De nombreuses solutions novatrices sont en cours d’élaboration
afin de relever certains des défis en matière de RHS que connaît le système de
soins de santé canadien. Le présent chapitre souligne les innovations en
matière de prestation des services de santé mises en œuvre partout au Canada, et
met tout particulièrement l’accent sur la collaboration interprofessionnelle et
les technologies de l’information sur la santé. Sont également définies dans ce
chapitre les façons dont le gouvernement fédéral pourrait promouvoir et
soutenir ces innovations.
Il est reconnu depuis longtemps au Canada que la
modification des modèles de fourniture de soins de santé, pour qu’ils
comprennent un large éventail de professionnels de la santé constitue une
stratégie clé pour résoudre le problème des pénuries de RHS aussi bien que pour
améliorer l’efficacité de la fourniture de soins de santé. En fait, dans le
Plan décennal de 2004 pour consolider les soins de santé, les premiers
ministres s’étaient engagés à ce que la moitié des Canadiens aient accès à des
équipes de soins de santé multidisciplinaires en 2010 au plus tard. Le terme collaboration interprofessionnelle (CIP) s’entend de la
prestation de services de santé complets aux patients par plusieurs
dispensateurs de soins qui travaillent de concert à fournir des soins de
qualité à l’intérieur d’un milieu et entre milieux. Elle témoigne de ce que les compétences voulues pour répondre aux
besoins complexes d’aujourd’hui en matière de santé ne peuvent être réunies en
un seul spécialiste ou en une seule profession. Est lié étroitement à la pleine
réalisation de la CIP le besoin de changer la façon dont les professionnels de
la santé sont formés afin qu’ils disposent des connaissances et des compétences
nécessaires pour travailler efficacement au sein d’équipes
interprofessionnelles; c’est ce qu’on appelle la formation et l’enseignement
interprofessionnels.
Le Comité a appris que Santé Canada avait investi
dans plus de 32 projets de collaboration interprofessionnelle dans le
cadre de sa Stratégie pancanadienne relative aux ressources humaines en santé. Les représentants de Santé Canada ont
dit au Comité que ces projets étaient centrés sur une sensibilisation accrue et
le partage des pratiques exemplaires en matière de soins collaboratifs; l’offre
de programmes d’éducation interprofessionnelle obligatoires par les
institutions d’enseignement; l’augmentation du nombre d’éducateurs capables d’enseigner
la collaboration interprofessionnelle et du nombre de professionnels de la
santé formés en collaboration interprofessionnelle.
D’autres témoins ont dit que nombre de modèles de
CIP novateurs avaient été conçus d’un bout à l’autre du pays grâce au
financement obtenu par l’entremise du Fonds pour la réforme de la santé axé sur
les soins primaires créé dans le cadre de l’Accord de 2003 des premiers
ministres sur le renouvellement des soins de santé et au financement accordé par Santé Canada. Par exemple, le Comité
a appris l’existence de Somerset West, un centre de santé communautaire (CSC)
du centre-ville d’Ottawa, un centre de services interprofessionnels comprenant
des médecins, des infirmières praticiennes, des diététiciens, des travailleurs
sociaux, des kinésithérapeutes, des acupuncteurs, des podologistes, des
travailleurs des services sociaux, des infirmières, des promoteurs de la santé
et, bien sûr, du personnel de soutien administratif.
Le Comité a appris que ce centre était régi par un
conseil d’administration communautaire et qu’il reflétait les besoins en santé
de la population du quartier, y compris l’accès à la médecine traditionnelle
chinoise. Des témoins ont ajouté que le modèle de pratique du CSC Somerset
West s’était traduit par d’importantes économies en raison de son recours
efficace à des infirmières praticiennes.
Le Comité a su qu’on réussit également à intégrer
des professionnels des soins de santé parallèles au sein d’équipes de
collaboration interprofessionnelle d’un bout à l’autre du Canada. Ainsi, il a
entendu des docteurs en naturopathie qui aident à fournir des soins intégrés et
novateurs à des patients atteints de cancer à InspireHealth, l’une de quatre
cliniques à Vancouver qui participent à une recherche sur les modèles de
prestation de services visant des patients atteints de cancer, dans le cadre du
Partenariat canadien contre le cancer.
Le Comité a aussi entendu dire que des chiropraticiens ont été intégrés à la
clinique Joe Sylvester qui fait partie de l’organisme Anishnawbe Health
Toronto, une clinique multidisciplinaire qui offre des soins de santé aux
communautés autochtones urbaines.
Les professionnels des soins de santé parallèles qui ont comparu devant le
Comité ont précisé que leur inclusion dans le large éventail des services de
soins de santé offerts dans le contexte d’équipes de collaboration
interprofessionnelle permettait de réduire le fardeau des médecins en offrant
des soins préventifs et des traitements complémentaires pour soigner des
affections chroniques et des troubles musculosquelettiques.
Malgré les nombreux exemples d’innovations dans la
fourniture de soins de santé visant à inclure différents professionnels de la
santé, le Comité a appris qu’il n’y avait pas eu de changements généralisés
dans la fourniture de soins de santé dans tout le pays. Selon des témoins, les
mécanismes de financement comme le Fonds pour la réforme de la santé axé sur
les soins primaires ont certes servi à faire la promotion de projets pilotes
novateurs, mais il reste que cela n’a pas été suffisant pour susciter des
changements durables dans l’ensemble du pays. Ils ont demandé que le Fonds pour la réforme de la santé soit
augmenté dans le prochain transfert canadien en matière de santé prévu pour
2014 afin de promouvoir un changement durable de la CIP dans l’ensemble du pays. D’autres témoins ont souligné les barrières systémiques à l’établissement
de la CIP, dont les lois provinciales régissant la portée de la pratique des
professionnels, un manque de possibilités de formation et d’éducation
interprofessionnelles, les modes de rémunération des dispensateurs de soins et
les questions concernant la responsabilité.
