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Monsieur le Président, c'est un plaisir pour moi de pouvoir parler aujourd'hui du projet de loi .
Pour résumer le projet de loi , je dirai tout simplement qu'il devrait être rejeté. Il permet ni plus ni moins aux services secrets étrangers, ceux des États-Unis au premier chef, de faire de l'exploration de données. C'est une atteinte injustifiable au droit à la confidentialité des Canadiens.
Le projet de loi modifierait la Loi sur l'aéronautique de manière à exempter les compagnies aériennes de l'application de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques et en leur permettant de communiquer les renseignements personnels de leurs passagers au département de la Sécurité intérieure des États-Unis.
Ce dernier pourrait alors les comparer au contenu d'un grand nombre de bases de données afin de déterminer s'il y a lieu ou non d'interdire à ces passagers de pénétrer dans l'espace aérien des États-Unis. Or, ce n'est que si le département de la Sécurité intérieure juge qu'une personne ne présente aucun danger que la compagnie aérienne pourra lui attribuer une carte d'embarquement. Voilà la procédure prévue aux termes du programme Secure Flights des États-Unis, qui précise que seules les personnes autorisées par le département de la Sécurité intérieure peuvent pénétrer dans l'espace aérien des États-Unis, même si elles ne se poseront jamais en sol américain.
Même si les conservateurs prétendent que seuls le nom, le sexe et la date de naissance des passagers seront communiqués, les règles définitives du programme Secure Flights précisent que les compagnies aériennes doivent également fournir les renseignements suivants si elles les ont en leur possession: numéro de recours ou de programme de fidélisation de la clientèle, données figurant sur le passeport, itinéraire, numéro de contrôle des réservations, numéro d'ordre du dossier, type de dossier, indicateur de mise à jour et numéro de référence du voyage.
Tous ces renseignements sont dans le système et servent précisément à faciliter les déplacements aériens des passagers. Bien sûr que les compagnies aériennes vont les avoir en leur possession.
Malheureusement, ces renseignements sont assez complets pour permettre au département de la Sécurité intérieure de faire de l'exploration de données dans les systèmes de réservation des compagnies aériennes, puisque les bases de données qui y sont associées sont physiquement situées en territoire américain et qu'aux termes de la Patriot Act, les organismes de sécurité des États-Unis peuvent les consulter sans devoir au préalable obtenir un mandat.
Sont aussi visés par cette mesure les détails sur les problèmes médicaux des passagers, les renseignements relatifs aux personnes qui les accompagnent ainsi que leurs préférences alimentaires, dans l'éventualité où ils auraient commandé un repas spécial.
Avant le projet de loi , le département de la Sécurité intérieure ne recevait ces renseignements qu'à propos des passagers qui se rendaient aux États-Unis. Grâce à une note diplomatique non contraignante, le Canada avait obtenu que ses vols intérieurs soient exemptés de l'application de cette mesure.
Étant donné que presque tous les vols intérieurs et internationaux en provenance et à destination du Canada survolent le territoire américain, le projet de loi permettrait essentiellement au département de la Sécurité intérieure des États-Unis de déterminer qui peut entrer au Canada ou en sortir en avion.
Le projet de loi permettrait également aux sociétés aériennes de communiquer à des services de sécurité étrangers des renseignements personnels sur les passagers. Ce sont les exigences énoncées dans des ententes secrètes conclues avec d'autres pays qui détermineraient les renseignements qui seraient communiqués. Les détails de ces ententes n'ont pas été divulgués.
Toutefois, on sait que le Canada a signé ou négocie des ententes avec l'Union européenne, le Mexique, le Brésil, l'Argentine, le Chili, Panama, la République dominicaine et les États-Unis.
Les détails de l'entente entre l'Union européenne et les États-Unis relativement aux transferts des mêmes renseignements sont troublants. Dans le cadre de cette entente, les renseignements recueillis peuvent être conservés par les États-Unis pendant 40 ans.
En vertu des règles du programme Secure Flight les données concernant des Canadiens seront conservées pendant sept jours si aucune correspondance n'est trouvée, pendant sept ans en cas de correspondance possible et pendant 99 ans en cas de correspondance établie.
Comme je l'ai déjà dit, ces renseignements peuvent être transférés au service de sécurité d'un État tiers, sans que l'autre signataire, c'est-à-dire le passager, n'y consente ou n'en soit avisé.
Les règles du programme Secure Flight stipulent également que personne n'aura le moyen de savoir quels renseignements les États-Unis détiennent à son sujet, encore moins de faire corriger les éventuelles erreurs qui auraient pu se glisser dans son dossier.
Les États-Unis ont déjà conclu une telle entente avec l'Union européenne. Ils peuvent y apporter des changements de façon unilatérale, à condition d'en informer l'Union européenne. Il y a déjà eu une modification en vertu de laquelle aucun document détenu par l'Union européenne au sujet de l'entente entre les États-Unis et l'Union européenne ne peut être rendu public pour une période de dix ans.
Cette modification a pour effet d'empêcher toute demande d'accès à l'information. Essentiellement, le projet de loi donne un trop grand accès aux renseignements personnels, sans aucune mesure de protection. Comme je l'ai indiqué, les services de sécurité étrangers pourront faire de l'exploration de données avec les renseignements personnels des Canadiens.
Le gouvernement conservateur semble être grandement influencé par ce qu'il perçoit comme un danger. Il pense que, si le projet de loi n'est pas adopté, les États-Unis pourraient fermer leur espace aérien aux appareils canadiens. Une telle menace est peut-être efficace comme moyen de pression pour faire adopter le projet de loi, mais il est très peu probable que les États-Unis la mettraient à exécution. Le gouvernement fait en outre valoir la nécessité du projet de loi pour combattre le terrorisme. Pourtant, l'exploration des données n'a jamais permis aux autorités de mettre la main au collet d'un terroriste ou d'un autre criminel.
Le projet de loi constitue une violation inacceptable de la vie privée des Canadiens par les forces de sécurité étrangères. De nombreux électeurs m'ont confié qu'une pareille intrusion les inquiétait beaucoup, qu'elle violait leur droit à la confidentialité et portait atteinte à leur sentiment de sécurité.
Le cas de Maher Arar est un exemple de ce qui peut arriver lorsque les renseignements personnels sont mal utilisés. Les Canadiens se souviennent de Maher Arar, un expert-conseil en technologie sans fil âgé de 34 ans, qui est né en Syrie, qui est arrivé au Canada avec sa famille à l'âge de 17 ans et qui est devenu citoyen canadien en 1991.
Le 26 septembre 2002, alors que M. Arar se rendait à Montréal et se trouvait en transit à l'aéroport John F. Kennedy, de New York, il a été détenu par des agents étatsuniens et, sur la foi des renseignements leur ayant été fournis par la Gendarmerie royale du Canada, il a été interrogé à propos de supposés liens avec Al-Qaïda. Douze jours plus tard, il était expédié en Syrie, menottes aux poignets et fers aux pieds. Là-bas, il fut emprisonné pendant 10 mois dans une cellule minuscule. On le battit, le tortura et le força à faire de faux aveux. Grâce aux efforts incessants de sa femme, Monia Mazigh, et à l'aide d'Alexa McDonough, il finit par être renvoyé au Canada en octobre 2003.
En janvier 2004, sous la pression des organisations canadiennes de défense des droits de la personne, le gouvernement du Canada annonça la tenue d'une commission d'enquête sur les agissements des autorités canadiennes. En 2006, le juge Dennis O'Connor blanchit Maher Arar de tout soupçon de terrorisme. Il déclara être en mesure d'affirmer catégoriquement qu'il n'existait aucune preuve que M. Arar avait commis quelque infraction que ce soit ou que ses activités constituaient un danger pour la sécurité du Canada.
Ayant appris que M. Arar connaissait une personne faisant l'objet d'une enquête de la GRC, les autorités de l'aéroport John F. Kennedy omirent de se renseigner davantage pour déterminer à quel degré M. Arar fréquentait cette personne. À partir de suppositions sans fondement, ils prirent une décision qui aurait été injustifiée même si Maher Arar avait été coupable de crimes graves.
