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Monsieur le Président, avant la période des questions, je présentais des arguments reprenant les inquiétudes déjà formulées par d'autres députés qui pensent que ce n'est peut-être pas la bonne façon d'aborder l'objet du projet de loi. Il y aurait probablement eu de bonnes raisons de le renvoyer au comité avant la deuxième lecture pour permettre à des témoins experts de se prononcer sur les changements qu'ils jugeaient nécessaires avant qu'il soit envoyé à la Chambre pour y être débattu.
J'ai revu le discours prononcé vendredi par le ministre sur cette question, et ce qui me frappe, c'est que cela traîne depuis longtemps. En fait, on parle d'un incident qui s'est produit en 2009, M. Chen a été acquitté le 17 février 2011. Il a fallu beaucoup de temps pour que le projet de loi soit reçu. Je crois que c'est seulement le 17 février qu'il a été présenté à l'étape de la première lecture, et nous voici en mars.
Je me demande pourquoi le ministre n'a pas fait ce choix pour un projet de loi qui comporte, de l'avis de nombreux députés, des aspects assez nébuleux qui risquent d'entraîner de graves problèmes. Il y a tout un tas de facteurs permettant de dire s'il y a eu ou non un délai raisonnable, une attente raisonnable, etc., et le grand public ne connaîtra pas tous ces détails quand un incident de ce genre arrivera brutalement. Les gens pourront avoir l'impression que le projet de loi les autorise à procéder eux-mêmes à une arrestation sans se rendre compte qu'ils risquent eux-mêmes d'être inculpés. En dernière analyse, ce sont les tribunaux qui détermineront si leur action est conforme aux critères du projet de loi. Les choses ne sont pas si claires que cela.
Dans ces conditions, la seule explication que je trouve au refus du ministre de renvoyer le projet de loi directement au comité, c'est que le Comité de la justice est actuellement enlisé comme d'habitude dans plusieurs projets de loi. Vu le temps que prennent en moyenne ces projets de loi, il est probable que celui-ci ne serait pas renvoyé par le comité à la Chambre avant l'automne. Il ne serait probablement pas renvoyé au Sénat avant le congé de Noël, et c'est encore après que le Sénat s'en occuperait.
C'est une éternité, et encore à supposer que les choses aillent très vite, ce dont je doute. J'ai bien l'impression qu'on proposera d'importants amendements au comité, premièrement pour supprimer divers articles et deuxièmement pour en ajouter d'autres, qui risqueront d'être contestés parce qu'on dira qu'ils dépassent la portée ou l'objet du projet de loi. Et il pourrait y avoir d'autres problèmes.
Je regrette de le dire, mais toute cette affaire a été utilisée à des fins politiques.
Un collègue m'a rappelé que le député d' avait présenté un projet de loi d'initiative privé le 16 juin 2010, après l'acquittement de M. Chen, alors que le gouvernement n'avait encore rien fait.
Le 27 septembre 2009, le ministre de l'Immigration est en fait allé faire une séance de photo dans le quartier chinois et il a fait une promesse creuse, prétendant qu'il allait parler au gouvernement de modifier le Code criminel.
Le 16 juin 2010, après neuf mois d'inaction, le député d' a présenté son projet de loi d'initiative parlementaire.
Le 10 octobre 2010, M. Chen a été acquitté. J'ai fait erreur lorsque j'ai dit que c'était en février 2010. C'était en fait en octobre 2010.
Le 4 novembre 2010, le député d' a tenu une conférence de presse pour demander au gouvernement d'adopter son projet de loi, le projet de loi .
Le 21 janvier 2011, le a rencontré M. Chen et lui a promis qu'un projet de loi serait présenté bientôt.
Le 15 février, le gouvernement a indiqué dans le Feuilleton des avis que le présenterait un projet de loi. Le dépôt du projet de loi a eu lieu en février et le débat a commencé vendredi.
Il est important d'apporter les précisions nécessaires dans le Code criminel pour M. Chen et les autres citoyens qui sont victimes de vols qualifiés, mais certains éléments doivent être pris en considération dans la loi.
Pour la plupart des Canadiens, c'est une évidence. Ils protégeront leurs biens même si, pour ce faire, ils doivent saisir le type à bras-le-corps, quel qu'il soit, et le retenir jusqu'à ce que la police arrive. Ils ne se demanderont pas s'ils utilisent une force raisonnable ou non. S'ils rencontrent le type le lendemain et le reconnaissent, ils le saisiront à bras-le-corps. Ils ne sont pas certains que ce soit un délai raisonnable.
C'est précisément la question qui est au coeur de ce projet de loi, c'est-à-dire les divers facteurs qui seront employés par les tribunaux auxquels on demandera d'interpréter le projet de loi. Après avoir entendu les interventions de quelques députés, j'en conclus que le projet de loi ne fera qu'augmenter la confusion. Permettez-moi de vous donner quelques exemples.
L'étude de ces modifications législatives doit se faire sans oublier que, dans le feu de l'action, lorsque les gens doivent prendre une décision en un instant, ils n'ont pas le temps de réfléchir à ce qui suit.
