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Monsieur le Président, c'est un honneur pour moi de participer au débat à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi .
Le projet de loi a été présenté pour la première fois en octobre dernier. Le Comité spécial sur la Loi antiterroriste a étudié cette mesure et il a proposé trois amendements. Le projet de loi a été adopté par le Sénat le 6 mars 2008.
Afin de s'assurer que cette mesure reçoive toute l'attention voulue, il importe de bien l'étudier, ainsi que son contexte et l'importance qu'elle revêt pour les organismes d'application de la loi au Canada. C'est sur cet aspect que mes remarques vont porter.
Je veux d'abord donner un aperçu du projet de loi. Cette mesure vise à rétablir deux pouvoirs importants qui avaient été créés dans la Loi antiterroriste, mais qui sont devenus caducs le 1er mars 2007. Il s'agit de ce qu'on appelle l'investigation et l'engagement assorti de conditions.
En bref, l'investigation est un outil qui permet à un agent de la paix de faire comparaître une personne devant un juge, aux fins d'interrogation relativement à une infraction de terrorisme passée ou future. Ce pouvoir vise à permettre aux organismes d'exécution de la loi de conduire une enquête relativement aux infractions de terrorisme qui ont été commises, ou qui seront commises. Par conséquent, un objectif important de ce pouvoir, bien que ce ne soit pas le seul, est de prévenir la perpétration d'une infraction de terrorisme. Nous tous ici sommes conscients que c'est là un objectif extrêmement important.
L'engagement assorti de conditions est un outil qui permet à un agent de la paix de faire comparaître une personne devant un juge qui, après qu'on lui a présenté des preuves adéquates, peut ordonner que cette personne contracte un engagement assorti de certaines conditions visant à empêcher qu'une activité terroriste ne soit entreprise.
Permettez-moi de présenter le contexte qui a fait que ces dispositions sont devenues caduques en 2007.
Comme tous les députés le savent, la Loi antiterroriste, c'est-à-dire le projet de loi , a reçu la sanction royale le 18 décembre 2001. Avant que cette loi n'entre en vigueur, le Parlement avait entendu un grand nombre de témoins donner leur point de vue sur un certain nombre de questions, dont l'une était liée aux deux pouvoirs qui sont maintenant prévus dans le projet de loi.
Des témoins ont exprimé des réserves au sujet de la création de ces pouvoirs qui n'avaient jamais existé dans le droit pénal canadien et qui semblaient constituer une menace pour les droits et libertés individuels protégés par la Charte canadienne des droits et des libertés. Le Parlement a donc accepté que ces pouvoirs fassent l'objet d'un rapport annuel et d'une disposition de caducité.
En outre, l'article 145 de la Loi antiterroriste exigeait qu'au moins un comité procède à un examen complet des dispositions et du fonctionnement de cette loi au plus tard trois ans après la sanction royale. C'est pourquoi, le 9 décembre 2004, la Chambre des communes a adopté une motion autorisant le Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile à entreprendre l'examen de la Loi antiterroriste. Son Sous-comité de la sécurité publique et nationale a débuté ses travaux en février 2005. Le Sénat a adopté une motion semblable le 13 décembre 2004, créant ainsi un comité spécial chargé de procéder à un examen distinct.
À la fin de 2005, le Parlement a été dissous et des élections ont été déclenchées. Les travaux des comités ont été interrompus. Lorsque le Parlement a repris ses travaux, au début de 2006, le comité sénatorial spécial a été autorisé à poursuivre son examen. À la Chambre, un nouveau Sous-comité sur la revue de la Loi antiterroriste du Comité permanent de la sécurité publique et nationale a lui aussi entrepris l'examen de la Loi antiterroriste.
Les deux comités ont demandé et obtenu le report du dépôt de leur rapport final respectif sur la Loi antiterroriste. En octobre 2006 toutefois, le sous-comité de la Chambre des communes a publié un rapport intérimaire portant exclusivement sur l'utilisation des dispositions dont nous débattons aujourd'hui. Dans ce rapport, le sous-comité recommandait que la validité de ces dispositions soit prolongée de cinq ans et que celles-ci soient soumises à une autre étude. Il a toutefois également recommandé que la disposition sur les audiences d'investigation soit limitée aux attentats terroristes imminents et non passés. Le sous-comité a également proposé certaines modifications de forme.
Même si ce rapport a été publié en octobre 2006, le comité sénatorial spécial n'avait pas terminé ses travaux. La disposition législative autorisant le renouvellement de ces dispositions grâce à l'adoption d'une résolution par le Parlement ne permettait pas de modifier les dispositions. Dans les faits, le temps commençait à manquer.
À l'automne 2006 et au printemps 2007, le gouvernement a préparé une motion demandant au Parlement de prolonger la durée de vie des deux dispositions pendant trois ans. Le 27 février 2007, la Chambre des communes a défait la motion par 159 voix contre 124. Les deux dispositions ont donc expiré le 1er mars 2007.
Il est intéressant de savoir que, pendant que tout cela se déroulait, le comité spécial du Sénat publiait le 22 février 2007 son rapport principal sur l'examen de la Loi antiterroriste. Deux de ses recommandations visaient les deux dispositions.
Tout d'abord, comme l'avait fait le sous-comité de la Chambre des communes, le comité du Sénat recommandait que les dispositions soient reconduites pour une période de trois ans, avec la possibilité de les reconduire à nouveau après adoption d'une motion en ce sens par les deux Chambres du Parlement. Deuxièmement, il recommandait que les exigences liées au rapport annuel obligent le procureur général du Canada à inclure une déclaration claire expliquant si oui ou non les dispositions étaient encore nécessaires.
On peut se demander pourquoi la Chambre a voté contre la reconduction des deux dispositions étant donné que les deux comités qui avaient examiné la Loi antiterroriste l'avaient recommandé. Trois raisons ont été évoquées pendant le débat à la Chambre des communes.
Premièrement, la motion proposée ne tenait pas compte des recommandations formulées par le sous-comité de la Chambre des communes ni de celles formulées par le comité spécial du Sénat.
