:
Monsieur le Président, comme les députés le savent peut-être, avant la période des questions, je parlais du projet de loi , qui concerne la question des droits civils au Canada.
Je tiens à souligner le travail appréciable accompli par certains dans ce pays au nom de la défense des droits civils des Canadiens ordinaires et au nom de tous les Nord-Américains. Je pense à des gens comme James Hoffa, président de la Fraternité internationale des Teamsters, de John Murphy, l’un des vice-présidents internationaux, de Robert Bouvier, président des Teamsters Canada, de Don McGill, vice-président international et adhérent de longue date aux Teamsters de la Colombie-Britannique, de Larry McDonald, des Teamsters de l’Ontario. Il faut aussi saluer l’excellent travail réalisé à l’échelon local par des membres des Teamsters de la Colombie-Britannique, comme Jure Kelava, Maureen Roberts et Larry Sargeant, qui combattent quotidiennement pour défendre les droits individuels.
Ce sont des personnes de cette trempe qui, quotidiennement, contribuent à appuyer et à renforcer les droits civils et les droits fondamentaux des Canadiens. Il incombe à tous les députés de se rappeler les efforts déployés par ces gens-là à l’heure où nous débattons de projets de loi comme le projet de loi
Revenons-en à ce que je disais essentiellement du projet de loi avant l’interruption. Je parlais du premier problème qu’il pose, soit le témoignage contraint sous la menace de l’emprisonnement en vertu de la Loi antiterroriste.
Le deuxième élément de ce projet de loi auquel toute personne soucieuse des droits de la personne s’opposera avec véhémence, c'est la disposition qui concerne la détention préventive. Celle-ci veut dire que l’État peut emprisonner n’importe qui pour un maximum de 12 mois sans l’inculper, sur un simple soupçon de participation à une activité terroriste.
L’article 1 du projet de loi , qui ravive l’article 83.3 du Code criminel dans sa quasi-intégralité, traite de l’engagement assorti de conditions et de la détention préventive destinée à empêcher la commission d’un acte terroriste potentiel. En vertu de cet article rétabli, après avoir obtenu le consentement du , un agent de la paix peut déposer des informations devant un juge d’une cour provinciale s’il estime qu’un acte terroriste est sur le point d’être commis et s’il juge nécessaire d’imposer un engagement assorti de conditions à la personne visée ou d’arrêter cette personne afin d’empêcher que cet acte soit commis.
La personne détenue doit ensuite être traduite devant un juge dans les 24 heures ou dès que possible, ce qui n’est pas précisé, afin de subir une audience de justification. Si le juge détermine que la personne doit faire l’objet d’une ordonnance d’engagement, l’intéressé ne doit alors pas troubler l’ordre public et doit respecter les autres conditions qui lui sont imposées pendant 12 mois, conditions auxquelles il est peu probable qu’un terroriste accepte de se plier. Toutefois, si la personne refuse de signer un tel engagement ou n’accepte pas les conditions qui lui sont faites, le juge peut ordonner qu’elle soit emprisonnée pendant une période maximale de 12 mois.
Comme je le disais avant l’interruption, les écoliers canadiens sont au courant du droit que l’on a de garder le silence. Ils savent aussi ce que présomption d’innocence veut dire. Ils croient dans les vertus de la tradition britannique sur laquelle repose l’appareil judiciaire canadien, tradition selon laquelle on ne peut emprisonner quelqu’un sur de simples soupçons. On ne peut emprisonner qui que ce soit sans arrestation, accusation ou condamnation. Or, c’est précisément ce que prévoit ce projet de loi.
Premièrement, les néo-démocrates s’opposent au projet de loi parce qu’ils le jugent inefficace pour combattre le terrorisme. Deuxièmement, ce texte porte atteinte de façon inutile et malvenue à nos libertés civiles. Comme je le disais, on ne protège pas la liberté en l’enfreignant. On ne protège pas les droits de la personne en les violant. On ne renforce pas l’application régulière de la loi en y renonçant.
On trouve déjà dans le Code criminel les dispositions nécessaires pour faire enquête sur les personnes qui se livrent à des activités criminelles et pour détenir quiconque pourrait présenter une menace immédiate à la sécurité des Canadiens. On ne saurait, à notre avis, lutter contre le terrorisme au moyen de mesures législatives irréfléchies qui portent atteinte aux droits; ce qu'il faut, c'est de l'intelligence, des efforts et des mesures policières appropriés.
Je suis fier de dire que le NPD prend une fois de plus position contre le gouvernement conservateur qui va trop loin. Je ne prends pas cette position pour le plaisir de le faire. Je le fais parce que le gouvernement va trop loin dans la réalisation d'un programme en matière de sécurité nationale qui transgresse les droits des Canadiens. Nous sommes tous d'avis qu'il est important d'assurer la sécurité nationale, mais cela ne peut se faire aux dépens des libertés civiles.
Qui dit assurer la sécurité du public dit essentiellement protéger la qualité de vie des Canadiens. Les ministériels le répètent sans arrêt. Mais la qualité de vie se définit de maintes façons. Si l'on sondait les membres de notre famille, nos voisins et des membres de notre collectivité, ceux-ci auraient sans doute des définitions différentes de ce qui fait la qualité de vie, mais il serait question du droit de vivre en paix, d'aspirer à la liberté et au bonheur et d'être protégé contre les incursions de l'État dans les libertés des citoyens.
Je crois que deux autres faits ressortent. Les gens sont en faveur de protéger le Canada contre le terrorisme et de vivre dans un pays sûr, mais ils sont également pour la liberté et les droits de la personne. Il faut se sentir en sécurité. Il faut avoir le sentiment que notre pays et nos collectivités sont sûrs et que nous pouvons nous promener dans les rues en toute sécurité. Il faut également avoir le sentiment que nos gouvernements fédéral et provinciaux, nos tribunaux et notre pays nous protègent. Et cela signifie protéger nos libertés civiles et nos droits de la personne.
Les Canadiens veulent également que toute loi en matière de sécurité représente un juste équilibre par rapport à ces droits, car la liberté et les droits sont aussi chers aux Canadiens que la sécurité nationale. Pour une raison quelconque, le gouvernement conservateur ne veut pas ou ne peut pas réaliser cet équilibre, comme il l'a prouvé en présentant le projet de loi et la mesure législative sur les certificats de sécurité. Les conservateurs ont adopté la mauvaise approche dans les deux cas. Leur approche en matière de lutte au terrorisme au Canada est déséquilibrée.
Faut-il combattre le terrorisme au Canada? Bien sûr. Mais le Code criminel contient déjà pour cela de nombreux outils que nous pouvons utiliser au lieu de recourir une fois de plus à une nouvelle mesure législative.
Étudions les faits. J'ai dit que cette mesure législative est inutile. On n'y a pas eu recours une seule fois pendant les cinq années qui ont suivi sa présentation en 2001. Le gouvernement affirme qu'elle est nécessaire. Si c'est le cas, pourquoi ne l'a-t-on jamais utilisée pour traduire quelqu'un en justice?
De plus, cette mesure est-elle efficace? Encore une fois, personne ne peut le dire, car on ne l'a jamais utilisée pour amener quelqu'un devant les tribunaux.
Je sais par contre que le Code criminel a été utilisé une fois avec succès pour accuser une personne de conspiration présumée en vue de commettre un acte terroriste. Cette personne est M. Momin Khawaja. Il est important de noter que nos lois pénales normatives et notre cadre juridique actuels nous permettent d'empêcher et d'enrayer toute tentative de la part de quiconque voudrait commettre un acte terroriste dans ce pays. Cette mesure législative est inutile.
Je peux en revanche présenter au moins cinq exemples, ces huit dernières années, de citoyens canadiens dont les droits ont été bafoués par la Loi antiterroriste, dont les dispositions sont dignes du maccarthysme des années 1950. La Loi antiterroriste de ce pays autorise des procès secrets. Elle autorise les témoignages à huis clos. Elle limite pour les accusés la possibilité que l'avocat de leur choix puisse procéder à un contre-interrogatoire et tester les éléments de preuve qui sont présentés en privé.
De qui s'agit-il? De gens comme Maher Arar. De gens comme Mohamed Harkat. De MM. Nureddin, El Maati et Almalki, qui ont été extradés et envoyés à des prisons étrangères sur la foi de témoignages secrets et non vérifiés. Ils ont été torturés dans des donjons en Syrie et en Égypte. M. Harkat a été sous le coup d'un certificat de sécurité pendant cinq ans absolument pour rien.
Les motifs raisonnables et probables dont les députés d'en face prétendent qu'on devra faire la démonstration avant d'emprisonner quelqu'un, d'émettre un certificat de sécurité ou de commettre une violation ne protégeront pas ces personnes. Désormais, on ne fait plus confiance au témoignage du SCRS sur la foi duquel ces cinq hommes ont perdu leur liberté et ont été torturés.
Pas plus tard qu'il y a deux semaines, la Cour fédérale a rendu une décision cinglante dans laquelle elle doutait du respect des ordonnances des tribunaux par le SCRS. Elle évoquait la possibilité d'une prévarication chez les témoins du SCRS. Pour tous ceux qui sont ici, « prévarication » c'est une façon polie pour un juge de dire « mensonge ». Elle constatait que le SCRS avait dissimulé aux avocats spéciaux nommés pour défendre M. Harkat des témoignages qui mettaient en doute la fiabilité des témoins à charge secrets.
Mes amis d'en face parlent de protection dans ce projet de loi. Qu'ils aillent donc le dire à M. Harkat. Qu'ils aillent le dire aux cinq individus dont on a violé les droits ou qu'on a torturés ou assignés à résidence depuis cinq ans. Eux aussi sont canadiens, mais on a enfreint leurs droits humains et civiques.
Je le répète, le projet de loi accomplirait deux choses choquantes pour quiconque croit à une société juste, aux libertés civiques et aux droits de la personne, quiconque croit à une justice équitable. Il obligerait les gens à témoigner sans pouvoir invoquer le risque d'auto-incrimination et il les forcerait à aller en prison en cas de refus. Il permettrait en fait à l'État d'incarcérer des gens pendant 12 mois sans qu'ils soient accusés de quoi que ce soit.
Nous prétendons que nous voulons préserver notre mode de vie et notre liberté dans ce pays. Faut-il le faire en violant notre liberté? Je réponds: non.
