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AFGH Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité spécial sur la mission canadienne en Afghanistan


NUMÉRO 006 
l
2e SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 4 juin 2008

[Enregistrement électronique]

(1835)

[Traduction]

    Chers collègues, soyez les bienvenus à sixième séance du Comité spécial sur la mission en Afghanistan.
    J'indique à notre auditoire que nous avons le privilège d'accueillir aujourd'hui le lieutenant-général Michel Gauthier, actuellement commandant de la force expéditionnaire du Canada, COMFEC. Le général Gauthier a aussi servi en Bosnie et a commandé la Force opérationnelle interarmées en Asie du Sud-Ouest, ce qui comprenait l'Afghanistan, en 2002.
    Général, c'est avec plaisir que nous vous accueillons ce soir. Je vous remercie d'avoir pris le temps de venir témoigner.
    Vous pourrez faire une déclaration d'ouverture, après quoi il y aura une période de questions.
    Chers collègues, je propose que, ce soir, il y ait deux séries de questions, une série d'interventions de sept minutes et une série d'interventions de cinq minutes, car nous devons traiter de nos travaux après l'audition du témoignage du général Gauthier.
    Sur ce, général, vous avez la parole.

[Français]

[Traduction]

    Mesdames et messieurs, je vous remercie de me donner cette occasion de vous parler de la contribution des Forces canadiennes à la mission de notre gouvernement en Afghanistan.
    Le Commandements de la Force expéditionnaire du Canada, ou COMFEC, est le point central national de cette mission pour les Forces canadiennes depuis la création du commandement le 1er février 2006.
    Le COMFEC est un des éléments créés à la suite d'un important processus de transformation des Forces canadiennes destiné, en partie, à améliorer la façon de concevoir, de conduire et de soutenir les opérations.
    Mon rôle et le rôle du COMFEC est triple: exercer le commandement de nos opérations internationales; façonner et guider la conduite de la mission conformément aux objectifs du gouvernement et de la direction stratégique du chef d'état-major de la Défense, en étroite collaboration avec nos partenaires pangouvernementaux, et, enfin, travailler étroitement avec les responsables de la mise sur pied et de la force — l'armée, la marine et la force aérienne — pour établir les conditions de succès qui permettront aux hommes et aux femmes déployés dans la zone de combat d'être la fierté des Canadiens.
    Essentiellement, mon rôle est de fournir des directives claires et d'orchestrer le soutien à la mission, tout en laissant aux commandants de la force opérationnelle, que ce soit David Fraser, Tim Grant, Guy Laroche ou, tout récemment, Denis Thompson, la liberté d'exécuter sa mission de façon flexible afin de réagir aux circonstances changeantes sur le terrain.

[Français]

    En termes généraux, la mission des Forces canadiennes en Afghanistan se base sur trois piliers, ou thèmes principaux, d'effort. Ces piliers sont: la conduite d'opérations de sécurité; la formation des forces de sécurité afghanes, qui permettra ultimement à ces dernières d'assumer la responsabilité complète de leur propre sécurité; et enfin, l'appui des efforts de nos partenaires pangouvernementaux pour contribuer aux efforts de reconstruction, de développement et de création de la capacité de gouvernance à l'appui du peuple afghan. Nos hommes et nos femmes sont engagés dans ces trois efforts simultanément, mais l'emphase relative et la concentration des ressources entre elles ont clairement évolué depuis les premiers jours dans le Sud, et elles se poursuivront à mesure que des progrès seront réalisés géographiquement et d'une saison à l'autre.

[Traduction]

    Quelques mots sur nos progrès au cours des 22 derniers mois. Plusieurs d'entre vous ont eu l'occasion d'entendre le général Hillier faire les mêmes observations dernièrement, et ce, de façon beaucoup plus éloquente. Personnellement, mon attention a été concentrée sur l'Afghanistan de façon continue pendant les six dernières années et demie.
    Avant d'être nommé à ce poste, il y a environ trois ans, j'ai été le chef du renseignement de la Défense et l'Afghanistan était un de mes principaux centres d'intérêt. Avant cela, j'ai commandé la Force opérationnelle interarmées nationale qui, comme l'a mentionné le président, comprenait le déploiement du 3 PPCLI à Kandahar en 2002, ainsi qu'un certain nombre de navires et d'unités aériennes déployées dans la région après le 11 septembre 2001.
    J'ai eu des douzaines d'occasions de visiter nos troupes en Afghanistan au cours de cette période, en particulier dans le Sud. Je peux déclarer sans équivoque que nous — avec les Afghans, la communauté internationale et nos partenaires canadiens — faisons des progrès, bien que parfois plus lentement et irrégulièrement que plusieurs le souhaitaient ou l'anticipaient.
    Nous n'avons aucune illusion sur la difficulté de cette mission. Le terrain est souvent inhospitalier et difficile pour les opérations. Les facteurs historiques et culturels complexes doivent être compris et intégrés. Nous avons appris que les extrêmes annuels du climat et des périodes de récolte conduisent à des cycles d'intensité dans l'activité des insurgés. Lorsque le rythme des combats augmente tel que prévu après une pause hivernale — comme nous le voyons actuellement dans le Sud — cela porte certains à croire que nous subissons un recul ou que la mission n'accomplit pas ce qu'elle devrait.
    Je crois que vous comprendrez que l'Afghanistan est un défi complexe mais que, dans notre monde de communications instantanées, il est beaucoup plus facile d'attirer l'attention sur les aspects négatifs, mais ce qui n'aura tout simplement pas de résultats instantanés.
    Du point de vue des Forces canadiennes, à mesure que les rotations successives de nos hommes et de nos femmes reviennent au Canada, elles apportent avec elles une compréhension mûrie de la dynamique de la mission et aident à établir des attentes internes réalistes. Nous avons aussi un programme d'enseignement tiré de la mission efficace qui assure une adaptation rapide à un environnement très dynamique. Je peux vous assurer que chaque nouvel élément déployé est mieux formé et mieux équipé que le précédent et est ainsi mieux en mesure de comprendre la dynamique de la mission et de réagir aux conditions auxquelles il fera face lors de son déploiement.
    Notre contribution fait une différence. Rappelons-nous qu'à la fin de l'été 2006, dans les districts de Zhari et de Panjwai, nous faisions face à une force résolue et bien organisée comptant plus de 1 000 insurgés déterminés à couper la route principale dans le Sud, à isoler la ville de Kandahar et, ultimement, à faire paraître l'OTAN et le gouvernement afghan faibles et impuissants. Les civils avaient fui la région et les combats au cours des mois subséquents avaient sérieusement dévasté cette région agricole clé. C'était il y a 20 mois.
    Aujourd'hui, des dizaines de milliers de civils sont de retour pour travailler sur leurs fermes dans une zone où la grande partie de notre groupement tactique ne tenait qu'une mince bande de terre protégée sous des millions de sacs de sable. Nous avons construit des routes et des chaussées et créer de l'emploi pour des centaines d'Afghans.
    Au-delà de ces signes de progrès évidents, je crois que nous avons connu notre plus grand succès au cours des deux dernières années auprès de l'armée nationale afghane et, à un degré moindre, auprès de la police nationale afghane. Il est clair pour nous que les forces militaires en Afghanistan seront formées de l'armée nationale afghane, de la police et des autres forces de sécurité qui seront en mesure de protéger et de défendre leurs citoyens sans aide externe.
    Dans le cas de l'ANA, en particulier, nous avons constaté une progression depuis deux ans; elle n'avait alors aucune unité afghane formée pour travailler avec nous. Depuis, nous avons vu la formation d'un bataillon d'infanterie, que nous appelons kandak en Afghanistan, il y a 18 mois et la formation d'une brigade complète de trois bataillons d'infanterie, un bataillon d'appui au combat et un bataillon de soutien logistique au combat.
    Nous avons ajusté notre propre structure de force, laquelle est passée de 15 personnes s'occupant de formation et d'un mentorat à 220 hommes et femmes désormais pleinement engagés dans la formation des éléments de l'ANA et de la PNA. Nos forces conduisent désormais régulièrement des opérations côte à côte avec des unités afghanes. De plus en plus, les forces afghanes dirigent les opérations et nous, nous appuyons leurs efforts. Selon les normes occidentales, les effectifs sont encore réduits, elles ne sont pas aussi bien équipées qu'elles devraient l'être et il faudra encore du temps avant qu'elles soient une force autonome. Mais elles croissent avec régularité, elles sont totalement engagées dans la défense de leur pays, elles sont aussi dures et sans peur que les autres soldats avec lesquels nous avons travaillé et, surtout, elles sont avides de grandir et d'assumer le maintien de la sécurité, avec notre aide.
(1840)