Deuxièmement, il a été allégué que ces dispositions n'étaient pas nécessaires étant donné les autres pouvoirs existants et le fait qu'elles étaient rarement invoquées.
Troisièmement, le gouvernement n'avait pas donné de réponse globale à toutes les recommandations formulées par les deux comités qui avaient examiné la Loi antiterroriste.
Je le répète, ce sont là les trois raisons ou excuses invoquées par les députés pour rejeter les deux dispositions.
La question de la protection des droits de la personne a également été soulevée. Pour ce qui est de la première question, j'ai déclaré plus tôt qu'au printemps 2007, le gouvernement ne disposait pas du temps nécessaire pour donner suite aux recommandations des comités qui avaient examiné la Loi antiterroriste puisque la date limite pour la reconduction des dispositions était trop proche, ce qui ne lui donnait pas le temps de proposer une version modifiée des dispositions.
Depuis, le gouvernement a eu le temps d'étudier à fond les recommandations portant sur les audiences d'investigation et les engagements assortis de conditions formulées par les comités, et d'en mettre en oeuvre un grand nombre dans la législation.
Pour ce qui est de la deuxième raison, je voudrais expliquer, monsieur le Président, pourquoi il est important que les deux dispositions soient réintroduites grâce au projet de loi.
L'absence de processus d'investigation et d'engagement assorti de conditions crée un grave vide juridique. J'aimerais pouvoir dire qu'il en est autrement, mais la menace terroriste est malheureusement encore une réalité au Canada et rien n'indique qu'elle disparaîtra de sitôt. Dans le fond, nous savons tous que telle est la réalité.
Nous savons tous que, depuis le dépôt de la Loi antiterroriste, en 2001, des civils innocents ont été la cible de terrifiants attentats en Colombie, en Inde, en Indonésie, en Irak, en Israël, au Pakistan, au Pérou, aux Philippines, en Russie, en Arabie saoudite, en Espagne, en Tunisie, en Turquie et au Royaume-Uni.
Les dirigeants d'Al-Qaïda ont bien fait savoir que le Canada et les Canadiens seraient la cible de futurs attentats terroristes. Le procès criminel de plusieurs individus accusés d'avoir comploté afin de faire exploser des avions effectuant des vols transatlantiques, dont des vols d'Air Canada, a débuté tout dernièrement au Royaume-Uni.
Dans son rapport public de 2006-2007, le SCRS confirme que le Canada et les Canadiens ont encore été exposés à des menaces terroristes, soulignant que les extrémistes représentaient en 2006-2007 la menace terroriste la plus imminente pour le Canada et les Canadiens.
Étant donné l'existence évidente d'une telle menace, il ne fait aucun doute que policiers et procureurs doivent être habilités à faire enquête sur des actes terroristes et à faire obstacle aux activités terroristes. Des représentants de nos organismes d'application de la loi qui ont comparu devant les comités chargés d'examiner la Loi antiterroriste ont clairement fait savoir qu'ils avaient besoin de ces outils.
Pour toutes ces raisons, le gouvernement juge nécessaire de rétablir les dispositions en question.
N'oublions pas qu'il s'agit d'outils uniques en leur genre. Aucun autre pouvoir conféré par le Code criminel ne permet de faire ce que prévoient les dispositions relatives à l'investigation et à l'engagement assorti de conditions.
Les groupes terroristes déploient des efforts toujours aussi soutenus. Les terroristes se montrent de plus et plus subtils et adroits dans l'utilisation de technologies diverses pour les fins de leurs activités meurtrières.
Afin de lutter contre le terrorisme, les responsables de l'application de la loi doivent être en mesure de mener des enquêtes efficaces concernant les individus et les groupes pouvant présenter une menace à la sécurité des Canadiens.
Pour toutes ces raisons, je demande aux députés de tenir compte des faits suivants qui sont bien connus.
Tout d'abord, le terrorisme constitue une menace très grave et omniprésente au Canada. Deuxièmement, et je crois que nous serons tous d'accord à cet égard, il est toujours préférable de tenter de prévenir les activités terroristes que d'attendre d'en subir les conséquences. Je crois utile de répéter ce que je viens de dire. Il est toujours préférable de tenter de prévenir les activités terroristes que d'attendre d'en subir les conséquences. Troisièmement, de par leur nature même, les activités terroristes doivent être tuées dans l'oeuf, dès la phase préparatoire. Il ne faut pas attendre que le mal soit fait. Les outils importants dont nous avons besoin pour ce faire comprennent les mesures que nous voulons rétablir grâce au projet de loi .
Le gouvernement est convaincu de la nécessité de rétablir les mesures prévues dans ce projet de loi. Nos organismes d'application de la loi ont besoin de ces outils et nous avons la responsabilité de les leur fournir pour qu'ils puissent répondre adéquatement à toute éventuelle menace terroriste.
Permettez-moi de répondre aussi au troisième argument qui a été soulevé pour justifier le non-renouvellement de ces dispositions, soit le fait que le gouvernement n'avait pas répondu de manière exhaustive à toutes les recommandations faites par les deux comités qui se sont penchés sur la Loi antiterroriste.
Tout d'abord, il était impossible pour le gouvernement de répondre de manière exhaustive aux rapports des deux comités à ce moment-là puisque, au moment où ces dispositions sont arrivées à échéance, le comité sénatorial n'avait rendu public son rapport principal que depuis quelques jours et que le comité de la Chambre n'avait pas encore déposé son rapport final sur l'étude qu'il avait faite de la Loi antiterroriste.
Deuxièmement, depuis l'échéance de ces pouvoirs, le gouvernement a poursuivi ses efforts en vue de répondre de manière exhaustive aux rapports préparés par les deux comités qui se sont penchés sur la Loi antiterroriste.
Plus tôt cette année, le Parlement a répondu à la décision prise par la Cour suprême dans l'affaire Charkaoui en adoptant le projet de loi , qui prévoit la mise sur pied d'un système d'avocat spécial dans le contexte des certificats de sécurité. Le gouvernement a également publié l'été dernier sa réponse au rapport final que le sous-comité de la Chambre des communes a présenté après avoir examiné la Loi antiterroriste.
