:
Madame la Présidente, je suis très heureux d'intervenir sur le sujet qui nous occupe pour diverses raisons. Nous discutons du projet de loi . C'est un projet de loi qui revient devant le Parlement. Il s'agissait auparavant du projet de loi , qui visait à mettre en oeuvre l'entente Canada-AELE signée en janvier 2008 par le gouvernement actuel durant la 39
e législature.
Si je suis heureux de prendre la parole, c'est notamment parce que ce projet de loi avait été présenté au départ par mon prédécesseur dans la circonscription de Vancouver Kingsway, l'ancien ministre du Commerce international.
J'aimerais vous parler d'une bonne politique commerciale, bien différente de celle que suivait le précédent Parlement.
Disons pour commencer que ce projet de loi nous donne l'occasion de réfléchir à ce que pourrait être une bonne politique pour le Canada en 2009 et à l'avenir.
À mon avis, et de l'avis de notre parti, une politique commerciale intelligente pour le présent et pour l'avenir doit reposer sur les principes suivants.
Notre politique doit être fondée sur la notion de commerce équitable et non de libre-échange. Elle doit reposer sur le principe d'ententes réciproques équilibrées, c'est-à-dire des ententes qui respectent les principes consacrés dans les accords et qui garantissent aux deux pays un accès égal et sans entrave à leurs marchés réciproques. J'y reviendrai un peu plus tard en montrant que plusieurs de nos récents accords sont loin du compte à cet égard.
Notre politique commerciale doit reposer sur une solide stratégie industrielle pour le Canada; autrement dit, c'est en ayant des secteurs industriels puissants au Canada et en plaçant les entreprises et les travailleurs canadiens en position de force dans nos échanges commerciaux que nous pouvons tirer le maximum de nos échanges commerciaux internationaux.
Notre politique doit aussi s'appuyer sur un secteur agricole solide et sur des secteurs professionnels et des services qui fonctionnent parfaitement. Autrement dit, notre politique commerciale doit être fermement ancrée dans une économie intérieure parfaitement saine et fonctionnelle.
Malheureusement, cet accord commercial ne respecte pas les principes que je viens d'énoncer, loin de là dans plusieurs domaines clés.
Comme l'ont signalé plusieurs des éloquents intervenants qui m'ont précédé, le problème vient essentiellement du fait que cette mesure législative éliminerait progressivement les droits tarifaires. Cette élimination mettrait en péril quelques-uns des secteurs clés de l'économie canadienne, notamment la construction navale et l'agriculture.
Pour donner plus de détails sur le libre-échange et parler de la notion de commerce équitable, j'explique ce que cette dernière signifie pour moi. Au NPD, cela signifie que le Canada doit conclure des accords avec des États qui respectent le principe d'une rémunération juste pour les travailleurs, d'une part, et qui évitent de verser des subventions déloyales à leurs industries, d'autre part. J'aborderai cette dernière question notamment en ce qui concerne la construction navale et je parlerai de ce que la Norvège a fait contrairement au gouvernement du Canada au cours de la dernière décennie.
Tout accord doit reposer sur un accès réciproque véritable aux marchés des signataires et respecter les normes en matière de protection environnementale, de sécurité et d'emploi.
Si le Canada conclut des accords commerciaux avec des pays qui ne respectent pas ces principes, ne serait-ce qu'un de ceux-ci, les industries canadiennes sont alors en péril et cela dessert non seulement les entreprises canadiennes, mais également les travailleurs qu'elles emploient.
L'agriculture et la construction navale sont des secteurs clés que les dispositions de cet accord mettent en péril. Ces deux secteurs sont particulièrement importants pour la Colombie-Britannique, d'où je viens.
L'agriculture est une industrie de premier plan en Colombie-Britannique. Je vois bon nombre de députés qui ont assisté hier soir, en ma compagnie, à une activité organisée par les producteurs de lait. La production laitière occupe une place très importante dans l'industrie agricole britanno-colombienne. La Colombie-Britannique se classe d'ailleurs au troisième rang des producteurs laitiers du Canada. La production laitière donne du travail à des milliers de familles. De plus, c'est un secteur écologique et renouvelable qui produit une partie substantielle de l'approvisionnement alimentaire national. Il faut faire en sorte que ce secteur demeure prospère pour assurer un approvisionnement alimentaire stable au Canada, non seulement aujourd'hui, mais également pour les années à venir.
Mes collègues ont parlé de l'industrie navale qui possède une longue et fière tradition au Canada, d'un océan à l'autre. Sur la côte Ouest, l'industrie navale a connu de graves difficultés au cours des dernières décennies. Malheureusement, cette mesure législative ne contribuera pas à améliorer la situation.
Essentiellement, cette mesure législative réduirait de 25 p. 100 à 0 p. 100 sur une période de 10 ou 15 ans les droits de douane visant les navires, selon le type de produit. Pour une des catégories de navires, les droits seraient réduits à zéro immédiatement. Cette disposition vise les navires de très grande taille de la catégorie postpanamax, des navires qui ne peuvent passer par le canal de Panama.
