HUMA Rapport du Comité
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
La grande majorité des témoins entendus par le Comité ont indiqué que le projet gouvernemental consistant à renforcer le mécanisme de fixation du taux de cotisation était un pas dans la bonne direction. Toutefois, de nombreux témoins ont soulevé un ou plusieurs points préoccupants sur le projet et ont proposé des moyens de l’améliorer. Ces points sont abordés ci-dessous. De nombreux témoins ont dit également qu’il faudrait, pour réformer le régime d’AE, faire beaucoup plus que renforcer le mécanisme de fixation. Dans cette optique, des représentants des travailleurs ont préconisé des changements dans la protection du régime et l’admissibilité aux prestations, tandis que des représentants des employeurs ont plaidé en faveur d’autres améliorations dans le financement du régime et sa capacité de remédier aux pénuries de main-d’œuvre qualifiée. Le Comité a traité ces questions dans de récents rapports15. Mandat et pouvoirs de l’Office Certains témoins se sont dits préoccupés par la portée du mandat et des pouvoirs de l’Office, énoncés clairement aux articles 4 et 5 de la nouvelle Loi sur l’Office de financement de l’assurance-emploi du Canada. Lorsqu’il a témoigné le 29 avril et le 27 mai 2008, le ministre des Ressources humaines et du Développement social a bien précisé au Comité que l’Office n’a pas le pouvoir d’établir la politique en matière d’AE et que le gouvernement fédéral conserve la responsabilité exclusive de concevoir et de mettre en œuvre le régime d’AE. La Loi d'exécution du budget prévoit la création de l'Office de financement de l'assurance-emploi du Canada, dont le mandat sera de mettre en œuvre un nouveau mécanisme de fixation des taux de cotisation à l'assurance-emploi visant à faire en sorte que les recettes et les dépenses s'équilibrent au fil du temps. L'Office sera également chargé de gérer un nouveau compte bancaire, distinct de celui réservé aux recettes générales du gouvernement, au sein duquel tout excédent en matière de cotisations d'assurance-emploi pour une année donnée sera conservé et investi jusqu'à son utilisation en vue de réduire les taux de cotisation pour les années suivantes. Le gouvernement du Canada s'est engagé à fournir deux milliards de dollars afin de créer une véritable réserve en espèces, qui sera administrée par l'Office. Bien entendu, le gouvernement du Canada et la Commission de l'assurance-emploi du Canada continueront d'avoir l'entière responsabilité d'exécuter le programme et de verser des prestations d'assurance-emploi, notamment de définir les conditions d'admissibilité et les niveaux de prestations16. L’honorable Monte Solberg Selon le paragraphe 5(2) de la nouvelle Loi sur l’Office de financement de l’assurance-emploi du Canada, l’Office « ne peut exercer, directement ou indirectement, ni pouvoirs ni activités incompatibles avec sa mission, notamment ceux se rapportant aux prestations ou aux sommes payées au titre du paragraphe 77(1) de la Loi sur l’assurance-emploi ou à la conception ou à la mise en œuvre des programmes d’assurance-emploi […] ». Malgré ces restrictions apparemment claires apportées aux pouvoirs de l’Office, certains témoins voulaient une meilleure garantie que l’organisme ne ferait pas d’analyses ou de recommandations concernant la politique d’AE ou l’exécution du régime. D’autres craignaient que l’influence possible de l’Office puisse nuire au niveau et au type de soutien financier dans l’éventualité où l’organisme aurait du mal à atteindre ses objectifs concernant la fixation du taux de cotisation. Une petite minorité de témoins estimaient que le mandat de l’Office était trop restreint. […] le mandat du nouvel office [devrait être] très étroit, limité au financement du programme et à la gestion du fonds d'investissement […] Selon nous, tous les éléments fondamentaux de la conception du programme – qui est admissible et pendant combien de temps, comment les cotisations sont réparties entre les employeurs et