En résumé, ce projet de loi s'inscrit dans le cadre d'un programme global de révision de la Loi antiterroriste et je me permets d'ajouter que tous les députés devraient l'appuyer.
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Monsieur le Président, la chronologie présentée par mon collègue d'en face me semble correcte. Certains détails de son raisonnement sont peut-être discutables, mais la chronologie est correcte.
À mon avis, si la Chambre a voté majoritairement contre ces dispositions, c'est notamment parce que certaines des préoccupations exprimées par les comités dans les rapports fournis jusque-là n'étaient pas prises en compte dans le simple renouvellement pour trois ans proposé par le gouvernement.
Je suis heureux que le gouvernement ait maintenant tenu compte de plusieurs de ces recommandations et qu'il ait amélioré ces dispositions législatives. Par conséquent, même si ce n'est jamais de gaieté de coeur qu'on adopte ce type de dispositions, le fait est que, dans le monde où nous vivons, nous devons parfois prendre des décisions difficiles pour maintenir la paix dans notre pays.
Je crois que ces dispositions sont pertinentes, qu'elles sont nécessaires et qu'elles ont été améliorées par les modifications proposées dans le projet de loi.
Nous prenons très à coeur la question de la sécurité des Canadiens. Nous prenons également très au sérieux la question de la liberté des Canadiens. Je crois que ce projet de loi amélioré tente d'établir un équilibre entre ces deux exigences et besoins parfois concurrents et opposés des sociétés comme le Canada.
Avant que je ne parle de ces changements, j'aimerais dire que le député ministériel d'en face a fourni un résumé raisonnable du projet de loi. Je crois que ce dernier a été amélioré, et je vais maintenant aborder certains de ces changements.
Premièrement, chaque fois qu'une personne doit être détenue par des agents de la paix parce qu'on a des motifs raisonnables de soupçonner qu'elle est en train de planifier un acte terroriste, il faut évidemment l'arrêter et la faire comparaître devant un juge afin d'empêcher que cela ne se produise.
Une des améliorations apportées au projet de loi vise à resserrer les motifs pour lesquels une personne peut être mise en détention, ou encore libérée sous caution et éventuellement soumise à certaines conditions.
Les amendements proposés par le Sénat limitent la portée des motifs de détention. Les dispositions du projet de loi sur les motifs raisonnables et justes sont modifiées afin de prévoir des motifs précis, raisonnables compte tenu des circonstances, pouvant justifier la détention d'une personne.
J'estime que cela améliore la mesure et élimine le caractère parfois arbitraire de la décision du juge qui préside l'audience.
La deuxième amélioration, proposée par le gouvernement, découle de l'amendement de la disposition qui précisait, implicitement, que le juge qui entend l'affaire doit être le même qui a rendu la première décision relativement à la détention ou à la mise en liberté sous caution de la personne visée.
Cet amendement modifie la disposition afin de permettre à n'importe quel juge de la cour provinciale d'entendre l'affaire, afin que celle-ci soit traitée plus rapidement, et j'estime que c'est très important.
Un autre amendement permet aux personnes visées par une investigation sur les activités terroristes passées ou potentielles de demander l'aide d'un avocat avant le début de l'investigation ou à tout moment pendant celle-ci. Le droit à un avocat, un des droits fondamentaux dont jouissent tous les Canadiens en vertu de la common law et de la Charte, est maintenant clairement accordé aux personnes visées par une investigation ou faisant face à la détention.
Ces moyens sont uniques et extraordinaires. C'est pourquoi, quand on arrête quelqu'un afin de l'obliger à comparaître devant un juge dans le cadre d'une investigation, il est raisonnable de s'attendre à ce que les agents de police qui ont procédé à l'arrestation aient déployé tous les efforts raisonnables pour obtenir l'information nécessaire par d'autres moyens.
En vertu du projet de loi, il est clairement attendu que quand les agents de police arrêtent une personne pour l'obliger à comparaître devant un juge dans le cadre d'une investigation, soit pour des activités passées ou potentielles, ils doivent pouvoir prouver au juge que tous les efforts raisonnables qui auraient pu être déployés pour obtenir l'information sans avoir recours à de tels moyens extraordinaires ont effectivement été déployés.
À mon avis, cela offre une certaine garantie aux personnes visées par une investigation que les procureurs et les agents de police ont déployé tous les efforts raisonnables pour obtenir les renseignements par d'autres moyens.
Les nouvelles dispositions relatives à l'établissement de rapports qui ont été ajoutées à ce projet de loi exigent du ministre de la Sécurité publique, du procureur général et du ministre de la Justice qu'ils soumettent des rapports annuels au Parlement, et donc aux Canadiens, indiquant s'il est oui ou non nécessaire de maintenir ces dispositions du Code criminel.
À mon avis, cela garantit un certain niveau de transparence de la part du gouvernement et exige que celui-ci fasse preuve de diligence raisonnable, parce que les Canadiens doivent savoir que ces moyens extraordinaires ne sont pas maintenus dans la loi sans raison et qu'ils s'imposent toujours. À mon avis, c'est une modification très importante.
Avant cinq ans, le délai prévu dans la disposition de caducité, il faudra maintenant que les deux Chambres du Parlement examinent les dispositions du Code criminel relatives aux audiences de cautionnement et aux investigations.
Le comité d'une des deux Chambres, si je ne m'abuse, peut effectuer cet examen. C'est très important, car cela évitera qu'on se retrouve dans une situation comme celle du printemps de l'année dernière quand ces décisions ont été prises, où le gouvernement ne faisait aucun effort pour changer quoi que ce soit ou pour tenir compte des recommandations qui avaient été faites.
Il incombe à la Chambre des communes, au Sénat ou aux deux Chambres d'effectuer un examen de ces dispositions et de soumettre un rapport aux Canadiens et au gouvernement.
À la lumière des quatre ou cinq rapports annuels qu'auraient fournis les ministres et du dernier examen avant la fin des cinq années, le gouvernement pourrait déterminer si les dispositions doivent être renouvelées dans le Code criminel ou si elles doivent être examinées. Le gouvernement aurait tous les outils nécessaires pour persuader la Chambre et les Canadiens que c'est approprié.
