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OGGO Rapport du Comité

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PASSEPORT CANADA : UN MODÈLE À REVOIR

Introduction

Depuis plusieurs années, les députés fédéraux jouent un rôle important dans le processus de délivrance des passeports au Canada. Ce rôle est même prépond érant dans les régions qui ne peuvent compter sur les services d’un bureau de Passeport Canada à proximité. Or, les bureaux des députés fédéraux, malgré toute l’expertise que certains ont développée au cours des années, n’ont pas les ressources pour suppléer aux lacunes du réseau de bureaux de Passeport Canada. De plus, le réseau de services à la clientèle de Passeport Canada impose un fardeau excessif à certains députés et à leurs mandants. Bien que les citoyens puissent se faire assister par divers services gouvernementaux et bureaux de députés, le Comité estime que la sécurité et la délivrance des passeports demeurent la responsabilité fondamentale de Passeport Canada. Dans le cadre de son étude sur la répartition géographique des emplois et des services fédéraux, le Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires formule des recommandations pour permettre à Passeport Canada de jouer pleinement son rôle auprès de la population de toutes les régions du Canada.

Le cadre juridique de Passeport Canada

Historique

Le 13 mai 1893, le Comité du Conseil privé de l’Angleterre autorisait par décret le gouvernement canadien à délivrer des passeports canadiens selon le modèle du passeport anglais[1]. Lorsque la guerre éclate, en 1939, le gouvernement des États-Unis annonce que les Canadiens auront besoin d'un passeport et d'un visa pour traverser leurs frontières. À cette époque, environ 500 000 Canadiens se rendent aux États-Unis chaque année sans aucun document de voyage. Jusqu'en 1947, deux types de passeports sont émis au Canada : un pour les sujets britanniques et l'autre pour les citoyens naturalisés. À compter de juillet 1948, le gouvernement canadien émet des passeports aux citoyens canadiens seulement[2]

Sur avis du secrétariat d’État aux affaires extérieures, en date du 9 janvier 1973, le gouverneur général en conseil fixait dans le Règlement des passeports canadiens les nouvelles règles encadrant les demandes de passeport canadien. Le 4 juin 1981, le gouverneur général en conseil a modifié l’intitulé de cet instrument, désormais le Décret sur les passeports canadiens [3]. Ce document explicitait les modalités administratives en la matière [4]. Il fut modifié le 10 décembre 2001 et de ce fait la délivrance d’un passeport individuel à l’enfant de moins de seize ans est devenue obligatoire. Le 1er septembre 2004, ce décret fut modifié de nouveau et on constate alors la confirmation du pouvoir du Ministre de refuser ou de révoquer un passeport dans l’intérêt de la sécurité nationale du Canada ou de pays étrangers[5].

Nature juridique de Passeport Canada

Passeport Canada est un organisme gouvernemental fédéral qui relève d’Affaires étrangères et Commerce international Canada et dont l’habilitation législative émane d’un décret du gouverneur en conseil. En effet, le Décret sur les passeports canadiens prévoit que Passeport Canada est le service chargé de la délivrance, du refus de délivrance, de la révocation, de la retenue, de la récupération et de l’utilisation des passeports [6]. D’ailleurs, le statut juridique de Passeport Canada est particulier en ce sens que le décret exécutif qui crée cet organisme gouvernemental n’est pas autorisé par une autorité statutaire, mais plutôt par la prérogative royale, dont bénéficie le pouvoir exécutif.

On peut définir la prérogative royale du pouvoir exécutif comme étant le résidu du pouvoir discrétionnaire ou arbitraire du monarque. Ce pouvoir résiduel occupe les champs de compétence du Parlement qui ne tombent pas sous le joug de la législation en vigueur.

La prérogative royale comprend l’ensemble des divers pouvoirs, droits, privilèges, immunités et devoirs reconnus dans notre droit comme dévolus à Sa Majesté et exercés, en vertu de notre constitution, par le gouverneur en Conseil agissant sur l’avis des Ministres. […] Bien entendu, la prérogative est assujettie au principe de la souveraineté du Parlement et celui-ci peut, par une loi, retenir la prérogative ou en réglementer l’exercice[7].

