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CIMM Rapport du Comité

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SAVOIR RECONNAÎTRE LE SUCCèS :
LA RECONNAISSANCE DES TITRES DE COMPéTENCES éTRANGERS

Introduction

La reconnaissance des titres de compétences étrangers est le processus qui consiste à vérifier si les diplômes et l’expérience de travail que les immigrants ont acquis dans un autre pays correspondent aux normes établies pour les professionnels canadiens[1]. Elle constitue un élément fondamental de l’intégration des immigrants au marché du travail et un facteur déterminant de leur réussite professionnelle, surtout dans leur domaine de formation ou de compétence.

La juste reconnaissance des diplômes et de l’expérience de travail obtenus dans un autre pays est importante pour diverses raisons. Les nouveaux venus au Canada qui ne peuvent pas tirer pleinement parti de leurs acquis se trouvent déçus d’occuper un emploi très inférieur à leurs attentes. Cette situation est coûteuse tant pour les immigrants que pour les contribuables, qui contribuent par exemple aux frais de scolarité pour des cours déjà suivis ailleurs. à grande échelle, le coût du potentiel non exploité se situerait entre 2,4 et 5,9 milliards de dollars par année[2]. De plus, l’absence de reconnaissance des titres de compétences étrangers peut devenir un désavantage concurrentiel, qui fait du Canada une destination moins attirante pour les travailleurs très qualifiés et instruits. Pour toutes ces raisons, le Comité est d’avis que la reconnaissance des titres de compétences doit se faire de manière rapide, équitable, efficace et accessible. Il en va de l’intérêt national.

Responsabilités à l’égard de la reconnaissance des titres de compétences étrangers

La reconnaissance des titres de compétences est un processus complexe qui requiert la collaboration de nombreux intervenants. Selon le partage des pouvoirs prévu par la Constitution canadienne, il incombe aux provinces et aux territoires de délivrer l’autorisation d’exercer les métiers et les professions, dont certaines sont autoréglementées. Le Comité reconnaît que le Québec a entière compétence sur la reconnaissance des diplômes et des compétences des nouveaux immigrants qui s’établissent au Québec. Sous l’égide des provinces et des territoires, il y a « plus de 440 organismes de réglementation au Canada, régissant une cinquantaine de professions. Par ailleurs, plus de 200 établissements postsecondaires évaluent les diplômes en vue de l’inscription dans les établissements d’enseignement, de même que cinq organismes d’évaluation mandatés par les provinces et chargés d’évaluer les diplômes tant pour l’inscription dans les établissements d’enseignement que pour l’entrée dans la population active[3] ». Les évaluations faites par ces organismes peuvent également conduire à l’entrée dans un métier ou dans une profession non réglementée. Les professions réglementées touchent 15 p. 100 de la main-d’œuvre canadienne.

Le gouvernement fédéral a un rôle de chef de file à jouer dans la reconnaissance des titres de compétences étrangers comme facilitateur, point de référence et rassembleur des intervenants. Comme l’a dit un témoin au sujet d’un programme fédéral : « Grâce à lui, le gouvernement fédéral a été en mesure de façonner la recherche et l’action et d’influer sur elles[4]. » Compte tenu de la responsabilité du gouvernement fédéral en matière d’immigration et de son incidence sur le marché du travail et l’économie du Canada, l’inaction serait inacceptable. Beaucoup de choses ont été accomplies par le gouvernement et donc bien d’autres peuvent être et devraient être réalisées.

Enfin, des témoins ont demandé instamment au Comité de ne pas oublier le rôle important des employeurs. Selon un témoin, « [l]es employeurs ont un rôle clé à jouer à cet égard, car ce sont eux qui, au bout du compte, reconnaissent ou rejettent les titres de compétences et les qualifications des immigrants[5] ». Des milliers de décisions sont prises chaque jour d’après l’évaluation que font les employeurs des diplômes et de l’expérience antérieure des candidats.

Initiatives fédérales

Conscient des défis que représente la reconnaissance des titres de compétences étrangers, le gouvernement fédéral a pris différentes mesures pour s’y attaquer en collaboration avec les provinces, les territoires et les autres intervenants. Ses deux grands programmes multisectoriels sont le Programme de reconnaissance des titres de compétences étrangers (PRTCE) et le Bureau d’orientation relatif aux titres de compétences étrangers. Pour remédier à la pénurie de professionnels de la santé au pays, Santé Canada gère, en collaboration avec les provinces et les territoires, l’Initiative relative aux professionnels de la santé diplômés à l’étranger.