[Français]

    Le travail de la police s'est révélé un défi plus complexe puisque l'environnement de la règle de la loi est plus lent à s'imposer. Il est plus difficile d'aider ces forces beaucoup plus largement dispersées et plus vulnérables aux attaques des insurgés. Néanmoins, les initiatives du gouvernement afghan, comme le programme de développement concentré sur les districts où la formation et l'administration de la police ont été réorganisées, montre des signes de progrès.
    Grâce à nos propres équipes de liaison et de mentorat opérationnel auprès de la police et des efforts de notre contingent de police civile, nous travaillons fort pour réduire la vulnérabilité de la police et à l'aider sur la voie d'un service de police communautaire aussi crédible que nécessaire.

[Traduction]

    Tout ça pour dire que je suis convaincu que nos hommes et femmes accomplissent autant, sinon plus, que nous pouvons raisonnablement demander d'eux en Afghanistan, en gardant à l'esprit que les progrès tels que nous les définissons connaîtront des hauts et des bas avec le temps. Au cours des dernières années, après la récolte du pavot, les insurgés ont repris leurs activités perturbatrices et de terreur. Nous n'en voyons plus des centaines au même endroit, comme c'était le cas il y a deux ans, mais nous les voyons encore en groupes de cinq, dix ou quinze.
    Il ne s'agit certainement pas encore d'une sécurité complète et cette sécurité ne sera pas possible avant longtemps. Certaines parties de la province de Kandahar sont plus sécuritaires que d'autres et nous avons porté notre attention sur les districts clés où vit une majorité de la population. La ville de Kandahar, avec son milieu urbain étendu, sera inévitablement vulnérable à des attaques suicides encore longtemps, mais en général, c'est une ville active et animée où les gens poursuivent leur vie malgré la crainte sous-jacente.
    Dans les districts périphériques comme Zhari and Panjwai, les insurgés, comme vous le savez, ont souvent lancé des attaques aveugles aux DEC. Il leur arrive, surtout à cette époque de l'année, de cibler nos forces plus directement, ce qui a parfois des conséquences tragiques comme nous l'avons vu au cours des 24 dernières heures. Au cours des derniers mois, cependant, ils ont préféré s'en prendre à des cibles plus faciles, telles que la Police nationale afghane qui est moins capable de se défendre, s'attaquer aux civils sans défense et les intimider. Tout cela vise à miner la confiance et le soutien dont jouit le gouvernement démocratiquement élu de l'Afghanistan. Voilà pourquoi nous devons continuer à relever ce défi avec fermeté et aider à consolider la présence du gouvernement avec nos confrères militaires afghans.
(1845)

[Français]

    Comme le groupe d'experts dirigé par M. Manley l'a reconnu, la reconstruction et le développement dépendent de la sécurité et y contribuent. Certaines initiatives peuvent être avancées en présence de menaces à la sécurité, alors que d'autres doivent attendre un certain degré de confiance des contributeurs non militaires, particulièrement des organisations internationales et des ONG, qui ne peuvent opérer que dans un milieu selon leur tolérance de risque.
    Par contre, des projets qui répondent aux besoins quotidiens des Afghans engendrent leur confiance envers le gouvernement et réduisent leur soutien et leur tolérance aux insurgés. Une insurrection sans soutien local est finalement destinée à échouer.

[Traduction]