Si le projet de loi est adopté, l'industrie canadienne de la construction navale, que nous souhaitons encourager, serait en concurrence avec celles d'autres pays, qui ont reçu de leur gouvernement des appuis que l'industrie canadienne n'a pas reçus du sien. La mesure législative représente donc une grande menace pour nos constructeurs de navires. Plus particulièrement, il ressort de notre analyse que la Norvège dispose d'une forte longueur d'avance pour ce qui est de l'aide consentie à son industrie de la construction navale. Forte de cette avance, la Norvège est en mesure de produire des navires avec lesquels l'industrie canadienne de la construction navale pourrait difficilement concurrencer.
Andrew McArthur, de l'Association de la construction navale du Canada, a servi, au nom des constructeurs canadiens, un argumentaire convainquant selon lequel cette industrie doit être exclue du projet de loi de façon explicite, tout comme elle l'est de l'ALENA, soit dit en passant. Tout en notant que l'industrie norvégienne de la construction navale, qui est d'envergure mondiale, n'est pas subventionnée à l'heure actuelle, il fait valoir que sa compétitivité actuelle est attribuable à l'aide gouvernementale généreuse qu'elle a reçue par le passé.
Cette position est adoptée non seulement par notre parti mais aussi par divers secteurs industriels et divers représentants du milieu des affaires au Canada.
C'est justement une politique de même nature qui a permis à l'industrie norvégienne de devenir l'intervenant d'envergure mondiale qu'elle est aujourd'hui. Et c'est justement ce que le gouvernement fédéral, une fois de plus, n'a pas su faire en n'accordant pas son soutien à l'industrie de la construction navale du Canada.
Pour ce qui est de la Colombie-Britannique, récemment, le gouvernement fédéral actuel et le gouvernement libéral de la province ne se sont pas portés à la défense de notre industrie de la construction navale. Je cite à cet égard le cas des traversiers de la Colombie-Britannique. Des centaines d'emplois ont été perdus à cause d'investissements publics à courte vue dans l'industrie de la construction navale de l'Allemagne, et ce au détriment de la création d'emplois en Colombie-Britannique. Notre parti a demandé que les droits d'importation visant les trois traversiers de classe super C construits en Allemagne soient entièrement versés à l'appui de l'industrie de la construction navale en Colombie-Britannique. Le gouvernement actuel a rejeté cette demande fort raisonnable, qui aurait assuré un financement très nécessaire pour la relance de l'industrie de la construction navale en Colombie-Britannique.
La construction navale et l'agriculture sont des industries d'une importance critique qui fournissent non seulement d'excellents emplois, mais aussi des emplois d'avenir et des emplois viables.
En ce concerne la construction navale, non seulement elle fournit de bons emplois rémunérateurs permettant à un travailleur d'élever une famille, mais elle a aussi des effets multiplicateurs puisqu'elle crée des emplois dans bien d'autres secteurs de notre économie, des secteurs que tous les députés, je crois, seraient prêts à appuyer. Je veux parler ici notamment de la recherche, de la technologie, du développement, des métiers spécialisés, du dessin professionnel, du génie et d'autres genres d'emplois qui ne sont pas seulement les emplois de l'avenir, mais aussi ceux que nos enfants voudront occuper après avoir reçu la formation nécessaire.
Il est très important, lorsqu'il s'agit d'élaborer une politique commerciale qui sera efficace à long terme, que nous ne nous attachions pas uniquement à l'accès aux marchés, mais aussi à la nécessité de promouvoir une forte économie nationale. Je crois avoir mentionné plus tôt que je donnerais un exemple de cas où un accord commercial mal négocié ne nous a pas procuré l'accès promis. Cet exemple, c'est l'accord sur le bois d'oeuvre. Non seulement nos producteurs ont fini par perdre des milliards de dollars en droits versés aux États-Unis, mais, au bout du compte, nous n'avons pas le libre accès au marché qui nous a été promis dans l'accord.
Dans ma province, la Colombie-Britannique, le secteur forestier, qui revêt une importance énorme, éprouve actuellement de sérieuses difficultés. Un nombre quasi record de scieries ont fermé leurs portes. Des gens venant tant du milieu syndical que du milieu des affaires m'ont dit qu'ils ne se souviennent pas d'avoir vu le secteur forestier dans un état aussi précaire. Ceux qui ont étudié la question disent que c'est ce qu'on a vu de pire depuis la Grande Crise. Des dizaines de milliers de travailleurs ont été mis à pied. Nous avons un problème qui nuit à l'économie de la Colombie-Britannique et du Canada, et il est attribuable en partie à de mauvais accords commerciaux.
Lorsque nous négocions des accords commerciaux comme celui-ci, il est très important de nous assurer de ne pas commettre d'erreurs. Dans le cas présent, nous devons protéger les intérêts de nos industries nationales, construction navale, agriculture et autres, et nous assurer que nous ne les exposons pas à une plus grande érosion, à des pertes d'emplois et à des difficultés d'accès au marché, ce que ce projet de loi aurait comme conséquence.