Nous savons bien que la Loi antiterroriste a été créée par le précédent gouvernement libéral en 2001. À l'époque, tous les libéraux étaient pour. Ils ont voté contre il y a deux ans, avec le NPD, et ils ont refusé le rétablissement des dispositions devenues caduques. Maintenant, on ne sait plus trop ce qu'ils pensent. On est dans le flou. C'est la position libérale classique.
On peut comprendre qu'une telle loi ait été adoptée dans le climat d'émotion et d'inquiétude profonde qui a suivi les attentats du 11 septembre. C'était une mauvaise chose, mais on peut le comprendre. Par contre, nous ne comprenons pas qu'un parlementaire puisse être d'accord ici pour violer les préceptes de la démocratie parlementaire et les droits civiques des Canadiens alors qu'en huit ans on n'a pas pu présenter une seule personne devant un juge et ainsi justifier cette loi.
Lorsqu'ils pensent calmement et rationnellement et sont en mesure de réfléchir aux besoins et à l'incidence réelle de la mesure législative, les parlementaires ne devraient pas intervenir à la Chambre pour violer les droits des Canadiens. Je me fiche de connaître leurs raisons. Les États ont toujours utilisé la peur pour justifier la restriction des libertés civiles. Ils ont toujours invoqué un quelconque croquemitaine pour porter atteinte à la liberté individuelle, mais il faut s'insurger contre de telles choses.
Les députés d'en face parlent des dispositions de protection du projet de loi. Revenons sur le cas de Mohamed Harkat. Même à l'époque, la loi contenait toutes ces dispositions et mesures de protection. Il y avait un contrôle judiciaire. Des avocats, appelés avocats spéciaux, avaient été nommés par la cour pour défendre M. Harkat. La cour avait ordonné au SCRS de communiquer des renseignements à ces avocats. Cela a-t-il aidé? C'est une question qu'il faut poser à M. Harkat. Cela fait des années qu'il est la victime d'un certificat de sécurité, et on apprend maintenant qu'on s'est appuyé sur le témoignage secret d'une personne qui, en fin de compte, n'avait aucune crédibilité.
J'aimerais passer au point central de mon discours. Si nous avons appris quelque chose depuis les attentats du 11 septembre, c'est que nos libertés fondamentales et la garantie de l'application régulière de la loi sont essentielles à la protection des droits des citoyens. C'est ce que nous protégeons. C'est justement la raison d'être des cadres législatifs au Canada.
Il faut expliquer aux députés d'en face qu'un gouvernement qui présente des mesures législatives qui violent ces mêmes droits sous prétexte de les protéger est le comble de l'ironie orwellienne.
Les droits civils dont nous jouissons, le droit de garder le silence, le droit de ne pas être détenu avant que l'État n'ait plaidé sa cause ou prouvé la culpabilité de l'accusé, sont les fondements même de la protection contre les éventuels abus de pouvoir de l'État. Ce ne sont pas des droits purement théoriques. Ils font partie du tissu de notre pays, du tissu des droits constitutionnels des citoyens.
Les néo-démocrates resteront sur leur position coûte que coûte et veilleront à la protection de tous les droits des citoyens canadiens et à la création d'un régime de sécurité fonctionnel et efficace au Canada qui respecte également les libertés civiles fondamentales et les droits des citoyens canadiens. Une telle chose est possible.
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Monsieur le Président, j'aimerais indiquer que je vais partager le temps qui m'est alloué avec le député de .
Je suis ravie de prendre la parole à la Chambre aujourd'hui pour appuyer le projet de loi , qui vise à redonner force de loi aux dispositions du Code criminel sur l'investigation et l'engagement assorti de conditions. Le projet de loi est presque identique au projet de loi , mort au Feuilleton à l'étape de la deuxième lecture à la Chambre lors d'une précédente législature.
[Français]
Mais d'abord, j'expliquerai rapidement ce que signifie une audience d'investigation et l'engagement assorti de certaines conditions.
[Traduction]
Les dispositions relatives à l'investigation permettront à un agent de la paix qui fait enquête sur un acte terroriste perpétré ou planifié de demander à un juge d'ordonner qu'une personne soupçonnée d'avoir des renseignements concernant l'acte terroriste en question comparaisse devant un juge ou présente des éléments de preuves. Avant de présenter une telle demande, l'agent de la paix devra avoir obtenu préalablement le consentement du procureur général pertinent. Chose essentielle, l'ordonnance en question autoriserait la recherche de renseignements ne concernant pas un accusé, mais bien un témoin.
[Français]
Quant à l'engagement assorti de conditions, il permettrait à un agent de la paix qui a obtenu le consentement du procureur général de déposer une dénonciation devant un juge de la cour provinciale s'il a des motifs raisonnables de croire qu'une activité terroriste sera mise à exécution et s'il a des motifs raisonnables de soupçonner que l'imposition, à une personne, d'un engagement assorti de conditions ou son arrestation est nécessaire pour éviter la mise à exécution de l'activité terroriste. Le juge pourrait alors faire comparaître la personne devant lui ou devant tout autre juge de la cour provinciale.
[Traduction]
Comme on l'a dit, un certain nombre d'arguments importants ont été soulevés dans le passé, particulièrement en ce qui a trait à la disposition concernant l'engagement assorti de conditions. Permettez-moi de les passer en revue.
D'abord, l'argument selon lequel la disposition concernant l'engagement assorti de conditions est inutile parce que le Code criminel renferme déjà d'autres dispositions auxquelles on pourrait recourir afin de prévenir l'exécution d'une activité terroriste. Il s'agit plus particulièrement des articles 495, 810 et 810.01 du Code criminel.
[Français]
L'alinéa 495(1)a) habilite un agent de la paix à arrêter sans mandat une personne qui, d'après ce qu'il croit pour des motifs raisonnables, est sur le point de commettre un acte criminel grave. En outre, les articles 810 et 810.01 s'appliquent lorsqu'une personne craint pour des motifs raisonnables qu'une autre personne ne lui cause des lésions personnelles ou ne commette une infraction d'organisation criminelle ou une infraction de terrorisme. En vertu des articles 810 et 810.01, un juge peut ordonner que l'autre personne contracte un engagement assorti de conditions.
[Traduction]
Ces dispositions portent toutes sur les personnes pour lesquelles il y a lieu de soupçonner qu'elles sont sur le point de commettre un crime ou qu'elle vont en commettre un. Elles ne visent personne d'autre et ont donc une portée très limitée. Par ailleurs, les dispositions sur l'engagement assorti de conditions s'appliqueraient dans des situations où l'on a des motifs raisonnables de croire qu'une activité terroriste sera entreprise et que l'imposition d'un engagement assorti de conditions à une personne est nécessaire pour empêcher une activité terroriste.
En d'autres termes, la police pourrait avoir de bonnes raisons de croire qu'un activité terroriste sera entreprise, mais ne pourrait pas autrement prendre des mesures à l'endroit d'une personne parce que l'agent n'aurait pas, au moment où il identifie la menace et la personne, de motifs suffisants pour remplir la condition relative aux motifs raisonnables pour cette personne en particulier. Cet agent peut n'avoir que des soupçons raisonnables. Étant donné la gravité du tort que pourrait causer une activité terroriste, il est vraiment nécessaire de pouvoir agir rapidement pour contrer la menace.
[Français]
Les dispositions sur l'engagement permettraient que l'on fasse comparaître devant un juge les personnes à l'égard desquelles il existe des motifs raisonnables de soupçonner qu'elles participent à des activités de terrorisme. Elles permettraient également qu'on les assujettisse à un contrôle judiciaire pour prévenir la perpétration d'actes de terrorisme. C'est pourquoi les dispositions sur l'engagement assorti de conditions sont nécessaires et judicieuses.
[Traduction]
Pour ce qui est de l'investigation, quelqu'un a dit qu'elle privait la personne du droit de garder le silence. Nous avons entendu le député néo-démocrate le répéter plusieurs fois durant son exposé. Cependant, n'oublions pas que la Cour suprême du Canada en a jugé autrement. En application de l'article 83.28 du Code criminel, en 2004, la Cour suprême a conclu que la disposition sur l'investigation n'enfreignait pas l'article 7 de la Charte.
En fait, la Cour suprême a jugé qu'une personne témoignant lors d'une investigation était mieux protégée que tout autre témoin dans un procès pour une affaire criminelle. Le projet de loi clarifie également que la durée de la détention d'un témoin arrêté pour assurer sa comparution à une investigation se limite à 90 jours, comme c'est le cas pour les témoins mis sous garde dans le cadre d'un procès pénal en vertu de l'article 707 du Code criminel.
[Français]
La disposition prévoyant l'engagement assorti de conditions s'inspire en grande partie des dispositions sur l'engagement de ne pas troubler l'ordre public du Code criminel. Elle a été modifiée, comme je l'ai mentionné, pour permettre de prévenir les actes de terrorisme prévus. Elle prévoit également des garanties, notamment la nécessité d'obtenir le consentement du procureur général concerné.
[Traduction]
On prétend aussi que l'imposition d'un engagement assorti de conditions accole à la personne visée une étiquette de présumé terroriste. Cependant, comme on l'a fait remarquer, le Code criminel renferme d'autres dispositions relatives à l'engagement de ne pas troubler l'ordre public. C'est le cas, par exemple, lorsqu'une personne est tenue de respecter cet engagement parce qu'on a des motifs raisonnables de croire qu'elle causera des lésions corporelles ou qu'elle commettra une infraction sexuelle contre un jeune. Ces mesures existent à l'heure actuelle. Dans ces cas, il n'est pas nécessaire qu'une accusation soit déposée au criminel.
Ces dispositions devraient-elles être éliminées parce qu'une étiquette pourrait être accolée à des personnes, et ce, même si elles n'ont pas commis de crime? Je ne crois pas que ce soit le cas. Le gouvernement a examiné la recommandation importante figurant dans le rapport provisoire du sous-comité de la Chambre des communes selon laquelle le pouvoir d'investigation devrait être limité aux enquêtes sur les infractions terroristes « imminentes » — ce mot est important —, et non sur celles qui se sont déjà produites. Cette recommandation n'a pas été acceptée.
[Français]
En effet, cette proposition ne tenait pas compte, par exemple, de la possibilité qu'un groupe terroriste planifie une série d'actes terroristes rapprochés. Une audience d'investigation portant sur la première infraction, tenue après coup — soit à l'égard d'une infraction de terrorisme déjà commise — pourrait mettre au jour des renseignements importants qui permettraient de prévenir la perpétration des autres infractions.