Les traités et les déclarations de guerre, les nominations du premier ministre et des autres ministres, les réserves indiennes et les titres honorifiques sont des exemples de l’exercice de la prérogative royale.

La Charte canadienne des droits et libertés [8] et la prérogative royale

L’exercice de la prérogative royale, par le pouvoir exécutif canadien, est soumis aux contraintes imposées par la Charte canadienne des droits et libertés (ci-après la Charte)[9]. Selon la Cour suprême du Canada, les décisions du Cabinet prises en vertu d’une loi ou dans l’exercice de la prérogative royale relèvent manifestement de la Charte [10]. À cet effet, il est pertinent de noter que la Cour fédérale du Canada a récemment invalidé l’article 10.1 du Décret sur les passeports canadiens. Cette disposition, qui autorisait le ministre à refuser la délivrance ou à révoquer un passeport en circulation afin d’assurer la sécurité nationale du Canada ou de tout autre pays, fut jugée vague dans sa terminologie[11]. Cela étant dit, ce même décret indique clairement que celui-ci n’a pas pour effet de limiter, de quelque manière, la prérogative royale que possède Sa Majesté en matière de passeport.

Passeport Canada comme organisme de service spécial

En 1990, Passeport Canada est devenu un organisme de service spécial (OSS). C'est l'un des cinq premiers organismes de service spécial qui ont été mis sur pied par le gouvernement fédéral afin d'améliorer les services aux Canadiens. Passeport Canada finance entièrement ses activités grâce aux droits perçus pour la délivrance des passeports et autres documents de voyage, et doit réaliser des recettes suffisantes pour couvrir ses dépenses. En tant qu'OSS, Passeport Canada dispose d'une marge de manœuvre considérable pour atteindre les objectifs établis. En contrepartie de cette autonomie, il doit justifier son rendement en fonction de normes exigeantes [12].

Les OSS ne sont pas des entités juridiques - il n'est pas nécessaire d'adopter une loi pour créer des OSS. Ces derniers continuent de faire partie du ministère auquel ils appartiennent. Toutefois, contrairement aux autres services ministériels, les OSS fonctionnent en vertu d'une entente écrite conclue avec le ministère et adaptée à leurs besoins. Cette entente (qui comprend un « accord-cadre » et un plan d'entreprise) porte sur les résultats et les niveaux de service attendus, la marge de manœuvre qui a été accordée et les ressources qui seront mises à la disposition de l'OSS pour exécuter son mandat[13]. L’accord-cadre représente la « constitution » ou la « charte d'exploitation » de l'OSS. Le Conseil du Trésor doit approuver le document-cadre avant qu'un service puisse être désigné OSS [14].

Les objectifs à long terme des OSS, tels que Passeport Canada, incluent l’amélioration du service à la clientèle, le contrôle de la qualité du service, l’accroissement de la consultation des clients, ainsi que de favoriser la prestation de services rentables selon une optique plus commerciale [15].

Passeport Canada et les frais exigibles pour les services de passeports

Passeport Canada ne reçoit pas de crédits annuels du Parlement et le service est financé par les requérants plutôt que par les contribuables. Passeport Canada est doté d'un fonds renouvelable[16] qui lui permet d'accumuler un excédent (ou un déficit) annuel jusqu'à concurrence de quatre millions de dollars. Le fonds renouvelable vise à fournir un mécanisme de financement à vocation commerciale (à l'image d'une marge de crédit) à une entité qui fournit des biens ou des services sur une base commerciale ou quasi commerciale [17].

Les frais exigibles par Passeport Canada pour l’émission d’un passeport à un Canadien résidant au Canada sont de 87 $, incluant les frais des services consulaires qui s’élèvent à 25 $. Ainsi, Passeport Canada touche réellement 62 $ pour chaque passeport émis alors que le coût de production actuel est de 58,41 $ pour un passeport de vingt-quatre pages. D’ailleurs, Passeport Canada prévoit qu’au cours du prochain exercice le coût de production d’un passeport dépassera les recettes provenant des frais[18].