En dépit des excuses et de l'indemnisation financière présentés par le gouvernement du Canada en 2007, les autorités américaines refusent d'admettre que M. Arar est innocent et il reste donc sur la liste d'interdiction de vol des États-Unis. C'est clairement là un exemple terrifiant illustrant à quel point l'information peut être déformée, mal interprétée et mal utilisée.
Beaucoup de personnes se sont prononcées sur les modifications proposées à la Loi sur l'aéronautique en raison de l'entente qu'envisage le gouvernement du Canada. Mme Chantal Bernier, commissaire adjointe à la protection de la vie privée a déclaré ceci au Comité permanent des transports, des collectivités et de l'infrastructure en mai 2010:
[...] la sécurité et la protection de la vie privée n'ont pas à être opposées. En fait, elles doivent s'intégrer. Elles vont même jusqu'à converger: la protection de la vie privée impose que la collecte d'information personnelle soit minimale. Parallèlement, cependant, l'efficacité de la sécurité repose seulement sur la collecte d'information pertinente [...] le droit à la vie privée est un droit fondamental qui ne peut être enfreint sans que l'on puisse faire la preuve que cela est nécessaire pour protéger l'intérêt public. Il s'ensuit, deuxièmement, que la collecte de renseignements personnels ne doit se faire que lorsque le besoin est manifeste, et qu'une telle collecte doit être proportionnelle à ce besoin [...] ce besoin doit être continuellement réévalué en vérifiant si la collecte est réellement efficace et nécessaire aux fins déterminées. Quatrièmement, il faut aussi démontrer qu'il n'y a pas d'autres options moins envahissantes pouvant répondre à ce besoin.
Les observations faites devant le Comité des transports par Edward Hasbrouck, de la Liberty Coalition, un groupe de défense des libertés civiles des États-Unis, sont peu rassurantes. M. Hasbrouck a déclaré ceci:
Contrairement à ce qui se passe au Canada, où une personne interdite de vol est officiellement informée de la décision et a le droit d'en appeler, les ordres d'interdiction donnés aux États-Unis sont parfaitement extrajudiciaires. Personne dans le pays n'a obtenu jusqu'ici une révision judiciaire d'un tel ordre. Le gouvernement américain a pour politique de ne même pas admettre la délivrance de tels ordres, qui comprennent ceux qui interdisent de se trouver à bord d'un appareil survolant les États-Unis sans devoir y atterrir. L'ancien secrétaire à la Sécurité intérieure, Michael Chertoff, a dit en public qu'à son avis, les décisions d'interdiction de vol ne devraient pas être susceptibles de révision judiciaire. Pour sa part, le gouvernement actuel des États-Unis n'a rien fait pour se dissocier de ce point de vue.
Bien que les conséquences pour n'importe qui soient très sérieuses, notamment pour les citoyens américains pris au piège à l'étranger, qui sont actuellement incapables de rentrer chez eux parce qu'ils ne peuvent pas prendre l'avion et n'ont aucun autre moyen de regagner le territoire américain, ces mesures ont probablement les pires effets sur les réfugiés et les demandeurs d'asile. Vous devez vous rendre compte que l'adoption du projet de loi C-42, donnerait de facto au gouvernement des États-Unis un droit de veto pouvant empêcher presque n'importe qui de se réfugier au Canada.
Cela ressemble beaucoup au cas de Dawood Hepplewhite, un Britannique qui ne peut pas quitter Toronto parce qu'on lui a interdit de prendre l'avion pour rentrer chez lui. Son nom figure sur la liste d'interdiction de vol des États-Unis. M. Hasbrouck a ensuite parlé de la façon dont les données recueillies sont utilisées. Il a dit:
Ces données servent également à la surveillance des voyageurs. On ne peut pas dire qu'elles seront simplement utilisées pour prendre une décision ponctuelle d'autoriser ou non un vol. Même si vous n'êtes pas jugé suspect et que vous soyez autorisé à prendre l'avion, tous les renseignements de votre DP seront ajoutés à l'historique permanent de vos déplacements et aux données qui existent déjà à votre sujet dans le cadre du système automatique de ciblage.
Mark Salter, professeur agrégé de l'École d'études politiques de l'Université d'Ottawa, a dit ce qui suit au comité:
Les gouvernements veulent mettre la main sur ces renseignements pour être en mesure de créer des profils de passagers tant sûrs que risqués. La recherche montre clairement qu'aux États-Unis et au Royaume-Uni, des organismes gouvernementaux cherchent à recueillir autant de données que possible sur les voyageurs. Des organismes tels que l'Agence britannique des services frontaliers essaient de mettre au point des algorithmes hautement complexes pouvant prédire non quels individus peuvent être dangereux, mais quels genres d'itinéraires sont les plus risqués.
Ce qui m'inquiète au sujet de ce projet de loi particulier, c'est que les données n'iront pas seulement aux pays de destination. Elles pourraient aussi être communiquées à tous les États que l'avion peut survoler. À mon avis, c'est là que réside le principal changement apporté par cette mesure législative, un changement qui m'inquiète beaucoup.
Les vols qui empruntent les routes polaires entre Vancouver et Hong Kong survolent la Russie et la Chine. Estimons-nous que ce sont là des destinations raisonnables pour le dossier passager des citoyens canadiens? Les vols à destination de la Colombie ou du Brésil doivent survoler un grand nombre de pays d'Amérique latine. Les vols à destination de Dubaï passent par-dessus la plupart des pays d'Europe et un certain nombre de pays du Moyen-Orient. Le gouvernement du Canada est-il persuadé que les pays de destination des données peuvent leur assurer une protection adéquate? Est-ce qu'Air Canada et d'autres compagnies aériennes ont la même conviction?
Je crois savoir que l'un des buts de ce projet de loi est de soustraire Air Canada aux exigences de la LPRPDE afin de lui permettre de communiquer ces renseignements. Ce qui m'inquiète, c'est que ni le gouvernement ni d'autres organismes n'ont prévu de protéger les données qui iront maintenant à l'étranger.
[...] je crois qu'il est dangereux de sacrifier notre vie privée et nos libertés dans le vain espoir de réduire les risques à zéro ou d'aspirer à une sécurité parfaite. Cette mesure particulière n'assure aucune sécurité supplémentaire au secteur du transport aérien tout en alourdissant le fardeau des citoyens canadiens qui voyagent en avion. [...] l'utilisation des données commerciales créées par les compagnies aériennes à leur propre usage constitue un risque évident pour la vie privée sans comporter d'avantages clairs. Il n'y a pas de réciprocité parmi les autres pays. Nous ne faisons que rendre les Canadiens plus vulnérables aux services de sécurité d'autres pays qui n'ont peut-être pas des lois et des engagements aussi rigoureux que ceux du Canada envers la protection de la vie privée et des renseignements personnels.
Les données canadiennes ne devraient pas être à la portée de régimes paranoïaques dont une compagnie aérienne aura choisi de survoler le territoire. Le changement proposé autorisant la communication des données aux États survolés augmente la vulnérabilité des données canadiennes sans prévoir des recours ou des appels.
Nous pouvons supposer que les citoyens qui se rendent dans un pays particulier savent qu'ils consentent à la communication de leurs données. Ils savent qu'ils doivent se plier à un processus de visa ainsi qu'à un processus frontalier dans le cadre desquels leurs données sont évaluées. Toutefois, les Canadiens n'ont aucun moyen de savoir lesquels parmi les pays qu'ils ont survolés obtiendront leurs données, ce qu'il adviendra de ces données ni comment faire appel contre leur utilisation.
En plus d'être dangereuses, les modifications proposées à la Loi sur l'aéronautique ne comportent aucun avantage clair pour les Canadiens.
Nathalie Des Rosiers, avocate générale auprès de l'Association canadienne des libertés civiles, a dit au comité qu'on s'attend à ce que la Charte protège les renseignements personnels. Le projet de loi ne résisterait pas à une contestation invoquant l'article 1 parce qu'il ne fixe aucune limite. Il ne prévient pas adéquatement les problèmes que la divulgation des renseignements pourrait susciter, et ainsi de suite.