Programme de reconnaissance des titres de compétences étrangers

Le Programme de reconnaissance des titres de compétences étrangers est administré par Ressources humaines et Développement des compétences Canada (RHDCC) et sert de pièce maîtresse dans la lutte contre les obstacles à l’intégration des immigrants au marché du travail. Il permet au gouvernement fédéral d’offrir un soutien financier stratégique à divers organismes qui s’occupent de la reconnaissance des titres de compétences, comme les conseils sectoriels, les organismes de réglementation, les services d’aide aux immigrants, les organismes d’évaluation, les ordres professionnels, les établissements d’enseignement postsecondaire et les employeurs.

Depuis son instauration en 2003, le PRTCE a soutenu 123  projets touchant 27 métiers et professions, ce qui représente un investissement total de 71,2 millions de dollars[6]. Le Budget de 2009 a prévu d’affecter 50 millions de dollars de plus sur deux ans à l’élaboration, en partenariat avec les provinces et les territoires, d’un cadre d’action national pour la reconnaissance des titres de compétences étrangers.

Les projets qui ont bénéficié d’une aide financière pour les professions réglementées visaient surtout les professions prioritaires de médecin, d’infirmière et d’ingénieur. à titre d’exemple, le Conseil canadien des ingénieurs a reçu des fonds pour établir un plan d’action et concevoir des outils permettant d’intégrer plus rapidement et efficacement au marché du travail canadien les personnes qui ont un diplôme d’ingénierie décerné à l’étranger.

Le PRTCE a aussi financé des projets qui visent des professions non réglementées ou des métiers et professions dont la pratique n’est pas régie ou restreinte par la loi. Des témoins de RHDCC ont cité en exemple le partenariat fructueux établi avec BioTalent Canada[7]. Dans le secteur de la biotechnologie, BioTalent Canada offre des stages qui mettent les immigrants en contact avec des employeurs et qui les guident dans la recherche d’un emploi. L’organisme a aussi établi un programme national d’évaluation et de formation pratiques.

Bureau d’orientation relatif aux titres de compétences étrangers

Créé en 2007, le Bureau d’orientation relatif aux titres de compétences étrangers est administré par Citoyenneté et Immigration Canada (CIC). Tandis que le PRTCE s’attaque aux obstacles systémiques au marché du travail, le Bureau d’orientation informe les immigrants et les oriente vers des services de reconnaissance des titres de compétences. Il offre ses services sur son site Web (http://www.competences.gc.ca/), en personne à l’étranger (voir plus bas) et, au Canada, dans les centres de Service Canada, dans les bureaux auxiliaires et au moyen d’une ligne téléphonique sans frais.

Le Bureau d’orientation joue aussi un rôle de coordination, « travaillant avec les provinces, les territoires, les organismes de réglementation et les employeurs en vue de coordonner les efforts fédéraux-provinciaux-territoriaux, d’échanger les meilleures pratiques dans tout le pays et d’éviter les chevauchements et les dédoublements[8]».

Le gouvernement du Canada a accordé au départ 37,2 millions de dollars sur cinq ans au Bureau, avec 6,4 millions de dollars en financement continu[9]. Une partie des fonds prévus dans le Budget de 2009 a été allouée au Bureau afin qu’il entreprenne la reconnaissance des titres de compétences à l’étranger pour les professions réglementées jugées hautement prioritaires. Il s’agira principalement d’établir des normes harmonisées et des processus bien définis de reconnaissance des titres de compétences étrangers pour les professions ciblées et de créer le Centre d’information pancanadien, site Web qui mettra en valeur les pratiques prometteuses en cours au Canada dans le domaine[10].

Le deuxième volet des initiatives à l’étranger du Bureau repose sur le Projet canadien d’intégration des immigrants, projet pilote réalisé par RHDCC et l’Association des collèges communautaires du Canada. Dans le cadre de ce projet pilote, des séances d’orientation — qui renseignaient entre autres sur la reconnaissance des titres de compétences — ont été offertes en personne à des demandeurs du programme fédéral des travailleurs qualifiés en Inde, en Chine et aux Philippines. Pour les deux prochaines années, CIC prévoit d’étendre ce programme aux candidats des provinces qui viennent des trois pays en question et fournir ce service dans un quatrième pays, le Royaume-Uni. CIC estime qu’avec ces améliorations, les services à l’étranger viseront 75 p. 100 des demandeurs du programme fédéral des travailleurs qualifiés et 44 p. 100 des demandeurs du programme des candidats des provinces[11].

