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ETHI Rapport du Comité

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OPINION SUPPLÉMENTAIRE DU BLOC QUÉBÉCOIS

Même si le rapport du Comité de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique reflète l’opinion du Bloc Québécois concernant l’Affaire Mulroney-Airbus, il nous apparaît important de joindre au rapport cette opinion supplémentaire.

1 - Pourquoi Brian Mulroney a fait cette erreur ?

Lorsqu’il a comparu devant le Comité de l’éthique, l’ancien premier ministre, Brian Mulroney, a admis qu’il avait commis  « une grave erreur de jugement », « La plus grave erreur de ma vie» a-t-il dit.    Et  il l’a répété à plusieurs reprises.  Ce qu’il n’a pas expliqué, c’est pourquoi il a fait cette erreur. 

Pourquoi a-t-il accepté autant d'argent comptant de la part d'un des plus puissants lobbyistes sous son gouvernement? Pourquoi a-t-il fait cela? Qu'est-ce qui a obscurci son jugement à cette époque? Comment raisonnait-il au moment de toucher les 75 ou 100 billets de 1 000 ? Pourquoi a-t-il accepté cet argent en liquide ? Quelles étaient ses motivations? Il faut lui poser ces questions à Brian Mulroney

Est-ce le manque d’argent ? Est-ce de la cupidité ?

Quand les citoyens apprennent qu’un premier ministre qui vient tout juste de quitter son poste, accepte 225 000 ou 300 000 $ d’un puissant lobbyiste et homme d’affaires, qui a obtenu des contrats d’au moins 2 milliards $ accordés par le gouvernement qu’il a dirigé, il ne faut pas s’étonner que ces citoyens pensent que cet argent lui a été remis en retour de services rendus.

2 - Brian Mulroney a cherché à démontrer qu’il n’avait rien fait d’illégal au lieu de corriger la perception négative de son geste

L’erreur de Brian Mulroney s’est poursuivie pendant une longue période de temps.

Il a pris cinq ans avant de déclarer ces revenus au fisc.

Et son aveu public ne s’est fait entendre qu’en décembre 2007 : 14 ans après le fait !

Brian Mulroney devait aux contribuables canadiens des explications pour lesquelles, il avait le fardeau de la preuve.  Dans les circonstances, cela s’est avéré un très lourd fardeau.

Après avoir entendu plusieurs allégations sur la place publique, son témoignage n’a rien fait pour corriger la perception négative que « l’erreur de sa vie » a jeté sur la haute fonction qu’il a occupée.  Au contraire.

Brian Mulroney a cherché à convaincre qu’il n’existait aucune preuve qu’il avait posé un acte illégal plutôt que de donner une explication crédible et de corriger la perception que ses gestes avaient créée.

3 - Brian Mulroney aurait dû corriger la perception négative

Si Brian Mulroney avait voulu corriger la perception négative que son erreur de jugement avait provoqué, il se devait de montrer la plus grande transparence.

Par exemple, pour justifier qu’il ait gardé pour lui tout cet argent plutôt que de le remettre à son bureau d’avocats comme cela est habituellement la règle, il fait état d’une clause particulière dans son contrat qui lui permettait de garder pour lui personnellement le bénéfice de certains contrats.  Lorsqu’on demande à voir une copie de ce contrat, il envoie une feuille de papier sur laquelle on ne voit qu’une seule clause sans référence aucune à sa provenance.

Alors qu’il devait faire preuve de transparence absolue, rien d’autre n’est présenté pour convaincre que cette clause faisait partie de son contrat et qu’elle était en vigueur au moment concerné.

La moindre des choses aurait été de fournir un affidavit du gérant-associé de son bureau attestant qu’il s’agissait bien d’un extrait de son contrat qui était en vigueur pendant les années 1993-98. Une commission d’enquête publique devrait faire cette vérification. 4

4 – Schreiber ne payait pas toujours en liquide

Alors que Brian Mulroney a dit que Karlheinz Schreiber payait toujours en liquide, plusieurs témoignages ont démontré le contraire, donc celui de Marc Lalonde qui a été limpide.  Il a expliqué qu’il a été payé d’une manière conventionnelle par chèque ou par traite bancaire.

Bref, lorsque Brian Mulroney erre lorsqu’il dit que Karlheinz payait toujours en comptant.

Rappelons que Marc Lalonde a également ajouté que ça n’avait pas de sens de vendre des véhicules blindés à la Chine.