les travailleurs – devraient être établis par le ministre des Ressources humaines et du Développement social. Je ne crois pas que le gouvernement ait l'intention d'apporter des modifications à cet égard, mais, selon nous, il faudrait que le projet de loi dise les choses clairement. La création du nouvel office soulève des questions au sujet de sa responsabilité envers le Parlement et de sa fonction. Il me semble extrêmement important de définir son mandat avec beaucoup de précision17. M. Andrew Jackson Comme je viens de le mentionner, malgré le titre pompeux du projet de loi, l'office n'assurera pas de financement. Son mandat est très limité : il ne s’occupera que de la fixation des cotisations et de la gestion de la réserve. En dernier ressort, le gouvernement sera responsable des niveaux de prestations […] Ce projet de loi comporte un certain nombre d'effets pervers. L'office ne peut intervenir directement ou indirectement relativement à la couverture du régime. Il est prévu explicitement dans la loi que l'office ne doit pas aborder cette question18. M. Georges Campeau Une question a été soulevée dans un autre comité au sujet de la composition et du mandat de l'office : dans quelle mesure devrait-il avoir la capacité de mener des analyses indépendantes? Selon nous, il devrait avoir ce mandat. Il ne devrait pas être limité au seul établissement du taux. Il devrait pouvoir aussi faire des analyses et conseiller le gouvernement19. M. David Stewart-Patterson La plupart des membres du Comité estiment que les dispositions du projet de loi sur le mandat et les pouvoirs de l’Office sont claires, mais ils comprennent que certains groupes et citoyens veuillent la garantie expresse que le mandat et les pouvoirs se limiteront exclusivement à la fixation du taux et à la gestion de la réserve. De plus, le Comité croit que Ressources humaines et Développement social Canada et la Commission de l’assurance-emploi du Canada ont déjà une bonne capacité d’élaboration de la politique d’AE. Il n’y a donc pas de raison valable de confier cette fonction à l’Office. Il importe aussi de mentionner que le Parlement décide des politiques qui seront mises en œuvre. Le Comité suggère que, si le texte de loi ne précise pas davantage le mandat et les pouvoirs de l’Office, des précisions à ce sujet soient au moins données dans le rapport annuel que l’Office serait tenu d’établir conformément à l’article 34 de la nouvelle Loi sur l’Office de financement de l’assurance-emploi du Canada. Recommandation 1 Le Comité recommande que la Loi sur l’Office de financement de l’assurance-emploi du Canada soit amendée de façon à préciser que l’Office n’est pas autorisé à faire des analyses ou des recommandations pour le gouvernement fédéral concernant la politique d’assurance-emploi, notamment les prestations, et l’exécution du régime d’assurance-emploi. Plusieurs témoins, surtout des représentants de travailleurs, ont signalé que le projet de loi n’exige pas que les travailleurs et les employeurs soient représentés également au conseil d’administration de l’Office. À leurs yeux, il s’agit d’une importante lacune dans la structure de gouvernance de l’Office, car le régime d’AE est financé exclusivement par les travailleurs et leurs employeurs. Il faudrait que le conseil d'administration soit indépendant et ait un certain paritarisme. Pour cela, il faut que les employeurs et les employés y soient représentés20. M. Michel Kelly-Gagnon Cependant, le projet de loi ne mentionne pas que le conseil d’administration doit être représentatif des cotisants. Faut-il rappeler que le programme est exclusivement financé par les cotisations des employeurs et les cotisations des travailleurs? À ce titre, ils doivent avoir un mot à dire dans la gestion du compte d'assurance-emploi. Le projet de loi C-50 doit donc être amendé afin de garantir une représentation équitable des cotisants au régime dans la structure de gouvernance. Nous demandons que le conseil d'administration soit composé d'un nombre suffisamment large, fixe