Le premier point attire l'attention sur une vulnérabilité constitutionnelle qu'il faudrait examiner de près avant d'aller plus loin. En effet, aucune disposition du projet de loi , ou des règlements de la TSA des États-Unis, ne prévoit de mesures pour protéger les renseignements. Rien ne garantit que la TSA ne va pas transmettre des renseignements à d'autres organismes publics, tels que les services de police ou d'immigration. Rien ne garantit que la TSA ne va pas transmettre ces renseignements à des pays tiers. C'est un problème particulièrement épineux pour certains Canadiens, notamment Maher Arar. Rien ne garantit que la TSA ne va pas utiliser les renseignements pour soumettre les Canadiens au profilage, pour les inscrire sur sa liste de surveillance ou d'interdiction de vol.
Mme Des Rosiers a aussi rappelé au comité que la liste d'interdiction de vol fait l'objet d'une contestation constitutionnelle aux États-Unis. Elle est contestée parce qu'il y a trop de faux positifs. Le processus a été qualifié de kafkaïen puisqu'il ne permet pas aux gens de savoir s'ils se trouvent sur cette liste, comment faire enlever leur nom de ladite liste, et les données personnelles les concernant qui y figurent.
Voilà le danger. Des passagers canadiens risquent de se retrouver coincés dans une région du monde sans avoir la possibilité de prendre l'avion pour rentrer chez eux. Nous n'avons aucune garantie que le nom d'un Canadien innocent ne se retrouvera pas par accident sur cette liste. Nous n'avons aucune garantie que d'innocents Canadiens dont les noms auraient été ajoutés par erreur sur la liste ne se retrouveront pas interdits de vol aux États-Unis ou détenus aux États-Unis ou ailleurs sans disposer du moindre recours.
Je ne suis absolument pas convaincue que fournir des renseignements sur des Canadiens soit avisé ou sûr. La divulgation au département de la Sécurité intérieure de données personnelles sur des passagers se rendant dans certains pays, en particulier Cuba, pourrait avoir des conséquences fâcheuses. Ces données pourraient par exemple être utilisées pour repérer les entreprises canadiennes faisant des affaires avec Cuba ou pour pénaliser les personnes s'étant rendues à Cuba en leur interdisant par la suite l'entrée sur le territoire américain.
Comment le Canada s'assurera-t-il que les États-Unis n'utiliseront pas leur programme Secure Flight pour imposer des pénalités aux entreprises étrangères faisant des affaires avec Cuba, en vertu de la loi Helms-Burton? Certains Canadiens et certaines entreprises canadiennes ont des relations très positives de longue date avec Cuba. Des millions de Canadiens ont visité Cuba et aimeraient continuer à y aller, j'en suis certaine.
Des experts réputés et des Canadiens inquiets n'ont cessé de nous mettre en garde. Le gouvernement va les écouter, je l'espère. Nous devons rejeter le projet de loi . Les Canadiens méritent mieux que le peu de leadership et le manque de rigueur dont fait preuve le gouvernement. Comment peut-on se fier à un gouvernement, à des ministres et à un qui se montrent si désireux de mettre à mal notre droit au respect de notre vie privée et notre sécurité?
Notre commissaire à la vie privée a bien dit que « [...] le gouvernement canadien a le devoir de protéger les droits civils et le droit à la vie privée de ses citoyens. ». Il est temps que le gouvernement comprenne cela et remplisse son devoir.
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Monsieur le Président, c’est avec plaisir que je prends la parole à la Chambre, aujourd’hui, pour parler du projet de loi . Cette loi cherche à créer une exception à l’application d’une autre loi, la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, la LPRPDE, pour les exploitants d’aéronefs.
À notre avis, ce projet de loi devrait être rejeté, car il permet simplement à des services de sécurité étrangers, principalement ceux des États-Unis, d’explorer nos données. C’est une atteinte injustifiée à la vie privée des Canadiens. Cette atteinte à la vie privée s’accompagne de la menace que l’espace aérien américain sera fermé aux avions canadiens si ce projet de loi n’est pas adopté.
À l’heure actuelle, la Loi sur l’aéronautique exempte les compagnies aériennes des restrictions prévues par la LPRPDE concernant la divulgation de renseignements personnels sans le consentement de l’intéressé lorsque les lois d’un pays étranger exigent la divulgation de renseignements au sujet de quiconque se trouve à bord d’un avion atterrissant dans ce pays. En conséquence, le transporteur aérien peut divulguer, sans restriction, à un gouvernement étranger, des renseignements sur les passagers de tout vol canadien qui va atterrir dans le pays en question, que le vol émane ou non du Canada. Cette divulgation n’exige pas le consentement du passager ou l’application des exceptions normales prévues dans la LPRPDE.
Le projet de loi modifie l’article en question pour élargir sa portée. Dorénavant, il s’appliquera non seulement à l’égard des États étrangers dans lesquels le vol atterrit, mais également de tout État étranger que l’avion survolera. En conséquence, que l’État étranger dans lequel atterrit l’avion exige ou non la divulgation de renseignements personnels, en vertu de ce projet de loi, un transporteur aérien pourra divulguer ces renseignements sans le consentement de l’intéressé si les lois d’un pays étranger survolé l’exigent.
Le Secure Flight Program des États-Unis oblige déjà les compagnies aériennes canadiennes à transmettre au gouvernement américain des renseignements sur les passagers, y compris leur nom complet, leur date de naissance, leur sexe et, si ces renseignements sont disponibles, leur numéro de passeport et leur itinéraire, 72 heures avant le départ des vols à destination des États-Unis.
Maintenant, le gouvernement américain cherche à aller plus loin en rendant ce programme international au moyen d’exigences en vertu desquelles des renseignements personnels seraient divulgués sur les passagers de tous les vols traversant l’espace aérien américain. Par conséquent, le projet de loi cherche à nous imposer les préoccupations des Américains sur le plan de la sécurité à l’égard des étrangers qui survolent l’espace aérien des États-Unis.
Je tiens à être bien clair. Cela veut dire qu’en vertu des nouvelles dispositions du projet de loi , on divulguera les renseignements personnels des citoyens canadiens à bord de tout avion partant du Canada à destination d’un pays tiers, qui survole les États-Unis. Cela touche, par exemple, les vols transportant des Canadiens vers le Mexique, Cuba ou la Jamaïque. Je pourrais mentionner bien des pays où les Canadiens vont en avion pendant les mois d’hiver.
De plus, selon Roch Tassé, de la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles:
Les Américains auront un droit de veto sur chaque passager qui embarque dans un avion au Canada, même s’il ne met pas le pied sur le sol des États-Unis.
M. Tassé a ajoute:
Qu’arrivera-t-il si le Canada invite l’ambassadeur d’un pays comme Cuba?
Même si le gouvernement semble avoir négocié une exemption pour les vols canadiens intérieurs qui pénètrent dans l’espace aérien des États-Unis, l’élargissement de la divulgation des renseignements personnels concernant nos citoyens à des gouvernements étrangers est inquiétant, d’autant plus que, de l’avis général, la création et la tenue de la liste d’interdiction de vol américaine sont un vrai désastre.
Par exemple, on rapporte que des enfants et même des bébés se sont retrouvés par erreur sur la liste d'interdiction de vol des États-Unis. Bien entendu, le cas du défunt sénateur américain Ted Kennedy est le plus célèbre de tous. En raison de renseignements erronés dans la liste d'interdiction de vol, on a déclaré que ce dernier était un terroriste. Au Canada, l'affaire Arar devrait servir de mise en garde sur la façon dont le partage de données inexactes peut mener à des résultats épouvantables.
À la lumière de ces faits, comment les Canadiens peuvent-ils être certains que leurs renseignements personnels resteront confidentiels?
En outre, qu'est-ce qui garantit aux Canadiens que ces renseignements serviront selon les modalités prévues?
Il semble y avoir un accord avec les États-Unis stipulant que tous les renseignements recueillis, qui sont sans lien avec le terrorisme, seront effacés après sept jours, mais qu'est-ce qui nous prouve que la mise à exécution de ces mesures sera rapide et efficace? Si l'on se fie à la tenue de la liste d'interdiction de vol, il est très probable que les renseignements confidentiels des Canadiens seront mal gérés.
