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Monsieur le Président, c'est un honneur pour moi de prendre la parole aujourd'hui au sujet de cette motion. Dans deux jours, nous allons célébrer la Journée internationale de la femme. Il n'y aura pourtant rien à célébrer pour ce qui est des initiatives du gouvernement concernant les femmes.
Chez les conservateurs, on constate une tendance très inquiétante: celle d'intimider et de paralyser ceux qui ont d'autres idées que celles qui vont dans le sens de leur idéologie de droite. Ils le font en réduisant ou en abolissant l'aide financière, en modifiant la réglementation, en inspirant la crainte du libelle, en faisant de l'intimidation ou en prenant diverses autres mesures.
Le gouvernement a laissé tomber les femmes de diverses façons et dans divers domaines. Je me bornerai à citer les garderies, l'accès aux services gouvernementaux, le refus de signer la déclaration des Nations Unies sur le droit des peuples autochtones, la compression du financement en matière de recherche et de défense des droits, les politiques fiscales, le logement abordable et l'équité salariale. Cette tendance à rabaisser les femmes les fait sérieusement régresser.
Le thème de la Journée internationale de la femme est: « Des femmes fortes font la force du monde ». Au Canada, le gouvernement n'aide pas les femmes à devenir plus fortes. Il ne supprime pas les obstacles auxquels les femmes font face lorsqu'elles intègrent le marché du travail ou veulent économiser de l'argent.
Le gouvernement ne fait rien pour aider les femmes du Canada à être fortes. Penchons-nous à cet égard sur certains événements récents. L'éducation préscolaire et les services de garde d'enfants illustrent bien la situation. Le gouvernement s'est empressé de réduire de 5 milliards de dollars un programme national de garderies qui avait obtenu l'accord de toutes les provinces du pays.
Le gouvernement a tout simplement annulé les ententes. On a également mis un terme au financement, ce qui veut dire que le gouvernement a commencé à détruire une partie de l'infrastructure existante qui avait été financée par le premier milliard d'investissement que les libéraux avaient consenti.
Après tous ces ravages, le gouvernement a promis de créer 125 000 places en garderie mais il ne l'a jamais fait. Rien ne s'est concrétisé. Cette situation a plus d'incidence sur les femmes, comme nous le savons tous, surtout les femmes célibataires dont les revenus sont peu élevés.
Dans ma circonscription, Beaches—East York, les places en garderie se font rares. Mes électeurs m'en parlent tous les jours. L'automne dernier, on a ouvert un nouveau service combinant garderie et centre pour jeunes, qui s'appelle Enderby. Au bout de quelques jours à peine, il y avait des listes d'attente. L'une de mes électrices, une mère, a perdu son emploi parce qu'elle n'a pas pu obtenir un service de garde à plein temps pour son enfant.
Pourtant, nous voulons que les gens travaillent, qu'ils soient autosuffisants sur le plan économique, et nous souhaitons favoriser la sécurité économique des femmes. Enfin, c'est ce que nous disons, mais que faisons-nous à cette fin? Comment aidons-nous cette femme et son enfant?
Il y a une crise au chapitre des places en garderie dans notre pays, et le gouvernement ne cesse de parler et de faire des promesses, mais rien de concret ne se réalise.
Cette attitude est destructrice, et je ne crois pas que je doive chercher très loin pour trouver des personnes dans ma circonscription qui recherchent des places en garderie et qui ne réussissent pas à en trouver. Elles paient un montant exorbitant, 1 300 dollars et plus par mois, pour une place en garderie si elles ne reçoivent pas d'aide financière.
Examinons une autre question, celle de l'accès aux services gouvernementaux. Encore ici, le gouvernement dit vouloir offrir des services aux femmes, mais il ferme 12 des 16 bureaux régionaux de Condition féminine Canada dans l'ensemble du pays.
Il n'y a pas très longtemps, j'ai rencontré des femmes en milieu rural qui m'ont dit à quel point elles sont isolées dans leur localité. Elles n'ont pas accès aux services gouvernementaux. Si une femme est victime de violence familiale, elle n'a quasiment nulle part où se réfugier.
Elles ont signalé que la pauvreté n'existe pas uniquement dans les grandes villes, elle existe aussi en milieu rural. De nombreuses agricultrices, et leur mari, doivent en plus travailler à l'extérieur pour arriver à joindre les deux bouts. Il n'y a ni formation ni services, et encore là, que fait le gouvernement? Il ferme les bureaux régionaux.
Les personnes qui habitent à Terre-Neuve doivent aller à Moncton pour avoir accès à un bureau. Les députés connaissent-ils la distance entre ces deux endroits? Évidemment, on suppose que tout le monde a accès à Internet, ce qui est faux.
