INDU Rapport du Comité
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CHAPITRE 4 -- SOUVERAINETÉ CULTURELLE DU CANADADans le monde d’aujourd’hui, où règne la convergence technologique dans le domaine des télécommunications, la dimension culturelle occupe une place encore plus importante dans tout débat sur la règlementation de la propriété étrangère. La convergence technologique et des activités commerciales est, de loin, l’argument le plus souvent invoqué contre l’élimination des restrictions relatives à la propriété étrangère aux réunions du Comité. A. Restrictions relatives à la propriété étrangère des entreprises de télécommunications et arguments habituels en faveur du maintien des restrictions
Un représentant de l’OCDE a fait valoir que le contexte a beaucoup évolué depuis les années 1980, la plupart des pays ayant assoupli leurs règles en matière de propriété pour leur marché intérieur tout en continuant de réglementer le contenu de radiodiffusion. Selon l’OCDE, de tous les États membres, le Canada est celui qui impose les restrictions les plus sévères :[51] Parmi les 30 pays membres de l’OCDE, seulement trois pays ont des limites en matière d’investissement et de propriété qui s’appliquent à tout le domaine des télécommunications publiques. Il s’agit du Canada, du Mexique et de la Corée. Des trois pays, le Canada est celui qui impose les restrictions les plus sévères. Certains des autres pays de l’OCDE ont des limites, en ce sens que l’État doit être propriétaire majoritaire de l’entreprise de télécommunication titulaire. Par exemple, en Suisse, la Confédération suisse doit être propriétaire majoritaire de Swisscom. La France doit être propriétaire en partie de France Télécom, mais pas nécessairement propriétaire majoritaire. Dans le cas de la France, la part de l’État a diminué pour se chiffrer à environ 23 p. 100. Le Canada est le pays le plus sévère en matière d’investissement étranger dans le secteur des télécommunications. Les porte-parole des organismes Friends of Canadian Broadcasting, Writers Guild of Canada et Alliance of Canadian Cinema, Television and Radio Artists ont mentionné qu’il est difficile de comparer le Canada avec d’autres pays de l’OCDE, puisqu’aucun de ces pays ne partage une langue officielle et que leur situation géographique fait en sorte qu’ils ne subissent pas l’énorme influence économique de États-Unis. La Conférence canadienne des arts et la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique se sont prononcées en faveur du statu quo en se fondant sur les accords de libre-échange. En effet, elles ont fait valoir que l’exemption culturelle prévue dans l’Accord de libre-échange nord‑américain (ALENA) n’est valable que pour les industries qui existaient à l’époque, ce qui exclut le secteur des nouveaux médias, comme les médias basés sur le Web. Elles ont indiqué que l’ouverture des industries des télécommunications et de la radiodiffusion à la propriété étrangère risque d’exposer le gouvernement du Canada à une contestation en vertu du chapitre 11 de l’ALENA par une entité étrangère qui s’estime désavantagée, en raison de la réglementation canadienne, par rapport à un concurrent canadien. À leur avis, c’est uniquement parce qu’il n’y a pas eu d’investissement étranger dans le secteur de la radiodiffusion que cet aspect de l’ALENA n’a pas posé problème jusqu’ici. B. Règlementation relative à la propriété étrangère à l’ère de la convergence technologique et des activités commercialesParadoxalement, l’argument le plus fréquent en faveur du statu quo sur les restrictions relatives à la propriété étrangère — la convergence technologique et des activités commerciales — n’était pas un facteur au moment de l’annonce des restrictions imposées aux entreprises de télécommunications en 1987. (i) Contexte de la convergence technologique et des activités commerciales
La législation ne tient pas compte de l’environnement de convergence actuel, les industries des télécommunications et de l’information étant régies par trois lois distinctes : la Loi sur la radiocommunication, la Loi sur les télécommunications et la Loi sur la radiodiffusion. À titre d’exemple, le service de téléphonie de Bell et Bell Mobilité sont tous deux assujettis à la Loi sur les télécommunications, mais les services de télévision satellite proposés par Bell (une EDR) relèvent de la Loi sur la radiodiffusion. Durant les audiences du Comité, le CRTC a proposé que les législateurs envisagent de fusionner ces trois lois. Certains acteurs du marché, dont Rogers et Shaw, ont toutefois démontré peu d’intérêt à l’égard d’un tel changement. Figure 3 — Portrait de la
concurrence avant Internet et la téléphonie sans fil pour Remarque : La période précédant l’arrivée de la téléphonie mobile et d’Internet doit être interprétée ici comme étant celle qui s’est terminée vers le milieu des années 1980. Certaines des sociétés mentionnées dans le diagramme n’existaient pas encore sous le nom indiqué, mais leur nom actuel a été utilisé afin de faciliter la comparaison des diagrammes 3 et 4 (p. ex. TELUS est le fruit de plusieurs fusions, Telus dans le diagramme ci-dessus désigne donc les ancêtres de la société actuelle. De même, Vidéotron n’appartenait pas à Quebecor à l’époque). Source : Service d’information et de recherche parlementaires, Bibliothèque du Parlement. Figure 4 — Portrait de la
