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HESA Rapport du Comité

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La maladie incurable d’Ottawa : l’ingérence.

Le Bloc Québécois tient avant toute chose à remercier toutes les personnes et tous les groupes du Québec et du Canada qui ont témoigné devant le comité sur le dossier des ressources humaines en santé (RHS). Évidemment, le Bloc Québécois s’interroge sur la pertinence qu’un tel sujet soit étudié à la Chambre des communes.

Il constate que dans son rapport, le Comité permanent de la santé « a également convenu de respecter, dans le cadre de son étude, la complexité des questions de compétences liées aux RHS, et, notamment, le fait que la province de Québec, considérant que la planification des ressources humaines en santé relève de sa responsabilité exclusive, ne participe pas aux initiatives pancanadiennes actuellement en cours en matière de RHS ». La suite logique aurait été d’exclure explicitement le Québec des recommandations du rapport. Or, malgré la force de l’évidence, le Bloc Québécois a essuyé un refus catégorique de la part des partis fédéralistes.

Force pour nous est de constater une fois de plus qu’Ottawa est atteint d’une maladie incurable : l’ingérence. Il est incontestable que le fossé ne fait que s’élargir entre le Québec et le reste du Canada. Ces deux visions irréconciliables s’affrontent inlassablement, celle qui, d’un côté, cherche à s’immiscer là où aucun pouvoir ne lui est dévolu, et celle qui, de l’autre côté, doit constamment se défendre contre ces atteintes à sa souveraineté. Qu’on se le tienne pour dit : les services de santé ont toujours été et demeurent une compétence exclusive du Québec, peu importe l’enjeu en question.

1. Les ressources humaines en santé: un défi de taille

Bien entendu, les membres du Bloc Québécois reconnaissent le défi que présentent les pénuries des ressources humaines en santé (RHS) au Québec et au Canada. En 2009, au Québec seulement, il restait environ 5 000 postes à combler[1] dans les milieux de la santé, et les besoins à cet égard ne cessent de grandir, notamment vu le vieillissement croissant de la population.

Dans son rapport, le Comité permanent de la santé suggère des mesures que le gouvernement fédéral pourrait prendre en matière des RHS. Or, et il semble que le Bloc Québécois ne l’ait pas assez répété, la planification des RHS relève exclusivement des compétences du Québec. En témoignant devant le Comité, Joshua Tepper, co-président provincial du Comité consultatif sur la prestation des soins de la santé et les ressources humaines, notait d’ailleurs que « à de nombreux égards, le Québec est un leader en matière de ressources humaines en santé »[2]. Non seulement celui-ci a-t-il toujours été exclu des accords en matière de RHS, mais il a déjà adopté diverses mesures afin de remédier à la pénurie de la main d’œuvre qualifiée en santé sur son territoire.

2. Une question de compétences

Il convient de rappeler quelques faits. Lors de l'Accord de 2003 des premiers ministres sur le renouvellement des soins de santé, le Québec a décidé de ne pas prendre part à l'élaboration du Cadre de planification concertée des ressources humaines de la santé à l'échelle pancanadienne dont le but était de déterminer les besoins des provinces en matière de RHS et d’établir la Stratégie pancanadienne en matière de ressources humaines en santé. Cet accord a mené à l’adoption du Plan décennal pour consolider les soins de santé par les premiers ministres fédéral, provinciaux et territoriaux en septembre 2004.

Le Québec, quant à lui, a signé une entente distincte dans le cadre de cet accord avec le Canada afin qu’il puisse « exercer lui-même ses responsabilités à l'égard de la planification, de l'organisation et de la gestion des services de santé sur son territoire[3] ». Le Québec remplit déjà ses obligations à cet égard puisque plusieurs mécanismes de coopération sont en place, notamment par le biais de tables de concertation FPT2, d’ententes formelles et spécifiques et par l’entretien de contacts réguliers et constants avec les administrations des autres provinces et du gouvernement fédéral.