et égal de représentants des associations d'employeurs et de représentants des associations syndicales21 […] M. René Roy Si on n'a pas tous les outils, s'il n'y a pas des représentants des employeurs et des travailleurs assis à la table du conseil d'administration pour déterminer les besoins, cela pose problème. Dans ce sens, cette caisse est trop imparfaite pour qu'on l'approuve telle quelle22. M. Claude Faucher Nous souhaitons un office dont la composition soit stable, si possible. Nous voudrions un office non partisan, dont les membres ont des compétences. Je voudrais qu'un comité s'entende sur les nominations. Officieusement, on a dit que le comité de nomination serait la Commission de l'assurance-emploi, mais je ne crois pas que la loi le dise en toutes lettres. Je voudrais qu'elle le fasse. De la sorte, les employeurs et les employés auraient plus d'influence. On ne s'en remettrait pas seulement au parti politique au pouvoir23. M. Garth Whyte La Loi sur l’Office de financement de l’assurance-emploi du Canada ne dit rien sur la représentation des travailleurs et des employeurs au conseil d’administration, mais elle exige que le conseil soit choisi à partir d’une liste établie par un comité de sélection. Ce comité de sélection se composerait d’un président (nommé par le Ministre), du commissaire de l’AE représentant les travailleurs et du commissaire de l’AE représentant les employeurs. Il importe de signaler que, même si la nouvelle loi n’exige aucune qualification précise de la part des membres du conseil d’administration, le comité de sélection devrait prendre en compte l’utilité d’avoir suffisamment d’administrateurs ayant des compétences manifestes dans le secteur des finances ou une expérience de travail pertinente pour que le conseil puisse s’acquitter de son mandat. Étant donné que le conseil d’administration se composerait de sept administrateurs, le Comité croit que cette exigence peut être remplie et faire en sorte que les cotisants au régime soient justement représentés. Recommandation 2 Le Comité recommande que le gouvernement fédéral amende la Loi sur l’Office de financement de l’assurance-emploi du Canada de façon à exiger que le conseil d’administration de l’Office compte deux administrateurs qui représentent les travailleurs et deux administrateurs qui représentent les employeurs. Des représentants de Finances Canada et de Ressources humaines et Développement social Canada ont assuré au Comité que l’Office serait indépendant et garderait ses distances vis-à-vis du gouvernement fédéral. Ces modifications s'inscrivent dans le cadre des mesures prises par le gouvernement en vue de respecter son engagement vis-à-vis de l'amélioration de la gestion et de la gouvernance du Compte de l'assurance-emploi. En tant que petite société d'État indépendante du gouvernement, l'OFAEC s'assurera que les cotisations d'assurance-emploi sont utilisées exclusivement aux fins du régime d'assurance-emploi24. M. Louis Beauséjour De façon générale, le Comité pense que l’Office donne l’impression d’être plus indépendant du gouvernement que la Commission de l’assurance-emploi, mais une partie de ses membres estiment que le mécanisme de fixation des taux de l’Office est, dans certains cas, moins indépendant du gouvernement que le mécanisme actuel. Cette opinion a aussi été exprimée pendant les audiences, des témoins ayant fait observer que l’Office pourrait être influencé inconsidérément par l’obligation d’utiliser des renseignements précis de sources précises pour fixer le taux de cotisation estimatif de l’année suivante. Le projet de loi réserve un rôle extrêmement fort au ministère des Finances, désormais, même à l'égard de ce nouveau fonds, de cette nouvelle commission dite indépendante. Ce que fait l'office? Les hypothèses économiques dont il peut tenir compte pour établir le taux de cotisation sont celles qui viennent du ministère des Finances. Il ne peut pas vraiment juger en toute indépendance de notre situation économique25. M. Andrew Jackson Les