Le président-directeur général de Passeport Canada, M. Gérald Cossette, qui a comparu devant le Comité le 29 avril 2008, explique le cadre juridique des frais exigibles comme suit :

La structure de frais est régie par différents cadres, dont la Loi sur les frais d'utilisation[19]. En vertu de cette loi, Passeport Canada ne peut augmenter les frais sans procéder d'abord à une consultation publique. Nous ne sommes pas en mesure de dégeler le plafond qui nous est imposé. Il y a aussi certains chapitres de la Loi sur la gestion des finances publiques [20] et le Décret sur les passeports canadiens. Les frais qu'on exige des Canadiens sont déterminés par une série de dispositions législatives.

Ainsi, il appert que le cadre juridique qui entoure les frais exigibles est relativement restrictif [21]. Les frais de passeport de 62 $, avec lesquels Passeport Canada finance ses activités, couvrent à peine ses coûts d’exploitation.

Le rapport de mai 2008 de la vérificatrice générale du Canada s’est penché sur la question des frais des services consulaires et constate ceci :

[N]os calculs et les calculs révisés du Ministère montrent que les frais perçus pour les services consulaires étaient supérieurs au coût de la prestation de ces services. Cela signifie que le Ministère pourrait courir le risque d'être considéré comme n'ayant pas établi les frais de manière à simplement recouvrer les coûts, ce qui serait contraire à la Loi [22].

Organisation des services de Passeport Canada

Le réseau de bureaux de Passeport Canada

Passeport Canada dispense, au Canada, des services de délivrance de passeports en personne dans 33 bureaux régionaux. Passeport Canada dispense également des services par l’intermédiaire d’une direction centrale qui reçoit et qui traite les demandes envoyées par courrier, du Canada et des États-Unis. Les non-Canadiens doivent faire affaire avec un bureau central à Gatineau, au Québec, pour les certificats d'identité et les titres de voyage. En février 2008, Passeport Canada a annoncé l’ouverture d’un bureau des passeports satellite à Kelowna en Colombie-Britannique. Les citoyens auront maintenant accès à un bureau des passeports dans toutes les régions métropolitaines du Canada à l’exception des agglomérations suivantes : Abbotsford, Kingston, Moncton, St. John [23], Sherbrooke, Sudbury et Trois-Rivières. Cela dit, Passeport Canada continue d’être insuffisamment représenté dans de nombreuses régions canadiennes, en particulier dans les régions du Nord et rurales, comme le nord-est de l’Ontario.

Les agents réceptionnaires

Lors de son témoignage devant le Comité, le 29 avril 2008, Passeport Canada a rappelé que les citoyens peuvent aussi recevoir une gamme limitée de services de passeports par l’intermédiaire de comptoirs d’agents réceptionnaires (centres de Service Canada et bureaux de Postes Canada). Le programme d'agents réceptionnaires a été mis en place pour faciliter le processus de demande de passeport en élargissant l'accès aux services de passeports pour tous les citoyens. Ces points de services permettent notamment aux résidents des communautés urbaines, rurales et du Nord de recevoir certains services de passeports.

Au cours des 12 derniers mois, Passeport Canada, de concert avec Service Canada, a ajouté 65 nouveaux points de services au Canada. Avec le concours des agents réceptionnaires, le nombre de points de services de passeport au Canada est passé de 30 à 190 en l’espace de 5 ans. Il existe aujourd’hui 101 agents réceptionnaires de Service Canada et 56 agents réceptionnaires de Postes Canada.

Le recours à des agents réceptionnaires se situe au cœur du modèle de service de Passeport Canada qui cherche à s’appuyer sur l’infrastructure de ses partenaires d’affaires pour améliorer l’accès à ses services tout en minimisant ses coûts. Passeport Canada affirme que cette stratégie lui permet de maintenir le droit d’un passeport pour adulte à 62 $. Au cours des prochaines années, Passeport Canada prévoit donc compter sur un plus grand nombre de bureaux de Service Canada capable d’offrir le service de passeports, y compris des services élargis.