Voilà ce qui est véritablement inquiétant dans cette affaire. Ces renseignements peuvent être conservés pendant des années et utilisés à des fins autres que celles prévues au départ.
Le gouvernement affirmera aux Canadiens qu'il prend des mesures pour veiller à ce que les renseignements fournis soient conservés pendant quelques jours seulement. Mais en vérité, une fois les renseignements transmis, nous n'avons plus aucun contrôle sur ceux-ci. La seule façon dont nous pouvons protéger les renseignements personnels des Canadiens est d'empêcher la mainmise des États-Unis et d'autres pays sur ces renseignements. Nous devons affirmer avec force notre conviction que la sécurité a beau être une des principales préoccupations au moment de réglementer l'industrie aérienne et l'accès aux vols, cela ne signifie pas pour autant que les questions de sécurité doivent empiéter sur les droits des Canadiens à la vie privée.
Les néo-démocrates comprennent la nécessité de prendre en considération les questions de protection des renseignements personnels et de sécurité pour protéger les personnes des menaces à la sécurité tout en veillant à ne pas porter atteinte à leurs libertés individuelles. On n'y parvient toutefois pas en élargissant la portée de la divulgation de renseignements personnels.
Pourquoi les Canadiens devraient-ils croire qu’un échange accru de renseignements avec des gouvernements étrangers est dans l’intérêt du Canada et des Canadiens, surtout quand on songe à la mauvaise gestion généralisée des renseignements recueillis en vertu de la liste des personnes interdites de vol des États-Unis?
Qu’obtiendront les Canadiens en échange de cette grossière violation de leur vie privée? Pas grand-chose. Ils attendront peut-être un peu moins pour monter à bord d’un avion. Toutefois, il y aura aussi un risque accru que leurs renseignements personnels soient mal gérés, ce qui s'est déjà produit souvent.
Pourquoi le gouvernement est-il prêt à s’engager dans la collecte et la communication de renseignements personnels, dans ce cas, alors qu’il était plus que disposé à abolir le questionnaire détaillé du recensement au motif qu’on y demandait trop de renseignements personnels?
Les écarts dans la perception de la réalité du gouvernement doivent être mis au jour. Comment expliquer ces critères totalement différents pour la collecte et la communication de renseignements personnels? Le gouvernement ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre dans le cas présent. Soit il consent à la collecte et à la communication de renseignements personnels confidentiels soit il n’y consent pas. Qu’en est-il?
J’aimerais citer mon collègue de , notre porte-parole en matière de transports et d’infrastructure, qui a dit:
À première vue, le projet de loi paraît bien simple. On a l'impression qu'il ne fait que changer quelques lignes à la Loi sur l'aéronautique. Toutefois, il comporte beaucoup plus de ramifications. Nous avons constaté que le gouvernement ne s'est pas penché sur ces ramifications avant de présenter le projet de loi […]
Les Canadiens divulgueront leurs renseignements personnels, mais ce n'est pas tout [...]
Nous avons entendu des témoignages sur les dossiers de passager. La plupart des renseignements accessibles aux Canadiens seront transférés. Il ne s'agira pas que des noms, numéros de passeport et dates de naissance; nous permettrons aux États-Unis d'examiner tout les dossiers de passager. C'est une affaire très sérieuse, car le dossier fournit beaucoup plus de renseignements. Nous avons entendu parler de nombreux exemples dans les médias ces derniers mois de personnes dont on a utilisé les renseignements, ce qui leur a causé des difficultés au moment de vouloir entrer aux États-Unis. Nous avons mis sur pied un système qui peut causer beaucoup de problèmes aux passagers qui survolent le territoire américain.
En août 2007, la Commission européenne a émis une opinion au sujet d'un accord entre l'Union européenne et les États-Unis concernant le traitement et le transfert de données des dossiers passagers au département de la Sécurité intérieure des États-Unis par les transporteurs aériens.
Le but de l'opinion était de comparer l'accord conclu en 2007 avec d'autres accords. Selon cette opinion, les garanties à l'égard des renseignements personnels sont plus faibles que dans le cas de tout autre type d'accord. Plus particulièrement, la quantité de renseignements transmis est augmentée; le département de la Sécurité intérieure peut se servir de renseignements sensibles qui ont été exclus par des accords antérieurs; la transmission de renseignements à des agences étrangères est facilitée et ne fait plus l'objet des garanties précédentes et les renseignements transmis en vertu de cet accord entre l'Union européenne et les États-Unis seront conservés au moins pendant 15 ans et, dans certains cas, pendant 40 ans.
D'autre part, selon cette opinion, le nouvel accord prévoit un nombre d'exemptions plus important. Plus particulièrement, les garanties protégeant les renseignements personnels peuvent être levées à la discrétion des États-Unis. La Commission européenne a déclaré: « [...] le nouvel accord n'établit pas un juste équilibre pour préserver les droits fondamentaux des citoyens en ce qui concerne la protection des renseignements. »
Comme je l'ai mentionné plus tôt, Roch Tassé, de la Coalition internationale pour la surveillance des libertés civiles, a déclaré ce qui suit: « Les Américains auront un droit de véto sur chaque passager qui montera à bord d'un avion au Canada, même s'il ne met pas le pied sur le territoire des États-Unis. »
L'Association du transport aérien du Canada, l'ATAC, a fait part de ses griefs au département américain de la Sécurité intérieure en décembre dernier. Elle s'est plainte du fait que la communication par les compagnies aériennes canadiennes de détails relatifs aux passagers canadiens viole les lois du Canada qui protègent les renseignements personnels et les documents électroniques ainsi que ses lois relatives à l'aéronautique.
Avec l'adoption du projet de loi , la communication de ces renseignements privés ne violera plus les lois du Canada. La seule façon d'assurer la protection des renseignements personnels des Canadiens est de ne plus les transmettre aux États-Unis.
Les néo-démocrates sont d'avis qu'il faudrait rejeter ce projet de loi, car ce n'est qu'un moyen détourné pour permettre aux services de sécurité étrangers, en particulier ceux des États-Unis, d'obtenir des renseignements personnels, et que c'est une intrusion injustifiée dans la vie privée des Canadiens. Cette atteinte à la vie privée est étayée par la menace de fermer l'espace aérien américain aux Canadiens qui veulent aller à l'étranger en survolant, sans y mettre les pieds, le territoire des États-Unis.
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Monsieur le Président, je suis heureux d’avoir l’occasion de formuler quelques observations sur le projet de loi . Je crois qu’il aurait été possible d’éclaircir certains points si les députés s'étaient donné la peine de prendre connaissance des témoignages présentés au comité au sujet des droits internationaux et du droit qu’ont les pays de protéger leur territoire et leur espace aérien.
Essentiellement, ce projet de loi se situe dans le prolongement de la réaction des États-Unis aux menaces terroristes. Les Américains sont nos voisins et nos plus importants partenaires commerciaux. Toutefois, les mesures prises par les États-Unis ne sont clairement pas dirigées contre le Canada. Elles ont plutôt pour objet de protéger leur espace aérien souverain.
Il est facile de prononcer à la Chambre un discours sur le droit à la vie privée. Un député vient de dire que les Américains auront accès à notre carte d’assurance-maladie et à notre dossier médical. Ce n’est pas le cas. En fait, la commissaire à la protection de la vie privée a comparu devant le comité et elle a parlé des renseignements divulgués. Il s’agit de renseignements assez élémentaires.
D’après les témoignages que nous avons entendus, des renseignements du même genre sont fournis lorsque nous passons la frontière en voiture. Nous devons alors montrer notre passeport. Comme les Américains tiennent des dossiers, cela leur donne accès à des fichiers de voyage. Ils disposent probablement de renseignements assez importants sur les gens qui se rendent aux États-Unis, des renseignements qui sont en tout cas plus importants que ceux des voyageurs qui survolent le territoire américain.
Le projet de loi est très simple. Il demande au Canada de fournir des renseignements sur les gens qui se trouvent à bord d’un avion qui va aux États-Unis ou qui survole le territoire américain.