Là encore, le gouvernement a isolé ces femmes et les a prises au piège, particulièrement les plus pauvres d'entre elles et surtout celles qui sont victimes de violence familiale et qui éprouvent des difficultés dans leur vie. Elles doivent avoir accès à ces services, et l'accès leur est refusé.
Le gouvernement n'a de cesse de dire qu'il se soucie de l'égalité hommes-femmes et de la situation de la femme et, pourtant, il a supprimé des services, je présume, pour économiser, car je ne vois aucun autre motif pour une telle action. Le gouvernement n'a laissé que quatre bureaux pour tout le pays. Le Canada est un immense pays, les distances à parcourir sont grandes et les femmes des régions rurales n'ont aucun accès à ces bureaux.
Des femmes se sont adressées à moi lorsqu'elles ont entendu parler de la fermeture des bureaux. Elles étaient stupéfaites de ce qui est pure vendetta de la part du gouvernement à l'endroit de Condition féminine Canada. C'est ainsi qu'elles ont vu les choses. Il semble maintenant que c'est la voix de REAL Women qui détermine la politique. C'est ce que j'ai constaté plusieurs fois au comité permanent. L'organisme nous a probablement dit qu'il avait rencontré le ministre. En fait, le n'a consulté que deux organismes, dont REAL Women, avant la préparation du budget.
Prenez ce qui vient de se produire. Le Canada n'a pas signé la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.
Ma collègue de en a beaucoup parlé. Le vote du gouvernement conservateur contre la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, l'année dernière, a terni notre réputation sur la scène internationale. C'était la première fois que le Canada votait contre un document défendant les droits de la personne. Cela a indiqué aux femmes autochtones, au Canada, que le gouvernement conservateur choisira lui-même quand il appliquera et respectera les droits de la personne dans ce pays.
Pour les femmes, la déclaration contenait des clauses sur l'égalité des sexes et la non-discrimination. Le refus du gouvernement d'appuyer la déclaration témoigne d'un mépris flagrant du combat livré par les femmes autochtones du Canada pour obtenir l'égalité. Les femmes autochtones du Canada méritent mieux.
Il n'est pas trop tard. Le gouvernement conservateur peut encore revenir sur son opposition idéologique à la déclaration des Nations Unies et faire savoir aux femmes autochtones que leurs droits font partie des droits de la personne.
Je vais donner très succinctement un exemple de la façon dont le gouvernement a agi, dans d'autres domaines, à l'endroit des femmes autochtones.
Le Programme de contestation judiciaire, dont je reparlerai plus tard, a été annulé par le gouvernement. Prenons l'affaire McIvor, par exemple. Il s'agit d'une femme autochtone qui, grâce à ce programme, a été en mesure de lutter pour ses droits, qui étaient bafoués en vertu de la Loi sur les Indiens. Elle a pu se rendre jusqu'à la Cour suprême de la Colombie-Britannique, où elle a eu gain de cause. Maintenant que le gouvernement interjette appel de cette décision devant la Cour suprême du Canada et que le Programme de contestation judiciaire n'existe plus, cette femme ne peut plus poursuivre sa lutte parce qu'elle n'en a plus les moyens. C'est encore une fois une très belle image: le grand et puissant gouvernement, avec toutes ses ressources, contre cette femme autochtone à qui il a peur de donner un cent au cas où cela lui permettrait de lutter pour faire reconnaître ses droits dans ce pays.
Le Programme de contestation judiciaire a été créé pour permettre aux gens qui n'en n'ont pas les moyens de défendre leurs droits tout autant que ceux qui en ont les moyens, afin que tous bénéficient des mêmes droits dans ce pays. Il semble toutefois que cette égalité soit sélective.
Le gouvernement a ensuite sabré dans le financement destiné à la recherche et à la défense des droits. C'est l'une des premières choses qu'il a faites. Pendant des décennies, des groupes, des ONG, des regroupements de bénévoles et des organisations féminines ont bénéficié de financement pour mener des travaux de recherche sur les femmes et pour défendre leurs droits, travaux qui ont permis aux femmes d'obtenir des droits. La loi sur la protection des victimes de viol a été modifiée grâce à de tels travaux. Nous avons obtenu le droit de voter grâce à la lutte de femmes courageuses. Nous n'aurions pas eu de droits reconnus dans la Constitution si des femmes ne s'étaient pas organisées et battues pour faire en sorte que l'égalité des femmes y soit inscrite.
