi que les obligations réciproques dans trois domaines: la sécurité; la gouvernance, la primauté du droit et les droits de la personne; le développement économique et social. L'approche du Canada est entièrement conforme aux priorités énoncées dans le Pacte.

  (2015)  

    Nous reconnaissons que ces trois piliers — la sécurité, la gouvernance et le développement — sont interdépendants et qu'ils se renforcent mutuellement. Un développement valable n'est par conséquent, naturellement, pas possible sans la sécurité. L'expérience a démontré que la sécurité doit être établie si l'on veut que le développement et la reconstruction progressent. Les Afghans ont besoin de sécurité pour édifier, gouverner et fournir les services de base comme de meilleures routes, un accès plus aisé aux soins de santé et à l'éducation et des débouchés économiques intéressants. L'accès à des possibilités accrues donnera à tous les Afghans un intérêt dans la stabilité et la prospérité.
    L'interdépendance implique en outre qu'une amélioration de la sécurité à long terme n'est pas possible sans une gouvernance plus ferme. Il est par conséquent essentiel qu'il y ait de meilleurs services publics, un appareil judiciaire plus robuste et des institutions gouvernementales plus responsables en Afghanistan. Des améliorations dans ces trois domaines — la sécurité, le développement et la gouvernance — sont essentielles pour contrer l'insurrection. Je ne peux toutefois pas insister assez sur le fait qu'il est important d'établir un environnement sûr pour réaliser ces progrès.
    En termes simples, les Afghans ont besoin d'avoir confiance dans leurs institutions gouvernementales. Il faut qu'ils sachent qu'ils peuvent envoyer leurs enfants à l'école en sécurité. Il est essentiel qu'il sachent que l'avenir leur apportera davantage de prospérité et de stabilité. Alors qu'avec eux nous travaillons pour atteindre ces objectifs, il ne faut pas oublier le point de départ. La reconstruction du pays après des décennies de guerre est une entreprise de longue haleine qui exige de la patience et de l'engagement. Ceux parmi vous qui sont allés en Afghanistan sont au courant des défis que cela pose.
    Quand les talibans ont été évincés du pouvoir, en 2001, le pays était littéralement en ruines. Presque toute l'infrastructure de base avait été détruite. Il n'y avait pour ainsi dire plus de services gouvernementaux et les Afghans étaient traumatisés par des années de désordre et d'oppression. En bref, les talibans avaient tout simplement tout rejeté. Ils avaient rejeté la démocratie, le développement économique, les droits des femmes et tout type de développement social.
    Sept ans plus tard, les Afghans one en fait accepté l'édification d'une démocratie, d'une économie, la reconstruction de leurs institutions et la reprise en main de leur pays avec l'aide de la communauté internationale. Malgré les revers et les difficultés indéniables, certains progrès ont été réalisés, et je pense que c'est très clair.
    Le revenu par habitant a plus que doublé en Afghanistan. Plus de 5 millions de réfugiés sont revenus depuis 2002. Quatre-vingt-dix pour cent des réfugiés qui sont revenus avaient trouvé un emploi six mois après leur retour. Plus de 80 p. 100 des Afghans ont maintenant accès à des soins médicaux de base, au lieu de 9 p. 100 en 2004. Près de 6 millions d'enfants sont maintenant inscrits dans une école et un tiers d'entre eux sont des filles; en 2001, il n'y avait que 700 000 enfants dans le système scolaire et uniquement des garçons.
    Les chiffres ne sont pas de simples statistiques. Ils reflètent une amélioration tangible de la vie de millions d'hommes, de femmes et d'enfants afghans. Le Canada, à titre de donateur important en Afghanistan, joue un rôle important dans ce rétablissement.
    Nous faisons en outre des progrès spécifiques à Kandahar, où le Canada s'est investi le plus. Nous y jouons un rôle de premier plan depuis 2005. On y voit des signes concrets de réussite. Le Canada fournit un appui essentiel au gouvernement afghan, notamment par le travail des Forces canadiennes et de notre équipe provinciale multidisciplinaire de reconstruction. L'aide du Canada est visible dans des projets d'infrastructure, dans la police, dans l'entraînement des forces armées et dans le soutien à la primauté du droit.
    Nous avons encore, naturellement, bien des progrès à accomplir. L'Afghanistan reste un des pays les plus pauvres au monde. Il n'y a pas de raccourci ni de solution à l'emporte-pièce, mais il y a certainement une réponse, à savoir de continuer d'aider à établir et accroître la sécurité, d'axer les efforts sur la reconstruction et la gouvernance, et d'encourager le gouvernement afghan à améliorer son bilan en matière de gouvernance, de développement et de corruption.
    Les élections seront un jalon essentiel de ce processus. L'année prochaine, les Afghans voteront à l'occasion de leurs deuxièmes élections présidentielles et, l'année suivante, à l'occasion de leurs deuxièmes élections parlementaires.