Je suis d'avis qu'il y a plusieurs autres changements qui ont été apportés et qui sont très appropriés. L'une des choses qui m'a réconforté fut de lire les résultats du renvoi à la Cour suprême du Canada relativement à l'une des dispositions en question, c'est-à-dire celle sur les audiences d'investigation.
Je pense que dans ce renvoi, en 2004, la Cour suprême a confirmé que les dispositions, qui ont été améliorées depuis, ne violaient pas les droits individuels prévus dans la Charte et ne contrevenaient pas à la Charte. Elles respectaient la Charte.
C'est important pour moi, car j'estime que la Charte est primordiale. C'est capital. Elle définit les droits de tous les Canadiens, ordinaires ou non, et enchâssent ces droits dans notre Constitution. Nous ne devrions jamais oublier l'importance de la Charte. Cela me réconforte donc de lire cette décision qui date de 2004 et de constater que ces dispositions, que nous cherchons à améliorer maintenant, respectent la Charte.
Il convient également de souligner qu'au moment de présenter ces dispositions, au lendemain du 11 septembre, le gouvernement aurait pu invoquer la Loi sur les mesures d'urgence ou la disposition de dérogation de la Charte. Mais il ne l'a pas fait.
Le gouvernement voulait veiller à ce que ces dispositions respectent la Charte et elles ont été incluses dans une mesure législative ordinaire visant le Code criminel. Je crois que c'est une distinction très importante.
Par conséquent, mon allusion à l'examen réalisé par la Cour suprême en 2004 est d'autant plus importante. Elle l'est parce que, lorsque nous essayons de trouver des solutions extraordinaires pour garantir la sécurité de la population canadienne, nous voulons que ce soit dans le respect de la Charte.
À mon avis, tous les députés devraient saluer le projet de loi. C'est important. Ce sont des décisions difficiles. Pour quelqu'un comme moi qui a de l'expérience dans le domaine des libertés civiles et des droits de la personne, il est parfois très difficile d'examiner des dispositions comme celles-là et d'évaluer si nous en avons besoin ou non.
J'ai examiné les débats qui ont eu lieu à la Chambre à l'époque du projet de loi initial, j'ai examiné les témoignages qui ont été présentés aux comités, tant ceux qui étaient pour que ceux qui étaient contre le maintien de ces dispositions, et j'ai même examiné le projet de loi dont nous sommes actuellement saisis. Après cet examen et une mûre réflexion à ce sujet, je suis parvenu à la conclusion que ce sont des dispositions importantes, et que, malgré leur caractère unique et extraordinaire, elles sont d'une importance absolue et essentielle pour le maintien de la sécurité des Canadiens dans le monde où nous vivons.
D'autres pays tels que l'Australie et le Royaume-Uni ont des dispositions similaires dans leurs mesures législatives. Leurs dispositions sont beaucoup plus strictes et on pourrait peut-être dire qu'elles ne seraient peut-être pas acceptables pour certains d'entre nous pour cette raison.
Nos dispositions sont strictes, mais pas de façon démesurée, et elles sont conformes à la Charte. Elles sont conformes à nos traditions, aux traditions de notre Charte, aux traditions des auteurs de la Charte ainsi qu'aux traditions de liberté et de justice d'un pays, lesquelles sont issues de la common law. Il est important que nous pensions à cela au moment de voter .
Cela étant dit, je veux féliciter le Sénat d'avoir fait preuve de collaboration pour l'étude de ce projet de loi. On doit lui reconnaître le mérite d'y avoir apporté des changements qui l'ont rendu bien meilleur que la version initiale.
Par conséquent, je recommande ce projet de loi à tous les députés. Je suis en faveur de son adoption.
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Monsieur le Président, le projet de loi qui est devant nous est à peu près similaire à celui que la Chambre des communes a déjà rejeté il y a quelque temps. En fait, les changements sont justement au plan de la forme et je pense qu'il y a en a trois. Par conséquent, nos arguments pour nous opposer au projet de loi sont essentiellement les mêmes que ceux que nous avions formulés afin que ces dispositions ne soient pas incluses dans la Loi antiterroriste.
Je rappelle que nous sommes ici parce que ces dispositions faisaient l'objet d'une clause crépusculaire, qui disait que ces dispositions disparaîtraient si ce pouvoir n'était pas renouvelé dans un délai de cinq ans. Comme la Chambre a justement refusé de les renouveler, le gouvernement a voulu les réintroduire cette fois par l'entremise du Sénat. Le projet de loi reproduit presque essentiellement les dispositions que la Chambre avait refusées de renouveler.
De plus, les arguments pour lesquels la Chambre les a refusées sont simples et elle doit maintenir sa position. Ces dispositions sont totalement inutiles dans la lutte antiterroriste, particulièrement dans les cas où on demande d'arrêter une personne, de l'amener devant un juge et de lui faire signer un engagement. Par contre, ces dispositions pourraient être utilisées par un gouvernement qui voudrait discréditer des opposants politiques.
Elles placent également des personnes qui devraient signer ces engagements dans une situation épouvantable. Elles sont arrêtées ou on leur envoie une sommation et elles sont amenées devant un juge sur de simples soupçons, à savoir qu'elles pourraient participer à une activité terroriste. Si le juge estime que ces soupçons sont raisonnables, c'est-à-dire qu'il est raisonnable d'avoir des soupçons indiquant qu'un acte grave serait commis, il peut alors forcer une personne à signer un engagement. Il ne peut l'incarcérer que si cette personne refuse de signer cet engagement valable pour une période de un an.
J'imagine qu'il n'y a pas là de quoi arrêter un terroriste vraiment dangereux, puisqu'on le remet tout de suite en liberté. Toutefois, le Code criminel prévoit, pour le danger qu'on veut prévenir en vertu de ces autres dispositions, qu'un policier peut arrêter sans mandat une personne s'il a des motifs raisonnables de croire qu'elle est sur le point de commettre un acte criminel. Il peut donc interrompre cet acte criminel. Cette personne est alors arrêtée et amenée devant un juge. Dès lors, le juge peut lui refuser un cautionnement s'il estime justement qu'il y a un véritable danger et que cette personnes risque de commettre un acte criminel sérieux si elle est remise en liberté. Dans ce cas-ci, le juge ne peut pas faire cela. Le juge peut simplement lui demander de signer un engagement.