Les critères d’ouverture de nouveaux bureaux de Passeport Canada

La décision relative à l’ouverture d’un nouveau bureau repose, dans le modèle d’affaires actuel de Passeport Canada, sur des critères de volume et de rentabilité. Dans la mesure où près de 80 p. 100 des Canadiens soumettent toujours leur demande de passeport en personne, le volume est essentiellement mesuré par l’affluence au comptoir. Ainsi, les bureaux de passeports ont été localisés dans les endroits où le volume était le plus important. De plus, il doit y avoir un rapport entre le nombre de demandes qui sont traitées sur place et ce que cela coûte pour exploiter un bureau de passeports. Selon ce que le Comité a appris, un bureau de taille moyenne doit pouvoir traiter de 45 000 à 50 000 passeports par année pour pouvoir couvrir ses frais d’exploitation. Évidemment, la décision relative à l’ouverture d’un nouveau bureau considère aussi le coût des nouvelles infrastructures nécessaires.

Enfin, avant d’ouvrir de nouveaux bureaux, Passeport Canada cherche à maximiser l’utilisation des capacités de traitement de son réseau actuel. Certains bureaux parviennent ainsi à demeurer rentables en traitant le volume excédentaire en provenance d’autres bureaux.

La transition vers les services électroniques

D’un modèle de prestation de services au comptoir, Passeport Canada se tourne graduellement vers les technologies de l'information afin de pouvoir un jour traiter les demandes de passeport via Internet. Ce virage technologique diminuerait considérablement la nécessité ou l’utilité des demandes de passeport en personne et pourrait combler l'écart entre les normes de service en milieu urbain et en milieu rural. Un projet pilote de passeport électronique démarrera en 2009 et, comme annoncé dans le budget de 2008, un passeport électronique ayant une durée de validité de dix ans sera introduit à l'échelle internationale en 2011. Passeport Canada espère que ces initiatives lui permettront de réduire les délais de traitement et de faire des économies.

Au fur et à mesure que Passeport Canada adoptera la nouvelle technologie lui permettant de transmettre les dossiers par voie électronique plutôt que physique, la question de l'emplacement des bureaux de passeport deviendra donc moins importante, selon Gérald Cossette [24]. La transition vers les services électroniques permettra de dissocier complètement l’origine de la demande de passeport de l’emplacement du centre de traitement. À terme, le réseau de bureaux de Passeport Canada pourrait donc présenter une configuration bien différente de celle que l’on connaît actuellement. D’ailleurs, certains pays ont déjà mis en place un système qui permet aux agents responsables du traitement des passeports de recevoir à l'ordinateur la demande, peu importe l'endroit où elle a été présentée.

Les bureaux de députés et le modèle de service de Passeport Canada

L’apport incontournable des bureaux de députés

Depuis plus de 30 ans, Passeport Canada accepte les demandes de passeport transmises par les bureaux de députés au nom de leurs mandants. Cependant, aucune entente officielle ne régit ce mode de fonctionnement. En 2003-2004, Passeport Canada a traité 65 700 demandes présentées de la sorte. Ces données reflètent évidemment la situation qui prévalait avant l'exigence américaine que tous les voyageurs aériens soient munis d'un passeport.  La norme de service en ce qui a trait à une demande transmise par un bureau de député est la même que pour une demande soumise par la poste. Les députés peuvent s’enquérir par courriel ou par ligne téléphonique spéciale de l’état des demandes qu’ils ont transmises. Les passeports sont livrés par services de messagerie au bureau du député ou peuvent être postés au domicile du requérant. Passeport Canada estime que le coût par passeport de ce service centralisé est moindre que celui du service postal, car les demandes envoyées par l’entremise d’un bureau de député contiennent moins d’erreurs [25]. En effet, les demandes de passeport acheminées par la poste présentent un taux de refus se situant entre 20 et 24 p.100, principalement en raison de la qualité déficiente des photos et de l'absence des documents pertinents. En comparaison, seulement 8 p.100 des demandes transmises par les bureaux de députés ne peuvent être traitées sans l’obtention de renseignements supplémentaires[26].

Les députés fédéraux dont les circonscriptions électorales ne sont pas dotées ou ne sont pas situées à proximité d’un bureau des passeports reçoivent des dizaines de demandes de passeport chaque semaine. Le traitement des demandes de passeport constitue pour certains députés l’une des principales activités de leur bureau. Par conséquent, ces députés doivent consacrer une part considérable des ressources de leur bureau au traitement des passeports, et ce, en lieu et place de Passeport Canada et au détriment d’autres activités. Dans certains bureaux de circonscription, deux ou trois personnes travaillent sur une base régulière au traitement des demandes de passeport. Cette situation fait en sorte que certains députés se voient contraints de réduire le salaire de leurs employés afin d’être en mesure de conserver une main-d’œuvre plus nombreuse, capable de traiter les demandes de passeport.