  (2020)  

    En 2004 et 2005, plus de 10 millions d'Afghans se sont inscrits pour voter aux premières élections. Ce sont des jalons importants qui démontrent que l'Afghanistan est sur la bonne voie.
    Les difficultés qui se posent en matière de sécurité et de gouvernance subsistent, mais elles ne devraient pas voiler le fait que la situation s'améliore sur le plan gouvernemental et sur celui de la capacité institutionnelle, ainsi qu'en ce qui concerne la vie quotidienne des Afghans.
    Monsieur le président, je voudrais terminer en faisant une observation très personnelle de quelqu'un qui travaille sur le terrain. On entend beaucoup — et chaque fois que je suis ici, j'en entends beaucoup — de discussions sur les chiffres; on se demande si nous faisons bien les choses et si nous faisons ce qu'il faut et le communiquons. Je voudrais signaler qu'un grand nombre de facteurs entrent en jeu dans cette histoire.
    À certains niveaux, l'histoire de l'Afghanistan est une histoire humaine, et c'est une histoire nationale; c'est en fait une histoire à long terme. Si je parle d'histoire nationale, c'est parce qu'il s'agit d'une priorité nationale. Quand on est sur place, en Afghanistan, il n'y a pas seulement des fonctionnaires et des militaires canadiens. Il y a environ 150 Canadiens à Kaboul qui ne sont pas des fonctionnaires; ils travaillent pour les Nations Unies, avec des ONG, et même dans le secteur privé. Je pense qu'il ne faut pas perdre de vue le fait qu'un grand nombre de Canadiens travaillent sur ce dossier parce qu'ils croient dans cette priorité. Il s'agit surtout d'une histoire humaine pour les Afghans. C'est l'histoire des travailleurs qui déminent les champs pour littéralement en reprendre possession, d'enfants qui sont vaccinés contre la polio, de filles qui ne vont pas seulement à l'école, mais qui suivent des cours de formation d'enseignante et qui deviennent enseignantes alors qu'elles n'en avaient encore jamais eu l'occasion, de jeunes garçons qui s'enrôlent dans l'Armée nationale afghane et dans le Corps de police afghan. Ce ne sont pas nécessairement des tâches agréables, mais ce sont les Afghans eux-mêmes qui risquent leur vie pour lutter pour leur pays et pour le défendre. Je pense qu'il ne faut jamais oublier que l'effort canadien, malgré la nature du débat, est responsable de cette histoire humaine très constructive qui se déroule en Afghanistan.
    Je voudrais terminer en signalant que c'est aussi une histoire humaine pour les Canadiens qui travaillent là-bas. Les militaires et les civils sont parmi les personnes les plus engagées, les plus dévouées, les plus efficaces et les plus impressionnantes avec lesquelles j'ai jamais travaillé. Je tiens à dire combien je suis fier, après un an, du travail que tous les Canadiens font là-bas, et que je suis très honoré de faire ce travail à un tournant critique de l'histoire de l'Afghanistan. Je remercie du fond du coeur les Canadiens pour l'appui qu'ils donnent à tous les Canadiens qui travaillent là-bas.
    Merci.

  (2025)  

    Merci beaucoup, monsieur l'ambassadeur.
    Nous passons maintenant au premier tour de table, d'une durée de sept minutes. J'aimerais que M. Rae entame ce premier tour.
    Merci beaucoup, monsieur l'ambassadeur. Je poserai directement mes questions, étant donné que nous disposons de sept minutes seulement.
    Que signifie pour vous la date de 2011, en ce qui concerne l'interprétation de la résolution de la Chambre des communes concernant la mission militaire et le Pacte pour l'Afghanistan comme tel? Que devrions-nous penser de cette échéance alors que nous sommes déjà en 2008?
    Pour moi, une chose est très claire. Le Parlement a décidé que notre contribution militaire à Kandahar se terminerait en 2011. Ça signifie qu'il faut se mettre à réfléchir aux secteurs sur lesquels nous devrions axer nos efforts d'ici à 2011 pour nous assurer du mieux que nous pouvons que les Afghans auront des institutions autonomes en 2011 et être réalistes en ce qui concerne les objectifs à atteindre.
    On entend souvent dire qu'il faudra un processus d'une vingtaine ou d'une trentaine d'années pour atteindre les objectifs que nous avons en tête. C'est vrai pour les objectifs de développement à long terme et c'est exact pour créer le type de prospérité et de conditions économiques que les Afghans souhaitent probablement. Cependant, d'ici là, il est essentiel de créer une base pour leur permettre de poursuivre ces objectifs à long terme.
    Il faudra par conséquent axer ses efforts sur les Forces de sécurité nationale afghanes, l'armée et la police; sur la gouvernance locale, pour que le gouvernement afghan dispense des services au niveau des districts — l'équivalent canadien est le niveau municipal; et aussi sur la question régionale. Je pense que la communauté internationale devrait faire davantage pour régler la question frontalière Afghanistan-Pakistan; je peux d'ailleurs expliquer ce que nous faisons.
    Il est toutefois raisonnable de présumer qu'en 2011, l'Armée nationale afghane sera entraînée et équipée, avec l'aide canadienne et internationale, pour prendre la direction de ses propres opérations de sécurité. Il est même raisonnable de présumer qu'en matière de surveillance policière, le Corps de police national afghan sera mieux entraîné, mieux équipé et plus capable de faire respecter un minimum l'ordre public qu'à l'heure actuelle.
    Si nous sommes capables de réaliser cela et d'inclure la gouvernance au niveau local, la question deviendra beaucoup plus facile en 2011. Si les Afghans peuvent s'atteler à la tâche et améliorer la situation, nous pourrons les aider, sans devoir être aux premières lignes en ce qui concerne certaines de ces questions. Je pense qu'il est possible d'atteindre ces objectifs, pour autant que nous soyons réalistes.