L’outil Travailler au Canada

Aussi géré par RHDCC, l’outil Travailler au Canada est un site Internet qui relève du Bureau d’orientation et qui s’adresse aux immigrants éventuels. Il aide ces derniers à déterminer le nom de leur profession au Canada et, si elle est réglementée, le nom et les coordonnées de l’organisme de réglementation. Il permet en outre aux immigrants éventuels et aux nouveaux venus de lire l’information provenant de six bases de données nationales d’aide à l’emploi et d’obtenir un rapport sur une profession donnée dans une ville ou une région en particulier.

Initiative relative aux professionnels de la santé diplômés à l’étranger

En 2005, le gouvernement du Canada s’est engagé à verser 75 millions de dollars sur cinq ans pour l’Initiative relative aux professionnels de la santé diplômés à l’étranger, administré par Santé Canada. Cette initiative a pour but de supprimer les obstacles à l’intégration des professionnels de la santé et investit dans sept professions prioritaires. Quatre-vingt-dix pour cent des fonds qui y sont affectés vont aux gouvernements provinciaux et territoriaux en vertu d’ententes bilatérales, et 10 p. 100 sont destinés à des projets pancanadiens. Un exemple de projet financé par cette initiative est le programme d’orientation en ligne pour les professionnels de la santé formés à l’étranger qui a été mis sur pied par l’Université de Toronto (« Orientation to the Canadian Health Care System, Culture and Context »).

Les priorités de l’Initiative pour l’avenir consistent à renforcer les processus d’évaluation; à établir des programmes d’enseignement, de mise à niveau et de préparation aux examens cliniques; à améliorer les programmes de perfectionnement des précepteurs et du corps professoral; à consolider les programmes d’intégration au milieu de travail; à enrichir le savoir et l’information sur des carrières de remplacement; à faire progresser la coordination entre les gouvernements et les ordres professionnels[12].

Savoir reconnaître le succès : Recommandations du Comité

Les témoins ont indiqué au Comité que la reconnaissance des titres de compétences étrangers avait beaucoup progressé dans les dernières années. Ils ont dit voir d’un bon œil les programmes fédéraux actuels, mais ont aussi repéré des lacunes et des points à améliorer sous les aspects suivants :

  • Uniformité et transférabilité des processus de reconnaissance des titres de compétences étrangers à l’échelle du pays;
  • Reconnaissance des compétences et des diplômes des travailleurs étrangers temporaires et des étudiants étrangers;
  • Utilisation des évaluations des titres de compétences étrangers par les organismes d’agrément, les établissements d’enseignement et les employeurs;
  • Obstacles à la participation aux programmes de reconnaissance des titres de compétences étrangers, tels que les coûts et le revenu non gagné;
  • Compréhension des différences entre les processus de reconnaissance des divers groupes d’immigrants;
  • Incitation pour les employeurs à recruter des immigrants;
  • Intégration de la reconnaissance des titres de compétences à la méthode de calcul des points en matière d’éducation pour le programme fédéral des travailleurs qualifiés;
  • Accroissement des possibilités de reconnaissance des titres de compétences étrangers et d’intégration des médecins diplômés à l’étranger;
  • élargissement des programmes efficaces qui ne s’appliquent qu’à un petit nombre, ne sont pas financièrement viables sans le soutien du gouvernement fédéral et sont inaccessibles aux petits employeurs.

Après avoir entendu ces témoignages, le Comité est persuadé que le gouvernement fédéral est dans la bonne voie en ce qui concerne la reconnaissance des titres de compétences. Il lui reste à corriger certaines lacunes dans la mise en œuvre. Le Comité recommande des améliorations pour les cinq points suivants : les services de reconnaissance des titres de compétences étrangers offerts avant le départ, les occasions d’acquérir une expérience de travail, l’accès aux programmes de reconnaissance des titres de compétences étrangers, les mesures orientées vers les employeurs et la reconnaissance des titres de compétences des médecins diplômés à l’étranger.