[Traduction]
J'ai tenté de répondre à certains des arguments qui avaient été soulevés à l'encontre de ces dispositions. J'estime que ces critiques ne résistent pas à un examen minutieux. Les dispositions proposées sont très peu intrusives et ne constituent pas une menace pour les valeurs canadiennes. En fait, elles les protègent. Par conséquent, je prierais tous les députés d'appuyer ce projet de loi.
:
Monsieur le Président, j'interviens aujourd'hui pour discuter du projet de loi visant à rétablir les dispositions sur l'investigation et l'engagement assorti de conditions, qui ont pris fin en mars 2007.
Les dispositions sur les investigations permettaient à un juge d'interroger des personnes disposant de renseignements sur un acte de terrorisme passé ou à venir. L'engagement assorti de conditions permettait d'imposer, au besoin, des conditions à une personne pour l'empêcher de mener des activités terroristes à bien. Ces dispositions n'existent pas seulement au Canada. D'autres pays démocratiques ont des outils similaires ou des outils qui vont beaucoup plus loin que les mesures proposées dans le projet de loi actuel.
Je crois qu'en comparant les mesures proposées avec celles qui existent dans d'autres pays, il deviendra évident que les mesures sur l'investigation et l'engagement assorti de conditions qui sont prévues dans le projet de loi seront considérées comme des mesures raisonnables et pas excessives du tout.
Permettez-moi de me pencher tout d'abord sur la question de l'investigation. En 2001, le Royaume-Uni a criminalisé le fait de ne pas communiquer de l'information concernant un attentat terroriste. Toute personne qui aurait pu aider les policiers à prévenir un acte de terrorisme, ou à arrêter ou poursuivre une personne ayant participé à des activités terroristes, mais qui ne l'a pas fait, s'exposerait à une peine de prison pouvant aller jusqu'à 5 ans.
De plus, au Royaume-Uni, la Loi antiterrorisme de 2006 permet à une autorité chargée d'une enquête, comme le directeur des poursuites publiques, d'obliger une personne à répondre à des questions relatives à une investigation ou à fournir des documents portant sur une enquête relative à un acte terroriste.
Aux États-Unis, un grand jury fédéral peut assigner une personne à témoigner sous serment à moins qu'elle puisse invoquer un privilège. Toute personne qui fait obstruction aux travaux d'un grand jury s'expose à être reconnue coupable d'outrage.
L'Australie et l'Afrique du Sud ont adopté des procédures semblables à l'investigation proposée au Canada.
Le Canada ne va certainement pas plus loin que d'autres pays démocratiques en prévoyant une procédure d'investigation. D'autres pays en ont fait autant, ou sont même allés plus loin, pour s'assurer d'avoir les outils dont ils ont besoin pour faire enquête sur les actes de terrorisme.
Le système australien correspondant à l'engagement assorti de conditions est un système de mesures restrictives et de détention préventive des personnes soupçonnées de terrorisme. La police fédérale australienne peut s'adresser à un juge pour demander une ordonnance de détention préventive pouvant aller jusqu'à 48 heures dans le cas d'une personne soupçonnée de terrorisme lorsqu'un attentat terroriste a été perpétré ou qu'il est imminent.
En Australie, les États et les territoires autorisent, en vertu de leur loi, la détention préventive pour des périodes pouvant aller jusqu'à 14 jours. Le fait de révéler qu'une personne est détenue alors qu'elle est en détention préventive y est passible d'une peine d'emprisonnement maximale de cinq ans. Le rapport sur l'exercice de 2006 au 30 juin 2007 de la police fédérale australienne indique qu'une mesure restrictive temporaire a été prise, mais qu'aucune ordonnance de détention provisoire n'a été émise. Une mesure restrictive temporaire a expiré en décembre de l'année dernière.
De même, au Royaume-Uni, les pouvoirs en matière de détention de présumés terroristes sont beaucoup plus grands qu'au Canada dans le cadre du régime d'engagements assortis de conditions. Au Royaume-Uni, en vertu de la loi antiterroriste modifiée en 2000, une personne peut être arrêtée sans mandat et détenue sans accusations pour des périodes pouvant aller jusqu'à 28 jours si la police a des motifs raisonnables de la soupçonner d'être terroriste.
Comme beaucoup le savent, le gouvernement britannique, dans le projet de loi antiterroriste qu'il a proposé, a voulu prolonger encore davantage la période maximale de détention provisoire en la portant à 42 jours. Toutefois, cette initiative s'est révélée très controversée et à été rejetée par la Chambre des Lords en octobre 2008. Par la suite, le gouvernement britannique a laissé le projet de loi franchir toutes les étapes au Parlement britannique sans la disposition relative aux 42 jours, mais il a également publié un projet de loi qui lui donnerait le pouvoir de détenir une personne durant 42 jours, qu'il garde en réserve et qu'il présentera au Parlement britannique s'il y a lieu.
Le Royaume-Uni possède également un système de mesures restrictives, qui est en place depuis l'adoption de la loi sur la prévention du terrorisme en 2005. Ce système permet généralement au secrétaire de l'Intérieur de s'adresser à un tribunal pour imposer des restrictions à une personne s'il existe des motifs raisonnables de la soupçonner d'être ou d'avoir été impliquée dans des activités liées au terrorisme, et cette mesure est considérée comme nécessaire afin de protéger le public contre le terrorisme.
On peut imposer des mesures restrictives aux citoyens ainsi qu'aux non-citoyens. Il y a deux types de mesures restrictives, à savoir celles qui dérogent à la convention et celles qui n'y dérogent pas.
Les premières dérogent à la Convention européenne des droits de l'homme. Ce type de mesures pourraient s'appliquer dans le cas de détentions à domicile. Les deuxièmes ne dérogent pas à la convention. La Chambre des lords a maintenant statué sur certaines des affaires mettant en cause des mesures restrictives qui ne dérogent pas à la convention. Elle a statué, par exemple, que la mesure qui exigeait qu'une personne reste à la maison pendant 18 heures chaque jour violait le droit à la liberté garanti par la Convention européenne des droits de l'homme, mais que des couvre-feux de 12 heures et peut-être même de 16 heures étaient acceptables.
Les mesures restrictives qui ne dérogent pas à la convention demeurent en vigueur pendant 12 mois, mais elles peuvent être renouvelées. Selon le rapport trimestriel sur l'utilisation des mesures restrictives, qui couvre la période allant du 11 septembre 2008 au 10 décembre 2008, 15 mesures restrictives sont actuellement en vigueur. Sur ce nombre, quatre s'appliquent à des citoyens britanniques.
De plus, la loi antiterroriste de 2000 donne aux policiers britanniques d'autres pouvoirs qui n'existent pas au Canada. Par exemple, la police peut désigner une certaine zone et ordonner aux gens de la quitter ou de ne pas y entrer. Toute personne qui ne lui obéirait pas pourrait être accusée d'avoir commis une infraction. Un agent de police supérieur peut autoriser un agent en uniforme à fouiller un véhicule ou une personne dans une zone désignée si cela peut aider à prévenir un acte terroriste. Comme nous pouvons le constater, les pouvoirs des agents britanniques dépassent de loin ceux qui sont accordés aux agents canadiens à des fins d'application de la loi.
Finalement, j'ajouterais que la nécessité de remplir nos obligations internationales devrait également nous inciter à rétablir ces pouvoirs. La résolution 1373 du Conseil de sécurité des Nations Unies, dont le Canada est signataire, oblige les États parties à « prendre les mesures voulues pour empêcher que des actes de terrorisme ne soient commis ». C'est l'objectif visé par les dispositions proposées dans ce projet de loi.
J'ai longuement parlé des mesures qui existent dans d'autres pays démocratiques qui sont la cible de menaces terroristes et dont les systèmes de justice ressemblent au nôtre. Comme j'ai tenté de l'expliquer, les dispositions que nous essayons maintenant de remettre en vigueur ne constituent pas une atteinte aux droits de la personne. Au contraire, elles occasionnent un minimum d'intrusion et sont plus limitées que celles adoptées par nos homologues étrangers. Elles ne menacent pas les valeurs du Canada; en fait, elles les protègent. Par conséquent, je demande à tous les députés d'appuyer ce projet de loi.
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Monsieur le Président, je prends aujourd'hui la parole sur le projet de loi .
Le Parti libéral du Canada appuie, en principe, ce projet de loi. Je le dis parce que ce projet de loi a une histoire liée au 11 septembre 2001.
Les gouvernements du monde entier ont été chargés de mettre en place une législation anti-terrorisme afin de protéger leur pays dans le cas d'une attaque à leur sécurité et leur sûreté.
La sécurité et la sûreté que l'on tenait pour acquises n'existent plus. Dans le monde d'aujourd'hui, de la circulation rapide, d'évolution des valeurs et des attitudes, les relations internationales tendues sont devenues une réalité incontournable.
Plusieurs députés se rappellent sûrement que le Canada a approuvé la législation anti-terrorisme initiale, en décembre 2001, en raison de la clause d'extinction qui donnait au Parlement le droit de réexaminer la législation après cinq ans. Les députés étaient inquiets et à juste titre de voir la peur bafouer les droits fondamentaux des Canadiens, particulièrement ceux issus des communautés culturelles, et particulièrement, il ne faut pas se la cacher, des individus identifiés comme originaires du Moyen ou du Proche-Orient.
[Traduction]
Bien que le Parlement ait amélioré cette loi, ce qui a subsisté, c'est la criminalisation d'activités pacifiques et le risque de procès injustes.
Aujourd’hui, nous voyons le genre de tourments permanents auxquels est soumis Mohamed Harkat, réfugié d’Algérie, libéré en 2006 après avoir passé trois ans et demi en prison sans procès. Il est accusé d’avoir des liens avec des organisations terroristes. Tout récemment, à la fin mai, 16 policiers ont effectué une perquisition chez lui, dans le Sud d’Ottawa. Ils se sont présentés avec trois chiens renifleurs spécialement entraînés pour détecter des armes, des explosifs et de l’argent, tout cela parce qu’ils voulaient avoir la certitude que M. Harkat respectait les conditions de sa libération.
Voici un homme, et il n’est pas le seul au Canada, qui a été détenu sans procès, dont les droits humains ont été régulièrement violés au nom de la sécurité et de la sûreté. Il n’est malheureusement pas le seul cas de ce genre au Canada.