  (2030)  

    Je partage le temps dont je dispose avec M. Ignatieff.
    Monsieur l'ambassadeur, pour aborder les deux problèmes qui ont empoisonné votre mandat d'ambassadeur, quelles mesures précises le gouvernement du Canada a-t-il prises par l'intermédiaire de Corrections Canada, de la GRC, de votre bureau et du côté civil pour garantir que les détenus remis par les Forces canadiennes ne soient pas soumis à des mauvais traitements? Êtes-vous convaincu que nous pouvons maintenant remettre des détenus aux autorités afghanes à Kandahar sans risque de mauvais traitements ou de torture?
    Deuxièmement, quelles mesures le Canada prend-il pour réduire l'incidence de la corruption dans le gouvernement Karzaï?
    En ce qui concerne les détenus, je pense que l'effort canadien et l'effort international sont très bien documentés pour le moment.
    Premièrement, ce n'est pas uniquement un problème canadien. Cinq ou six autres pays ont signé des protocoles d'entente concernant les détenus avec le gouvernement afghan. Par conséquent, c'est un problème partagé entre la communauté internationale et le gouvernement afghan. La première chose que nous avons faite, c'est signer des ententes avec le gouvernement afghan qui indiquent clairement ses responsabilités en ce qui concerne le traitement des détenus ainsi que ses obligations en vertu du droit international et de ses propres lois.
    Deuxièmement, nous mettons en place et en oeuvre un régime très strict — de nombreuses personnes le qualifient d'extrêmement strict — de contrôle des détenus transférés aux autorités afghanes. Plusieurs autres pays le font également et, par conséquent, nous assurons une présence dans les établissements où il y a des détenus. Nous collaborons avec les autorités afghanes en matière de partage d'information, mais nous avons des représentants qui vont vérifier sur place pour s'assurer que les détenus sont traités correctement.
    Troisièmement, nous sommes en outre conscients du fait que la solution à long terme est, dans ce cas-ci également, d'accroître la capacité afghane en termes d'institutions et de formation. Par conséquent, nous entreprenons actuellement notre propre programme d'encadrement, d'assistance technique et de formation des fonctionnaires afghans, comme le font d'autres pays.
    Nous avons donc adopté une approche beaucoup plus coordonnée dans ce domaine qu'on ne pourrait le croire du fait que nous mettons l'accent sur Kandahar, mais plusieurs autres pays font exactement la même chose, et il y a un effet cumulatif positif. Je suis en fait convaincu que nous faisons tout ce qui est possible et tout indique que, du côté afghan, on prend l'entente au sérieux. Le président Karzaï s'est engagé publiquement et le gouvernement a réagi lorsque des problèmes ont été signalés.
    En ce qui concerne la corruption, un des problèmes est qu'il n'y a pas de solution miracle. Nous ne pouvons pas faire disparaître la corruption rien qu'en légiférant. Les Afghans ont indiqué de façon très claire qu'ils comprennent et admettent que la corruption pose un gros problème.
    Je pense qu'il y a deux autres problèmes que nous pouvons régler et qui aideront à lutter contre la corruption; c'est d'ailleurs très visible. L'un est lié au fait que les employés de la fonction publique doivent recevoir une meilleure formation et être mieux rémunérés. Si on peut régler ce problème, ça réglera en partie celui de la corruption. Le deuxième facteur est qu'il est très bien et très légitime, à mon sens, que le Canada et les autres pays continuent d'exhorter le gouvernement afghan — et même d'exercer des pressions sur lui — pour qu'il prenne quelques mesures décisives lui-même, afin de mieux évaluer les candidats qu'il nomme à des postes supérieurs dans la fonction publique et pour qu'il agisse davantage. Je pense que, lorsqu'il a témoigné devant votre comité, l'ambassadeur de l'Afghanistan a fait également des commentaires sur les mesures que son gouvernement devrait prendre, d'après lui, pour lutter contre la corruption, notamment examiner le processus judiciaire et être en mesure de poursuivre les personnes qui sont soupçonnées de corruption de manière évidente.
    Nous le faisons en finançant des programmes de formation dans différents ministères. Nous le faisons dans une certaine mesure, comme je l'ai déjà signalé, en aidant à régler les questions salariales dans le Corps de police afghan, par exemple. Cette année, les agents de police sont mieux payés que l'année dernière. Leur salaire est l'équivalent du salaire des membres des forces armées, et nous savons que ça fait une différence. Je ne pense pas qu'il y ait une solution à court terme, mais il faut maintenir la pression.