5 – Un contrat mystérieux

La nature du contrat est douteuse : il y a deux versions qui ne sont pas crédibles, mais la plus incroyable, c’est celle de Brian Mulroney. Absolument incroyable qu’il ait fait le tour du monde pour vendre des blindés, entre autre, à la Chine, un pays pour lequel il avait lui-même fait interdire la vente d’armes. Il n’est donc pas étonnant que pas une personne vivante à travers le monde ne puisse confirmer cette version.

La version de Karlheinz Schreiber est également dure à croire : comment l’ex-premier ministre du Canada aurait-il pu être engagé pour réaliser un mandat dont personne n’était au courant ?  Personne au Canada n’a jamais entendu parler des rencontres que Brian Mulroney auraient pu faire au Canada pour influencer l’implantation d’une usine de véhicules blindés où que ce soit au Canada. Et particulièrement l’ancien vice-président de Thyssen au Canada, Greg Alford.

Et puis de toute façon, comment un conservateur aurait-il pu faire du lobby auprès d’un gouvernement libéral ?

Sans compter que cette dernière version contreviendrait au Code d’éthique de l’époque.

6 -  Une déclaration d’impôt opportune

La déclaration d’impôt de 1999 de Brian Mulroney est préparée en catastrophe au moment où  Karlheinz Schreiber est arrêté la première fois pour être extradé. Comme pour couvrir une information qui risquerait de couler.  Cinq ans après avoir commencé à toucher l’argent, quatre ans après le dernier paiement.

Et si l’on en croit la version de Brian Mulroney et de Fred Doucet, au même moment (janvier 2000), M. Doucet demande à M. Schreiber de signer un contrat qui semble être destiné à s’entendre publiquement sur le montant, la nature et le mandataire du contrat.  Comme si ces informations n’avaient jamais été claires, comme s’il fallait désormais s’entendre sur une version publique, comme si ces paramètres n’avaient jamais été négociés auparavant.

Et puis, pourquoi payer de l’impôt sur les dépenses qui ont été faites ? Si ce n’est parce qu’aucun document n’existe, parce que ces dépenses n’ont jamais été faites.

7 - Si cette transaction avait été un pot-de-vin, Mulroney et Schreiber n’auraient pas agi autrement.

Deux personnes, la première, le plus influent politicien au Canada depuis huit ans, le deuxième, l’un des plus puissants lobbyistes qui a obtenu des milliards de contrats du premier, lui donne de l’argent, en comptant, en billet de mille $, dans une chambre d’hôtel, sans signer de contrat, sans mandat écrit, sans reçu, sans rapport, sans compte-rendu; cet argent est déposé non pas dans un compte de banque, mais dans un coffre-fort. Pas de rapport d’impôt. Aucune trace ne subsiste de cet argent.

Rappelons que les billets de 1 000 $ en devise canadienne ont été interdits depuis parce qu’ils sont associés au crime organisé.

Cinq ans plus tard, quand la justice s’en mêle, celui qui reçoit l’argent, prend peur et fait un rapport d’impôt.  Alors, les deux tentent de s’entendre sur le nom des mandataires, le montant et le mandat.  La tentative échoue.

Quelques années plus tard, celui qui paie, le lobbyiste puissant, demande un service à celui qui a reçu de l’argent, le politicien influent : l’aider à se soustraire à son extradition. Devant le peu d’empressement du deuxième, le premier intente une action judiciaire sous un prétexte quelconque.

Si Mulroney avait voulu recevoir de l’argent en reconnaissance des nombreux contrats que son gouvernement a accordé à Schreiber, il n’aurait pas agi autrement.

C’est ce que la population pense et c’est pour cela qu’une commission d’enquête publique s’impose.

Recommandation :

Ces sept importantes considérations exigent que Brian Mulroney et Karlheinz Schreiber fournissent de solides preuves pour démontrer que les 225 000/300 000 $ ne sont pas une récompense pour services rendus, un remerciement pour les contrats obtenus par Karlheinz Schreiber par le gouvernement conservateur de Brian Mulroney.

Et que ces preuves soient exigées par une commission d’enquête publique qui devra être mise sur pied rapidement avec le mandat le plus large possible devant laquelle Brian Mulroney devra témoigner et cette fois-ci, sous serment.

La population, qui paye des taxes, a le droit de savoir si oui ou non ses taxes ont servi directement ou indirectement à payer des commissions pour que de puissantes entreprises étrangères obtiennent des contrats du gouvernement conservateur de Brian Mulroney.  Les contribuables ont le droit de savoir s’ils ont trop payé pour des produits (parce que les commissions étaient très élevées) ou ont payé pour des services et produits qui n’étaient pas appropriés, mais dont les lobbyistes étaient plus puissants et plus influents que les entreprises qui offraient les meilleurs produits et services.