De plus, la Cour fédérale a déclaré plus tard que les agents frontaliers du Canada étaient particulièrement indiscrets. D’après le juge Simon Noël, l’équité doit prévaloir. Il estimait que ces agents avaient dépassé les limites en saisissant des articles comme des photos de famille. Dans son jugement, il remet aussi en question la conduite du SCRS et le fait que ses informateurs n’étaient pas dignes de foi. Cela étant, il est possible que les informations utilisées pour mettre M. Harkat derrière les barreaux soient fausses. Ce sont les informations que le gouvernement, y compris le , a utilisées pour expulser ce père de famille.
Le juge Noël, qui a présidé dans cette cause, et qui est apparemment réputé être l’un des juges les plus respectés et les plus expérimentés du Canada dans les affaires de terrorisme, s’est demandé si le SCRS n’aurait pas volontairement caché des informations qui auraient pu blanchir cet homme.
C’est ça les valeurs qui prévalent désormais au Canada: l’injustice et l’iniquité, l’impossibilité de pouvoir prouver son innocence devant un jury de pairs? Il existe sûrement une autre façon de faire. Disons à des gens comme Mohamed Harkat et Adil Charkaoui, cet enseignant de Montréal, que ce ne sont pas là les piliers, les valeurs et les principes sur lesquels le Canada a assis son système démocratique, avant que le gouvernement conservateur n’arrive au pouvoir.
[Français]
Permettez-moi de rappeler les faits relatifs au projet de loi . Tout d'abord, la disposition du Code criminel concernant les audiences d'investigation permet aux autorités d'obliger un individu à présenter un témoignage sans lui donner le droit de refuser de répondre à des questions sous prétexte que les réponses peuvent l'incriminer. Le but de cette disposition est d'obliger les complices secondaires d'un présumé complot terroriste, qui pourraient détenir des informations vitales, à présenter un témoignage plutôt que les principaux suspects, qui sont très enclins à mentir pour se protéger.
La deuxième disposition du Code criminel vise les arrestations à titre préventif. Cela permet à la police d'arrêter et de détenir un individu, dans certains cas sans mandat à cette fin, à la condition qu'elle ait des motifs raisonnables de croire que l'arrestation empêchera la commission de nouveaux actes terroristes.
Il y a plusieurs éléments qu'il faut absolument retenir en ce qui concerne la position du Parti libéral du Canada. Tout d'abord, mon parti prend la sécurité des Canadiens et des Canadiennes et la protection de leurs droits très au sérieux. Ensuite, comme dans tous les cas de législation qui concernent la sécurité nationale, nous pensons qu'il faut chercher un équilibre entre la sécurité publique, d'une part, et les libertés individuelles, de l'autre. Nous accueillons évidemment favorablement la décision prise par le gouvernement d'inclure des garde-fous de sécurité, eux-mêmes proposés par les comités spéciaux du Sénat et de la Chambre des communes qui ont déjà étudié le sujet. Cela a déjà été souligné par d'autres avant moi. Ces précautions améliorent le projet de loi et contribuent à calmer les inquiétudes au sujet des libertés individuelles que nous avions soulevées lors de l'étude de versions précédentes de ce texte.
Le projet de loi revient sur un autre projet de loi qui avait été présenté dans l'autre Chambre et qui, à l'époque, s'appelait le projet de loi . Ce dernier avait été discuté dans un comité de l'autre Chambre et portait sur les audiences d'investigation et d'arrestation à titre préventif. Ce texte avait été présenté en 2007 et réintroduit avec des gardes-fous supplémentaires. Un travail d'envergure a déjà été apporté à ce projet de loi. Le texte de loi révisé à l'époque, en 2007, exigeait que les agents de police prouvent au juge qu'ils ont eu recours à toutes les autres méthodes pour obtenir les informations dont ils ont besoin.
Le texte de loi exige également que le procureur général et le et de la protection civile fasse un compte rendu annuel au Parlement pour expliquer leur opinion sur le fait que ces dispositions doivent être prorogées ou non. En octobre 2007, à cause de la prorogation de la Chambre, le projet de loi qui avait été référé à l'autre Chambre n'a pas été reconduit ici, à la Chambre des communes.
Le projet de loi comprenait des améliorations qu'il faut souligner. Premièrement, les agents de police doivent prouver au juge qu'ils ont eu recours à toutes les autres méthodes raisonnables et légales pour obtenir ces informations. Deuxièmement, toute personne convoquée pour une audience d'investigation peut demander et retenir les services d'un avocat. Troisièmement, le procureur général et le et de la protection civile doivent faire un compte rendu annuel au Parlement pour justifier la prorogation de ces dispositions. Quatrièmement, tout juge d'une cour provinciale peut entendre des arguments concernant une arrestation préventive. Cinquièmement, les dispositions spéciales anti-terroristes seront caduques après cinq ans, à moins que les deux Chambres du Parlement ne s'entendent sur leur prorogation.
Le projet de loi que nous étudions présentement en Chambre est, dans l'ensemble, identique à la version du projet de loi tel qu'amendé par le Sénat et dont je viens de faire état des éléments les plus importants.
[Traduction]
Je me rends compte que ce projet de loi va susciter des points de vue très émotifs. Il m’a fallu longtemps pour peser les pour et les contre de ce projet de loi, parce que celui-ci est très important pour la population et pour notre mode de vie au Canada.
Certains groupes sont, depuis toujours, la cible de terroristes prêts à passer aux actes. La protection et la sécurité sont donc importantes. Si, pour y parvenir, il faut réduire les droits humains des autres, alors il faudra l’accepter.
Ce qu’il y a de valable avec ce projet de loi, c’est que l’article 2 ajoute de nouveaux paragraphes à l’article 83.31 du Code criminel pour imposer au et au et de la Protection civile de déposer des rapports annuels distincts relativement aux articles 83.28, 83.29 et 83.3. Ces rapports devront présenter des opinions et des raisons expliquant s'il y a lieu de proroger ou non ces articles.
Il est important que ce projet de loi soit renvoyé au comité afin de faire l’objet d’un examen attentif et d’un débat poussé. Je tiens à rappeler à tous les députés, et à tous ceux qui liront le compte rendu de ce débat, que ce dernier ne s’arrêtera pas là. Si ce projet de loi est accepté par la Chambre, il sera alors renvoyé à un comité. Les membres du comité y proposeront des amendements. Les groupes favorables ou opposés à l’application de ces dispositions comparaîtront devant le comité pour donner leur avis et faire part de leurs suggestions.
[Français]
Le renvoi pour étude au comité permettra des amendements, et j'espère bien que ces amendements apporteront un équilibre entre la sécurité publique, que nous avons tous à coeur, et une autre chose que nous avons tous à coeur également, soit la liberté individuelle au Canada.
:
Monsieur le Président, je suis ravi de pouvoir expliquer aux députés l'importance des pouvoirs que contient le projet de loi .
Le projet de loi a pour but de remettre en vigueur les dispositions sur l'investigation et l'engagement assorti de conditions qui faisaient à l'origine partie de la Loi antiterroriste, mais qui ont cessé d'être en vigueur le 1er mars 2007 lorsqu'elles sont devenues caduques.
Le projet contient des modifications aux dispositions initiales afin de tenir compte du grand nombre de recommandations qui ont été faites par les deux comités parlementaires qui ont examiné la Loi antiterroriste. J'ai personnellement présidé le sous-comité du Comité permanent de la sécurité publique et nationale qui a étudié la Loi antiterrorisme. Le sous-comité a formulé un certain nombre de recommandations dans le rapport provisoire qui a été déposé le 23 octobre 2006. La majorité des membres du sous-comité recommandaient notamment que les deux dispositions soient prorogées pour cinq ans, jusqu'à la fin du 15e jour de séance du Parlement suivant le 31 décembre 2011. Le sous-comité a également recommandé la tenue d'un nouvel examen parlementaire avant toute nouvelle prorogation. En outre, il a recommandé que la disposition sur l'investigation soit limitée aux occasions où un officier de la paix invoquerait le risque imminent de commission d'une infraction terroriste.
Je voudrais parler des dispositions relatives aux investigations et aux engagements assortis de conditions et aussi des aspects dont le comité a traité dans le rapport d'octobre 2006, ainsi que du rapport du Comité sénatorial déposé en février 2007. Également, le projet de loi contient des amendements formulés l'an dernier par le Sénat lorsqu'il s'est penché sur le projet de loi , le prédécesseur du projet de loi à l'étude.
Comme résultat, le projet de loi que nous étudions améliorerait les garanties en matière de droits de la personne et élargirait les exigences visant les rapports annuels. Le projet de loi est identique à l'ancien projet de loi amendé par le Sénat en mars 2008, sauf pour une grande exception. Cette exception a trait aux changements additionnels apportés au paragraphe 83.28(12), que j'expliquerai plus loin. Le projet de loi S-3 est mort au Feuilleton en raison des élections de l'automne de 2008. Le projet de loi à l'étude prend le relais du projet de loi S-3.
Les dispositions sur l'investigation et l'engagement assorti de conditions sont des instruments conçus pour aider les organismes d'application de la loi à être mieux en mesure de prévenir les attentats terroristes. Je vais tout d'abord parler des investigations. Il semble que j'aie déjà parlé de cette question à la Chambre lorsque je suis intervenu au sujet du projet de loi au cours de la 39e législature. Cependant, il est question ici d'outils très importants pour les organismes d'exécution de la loi qui nous permettent de nous protéger d'attentats terroristes.
La disposition sur l'investigation permettrait aux tribunaux d'obliger une personne à témoigner et à fournir l'information qu'elle est susceptible de détenir sur une infraction liée au terrorisme. Voici comment se déroulerait la procédure issue de cette disposition. Avec le consentement préalable du procureur général, un agent de la paix qui fait enquête sur un acte terroriste perpétré ou planifié peut demander à un juge d'ordonner qu'une personne soupçonnée d'avoir des renseignements concernant l'acte terroriste en question comparaisse devant un juge pour répondre à des questions ou produire quelque chose.
Un juge peut émettre une ordonnance autorisant la recherche de renseignements s'il estime qu'il existe des motifs raisonnables de croire qu'un acte terroriste sera commis, qu'une personne possède des renseignements directs ou pertinents s'y rapportant et que des efforts raisonnables ont été déployés pour obtenir par d'autres moyens les renseignements recherchés. Il convient de souligner que la disposition sur les audiences d'investigation et le processus qui y est associé ont été déclarés constitutionnels par la Cour suprême du Canada en 2004. La disposition a été déclarée constitutionnelle en raison des garanties qui sont étroitement associées à l'exercice du pouvoir en cause. J'énumère ces garanties.