    La décision du gouvernement de prolonger la mission jusqu'en 2011 nous a fait comprendre qu'il faut faire tout ce que nous pouvons aux niveaux stratégique, opérationnel et tactique pour créer les conditions nécessaires au succès de nos efforts pangouvernementaux. La présence accrue de civils canadiens dans le théâtre, les nombreuses améliorations imminentes de la capacité de nos forces pour améliorer la sécurité et la protection de la force, et le plan de nos alliés visant à renforcer nos forces dans la province de Kandahar aideront à façonner la mission à mesure que nous progressons. De façon générale, les Forces canadiennes continueront à s'ajuster et à adapter minutieusement leur approche aux priorités politiques du gouvernement du Canada et aux nouveaux plans de programme, conformément aux conditions sur le terrain à mesure qu'elles évoluent.
    Je suis revenu de ma dernière visite en Afghanistan il y a moins de trois semaines, j'y avais retrouvé le greffier du Conseil privé, David Mulroney, et Rob Fonberg pour une partie de leur visite. Au cours de mes nombreuses visites, je vois de plus en plus que l'équipe civile et militaire souhaite partager la même langue et la même vision de ce qui doit être fait et de ce qui est réalisable au bon moment et au bon endroit. Après chaque visite, je reviens inspirer par la résilience, le dévouement, l'engagement et le professionnalisme de tous les participants à la mission, qu'ils soient civils ou militaires, même face à l'adversité et, à l'occasion, à la tragédie.
    C'est un défi difficile pour nos forces militaires et pour le Canada, mais nous sommes collectivement prêts à le relever. Je crois que nous avons tous à coeur de donner suite au travail du groupe Manley; nous savons que beaucoup est accompli ici à Ottawa et outre-mer pour concrétiser l'engagement renouvelé du gouvernement à l'égard de cette mission.
    Merci.
    Merci beaucoup, général Gauthier.
    Vous venez de dire que vous rentrez d'Afghanistan. Vous savez sans doute que des membres du comité de la défense sont aussi allés en Afghanistan il y a environ dix jours, et que trois d'entre eux siègent aussi à notre. Je le signale en passant.
    Je cède maintenant la parole aux libéraux pour la première question.
    Merci, monsieur le président. Je partagerai mon temps avec M. Ignatieff.
    Tout d'abord, général, je suis heureux de vous voir. Il y a longtemps que nous nous sommes vus et je suis content que vous comparaissiez ce soir.
    Je compte parmi ceux qui rentrent d'Afghanistan. J'ai trois petites questions à vous poser, puis M. Ignatieff posera les siennes et vous pourrez nous répondre.
    Pourquoi trouve-t-on davantage de dispositifs explosifs de circonstance depuis quelque temps? Dans quelle mesure le succès dans le Sud de l'Afghanistan dépend-il de l'élimination de ceux qui dirigent l'insurrection? Enfin, tant que la région tribale administrée par le gouvernement fédéral du Pakistan sert de sanctuaire aux insurgés, est-il réaliste de penser réaliser des progrès dans l'éradication de la menace que présentent les insurgés dans la région de Kandahar?
    Maintenant, monsieur le président, M. Ignatieff posera ses questions.
    Mes questions portent sur la formation de l'Armée nationale afghane. Quand je suis allé à la base d'opération avancée Wilson, à la fin de janvier, j'ai vu du travail très impressionnant. J'aimerais avoir une idée de vos jalons: combien de membres de l'Armée nationale afghane comptez-vous former, pour quelle période, à quel moment seront-ils en mesure d'assumer un rôle de combat actif et de diriger les opérations. J'aimerais savoir quand vous comptez avoir franchi ces étapes, comment vous anticipez la progression au cours des années à venir.
    La motion qui a été adoptée par le Parlement a beaucoup insisté sur ce point. La motion disait bien que notre présence militaire en Afghanistan de 2009 à 2011 devait servir d'abord à nous trouver un remplaçant au moment où nous partirons, en 2011. Je veux m'assurer que c'est bien ainsi qu'on comprend la motion aux sein des Forces canadiennes et qu'on concentre les efforts militaires sur le processus de formation sachant que c'est ce que le Parlement souhaite que les forces fassent, que le Parlement tient à ce que l'effort militaire se concentre sur la formation de l'armée nationale afghane.
(1850)
    Général Gauthier, vous avez la parole.
    J'ai des problèmes de mémoire à court terme et à long terme. Je n'ai pas entendu la toute première question de M.Wilfert.
    J'aimerais savoir pourquoi on trouve davantage de DEC depuis un certain temps. Pourquoi en trouvons-nous davantage ces jours-ci? Cela semble être ce qui fait le plus obstacle à notre capacité de combat.
    Pour répondre le plus succinctement à votre première question, sans vouloir en minimiser l'importance, je dirai que plus nous trouvons de DEC, mieux c'est. Si nous les trouvons sans qu'ils n'explosent, des vies sont sauvées. Je ne sais pas si c'est la réponse que vous cherchiez, mais la situation actuelle s'explique en partie par le fait que notre équipement est meilleur, que le sont aussi nos tactiques et que nous pouvons compter sur l'appui de la population locale. Le nombre de DEC qui nous sont signalés par la population locale est à la hausse. Par conséquent, vu sous cet angle, trouver davantage de DEC est une bonne chose, c'est certainement mieux que les découvrir au moment où ils explosent.
    Il y a une dynamique entre les forces opposées qui se fondent sur l'action et la réaction, la contre-réaction et l'adaptation, et ainsi de suite. Nous en tenons compte dans nos tactiques et dans l'usage que nous faisons de notre équipement. Les insurgés font de même. Il y a des périodes -- selon que les insurgés s'adaptent ou que nous nous adaptons --, il se peut qu'il y ait moins de DEC. D'ailleurs, depuis deux, trois ou même quatre semaines, je dirais qu'on a trouvé moins de DEC. Mais auparavant, surtout si on compare avril 2008 à avril 2007, il y en avait davantage.
    Vous m'avez fourni les éléments que je recherchais dans ma première question.
    Votre deuxième question portait sur l'importance d'éliminer le réseau du leadership des insurgés. Il ne s'agit que d'une partie du travail. Cette question est plus ample puisque, comme nous l'avons vu au fil du temps, peu importe le niveau de leadership dont on se débarrasse, les effets demeurent toujours à court terme. Parfois, cela dure plus longtemps, lorsqu'il s'agit d'un leader particulièrement efficace ou très haut placé qui est remplacé par une personne moins importante. Cette nouvelle personne n'est peut-être pas un leader. Il pourrait s'agir de quelqu'un qui place les dispositifs explosifs de circonstance, ou encore d'un agent financier ou de logistique. De se débarrasser de telles personnes n'est qu'une première étape. Cela mènera au bout du compte à un succès, mais il ne s'agit pas d'une panacée.
     La panacée pour remporter la victoire contre les insurgés et pour édifier la nation serait d'avoir un gouvernement afghan fonctionnel, doté d'institutions nationales efficaces et qui a aussi la confiance des citoyens. C'est cela que nous devons appuyer. Nous le faisons notamment par le biais de la police afghane nationale et de l'armée. Comme vous le savez sans doute, c'est ce que nos soldats font là-bas. Ils comprennent clairement cette mission.
    Votre troisième question portait sur le Pakistan. C'est un défi de taille qu'il faut y relever. Pour résoudre ce problème, il faut tenir compte des questions politiques, bureaucratiques, des développements et, dans une moindre mesure, des aspects militaires. Ces questions touchent la collectivité internationale qui travaille avec le Pakistan et qui facilite les relations entre ce pays et l'Afghanistan. Cela touche également notre mission, soit celle d'un engagement direct au niveau tactique et opérationnel pour faciliter les réunions. Ça se passe sur le terrain à Spin Boldak où on peut retrouver des Afghans, des soldats pakistanais et des agents internationaux.
    Voulez-vous que je continue à répondre aux autres questions? Est-ce qu'il nous reste du temps?
(1855)
    Le temps est écoulé. Nous allons passer au prochain intervenant.
    Puis-je demander à ce qu'on me réponde par écrit aux questions qui n'ont pas été abordées?
    Oui. Merci.