Lorsqu'il s'agit de violence faite aux femmes, oui, il existe des programmes pour venir en aide aux femmes qui en ont besoin, mais il n'y a pas assez d'argent, vraiment pas assez de refuges et, comme je l'ai dit plus tôt, le problème des femmes en milieu rural reste entier.
Les femmes qui ont la chance de bénéficier d'un programme qui répond à leur situation précise peuvent aider, mais il n'y a pas d'argent disponible pour changer les conditions, les politiques, l'environnement, la culture et la violence qui sont le lot de ces femmes. Ce n'est plus possible: nous n'avons pas d'argent pour la recherche et nous ne pouvons pas militer pour obtenir du financement à cet égard.
Le Comité permanent de la condition féminine a tenu beaucoup d'audiences récemment. Nous avons étudié la traite des femmes et des enfants, la sécurité économique des femmes et la violence envers les femmes. Les députés savent-ils qui vient témoigner devant le comité? Ce sont des organisations de femmes qui ont effectué des travaux de recherche et qui sensibilisent et informent le comité permanent à propos des enjeux clés afin que nous puissions faire des recommandations sensées à la Chambre. Ces organisations sont appelées à disparaître; certaines ont déjà fermé leurs portes.
Ironiquement, le gouvernement fournira 500 000 $ à la Conférence des associations de la défense, un groupe de pression qui oeuvre à l'obtention de contrats d'armes et d'équipement militaire, mais le gouvernement ne finance pas les organisations de défense des droits des femmes. Peut-on imaginer plus triste?
Le gouvernement n'a pas soumis ses budgets à une analyse différenciée selon les sexes, car la plupart sinon la totalité de ses mesures sociales passent par la politique fiscale. C'est très préjudiciable pour les femmes, car celles-ci n'en profitent pratiquement pas.
Si le gouvernement réalisait une analyse différenciée selon les sexes, il en ignorerait les résultats. Je soupçonne qu'il n'en a pas réellement fait une.
Quand Kathleen Lahey, professeure à l'Université Queen's, a témoigné devant notre comité permanent de la Chambre des communes, elle a fait remarquer que la prestation de 1 200 $ relevant du prétendu programme universel pour la garde des enfants — c'est-à-dire que de l'argent est versé à tout le monde — ne bénéficiait pas aux femmes et aux familles qui en ont le plus besoin.
Le montant de 1 200 $ est imposé lorsqu'il est dans les mains de la personne qui le reçoit. Une famille à revenu unique est susceptible d'en conserver la majeure partie, mais si le mari et la femme travaillent, la famille garde une part beaucoup moins grande de la prestation. Une mère seule obtient beaucoup moins; elle est chanceuse s'il lui en reste la moitié. Malgré tout, il n'y a pas de place en garderie et aucune infrastructure. Le revenu lui-même ne permet pas vraiment à quiconque de faire quoi que ce soit. Comme aide au revenu, c'est trop peu, et comme mesure pour la garde d'enfants, c'est risible. On dirait que le programme a été conçu précisément pour causer du tort.
Examinons, par exemple, la situation d'une femme monoparentale à faible revenu. Si ses enfants ont moins de six ans, elle reçoit peut-être 50 $ des 100 $ par mois qu'elle devrait obtenir pour la garde de ses enfants. Premièrement, il n'y a pas de places et, deuxièmement, les places en garderie coûtent plus de 20 fois ce montant. Ce n'est pas un programme de services de garde, peu importe le nombre de fois que le gouvernement conservateur dit que c'est une prestation universelle pour la garde d'enfants. Il n'y a rien d'universel dans ce programme, car il n'y a pas d'accès. C'est une mesure de soutien du revenu, et elle est imposable. Les gens qui en souffrent le plus sont les femmes.
Le Parti libéral avait et a encore un programme de prestations pour enfants. Ce dernier a été décrit comme la mesure sociale la plus importante depuis des décennies lors de sa mise en place, mais le gouvernement actuel devait évidemment faire sa marque là aussi. Il a éliminé le supplément pour jeunes enfants. Cela signifie que les femmes à faible revenu n'ont pas accès à des services de garde, car les 1 200 $ qu'elles reçoivent ne suffisent pas, et qu'elles ont maintenant également perdu le supplément pour jeunes enfants. Depuis que les conservateurs sont au pouvoir, ils n'ont rien fait pour améliorer le programme de prestations pour enfants. Ils ne semblent pas aussi intéressés qu'ils l'affirment à éliminer la pauvreté chez les enfants, à aider les familles qui ont des enfants et à aider les femmes qui sont généralement les plus touchées par ces questions.