Tout d'abord, seul un juge d'une cour provinciale ou d'une cour supérieure de juridiction criminelle peut émettre une ordonnance d'investigation.
Deuxièmement, avant qu'on puisse présenter une demande d'ordonnance d'investigation, le procureur général du Canada ou le procureur général ou le solliciteur général de la province en cause doit approuver la présentation de la demande.
Troisièmement, la personne convoquée à l'audience d'investigation a le droit de retenir les services d'un avocat et de lui donner des instructions à toutes les étapes de la procédure.
Quatrièmement, tout élément de preuve incriminant présenté par la personne au moment de l'audience d'investigation ne peut pas servir contre elle dans d'autres procédures criminelles sauf en cas de poursuites pour parjure ou pour présentation de témoignages contradictoires. Cette interdiction s'applique également à toute preuve dérivée, c'est-à-dire à tout élément de preuve recueilli pendant le témoignage lors de l'audience d'investigation ou dérivé de ce témoignage.
Cinquièmement, la Cour suprême du Canada a également déclaré que le recours à cette disposition enclenche une exemption constitutionnelle contre l'auto-incrimination qui exclut toute contrainte à témoigner lorsque l'objectif principal de l'audience est d'obtenir des éléments de preuve pour intenter des poursuites contre la personne. En d'autres mots, une personne ne peut pas être amenée devant un juge et contrainte de témoigner si l'objectif premier de l'audience est de recueillir des renseignements contre cette personne afin de porter des accusations contre elle.
Sixièmement, le procureur général du Canada et les procureurs généraux des provinces restent tenus de produire chaque année un rapport sur le recours aux dispositions sur les audiences d'investigation.
Enfin, il convient de souligner que la Cour suprême du Canada a déclaré que la protection contre l'auto-incrimination lors d'audiences d'investigation tenues dans le cadre d'enquêtes criminelles s'applique également aux cas d'expulsion et d'extradition.
Il y a quelques nouveaux éléments dans le projet de loi . Il y a de nouvelles garanties de protection des droits de la personne que l'on ne trouvait pas dans la loi originale. Par exemple, il est prévu dorénavant qu'avant d'accepter une demande d'investigation, le juge doit s'assurer que l'on a fait des efforts raisonnables pour obtenir les renseignements par d'autres moyens. Auparavant, une telle disposition était incluse dans la loi, mais seulement dans le cas de la recherche de renseignements sur un acte terroriste appréhendé, et non dans le cas d'une infraction terroriste commise précédemment. De plus, des efforts raisonnables devaient avoir été faits pour obtenir les renseignements uniquement de la part de la personne visée. Il n'était pas nécessaire d'avoir également fait des efforts pour les obtenir en s'adressant à d'autres personnes.
Il y a un autre changement par rapport aux dispositions précédentes, et il en a été question tout à l'heure. Il s'agit d'une modification de la version anglaise du paragraphe 83.28(12) du Code criminel. Dorénavant, le juge aurait le pouvoir, et non l'obligation, de confier à la garde d'un agent de la paix une chose remise pendant l'interrogatoire. Ce changement rendrait la disposition conforme à la décision de la Cour suprême sur l'application de l'article 83.28 du Code criminel. Conformément à cette décision, le juge a un pouvoir discrétionnaire important dans le cas d'une investigation, ce qui fait que le mot « shall » devrait être remplacé par le mot « may ».
En outre, le paragraphe 83.29(4), que l'on ne trouvait pas dans la loi originale, préciserait que l’article 707 du Code criminel, concernant la détention des témoins, s’applique à la personne mise sous garde pour une investigation. Par conséquent, les témoins entendus lors d'une investigation jouiraient des mêmes garanties procédurales relativement à leur détention que les témoins dans une poursuite au criminel.
J'aimerais également vous parler de la disposition concernant les engagements assortis de conditions. En vertu de cette disposition, le juge aurait le pouvoir de délivrer une ordonnance pour qu'une personne soit soumise à des conditions qu'elle accepte de respecter, de manière à l'empêcher de se livrer à des activités terroristes. Cette disposition vise à permettre aux autorités de mettre fin à la préparation d'un attentat terroriste au lieu d'attendre après le fait.
Cette disposition n'est pas conçue pour qu'on puisse détenir une personne. La personne est plutôt relâchée tout en étant soumise à une supervision autorisée par un juge. Voici ce qui se passe dans le cas d'un engagement assorti de conditions.
Avec le consentement préalable du procureur général, un agent de la paix qui a des motifs raisonnables de croire qu'une activité terroriste aura lieu et qui a également des motifs raisonnables de croire qu'un engagement assorti de conditions ou l'arrestation d'un individu est nécessaire pour prévenir cette activité peut déposer une dénonciation devant un juge d'une cour provinciale. Ce juge peut convoquer l'individu devant lui ou devant tout autre juge d'une cour provinciale. Dans des cas très rares, l'agent de la paix peut arrêter cet individu sans mandat afin de l'amener devant le juge.
Dans tous les cas, l'individu sera amené devant un juge dans les 24 heures ou le plus rapidement possible si aucun juge n'est disponible à l'intérieur de ce délai. Si l'individu est gardé en détention pour protéger la population ou pour garantir sa comparution devant le juge, la question peut être ajournée au maximum 48 heures. Par conséquent, un individu ne peut, dans ces circonstances, être détenu qu'un maximum de 72 heures.
Si le juge estime qu'il n'est pas nécessaire d'exiger de cet individu un engagement assorti de conditions, celui-ci sera remis en liberté. Si le tribunal détermine que l'individu devrait prendre un engagement assorti de conditions, cet individu devra respecter l'ordre public et se conformer à d'autres conditions raisonnables pendant une période maximale de 12 mois. Si l'individu refusait de prendre l'engagement assorti de conditions, le juge pourrait ordonner qu'il doit détenu pendant un maximum de 12 mois.
Comme c'est le cas pour l'investigation, l'engagement assorti de conditions est sujet à de nombreuses mesures de protection. Le consentement du procureur général du Canada ou du procureur général ou du solliciteur général d'une province est évidemment requis. L'agent de la paix peut aussi déposer une dénonciation devant un juge s'il a des motifs raisonnables de croire que l'activité terroriste aura lieu. Le juge qui reçoit la dénonciation pourrait décider de ne pas donner suite à l'affaire, par exemple, si les renseignements ne sont pas fondés.
Les deux dispositions qui sont arrivées à échéance en 2007 étaient des outils importants qui ont été utilisés ou qui peuvent être utilisés pour garantir la sécurité des Canadiens et les protéger des attaques terroristes. Les Canadiens craignent de telles attaques et ils veulent que les responsables de l'exécution de la loi disposent des outils pour garantir le maintien de leur sécurité.
Bien sûr, il y a eu l'attaque au Royaume-Uni le 7 juillet 2005.
Au Canada, il y a quelques années, on a arrêté des Canadiens soupçonnés de préparer une attaque terroriste.
Les Canadiens s'attendent à ce que nous demeurions vigilants.
Le comité que j'ai présidé durant la 39e législature a consacré énormément de temps à l'étude de cette mesure. Un peu plus tôt, j'ai parlé des recommandations que le comité avait présentées à la Chambre, des recommandations qui reflétaient celles présentées au Sénat.
En 2007, après la publication du rapport provisoire du comité à l'automne 2006, à quelques mois du moment où les dispositions sujettes à caducité allaient devenir caduques, alors que la majorité des membres du comité avait appuyé le rapport, dans les tout derniers jours qu'il nous restait pour maintenir ces deux dispositions sujettes à caducité, le Parti libéral, ou à tout le moins les membres du comité qui avaient appuyé la reconduction de ces dispositions sujettes à caducité, a retiré son appui au maintien de ces dispositions.
Nous avons présenté de nouveau le projet de loi au cours de la 39e législature. Il y a eu des élections à l'automne 2008, si bien que ce projet de loi est mort au Feuilleton.
Le projet de loi vise à rétablir ces deux dispositions qui, nous le savons, peuvent faire partie de l'arsenal dont nous disposons pour continuer de protéger les Canadiens et de lutter contre le terrorisme.
Ces dispositions continueraient d'être revues de façon régulière. C'est là une des recommandations que le sous-comité a présentées au Parlement au cours de la 39e législature, à savoir que nous fassions en sorte que ces dispositions continuent d'être revues. Ces dispositions sont strictes. Ce sont des outils importants. Elles doivent être revues, car nous ne connaissons pas les effets qu'elles pourraient avoir. Ce sont des mesures extraordinaires.
Je ne vois maintenant aucune raison valable de ne pas rétablir ces dispositions et de les intégrer à l'arsenal de mesures que les parlementaires et les organismes d'application de la loi peuvent utiliser pour assurer la sécurité des Canadiens.
J'invite les députés à appuyer ce projet de loi. Renvoyons-le au comité et adoptons-le.
:
Monsieur le Président, je suis heureux de participer à ce débat concernant le projet de loi qui vise à présenter de nouveau, si j'ai bien compris, deux dispositions que cette Chambre n'avait pas voulu valider lorsque nous en avions été saisis en 2007.
Je me rappelle le débat que nous avions eu en 2002. J'étais à la Chambre, élu depuis déjà quelques années. Si mon souvenir est exact, la responsable de la sécurité publique à ce moment-là était la ministre McLellan et, encore une fois si mon souvenir est exact, il y avait eu un comité législatif et le Bloc québécois était représenté par le député de Saint-Jean. Ce n'était pas le Comité permanent de la sécurité publique et nationale ni le Comité permanent de la justice et des droits de la personne qui avaient été saisis de ces propositions. Je me rappelle très bien le contexte. À l'époque, il y avait eu les attentats du 11 septembre 2001. Il y avait une espèce de psychose et tous les pays se sentaient interpellés face à la nécessité d'une vigilance accrue concernant le terrorisme. Je dirais que ce contexte de psychose nous avait fait réaliser comment nous étions vulnérables comme société, comme collectivité et comme grand ensemble.