[Français]

    Madame Barbot, vous avez la parole.
    Monsieur le président, je vais partager mon temps avec M. Bachand.
    Vous nous avez dit qu'il y avait eu des progrès, en particulier dans les districts de Zhari et de Panjwaii. Il est difficile d'évaluer ce que cela signifie vraiment. Vous parliez des gens qui étaient partis et qui sont revenus.
    Dans l'ensemble des provinces qui ne sont pas sûres, quelle proportion cela représente-t-il?
    Parlez-vous de la population qui est retournée à Zhari et à Panjwaii?
    Oui.
    Je n'en suis pas certain. Je dirais que c'est peut-être de 5 à 10 p. 100 de la population, mais certainement pas plus. Il s'agit de deux districts sur dix-sept.
    Les autres districts sont-ils sécuritaires?
    J'en ai parlé un peu. Ils ne sont pas tout à fait sécuritaires. Certains endroits sont plus sécuritaires, d'autres le sont moins. C'est la nature de l'environnement. On fait ce qu'on peut avec l'armée afghane, la police et les chefs locaux, tant du côté civil que du côté militaire, pour essayer d'assurer leur protection et les encourager à prendre, jusqu'à un certain point, la responsabilité de leur propre sécurité. On est en voie d'y parvenir, mais cela varie d'un village à l'autre.
    Il y a donc des signes encourageants, mais il n'y a pas de progrès extraordinaire.
    Tout est relatif, madame.
    C'est ce que j'essaie de situer.
    Compte tenu des défis auxquels nous faisons face en Afghanistan, je pense que le progrès est continu et stable. Cependant, la pente est quand même assez douce, et il est clair que cela va demander du temps.
    Pouvez-vous évaluer où on en sera en 2011?
    Malheureusement, ma boule de cristal n'est pas terriblement claire à cet égard. Je ne voudrais même pas essayer de faire une prévision de ce genre. Va-t-on progresser? Va-t-on voir une progression au sein de la population? Des districts vont-ils devenir plus sécurisés qu'ils ne le sont aujourd'hui? Absolument. Va-t-on voir un progrès de nature fonctionnelle en ce qui concerne la capacité de la police, de l'armée, de la gouvernance de villages, de districts et de provinces? Oui, encore une fois. Jusqu'à quel point? Je ne pourrais pas vous le dire aujourd'hui.
    D'accord.
    Bonjour, monsieur Gauthier.
    Bonjour, monsieur Bachand.
    Vous allez bien?
    Très bien, merci.
    J'ai deux questions à vous poser.
    Robert Gates a déployé 3 000 soldats américains dans le sud de l'Afghanistan. J'aimerais savoir s'il y a des changements. Ces soldats américains sont-ils complètement sous la juridiction du brigadier-général Thompson actuellement? Vous vous rappellerez que Robert Gates avait dit vouloir que les soldats canadiens mènent une mission beaucoup plus robuste. Ce que ça implique n'est peut-être pas conforme à l'approche canadienne. Je voudrais savoir comment se fait cette intégration en ce moment.
    Par ailleurs, je reviens de Valcartier aujourd'hui. Vous avez certainement vu le rapport de la vérificatrice générale sur la chaîne d'approvisionnement. Plusieurs personnes m'ont signalé là-bas que ça commençait à causer un problème assez important. On en est même rendu à cannibaliser d'autres camions, c'est-à-dire à les dépouiller de leurs pièces pour les donner à ceux qui en manquent. Avez-vous discuté avec le général Benjamin à ce sujet? Le problème semble s'aggraver, selon moi, et ça met en péril l'intervention canadienne en Afghanistan.
(1900)
    À la première question, je peux vous donner une réponse très claire, monsieur Bachand. En fait, il y a un peu moins de 3 000 soldats. Il s'agit de deux groupes des US Marine Corps. Un des deux est affecté à la formation de la police et de l'armée afghanes, et l'autre, qui est un bataillon, travaille sous les ordres du major-général Lessard. Il s'agit du commandement de la région sud de l'Afghanistan. Ces militaires sont sous ses ordres. Ils suivent donc ses directives. C'est lui qui décide, en collaboration avec le commandant de la FIAS, évidemment, des tâches auxquelles ils sont affectés. Il est clair qu'ils sont sous les ordres de la chaîne de commandement de la FIAS.
    Pour ce qui est de l'approvisionnement, je ne tiens pas à minimiser la chose, mais il faut dire que c'est tout un défi. Une chaîne d'approvisionnement de 17 000 à 20 000 kilomètres, ce n'est pas évident, compte tenu de tout l'équipement qu'on a sur le terrain en Afghanistan. Lors de chacune de mes visites là-bas, qui se chiffrent à plus de 20, je pose ces questions. En parlant avec les soldats, j'ai une impression très claire de ce qui les préoccupe. Chaque fois que je reviens, je consulte mon état-major — c'est parfois plus que de la consultation —, et la même chose se passe du côté du général Benjamin et de son état-major, étant donné qu'on travaille en étroite collaboration.
    On reconnaît, c'est certain, qu'il y a des défis, et on fait tout ce qu'on peut pour les surmonter. Le général Benjamin, qui revient tout juste de l'Afghanistan, m'a envoyé un rapport de sa visite. J'ai vu ce dernier cet après-midi, mais je n'ai pas eu l'occasion de le lire. Le rapport parle justement de ces problèmes et de la façon dont ils sont abordés.
     [Note de la rédaction: inaudible]
    Non, c'est un document classifié.
    Malheureusement.
     Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à Mme Black.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci d'être venu au comité.
    J'aimerais vous parler de l'évolution de la mission. Sous l'ancien gouvernement, avec le premier ministre Paul Martin, on avait commence en 2005 l'opération Enduring Freedom avant que cela ne se mue en mission de la FIAS. Il me semble que depuis 2005, nous avons eu plusieurs années pour évaluer l'évolution de la mission en question.
    Pouvez-vous m'en parler? Quelles modifications avez-vous constaté en matière de direction? Quelles modifications ont été apportées à notre mission là-bas?
    C'est une excellente question. Ce serait difficile d'y répondre en l'espace de quelques minutes, mais je ferais mon mieux.
    En 2005, il n'y avait pas de Canadiens dans le Sud de l'Afghanistan. Dans cette région, il y avait la mission Operation Enduring Freedom ainsi que des équipes de reconstruction provinciales menées par des Américains dans quatre provinces. Il y avait des troupes pour deux bataillons, qui étaient localisées dans les provinces de Zabul et de Kandahar. Ces bataillons opéraient dans cette zone avec les forces spéciales. Leur présence y était bien moindre qu'elle ne l'est aujourd'hui.
    Je ne sais pas à quel point vous étiez au courant de ce qui se passait dans le Sud de l'Afghanistan à l'époque. En effet, on ne peut pas inventer quand on ne sait pas.
    La mission a évolué depuis. Bon nombre de forces ont été déployées dans le Sud de l'Afghanistan. L'OTAN en a assumé le commandement le 31 juillet 2006. Notre engagement était basé sur cette transition, dans laquelle la mission passerait sous le commandement de l'OTAN. Tout ce que nous avons fait auparavant, était d'essayer d'établir les conditions pour que cette transition ait lieu.