concurrence à l’ère de la convergence pour les Source : Service d’information et de recherche parlementaires, Bibliothèque du Parlement. (ii) Réaction en chaîne sur la culture canadienne provoquée par la levée des restrictions relatives à la propriété étrangère
Les opposants à la levée des restrictions sur la propriété étrangère s’appuient sur ce raisonnement pour avancer que l’élimination des restrictions pour les entreprises de télécommunications se répercutera irrémédiablement sur le contenu de radiodiffusion, provoquant une réaction en chaîne. En effet, si les restrictions devaient être levées uniquement pour les entreprises de télécommunications, les sociétés en convergence y verraient une injustice et exerceraient une énorme pression pour que cette mesure soit aussi appliquée aux EDR. Si le gouvernement fédéral englobait les EDR, les sociétés en convergence œuvrant dans la programmation (qui s’occupent donc du contenu) pourraient, à leur tour, y voir une injustice et exercer une pression pour que cette mesure englobe aussi la programmation. Cette réaction en chaîne ouvrirait ainsi la porte à la propriété étrangère dans le domaine de la radiodiffusion et, selon certains témoins, minerait la souveraineté culturelle du Canada. Il convient de noter que les arguments présentés par les milieux artistiques et des télécommunications se sont partiellement avérés, certains des fournisseurs en convergence (dont TELUS, Rogers, Shaw, MTS Allstream et Bell) soulignant vigoureusement que les changements apportés aux règles sur la propriété devraient s’appliquer aussi aux EDR. Cela dit, aucun témoin n’a recommandé d’éliminer les restrictions relatives à la propriété étrangère pour les initiatives de programmation canadienne. Les fournisseurs intégrés ont indiqué qu’il est possible de séparer par un mur législatif et réglementaire la propriété de la distribution (ce qu’on appelle parfois silo ou canalisation) et le contenu. Ce commentaire a été repris par Dimitri Ypsilanti de l’OCDE. À l’inverse, Mme Solange Drouin, de l’Association québécoise de l’industrie du disque, du spectacle et de la vidéo, a indiqué qu’il ne faut pas dissocier la création de la distribution. Pour promouvoir la création, il importe de contrôler la distribution. À son avis, le fait que le gouvernement fédéral ait été en mesure d’exercer un contrôle sur les entreprises canadiennes a joué un rôle prépondérant dans la réglementation du contenu canadien. Selon Astral Communications, dont les activités se limitent à la radiodiffusion, à moins que certaines mesures de protection ne soient prises, dont forcer les EDR à désinvestir le secteur du contenu de radiodiffusion, tout scénario de séparation stricte de la distribution et du contenu de radiodiffusion est improbable[52] : Dans les propositions sur la libéralisation de la propriété dans le secteur des télécommunications, comme celle des sociétés de télécommunications et des entreprises de distribution de radiodiffusion, il faut absolument tenir compte du rôle clé que les EDR ont traditionnellement joué dans l’atteinte des objectifs sociaux et culturels figurant dans la Loi sur la radiodiffusion. Contrairement aux entreprises de télécommunications pure laine, les EDR jouent un rôle actif et crucial en influençant le contenu qu’elles offrent aux consommateurs. Elles ne se contentent pas de diffuser et prennent quotidiennement des décisions en matière de programmation, exerçant ainsi un contrôle et un pouvoir décisionnel sur les services de programmation auxquels les consommateurs accéderont. Elles prennent des décisions fondamentales sur les services qui seront commercialisés, promus et offerts, sur le prix qu’elles paieront pour ces services de programmation et sur les frais qui seront imposés aux consommateurs. L’influence des EDR sur les services de programmation pourrait s’accroître, en raison de la décision récente du CRTC concernant la valeur des signaux des stations conventionnelles de télévision. Ainsi, la libéralisation des restrictions imposées à la propriété des EDR pourrait facilement déboucher sur un degré inacceptable d’influence des entreprises non canadiennes sur le réseau de télédiffusion. En fait, cela pourrait se produire même si on ne modifie pas les règles de propriété qui régissent les services de programmation. En conséquence, la réaction en chaîne mentionnée par les tenants du statu quo se déroulerait ainsi : l’élimination des restrictions relatives à la propriété étrangère dans les télécommunications aurait un effet sur le contenu de radiodiffusion, puis, ultimement, sur la souveraineté culturelle du Canada. Ainsi, une EDR appartenant à des intérêts étrangers pourrait promouvoir vigoureusement une programmation de contenus étrangers au détriment du contenu canadien, tout en respectant techniquement les règles régissant ce dernier. [51] Dimitri Ypsilanti (chef, Direction de l’information, communications et politiques des consommateurs, Direction des sciences, technologie et industrie (Paris), Organisation de coopération et de développement économiques), Comité, Témoignages, 3e session, 40e législature, 13 avril 2010, 0900. [52] André Bureau, président du Conseil d’administration, Astral Media inc., Comité, Témoignages, 3e session, 40e législature, 4 mai 2010, 0910. |