Je me rappelle avoir lu des textes et assisté à des conférences où on nous parlait d'un nouveau phénomène lié au terrorisme. Il s'agissait du terrorisme de masse où on s'attaquait à des populations civiles innocentes. On avait vu des exemples dans les métros et dans les aéroports. Il s'agissait de gens qui poursuivaient des objectifs idéologiques. On n'était plus en présence de groupes s'affrontant entre eux, mais bien à la recherche de moyens de fragiliser et de terroriser les populations civiles. Il y avait, bien sûr, une recherche de solution pour se prémunir — fort légitimement, je le conçois très bien — de ces menaces.
C'était l'époque où le Congrès américain avait adopté assez rapidement le Patriot Act. Je crois également que le Royaume-Uni avait adopté une législation. La France avait adopté une législation. Le Canada ne voulait pas être en reste et avait donc adopté une législation.
Ce serait une erreur pour les parlementaires de se laisser guider par des considérations qui, à leur base même, sont erronées. Quand on regarde les dispositions proposées, on a un peu l'impression qu'on voudrait condamner des gens. On voudrait contraindre des gens à comparaître devant des juges sans s'acquitter d'un fardeau de preuve qui est manifestement déraisonnable. À l'époque, on plaidait l'urgence. Je suis très fier que le Bloc québécois n'ait pas cédé à ce contexte de psychose. Il y avait également un très fort courant de sympathie envers les Américains. Le premier ministre Chrétien était allé marcher à Ground Zero avec tous les chefs de parti.
Évidemment, nous avons une relation un peu particulière avec les États-Unis. L'ancien président Kennedy disait, en parlant de la relation entre le Canada et les États-Unis, que la géographie avait fait de nous des voisins, et l'histoire, des amis. C'est vrai qu'il y a une relation un peu symbiotique entre le Canada et les États-unis. Que ce soit la frontière, l'idéal américain ou le flux commercial. Il y a une intégration qui, dans certains contextes, peut être extrêmement néfaste. Toutefois, il n'est pas dans mon intention d'en parler maintenant.
Je suis fier que le Bloc québécois ait résisté à voter pour des dispositions qui, eu égard aux objectifs recherchés, ne sont pas la solution qu'il faut privilégier. Cela ne veut pas dire que lorsqu'on ne souscrit pas à ces dispositions, l'une plus que l'autre si j'ai bien compris, particulièrement lorsqu'il est question de détention préventive à l'article 83.3, que nous ne sommes pas inquiets face au terrorisme, que nous ne sommes pas vigilants, que nous croyons que comme société il ne faut pas anticiper ce phénomène et que nous croyons que ce phénomène est inexistant.
On m'a même expliqué que dans le monde en ce moment, il y a une prolifération très inquiétante de groupes terroristes et que le terrorisme le plus menaçant, le plus agissant devrais-je dire, est celui qui est guidé par des considérations souvent idéologiques sur fond d'animation religieuse. Cela dit, nous sommes des parlementaires, des démocrates. Nous avons sans cesse à l'esprit l'équilibre qui doit exister dans un Parlement entre des droits et, bien sûr, une finalité qui, dans ce cas-ci, est de protéger les populations civiles. En 2002, il ne nous apparaissait pas que cet équilibre était atteint et que les moyens qu'on nous proposait étaient susceptibles de nous y conduire. Par l'intermédiaire de mon collègue de , qui a siégé au Comité permanent de la sécurité publique et nationale, nous reconduisons la position et les inquiétudes que nous avions en 2002 lorsque nous avions regardé les dispositions qui nous étaient soumises.
Pourquoi avons-nous des inquiétudes? C'est parce que pour un parlementaire, la fin ne peut jamais justifier les moyens. On ne peut jamais prendre des raccourcis lorsqu'il est question de mandat, d'appréciation de la preuve ou de détention, même si on parle de 24 heures. On ne peut jamais prendre de raccourcis parce que si on le fait en cette matière, il n'y a plus de limites et il survient une perte de vigilance qui n'est pas à l'honneur de la fonction que nous occupons.
Des gens ici ont vécu la crise de 1970. J'étais un peu trop jeune, mais je me rappelle bien, pour en avoir été saisi par des témoignages de l'histoire orale, combien 1970 représente une espèce de tache dans notre histoire collective des droits de la personne. On avait suspendu des libertés et, de ce fait, on a commis des excès envers des poètes, des chanteuses, des gens qui étaient animés par la liberté, qui croyaient à une certaine idéologie, mais qui d'aucune manière ne représentaient une menace pour la société.
Au Bloc québécois, nous ne sommes pas prêts à donner notre concours à ce type de raccourci démocratique et cela d'autant moins lorsque l'on regarde l'histoire de ces dispositions, une histoire qui est jeune, j'en conviens. Les audiences d'investigation sont des mécanismes par lesquels on peut demander à un juge de paix de la Cour provinciale ou de la Cour supérieure d'enjoindre à un citoyen de venir présenter de l'information et de répondre à des questions. Même si certains mécanismes peuvent permettre que cela ne soit pas préjudiciable pour un témoignage ultérieur, il reste qu'il y a cette possibilité de contraindre quelqu'un, toujours sur la base de soupçons. Ces audiences d'investigation, même si elles sont davantage balisées, représentent quand même des risques sur le plan de l'équité procédurale et de la démocratie. J'aurai l'occasion d'y revenir.
Les audiences d'investigation, comme les arrestations et les détentions préventives, sont des dispositions qui existent et qui n'ont jamais été utilisées. C'est quand même un peu étonnant. J'entendais des députés ministériels nous dire tout à l'heure qu'il s'agissait d'outils dont ont besoin les différents organismes responsables de l'application de la loi. Or, c'est une contradiction, pour ne pas dire un paradoxe, peut-être même une incohérence que de donner à penser que des outils sont impératifs pour les organismes d'application de la loi, mais qu'on ne les a jamais utilisés. Est-ce qu'on ne peut pas mettre dans l'analyse que la raison pour laquelle nous ne les avons pas utilisés, c'est parce qu'il existe d'autres moyens alternatifs qui sont codifiés, qui sont dans le Code criminel et que les organismes responsables de l'application de la loi peuvent utiliser?
On comprend bien que lorsqu'il est question de terrorisme, un peu comme lorsqu'il est question de crime organisé, il ne s'agit pas de phénomènes de génération spontanée. Il s'agit de phénomènes qui demandent des investigations de longue haleine et énormément de ressources. Le Bloc québécois ne conteste pas le fait que l'intelligence des renseignements soit nécessaire ou que l'on doive avoir des mandats d'écoute électronique. J'étais aussi en cette Chambre lorsqu'on a prolongé les mandats d'écoute électronique. Non seulement, ces derniers peuvent être nécessaires, mais il peut aussi y avoir des opérations de filature.
Le terrorisme et les réseaux qui le rendent possible sont des phénomènes qui renvoient à des organisations. Il est normal qu'un État puisse utiliser tous ses moyens pour tenter d'anticiper ce qui va se produire. Non seulement c'est normal, mais c'est aussi notre devoir. La société ne serait pas rassurée sans le Service canadien du renseignement de sécurité, la GRC et tous ceux qui ont la responsabilité de l'intelligence des renseignements. Je suis d'accord et je comprends que l'État doive avoir des organismes qui auront ces différents réseaux à l'oeil et qui utiliseront l'écoute électronique, la filature, l'infiltration, le contre-espionnage et tous les moyens légaux à la disposition des dirigeants pour anticiper, prévoir et suivre de manière extrêmement vigilante le comportement de ces gens.
Prenons la question de la détention préventive. Il y a évidemment un risque d'abus et de stigmates considérable. Dans notre système juridique, il y a d'abord une question d'équité. Si l'État, avec ses moyens régaliens, contraint les individus et s'introduit dans leur vie privée, il est normal qu'il y ait une contrepartie à cela. Cette dernière est la connaissance que les individus auront de la preuve qui pèse sur eux et les mène vers une condamnation. Afin qu'ils aient une connaissance et une compréhension de cette preuve et qu'ils puissent préparer leur contre-défense, ils doivent savoir de quoi ils sont accusés et ils doivent être arrêtés selon des modalités prévues dans le Code criminel.
En matière de détention préventive, il y a un certain bris de cet équilibre. Si j'ai bien compris, lorsqu'il est question de détention préventive, les individus peuvent être arrêtés sur la base de motifs ou de soupçons. Les soupçons, sur le plan judiciaire, sont des considérations beaucoup moins solides. Lorsqu'on a des raisons de penser que des individus commettront des actes terroristes, on a généralement de l'information nous permettant d'apprécier cette situation. Il existe différentes dispositions. Pourquoi n'utiliserait-on pas celle du complot? Si mon souvenir est exact, il s'agit de l'article 467 du Code criminel. Pourquoi n'utilise-t-on pas les dispositions concernant le complot?
Si l'on veut contraindre une personne à adopter un certain comportement et à faire en sorte qu'il souscrive à l'engagement de ne pas troubler l'ordre public, pourquoi ne pas utiliser l'article 810? Il y a une différence considérable entre l'article 83.3 que l'on nous a proposé et l'article 810. Dans un cas comme dans l'autre, on vise le même objectif, soit éviter un effet et s'assurer que quelqu'un souscrit à un engagement de ne pas troubler l'ordre public. Dans le cas de l'article 810, la personne est convoquée et elle doit se présenter devant un juge de paix, mais elle n'est pas arrêtée. Il s'agit d'une première distinction extrêmement importante.
Le juge peut lui imposer de souscrire à un engagement de bonne conduite, et ce n'est que si la personne refuse de signer cet engagement qu'elle est arrêtée. Si mon souvenir est exact, la personne peut être arrêtée pour au moins 12 mois, mais je me demande si on n'a pas augmenté cela à 24 mois, du moins dans le cas de l'article 810.
Voilà donc des dispositions qui sont loisibles d'utilisation pour les différentes personnes responsables de l'application de la loi. Malheureusement, l'article 83.3 va beaucoup plus loin que cela. La personne peut être détenue pendant 24 heures. Le juge peut également imposer des conditions de respect de l'ordre public, il n'y a pas de doute là-dessus. Toutefois, un stigmate pèsera sur cette personne parce qu'elle sera traduite devant un juge de paix et sera associée à des motifs donnant à penser qu'elle est liée à des activités terroristes.
Être associé à un stigmate comme celui-là peut avoir des répercussions sur l'emploi qu'on occupe. Si cela vient à l'oreille ou à la connaissance d'un employeur, cela peut ternir la réputation de la personne employée dans cette organisation. L'employeur peut donc remettre en cause son allégeance en tant qu'employé de même que son contrat de travail.