    Au fil du temps, il y a eu de plus en plus de forces internationales qui ont commencé à pénétrer dans la région. On les retrouvait dans des régions ou auparavant il n'y avait pas de présence de forces armées. Cela a attiré l'attention des détracteurs du gouvernement afghan. Ce fut notamment le cas dans la province de Helman. Nous appelons ces gens des talibans ou encore des insurgés, mais il faut savoir que la situation est bien plus compliquée que cela. Il faut également faire le lien avec le trafic des stupéfiants. L'insurrection s'accompagne également de criminalité.
    Je vous ai dit que cette évolution a mené à un progrès. Je ne sais pas si vous voulez savoir si on avait accompli des progrès ou si votre question portait plutôt sur l'empreinte militaire que nous avions sur le terrain. Cette empreinte s'est accrue. La capacité de gouvernance dans les districts et dans les collectivités — vous l'avez sans doute constaté vous-mêmes au cours de vos visites en Afghanistan — est bien plus rigoureuse et organisée qu'auparavant. Il existe notamment des conseils de développement communautaire et des assemblées de développement pour le district. Dans certains cas, la gouvernance et le district sont dotés d'un meilleur leadership.
    Malgré tous les efforts que nous déployons, nous faisons néanmoins face à un milieu difficile au plan de la sécurité. Le défi que nous devons relever consiste à pouvoir mettre l'accent sur les régions où on risque le plus de connaître du succès. Cela nous permettra d'arriver à une synergie entre notre travail en matière de sécurité et ce que nous faisons pour améliorer la gouvernance et le développement. Je pense que vous verrez cette synergie bientôt dans la province de Kandahar.
(1905)
    Ma deuxième question porte sur ce qu'a soulevé M. Bachand. Les Américains sont en train d'augmenter leur présence, un peu comme on l'a vu en Iraq. C'est une des raisons pour lesquelles ils sont là. Les gens spéculent beaucoup sur le fait que les Américains vont véritablement augmenter leur présence dans le Sud de l'Afghanistan. On en est encore à une spéculation au sujet du long terme, parce que, si ma mémoire est bonne, les marines qui sont déployés ont un contrat garanti de seulement sept mois à l'heure actuelle. Ce n'est pas un engagement à long terme.
    D'après vous, si les Américains s'impliquent davantage dans la mission de la FIAS dans le Sud, quelle incidence cela aura sur la participation du Canada sous la bannière de l'OTAN si les Américains y participent en bien plus grand nombre?
    La deuxième question porte sur l'augmentation de la présence américaine qui a lieu en ce moment. Quelles en seront les conséquences à long terme?
    Pour répondre à la première question, vous comprendrez bien sûr que le commandement régional de l'Est compte un grand nombre d'Américains sous le commandement de la FIAS. Des articles intéressants ont été publiés récemment. Dans son numéro de cette semaine, The Economist parle de la réussite de l'approche des Américains dans l'Est. Il y a eu bien sûr une certaine controverse quant à des remarques faites publiquement au sujet de certaines nations par rapport à d'autres. Je ne vais pas entrer dans ce genre de détail pour répondre à cette question.
    À vrai dire, je trouve cela très positif. Nous avons des objectifs. Ces objectifs comportent une composante militaire. Dans notre travail des trois prochaines années, nous mettrons l'accent sur les effets pour la société civile. Et si nous pouvons accroître les forces de sécurité dans la province de Kandahar, cela ne peut pas être mauvais. C'est au contraire tout à fait positif.
(1910)
    J'aimerais davantage connaître votre opinion sur les effets d'une participation massive des Américains. Pour l'OTAN comme pour toute autre organisation, la puissance dépend dans une certaine mesure du nombre. J'aimerais connaître votre avis sur la rotation du commandement et les effets que cela aura sur la mission du Canada en Afghanistan, si cela se produit.
    Nous verrons bien le moment venu. Pour l'instant, nous devons nous contenter d'hypothèses. Mais je puis vous dire que puisque c'est moi qui dirige la mission à l'heure actuelle, cela ne m'inquiète pas. L'augmentation des troupes, le déploiement de troupes plus compétentes ne peut avoir que des effets positifs.
    Mais qu'en est-il de l'intensification des opérations à long terme?
    Le problème de cette intensification est qu'il faudra y donner un suivi. Lorsqu'il y a une augmentation des forces, celles-ci peuvent changer la donne, mais cela n'a pas nécessairement un effet durable. Ces forces peuvent nettoyer le terrain, ce qui n'a pas non plus nécessairement un effet durable, à moins que l'on puisse faire un suivi au moyen de ressources de maintien. Il sera bien sûr important d'assurer ce suivi après les opérations que mèneront les marines américains, où qu'aient lieu ces opérations. Les commandants sur le terrain comprennent très bien cette situation.
    Il s'agit donc de choisir les joueurs les mieux en mesure d'atteindre les objectifs et de faire en sorte que les opérations se déroulent pour qu'elles aient un effet durable plutôt que temporaire.
    Merci beaucoup, général.
    Passons maintenant à M. Hawn.
    Merci, monsieur le président, et merci, général, de venir témoigner devant nous.
    Je vais vous poser trois ou quatre questions brèves et j'aimerais que vous y répondiez brièvement également, si possible, avant que je laisse la parole à M. Obhrai.
    Tout d'abord, pour revenir à la question de Mme Black sur la collaboration entre les forces canadiennes et les forces américaines, estimez-vous que la transition dans les opérations peut se faire sans heurts? Est-ce faisable?
    Cette transition est absolument sans heurts, cela ne fait aucun doute. Ce sera une réussite. Je puis vous dire que partout dans la chaîne de commandement, l'idée — si c'est une possibilité — de travailler en partenariat avec les forces américaines... Nous connaissons très bien les forces américaines, nous avons avec elles une grande opérabilité et nous sommes sur la même longueur d'ondes de bien des façons du point de vue militaire. Ce sera une bonne chose tant pour le Canada que pour les Afghans.
    Dans la même veine que la question de M. Ignatieff, à laquelle vous n'avez pas eu l'occasion de répondre, vous avez dit que votre stratégie de retrait, ce sont les ELMO et les ELMO-P. Si tout cela fonctionne, peut-on dire que les FSNA, les Forces de sécurité nationale afghanes, nous remplaceront en 2011, qu'elles soient prêtes ou non?
    C'est manifestement l'objectif à atteindre. Je crois d'ailleurs que le commandant de la FIAS a affirmé publiquement que le succès devrait être au rendez-vous dans ces délais. Cela dépendra toutefois. Selon leur nature, les diverses formations ne seront pas toutes prêtes en même temps. Cela dit, je le répète, tel est bien notre grand objectif. Par rapport aux États-Unis, la démarche favorisée est assez structurée, et pour revenir à la question posée par M. Ignatieff, elle comporte des dates différentes selon les diverses capacités et aussi des points de repère: la capacité au niveau de la compagnie, du bataillon, de la brigade, des chiffres, l'autosuffisance et la capacité de diriger les opérations. Telles sont les choses que nous suivons dès maintenant. Or, nous observons des progrès.