Les témoignages présentés au comité n’étaient pas à 100 p. 100 favorables. Certains ont soulevé la question de la protection de la vie privée. Toutefois, quand nous avons abordé le cœur du sujet, personne n’a contesté le droit qu’a tout État souverain de se protéger et d’imposer des conditions à ceux qui veulent entrer dans son espace aérien. Il n’y a pas de désaccord à ce sujet. La question qui se pose est donc la suivante : Dans quelle mesure l’information demandée, quelle qu’elle soit, est-elle nécessaire à cet État souverain à des fins de protection?
En examinant les délibérations du comité, j’ai constaté que les témoins préconisaient la recherche d'un équilibre approprié entre notre sécurité et la protection des libertés civiles et de la vie privée des Canadiens. Je crois que c’est à cette conclusion que le comité a abouti.
Comme je l’ai dit, le droit international reconnaît à chaque État le droit de réglementer la circulation des aéronefs sur son territoire. Les États-Unis ont la convention de Chicago, dont le Canada est signataire. En vertu de cette convention, nous avons l’obligation de nous conformer aux lois et règlements d’un État contractant relatifs à l’entrée et à la sortie de son territoire des aéronefs employés à la navigation aérienne internationale, ou relatifs à l’exploitation et à la navigation desdits aéronefs à l’intérieur de son territoire. Comme je l’ai dit, le Canada est signataire de cette entente.
La question est maintenant de savoir s’il est entendu et accepté que le Canada a le droit souverain d’obtenir certains renseignements des gens qui visitent le pays dans diverses situations, même s’ils arrivent sans papiers ou s’il y a d’autres difficultés du même ordre. Il y a toutes sortes de situations dans lesquelles le Canada exige des renseignements de ceux qui veulent entrer au pays. En l’absence de ces renseignements, les gens peuvent être détenus et faire l’objet d’une enquête destinée à établir les motifs de leur présence au Canada.
Le comité a aussi discuté du fait que si nous n'adoptons pas ce projet de loi et, en fait, si nous refusons de communiquer les renseignements demandés, il ne sera plus possible que des vols en partance du Canada à destination d'un pays autre que les États-Unis survolent le territoire américain. On n'aurait pas la permission d'entrer dans l'espace aérien américain. Les conséquences d'une telle décision seraient énormes. Beaucoup d'avions pénètrent dans l'espace aérien des États-Unis, mais n'atterrissent pas dans ce pays. Les conséquences de choses aussi simples que les frais de carburant, les délais nécessaires et les inconvénients seraient dévastatrices, non seulement pour les sociétés aériennes, mais aussi certainement pour leurs clients et le Canada.
On ne peut pas prendre au sérieux ces arguments et les craintes non fondées selon lesquelles ce projet de loi ne protégerait pas les droits des Canadiens à la vie privée parce que des renseignements secrets à leur sujet seraient communiqués et utilisés à très mauvais escient. Nous avons signé un accord. Il nous incombe de respecter les exigences des États-Unis, qui, pour des raisons très importantes et légitimes, doivent protéger leur espace aérien, leur pays et leur population. Nous nous attendons à rien de moins de la part du Canada.
Au début de février, je crois, le ministre de la Sécurité publique a fait la déclaration suivante:
De notre côté, nous avons travaillé en étroite collaboration avec les Américains pour que cette modification soit mise en oeuvre de manière à tenir compte de l'intérêt du Canada en matière de sécurité et à protéger les renseignements personnels des Canadiens.
Il incombe maintenant à la coalition dirigée par les libéraux de cesser ses jeux politiques et d'appuyer ce projet de loi essentiel.
C'est l'aspect politique de la question. Sur le plan opérationnel, on a toutefois réussi à adopter une approche équilibrée quant au respect des droits d'un État à la souveraineté. Si un député décide de voter contre cette mesure législative, j'espère que ce ne sera pas parce qu'il préfère ne pas tenir compte des droits d'un pays à la souveraineté. C'est insensé. La seule raison de s'opposer à cette mesure pourrait être fondée sur les renseignements demandés.
Lors de sa comparution devant le Comité permanent des transports, de l'infrastructure et des collectivités, la commissaire à la protection de la vie privée a fait savoir très clairement que, même si cette question suscite certaines préoccupations, elle n'enfreint pas les droits des Canadiens à la vie privée qui sont prévus dans la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques.
Je crois qu'il y a consensus. Je peux tout de même comprendre que les Canadiens réagissent quand ils savent que certains de leurs renseignements pourraient être divulgués. Pourtant, on leur dit bien que, s'ils doivent survoler les États-Unis pour se rendre au Mexique, ils devront fournir leur nom, leur adresse, leur numéro de passeport, et cetera. C'est ce qui se fait normalement. En fait, les Canadiens divulguent autrement plus de renseignements dans leur vie quotidienne. Nombreux sont ceux qui donnent leur numéro de carte Visa à un fournisseur quelconque pour acheter un article ou un autre sur Internet. Qu'est-ce qui leur garantit que le fournisseur en question ne va pas leur facturer d'autres montants tant qu'il ne se fera pas pincer? Ça arrive, ces choses-là.
Ayant moi-même déjà présidé le Comité de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique, j'ai déjà entendu bon nombre de ces arguments. La commissaire à la protection de la vie privée est reconnue partout pour agir avec célérité et rigueur dès que l'on touche au droit des Canadiens à la protection de leur vie privée. On en a d'ailleurs eu la preuve récemment avec les dispositions laxistes des politiques de Facebook. Elle n'hésite d'ailleurs pas à collaborer avec de nombreuses instances internationales pour faire respecter les droits des Canadiens.
Que peut-on ajouter quand une personne qui a l'expérience, l'expertise et la crédibilité de la commissaire à la vie privée affirme que, à la lumière du droit souverain qu'ont les États-Unis de protéger leur propriété, le projet de loi ne va pas trop loin quand il prévoit la communication des renseignements que l'on sait? Selon elle, il s'agirait au contraire d'une exigence tout à fait nécessaire.
J'ai écouté les débats qui ont ponctué l'étape de la deuxième lecture. J'ai lu une partie des témoignages livrés aux membres du comité, et même après avoir analysé les arguments des deux camps, je crois que certains députés font erreur lorsqu'ils affirment qu'ils vont voter contre ce projet de loi dans le simple but de protéger le droit des Canadiens à la protection de leur vie privée. En fait, ils disent qu'ils vont tout faire pour qu'il ne soit pas adopté. Ils veulent que les Canadiens tiennent tête aux États-Unis en ne leur fournissant pas les renseignements demandés, quitte à dépenser plus d'argent pour contourner leur espace aérien, et qu'ils aillent même jusqu'à refuser de divulguer ces mêmes renseignements si jamais ils devaient se rendre sur le territoire des États-Unis.
Les compagnies aériennes n'accepteront jamais. C'est impossible, car il est impensable qu'un transporteur puisse faire de l'argent s'il doit littéralement contourner tout un continent. C'est un non-sens.
Nous cherchons à mettre en oeuvre, de concert avec les États-Unis, divers moyens pour accélérer les passages frontaliers vers ce pays, non seulement dans l'intérêt des gens qui partent en vacances ou effectuent de brèves visites, mais surtout pour faciliter les échanges économiques. La dimension économique est l'argument qui pèse le plus.
Nous ne pouvons pas ignorer les conséquences économiques sérieuses qui résulteraient de ce projet de loi. C'est un problème qui a été soulevé très clairement lors des audiences du comité. Notre porte-parole en matière de transports a essayé de convaincre la Chambre que le Canada pouvait négocier pour résoudre certains problèmes. Personne ne nous a fourni une liste exhaustive des renseignements qui devront être communiqués parce que je crois qu'une telle liste n'existe pas. Cependant, je suis d'avis que la quantité de renseignements serait minimale, comparativement à ce que certains députés ont indiqué. Communiquer le numéro d'assurance-maladie d'une personne ne présente absolument aucun intérêt sur le plan de la sécurité. Il est étonnant d'entendre des gens prétendre que de tels renseignements seront envoyés aux États-Unis.