  (2035)  

    Merci beaucoup, monsieur l'ambassadeur.
    Nous donnons maintenant la parole à Mme Barbot.

[Français]

    Merci.
    Monsieur l'ambassadeur, il y a eu beaucoup de critiques selon lesquelles la réputation du Canada était très affaiblie à cause de son association trop évidente à la politique de M. Bush. L'invité qui a parlé juste avant vous le disait justement. J'aimerais savoir ce que vous en pensez en tant que représentant du Canada en Afghanistan. Par ailleurs, il a aussi été mentionné que nous ne faisions pas suffisamment d'efforts en Afghanistan sur le plan diplomatique.
    Vous-même, en tant que représentant du Canada, comment protégez-vous la réputation du Canada, et que faites-vous comme travail personnel auprès des autorités concernées?
    
    Je crois que cette initiative n'est pas seulement celle des Américains ou des États-Unis. Comme nous l'avons dit, 60 pays, organisations et institutions présents dans le pays travaillent avec nous. Nous sommes bien coordonnés. Ce projet compte beaucoup d'acteurs. La politique en Afghanistan n'est pas seulement celle des Américains. Ce sont des politiques de développement, de bonne gouvernance et de droits humains. Ces valeurs ne sont pas seulement américaines, ce sont les valeurs éthiques du Canada également. Je pense que c'est vraiment une mission internationale.
    En ce qui concerne le rôle, la présence, l'influence et la diplomatie du Canada,

[Traduction]

nous avons en tout cas augmenté la mise, comme l'ont fait d'autres pays. Notre ambassade en Afghanistan est actuellement une de nos principales ambassades en ce qui concerne son déploiement de civils. L'ambassade canadienne en Afghanistan est une des cinq principales ambassades du Canada en termes de personnel civil. Nous avons une influence considérable, car nous sommes un des principaux donateurs. L'année dernière, nous avons probablement été le quatrième plus gros donateur de l'Afghanistan. Par conséquent, sur une question bien précise, qu'il s'agisse de surveillance policière, d'éducation ou de gouvernance, le Canada est en fait un des chefs de file. Les États-Unis, le Royaume-Uni — qui est généralement un des principaux chefs de file — et les autres pays nous consultent pour aider à résoudre le problème et aussi pour s'assurer que nous approuvons leurs initiatives dans certains cas.
    Nous avons de très bonnes relations avec le gouvernement afghan. Je vois le président Karzaï presque toutes les semaines et je le vois plus souvent que cela dans des réunions multilatérales avec d'autres ambassadeurs importants.
    Nous avons en outre une certaine crédibilité que d'autres pays n'ont pas, car je pense que les Afghans savent que nous ne sommes pas là en raison de certains antécédents. Ils savent également que nous ne sommes pas là parce que nous voulons nous tailler un rôle permanent pour l'avenir. Je pense qu'ils nous respectent, parce que nous nous appliquons de certaines façons à y établir une stabilité qui sera avantageuse pour eux, mais qui le sera aussi pour la sécurité des Canadiens.
    En toute sincérité, le leadership n'est pas une position à laquelle les Canadiens sont habitués, mais l'Afghanistan est un endroit où nous sommes en fait un des chefs de file. Une des conséquences de cette situation est que ce n'est pas facile et, en tant que Canadiens, il est essentiel que nous nous en accommodions. Le leadership nous oblige parfois à prendre des décisions et des mesures dures et difficiles; je pense que c'est ce que nous faisons en Afghanistan.