Services de reconnaissance des titres de compétences étrangers avant le départ

Les initiatives fédérales décrites plus haut semblent donner de plus en plus d’importance aux services offerts avant le départ. C’est aussi la tendance dans les initiatives du secteur privé, comme l’a expliqué Mme Wendy Swedlove, de l’Alliance des conseils sectoriels : « Plusieurs conseils ont établi des programmes de certification qu’ils ont affichés sur le web pour permettre à l’immigrant éventuel de savoir s’il possède les titres de compétences nécessaires en fonction de l’emploi recherché au Canada[13]. » Mme Swedlove a précisé que, dans les domaines de l’environnement et du tourisme, les conseils se sont dotés de programmes pertinents à cet égard.

Des témoins ont toutefois indiqué qu’une plus grande partie du processus de reconnaissance pourrait se faire avant le départ. M. Tim Owen, qui dirige le service d’évaluation des titres de compétences étrangers reconnu par l’Ontario (World Education Service, Canada), a signalé que 10 p. 100 des demandes reçues par son organisme viennent de l’étranger, proportion qu’il juge « trop faible ». à son avis, « beaucoup plus d’immigrants devraient pouvoir commencer le processus d’évaluation de leurs attestations avant leur arrivée au Canada[14] ».

Le Comité pense aussi que l’enclenchement du processus de reconnaissance avant le départ est très avantageux pour les immigrants, qui sont du coup prêts à travailler à leur arrivée au Canada. C’est pourquoi le travail effectué à l’étranger par le Bureau d’orientation relatif aux titres de compétences étrangers est très prometteur et devrait être renforcé. Par exemple, les services précédant le départ pourraient aussi être offerts aux immigrants de la catégorie de la famille, dont un bon nombre ont eu une formation visant une profession réglementée ou possèdent des compétences et des diplômes utiles. De 1991 à 2003, 63 p. 100 des enseignants immigrés au Canada appartenaient à la catégorie de la famille ou à la catégorie humanitaire, de même que 62 p. 100 des infirmières et 42 p. 100 des médecins[15].

Recommandation 1

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada offre des services de reconnaissance des titres de compétences étrangers avant le départ à toutes les catégories d’immigrants dans les pays prioritaires que sont la Chine, l’Inde, les Philippines et le Royaume-Uni.

Occasions d’acquérir une expérience de travail

L’expérience de travail acquise au Canada peut déboucher sur un emploi durable dans le domaine de compétence de l’immigrant. Elizabeth McIsaac, du Toronto Region Immigrant Employment Council (TRIEC), a expliqué que les programmes d’acquisition d’expérience de travail portent fruit parce que, grâce à eux, les immigrants sont en mesure « d’occuper leur premier emploi au Canada et d’obtenir des références professionnelles, qui rassurent les employeurs qui craignent de prendre des risques[16] ».  Selon les statistiques, a-t-elle dit, plus de 80 p. 100 des participants trouvent un emploi à temps plein dans leur domaine après avoir pris part à ces programmes.

On a dit au Comité que le nombre d’immigrants qui demandent à participer à des programmes d’acquisition d’expérience de travail dépasse le nombre d’employeurs participants et de postes disponibles. Plusieurs témoins sont d’avis que le gouvernement fédéral devrait fournir un incitatif aux employeurs pour qu’ils organisent, par exemple, des stages. Des incitatifs financiers permettraient aux employeurs de toutes tailles, surtout aux petites et moyennes entreprises qui n’en auraient peut-être pas les moyens, d’offrir des occasions d’acquérir une expérience de travail à d’éventuels employés.

Un programme d’incitatifs destiné aux employeurs pourrait être mis en œuvre de différentes façons. Des témoins ont suggéré, par exemple, des crédits d’impôt, des subventions salariales ou des fonds directs aux employeurs. Le Comité croit que le meilleur mécanisme est celui qui ne poserait aucune difficulté aux utilisateurs finaux, c’est-à-dire les employeurs, et qui aurait pour effet d’accroître le nombre de places en milieu de travail pour faciliter l’acquisition d’une expérience de travail, tout en respectant les principes importants du marché du travail comme l’équité et le recrutement de travailleurs qualifiés. Par conséquent, le Comité formule la recommandation suivante :

Recommandation 2

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada envisage la mise en œuvre d’un programme d’incitatifs financiers grâce auquel les employeurs pourraient offrir des occasions d’acquérir une expérience de travail à court terme. Le mécanisme d’exécution d’un tel programme devrait tenir compte de la situation des entreprises de différentes tailles, des secteurs d’activité et de l’emplacement des entreprises.