    Au cours de la dernière semaine et demie, lorsque nous étions sur le terrain, ce que nous avons observé sur toute la ligne, c'est-à-dire de haut en bas, du niveau de M. Karzai à celui des troupes afghanes, du sommet jusqu'à la base de notre côté, bien qu'on reconnaisse nos difficultés, on est arrivé à la même conclusion, il y a également des progrès. Ce qui m'a frappé pour ma part, c'est la nouvelle maturité que manifeste l'ensemble du gouvernement et qui se traduit dans ses nouvelles démarches.
    Est-il juste d'affirmer que tel a toujours été l'objectif de la mission, en dépit du moment choisi pour présenter le rapport Manley? Est-ce que telle était vraiment l'orientation que vous essayiez d'obtenir, en dépit de tout le reste, orientation qui s'accélère d'ailleurs manifestement étant donné les récents succès. Est-ce juste de dire cela?
    Sur le plan militaire, telle a toujours été notre intention. Cela fait deux ans et demi que je renseigne les trois services opérationnels. Nous avons certainement un rôle déterminant à jouer en ce qui a trait à la sécurité, mais la sécurité n'est que la pierre angulaire de la gouvernance et du développement à venir et que d'autres ministères piloteront.
    Au cours de ces deux années et demie, le problème, c'est qu'il nous manquait la masse critique de civils dont nous avions besoin pour traduire nos succès dans la société civile. Ça s'en vient toutefois. N'oubliez pas que tout cela demeure relativement récent.
    Les Afghans vont aux urnes en septembre 2009. Par rapport à cela, vous attendez-vous à un regain d'activité des insurgés, qui chercheront sans doute à faire valoir certaines choses? Est-ce qu'on peut s'attendre à cela?
(1915)
    A mon avis, les insurgés vont faire tout en leur pouvoir pour se manifester selon leurs capacités. Nous estimons que cela se passera à partir de maintenant et au cours des prochains mois. Ensuite, nous assisterons à des opérations plus concertées jusqu'au moment du scrutin et pendant les mois de mai et juin de l'année prochaine.
    Général Gauthier, notre mission en Afghanistan est censée comprendre un important volet consacré au développement. La sécurité est toutefois l'une des conditions primordiales qui permet cela. Je pense donc que les Canadiens aimeraient savoir comment le développement progresse dans les régions où le Canada fournit les services de sécurité.
    Parfois, nous entendons dire que la sécurité est très serrée, que la situation est très mauvaise et qu'il y a eu énormément de dévastation. Ensuite, on nous annonce qu'on construit des écoles ou que tous ces civils emménagent puis déménagent. Cela donne aux Canadiens une image assez floue de la situation générale du développement dans la région. Peut-être pourriez-vous donc nous éclairer sur ce qui se passe vraiment à cet égard. Cela nous aiderait aussi à dissiper la perception selon laquelle nous construisons quelque chose, après quoi c'est démoli en raison de la violence qui sévit là-bas. Peut-être pourriez-vous nous éclairer.
    Selon la théorie classique des opérations anti-insurrectionnelles, la difficulté est de gagner du terrain en commençant par la base. On parle de gagner du terrain ou encore de taches d'encre qui se répandent graduellement, au fur et à mesure que nous construisons les institutions nationales.
    Nous nous attachons plus à cette approche par la base: districts, villages. En 2006, je dirais que nous nous attachions plus à Kandahar comme province. Nous continuons à envisager la province et ce qui est nécessaire comme aider à la gouvernance. Toutefois, il nous faut aussi établir des priorités, cibler. Il faut un ciblage fonctionnel et un ciblage géographique. Au cours de l'année écoulée, plus cela va, plus on constate un ciblage au niveau du district et de la collectivité, afin de créer des zones de stabilisation susceptibles d'être élargies.
    Dans chacune de ces zones de stabilisation, doivent se superposer une série d'effets différents: notre effet de sécurité à nous, avec nos propres forces; l'effet de sécurité apporté par les Forces de sécurité nationale afghanes; et des effets concrets, dont l'établissement de capacité de gouvernance, qui se superposent au reste, une fois que les ONG et les organisations internationales sont relativement en confiance et que nous pouvons utiliser des fonds de l'ACDI pour faire intervenir des entrepreneurs. De cette façon, les gens de l'endroit font confiance au gars ou au shura qui est chargé de les aider et de les protéger.
    C'est pourquoi l'approche pangouvernementale dont nous parlons est si importante. Un effet ponctuel ne dure pas; on peut l'appliquer, mais il s'éteint vite; l'étincelle disparaît relativement vite, sauf si nous pouvons superposer quelque chose pardessus.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Monsieur Patry, vous disposez de cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur Gauthier, j'aimerais aller dans la même direction que mon collègue M. Ignatieff. Vous pourrez probablement répondre à sa question en même temps qu'à la mienne.
    Vous nous avez parlé de formation et de mentorat de l'ANA et de la PNA, ce qui, selon moi, est essentiel si on veut réussir cette mission.
    De quelle façon cela se passe-t-il? Formez-vous l'ANA et la PNA en même temps? Formez-vous seulement l'une des deux? Quelle est la durée de cette formation? Quel est le pourcentage de réussite?
    Après avoir été formés, les membres de l'armée afghane demeurent-ils dans la région de Kandahar? Patrouillent-ils seuls ou doivent-ils patrouiller avec vous? J'aimerais en savoir un peu plus.
    Formez-vous également des officiers? C'est bien d'avoir des soldats, mais s'il n'y a pas d'officiers, ça ne fonctionne pas.
    On nous dit qu'il y a énormément de corruption au sein de la police afghane, surtout parce que les policiers ne seraient pas bien payés. S'ils ne sont pas bien payés, ces policiers quittent-ils la police pour aller travailler dans le domaine privé?
     Quels sont vos tests de performance? Que voulez-vous réaliser comme tel, surtout avec l'armée afghane?
(1920)
    Ces questions sont complexes. La formation, ce n'est pas strictement de l'entraînement ou de l'instruction, c'est vraiment une formation. On établit un rapport avec des sous-unités, des unités, une formation et une brigade qui est effectivement affiliée à la formation canadienne.
    Chaque bataillon d'infanterie afghan comprend de 500 à 600 soldats. Nous avons une équipe de mentors qui demeurent avec eux 24 heures sur 24 et sept jour sur sept, et chacune de ces unités suit un cycle. Je ne veux pas trop entrer dans les détails parce que cela touche la sécurité. Les bataillons ont des cycles. Pendant une certaine période, ils sont opérationnels et suivent un programme d'entraînement. Pendant une autre période, ils sont en congé. Plusieurs unités dans la brigade suivent ces cycles, mais on s'assure que sur le terrain, il y a les effectifs voulus pour assurer la sécurité.
    Nos mentors sont ceux qui forment, entraînent et donnent l'instruction pendant des périodes d'instruction et d'entraînement. En même temps, ils sont déployés avec les unités sur le terrain dans les districts de Zhari et de Panjwaii. Ils font du mentorat et de la planification. Ils aident à la planification pour que les Afghans puissent rédiger des plans opérationnels afin que le commandant de bataillon puisse concevoir, développer et communiquer un plan et suivre ce plan sur le terrain avec l'assistance des Canadiens.