J'ai entendu un député dire, en guise d'argument, dans son discours, que, si les États-Unis voulaient obtenir ces renseignements, ils pourraient les trouver dans une base de données et qu'il est possible d'exploiter les liens conduisant d'une information à l'autre. Les gens vont à l'étranger par affaires et y reçoivent des traitements médicaux. Il existe des dossiers informatisés contenant des renseignements sur les gens, et c'est pourquoi nous devons favoriser la recherche des solutions, et non aggraver les problèmes. Il est très clair que la bonne attitude consiste à oeuvrer pour trouver le juste milieu et fournir l'information nécessaire, de manière à respecter le droit souverain des États-Unis de limiter les déplacements dans leur espace aérien. Ce droit existe, peu importe qu'on puisse vérifier ou non qui est à bord de l'avion.
C'est une question de sécurité. Il ne s'agit pas de savoir si les mesures de sécurité violent le droit à la confidentialité. Nous avons une obligation légale en vertu des accords que nous avons déjà signés avec les États-Unis. Pratiquement tous les pays exigent des transporteurs aériens qu'ils respectent certaines conditions et obtiennent l'autorisation nécessaire pour pouvoir emprunter leur espace aérien.
Ce n'est pas facile. Il serait si simple d'expliquer comment nos droits à la vie privée doivent être protégés, mais à quel prix le ferait-on? Parlons-nous de divulgation extrême de la vie privée ou du nom, de l'adresse, du numéro de téléphone et du numéro de passeport d'une personne, qui sont tous facilement trouvables? Lorsque des gens entrent aux États-Unis, ils remplissent une fiche où ils doivent préciser s'ils transportent de grosses sommes d'argent, des fruits, des légumes et des armes à feu, dans quel hôtel ils vont loger et à quel numéro de téléphone on peut les joindre. Nous faisons déjà cela naturellement, pourtant, ce sont beaucoup de renseignements. C'est beaucoup plus que ce que l'on demande dans le cadre du projet de loi .
Je n'entends pas de débat sur toutes ces divulgations. C'est parce que, si nous voulons atterrir aux États-Unis, ce sont les renseignements qui sont demandés. Nous le comprenons parce que les États-Unis ont le droit de demander cela, et si nous refusons de donner les renseignements, nous n'entrons pas aux États-Unis. J'apprécie les interventions de quelques députés, mais il est faux de prétendre que nos droits à la vie privée sont piétinés et la commissaire à la vie privée, Mme Stoddart, a confirmé devant le Comité permanent des transports, de l'infrastructure et des collectivités que ce n'était pas une atteinte à la vie privée ni aux droits des Canadiens.
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Monsieur le Président, je suis heureux de pouvoir prendre la parole pour donner mon avis sur le projet de loi .
Je voudrais commencer par remercier notre porte-parole en matière de transports, le député de , d'avoir rappelé à la Chambre que ce projet de loi nous engage sur une pente glissante et qu'il risque de porter atteinte aux libertés et aux droits les plus fondamentaux qui nous définissent en tant que Canadiens.
Permettez-moi de commencer mes observations en soulevant deux points. Les Canadiens ont le droit de savoir comment le gouvernement dépense leur argent et ils ont le droit d'être mis au courant des politiques et des programmes du gouvernement. À chaque étape du processus, les Canadiens ont le droit absolu de savoir. En fait, le droit de savoir, l'accès à l'information, est l'oxygène de la démocratie. Or, l'inverse n'est pas vrai.
Le gouvernement n'a pas le droit de savoir tout ce que font les citoyens. C'est l'une des pierres angulaires de notre démocratie. C'est l'une des libertés fondamentales dont nous jouissons au Canada, une société et une démocratie occidentale. C'est une pente glissante et j'avertis les députés que nous devons demeurer vigilants pour éviter la moindre atteinte, aussi subtile soit-elle, à ces libertés et droits fondamentaux.
Chaque fois que la Chambre des communes est saisie d'une mesure législative qui risque de porter atteinte à ces libertés fondamentales ou de limiter d'autres libertés, comme l'accès à l'information, nous devons intervenir et la dénoncer. C'est pourquoi je prends la parole aujourd'hui.
Le projet de loi , un projet de loi d'initiative ministérielle, devrait être rejeté. Il devrait être dénoncé et condamné. En fait, les Canadiens qui tiennent à notre souveraineté nationale devraient se réunir et protester contre la présentation de ce projet de loi, car des représentants du gouvernement du Canada sont en train de sacrifier, dans le cadre de négociations, les libertés et droits fondamentaux qui nous définissent en tant que Canadiens.
Ce projet de loi devrait être rejeté. Ce n'est qu'un moyen pour permettre aux services de sécurité étrangers, en particulier celui des États-Unis, d'obtenir des renseignements personnels. C'est une intrusion injustifiée dans la vie privée des Canadiens. Croyez-moi, je n'exagère pas lorsque je dis que le gouvernement des États-Unis n'a aucun droit de savoir quand des Canadiens montent à bord d'un aéronef au Canada. Pourtant, c'est l'une des dispositions prévues dans ce projet de loi qui s'inscrit dans la foulée de la liste d'interdiction de vol des États-Unis, laquelle constitue une atteinte directe à la souveraineté canadienne.
J'ai subi moi-même les conséquences de l'horrible liste d'interdiction de vol des États-Unis. Pendant longtemps, bien que je sois député au Canada, je n'ai pas pu obtenir de carte d'embarquement pour un vol intérieur de Winnipeg, où j'habite, à destination d'Ottawa, où je travaille à la Chambre des communes, et ce, même si le vol ne survole pas les États-Unis.
Ce sont les États-Unis qui ont créé cette liste, qui la tiennent à jour et qui l'ont en leur possession. Les Canadiens, même un député du Parlement comme moi, n'ont pas le droit de savoir pourquoi leur nom s'est retrouvé sur cette liste. Ils ne disposent d'aucun recours. Il n'existe aucun moyen de faire retirer leur nom de cette liste.
Pourtant, au comptoir d'enregistrement d'Air Canada, à l'aéroport de Winnipeg, la commis me reconnaît et m'appelle par mon nom. Lorsqu'on m'inscrit dans le registre des passagers, un message rouge apparaît sur l'écran. Bien que je sois député de la circonscription de , on me dit qu'on ne peut pas, hélas, me remettre une carte d'embarquement, car mon nom figure dans la liste d'interdiction de vol.
Il faut appeler au ministère des Affaires étrangères. On me répond, 45 minutes plus tard, qu'on ne peut pas m'aider. Il faut ensuite appeler aux États-Unis en composant un numéro magique. Les responsables américains font alors une recherche pour déterminer si je suis bien la personne qui figure dans la liste d'interdiction de vol.
Je ne peux même pas prendre l'avion dans mon propre pays. Les Canadiens devraient être furieux de cette intrusion dans la souveraineté du pays. C'est tout simplement absurde.
Cette situation a perduré pendant des années. Il m'est arrivé au moins 30 ou 40 fois de ne pas pouvoir prendre un vol intérieur, et il en a été ainsi jusqu'à ce qu'on décide de mal orthographier mon nom délibérément, même s'il s'agit d'une pratique frauduleuse. C'est ce qu'on m'a recommandé. On m'a suggéré de réserver mes vols en utilisant un autre nom et on m'a dit qu'ainsi, je n'aurais pas de problèmes. C'est la seule solution à ce problème, car il n'y a aucun moyen de convaincre les Américains de ne pas se mêler de nos affaires.
Il ne s'agit là que d'un autre chapitre de cette histoire absurde, sauf que dans le cas qui nous intéresse ici, la Loi sur l'aéronautique serait modifiée afin d'autoriser les entreprises de transport aérien à communiquer des renseignements personnels sur les passagers aux services de sécurité étrangers, surtout aux États-Unis. La nature de ces renseignements est énoncée dans des accords secrets conclus avec d'autres pays. Nous ne pouvons pas connaître la teneur de ces accords secrets, mais nous connaissons les dispositions de l'accord intervenu entre les États-Unis et l'Union européenne. Nous pouvons supposer que les dispositions des accords qui font en ce moment l'objet de négociations avec d'autres pays, y compris le Mexique, le Brésil, l'Argentine, le Chili, le Panama, la République dominicaine et les États-Unis, sont semblables à celles de l'accord-cadre entre les États-Unis et l'Union européenne.