[Français]

    Monsieur Bachand.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Lalani, vous avez commencé en disant que vous aimeriez faire une présentation aussi provocante que celle de votre prédécesseur. Je considère que vous n'y êtes pas parvenu. Plus tôt, avec M. Fuller, on parlait avec un homme qui sortait des sentiers battus. Depuis quelques années, on entend toujours les mêmes discours, à tel point que j'aurais pu dire certaines parties de votre discours avant que vous ne le fassiez. Entre autres, lorsque vous avez parlé du retour à l'école de six millions d'enfants, je me suis dit que vous ajouteriez « dont le tiers sont des filles », et c'est exactement ce qui est arrivé.
    Je ne veux pas être impoli envers vous, mais nous, les députés, avons l'impression qu'un contrôle est exercé sur l'ensemble du corps militaire et diplomatique, et sur l'ensemble de la fonction publique, pour que chacun des discours des gens ayant des postes clés comme le vôtre suive la même direction et emprunte les mêmes sentiers battus.
    Suis-je trop dur envers vous en disant cela? Seriez-vous capable de me dire que j'ai raison et que vous êtes obligé de suivre des directives?

  (2040)  

[Traduction]

    Vous n'êtes pas trop dur à mon égard. Cependant, sauf votre respect, je signale que la vérité ne change pas et que mon discours ne change pas, quel que soit mon auditoire ou quelles que soient les personnes auxquelles je m'adresse. C'est un fait qu'il y a plus de 6 millions d'enfants en milieu scolaire — plus d'enfants que jamais dans toute l'histoire de l'Afghanistan. Ils ne seraient pas en milieu scolaire si nous n'étions pas là et si la communauté internationale n'était pas là. Je tiendrai le même discours demain. J'espère que, dans un an, je dirai qu'il y en a 7 millions. Je pense donc que certains commentaires sont basés sur des faits.
    J'admets en outre que de nombreux défis se posent. C'est une histoire de réussite dans certaines régions du pays — parfois dans tout le pays —, mais il y a de réels défis et même des domaines dans lesquels il faut admettre que l'on a échoué. Il est clair qu'il est essentiel de faire davantage pour amener le gouvernement afghan à lutter contre la corruption. La communauté internationale a appris qu'il était essentiel d'axer davantage ses efforts sur le Corps national de police, et c'est précisément ce que nous faisons depuis un an.
    Par conséquent, on ne m'empêche pas de faire les commentaires que je veux faire. Si vous voulez parler à mes collègues du ministère des Affaires étrangères, et à certains députés avec lesquels j'ai travaillé, ils vous diront que je suis tout ce qu'il y de plus direct pour un diplomate. Je ne mâcherai donc pas mes mots. J'aurais pu également terminer la plupart des phrases de Graham Fuller, car il a un point de vue et tient un discours qui laissent entendre que rien ne fonctionne bien. Le fait est que certaines choses fonctionnent bien et d'autres pas.
    C'est également un fait que si nous voulions partir de l'Afghanistan, la situation serait pire. Il y a des choses que nous sommes les seuls à bien faire maintenant pour aider les Afghans, et c'est pour les aider à édifier leurs institutions pour qu'ils soient capables de régler eux-mêmes leurs difficultés. Nous n'envisageons pas pour autant que d'ici trois ou cinq ans, ce soit un État semblable à la Suisse ou même au Bangladesh. Nous devrions toutefois avoir pour objectif des institutions afghanes capables de régler les difficultés.
    J'espère que ce fut assez direct pour vous.
    Merci beaucoup.
    Madame Black.
    Merci.
    Merci, monsieur l'ambassadeur. Je pense que vous savez que le Parlement a adopté il n'y a pas très longtemps une résolution concernant un journaliste afghan qui a été condamné à mort. J'ai une lettre de certains de ses amis en Afghanistan qui indiquent que l'examen de son appel a été reporté, une fois de plus, et que sa santé est chancelante.
    Quelles mesures avez-vous ou votre ambassade a-t-elle prises pour s'assurer que la peine de mort lui sera épargnée? La question n'est pas encore réglée. Il fait des appels et leur examen est constamment reporté. Suivez-vous son état de quelque façon que ce soit? D'après les informations que je reçois d'Afghanistan, son état de santé se détériore et maintenant, une menace de mort pèse aussi sur son frère.
    En outre, que font les Canadiens dans cette affaire? Que fait notre ambassade pour s'assurer que des personnes qui oeuvrent pour la promotion des droits de la personne en Afghanistan ne soient pas condamnées à mort et soient capables de faire le travail que nous attendons d'elles, avec l'aide de la communauté internationale?