[Traduction]

    M. Ignatieff aurait une question de suivi.
    Merci.
    Je vais être rapide. Vous indiquez dans votre déclaration avoir ajusté votre structure, passant d'une quinzaine de personnes impliquées dans la formation et le mentorat à environ 220 hommes et femmes canadiens. Manifestement, c'est un progrès. N'empêche que nous avons 2 500 militaires sur place. Est-ce à dire qu'il y a essentiellement 10 p. 100 de nos forces qui s'occupent de formation? Est-ce un nombre que vous envisagez d'augmenter? Et suis-je en droit de penser que seulement 10 p. 100 de nos efforts vont à la formation, chiffre qui me frappe comme surprenamment faible et qui m'inquiète. D'où ma question: allez-vous l'augmenter?
    Sauf votre respect, monsieur, les chiffres par eux-mêmes sont un peu un attrape-nigaud. Bien sûr, ils ne tiennent pas compte du fait que la plupart de ces gens sont des leaders. En matière de leadership, nous avons plus investi dans l'ELMO que dans notre groupe de combat, quant à la structure de nos forces. De plus, l'officier qui commande l'ELMO est un colonel, tandis que ceux qui commandent les autres unités sont des lieutenants-colonels. Intellectuellement, donc, ainsi que d'un point de vue de leadership, il y a bien un investissement.
    Laissez-moi ajouter également qu'une bonne part des activités du reste de la Force opérationnelle interarmées consiste à appuyer des Afghans. Nous menons des opérations en partenariat avec eux. Nous leur apportons du soutien en matière de logistique et de communication, entre autres. En fait, plus cela va, comme je l'ai indiqué dans ma déclaration, plus nous nous attendons à ce qu'ils assument la direction, tandis que nous assurons le soutien et la facilitation. Quand je parle de soutien et de facilitation, je ne parle pas uniquement de la structure de mentorat, mais de l'ensemble de la Force opérationnelle interarmées.
    Je peux donc vous assurer que nous en sommes déjà au point que vous jugez souhaitable d'atteindre et que nous comptons poursuivre dans cette voie. L'un des défis, bien sûr, est que le nombre des Afghans avec lequel nous pouvons travailler est limité. L'armée nationale afghane est seulement d'une certaine taille. Il faudrait que ses membres soient plus nombreux dans le Sud et dans la province de Kandahar. Quand ce sera le cas, nous trouverons une façon d'avoir plus de mentors pour faciliter ce processus en question.
    Mais le bilan est positif. C'est important. Nous avons conscience de ce qu'il faut faire et continuerons à privilégier autant que possible ce domaine.
(1925)
    Merci beaucoup, général.
    Madame Boucher.

[Français]

    Bonjour, monsieur Gauthier.
     Je vais partager mon temps avec mon copain M. Gerald Keddy.
    Monsieur Gauthier, je suis contente de vous parler. Je suis nouvelle à ce comité. L'Afghanistan me fascine, et je veux comprendre ce qui s'y passe.
    On est en Afghanistan depuis 2002. Il y a eu énormément de progrès. Malheureusement, beaucoup de gens pensent encore que le succès vient instantanément, qu'il suffit de claquer des doigts pour que tout soit réglé. D'un autre côté, on nous dit que le conflit en Afghanistan est différent des autres parce qu'il est asymétrique.
    Je suis novice dans ce domaine et j'aimerais savoir quelle est la grande différence entre le conflit en Afghanistan et les autres. Les stratégies et les tactiques utilisées en Afghanistan sont-elles différentes de celles auxquelles on a recours dans le cadre des autres conflits? Sommes-nous sur la bonne voie en ce qui concerne cette nouvelle stratégie?
    Pour ce qui est des différences entre les conflits, tout dépend desquels on parle. D'un point de vue canadien, si on fait une comparaison avec la Deuxième Guerre mondiale, la guerre de Corée ou la Première Guerre mondiale, on se rend compte que ce n'est pas du tout la même chose. Même pendant la Guerre froide, on faisait face à un adversaire militaire qu'on comprenait bien, qui était très bien structuré et qui adoptait des méthodes conventionnelles. Dans ce contexte, ce qui est asymétrique est justement l'opposé de ce qui est conventionnel.
    Ce qu'on fait en Afghanistan ne se résume pas à vaincre les insurgés. Il s'agit de rebâtir ou bâtir un pays, des institutions, une force armée afghane et de travailler en étroite collaboration avec nos partenaires au sein d'une coalition. Cette situation est intéressante et pose certains défis. On prend des décisions dans un contexte non seulement militaire mais également pangouvernemental. Aujourd'hui sur le terrain à Kandahar, il y a de grands chefs canadiens, soit le brigadier-général Denis Thompson, qui est chef militaire, et un chef civil, Mme Elissa Goldberg, qui est représentante du Canada à Kandahar. Ces deux chefs prennent bien souvent des décisions ensemble. Ce ne sont pas strictement des décisions militaires. Pour toutes ces raisons, la situation n'est pas du tout la même qu'au bon vieux temps de la Guerre froide ou de conflits antérieurs à cette dernière.
    C'est beaucoup plus complexe et intense. Nécessairement, la façon de procéder est moins évidente pour nous. Plutôt que de nous fonder sur la vieille doctrine, nous devons en écrire une au fur et à mesure que nous progressons, étant donné que c'est du nouveau. Il reste que nous apprenons et que nous nous adaptons. Nous apprenons des leçons à chaque heure, jour ou semaine. Comme je l'ai dit dans mon discours d'ouverture, nous appliquons ces leçons à notre façon de mener nos opérations ou de nous équiper, notamment.