Des témoins estiment que la fonction publique fédérale devrait faire figure d’employeur modèle en offrant des occasions d’acquérir une expérience de travail. Un témoin a indiqué que le Programme de stage pour les jeunes arrivants de CIC et le Programme pilote de stage pour les immigrants de RHDCC sont d’excellents exemples dont l’application devrait être élargie[17]. Mis en œuvre en 2008, le Programme de stage pour les jeunes arrivants de CIC a permis à 12 nouveaux citoyens canadiens et résidents permanents de faire des stages de quatre mois au Ministère l’an dernier[18]. Quant au Programme pilote de stage pour les immigrants de RHDCC, 15 professionnels formés à l’étranger ont pu obtenir un emploi l’an dernier.  RHDCC a pour objectif de permettre à 20 autres d’en obtenir un au cours du présent exercice. Le Comité croit que le gouvernement fédéral devrait prêcher par l’exemple et intégrer des programmes du genre dans la fonction publique.

Recommandation 3

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada mette en œuvre des programmes d’acquisition d’expérience de travail, tels le Programme de stage pour les jeunes arrivants et le Programme pilote de stage pour les immigrants, dans tous les ministères fédéraux et qu’il offre ces programmes à davantage de participants.

Accès aux programmes de reconnaissance des titres de compétences étrangers

Des témoins ont mentionné au Comité qu’il conviendrait d’améliorer l’accès aux programmes existants de reconnaissance des titres de compétences étrangers, car les immigrants n’ont pas nécessairement les moyens de payer les frais d’inscription aux programmes de formation ou les frais des examens d’agrément. En outre, le revenu non gagné en raison du temps consacré à la formation plutôt qu’à l’emploi représente, pour certains immigrants, un autre obstacle qui les empêche de participer à des stages de formation ou à des placements non rémunérés en milieu de travail.

Elizabeth McIsaac a fait mention d’une mesure novatrice prise dans le secteur privé pour régler ce problème : un programme d’emprunt amorcé par le TRIEC et par la Maytree Foundation, grâce auquel les immigrants peuvent se voir accorder des prêts d’au plus 5 000 dollars pour les frais d’inscription, les examens d’agrément ou encore comme soutien du revenu pendant la durée des activités de reconnaissance des titres de compétences étrangers[19]. Mme McIsaac a expliqué que ce programme comblait une lacune en matière de crédit offert aux immigrants et qu’il était assorti d’un taux de remboursement très élevé. Elle considère qu’il devrait être reproduit et mis en œuvre au niveau national.

Selon un autre témoin, bien que le programme d’emprunt ait été fructueux, des programmes du genre ne sont pas à la portée des immigrants à faible revenu[20]. Elle a rappelé au Comité que le taux de pauvreté des nouveaux immigrants au Canada est beaucoup trop élevé par rapport à d’autres groupes. Elle a suggéré au Comité d’envisager un projet pilote prévoyant des subventions fondées sur l’examen du revenu pour les immigrants à faible revenu qui souhaitent demander un soutien financier pour s’inscrire à des activités liées à la reconnaissance des titres de compétences.

Le Comité encourage le gouvernement à supprimer les obstacles qui freinent la participation des immigrants aux programmes de reconnaissance des titres de compétences étrangers; les immigrants pourraient ainsi se réaliser pleinement et mettre à contribution leurs compétences dans l’intérêt de la société. Le Comité se préoccupe toutefois de l’équité entre immigrants et citoyens nés au Canada. Les programmes de prêts fédéraux existants, notamment le Programme canadien de prêts aux étudiants et le Programme de prêts aux immigrants, constituent d’intéressants modèles qui tiennent compte du principe d’équité et de l’accès. Ces programmes peuvent aussi renseigner sur l’élaboration d’un programme de prêts pour les immigrants qui permettrait à ces derniers de s’inscrire à des programmes de reconnaissance des titres de compétences étrangers.

Recommandation 4

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada collabore avec les gouvernements provinciaux et territoriaux pour créer un programme d’emprunt facilitant la participation des immigrants aux programmes de reconnaissance des titres de compétences étrangers.