  (2045)  

    Merci. Merci de poser cette question.
    M. Kambaksh est le journaliste en question; c'est une affaire à laquelle je me suis intéressé personnellement. C'est une affaire que nous avons suivie de très près. Nous sommes au courant du procès récent et du report que M. Kambaksh a demandé en raison de sa mauvaise santé. J'ai posé la question personnellement au président Karzaï. D'autres pays l'ont fait aussi. J'ai également posé la question au ministre des Affaires étrangères, au conseiller en sécurité nationale et à d'autres personnes.
    Le gouvernement afghan n'a aucun doute quant à la position du Canada dans cette affaire. C'est une question de liberté d'expression et de droits de la personne. Le gouvernement afghan comprend certainement notre position sur la peine de mort.
    Nous suivons sa situation personnelle. Je tiens à respecter son droit à la préservation de sa vie privée et le travail que nous faisons. Je devrais probablement terminer en disant que vous pouvez être assurés que c'est une affaire que nous avons suivie et que j'ai suivie personnellement de très près. Nous continuerons de la suivre de très près et de collaborer avec le gouvernement afghan.
    Il y a une procédure et, jusqu'à présent, la procédure suit son cours. Aucun de nous n'est satisfait des accusations et de la peine, mais il reste que celle-ci n'a pas encore été mise à exécution. On suit la procédure et nous suivons l'affaire de très près pour nous assurer que ce journaliste obtiendra les résultats qu'il faut à la fin de cette procédure.
    Je suis heureuse d'entendre que vous suivez cette affaire de très près et que vous êtes engagé personnellement, et que vous en avez parlé au président.
    Pouvez-vous me dire si vous avez un certain optimisme au sujet de l'issue de cette affaire et aussi au sujet des membres de la famille sur lesquels pèsent également des menaces? Pouvez-vous dire si vous en avez discuté avec les autorités afghanes?
    Je ne tiens pas à faire de commentaires à ce sujet pour la seule raison que je ne veux pas porter préjudice à la procédure entamée par les Afghans. Je pense qu'il est essentiel de laisser cette procédure suivre son cours. Si je fais des commentaires maintenant, on estimera peut-être que ça porte préjudice à cette procédure.
    Bien, c'est très juste.
    En Afghanistan et aussi à l'échelle internationale, on se préoccupe beaucoup du nombre de victimes parmi les civils. C'est une question dont il est, naturellement, essentiel de s'occuper. Notre témoin précédent a expliqué que, lorsque des civils perdent la vie ou sont blessés, ça alimente l'insurrection.
    Pouvez-vous me dire si, d'après les conversations que vous avez avec les responsables afghans, nos alliés tiennent à s'assurer que des civils afghans ne perdent pas la vie dans des attaques aériennes ou dans d'autres circonstances? Où en est-on dans ce domaine?
    Je pense que c'est une question que l'OTAN et que l'alliance et le commandant de la Force internationale d'assistance à la sécurité ont prise très au sérieux. Les forces de l'OTAN ont des règles d'engagement. Elles les ont examinées au cours de l'année que j'ai passée là-bas, en réponse aux questions du président Karzaï et d'autres personnes, si je ne me trompe. C'est une question complexe. La perte d'un civil est, où que ce soit, une chose terrible. Les forces ont toutefois adopté une approche différente au cours de l'année que j'ai passée là-bas.
    Je peux relater une anecdote. Je ne veux pas sous-estimer la gravité de cette affaire, mais je pense que la personne qui s'y intéresse le plus est le commandant de la FIAS. Il m'en voudra peut-être à mort de lui avoir volé son histoire, mais il relate un incident qui s'est produit cette année et au cours duquel il y a eu des victimes parmi les civils, à la suite d'une certaine activité aérienne. Il s'est rendu sur les lieux en personne et a rencontré les anciens du village et les chefs tribaux pendant plusieurs heures et, pendant plusieurs heures, ils lui ont fait part de leurs doléances et de leur angoisse au sujet de la situation. En fin de compte, il leur a dit ceci: « Je vous ai écoutés. Je vous ai donné mon avis. Je vous ai dit ce que nous faisions et les précautions que nous prenons, et c'est à peu près tout ce que nous pouvons faire ». Il s'apprêtait à s'en aller quand, comme il le raconte, ils l'ont tous arrêté et lui ont dit qu'ils voulaient encore lui demander autre chose. Ils lui ont dit ceci: « Nous voulons davantage de militaires. Si vous placez davantage de militaires là-bas, nous pensons que certains de ces incidents ne se produiront plus ».
    Je ne présente pas cette histoire comme un argument en faveur d'une augmentation de l'effectif militaire. Je veux tout simplement dire que je pense que même les Afghans comprennent que c'est une situation complexe. Les opérations militaires ne sont pas faciles, mais même les Afghans lui ont suggéré, dans cette situation...