L'année dernière, nous avons reçu, vérifié et envoyé de façon sécuritaire les passeports de 10 293 personnes à Passeport Canada [27].

Malgré l’assurance de Passeport Canada voulant que la norme de service pour les bureaux de services en personne et les demandes reçues par la poste soit exactement la même et que l’organisme ait amélioré sa capacité à répondre aux demandes reçues par la poste, la situation perdure. Pour des raisons de sécurité, de nombreux citoyens demeurent réticents à envoyer leurs documents d’identité par la poste et continuent d’avoir recours à leur bureau de député pour transmettre leur demande de passeport.

Dans les régions orphelines d’un bureau des passeports et particulièrement dans les régions situées à plusieurs heures de route des grands centres urbains, la question des passeports urgents et express est encore plus problématique. Tous ont à l’esprit des circonstances extraordinaires où une personne peut avoir besoin d'un passeport à la dernière minute. Dans un tel cas, un délai de 15, 20 ou 30 jours d'attente devient alors inacceptable. C’est ainsi que certains électeurs font appel au bureau de leur député.

Il y a toujours des situations où il faut obtenir rapidement un passeport, et tout ce qu'on peut dire à ces électeurs, c'est qu'ils doivent faire un voyage de 12 heures en autobus pour se rendre à Toronto pour en obtenir un [28].

Lors de son témoignage du 29 avril 2008, Mme Jody Thomas [29] a d’ailleurs mentionné à quel point le personnel des députés est un partenaire important pour Passeport Canada quand vient le temps de faire une demande de passeport urgente et expresse.

Cela étant dit, pour des raisons de sécurité, la politique de Passeport Canada exige qu’un demandeur d’un passeport urgent et express se présente en personne.

Pour ce qui est des services d’urgence dans les régions dépourvues d’un bureau des passeports, Passeport Canada est en train de travailler avec Service Canada pour élargir les services que ce dernier peut offrir. Service Canada pourrait se voir confier le pouvoir d’authentifier les documents. La transmission électronique des documents authentifiés par Service Canada permettrait alors de traiter la demande de passeport urgente et expresse beaucoup plus rapidement, sans que les citoyens aient à parcourir de longues distances.

Le Comité a appris que Passeport Canada a conclu un arrangement avec l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) grâce auquel des personnes peuvent se présenter à un aéroport avant de prendre leur vol, obtenir leur passeport à l'aéroport et voir leur identité confirmée par un agent de l'ASFC afin que ces personnes puissent alors prendre l'avion[30].

Les ententes de service avec les agents réceptionnaires

Comme mentionné précédemment, Passeport Canada mise beaucoup sur le renforcement de son partenariat avec Service Canada pour élargir son réseau de points de services et atteindre un plus grand nombre de clients, sans avoir à investir dans une infrastructure coûteuse. Depuis environ deux ans, l’entente de service conclue avec Service Canada a fonctionné sur la base d’un projet pilote. Pour cette raison, Service Canada a jusqu’à présent assumé tous les coûts de cette prestation de services. Pour formaliser et bonifier cette entente de service, Passeport Canada a pris les dispositions nécessaires pour que le Décret sur les passeports soit modifié de façon à confirmer que Service Canada est habilité à fournir des services au nom de Passeport Canada. À cet égard, le Comité a appris que Passeport Canada était en train de négocier avec Service Canada le détail des services qui seront fournis et de préciser les coûts impliqués et le financement dont aura besoin Service Canada. En plus d'être l'agent réceptionnaire, Service Canada pourra authentifier les documents qui accompagnent la demande de passeport. Le financement des services sera assumé par Passeport Canada. D’ailleurs, M. Gérald Cossette a indiqué au Comité que les employés de Service Canada ont déjà commencé à être formés en vue d'accroître considérablement le nombre de centres où les documents pourront être validés.