Bref, il revient au Québec d’établir ses propres stratégies en matière des ressources humaines afin, entre autres, de réduire les délais d’attente et de voir à la pénurie de la main d’œuvre qualifiée en santé. Malgré tout, le Québec est ouvert à un échange d'information et de pratiques exemplaires avec d'autres administrations à cet égard, notamment avec l’Institut canadien d’information.

3. Agir à l’intérieur de ses compétences

Le rapport du Comité permanent de la santé convient de la complexité du problème de la gestion des RSH au Canada étant donné que le Québec « ne participe pas aux initiatives pancanadiennes actuellement en cours en matière de RHS ». Pourtant, malgré toutes les tentatives du Bloc Québécois d’en venir à un compromis, le comité refuse catégoriquement d’exclure, par volonté de l’affaiblir ou par inconscience, le Québec du rapport. Le Bloc Québécois se voit ainsi dans l’obligation de contester la vaste majorité des recommandations qui s’ingèrent directement dans les compétences du Québec.

Bien entendu, le Bloc Québécois reconnaît et se réjouit du fait que le Comité se soit penché de façon sérieuse sur les domaines dont il est responsable.  Il déplore malgré tout que le Comité ait, encore une fois, dévié de son mandat original en matière de santé qui sert notamment à offrir des services à certains groupes comme les communautés autochtones, les anciens combattants, le personnel militaire, les détenus des pénitenciers fédéraux et la GRC.

Au lieu de chercher à étendre son champ d’action alors qu’il n’en a pas l’expertise, le gouvernement fédéral aurait dû se limiter à son approche auprès de ses propres clientèles comme chez les Premières nations et les Inuits, où la pénurie des RHS se fait beaucoup plus sentir que dans le reste de la population canadienne. Dès lors, les défis sont grands pour le gouvernement fédéral, constitutionnellement responsable d’assurer les soins de santé de ces populations.

4. Le pouvoir de dépenser

Le rapport fait aussi mention du prétendu « pouvoir de dépenser » du gouvernement fédéral dans la section du Rôle du gouvernement fédéral. Il est mentionné que le fédéral peut intervenir dans le domaine de la santé en raison de ce pouvoir que lui confère la Constitution. Or, le Québec a toujours estimé que ce prétendu « pouvoir de dépenser » n’existe tout simplement pas et que les interventions fédérales dans les domaines relevant de la compétence du Québec sont inconstitutionnelles. Les gouvernements du Québec ont toujours contesté cette vision du fédéralisme. Bref, le Bloc Québécois ne pouvait passer sous silence cette fausse vérité contenu dans le rapport.

5. Une démarche déjà bien entamée au Québec

Le Québec mène déjà ses propres initiatives et doit obtenir sa juste part du financement destiné aux initiatives fédérales en matière de ressources humaines, en toute conformité avec ses compétences constitutionnelles et le plan décennal de 2004. Voici trois exemples de mesures implantées au Québec à ce titre.

i) Reconnaissance des titres de compétence étrangers

En comité, Corinne Prince St-Amand, directrice générale du Bureau d'orientation relatif aux titres de compétences étrangers du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration, rappelait clairement : « Au Canada, l'évaluation et la reconnaissance des titres de compétences est du ressort des provinces et territoires[4]. »

Au Québec, la reconnaissance des compétences des médecins est exclusivement dévolue au Collège des médecins du Québec (CMQ) et celui-ci a des critères particuliers à faire respecter, notamment la maîtrise de la langue française. Le gouvernement fédéral n’a simplement aucune légitimité pour outrepasser la compétence exclusive du Québec afin de modifier le processus de reconnaissance des compétences des médecins étrangers qui veulent pratiquer en territoire québécois.