Mesures orientées vers les employeurs

Comme les employeurs jouent un rôle de premier plan en aidant les immigrants à faire reconnaître leurs titres de compétences, puis à obtenir un emploi, certains programmes de reconnaissance leur sont destinés. Les mesures orientées vers les employeurs sont particulièrement importantes dans les professions non réglementées, où les intermédiaires entre employeurs et travailleurs peuvent être moins nombreux. Ces mesures ont pour but de renseigner les employeurs sur ce que les immigrants peuvent leur offrir en tant qu’employés, sur les outils et les organismes pouvant les aider à comparer et à évaluer les compétences des immigrants de même que leur scolarité; les employeurs peuvent aussi obtenir des conseils pour favoriser l’intégration des immigrants dans le milieu de travail.

De concert avec CIC, l’Alliance des conseils sectoriels a élaboré la Feuille de route de l’employeur, « un guide point par point destiné aux employeurs de petites ou moyennes entreprises qui souhaitent embaucher des travailleurs formés à l’étranger[21] ». L’Alliance a également produit un outil qui aide les employeurs à analyser leurs véritables besoins quand ils cherchent des candidats possédant une « expérience canadienne[22] ». Un autre exemple de mesure orientée vers l’employeur est le programme de remise de prix que dirige le TRIEC et qui souligne l’initiative et l’innovation des employeurs qui embauchent des immigrants. 

Des études révèlent qu’il y a discrimination aux premières étapes du processus d’embauche, avant même l’entrevue. Dans le CV anonyme, certains renseignements personnels sont omis avant que le CV ne soit remis au recruteur, par exemple le nom et le prénom du demandeur, le lieu où il a fait ses études, les endroits où il a déjà travaillé, ainsi que l’adresse. Il s’agit d’une manière de mettre en valeur les compétences et l’expérience tout en contournant les préjugés. Le CV anonyme permet la sélection de candidats à l’entrevue exclusivement en fonction des critères de compétence, de formation et d’expérience. Le CV anonyme ne règle pas tous les cas de discrimination, mais il constitue un outil pédagogique et utile visant à éliminer le réflexe qui consiste à regarder en priorité le sexe, l’âge, l’adresse ou l’origine des candidats. Les CV anonymes ne se substituent pas à une évaluation rigoureuse des qualifications à une étape ultérieure du processus d’embauche, mais ils permettent avant tout de s’assurer que toutes les candidatures qui méritent d’être étudiées le sont à l’étape préliminaire.

Dans le présent rapport, le Comité a recommandé que le gouvernement envisage de verser des incitatifs financiers aux employeurs pour qu’ils offrent à d’éventuels travailleurs des occasions d’acquérir une expérience de travail à court terme, par exemple des stages et des internats. Une telle expérience augmenterait les chances des immigrants de trouver un emploi, mais elle ne garantit pas que les participants trouveront un premier emploi dans leur domaine de compétence. Prenons par exemple les programmes de placement d’étudiants : l’employeur qui peut offrir à un étudiant la possibilité d’acquérir une expérience de travail à court terme n’est pas toujours en mesure de lui offrir un emploi permanent à la fin du placement.

Recommandation 5

Reconnaissant que les nouveaux immigrants sont surreprésentés dans les taux de pauvreté, de chômage et de sous-emploi au Canada, le Comité recommande que le gouvernement du Canada utilise toutes les ressources disponibles, y compris des incitatifs financiers et fiscaux, pour atténuer leurs difficultés.

En ce qui concerne le train de mesures orientées vers les employeurs, le Comité croit que le gouvernement devrait prêcher par l’exemple en embauchant des immigrants. Dans le tout dernier rapport sur l’équité en emploi dans la fonction publique fédérale, il est indiqué : « Même si la représentation des minorités visibles continue de s’accroître, il persiste un écart avec l’estimation de la disponibilité au sein de la population active (10,4 p. 100)[23] ». Bien que les immigrants ne soient pas tous membres de minorités visibles et que ces derniers ne soient pas tous des immigrants, il reste que les objectifs d’équité en matière d’emploi représentent un moyen de faire preuve d’initiative et d’influer de manière tangible sur l’emploi des immigrants[24].

Recommandation 6

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada redouble d’efforts pour embaucher des membres des minorités visibles et pour assurer leur maintien en fonction, conformément aux engagements énoncés dans la Loi sur l’équité en matière d’emploi.