Certaines dispositions de l'accord entre les États-Unis et l'Union européenne sont ahurissantes. Par exemple, entre autres renseignements qui peuvent être communiqués, mentionnons le dossier passager, qui contient le nom de l'agent qui a réservé le voyage, le numéro de carte de crédit du voyageur, le nom des personnes qui l'accompagnent, les coordonnées de l'hôtel où il séjournera ainsi que toutes sortes d'autres renseignements, comme les visites qu'il entend faire ou les voitures qu'il prévoit louer ainsi que tout problème de santé. Il s'agit de renseignements personnels de base, qui vont du numéro de carte de crédit jusqu'aux dossiers médicaux.
Nous ne parlons pas de gens à bord de vols à destination des États-Unis. Nous parlons de gens qui prennent un vol intérieur et qui survolent les États-Unis pendant environ deux minutes. À certains endroits, la frontière entre le Canada et les États-Unis n'est pas rectiligne; un avion qui va de Montréal à Winnipeg risque donc de survoler les États-Unis pendant quelques instants.
Tous ces renseignements se retrouveraient entre les mains des États-Unis, un gouvernement étranger. Pensez-y, ils peuvent les conserver pendant 40 ans et, je suppose, les utiliser contre une personne, en ajoutant possiblement le nom de celle-ci sur leur tristement célèbre liste d'interdiction de vol. Les renseignements peuvent être transmis au service de sécurité d'un tiers pays sans que l'autre signataire de l'accord n'y consente ou n'en soit avisé. Les renseignements pourront faire l'objet d'échanges entre pays partenaires dans le cadre de la guerre au terrorisme, comme s'il s'agissait de broutilles. On pourrait transmettre à droite et à gauche des renseignements concernant la carte de crédit et le dossier médical d'une personne et savoir qui l'accompagne en voyage. Le gouvernement du Canada abandonne son devoir de protéger le droit à la vie privée des Canadiens.
Je répète mes propos du début. À titre de citoyens canadiens, nous avons le droit absolu de savoir comment le gouvernement dépense notre argent et d'être mis au courant des politiques et des programmes, etc. Le gouvernement n'a pas le droit absolu de tout savoir sur les Canadiens. Nous avons un droit fondamental à la vie privée. C'est écrit dans la Constitution. Il existe un mandataire du Parlement qui a pour fonction de protéger ces droits. On ne peut les troquer dans le cadre de négociations. On ne peut pas se défiler de la Constitution à coup de négociations, d'autant plus que nous n'avons donné à personne ce mandat.
Le gouvernement conclut des accords, puis tente de les faire codifier et ratifier par le Parlement au moyen d'un projet de loi comme celui-ci. Il n'a ni droit ni mandat lui permettant de troquer nos droits constitutionnels à la vie privée, c'est pourtant ce qu'il a fait. Je ne comprends pas pourquoi les autres partis de l'opposition ne s'en rendent pas compte.
Nous sommes redevables au député de , qui a dénoncé les abus de ce projet de loi apparemment anodin, alors qu'il franchissait toutes les étapes à la Chambre des Communes et au Comité des transports. Heureusement, des témoins ont comparu devant ce comité au sujet de ce projet de loi. Ils ont déclaré sans équivoque que ce projet de loi brime et mine les droits fondamentaux des Canadiens à la vie privée.
L'entente intervenue entre les États-Unis et l'Union européenne, qui, selon nous, constitue le modèle pour les accords qui seront signés avec les autres pays partenaires, ajoute que nul ne peut savoir quels renseignements sont détenus à son sujet par les États-Unis et nul ne peut les corriger s'ils contiennent des erreurs. En d'autres mots, il n'existe aucun recours possible.
Encore une fois, la mise en place d'une procédure de règlement des griefs est un principe de justice naturelle. Si des erreurs sont commises, la personne visée devrait pouvoir se prévaloir d'un recours qui lui permettrait de contester la véracité des renseignements détenus à son sujet. Toutefois, le processus est empreint d'un tel secret que les particuliers n'ont aucun moyen de savoir ce que leur dossier dit à leur sujet et quels renseignements les touchant circulent entre les États.
C'est ainsi que se produisent des histoires d'horreur comme celle vécue par Maher Arar. Les Canadiens connaissent fort bien les cauchemars de ce genre, car, année après année, ils font la une des journaux nationaux, alors qu'on tente de comprendre comment une telle chose a pu arriver à un inoffensif citoyen canadien qui voyageait à l'intérieur de zones protégées par des autorités qui souhaitent renforcer la sécurité mondiale.
Des erreurs terribles se produisent et peuvent arriver. Si on ne fait pas appel à la raison et à la logique, il n'y a plus aucun contrôle possible. Si on ne tient pas compte des libertés fondamentales sur lesquelles notre pays a été bâti, on sacrifie les droits fondamentaux des Canadiens à l'autel de la lutte contre le terrorisme.
L'autre disposition de l'entente intervenue entre l'Union européenne et les États-Unis qui, selon nous, pourrait se retrouver dans les accords qui seront signés avec d'autres pays partenaires, si ce n'est pas déjà fait, c'est que les États-Unis peuvent modifier unilatéralement l'entente conclue, à condition d'en informer l'Union européenne. Il y a déjà eu une modification en vertu de laquelle tous les documents détenus par l'Union européenne relativement à l'entente ne doivent pas être rendus publics avant 10 ans. Autrement dit, il n'est pas possible de présenter des demandes d'accès à l'information. Apparemment, on ne tient pas compte de la liberté fondamentale dont j'ai parlé au début de mon intervention et qui concerne le droit absolu de savoir ce que fait le gouvernement de nos renseignements personnels. C'est une zone exempte de droits.
Le projet de loi se moque de notre droit de savoir. Il ne tient pas compte de ce qui, selon moi, constitue l'oxygène qui permet à la démocratie de respirer. Il ne tient pas compte du fait que, lorsqu'on peut faire la lumière sur le comportement et les gestes du gouvernement, on relève automatiquement ses normes d'éthique. Toutes ces choses sont foulées au pied, et les attentes des Canadiens quant au respect de leurs droits à la vie privée sont balayées du revers de la main.
Un député du Parti libéral vient de dire que le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada ne s’inquiète pas du projet de loi . De toute évidence, il n’était pas au Comité des transports lorsque celui-ci a entendu des témoignages sur le projet de loi.
Jennifer Stoddart, commissaire à la protection de la vie privée et fonctionnaire du Parlement chargée de protéger le droit fondamental des Canadiens au respect de la vie privée, a dit en fait que le projet de loi suscite d’importantes questions au sujet de la souveraineté. Elle a dit que le gouvernement canadien a le devoir de protéger la vie privée et les droits civils de ses citoyens et n’a pas le droit de brader ces droits auprès d’instances internationales. Le gouvernement n’est pas habilité à céder par voie de négociation des droits et privilèges garantis par la Constitution.
Ce pouvoir nous appartient. La Chambre des communes détient les freins et contrepoids qui servent à prévenir cette érosion et à nous empêcher d’aborder cette pente glissante et de créer un précédent pouvant amener le gouvernement à se décharger de sa responsabilité de protéger nos droits constitutionnels en matière de liberté et de vie privée.
Nous sommes très inquiets lorsqu’on nous demande d’agir sans être au courant des faits, d’établir le cadre de la mise en œuvre de cette entente sans connaître les détails du régime d’échange d’information convenu. Le gouvernement a peut-être même déjà signé l’entente puisque les détails n’ont pas été rendus publics.
En faisant des recherches sur le projet de loi, j’ai pris conscience de la façon dont nous suivons les Américains sur cette voie dangereuse. Nous savons tous que les États-Unis ont subi des attentats. Nous savons tous qu’ils ont le droit légitime de renforcer leur propre sécurité. Personne ne le conteste.