Au sujet de la pénurie de médecins, le Québec est en négociation avec certaines provinces, dont l’Ontario, et la France afin de permettre la mobilité de la main d’œuvre. Le 17 octobre 2008, le Québec signait l'Entente Québec-France sur la reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles, une première entre l’Europe et l’Amérique. Les Ordres professionnels du Québec, des autres provinces et de la France devront s’entendre sur la reconnaissance de leurs compétences, incluant les études postsecondaires nécessaires, et de la formation additionnelle qui serait nécessaire à leur reconnaissance. À ce jour, les négociations ont permis de signer des Arrangements de reconnaissance mutuelle (ARM) pour 54 professions et métiers entre la France et le Québec[5]. Ces dispositions font partie du champ de compétence des provinces et le fédéral ne peut s’ingérer dans celles-ci.

ii) Recrutement en région rurale et éloignée

La sous-représentation des groupes à faible niveau socioéconomique et rurale au sein des écoles de médecine menace un système de soins accessible et de qualité pour toute la population canadienne, notamment en région. Cependant, le Québec connaît une situation légèrement différente, notamment grâce au gel des frais reliés aux droits de scolarité et à des initiatives cherchant à accroître la main-d’œuvre qualifiée en région.

En 2003, par exemple, le gouvernement du Québec a instauré un crédit d’impôt visant à attirer des jeunes diplômés en région pour y occuper un emploi et à contrer l’exode des jeunes et la pénurie de main-d’œuvre qualifiée. Ce crédit d’impôt équivaudrait à 40% du salaire reçu la première année par le jeune diplômé admissible, pour un maximum de 8 000$. Très populaire, environ 10 000 personnes par année se prévalent de ce programme depuis sa mise en place, dont la grande majorité ne se serait peut-être pas installée en région pour y occuper un premier emploi à la fin de ses études si ce n’était grâce à cette mesure québécoise.

Pour continuer à attirer la relève en région, le Bloc Québécois a déposé deux fois un projet de loi visant à introduire un crédit d’impôt pour les nouveaux diplômés travaillant en région en s’inspirant du modèle développé au Québec. Le projet de loi C-288 est d’ailleurs présentement étudié au Sénat. De plus, afin que les études en médecine restent accessibles à toute la population québécoise, le Bloc Québécois réitère sa demande voulant que le gouvernement fédéral transfère au Québec le manque à gagner de 800 millions de dollars dans le cadre du Transfert canadien en matière de programmes sociaux.

iii) Recherche clinique

Évidemment, qu’il s’agisse de la recherche fondamentale ou clinique dans le domaine de la santé, celle-ci relève également du Québec et des provinces. Pour le Bloc Québécois, la recherche constitue une des voies les plus prometteuses et doit être supportée. En ce sens, il réclame que le gouvernement fédéral augmente de façon substantielle les budgets alloués à la recherche et les transfère au Québec afin que celui-ci puisse les distribuer selon ses propres orientations et modalités.

En Comité, même le président des Instituts de recherche en santé du Canada, Alain Beaudet, confirmait la nécessité de respecter les champs de compétence du Québec et des provinces. « Si on veut mener une recherche clinique efficace en services de santé, en épidémiologie en particulier, on ne peut le faire qu'en étroite collaboration avec les provinces […] Au Québec, c'est le Fonds de la recherche en santé du Québec[6] ». Pour le Bloc Québécois, il s’agit du strict minimum; l’argent investi en recherche devant être transféré au Québec, et ce, sans conditions.

Bref, les arguments ne manquent pas pour démontrer la constante volonté du gouvernement fédéral de s’immiscer dans une compétence qui relève clairement du Québec et des provinces. C’est ainsi que le Bloc Québécois en vient à la conclusion que le gouvernement fédéral est bel et bien atteint de l’ingérence, une maladie incurable.

Le Bloc Québécois recommande donc:

  • Que si le gouvernement fédéral entreprend des actions pour pallier au manque de ressources humaines en santé, ces actions ne soient pas contraignantes pour le Québec;
  • Que les initiatives du gouvernement fédéral en matière de ressources humaines en santé doivent être assorties d’un droit de retrait avec pleine compensation et ce, sans conditions pour le Québec.

[3] « Fédéralisme asymétrique qui respecte les compétences du Québec », Santé Canada, 15 septembre 2004, http://www.hc-sc.gc.ca/hcs-sss/delivery-prestation/fptcollab/2004-fmm-rpm/bg-fi_quebec-fra.php

[5] « Mobilité de la main-d'oeuvre — Le premier ministre du Québec et la consule générale de France annoncent la signature de 26 nouveaux ARM entre le Québec et la France », Canada Newswire, 3 juin 2010.