  (2050)  

    Je voudrais également vous poser une question sur la situation en ce qui concerne la crise alimentaire mondiale...
    Je suis désolé, madame Black, mais le temps dont nous disposions est écoulé. C'est maintenant au tour du Parti conservateur.
    Merci, monsieur le président.
    Quand j'aurai fini, mon collègue, Laurie Hawn, posera une question, car il vient de rentrer d'Afghanistan.
    Avant de commencer, monsieur Lalani, je voudrais répondre à M. Bachand.
    Monsieur Bachand, étant donné que je suis secrétaire parlementaire des Affaires étrangères depuis deux ans, je connais très bien M. Lalani. J'ai travaillé avec lui et je peux vous assurer que c'est un professionnel. La diplomatie que nous avons au Canada est de la diplomatie très professionnelle et c'est un de nos meilleurs diplomates qui dit les choses comme elles sont, comme un professionnel.
    Monsieur Lalani, je ne vante pas seulement vos mérites. Je le sais, car j'ai travaillé avec vous. Monsieur Lalani, c'est un plaisir de vous revoir ici et d'entendre votre évaluation de la situation, en qualité d'ambassadeur du Canada en Afghanistan.
    Au cours des dix derniers jours, j'ai voyagé en Croatie et en Italie avec l'ancien ministre des Affaires étrangères. Aujourd'hui, j'ai rencontré les Allemands. Tous les pays de l'OTAN tiennent beaucoup à ce que la mission en Afghanistan soit une réussite. D'après ce qu'ils m'ont tous dit, ils tiennent à ce que l'Afghanistan soit une réussite; par conséquent, la communauté internationale fait preuve de bonne volonté.
    Au cours des entretiens que j'ai eus avec eux, j'ai dit que si la mission était une réussite, l'Afghanistan pourrait devenir un modèle pour amener la paix à bien d'autres régions du monde, notamment à la Somalie. Par conséquent, nous avons beaucoup plus d'intérêts acquis dans l'effort de coordination que nous faisons pour que l'Afghanistan soit une réussite.
    Chose intéressante, le ministre des Affaires étrangères de l'Arabie saoudite m'a dit qu'une des raisons pour lesquelles le Pakistan survivait en tant qu'État, ce sont ses forces armées professionnelles, et c'est l'édification de cette institution. J'ai demandé pourquoi on ne pouvait pas appliquer ce principe à l'édification des institutions de l'Afghanistan, pour que le pays puisse s'en tirer.
    Je pense que vous êtes le principal ambassadeur et puisque aujourd'hui vous communiquez avec le comité et avec tous les Canadiens par le biais de la télévision, et les citoyens de notre pays voudraient probablement savoir quelles sont les perceptions des Afghans, étant donné que nous sommes là-bas depuis un certain temps et que nous y resterons pendant un certain temps. Ils se sont sacrifiés et demandent s'ils peuvent avoir confiance en l'avenir. Que veulent les gens, sur place?
    Nous accueillons des témoins qui font toutes sortes de déclarations. Celui qui vous a précédé a dit que... Je pense que les Canadiens veulent avoir une idée de ce qui se passe en Afghanistan. Le voyage pour se rendre en Afghanistan est très difficile. Mon collègue et moi venons de rentrer.
    En votre qualité d'ambassadeur, pourriez-vous dire aux Canadiens quelles sont les perceptions des Afghans? Ont-ils confiance en leur avenir?
    Merci, et merci aussi pour vos aimables commentaires.
    Ce qui m'étonne, c'est que les Afghans disent qu'ils ont de l'espoir en l'avenir. On a fait des sondages au cours desquels les Afghans ont dit qu'ils sont toujours très préoccupés au sujet de la sécurité et, pourtant, dans les mêmes sondages, ils ont signalé qu'ils avaient confiance dans l'avenir et dans leur gouvernement. Quand on creuse un peu plus et qu'on leur demande ce qui les préoccupe au sujet de la sécurité, la réponse est intéressante, car elle concerne souvent l'ordre public, la politique tribale et les questions de gouvernance — et pas nécessairement al-Qaïda et les talibans. Ça nous indique que c'est là-dessus que nous devons axer nos efforts et que les Afghans doivent axer les leurs.
    En ce qui concerne la vie courante, il ne faut pas oublier que la vie pour les Afghans est différente de la nôtre, dans le contexte d'une force internationale. J'ai un certain régime de sécurité. Je ne parlerai pas des mesures que nous prenons pour ma protection, mais je prends certains précautions. Au cours de l'année que j'ai passée là-bas, j'ai constaté que la vie à Kaboul a continué et s'est intensifiée. La circulation est plus intense dans les rues. Quand on se lève à 9 heures et qu'on va dans la rue, on voit des garçons et des filles qui vont à l'école. Il y a un homme que je vois tous les jours quand je passe en voiture et qui cultive un petit coin de son champ; il a déjà fait trois ou quatre récoltes de la culture qu'il pratique. Je le signale pour indiquer que certains aspects de la vie afghane sont normaux.
    Les aspirations des Afghans ne sont pas différentes de celles des Canadiens. Ils veulent avoir une maison et un toit. Ils veulent un emploi. Ils veulent que les enfants aillent à l'école. Ils veulent avoir accès à des soins de santé et pouvoir se rendre au coin de la rue en ayant une certaine assurance qu'ils peuvent avoir confiance dans l'agent de police local ou dans les autorités judiciaires locales.