Les immigrants à la recherche d’un travail ont de la difficulté à faire reconnaître leurs titres de compétences et à surmonter les autres obstacles à l’emploi. En ce moment, ils disposent de moyens de recours limités s’ils estiment qu’un employeur n’a pas retenu leur candidature faute d’avoir reconnu les compétences ou les diplômes acquis à l’étranger. Le Code canadien du travail régit les pratiques d’embauche pour les secteurs sous réglementation fédérale comme les banques, les transporteurs interprovinciaux et les sociétés d’état, mais il n’offre pas le recours d’un arbitre à un demandeur d’emploi[25]. Les candidats qui pensent avoir subi de la discrimination dans le processus d’embauche d’un employeur sous réglementation fédérale peuvent déposer une plainte devant la Commission canadienne des droits de la personne.

La dotation en personnel dans la fonction publique fédérale est normalement régie par la Loi sur l’emploi dans la fonction publique[26], qui exige que les nominations se fassent selon le principe du mérite. Les candidats qui désirent contester un processus d’embauche externe peuvent se prévaloir du mécanisme d’enquête de la Commission de la fonction publique, et ceux qui veulent contester un processus d’embauche interne ou un abus de pouvoir peuvent s’adresser au Tribunal de la dotation de la fonction publique; les deux organismes peuvent prendre des mesures correctives[27]. Le Comité estime que ces mécanismes sont inadéquats et qu’un poste d’ombudsman doit être créé pour redonner confiance dans les pratiques d’embauche et renforcer l’obligation de rendre des comptes à leur sujet.

Recommandation 7

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada crée un bureau d’ombudsman où les candidats qui se sentent lésés pourraient présenter leurs plaintes sur le processus d’embauche des employeurs sous réglementation fédérale, y compris l’administration fédérale.

Médecins diplômés à l’étranger

Comme il existe au pays une pénurie de médecins diplômés à l’étranger, la reconnaissance des titres de compétences des diplômés de ce groupe préoccupe le gouvernement et le Comité. En dépit des progrès réalisés dans le cadre de l’Initiative relative aux professionnels de la santé diplômés à l’étranger, décrite précédemment, des témoins estiment qu’il faut en faire davantage. Par exemple, Mme Shahnaz Sadiq, de l’Alberta International Medical Graduates Association, a proposé qu’une procédure accélérée soit établie pour les personnes comptant moins de trois années de pratique[28]. Mme Kathryn McDade, de Santé Canada, a indiqué au Comité que son ministère travaille avec le Conseil médical à l’élaboration d’un processus d’évaluation national commun des compétences des médecins prêts à exercer la profession. Le Comité croit que ces travaux utiles profiteront aux immigrants et aux Canadiens. Par conséquent, le Comité formule les recommandations suivantes :

Recommandation 8

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada renouvelle le financement de l’Initiative relative aux professionnels de la santé diplômés à l’étranger pour une autre période de cinq ans et transfère au gouvernement du Québec la juste part de ces sommes afin qu’il puisse financer son processus de reconnaissance des titres de compétences et ce, selon l’entente fédérale-provinciale du 15 septembre 2004 (clause Québec).

Conclusion

Il est dans l’intérêt général de veiller à ce que les immigrants puissent mettre à profit les compétences, les connaissances et l’expérience qu’ils ont acquises dans leurs pays d’origine. Pour commencer, il convient d’établir des procédures permettant de déterminer des équivalences et des points de comparaison afin de valider les acquis; les employeurs auront ainsi l’assurance qu’ils embauchent des personnes compétentes et les immigrants sauront clairement s’ils doivent acquérir une formation supplémentaire.

Le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux et territoriaux, et leurs partenaires dans d’autres secteurs ont réalisé d’importants progrès. Les témoins ont exposé au Comité des exemples de réussite dans le domaine de la reconnaissance des titres de compétences étrangers au Canada, et le présent rapport en signale également. Cependant, compte tenu de la proportion élevée d’immigrants hautement scolarisés qui occupent des emplois exigeant peu d’instruction (on ne saurait ignorer le cas de chauffeurs de taxi et d’autres immigrants sous-employés), il reste beaucoup de chemin à parcourir.