Toutefois, la personne arrêtée et étant accusée pourra un jour se défendre et dire que les motifs que le policier avait formulés n'étaient pas raisonnables et qu'elle n'avait aucun motif ni aucune intention de commettre un acte répréhensible. Cette personne pourra alors présenter une défense complète et entière et bénéficier d'un acquittement, ou peut-être d'un retrait des accusations, parce que la Couronne aura réalisé que cette personne n'aurait pas commis un acte criminel. Cette personne pourra alors continuer à vivre dans la société, comme elle le faisait auparavant.
Mettons-nous à la place de quelqu'un dans cette situation. C'est difficile pour nous parce que, comme parlementaires, nous avons atteint un certain standing dans la société. Avant, nous exercions aussi des professions qui nous plaçaient probablement au-dessus de ce genre de soupçons. Mais mettons-nous à la place d'un citoyen ordinaire, d'un jeune homme qui fait de l'action ouvrière et qui dénonce des injustices. Or, d'autres personnes dénoncent aussi ces mêmes injustices, mais proposent des moyens violents pour apporter des changements dans la société.
La police pourrait penser que parce que ce jeune homme fréquente des gens ayant des buts terroristes, il pourrait être mêlé à une activité terroriste. Par conséquent, elle pourrait le faire comparaître devant le juge et lui demander de signer un pareil engagement. Ce jeune homme pourrait nier le tout et jurer que son action est purement démocratique, même s'il connaît ces personnes. Si le juge pense que c'est raisonnable, selon la loi, par rapport à l'importance de l'acte terroriste qui pourrait être commis, il peut lui imposer de signer un engagement.
D'abord, il ne fait aucun doute que cet individu n'ira pas en prison; il choisira de signer l'engagement et sortira. Cependant, comment pourra-t-il établir par la suite que ces soupçons étaient totalement injustifiés? Il n'aura aucun moyen de le faire.
Examinons les conséquences d'une telle décision pour cet individu, pour le reste de ses jours. Croit-on qu'il sera admis aux États-Unis s'il cherche à traverser la frontière, ayant fait l'objet d'une décision judiciaire lui imposant de signer un engagement dans un contexte où l'on craignait une action terroriste? Je suis certain qu'on interdira à cet individu de traverser la frontière. Et si son employeur apprend qu'il a comparu en cour pour signer un pareil engagement — de toute façon, ces procédures seront probablement publiques —, il va sans doute perdre son emploi et avoir de la difficulté à en trouver un autre. De plus, je suis persuadé qu'il figurera sur la No Fly List non seulement aux États-Unis, mais ici aussi. Il aura de la difficulté à se rendre dans des pays étrangers.
Cette personne sera stigmatisée parce qu'une cour lui aura ordonné de signer un engagement de ne pas se livrer à une action terroriste. Personne ici n'a jamais signé un tel engagement. Le fait qu'une personne ait été forcée judiciairement de signer un pareil engagement lui impose un stigmate qu'elle peut traîner toute sa vie.
Si l'on croit que ces craintes sont injustifiées, examinons notre passé.
Nous avons vécu, dans les années 1970, une période où il y avait des terroristes. Ils étaient moins dangereux que ceux que l'on craint aujourd'hui, mais ils ont quand même entraîné la mort d'une personne. Bien évidemment, l'assassinat d'un ministre a soulevé d'abord un sentiment d'horreur dans la population, mais aussi des craintes énormes. On a incarcéré d'un coup au-delà de 500 personnes que l'on soupçonnait. Il a fallu cinq ou six ans avant qu'on soit obligé de toutes les indemniser. Parmi ces personnes, on avait arrêté une chanteuse populaire, Pauline Julien, ainsi que son conjoint, Gérald Godin, qui d'ailleurs est devenu par la suite ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles, et l'un des meilleurs que le Québec ait connus. C'était aussi un poète.
On a également arrêté tous les candidats, peut-être à une ou deux exceptions près, aux élections municipales à venir qui étaient membres du FRAP. On a arrêté les parents, les frères et les soeurs de ces gens.
Il y a des moments où nous perdons nos réflexes de défendre une société de liberté en respectant les libertés de tous, et nous nous sentons obligés d'enfreindre les libertés de certains.
Je comprends parfaitement que la crise terroriste mondiale actuelle et ses effets sont inquiétants. Or, je n'ai entendu personne faire le bilan entre le stigmate que l'on imposera aux personnes à qui on fera signer ces engagements, et l'efficacité de la lutte antiterroriste.
Comment pense-t-on que les services secrets en arrivent à soupçonner que quelqu'un est sur le point de commettre un acte terroriste ou sera mêlé à un acte terroriste? Le juge O'Connor nous en a donné un bon exemple dans l'affaire Maher Arar. On a cru que Maher Arar était mêlé à des mouvements terroristes parce qu'on l'avait vu circuler dans la rue en compagnie de quelqu'un que l'on soupçonnait aussi, sous la pluie, parapluie en main.
Évidemment, il paraît qu'il est plus difficile, voire impossible d'enregistrer les conversations des gens lorsqu'ils circulent avec un parapluie sous la pluie. Pour ma part, je n'ai jamais pensé un instant reprocher aux agents secrets de fonctionner selon des soupçons. Chercher à déjouer les complots terroristes est leur métier. Puisqu'il s'agit d'organisations secrètes, ces agents cherchent à se cacher et à analyser des soupçons. Il est normal qu'ils aient des soupçons.
Ils ne sont quand même pas pour surveiller tout le monde. Ils ciblent donc des personnes d'intérêt. Une personne d'intérêt peut être un individu qui a prêté sa voiture à quelqu'un soupçonné de terrorisme, ou encore des gens qui se fréquentent dans des organisations démocratiques pour dénoncer les mêmes injustices.