actuaires du Canada sont d’avis que l’actuaire en chef et l’Office doivent être libres de choisir et d’évaluer les variables économiques provenant de diverses sources afin d’établir les niveaux de cotisations adéquats. À notre avis, ces restrictions sont entièrement incompatibles avec la pratique actuarielle reconnue et vont à l’encontre de la promesse d’« indépendance » avancée par le ministre des Finances dans le budget du 26 février26. Institut canadien des actuaires En plus d’obliger l’Office à utiliser les plus récentes prévisions économiques communiquées par le ministre des Finances pour la fixation du taux de cotisation estimatif de l’année suivante, la nouvelle loi l’obligerait à se servir des estimations modifiées fournies par le ministre des Ressources humaines et du Développement social dans le cas où celui-ci a annoncé, au plus tard le 30 septembre, la variation estimative des sommes à verser au cours de l’année suivante en vertu des alinéas 77(1)a), b) ou c) de la Loi sur l’assurance-emploi. Le Comité constate que l’estimation des frais à verser relève actuellement de l’actuaire en chef. Les dispositions qui limitent sans doute le plus l’indépendance de l’Office dans la fixation du taux de cotisation sont les nouveaux alinéas 66.1(2)b) et 66.2(2)b) de la Loi sur l’assurance-emploi. Ces deux alinéas habiliteraient le gouverneur en conseil à préciser, par règlement, lesquels des renseignements visés aux paragraphes 66.1(1) et 66.2(1) lient l’Office pour la fixation du taux de l’année suivante. Il n’y a pas de disposition de la sorte dans le mécanisme actuel. Recommandation 3 Le Comité recommande que le gouvernement fédéral amende la Loi sur l’assurance-emploi pour donner à l’Office plus de latitude dans le choix des renseignements qu’il peut utiliser pour fixer le taux de cotisation. L’Office devrait à cet égard avoir au moins la même latitude que celle dont dispose l’actuaire en chef dans le mécanisme actuel de fixation du taux. D’après les Comptes publics du Canada, les coûts d’administration du régime d’AE pour l’exercice qui a pris fin le 31 mars 2007 se sont élevés à 1,6 milliard de dollars, soit 10,3 p. 100 du total des dépenses d’AE. Compte tenu de ces coûts, il n’est pas étonnant que plusieurs témoins aient mis en doute la nécessité d’accroître les dépenses par la création d’une société d’État qui accomplirait le travail pouvant être confié, selon certains, à la Commission de l’assurance-emploi du Canada. Des représentants du Ministère ont dit au Comité qu’ils ne savaient pas combien coûteraient la création et le fonctionnement de la société d’État envisagée, mais que les coûts seraient probablement recouvrés grâce au rendement de la réserve sur le capital investi. Un conseil d'administration composé de sept administrateurs est considéré comme approprié compte tenu du mandat ciblé de cet office comparativement à d'autres offices que vous connaissez peut-être. L'Office sera dirigé par un conseil d'administration à temps partiel, dont les membres auront les compétences et l'expérience nécessaires pour exécuter le mandat de l'organisme […] J'ajouterai que le projet de loi permet à l'Office d'investir la réserve jusqu'à ce qu'il en ait besoin pour payer des prestations. On s'attend donc à ce que les coûts de fonctionnement de l'Office soient recouvrés à même les investissements qu'on pourra faire grâce à la réserve27. Mme Sherry Harrison Malgré l’assurance que l’Office serait dirigé par un conseil d’administration à temps partiel, cette disposition n’est pas énoncée expressément dans la nouvelle Loi sur l’Office de financement de l’assurance-emploi du Canada. En raison des coûts d’administration considérables qu’entraîne déjà le régime d’AE, le Comité est d’avis que le gouvernement fédéral doit veiller à ce que les coûts de fonctionnement de l’Office soient réduits le plus possible et ne chevauchent pas ceux de la Commission de l’assurance-emploi du Canada. Recommandation 4 Le Comité recommande que le gouvernement fédéral amende au besoin la