S’ils ont reconnu que ces barrières systémiques relevaient
toujours de la compétence provinciale, des témoins ont tenu à préciser que le
gouvernement fédéral pourrait résoudre le problème des barrières systémiques à
la CIP dans sa sphère de compétence, dans le contexte des groupes clients
fédéraux et de la fonction publique fédérale. Par exemple, le gouvernement
fédéral pourrait s’attaquer aux barrières à la CIP dans le Régime de soins de
santé de la fonction publique, comme l’exigence selon laquelle une ordonnance
médicale est nécessaire pour accéder à des soins de santé non médicaux, comme
la physiothérapie. Le Comité a aussi entendu dire que le gouvernement fédéral
pourrait inclure les traitements et les soins offerts par les professionnels des
soins de santé parallèles, comme les chiropraticiens et les docteurs en
naturopathie dans les services et avantages qu’il propose aux groupes clients
fédéraux.
Le Comité convient tout à fait que nombre de
questions liées à la mise en œuvre de la collaboration interprofessionnelle
relèvent de la compétence provinciale. Cependant, le Comité reconnaît aussi que
le gouvernement fédéral pourrait examiner des façons de supprimer les barrières
à la collaboration interprofessionnelle dans son territoire, y compris les
groupes clients fédéraux et les prestations d’assurance-maladie qu’il verse à
ses employés aux termes du Régime de soins de santé de la fonction publique. Le
Comité appuie également les témoins selon qui des mécanismes de financement
durable doivent être consacrés à la mise en œuvre de la CIP dans les provinces
et les territoires. Par conséquent, le Comité recommande :
Recommandation 7 :
Que le gouvernement fédéral se penche sur les
barrières systémiques à la mise en œuvre de la collaboration
interprofessionnelle dans son territoire, y compris ses responsabilités comme
employeur de la fonction publique fédérale et les avantages et les services de
soins de santé qu’il offre aux groupes clients fédéraux, dont les Premières
nations et les Inuits, la GRC, les anciens combattants, les immigrants et les
réfugiés, les détenus sous responsabilité fédérale et les membres des Forces
canadiennes.
Recommandation 8 :
Que le gouvernement fédéral songe à la possibilité
d’établir des mécanismes de financement durable consacrés à la promotion de la
collaboration interprofessionnelle dans les provinces et les territoires.
Des témoins qui ont comparu devant le Comité ont
également souligné l’importance de la technologie de l’information sur la santé
dans la résolution des problèmes touchant les RHS. On entend par technologie de
l’information sur la santé un large éventail de sources de données intégrées
qui donnent accès rapidement aux renseignements sur la santé des patients
pouvant être communiqués à divers professionnels de la santé ainsi qu’au
patient, et qui peuvent comprendre : les dossiers de santé électroniques
des patients, les ordonnances électroniques et la télésanté, c’est-à-dire le
recours aux technologies de télécommunication comme le téléphone ou la
vidéoconférence, pour dispenser des services de soins de santé. Le Comité a
entendu dire que les efforts actuellement déployés dans la conception de
dossiers de santé électroniques (DSE) au Canada par le truchement de l’Inforoute
Santé du Canada feront la promotion des soins collaboratifs interprofessionnels
en facilitant le partage d’informations entre les différents professionnels de
la santé. Qui plus est, le Comité a appris que, grâce à la technologie de l’information
sur la santé, les Canadiens peuvent se soigner eux-mêmes, allégeant du même
coup la charge de travail des professionnels de la santé. Par exemple, la
technologie de l’information permet aux Canadiens de mesurer eux-mêmes à la
maison leurs niveaux de glucose dans le sang, leur évitant des visites chez le
médecin.
En fait, le Comité a pu constater de première
main, durant sa mission d’enquête au Nunavut, l’importance de la technologie de
l’information sur la santé pour relever les défis des RHS dans les régions
rurales et éloignées. Durant sa visite de l’hôpital général Qikiqtanin à
Iqaluit, le Comité a appris que la technologie de l’information permettait le
transfert de données d’imagerie médicale, ce qui réduit la nécessité, pour les
patients, d’aller dans le Sud aussi bien que celle, pour les spécialistes, de
venir dans le Nord pour analyser les résultats des examens médicaux. En outre,
la technologie de la vidéoconférence est utilisée efficacement pour les examens
dermatologiques et de santé mentale, l’éducation médicale permanente, la visite
de proches et les examens de suivi par un spécialiste. La technologie de l’information
s’est traduite par des diminutions des frais de transport pour des questions de
santé, qui représentent actuellement 18,5 %, soit 50 millions de
dollars, du budget total du Nunavut pour la santé et les services sociaux. En
outre, la technologie de l’information a permis aux résidants inuits d’obtenir
des soins au sein de leurs communautés, réduisant ainsi les fardeaux culturels
et le stress liés au déplacement vers les centres urbains du Sud.
Le Comité continue donc d’appuyer les
investissements en cours du gouvernement fédéral dans la technologie de l’information
sur la santé, notamment les dossiers de santé électroniques, les ordonnances
électroniques et la télésanté par le truchement de l’Inforoute Santé du Canada,
comme moyen de relever les défis des RHS d’un bout à l’autre du Canada. Jusqu’à
maintenant, le gouvernement fédéral a investi dans Inforoute Santé du Canada environ
2,1 milliards de dollars.