S'agissant encore de la façon de procéder qui consiste à utiliser la politique fiscale, jetons un coup d'oeil au fractionnement du revenu de pension. On a beaucoup vanté cette mesure qui ne profite en fait qu'à environ 12 p. 100 des aînés, et encore, seulement à ceux qui touchent une très grosse pension, ce qui veut généralement dire qu'il s'agit d'hommes et non de femmes. Quand mari et femme ont travaillé toute leur vie, mettant probablement de côté des sommes similaires, l'avantage est négligeable, car le fait de diminuer le revenu de l'un ne fait réaliser qu'une économie minime. Dans le cas des célibataires, il n'y a personne avec qui fractionner son revenu de toute façon. Le groupe le plus nombreux d'aînés vivant dans la pauvreté au Canada sont des femmes qui ne peuvent fractionner leur revenu avec personne. Cette mesure ne fait rien pour 1,7 millions d'aînés canadiens. C'est encore un stratagème favorisant les aînés canadiens qui ont de l'argent et qui, je suppose, sont heureux et n'ont pas de problèmes. Par contre, ceux qui ont un revenu faible ou moyen n'en tirent aucun avantage, et les femmes sont complètement laissées pour compte.
Voilà une mesure fiscale de plus qui ne marche pas, surtout pas pour les femmes.
Nous avons soutenu que le gouvernement est incapable de livrer la marchandise. Dans le dernier budget, on annonce un compte d'épargne libre d'impôt de 5 000 $ qui est censé aider les aînés à épargner. Il faudrait, pour commencer, qu'ils disposent de 5 000 $ à verser dans ce compte, ce qui n'est pas le cas d'un grand nombre d'aînés. Beaucoup de mères pauvres, de mères chef de famille et d'autres femmes ne disposent pas d'une telle somme. Ce compte sera un bon complément aux REER pour les personnes qui en ont les moyens, mais il ne sera d'aucune utilité à la Canadienne moyenne qui, soit dit en passant, gagne environ 38 000 $ par année, d'après ce que j'ai pu voir. Il s'agit du revenu moyen; il y a des femmes qui gagnent plus, mais aussi beaucoup d'autres femmes qui gagnent moins.
Le gouvernement ne comprend pas qu'utiliser le régime fiscal pour offrir des programmes sociaux, ce n'est pas une bonne façon de procéder. Il le fait peut-être exprès, et c'est la conclusion à laquelle je suis arrivée. Il a vidé le garde-manger et il a laissé tomber les femmes en cours de route. Il a dépensé des milliards de dollars.
La baisse de la TPS profitera à ceux qui ont beaucoup d'argent, mais les familles moyennes n'économiseront pas grand-chose. Par contre, elles auront perdu beaucoup à cause d'investissements qui n'ont pas été faits, dont je viens de parler.
Lisa Philipps, de l'Osgoode Hall Law School, a fait la déclaration suivante lorsqu'elle a comparu devant un comité sénatorial qui étudie les budgets sexospécifiques:
[...] il faut toujours tenir compte de l'effet sur les hommes et les femmes comme particuliers. Autrement dit, il faut aller au-delà de l'analyse au niveau des ménages que font généralement les auteurs des politiques fiscales. On présume que, si on accorde une réduction d'impôt à un ménage, tous ses membres en profiteront également. Je ne suis pas d'accord. Accorder une réduction d'impôt au soutien de famille ne garantit pas que la femme aura droit à sa part.
C'est pour cela que nous avons demandé au gouvernement de ne pas se contenter d'analyser la budgétisation dans une perspective sexospécifique, mais de tenir compte des résultats. En effet, si les politiques vont carrément à l'encontre de ce que les résultats indiquent, et les résultats indiquent clairement que les femmes sont laissées pour compte, alors nous avons un grave problème.
En 2004, 38 p. 100 des femmes ne gagnaient pas un revenu suffisant pour payer de l'impôt. Ces femmes ne profiteront pas du tout des crédits d'impôt offerts par les conservateurs. Il ne faut pas sous-estimer l'importance de la budgétisation sexospécifique.
En ce qui a trait au logement abordable, le gouvernement n'a pas investi un cent. Voici ce qu'a déclaré le ministre ontarien des Affaires municipales:
Sous l'égide [du ministre des Ressources humaines et du Développement social], le financement des logements abordables va décroître constamment, à partir de l'exercice en cours, car il a refusé même d'envisager un nouveau programme.
Qui est touché le plus par le manque de logements abordables? Les femmes et les familles à faible et à moyen revenu. Notre plan des 30-50 fonctionne.
Je dois conclure mon exposé. Je souligne que j'aurais aimé parler de l'équité salariale. Peut-être qu'un de mes collègues le fera à ma place ou que j'y reviendrai en posant des questions.