Je ne reproche pas à ces agents d'avoir des soupçons, mais ces soupçons ne doivent pas entraîner de conséquences juridiques. On en arrive à ces conséquences parce qu'on a des soupçons; tel est le critère.
Je veux faire une remarque relativement aux propos de l'orateur qui m'a précédé. Il a comparé le degré de certitude que l'on doit avoir pour arrêter quelqu'un sur le point de commettre un acte criminel avec le degré de certitude des soupçons — enfin, les soupçons peuvent-ils être des certitudes? — ou plutôt le degré de connaissances ou d'appréhensions qui pousse quelqu'un à faire comparaître un individu devant un juge pour lui faire signer un pareil engagement. Pour arrêter quelqu'un sans mandat sous prétexte qu'il est sur le point de commettre un acte criminel, il faut des motifs raisonnables. Il est vrai que cela exige un peu plus que des soupçons raisonnables.
Justement, comment la police arrive-t-elle à entretenir de tels soupçons? C'est en raison des fréquentations de l'individu. Inévitablement, parmi les personnes fréquentées par les gens ciblés que la police observera, certaines n'auront rien à voir avec le terrorisme. Inévitablement, on peut donc soupçonner des gens qui n'ont rien à voir avec le terrorisme.
Je comprends toutefois que l'on continue à les surveiller. Je comprends, par exemple, que c'était peut-être une bonne raison pour continuer à surveiller M. Maher Arar. L'erreur commise dans le cas de Maher Arar est qu'il était clairement établi comme une personne d'intérêt. Or, une personne d'intérêt n'est pas une personne que l'on croit être mêlée au mouvement terroriste, mais une personne que l'on a justement observée dans l'entourage de personnes que l'on soupçonne, à plus juste titre, de faire partie de mouvements terroristes. Voilà la différence.
Maintenant, on a décidé qu'au lieu d'un motif raisonnable, ce serait un soupçon raisonnable. Il est vrai que c'est peu de chose. Toutefois, j'espère qu'on comprend bien l'effet de stigmatisation d'une telle décision rendue par un tribunal qui ordonne à quelqu'un, sous peine d'emprisonnement, de s'engager à respecter plusieurs conditions, entre autres celle de cesser de participer à des complots terroristes, bien sûr.
Quand la police soupçonne quelqu'un d'être sur le point de passer à l'acte, au point de lui faire signer cet engagement, c'est à la suite d'écoutes téléphoniques ou de quelque chose d'un peu plus fondé que le simple soupçon. Dès lors, la police a probablement une preuve d'un complot ou de la préparation d'un complot. Et le complot tout comme sa préparation sont des actes criminels.
S'il est important d'intervenir pour que ces complots ne se réalisent pas ou pour que cette préparation n'aille pas jusqu'au bout, au point d'arrêter la personne et de la faire comparaître devant un juge, c'est qu'on a certainement une preuve suffisante pour porter des accusations.
Or, porter des accusations permet à la personne d'être soumise au système judiciaire et d'en ressortir avec un acquittement, si elle est innocente. Dans la situation actuelle, cette personne garde le stigmate d'avoir été mêlée d'assez près au terrorisme et sera confrontée tout au long de sa vie à tous les inconvénients sérieux que cela peut entraîner. Cela peut même aller jusqu'au déplacement d'une personne dans le monde, selon la situation d'aujourd'hui.
Je voulais parler de quelque chose, mais je l'ai oublié. J'en parlerai probablement une autre fois. Il faut dire que, depuis lundi, je me prépare à faire ce discours et que cela est toujours reporté. On m'a annoncé, il y a environ 15 minutes, que ce serait maintenant et je n'ai pas mes notes.
Une autre chose qui me frappe, c'est combien peu le reste du Canada est prêt à considérer les expériences que nous faisons au Québec. Je le dis à l'intention de bien des nationalistes que je respecte et qui ne sont pas encore souverainistes. Je ne suis pas né souverainiste, je le suis devenu, comme bien d'autres. Je comprends encore l'idéal que bien des nationalistes québécois en cette Chambre gardent très souvent pour le Canada. Ayant deux cultures différentes — on a deux langues différentes, donc nécessairement des formations différentes —, ayant deux sources d'inspiration, deux sources de raisonnement, on pourrait avoir une belle société qui s'abreuve aux deux langues qui ont quand même jouer un rôle si important dans la civilisation dont nous jouissons aujourd'hui. Je comprends ces gens-là. Or, j'aurais justement cru que cela aurait mené à un enrichissement mutuel. Donc, une des parties voyant les expériences réussies de l'autre pourrait les emprunter pour s'améliorer et l'autre partie pourrait aussi profiter des erreurs commises pour ne pas les répéter. Toutefois, on dirait que depuis déjà un grand nombre d'années, on ignore systématiquement et totalement les expériences positives faites au Québec et qui pourraient inspirer les lois fédérales.
Un bon exemple de cela a été donné ici lorsqu'on a voulu modifier la Loi sur les jeunes contrevenants. Le taux de criminalité juvénile au Canada était 50 p. 100 supérieur à celui du Québec. Le Québec avait pris au sérieux l'ancienne loi qui visait toujours la réhabilitation du jeune délinquant. En fait, le juge en chef du Tribunal de la jeunesse avait exprimé, dans cette formule lapidaire et tellement vraie, qu'en matière de jeunes contrevenants, c'est toujours la bonne mesure au bon moment. Aujourd'hui, quand il me parle de la nouvelle loi, il dit qu'avant, on jugeait un jeune qui avait commis une infraction et qu'aujourd'hui, on juge une infraction qui a été commise par un jeune.
Je sais que dans l'Ouest, pour toutes sortes de raisons, on avait énormément peur des jeunes contrevenants. En fait les gens disaient d'eux que all they get is a slap on the wrist. Alors, on a décidé de changer, de créer un système parfaitement objectif qui, à mon avis, ne donne pas les résultats que le Québec avait obtenus.
Ici, nous avons encore un autre exemple. Nous avons fait l'expérience d'une période terroriste et de la réaction qu'elle suscite chez les gouvernants. Encore une fois, on n'est pas capable d'écouter ceux qui l'ont vécue.