Ce projet de partenariat entre Passeport Canada et Service Canada a fait germer plusieurs questions dans l’esprit des membres du Comité. Certains se sont interrogés sur la pertinence pour Passeport Canada de faire appel à Service Canada plutôt que de recourir à ses propres services pour accroître le nombre de points de services, soulignant que Service Canada facturerait dorénavant les services offerts. Tout en reconnaissant que des économies d’échelle pourraient être réalisées sur le plan des infrastructures pour la prestation des services fédéraux, certains membres du Comité ont signalé le fait que les passeports canadiens seront maintenant traités par les employés de deux organismes différents.

Par ailleurs, des députés se sont inquiétés de l’accessibilité des services offerts par Service Canada, mentionnant que cet organisme a pris un virage important qui l'éloigne du service personnalisé. Dans certains centres de Service Canada, les services s’obtiennent en prenant rendez-vous ou en envoyant un courriel. Dans les conditions actuelles, Service Canada n'est donc pas perçu comme une solution de rechange viable pour assurer un bon service aux citoyens, ce qui fait en sorte qu’ils se rabattent sur les bureaux de députés pour obtenir un niveau de service conforme à leurs attentes.

La question du service offert par les agents réceptionnaires de Postes Canada suscite encore plus de perplexité de la part des députés, dans la mesure où cela implique des coûts supplémentaires de 15 $ pour les citoyens. Ces frais supplémentaires font en sorte que les citoyens préfèrent faire appel à leur député, ce qui contribue à l'achalandage des bureaux de circonscription.

Les conditions salariales et le taux de roulement des employés de Passeport Canada

Au cours de ses travaux, le Comité a appris que Passeport Canada faisait face à des défis importants au plan des ressources humaines. Passeport Canada est notamment aux prises avec un problème de taux de roulement induit par les conditions salariales plus avantageuses offertes par des organismes fédéraux tels que l’Agence des services frontaliers du Canada, Citoyenneté et immigration Canada ou le Centre canadien des armes à feu. Ces organismes offrent des emplois similaires[31] à ceux de Passeport Canada, mais rémunèrent mieux les compétences acquises. Selon l’expression de son PDG, M. Gérald Cossette, Passeport Canada est une « pépinière » pour les plus grandes organisations fédérales qui œuvrent dans le domaine de la sécurité. Ainsi donc, de nombreuses personnes acceptent un poste à Passeport Canada, bénéficient de la formation offerte et, ensuite, sont recrutées par de plus grandes organisations.

Conclusion et recommandations

Il y a quelques années, on a ouvert un nouveau bureau des passeports dans ma région, la région de Durham. Mes électeurs en ont bénéficié. Les nouveaux bureaux sont importants et ils améliorent la situation [32].

Pour la majorité des députés fédéraux, les questions relatives aux passeports font partie du travail quotidien du bureau de circonscription et pour cette raison ils sont sans aucun doute les mieux placés pour constater l’impact positif que constitue la présence d’un bureau des passeports à proximité. La proximité d’un bureau des passeports entraîne une réduction du nombre de plaintes que reçoivent les bureaux de députés et de l’achalandage créé par les problèmes de passeport. À l’heure de la mondialisation des échanges et dans le contexte des exigences imposées par l’Initiative relative aux voyages dans l’hémisphère occidental (IVHO) [33], le passeport est devenu un document essentiel pour les Canadiens et son obtention devrait être facilitée. Cette responsabilité ne devrait cependant pas incomber aux bureaux de députés, qui ne devraient intervenir que dans des situations exceptionnelles. Le Comité reconnaît que la transition éventuelle vers des services électroniques pourrait à terme modifier les besoins de Passeport Canada en matière d’infrastructure pour le service à la clientèle. Cela étant dit, le Comité juge que dans l’intervalle, tous les Canadiens ont droit à un service équitable de la part de leur gouvernement fédéral et qu’au fur et à mesure que les citoyens adopteront les nouvelles façons de faire, Passeport Canada aura tout le loisir de réévaluer ses modes de prestation de service, incluant son partenariat avec Service Canada. Par conséquent, le Comité recommande :

Recommandation 1

Que Passeport Canada atténue, dans les plus brefs délais, les disparités de service au comptoir entre les régions urbaines, rurales et du Nord en matière d’émission de passeports urgents et express.