Le Comité est d’avis que les recommandations contenues dans ce rapport au sujet des services de reconnaissance des titres de compétences étrangers avant le départ des immigrants, des occasions accrues d’acquérir une expérience de travail, de l’accès aux programmes de reconnaissance des titres de compétences étrangers, des mesures orientées vers les employeurs et de la reconnaissance des titres de compétences des médecins diplômés à l’étranger permettraient de miser sur le succès et affermiraient le leadership du gouvernement fédéral dans cet important domaine. Compte tenu des efforts que nous déployons pour assurer la reprise économique, nous ne pouvons nous permettre de faire fi du bassin de ressources abondantes que représentent les compétences et l’instruction des immigrants, et qui sont actuellement sous-utilisées au Canada.


[1]              Ressources humaines et Développement des compétences Canada, Aperçu du Programme de reconnaissance des titres de compétences étrangers, 11 avril 2008.

[2]              Jean-Francois LaRue, directeur général, Intégration au marché du travail, Direction générale des compétences et de l’emploi, Ressources humaines et Développement des compétences Canada, Témoignages, réunion no 30, 27 octobre 2009, 09:10.

[3]              Corinne Prince-St-Amand, directrice exécutive, Bureau d’orientation relatif aux titres de compétences étrangers, Citoyenneté et Immigration Canada, Témoignages, réunion no 30, 27 octobre 2009, 09:05.

[4]              Timothy Owen, directeur, World Education Services, Témoignages, réunion no 29, 22 octobre 2009, 09:05.

[5]              Elizabeth McIsaac, directrice générale, Toronto Region Immigrant Employment Council [TRIEC], Témoignages, réunion no 29, 22 octobre 2009, 09:30.

[6]              Jean-François LaRue, 09:10.

[7]              Ibid., 09:15.

[8]              Corinne Prince St-Amand, 09:05.

[9]              Bureau d’orientation relatif aux titres de compétences étrangers, Rapport d’étape 2007–2008.

[10]           Corinne Prince St-Amand, 09:05.

[11]           Ibid

[12]           Kathryn McDade, directrice générale, Direction des politiques de soins de santé, Santé Canada, présentation, réunion no 30, 27 octobre 2009.

[13]           Wendy Swedlove, présidente, Groupe de travail sur l’immigration et la reconnaissance des titres de compétences étrangers, Alliance des conseils sectoriels, Témoignages, réunion no 29, 22 octobre 2009, 10:05.

[14]           Timothy Owen, 09:05.

[15]           Lesleyanne Hawthorne, « Foreign Credential Recognition and Assessment: An Introduction », Thèmes canadiens, printemps 2007, p. 3-4.

[16]           Elizabeth McIsaac, 09:25.

[17]           Ibid.

[18]           Citoyenneté et Immigration Canada, Le ministre Kenney souligne le succès du Programme de stage pour les jeunes arrivants de CIC, 2009-06-08, http://www.cic.gc.ca/francais/ministere/media/communiques/2009/2009-06-08.asp.

[19]           Elizabeth McIsaac, 09:50.

[20]           Amy Casipullai, coordonnatrice, Politique et initiation publique, Ontario Council of Agencies Serving Immigrants (OCASI), Témoignages, réunion no 29, 22 octobre 2009,10:20.

[21]           Citoyenneté et Immigration Canada, Feuille de route de l’employeur pour l’embauche et le maintien en poste de travailleurs formés à l’étranger, 2009, p. 3, http://www.competences.gc.ca/employeurs/route/index.asp.

[22]           Wendy Swedlove, 10:50.

[23]           Agence de la fonction publique du Canada, L’équité en emploi dans la fonction publique du Canada : 2006-2007 et 2007-2008, 2008.

[24]           Amy Casipullai, 09:20.

[25]           L’arbitre est un moyen de recours accessible à certains employés non syndiqués — qui n’ont pas la possibilité de présenter un grief par l’entremise de leur syndicat — pour contester un congédiement injuste; voir l’article 240 du Code canadien du travail.

[26]           Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22. Cette Loi s’applique sauf si une autre loi fédérale régit l’embauche pour un organisme donné. Par exemple, les organismes fédéraux et les sociétés d’état ont des méthodes d’embauche régies par des lois distinctes, comme l’Agence du revenu du Canada, dont les pratiques d’embauche sont régies par la Loi sur l’Agence du revenu du Canada, L.C. 1999, ch. 17.

[27]           Voir Loi sur l’emploi dans la fonction publique, articles 66 et 81.

[28]           Shahnaz Sadiq, présidente, Alberta International Medical Graduates Association, Témoignages, réunion no 29, 22 octobre 2009, 10:25.