J'ai vécu cette période comme jeune avocat. À l'époque, dans les années 1970 — vous pouvez imaginer que j'étais bien plus jeune qu'aujourd'hui —, nous avions l'assistance judiciaire. La différence entre l'assistance judiciaire et l'aide juridique, c'est qu'on n'était pas payé. C'était le jeune Barreau qui assumait la défense des gens. Dans ce contexte, j'ai défendu beaucoup de personnes accusées de terrorisme.
Personnellement, j'en ai tiré des leçons et je m'aperçois que ces dispositions peuvent parfaitement être utilisées le jour où le gouvernement prendra panique. Il ne l'a pas fait depuis cinq ans, et c'est tant mieux. Cependant, quand on met de telles dispositions dans le Code criminel, un jour, quelqu'un trouvera le moyen de les utiliser. L'arme est vraiment là pour qu'un gouvernement, dans une période particulière de troubles, l'utilise strictement pour discréditer ses adversaires.
Je pense avoir démontré que ce projet de loi est non seulement inutile, mais qu'il est dangereux. Les dangers que fait courir ce projet de loi n'ont aucune espèce de comparaison avec l'utilité qu'on pense en tirer.
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Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui pour me prononcer contre le projet de loi . Je crois que je présenterai certains des arguments qu'a déjà fait valoir mon collègue, qui vient tout juste de prendre la parole.
Je suis fière que le NPD, une fois de plus, se tienne debout pour s'opposer aux exagérations du gouvernement conservateur. On n'a pas nécessairement raison d'être fiers lorsqu'on s'oppose au gouvernement mais je suis fière pour ma part de m'opposer à un gouvernement qui, d'après moi, est allé trop loin dans son programme de sécurité nationale. Nous convenons tous de l'importance de la sécurité nationale, mais on ne doit pas l'assurer aux dépens des libertés civiles.
Assurer la sécurité publique, c'est essentiellement protéger la qualité de vie des Canadiens. On peut définir cette qualité de vie de diverses manières. En parlant avec nos proches ou nos voisins, nous la définirons peut-être en fonction de l'endroit où nous vivons, de l'endroit où nous travaillons, de notre environnement ou de diverses autres considérations.
Dans une conversation plus réfléchie, cependant, je crois que deux aspects ressortiraient. On finirait par parler de l'importance de trouver le juste équilibre entre la sécurité et la liberté.
La sécurité a trait à l'idée de se sentir en sécurité, d'avoir l'impression que notre pays et nos collectivités sont en sécurité, que nous pouvons sortir et marcher dans la rue sans crainte, et que le gouvernement fédéral, notre pays, nous protège. Les Canadiens souhaitent également un équilibre entre la sécurité et la liberté, puisque nos libertés nous sont chères et qu'elles ont rapport à l'essence même de l'identité canadienne.
Je parle des libertés auxquelles nous avons droit, des libertés au nom desquelles des gens se sont battus et des libertés dont nous jouissons quotidiennement, souvent sans même y penser ni nous soucier de les énumérer ou d'en parler. Pourtant, en regardant la télévision, nous pouvons certainement nous rendre compte qu'il existe des pays où les gens n'ont pas accès à la plupart de ces libertés.
Pour une raison quelconque, le gouvernement conservateur ne veut pas ou ne peut pas trouver ce juste équilibre, et il nous l'a prouvé en présentant le projet de loi et aussi en présentant la mesure législative sur les certificats de sécurité dont nous avons débattu à la Chambre en janvier et qui ressemble à certains égards à celle que nous étudions aujourd'hui.
Dans un cas comme dans l'autre, les conservateurs ne prennent pas de bons moyens, un ensemble équilibré de moyens, pour lutter contre le terrorisme au Canada. Cette lutte est-elle nécessaire chez nous? Bien sûr qu'elle l'est, mais le Code criminel met actuellement à notre disposition de nombreux outils dont on pourrait se servir au lieu de mettre à l'étude encore une mesure ou un ensemble de mesures législatives.
Le Canada dispose déjà de nombreux mécanismes permettant de mettre en accusation, de juger et de punir les personnes soupçonnées d'avoir participé à des activités terroristes. Ces mécanismes se trouvent dans le Code criminel du Canada, loi d'une très grande importance pour assurer, comme je le disais tout à l'heure, la protection de notre pays contre quiconque cherche à faire du tort à autrui, tout en veillant au respect des droits fondamentaux.
Le NPD s'est toujours opposé, et s'opposera toujours, à toute tentative d'atteinte aux libertés et droits fondamentaux sur lesquels reposent notre système judiciaire. Celui-ci a pour fondements la responsabilité et la liberté, lesquelles vont de pair.
Voilà pourquoi nous nous opposons au projet de loi sur les certificats de sécurité. Nous nous opposons également au projet de loi , et je pense que nous ne sommes pas les seuls.
Des nombreux libéraux et même quelques conservateurs admettront peut-être en privé que le projet de loi laisse sérieusement à désirer. C'est en tout cas ce qu'on a entendu de nombreux libéraux dire du projet de loi . On savait que ce projet de loi était fondamentalement défectueux et malavisé, mais cela n'a pas empêché les conservateurs de présenter, en passant pour ainsi dire par la porte d'en arrière, au Sénat, le projet de loi , et cela n'empêchera pas les libéraux, j'imagine, de laisser une telle mesure être adoptée.
Une fois de plus, il incombe au NPD — et au Bloc québécois aussi, si j'en juge par les observations que je viens d'entendre — de faire entendre la voix de la raison dans la lutte pour la protection des valeurs canadiennes auxquelles certains autres partis ne souscrivent que pour la forme.
Jetons un coup d'oeil à un élément clé du projet de loi , soit les audiences d'investigation. Cette mesure obligerait à comparaître devant un juge la personne soupçonnée de disposer de renseignements sur des actes terroristes qui ont été ou seront commis; il ne s'agit encore que de soupçons, rien n'a été établi. On exige de personnes contre qui il ne pèse aucune accusation qu'elles comparaissent devant un juge.
Cela marque un virage important dans le droit canadien, qui se fonde sur le droit de garder le silence.