Le premier devoir d’un gouvernement est de veiller à la sécurité de ses citoyens. Nous espérons que les Américains réussiront à s’acquitter adéquatement de cette tâche et nous acceptons de coopérer à cette fin. Toutefois, nous ne croyons pas que la communication de ces renseignements renforcera la sécurité dans le monde. De plus, nous craignons fort d’être en train de renoncer à ces droits et libertés de base par souci de facilité, pour mettre en œuvre des mesures de sécurité qui aboutiront à un environnement moins sûr par suite de la suppression de ces libertés fondamentales.
Mes recherches m'ont rappelé une autre initiative nationale américaine. Pendant 30 ans, les États-Unis, pour mieux réprimer le crime, se sont bercés de l’illusion que des peines d’emprisonnement plus longues, des punitions plus sévères, des peines minimales obligatoires et l’incarcération de toute une génération allaient rendre leurs rues plus sûres. La raison pour laquelle je pense à ces mesures dans le contexte du projet de loi , c’est que nous savons aujourd’hui, comme les Américains l’ont eux-mêmes compris, qu’ils avaient tort.
Des chefs de file comme Newt Gingrich, de la droite républicaine préconisant une forte répression de la criminalité, ont publié récemment des éditoriaux dans le Washington Post reconnaissant qu’ils s’étaient trompés du tout au tout. Les Américains dépensent des milliards de dollars pour construire d’autres prisons. Ils entassent les prisonniers sans ménagement en infligeant des peines plus longues, mais leurs rues ne sont pas plus sûres. Ils acculent les autorités des États et leur gouvernement fédéral à la faillite pour loger tous ces détenus.
Les Américains viennent de se raviser. Ils disent maintenant qu’il faudrait réinvestir dans la prévention du crime, la désintoxication, le counselling et les services propres à éviter que des gens ne se retrouvent aux prises avec le système de justice pénale. Ils disent maintenant qu’il ne faudrait plus bâtir des prisons pour y entasser les prisonniers.
Au même moment, dans la même situation, le gouvernement du Canada s’engage dans la voie que viennent d’abandonner ses mentors néoconservateurs américains.
Le même raisonnement vaut pour le projet de loi à l’étude. Nous n’avons pas à nous engager allègrement dans la même voie que les États-Unis, dans ce que d’aucuns croient être une réaction excessive à leurs problèmes de sécurité nationale parce qu’ils n’ont pas toujours raison. Les États-Unis sont notre plus proche voisin et notre plus important partenaire commercial. Il arrive qu’un ami doive dire à son ami qu’il a tort.
Dans leur zèle et leur enthousiasme en matière de sécurité nationale, les Américains ont parfaitement tort de penser qu’ils assurent une plus grande sécurité à leur pays en sapant les droits fondamentaux et les libertés d’une démocratie occidentale. La démocratie est une construction fragile et ténue. Elle tient par les fils très fins des droits et des libertés. Si ces fils sont trop sollicités, usés et même rompus, le précieux édifice de la démocratie devient très vulnérable.
Il n’est pas étonnant qu’il n’y ait que 20 fédérations dans le monde. C’est que la démocratie est un régime de gouvernement difficile à maintenir. Il nous faut être particulièrement vigilants dans une fédération comme celle du Canada. Nous devons veiller à ne jamais être privés de libertés fondamentales comme le droit de savoir ce que fait le gouvernement et le droit à la vie privée. Si la Chambre des communes doit changer quelque chose, que ce soit pour améliorer et renforcer ces éléments fondamentaux de notre démocratie, non pour les affaiblir et les saper par une loi réactionnaire qui, croyons-nous, aura des effets préjudiciables et même aux antipodes de l’esprit de la loi et de l’intention du législateur, c’est-à-dire la lutte contre le terrorisme.
Il faut rejeter le projet de loi pour un certain nombre de raisons fondamentales.
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Monsieur le Président, je me réjouis de parler du projet de loi aujourd’hui. Je suis le porte-parole du NPD pour le tourisme. Mais surtout, je suis un citoyen canadien qui s’inquiète de cette énorme érosion de la vie privée et de la souveraineté des Canadiens. Le projet de loi a de graves conséquences pour les voyageurs canadiens qui prennent des vols internationaux survolant les États-Unis, mais sans atterrir dans ce pays.
Le projet de loi devrait être rejeté. De toute évidence, les Américains cherchent à obtenir nos données. Je peux comprendre pourquoi ils demandent à le faire, mais je ne peux pas comprendre pourquoi nous dirions oui, surtout si ce n’est pas réciproque. C’est une atteinte injustifiée à la vie privée des Canadiens, à bien des égards.
Il est inquiétant, mais malheureusement pas étonnant, que le gouvernement conservateur présente ce genre de projet de loi. Il est raisonnable de supposer que les gouvernements étrangers souhaitent que les transporteurs fournissent les noms et les renseignements personnels des passagers des vols qui doivent atterrir sur leur sol. Malheureusement, le projet de loi va beaucoup plus loin. Il obligerait les compagnies aériennes à fournir des renseignements personnels. Nous avons entendu le député de Winnipeg énumérer le genre de renseignements personnels qui seraient communiqués à un pays que les passagers se contentent de survoler.
Explorons certaines des répercussions du projet de loi. Apparemment, si un passager quitte le Canada pour aller passer des vacances à Cuba, comme le font de nombreux Canadiens, même si les Américains n’aiment pas cela parce qu’ils n’aiment pas Cuba et n’aiment pas que nous allions à Cuba, le département de la Sécurité intérieure des États-Unis pourrait obtenir le nom du passager, sa date de naissance et une trentaine d’autres renseignements personnels. Il vérifierait ces renseignements dans diverses bases de données, y compris la tristement célèbre liste d’interdiction de vol américaine. Si certaines personnes ont leur nom sur cette liste, elles ne pourront pas prendre l’avion et elles ne sauront même pas pourquoi. Également, ce ne sera peut-être pas simplement un incident isolé. Elles risquent de ne jamais pouvoir faire ôter leur nom de la liste d’interdiction de vol américaine et se voir interdire pendant très longtemps de prendre tout avion qui part du Canada, mais qui survole l’espace aérien des États-Unis.
Il y a déjà des exemples d’abus. Par exemple, il y a le cas d'Hernando Ospina. C’est un journaliste du Monde diplomatique dont le vol d’Air France de Paris à Mexico a été détourné vers la Martinique simplement parce qu’il avait écrit un article dans lequel il critiquait la politique étrangère américaine.
Il y a aussi le cas de Paul-Émile Dupret. C’est un chercheur belge qui travaille pour le Parlement européen. L’avion qu’il avait pris en Europe pour se rendre au Forum social mondial, au Brésil, a été détourné, non pas parce qu’il constituait une menace pour la sécurité, mais parce qu’il avait fait campagne contre le transfert, aux autorités américaines, de renseignements sur les voyageurs européens.
Qui figurera sur la liste d’interdiction de vol après nos discours d’aujourd’hui? Les députés de la Chambre des communes vont-ils se retrouver sur la liste d’interdiction de vol des États-Unis?
Comment le gouvernement peut-il assurer aux Canadiens que ce genre d’abus politique ne se produira pas si le projet de loi est adopté? Apparemment, les États-Unis ont dit à notre gouvernement qu’ils avaient besoin des renseignements personnels de tout le monde afin de pouvoir les comparer avec leurs diverses listes de personnes interdites de vol afin qu’il y ait moins de fausses concordances et moins de problèmes. Cela revient à dire: « Laissez-nous nous charger du contrôle de vos passagers à votre place ». Notre gouvernement est d’accord. Est-ce par paresse? Voulons-nous vraiment laisser quelqu’un d’autre se charger du contrôle de sécurité de nos citoyens qui se rendent dans un pays tiers en survolant les États-Unis? Nous allons simplement devoir accepter qu’ils ne puissent plus voyager à l’étranger parce que nous aurons donné à un autre pays un droit de veto sur les voyages des Canadiens.
J’espère que tous les députés, de tous les partis, comprendront ce qui est en jeu, voteront contre le projet de loi et préserveront les droits et la souveraineté des Canadiens.