Loi sur l’Office de financement de l’assurance-emploi du Canada pour que les coûts de fonctionnement de l’Office et sa structure de gouvernance soient proportionnés à son mandat restreint. La réserve et le caractère procyclique du mécanisme Comme indiqué plus haut, l’Office serait responsable de la gestion d’une réserve, à savoir une somme initiale de deux milliards de dollars indexée annuellement à compter de 2009, de façon composée, en conformité avec les règlements. Il serait tenu de fixer, pour l’année suivante, un taux de cotisation qui ferait notamment en sorte que la juste valeur marchande de la réserve à la fin de l’année en cause égale la valeur indexée de la réserve initiale. Des représentants de Ressources humaines et Développement social Canada ont informé le Comité que la taille de la réserve permettrait d’assurer la stabilité relative du taux de cotisation (le taux de cotisation fixé par l’Office ne pourrait être supérieur ou inférieur de plus de 15 cents par tranche de 100 $ de rémunération assurable au taux de l’année précédente)28. Ce montant de deux milliards de dollars implique des scénarios économiques variés et des évaluations entreprises conjointement avec l’actuaire en chef de l'assurance-emploi. Il a été estimé qu'une réserve de ce montant serait adéquate dans le cadre du nouveau mécanisme d'établissement des taux de cotisation, afin de compenser un manque de fonds provenant d'une légère récession comme celle de 2001-200229. M. Louis Beauséjour De nombreux témoins ont dit qu’à leur avis la taille de la réserve était insuffisante, surtout si l’économie canadienne devait connaître une récession prolongée. En pareil cas, il est légitime de penser que la réserve serait très vite épuisée, ce qui forcerait l’Office à augmenter le taux de cotisation du maximum autorisé jusqu’à ce que la valeur de la réserve soit rétablie et que les avances faites au Compte d’assurance-emploi soient remboursées. Autrement dit, dans le cadre du mécanisme proposé, l’Office serait obligé d’augmenter le taux de cotisation (qui fait partie du coût de la main-d’œuvre) en même temps que les employeurs licencieraient des travailleurs et que le chômage s’accroîtrait. C’est justement pour éviter cette situation malheureuse qu’on avait instauré un mécanisme « stable» de fixation du taux en 1996 dans la Loi sur l’assurance-emploi. Les suggestions des témoins sur la taille de la réserve couvraient un registre étendu allant du cinquième des coûts des prestations à 15 milliards de dollars, limite supérieure requise pour réaliser la stabilité du taux en vertu du mécanisme initial de la Loi sur l’assurance-emploi. Des témoins ont toutefois rappelé au Comité que la conjoncture du marché du travail n’est plus du tout la même qu’à la fin des années 1990, époque où il a été établi qu’une réserve de 10 à 15 milliards de dollars suffirait à couvrir les coûts du régime sur une période de 15 ans et favoriserait la stabilité du taux (cela supposait alors un taux moyen de 1,90 $ à 2,10 $ par tranche de 100 $ de rémunération assurable)30. Le Comité constate en outre que l’assiette fiscale de l’AE a aussi augmenté dans l’intervalle. Supposons donc qu'une récession frappe le Canada et que le taux de chômage s'élève à 8 p. 100 […] Les prestations versées aux Canadiens en chômage augmenteront d'environ 3 milliards de dollars. La réserve de 2 milliards de dollars de l'Office sera épuisée et le compte d'assurance-emploi devra emprunter 1 milliard de dollars au gouvernement […] Dans une telle situation, il faudra peut-être augmenter les cotisations au-delà du maximum de 0,15 p. 100 prévu par la loi. Cette décision reviendrait aux ministres, et elle ne sera pas facile à prendre, car le respect du maximum de 0,15 p. 100 entraînerait un déficit qui grandirait. Il y aurait des conséquences énormes pour les entreprises canadiennes, qui assument presque 60 p. 100 des coûts de l'assurance-emploi, car parallèlement, les recettes seraient à la baisse. Les liquidités seraient également plus limitées. Les