Le fait que cet employeur apprenne que l'un des ses employés est associé à des activités terroristes, ne serait-ce que par soupçons, peut certainement entraîner un bri de confiance, que l'on peut comprendre mais qui est extrêmement préjudiciable et qui ne repose ni sur une mise en accusation, ni sur une preuve solidement établie ni sur la conduite d'un procès avec les règles du jeu qu'on connaît, mais simplement sur un processus nous conduisant vers un agent de la paix qui, sur la base de soupçons, pourra traduire quelqu'un devant lui.
Une fois qu'on est associé à des activités terroristes par soupçons interposés, cela a non seulement des répercussions sur la question de l'emploi, mais cela peut également avoir des répercussions sur notre mobilité, si on veut se déplacer par avion ou par n'importe quel autre moyen, par exemple.
Encore une fois, en ce qui a trait à l'objectif poursuivi, le Canada, pas plus que le Québec, n'est à l'abri de mouvements terroristes. Nous pouvons concevoir cela. Pourquoi demander aux parlementaires de prendre des raccourcis démocratiques dont on n'a même pas l'assurance qu'ils seront utilisés par les organismes responsables de l'application? Bien au contraire, comme on le disait tantôt, jusqu'à preuve du contraire, ces dispositions n'ont pas été utilisées.
En ce qui concerne la prévention d'actes terroristes, en vertu de l'article 495 du Code criminel, un agent de la paix peut arrêter sans mandat une personne qui, d'après ce qu'il croit pour des motifs raisonnables, est sur le point de commettre un acte criminel. On constate que des dispositions existent déjà.
Je dois dire sans aucune méchanceté, parce que j'en serais foncièrement incapable, que je suis surpris de l'attitude de nos collègues de l'opposition officielle. Les libéraux sont associés aux chartes et à la société juste de Pierre Elliott Trudeau, et je croyais qu'ils répondaient normalement toujours positivement à l'appel pour mettre fin à des pratiques qu'on peut juger extrêmement discrétionnaires et inquiétantes pour les droits de la personne. Or je ne comprends pas que l'opposition officielle prête aujourd'hui sa voix et son concours au gouvernement. Si mon calcul est bon, cela veut dire que le projet de loi risque d'être adopté. Même si le Bloc québécois et le NPD s'y opposent, on peut réalistement prévoir l'adoption du projet de loi.
C'est honteux, d'autant plus que le chef du Parti libéral, quand j'étais étudiant en droit, était reconnu comme une sommité en matière des droits de la personne. Comment peut-il aujourd'hui baisser la garde et autoriser son parti à donner son appui à un projet de loi qui, rappelons-le, est extrêmement inquiétant sur le plan des droits de la personne ou des abus potentiels qui peuvent en résulter?
Mon temps étant terminé, je lance un appel pour qu'on n'adopte pas le projet de loi .
:
Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole sur ce projet de loi. J'ai l'intention de traiter d'un certain nombre de sujets de manière à brosser un tableau de l'ensemble de la situation.
Il arrive trop souvent à la Chambre que nous parlions d'un projet de loi précis, par exemple du C-19. Nous parlons de dispositions particulières dans un projet de loi. Nous traitons des règles que ces projets de loi établissent et des nuances dans leur application. Trop souvent, les Canadiens, les principaux intéressés comme les responsables de l'application de la loi et les procureurs généraux, entre autres, et nous tous, oublions que ces mesures s'inscrivent dans un contexte plus large.
Aujourd'hui, nous discutons essentiellement de certains éléments du Code criminel du Canada. J'ai déjà dit quelques fois qu'un bon moyen de mettre les conservateurs de notre côté était de rappeler l'une des meilleures choses qu'ils aient jamais faites en tant que parti. Ils ont accueilli parmi les leurs un brillant représentant des Maritimes qui fut premier ministre et ministre de la Justice. Je parle de sir John Thompson. En 1892, alors ministre de la Justice, sir Thompson a compilé et rédigé le Code criminel du Canada. C'était bien des années après notre accession au rang de pays. Le député de Scarborough dit que c'est peut-être la dernière bonne chose qu'ils aient faite. C'est probablement injuste de dire cela, mais l'histoire en jugera.
Nous vivons depuis avec ce Code criminel qui a été promulgué en 1892 et n'a jamais fait l'objet d'une révision globale. Autrement dit, nous y ajoutons sans cesse de nouveaux éléments. Le Code criminel épaissit sans cesse. L'un de ces éléments que nous avons promulgués dans la foulée des événements du 11 septembre, après des attaques terroristes contre l'Amérique du Nord et contre notre sécurité et notre souveraineté telles qu'on les concevait alors, est l'article 83.1. C'est un article distinct sur le terrorisme qui est devenu loi le 17 janvier 2002.
C'est dans ce contexte que nous avons décidé de consacrer 24 pages du code à des tactiques et mesures antiterroristes. Je crois qu'il convient que je commence par ce point, parce que j'ai surtout entendu des propos redondants de la part des conservateurs concernant des détails précis de la Loi antiterroriste et le fait que nous devons renflouer cette mesure parce que, en 2007, elle n'était pas assez solide pour rester à flot. Nous devons la consolider et colmater les fuites. Ce ne sont que deux paragraphes qui représentent une très petite partie des 30 pages.
Nous n'avons eu aucune discussion approfondie sur ce que nous avons fait en 2002 en réaction aux attaques du 11 septembre. Toutefois, ce que j'entends depuis ce matin de la part des députés de l'opposition, c'est que le Code criminel couvre toutes les activités criminelles et que les actes de terrorisme ne devraient pas vraiment faire l'objet d'un traitement particulier. D'autres sections du Code criminel protègent les libertés individuelles. Les criminels sont des individus accusés de crimes. Ils disent que ces sections devraient être suffisantes et qu'il n'y a pas lieu d'avoir une section particulière sur le terrorisme.
Beaucoup de choses ont été écrites sur la façon dont le Canada et le Parlement ont réagi aux attaques du 11 septembre. On pourrait penser, après un certain temps, que nous avons réagi de manière excessive en empiétant sur les libertés et les droits individuels définis par la Charte. L'histoire nous le dira. Selon moi, il faut plus que trois, cinq ou même dix ans pour que les événements entrent dans l'histoire. Comme on dit, l'histoire est écrite par les vainqueurs, mais elle est également écrite une fois que les gagnants et les perdants ont disparu depuis longtemps. L'histoire nous dira si l'Amérique du Nord et l'Occident ont réagi de manière excessive aux attaques du 11 septembre.
Par contre, lorsqu'on lit l'article 83.1 du Code, on constate que le libellé touche plusieurs points en détail afin de tenir compte de situations internationales. Je ne crois pas que l'on puisse dire que l'article 83.1 dans son ensemble va trop loin. Je n'ai pas encore entendu les partis de l'opposition demander à ce que cet article soit rayé du Code. Les autres partis de l'opposition semblent donc dire que l'article 83.1 vaut la peine d'être conservé.
Je pense à mes collègues du Bloc, particulièrement le député de , qui critiquent certaines parties de l'article 83.1, notamment celles sur l'engagement et la détention préventive, qui sont au coeur du débat d'aujourd'hui. Il est très curieux que ce même député, au Comité de la justice, ait proposé une motion en vue de dresser une liste des organisations criminelles pour qu'elles soient considérées comme des associations illégales, afin de contribuer à la lutte contre le crime. C'est une bonne analogie parce que c'est exactement ce que nous avons fait dans l'article 83.1. En vertu d'une décision du Cabinet, par décret, nous pouvons établir une liste de groupes terroristes, auxquels s'appliquera cette partie du Code criminel.
Le député du Bloc, qui a défendu sa position avec grande éloquence, ne se rend pas service quand il dit que nous devrions faire de même à l'échelle nationale, c'est-à-dire renforcer l'article 467.1 du Code criminel, qui porte sur le crime organisé, avec une liste, prévue dans la loi, des associations de criminels organisés, comme nous l'avons fait en 2002 pour les organisations terroristes.
Je m'inquiète un peu du fait que les députés de l'opposition critiquent peut-être trop vivement la loi alors qu'ils ne s'étaient pas opposés à la majeure partie de celle-ci jusqu'à présent.
J'ai une chose à dire sur le crime organisé. Ce n'est pas mon intention de faire de la publicité pour les prochaines audiences du Comité de la justice, mais il convient de mentionner que le Code criminel consacre 26 pages au terrorisme et 4 pages au crime organisé. Nous tentons actuellement que le crime organisé soit visé par l'article 83.1 sur le terrorisme, en nommant les organisations et en renforçant l'article. Si on veut parler du crime organisé, on peut citer l'article 467.1 et dire que c'est ce que le Parlement a voulu faire pour s'attaquer à ce problème.
La Chambre reconnaît bien le problème particulier du crime organisé. Contrairement à ce que disent mes collègues des autres partis de l'opposition, tout cela ne figure pas ailleurs dans le Code criminel. On ne parle pas de voies de fait simples ou de meurtres. On parle de meurtres, de voies de fait et du tort commis par des organisations criminelles.
C'est plus facile à comprendre parce que nous savons ce qu'il en est des organisations criminelles, de la drogue et des crimes. Nous sommes confrontés à cette réalité tous les jours. Nous constatons qu'on ne traduit pas suffisamment en justice les auteurs de crimes. Ces crimes sont commis sous nos yeux et ceux de nos électeurs. Cette situation est évidente, bien connue et nous en sommes témoins. Nous comprenons donc qu'il est nécessaire de s'y attaquer.
C'est dans les mois qui ont suivi le 11 septembre 2001 que nous avons vu la nécessité de l'article 83.01. Comme je le dis, je ne crois pas que nous soyons revenus sur la nécessité d'inclure une article distinct dans la loi antiterrorisme.
Comme dans le cadre de tous les examens des lois et comme chaque fois qu'une loi s'impose, il est important, de temps à autre, de prendre du recul pour voir si nous sommes allés trop loin. Je ne dis pas que cette question devrait faire partie du débat d'aujourd'hui, mais la définition d'un acte terroriste est donnée à l'article 83.01. On en trouve également la définition dans bon nombre de déclarations universelles. Je ne vais pas passer toutes ces définitions en revue. Elles ont été bien pensées par les organismes internationaux et formulées dans des déclarations et des conventions. Elles y figurent toutes. Les définitions sont précises. Il en existe également pour les omissions ou les actes commis au Canada ou à l'étranger.