Le projet de loi contient de bonnes mesures. La conclusion d'accords de libre-échange avec des pays progressistes qui respectent leurs travailleurs et leur environnement, comme ceux visés par l'accord, est bénéfique. Cependant, la mesure peut toujours être améliorée. Je demanderais donc au gouvernement d'écouter les observations de mes collègues et de tous les députés, qui signalent tous les mêmes problèmes, et de veiller à l'élaboration et à l'application de politiques qui renforceront le secteur de la construction navale, sur les côtes Est et Ouest, ainsi que le secteur agricole dans les Prairies, l'Ontario, le Québec et toutes les régions ayant un secteur dynamique de la production alimentaire.
Nous devons veiller au dynamisme du secteur forestier et des classes industrielles et professionnelles au Canada, et ainsi assurer la création d'emplois dont nous avons besoin maintenant, pendant la crise économique, et d'emplois qui seront le fondement d'une économie solide au cours des jours, des semaines, des mois et des années à venir.
Je constate avec plaisir qu'il y a des fonds dans le budget pour la construction navale. C'est un bon début, mais comme mes collègues l'ont fait remarquer, c'est beaucoup trop peu. Il y a un peu d'argent pour des navires de la Garde côtière. Il y a un peu d'argent pour remplacer une partie de l'infrastructure vieillissante, y compris certains quais. Cependant, le budget ne propose aucune véritable politique canadienne pour stimuler et appuyer le secteur de la construction navale.
J'invite le gouvernement et tous les députés à être très attentifs, car nous voulons que l'économie canadienne soit dynamique.
George MacPherson, président de la Fédération des travailleurs de chantiers maritimes de la Colombie-Britannique, a fait la déclaration suivante:
L’industrie canadienne de la construction navale tourne déjà au tiers environ de sa capacité. La demande canadienne de navires sur les 15 prochaines années est estimée à 9 milliards de dollars en emplois canadiens. Aux termes des accords de libre-échange avec la Norvège, l’Islande et bientôt la Corée, puis le Japon, ces emplois dans les chantiers navals canadiens sont sérieusement menacés. En fait, le projet du gouvernement est pure folie et il est scandaleux.
C'est l'avis d'une personne qui connaît de fond en comble le secteur canadien de la construction navale. La Chambre ferait bien de tenir compte de ses avertissements.
Du côté du patronat, Andrew McArthur, de l'Association de la construction navale, est du même avis. Il a dit: « Il faut faire quelque chose pour que la construction navale se poursuive. »
La solution la plus simple consiste à l'exclure de l'accord avec l'AELE. Si vous voulez faire quelque chose, convainquez vos collègues du gouvernement d'élargir l'accès au financement structuré, pour que les armateurs canadiens y aient accès en plus de la déduction pour amortissement accéléré, et l'industrie retrouvera tout son dynamisme.
On voit donc, fait inusité, que les représentants des entreprises et des travailleurs sont du même avis. Les députés feraient donc bien d'y prêter attention.
J'espère sincèrement que les députés exhorterons d'une seule voix le gouvernement à amender le projet de loi qui, je le répète, est tout de même un bon pas vers un accord qui pourrait être profitable au Canada.
L'ancien ministre a dit que le secteur de la construction navale avait une importance stratégique pour la souveraineté du Canada. Notre , dans un communiqué publié l'été dernier, a déclaré ceci: « Le gouvernement reconnaît que l'industrie de la construction navale est confrontée à des difficultés et il prend des mesures concrètes pour l'aider à court et à long termes. » Il a dit que le Canada, en tant que pays maritime, a besoin d'un secteur de la construction navale viable pour favoriser sa sécurité et sa souveraineté.
J'espère que le gouvernement accompagnera ces belles paroles de mesures et de politiques appropriées.
Il est essentiel, concernant cette mesure législative, non seulement que nous tenions compte des observations des députés, faites à la Chambre ou ailleurs, mais aussi que nous écoutions l'industrie et les travailleurs. Nous devons continuer à travailler dans le but de créer le genre d'économie qu'il nous faudra dans l'avenir.
Ma collègue de Halifax a organisé une conférence de presse dans un chantier naval de Halifax. Il y avait des représentants de tous les partis. Encore une fois, cela montre que tous les partis à la Chambre doivent s'intéresser autant que le mien au développement et à l'essor d'une industrie de la construction navale qui peut rapporter à notre pays.
Certains ont parlé de la loi Jones des États-Unis, adoptée dans les années 1920, que les États-Unis ont toujours refusé d'abroger, y compris durant les négociations de l'ALENA. Cette loi exige que les navires en exploitation dans leurs eaux intérieures aient été bâtis aux États-Unis, soient enregistrés aux États-Unis et aient un équipage américain. C'est une politique sensée pour les États-Unis et nous devrions adopter la même au Canada. Encore une fois, c'est un principe que la mesure législative dont la Chambre est saisie ne respecte malheureusement pas.
J'espère que les députés se joindront à moi pour défendre l'existence d'une industrie canadienne de la construction navale forte et dynamique, d'une industrie de l'agriculture forte et dynamique et de politiques commerciales justes qui nous permettront de maintenir fièrement nos traditions en tant que pays commerçant.
C'est ce que j'avais à dire. Je serais très heureux de répondre aux questions des députés de tous les partis.