travailleurs auraient à payer 40 p. 100 des coûts alors qu'ils risquent déjà de perdre leur emploi et que les entreprises doivent trouver de l'argent quelque part […] Nous croyons qu'il s'agit d'une approche profondément procyclique et les actuaires ne favorisent ni un mécanisme procyclique, ni une période prospective d'un an31. M. Bruno Gagnon En revanche, si je suis tout à fait d'accord avec tous les témoins pour dire qu'il nous faut une réserve suffisante pour faire face à la récession, pour surmonter une situation où le fonds sera soumis à une forte demande, je crains également de me retrouver avec une réserve trop élevée et trop tentante si les gens du gouvernement veulent un jour enlever certains programmes du Trésor public pour les imputer sur un fonds approvisionné uniquement par les employeurs et les employés32. M. Michael Atkinson Comme nous l'avons indiqué dans notre exposé, nous souhaitons voir une majoration d'au moins 50 p. 100, soit 3 milliards de dollars plutôt que 2 milliards. Je crois également qu'il y a la question d'un équilibre entre ce qui est souhaitable, et je crois que dans son exposé M. Gagnon a indiqué que 15 milliards de dollars seraient souhaitables, et les finances publiques. Vous, les parlementaires, devrez trouver l'équilibre entre ce qui est souhaitable et ce qui est possible au moyen des finances publiques33. M. Michel Kelly-Gagnon Pour ce qui est d'ajouter un peu plus au compte pendant les années de transition – s'il y a un consensus pour dire que 2 milliards de dollars, malgré l'avis des actuaires, est un peu risqué et qu'il faut un peu plus –, c'est d'accord, que ce soit 1,5 milliard ou le montant disponible en fin d'exercice pendant deux ou trois ans. Je suis prêt à envisager ce genre de récupération, si on veut, comme mesure de transition34. M. David Stewart-Patterson Pourquoi ne pas […] s'assurer que les cotisations n'augmenteront pas au cours des cinq prochaines années, pendant que vous mettez ce projet à l'essai? Deux milliards de dollars ne constitueront pas un coussin suffisant. Mettez-y plus d'argent au cours des cinq prochaines années35. M. Dannie Hanson Le Comité a été informé qu’un mécanisme stable impliquait nécessairement, outre l’augmentation de la taille de la réserve, la fixation du taux sur une période plus longue que la durée d’un an proposée. Les suggestions variaient d’une période de cinq à sept ans à une durée correspondant à un cycle économique. La période d’un an d’anticipation avant d’établir le taux de cotisation est trop courte et ne favorise pas la stabilité des taux; un horizon prévisionnel plus long doit être instauré. Nous croyons qu’une période de cinq à sept ans, soit environ un cycle d’affaires, serait appropriée […]36 M. Bruno Gagnon Nous avons dit que les cotisations devraient être fixées de façon à assurer l’équilibre pendant un cycle économique37. M. David Stewart-Patterson Recommandation 5 Le Comité recommande que le gouvernement fédéral améliore la stabilité du taux de cotisation dans le cadre du nouveau mécanisme en augmentant la taille de la réserve envisagée et en amendant la Loi sur l’assurance-emploi de façon à établir une période de référence de cinq ans pour le calcul prospectif du taux de cotisation. Avances au Compte d’assurance-emploi Comme indiqué plus haut, si les sommes portées au crédit du Compte d’assurance-emploi après le 31 décembre 2008 et le montant de la réserve de l’Office sont insuffisants pour couvrir les sommes pouvant être portées au débit du Compte, le ministre des Finances peut, à la demande du Ministre, autoriser l’avance au Compte d’une somme, prélevée sur le Trésor, qui couvrira le manque à gagner. Ce libellé diffère sensiblement de celui de l’actuel paragraphe 80(1) de la Loi sur l’assurance-emploi, qui dispose ceci : « Lorsque le solde créditeur du Compte d’assurance-emploi est insuffisant pour payer les montants pouvant être portés au débit du Compte, le ministre des Finances, lorsque la Commission le lui demande, peut autoriser l’avance au Compte