Recommandation 2

Que dans le cadre de son partenariat avec Service Canada, Passeport Canada élabore et rende public un plan d’action relatif à la formation des employés de Service Canada et leur donne l’autorité de recevoir et d’assurer le suivi des demandes de passeport.

Recommandation 3

Que Passeport Canada élabore et dépose devant le Parlement un plan d’action détaillé en prévision de la hausse de la demande de passeports dans le contexte de la mise en œuvre de l’IVHO en juin 2009.

Le Comité est conscient de l’importance des mesures de sécurité et des normes strictes entourant les procédures de délivrance des passeports. Il est cependant persuadé que le taux de refus élevé associé aux demandes de passeport a une incidence sur le coût de la prestation des services. Le Comité encourage Passeport Canada à poursuivre ses efforts pour réduire le taux de refus. Il applaudit notamment les initiatives visant à faciliter l'utilisation et la compréhension des formulaires de demande de passeport qui se sont soldées par un taux de refus des demandes de renouvellement de seulement 2 p. 100.

Les passeports sont, pour nous, une des plus grandes sources de frustration. Je sais que nous recevons une centaine de demandes par semaine à mon bureau, et mon personnel m'a dit qu'il était très, très utile de pouvoir parler à une personne en chair et en os [34].

Le Comité croit cependant que Passeport Canada devrait déployer des efforts supplémentaires pour clarifier les consignes et pour mieux informer les Canadiens sur la façon de préparer les documents pertinents. Enfin, les députés sont d’avis que dans l’immédiat il y a lieu de renforcer le partenariat entre Passeport Canada et leurs bureaux, persuadés qu’il s’agit là d’un investissement rentable. Quoique qu’il existe à présent des services d’assistance aux bureaux des députés, le Comité est d’avis que ceux-ci doivent être améliorés. Par conséquent, le Comité recommande que :