Si la personne refuse de parler, elle fera l'objet d'une arrestation et elle pourrait passer jusqu'à un an en prison, sans qu'aucune accusation ne soit portée, simplement parce qu'on croit, d'après le témoignage de quelqu'un d'autre, que la personne visée sait quelque chose. Je ne sais pas si la majorité des Canadiens verront là un équilibre entre la liberté et la sécurité.
Comme je l'ai dit, la personne pourrait demeurer en prison pendant un an. À première vue, cela peut sembler déraisonnable pour certains. Le NPD croit que toute personne qui sait quoi que ce soit au sujet d'une activité terroriste doit faire l'objet d'une investigation et doit être interrogée. Nous ne rejetons pas cela. Cependant, le Code criminel du Canada contient déjà des dispositions qui permettent d'interroger ceux qui participent à des activités criminelles. Autrement, personne ne comparaîtrait devant un juge et personne ne serait arrêté.
Nous pouvons, en vertu du Code criminel, interroger les personnes qui participent à des activités criminelles. Si on pense qu'une personne est impliquée dans une activité terroriste, que quelque chose pourrait arriver ou encore si on sait qu'une activité criminelle est commise, il existe dans notre système une façon de régler ce problème.
Nous n'avons pas besoin, pour interroger les témoins, d'une disposition spéciale qui comporte une peine d'emprisonnement d'un an pour ceux qui semblent non coopératifs. Une personne comparaît devant un juge. Elle n'a peut être pas d'information ou peut souhaiter garder le silence. Supposons que quelqu'un déclare que cette personne ne semble pas coopérer ou qu'elle ne coopère pas. Nous avons alors le droit de l'emprisonner pendant un an.
C'est scandaleux et tout à fait inacceptable. Le Code criminel permet bien sûr d'interroger des personnes que l'on soupçonne d'activités terroristes. Toutefois, il est inacceptable d'incarcérer une personne pendant un an sans aucune accusation, uniquement parce qu'elle semble récalcitrante.
Une telle mesure affaiblit notre système judiciaire qui prévoit que toute personne qui possède des renseignements sur un crime mais refuse de les divulguer peut elle-même faire l'objet d'accusations au criminel. C'est ce que prévoit notre système judiciaire. Toute personne qui possède des renseignements sur un crime et refuse de les divulguer fera l'objet d'accusations au criminel.
Les audiences d'investigation accorderaient de nouveaux pouvoirs qui vont au-delà des dispositions du Code criminel. C'est un outil très puissant qui pourrait donner lieu à une utilisation abusive dangereuse. Nous pouvons tous nous lever et affirmer que ce ne serait jamais le cas. Cependant, je ne saurais dire combien de fois il est arrivé que nous prenions la parole ici à la Chambre ou ailleurs au gouvernement ou dans nos collectivités pour dire que ce n'était pas ainsi que nous voulions qu'une telle mesure soit utilisée. Cette mesure existe et elle pourrait faire l'objet d'une utilisation abusive.
Denis Barrette de la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles a comparu devant le comité sénatorial chargé d'étudier le projet de loi et il a parlé des dangers que pourraient présenter les audiences d'investigation. Il a souligné que ces audiences permettent de forcer à témoigner des personnes qui participent à des activités de contestation et de dissidence et qui n’ont rien à voir avec ce qu’on entend normalement par « terrorisme ». Ce n'était peut-être pas ce qui était prévu, mais elles permettent tout de même de le faire.
M. Barrette a raison. Le projet de loi expose un grand nombre de Canadiens respectueux de la loi à un harcèlement futile et peut-être même à un emprisonnement. Il y a un grave risque d'abus sur lequel le NPD n'est pas prêt à fermer les yeux.
Ce n'est pas là le seul problème que présentent ces audiences d'investigation. Lorsque la Cour suprême du Canada s'est penchée sur cette question en 2004, elle a clairement établi que les témoignages recueillis au cours des audiences ne devaient pas être utilisés contre le témoin. Permettez-moi de répéter ce que je viens de dire. Les témoignages recueillis au cours des audiences ne doivent pas être utilisés contre le témoin.
Le projet de loi va à l'encontre des directives de la Cour suprême. La loi dont nous sommes actuellement saisis prévoit que les renseignements recueillis au cours d'une audience d'investigation ne peuvent être utilisés dans le cadre d'une audience en matière pénale, mais la Cour suprême a précisé très clairement que les renseignements qui ont été recueillis au cours d'une audience d'investigation ne peuvent être utilisés contre cette personne dans quelque type de procédures que ce soit, qu'il s'agisse de procédures pénales, d'extradition ou autres.
Il est difficile de savoir, compte tenu du mépris évident dont fait l'objet l'avis de la Cour suprême du Canada sur la question, si le projet de loi survivrait à une contestation, comme nous l'avons déjà dit au sujet du projet de loi , mais la question de savoir si le projet de loi est constitutionnel ou pas n'est pas l'objet du débat d'aujourd'hui. Je demande donc à tous les autres députés de se joindre aux députés du NPD pour rejeter ce projet de loi. De cette façon, il n'aura jamais à être contesté devant la Cour suprême. Il s'agissait là de la première partie du projet .
La deuxième partie du même projet concerne les engagements assortis de conditions, autrement dit la détention préventive. Il s'agit là d'un élément très controversé du projet de loi .
Je suis extrêmement déçue de constater que la question de la détention préventive a été incluse dans ce projet de loi, car elle est contraire à un principe fondamental de notre système de justice. En effet, encore une fois, une personne doit être reconnue coupable d'avoir fait ou d'avoir comploté de faire quelque chose pour être incarcérée. Ce n'est pourtant pas le cas en vertu du projet de loi .
Les engagements assortis de conditions permettraient aux responsables de l'application de la loi d'arrêter et de détenir des personnes sans avoir aucune preuve contre elles. En outre, une fois remises en liberté, ces personnes devraient s'engager à ne pas troubler l'ordre public, même sans avoir fait quoi que ce soit de mal. On nous dit que cette disposition a pour but de permettre aux responsables de l'application de la loi...