d’assurance-emploi d’une somme, prélevée sur le Trésor, suffisante pour couvrir ces paiements38. » Bien que les prestations d’AE soient prévues par la loi et que l’actuel paragraphe 80(1) de la Loi sur l’assurance-emploi ait, par son libellé, un caractère facultatif plutôt qu’impératif, plusieurs témoins ont indiqué qu’il faudrait que la volonté du gouvernement fédéral de soutenir le régime d’AE dans l’éventualité d’un manque à gagner trouve son expression dans le paragraphe 80(1) par la substitution d’« autorise » à « peut autoriser ». S'il y avait une récession et qu'il y ait un manque à gagner... Je ne sais pas qui a sorti ce chiffre de 2 milliards de dollars, mais les 54 milliards de dollars, c'est la somme totale que les employeurs, les entrepreneurs ou les propriétaires ont versée à cette caisse. Je pense vraiment que c'est le gouvernement qui devrait encaisser la perte. S'il y avait un manque à gagner, je ne suis pas du tout d'accord pour dire que les cotisations devraient augmenter. Je crois que le gouvernement devrait intervenir et remettre une partie de cet argent39. M. Cliff Murphy Le point essentiel que je veux faire ressortir, c'est que l'excédent a été accumulé, en grande partie, sous prétexte d'avoir des réserves pour couvrir les déficits si nous connaissions une récession prolongée. Nous savons que 2 milliards de dollars ne suffisent pas à le faire. Il faudrait amender le projet de loi pour dire explicitement que le compte de l'assurance-emploi reste à la disposition du gouvernement du Canada pour éponger les déficits en cas de récession. Cela serait fidèle à ce que le ministre Flaherty nous a dit : si, dans une année donnée, les dépenses devaient dépasser les rentrées, le gouvernement du Canada comblerait la différence. Il faudrait que le projet de loi le dise expressément, de sorte que le montant accumulé dans le compte de l'assurance-emploi ne reste pas là, sans qu'on sache à quoi s'en tenir40. M. Andrew Jackson J'ai lu l'article 80 et j'en ai lu quelques autres. On ne dit nulle part que certains des éléments que nous jugeons importants seront maintenus. On ne dit pas que le gouvernement du Canada va donner son appui […] Mais le projet de loi n'assure pas la transparence. Il me semble opaque41. M. Robert Blakely […] nous craignons que les employeurs et les employés n'écopent en cas de ralentissement économique après avoir accumulé un excédent de 54 milliards de dollars. C'est scandaleux et injuste. Le gouvernement fédéral devrait à tout le moins couvrir tout déficit à venir dans le compte de l'assurance-emploi, si besoin était42. M. Garth Whyte Nous proposons qu’il ne s’agisse pas [les avances prévues à l’article 80 de la Loi sur l’assurance-emploi] d’avances remboursables mais de « paiements non remboursables » tirés à même les surplus accumulés43. M. Pierre Céré Beaucoup de témoins ont également dit que, si des avances au Compte d’assurance-emploi sont nécessaires pour supporter les coûts du régime, les cotisants ne devraient pas avoir à les rembourser étant donné que le « solde créditeur » du Compte d’assurance-emploi pour l’année qui a pris fin le 31 mars 2007 était de 54,1 milliards de dollars44. Dans un rapport qu’il a produit au cours de la 38e législature, le Comité a reconnu que le rapatriement du surplus cumulatif théorique du Compte d’assurance-emploi aurait d’importantes incidences fiscales. De plus, les cotisants et les contribuables en général ont déjà profité des dépenses faites à partir des surplus de fin d’exercice du Compte « par le truchement des dépenses pour d’autres priorités, comme les soins de santé, l’aide financière pour les études postsecondaires, les baisses d’impôt et le remboursement de la dette »45. Comme cette question a été soumise à la Cour suprême du Canada, beaucoup de membres du Comité sont peu disposés à l’examiner dans le cadre du présent rapport avant que l’arrêt ait été rendu46. Recommandation 6 Le Comité recommande que le gouvernement fédéral amende le paragraphe 80(1) de la Loi sur l’assurance-emploi