  (2055)  

    Est-ce que nos efforts sont couronnés de succès, dans ce cas?
    Je pense que nous sommes sur la bonne voie car, si vous examinez ces facteurs... Nous employons des Afghans.
    Le Canada est un des pays qui contribuent le plus au programme de microfinance, en vertu duquel des petits prêts sont accordés à des Afghans. La plupart de ces Afghans sont des femmes. Elles démarrent leur entreprise; elles deviennent indépendantes. Elles prennent soin d'elles-mêmes et de leur famille. Il y a davantage d'enfants dans les écoles que jamais. Cette année, nous formerons des enseignants supplémentaires. Nous aurons de nouveaux manuels scolaires et un nouveau programme. On fait des travaux dans le domaine du logement, en termes de construction. Nous creusons des puits, construisons des ponts, et asphaltons 4 000 kilomètres de route. Par conséquent, il y a ces aspects.
    L'aspect sur lequel j'estime qu'il y a vraiment du travail à faire est celui de la sécurité personnelle; il faut que les gens soient capables d'avoir confiance lorsqu'ils s'adressent à un fonctionnaire ou à un agent de police. Je pense que c'est là-dessus que nos efforts sont principalement axés.
    On voit tellement de photos qui représentent les difficultés avec lesquelles nous sommes aux prises et c'est naturel, car c'est ce que vous voyez. J'ai voyagé dans la plupart des régions du pays — dans le nord, dans l'est, dans l'ouest et dans le sud. Les Afghans mènent une vie normale. Ce n'est pas parce que nous, nous devons prendre certaines précautions que cela signifie que leurs déplacements sont aussi restreints que les nôtres. Ils marchent dans la rue, ils conduisent leurs véhicules, ils pratiquent des sports, ils regardent la télévision. Il y a de nouvelles émissions et des stations de télévision locales. Je pense qu'ils mènent une vie normale et que c'est la raison pour laquelle ils ont de l'espoir.
    Enfin, je signale que les Afghans sont habitués à un certain niveau d'insécurité et qu'ils sont habitués à certaines difficultés, car ça fait malheureusement partie de leur histoire récente.
    J'ai un tout dernier commentaire à faire. Quand on pense à la situation dans laquelle se trouvaient les Afghans en 2001, sous la domination des talibans, et à leur situation actuelle, on constate que ça fait une énorme différence. Sous les talibans, personne ne se promenait dans les rues, personne n'allait à l'école et il n'y avait aucune activité économique. Toutes ces activités ont été rétablies. La situation n'est pas encore ce qu'elle devrait être, mais elle a été rétablie.
    Monsieur Hawn, pour un tout petit commentaire.
    Il sera court. Je pense que la réponse sera aussi très courte.
    Nous venons de rentrer et nous avons eu constamment de franches discussions sur les difficultés. Nous avons constamment entendu parler des progrès appréciables qui ont été réalisés. Nous avons entendu les commentaires des employés de l'ambassade du Canada; nous avons entendu les commentaires de cinq autres ambassadeurs; nous avons entendu ceux des Nations Unies, en la personne de Chris Alexander; nous avons entendu les commentaires du président Karzaï; nous avons entendu ceux du président de la Chambre, qui est en fait le chef de l'opposition; nous avons entendu les commentaires du Conseil de la province de Kandahar; nous avons entendu ceux des membres de l'équipe de reconstruction provinciale; nous avons entendu les commentaires des dirigeants de la Force opérationnelle (Afghanistan) et aussi ceux des militaires. Toutes ces personnes ont des vies en jeu, leur propre vie ou celle de leurs concitoyens. N'est-ce qu'un complot massif pour induire le monde en erreur en ce qui concerne l'Afghanistan ou est-ce la simple vérité?
    Les faits parlent d'eux-mêmes. Comme vous l'avez précisé, ce n'est pas moi qui vous l'ai dit; ce sont toutes ces autres personnes-là. Des progrès ont été réalisés. C'est que la route est longue et que nous devons maintenir le cap et apprendre à mesure que nous progressons. Nous devons toutefois maintenir le cap, car certains progrès ont été réalisés.

  (2100)  

    Merci beaucoup, monsieur l'ambassadeur.
    Il est 21 heures et nous arrivons à la fin de notre séance. Je suis heureux que nous ayons pu coordonner votre calendrier avec une séance du Comité spécial sur la mission canadienne en Afghanistan. Merci beaucoup d'avoir pris le temps de nous rencontrer et merci aussi pour votre témoignage et la franche discussion de ce soir. Je vous remercie très sincèrement.
    La séance est levée.