Recommandation 4

Que Passeport Canada améliore les services d’assistance aux députés, notamment:
  1. en élaborant des normes de service claires avec les bureaux des députés;
  2. en renforçant les services réservés au soutien des bureaux des députés;
  3. en mettant en place un mécanisme de consultation et d’échange continu avec les bureaux des députés.
[1]
Kamel c. Canada (Procureur général), 2008 CF 338, par. 26.
[2]
Passeport Canada, Regard historique - http://www.ppt.gc.ca/pptc/hist.aspx?lang=fra.
[3]
TR/81-86.
[4]
Kamel c. Canada (Procureur général), 2008 CF 338, par. 27.
[5]
Ibid., par. 28 et 29.
[6]
Décret sur les passeports canadiens, TR/81-86, art. 2.
[7]
Vancouver Island Peace Society c. Canada (1re inst.), 1993 CanLII 2977 (C.F.), [1994] 1 C.F. 102, par. 4, cité dans Kamel c. Canada (Procureur général), 2008 CF 338, par. 50.
[8]
Loi constitutionnelle de 1982 (R.-U.), constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, c. 11.
[9]
Operation Dismantle Inc. c. Canada, 1985 CanLII 74 (C.S.C.), [1985] 1 R.C.S. 441.
[10]
Ibid., par. 50.
[11]
Kamel c. Canada (Procureur général), 2008 CF 338, par. 147 - Une période de six (6) mois est accordée au Procureur général du Canada en vertu du pouvoir discrétionnaire de la Cour afin de permettre la rédaction de nouveaux textes en remplacement de l’article 10.1 du Décret.
[12]
Passeport Canada, Notre organisation - http://www.ppt.gc.ca/pptc/index.aspx?lang=fra.
[13]
Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, Devenir un organisme de service spécial, Description générale - http://www.tbs-sct.gc.ca/pubs_pol/opepubs/TB_B4/bsoa-doss1_f.asp#3.
[14]
Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, Devenir un organisme de service spécial, Annexe B (contenu d’un document-cadre type) - http://www.tbs-sct.gc.ca/pubs_pol/opepubs/TB_B4/bsoa-doss1_f.asp#24.
[15]
Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, Devenir un organisme de service spécial, Raison d’être - http://www.tbs-sct.gc.ca/pubs_pol/opepubs/TB_B4/bsoa-doss1_f.asp#3.
[16]
Loi sur les fonds renouvelables, L.R.C. 1985, c. R-8.
[17]
Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, Guide des fonds renouvelables - http://www.tbs-sct.gc.ca/fin/sigs/Revolving_Funds/rfpai1_f.asp#_Toc504883038.
[18]
Passeport Canada, Faire face au changement : Rapport annuel 2006-2007, Ottawa, 2007, p. 16.
[19]
L.C. 2004, c. 6.
[20]
L.R.C. 1985, c. F-11.
[21]
Le Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes, dans un rapport récent, a exprimé la crainte que Passeport Canada soit forcé de consacrer ses ressources financières limitées aux questions de service, ce qui lui ferait négliger par conséquent d’importants investissements dans des mesures propres à renforcer la sécurité. Chambre des communes, Comité permanent des comptes publics, Le chapitre 5, les services de passeport – Passeport Canada du rapport de février 2007 du vérificateur général du Canada, 9e rapport, 39e législature, 2e session, mars 2008, p.18.
[22]
Bureau du vérificateur général du Canada, Rapport de mai 2008 de la vérificatrice générale du Canada, Chapitre 1- La gestion des frais imposés par certains ministères et organismes.
[23]
Les citoyens du Nouveau-Brunswick sont desservis par le bureau de Fredericton, situé à 180 km de Moncton et à 110 km de Saint John.
[24]
Témoignage devant le Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires de M. Gérald Cossette, président-directeur général, Passeport Canada, le 29 avril 2008.
[25]
Rapport de la vérificatrice générale du Canada, avril 2005. Chapitre 3 : Les services de passeport – Passeport Canada, page 4.
[26]
Témoignage devant le Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires de Mme  Jody Thomas, chef de l’exploitation, Direction générale des opérations, Passeport Canada, le 29 avril 2008.
[27]
M. Serge Cardin, député de Sherbrooke. Des données fournies au Comité par Passeport Canada indiquent que 37 820 demandes de passeport ont été soumises par les citoyens habitant à l’intérieur d’un rayon de 50 km autour de la ville de Sherbrooke en 2007-2008.
[28]
M. Charlie Angus, député de Timmins-Baie James.
[29]
Mme Jody Thomas, chef de l'exploitation, Direction générale des opérations, Passeport Canada.
[30]
Témoignage devant le Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires de M. Gérald Cossette, président-directeur général, Bureau de la haute direction, Passeport Canada, le 29 avril 2008.
[31]
Ces organismes comptent plusieurs emplois dont les tâches sont semblables à celles effectuées par les employés de Passeport Canada, pour ce qui est de vérifier l'identité des demandeurs et de délivrer un permis ou un document quelconque.
[32]
M. Mark Holland, député d’Ajax-Pickering.
[33]
L’Initiative relative aux voyages dans l’hémisphère occidental (IVHO) est une loi des États Unis qui exige que tous les voyageurs en provenance de l’hémisphère occidental, y compris les citoyens américains et canadiens, présentent un passeport valide ou un autre document sûr approuvé lorsqu’ils se rendent aux États-Unis, y transitent ou en reviennent. L’IVHO des États-Unis est mise en œuvre progressivement, selon le mode de transport. Les nouvelles exigences en matière de documents sont déjà en vigueur depuis janvier 2007 pour les voyageurs qui se rendent aux États-Unis ou y transitent en utilisant le mode de transport aérien. Les exigences définitives en matière de documents pour les voyageurs qui souhaitent se rendre aux États Unis par voie terrestre ou maritime entreront en vigueur le 1er juin 2009. À partir de cette date, les citoyens canadiens devront présenter l’un des documents suivants conformes à l’IVHO pour se rendre aux États-Unis, y transiter ou en revenir lorsqu’ils utilisent un mode de transport terrestre : un passeport valide; une carte NEXUS; une carte Expéditions rapides et sécuritaires (EXPRES); un permis de conduire amélioré (PCA) (dans les provinces et territoires où des programmes de PCA auront été mis en œuvre).
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M. Patrick Brown, député de Barrie.