[Traduction]

    Monsieur Keddy, vous disposez d'environ une minute et demie.
    Merci, monsieur le président.
    Bienvenu, général Gauthier.
    Dans le cadre de la formation des forces afghanes, qu'avons-nous fait pour encourager au sein des forces afghanes la création d'une escouade d'élite, d'un groupe sur lequel le reste de l'armée afghane peut compter, si bien que, quand se présente une situation difficile, c'est une escouade que l'on peut faire intervenir, un peu comme des forces spéciales? Ce sera sans doute nécessaire quand les forces de l'OTAN se retireront. Est-ce un élément que vous avez envisagé, avec l'encouragement d'un esprit de corps dans l'armée et les forces afghanes?
(1930)
    Tout ce passe comme prévu dans ce domaine et les choses sont lancées, jusqu'à un certain point. Outre l'Équipe de liaison et de mentorat opérationnelle faisant partie de la structure de la force, nous comptons des Canadiens dans l'équipe de commandement américaine qui construit l'armée nationale afghane et la police nationale afghane. Le brigadier général Al Howard joue un rôle de premier plan dans la construction de l'ANA, à partir de Kaboul.
    En plus des troupes avec lesquelles nous collaborons, on met sur pied une brigade de l'armée nationale afghane, le commando Kandaks, comme on l'appelle. Il est déployé sur le terrain et opérationnel. Il y en a un dans le Sud de l'Afghanistan, dont nous aidons aussi à assurer le mentorat. Depuis quelques mois à peine qu'il existe, il a accompli des choses assez remarquables. C'est très positif.
    Nous encourageons, bien sûr, des unités capables. Il faut avoir plusieurs flèches dans son carquois, selon la cible visée, et l'évolution est très positive.
    Merci beaucoup, général.

[Français]

    Madame Barbot, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Gauthier, je suis un peu inquiète. Vous avez dit que l'armée n'est pas seulement là pour mener des opérations militaires, mais qu'elle est aussi en train de construire un pays. Or, quand on a reçu la nouvelle motion concernant le rééquilibrage de la mission en Afghanistan, on a évoqué le fait que l'armée devait assurer une certaine sécurité, mais qu'au fur et à mesure, ce serait des civils, l'ACDI ou des organismes de développement qui prendraient le relais.
    J'ai de la difficulté à comprendre votre remarque.
    Je n'ai pas nécessairement bien compris votre question, mais je vais essayer d'y répondre quand même.
    Je peux la répéter.
    Je pense que j'ai saisi l'aspect important de votre question.
    Lorsque les entrepreneurs civils, les organisations internationales et les ONG peuvent aller sur le terrain parce que la sécurité est acceptable, notre rôle n'est pas aussi important. Si on ne peut pas les convaincre de se rendre les premiers dans un secteur d'intérêt, on a découvert, au cours des derniers mois, qu'il faudra dépenser un peu d'argent et placer nos ingénieurs militaires sur le terrain, lesquels pourront superviser et fournir les matériaux nécessaires à la construction de routes. C'est ce qu'on devra faire tant et aussi longtemps que la situation ne sera pas assez sécuritaire pour que nos amis puissent travailler au même endroit.
    C'est une question de séquence et de progression sur le terrain. Jusqu'à un certain point, on va continuer à participer à ce genre d'activités, tout comme les Américains, jusqu'à ce que nos collègues puissent se rendre avec les ressources voulues aux mêmes endroits.
    J'aimerais vous parler du Strategic Advisory Team, le SAT. Votre objectif est valable, mais le SAT a son mot à dire et est écouté par le président Karzaï. Le Canada veut rebâtir un pays, mais à un moment donné, le fait qu'un président soit conseillé par une équipe militaire créera une incohérence démocratique, même si ça pouvait être justifié au début étant donné qu'on pouvait compter presque uniquement sur les militaires pour rétablir le pays. Cela dit, j'ai une grande confiance en vous.
    Est-on en train de créer une incohérence démocratique? Songez-vous à demander que ce soit une équipe de civils canadiens qui entoure le président, plutôt qu'une équipe militaire? Le temps est peut-être venu de se pencher sur cette question et d'y réfléchir.
(1935)
    Je ne suis pas autorisé à poser de questions, mais avez-vous eu l'occasion de discuter avec l'équipe de conseillers stratégiques?
    Non, parce qu'ils ont rouvert le Collège militaire de Saint-Jean, et nous en sommes très heureux. Alors, j'ai préféré me joindre aux festivités du collège plutôt que d'aller à Kandahar.
    Je comprends le principe que vous évoquez, mais je ne suis pas vraiment en mesure d'en discuter. Mais comme vous l'avez dit, les circonstances en 2005 étaient telles qu'il était délicat de faire exactement ce qu'on avait prévu de la capacité de planification stratégique militaire, compte tenu des circonstances difficiles et exigeantes sur le plan de la sécurité.
    Au fur et à mesure que la situation sur le terrain s'améliore, surtout à Kaboul, il faut que ces gens soient remplacés par des civils. C'est dans cette direction qu'on se dirige.
    Merci beaucoup, général Gauthier. En tant que président du comité et au nom de mes collègues, j'aimerais vous remercier de votre présence ce soir. Vous êtes occupé, mais vous avez pris le temps de venir nous parler de l'Afghanistan. Merci encore.

[Traduction]

    Sur ce, chers collègues, nous allons passer à huis clos pour les travaux du comité.
    [La séance se poursuit à huis clos.]