C'était en fait novateur que cette partie du code prenne en considération les omissions ou les actes commis à l'étranger. Il était primordial que le Canada traite les infractions terroristes différemment de façon à se conférer une compétence extraterritoriale. On y dit encore que ces actes sont commis au nom — exclusivement ou non — d’un but, d’un objectif ou d’une cause de nature politique, religieuse ou idéologique,
Je connais un certain nombre d'avocats, dont nul autre que le député de , qui ont eu un rôle à jouer dans certains cas très notoires. Ils ont indiqué que cette expression, qui est précurseur du débat sur les articles qui s'en vient, est peut-être un peu trop vaste.
Si on y pense bien, on ne s'interroge pas au sujet des motifs idéologiques, politiques ou religieux qui poussent des groupes du crime organisé à ouvrir des ateliers de cannibalisation ou à cultiver de la marijuana pour faire des profits dans le trafic de la drogue, corrompant du coup nos jeunes avec des drogues illicites. On ne se soucie guère de cela. On s'inquiète du fait que ces gens sont organisés, qu'ils ciblent des groupes particuliers et qu'ils causent du tort à autrui en commettant divers crimes qui, autrement, seraient prévus dans le code.
C'est la même chose lorsqu'il est question de terrorisme. On peut dire que des motifs idéologiques poussent une personne à devenir un kamikaze, et je comprends cela, mais, à notre époque, dans un pays aux valeurs pluralistes, le mot « religieux » touche un point sensible, ce qui, à mon avis, est répréhensible. L'absence de ce mot dans la Patriot Act nous suggère que la Déclaration des droits américaine ne l'approuverait pas.
Si on devait évaluer les réactions aux événements du 11 septembre 2001, on pourrait dire que les Américains ont eu une réponse un peu plus réactive que la nôtre. L'histoire se chargera de juger cela. Je dis cela à titre d'entrée en matière parce que je sais que l'influence d'une grande partie de ces dispositions législatives pourrait être britannique.
Comme il ne dispose pas de code, le Parlement britannique a adopté des dispositions législatives en réaction au terrorisme il y a beaucoup plus longtemps. Il possède certaines des meilleures unités antiterroristes et unités de collecte de renseignements de sécurité au monde en raison de sa longue expérience du terrorisme, qui était principalement causé par les « problèmes » en Irlande du Nord. Encore une fois, cela nous ramène à l'idée entretenue il y a longtemps qu'il s'agissait d'un problème exclusivement religieux. Il pourrait être utile d'examiner cette situation.
Souvenez-vous que l'on parle ici des trois ou quatre dernières pages. Les vingt premières pages environ du projet de loi parlent des pouvoirs spéciaux qui pourraient être accordés aux juges et aux procureurs pour qu'ils recueillent des éléments de preuve et fassent saisir des biens. Comme le prévoit l'article 83.03, commet une infraction quiconque fournit ou rend disponibles des biens ou des services à des fins terroristes. Il y a l'article complet portant sur la création de la liste.
Il est question de l'admission de renseignements secrets obtenus de gouvernements étrangers, qui ne s'appliqueraient pas nécessairement à un crime au Canada. C'est la raison pour laquelle nous avons besoin de l'article 83.1. Il est question de blocage des biens, qui est aussi un élément spécial de la campagne antiterroriste pour se dispenser de certaines parties du Code criminel. Il est question de l'immunité en matière de divulgation. Il est question de pouvoirs de vérification qui sont nécessaires pour pénétrer les organisations terroristes. Il est question, dans cet article, de demandes de blocage et de saisie de biens. Il est question du maintien de dispositions spécifiques sur la confiscation de biens et de la participation à une activité ou à un groupe terroriste, qui constituent les infractions secondaires nommées ou définies.
Il est question de plusieurs activités, comme d'héberger ou de cacher des terroristes, de charger une personne de se livrer à une activité terroriste. Je le mentionne avant que nous passions au débat sur les investigations et le mandat d'arrestation pour mettre une personne sous garde dans ce contexte.
La population canadienne devrait savoir — et les parlementaires devraient se le rappeler constamment — que nous n'avons pas l'intention de supprimer l'article 83.01., la Partie II.1. Personne ne s'est levé pour dire que nous devrions les supprimer.
La disposition dite de temporisation pourrait donner à penser à la population ou à certaines personnes que nous n'avons pas eu de nombreux incidents, que, peut-être nous n'avons pas besoin de cet outil musclé et que, par conséquent, toutes les dispositions antiterroristes incluses dans cette partie du Code seront supprimées. Cela n'entre pas dans le débat d'aujourd'hui.
Nous parlons de deux dispositions du programme législatif et nous nous demandons si elles devraient être réintégrées au Code et réexaminées chaque année, comme la loi modifiée le dit, puis modifiées. Aussi, il faudrait garder à l'esprit l'échéance de cinq ans, une autre disposition de temporisation.
Les investigations, en particulier, ont été mises à l'épreuve par la Cour suprême du Canada. C'est une autre chose dont je n'ai pas beaucoup entendu parler aujourd'hui. Dans sa décision de 2004, dans l'affaire Bagri, la Cour suprême du Canada a déclaré que les articles 7 et 11d) de la Charte n'avaient pas été enfreints par ces articles du Code.
Nous sommes maintenant en 2009. Il y a cinq ans, deux ans après l'entrée en vigueur de la loi, ces articles ont été déclarés, sans autres contestations en cinq ans, conformes à la Charte. Nous nous demandons maintenant s'ils devraient être réintégrés. L'une des raisons est que les dispositions supprimées ou visées par la temporisation ont été améliorées grâce au travail de la Chambre et du Sénat.
Le projet de loi remplace les articles 83.28 et 83.3 du Code criminel. C'est là le point central du débat et c'est ce dont je veux parler. Ces articles prévoient une investigation visant à recueillir des renseignements pouvant servir dans le cadre d’une enquête relative à une infraction de terrorisme et de permettent l’imposition à une personne d’un engagement assorti de conditions pour éviter qu’une activité terroriste ne soit entreprise.
Ce projet de loi prévoit de plus la cessation d’effet de ces articles ou la possibilité de les proroger.
Tous les partis à la Chambre prennent très au sérieux la protection des droits. D'un autre côté, il y a également le droit collectif à la protection de la sécurité nationale. Dans toutes les provinces et tous les territoires, les Canadiens ont le droit collectif de sentir que nous allons agir de manière à prévenir, nous l'espérons, des activités qui sont entreprises par des groupes terroristes dans le but de détruire notre pays, ou du moins y réagir. Je suis convaincu qu'il s'agit là d'une importante valeur nationale à laquelle tous les partis souscrivent.
Évidemment, dans le débat d'aujourd'hui, il est question de trouver un équilibre. Jusqu'où pouvons-nous tolérer l'empiétement sur les droits de la personne dans le but de protéger le droit collectif à la sécurité nationale?
Contrairement à la dernière fois où nous avons débattu de l'opportunité de laisser ces dispositions devenir caduques, ce qui est encourageant dans ce projet de loi, c'est que le gouvernement y a inclus les mesures de sauvegarde proposées par le Sénat et le Comité spécial de la Chambre des communes qui a étudié ces éléments du projet de loi .
Nous estimons que ce projet de loi doit être renvoyé au comité pour y être étudié de façon globale et détaillée afin d'établir si ces garanties permettent effectivement d'assurer le bon équilibre. Soyons réalistes, aucun des députés qui a pris la parole aujourd'hui n'est qualifié pour témoigner sur ce sujet. Nous sommes des élus et exprimons, du mieux que nous pouvons, ce que nous pensons être les désirs des Canadiens et, plus particulièrement, des électeurs de nos circonscriptions.
Aux audiences du comité, nous nous attendons à entendre des experts spécialistes de la très importante question de l'équilibre entre les droits individuels et le droit collectif à la sécurité nationale. Il faut renvoyer le projet de loi au comité puisqu'il répond à des préoccupations soulevées antérieurement et qu'il renferme les amendements proposés par les membres du comité sénatorial qui ont étudié la question.
Là encore, je ne fais pas de publicité. Soyons clair: le comité sénatorial qui a étudié le projet de loi a fait du bon travail. Il a fait un examen complet de la mesure législative et a formulé quelques suggestions dont le gouvernement conservateur a tenu compte. Il est temps que le gouvernement et tous les députés de la Chambre reconnaissent que le Sénat a fait du bon travail. Il y a des gens très compétents au Sénat qui ont proposé d'ajouter des garanties procédurales très importantes et de modifier légèrement deux dispositions afin de mieux équilibrer les droits et, selon moi, de rendre la chose plus acceptable.
Les dispositions du Code criminel qui portent sur les audiences d'investigation permettent aux autorités de forcer un individu à témoigner sans qu'il ait le droit de refuser de répondre aux questions. Le but serait d'interroger les personnes qui gravitent autour de la conspiration présumée, comme dans le cas de terroristes, et qui pourraient détenir des renseignements cruciaux, et non les principaux suspects. Il s'agit d'acquisition de renseignements.
Le deuxième aspect de ces deux dispositions concerne les arrestations préventives. Le Code criminel permet aux policier d'arrêter et de détenir des personnes, sans mandat dans certains cas, s'ils ont des motifs raisonnables de le faire.
Je crois que ces modifications sont parfaitement raisonnables. Elles complètent le projet de loi .
J'ajouterais en terminant qu'on compte parmi les partisans du projet de loi le Congrès juif canadien, qui a dit ce qui suit au comité sénatorial qui a étudié ces dispositions:
Nous croyons, depuis 2001, qu'il est important d'octroyer plus de pouvoirs aux services de sécurité et de leur permettre d'utiliser les engagements assortis de conditions et les audiences d'investigation pour effectuer une surveillance étroite des personnes et des groupes suspects et pour recueillir des renseignements pertinents longtemps à l'avance.
Je veux aborder brièvement la décision dans l'affaire Arkhat du point de vue des questions qu'on pourrait me poser. L'affaire Arkhat est un exemple patent de la mauvaise application de la loi actuelle. Nous ne devons pas nous fonder sur ce cas pour déduire que la loi actuelle, ou telle qu'elle sera une fois modifiée par ce projet de loi, est mauvaise. Ce serait jeter le bébé avec l'eau du bain que de s'appuyer sur l'affaire Arkhat et sur les décisions du juge Noël pour prétendre que nous ne devrions pas prendre des mesures législatives concernant l'équilibre entre les droits et libertés individuels et la sécurité collective.