en substituant le terme « autorise » à « peut autoriser ». [15] Chambre des communes, Comité permanent du développement des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées, Rétablir la bonne gestion financière et l’accessibilité du régime d’assurance-emploi, février 2005, /content/committee/381/huma/reports/rp1624652/humarp03/humarp03-f.pdf; et Chambre des communes, Comité permanent des ressources humaines, du développement social et de la condition des personnes handicapées, Employabilité au Canada : Préparer l’avenir, avril 2008, /content/committee/392/huma/reports/rp3369345/humarp03/humarp03-f.pdf. [16] Témoignages, réunion no 26, 29 avril 2008, 0910. [17] Témoignages, réunion no 29, 8 mai 2008, 0910. [18] Ibid., 0920. [19] Témoignages, réunion no 31, 15 mai 2008, 0945. [20] Témoignages, réunion no 28, 6 mai 2008, 0935. [21] Témoignages, réunion no 29, 8 mai 2008, 0935. [22] Ibid., 1020. [23] Témoignages, réunion no 31, 15 mai 2008, 0950. [24] Témoignages, réunion no 27, 1er mai 2008, 0905. [25] Témoignages, réunion no 29, 8 mai 2008, 1015. [26] Institut canadien des actuaires, Fiche de renseignements sur le projet de loi C-50, document présenté au Comité permanent des ressources humaines, du développement social et de la condition des personnes handicapées le 6 mai 2008, p. 2. [27] Témoignages, réunion no 27, 1er mai 2008, 0945. [28] En fait, cette stabilité minimale du taux de cotisation pourrait facilement disparaître, car le nouveau paragraphe 66.3(1) de la Loi sur l’assurance-emploi habilite le gouverneur en conseil à substituer un autre taux de cotisation à celui qu’a fixé l’Office s’il estime cette mesure dans l’intérêt public. L’actuelle Loi sur l’assurance-emploi est différente, car elle limite à 0,15 $ par tranche de 100 $ de rémunération assurable la variation du taux que peut fixer le gouverneur en conseil par rapport au taux de l’année précédente. [29] Témoignages, réunion no 27, 1er mai 2008, 0910. [30] Développement des ressources humaines Canada, Rapport de l’actuaire en chef sur les taux de cotisation de l’assurance-emploi pour 1998, http://www.rhdsc.gc.ca/fr/ae/rapports/chef_1998.shtml. [31] Témoignages, réunion no 28, 6 mai 2008, 0925. [32] Ibid., 0945. [33] Ibid., 0945. [34] Témoignages, réunion no 31, 15 mai 2008, 1000. [35] Témoignages, réunion no 28, 6 mai 2008, 0920. [36] Lettre adressée par M. Bruno Gagnon, Institut canadien des actuaires, à M. Dean Allison, député, président du Comité permanent des ressources humaines, du développement social et de la condition des personnes handicapées en date du 7 mai 2008. [37] Témoignages, réunion no 31, 15 mai 2008, 0905. [38] Lois codifiées du Canada, 1996, ch. 23, Loi sur l’assurance-emploi, paragraphe 80(1), http://www.canlii.org/ca/loi/e-5.6/tout.html. [39] Témoignages, réunion no 28, 6 mai 2008, 0910. [40] Témoignages, réunion no 29, 8 mai 2008, 0910. [41] Ibid., 1020. [42] Témoignages, réunion 31, 15 mai 2008, 0910. [43] P. Céré, Conseil national des chômeurs et chômeuses, Notes d’allocution présentées au Comité permanent des ressources humaines, du développement social et de la condition des personnes handicapées, 8 mai 2008. [44] Gouvernement du Canada, Comptes publics du Canada 2006-2007, volume 1, chapitre 4, p. 4.17, http://www.tpsgc-pwgsc.gc.ca/recgen/pdf/49-fra.pdf. [45] Comité permanent du développement des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées (février 2005), p. 11, /content/committee/381/huma/reports/rp1624652/humarp03/humarp03-f.pdf. [46] Le 13 mai 2008, la Cour suprême du Canada a entendu la cause no 31810 - Confédération des syndicats nationaux et Syndicat national des employés de l’aluminium d’Arvida Inc. c. Procureur général du Canada. Cette affaire touchait certaines questions d’AE, notamment la question de savoir si la compétence du Parlement à l’égard de l’AE l’habilitait à utiliser l’argent des cotisations à d’autres fins que les prestations de chômage. Voir http://cases-dossiers.scc-csc.gc.ca/information/cms/docket_f.asp?31810. |