Premièrement, une personne n'est coupable d'aucune infraction lorsqu'elle se défend ou se protège en employant des moyens raisonnables, dans les circonstances, contre quelqu'un qui, sans motif valable, cherche à employer la force contre elle ou la menace d'avoir recours à la force.
Voilà où commencent les problèmes. Comment établir que, dans les circonstances, une personne avait des motifs raisonnables d'employer la force pour procéder à l'arrestation d'une autre personne? Pour ce faire, le projet de loi dit que le tribunal pourra tenir compte d'une série de facteurs. On ne demande pas à la personne visée d'en tenir compte, même si je doute fort que le grand public puisse s'y retrouver de toute façon.
Le tribunal devra tenir compte de la nature de la force ou de la menace, de la mesure dans laquelle l'emploi de la force était imminent et de l'existence d'autres moyens pour parer à son emploi éventuel. Bref, y avait-il d'autres options que la violence? Le tribunal devra tenir compte du rôle joué par la personne lors de l'incident et de ses intentions: que faisait-elle exactement et a-t-elle, à un moment ou à un autre, pris part à l'incident d'une quelconque façon? Le tribunal devra ensuite établir si les parties en cause ont utilisé ou menacé d'utiliser une arme. Or, il arrive parfois que la réponse soit loin d'être claire ou que les gens ignorent ce qui est considéré comme une arme.
Le tribunal devra tenir compte de la taille, de l'âge et du sexe des parties en cause. Je suis loin d'être convaincu que la plupart des gens vont s'arrêter à des détails comme ceux-là. J'imagine que, si une personne très costaude en intimide une plus frêle, cela risque de peser dans la balance lorsque cette dernière va se demander si elle doit arrêter la costaude. La nature, la durée et l'historique des rapports entre les parties en cause vont aussi entrer en ligne de compte, tout comme la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l'emploi ou à la menace d'emploi de la force ainsi que la question de savoir si la personne a agi en réaction à un emploi à une menace d'emploi de la force qu'elle savait légitime. Voilà autant de facteurs qui devront être pris en considération.
Il y aussi tout ce qui touche la question de la défense des biens, mais dans ce cas, les parallèles sont plus nombreux. Sans lire toutes les dispositions, je dirais pour résumer que le projet de loi ne modifierait rien le Code criminel, si ce n'est qu'il permettra à une personne d'invoquer la défense des biens si elle arrête ou appréhende quelqu'un qui tentait de s'emparer de biens lui appartenant.
J'ai l'impression les Canadiens vont avoir du mal à comprendre que nous tentons de trouver l'équilibre entre la défense et la protection des biens, d'une part, et les libertés civiles, de l'autre. Il y a certaines choses qu'on ne peut pas faire à autrui. Où tracer la ligne?
Vendredi, le ministre de la Justice a qualifié le projet de loi d'équilibré et de nécessaire, mais ce n'est pas ce que nous voyons. Ce que nous avons entendu jusqu'à maintenant, c'est que les modifications aux articles 34 à 42 du Code criminel pourraient entraîner de la confusion, mais que les modifications proposées aux articles 495 et 494 semblent obtenir un certain soutien.
Actuellement, l'article 495 du Code criminel prévoit qu'un agent de la paix peut arrêter sans mandat une personne qui a commis un acte criminel ou qui, d'après ce qu'il croit pour des motifs raisonnables, a commis ou est sur le point de commettre un acte criminel; une personne que l'agent de la paix trouve en train de commettre un acte criminel; une personne que l'agent de la paix a de bonnes raisons de soupçonner d'avoir commis ou d'être sur le point de commettre un acte criminel.
Les tribunaux ont déclaré que pour qu'une arrestation commise sur la base de motifs raisonnables soit valide, il faut que ces motifs soit établis objectivement, c'est-à-dire qu'une personne à la place de l'agent de la paix aurait la conviction qu'il existe des motifs raisonnables et probablement justifiés de procéder à l'arrestation.
L'article 494 du Code criminel porte sur les arrestations par des citoyens. Actuellement, l'article 494 du code prévoit qu'un citoyen peut arrêter un individu en train de commettre un acte criminel, les individus poursuivis par d'autres personnes ayant le pouvoir de procéder à leur arrestation ou les individus qui commettent des actes criminels liés aux biens.
Il importe de reconnaître, comme l'a fait le ministre, que l'article 494 oblige à remettre aussitôt l'individu arrêté aux policiers, ce que les tribunaux ont interprété comme voulant dire le plus tôt possible, dans toute la mesure du raisonnable.
Tout à coup, les mots « raisonnable » et « interprétation » deviennent des éléments capitaux du projet de loi.
Le projet de loi élargirait le paragraphe 494(2) pour permettre au propriétaire d'un bien ou à une personne autorisée par celui-ci d'arrêter un individu qui vient de commettre un acte criminel visant les biens ou à l'arrêter dans un délai raisonnable après cet acte criminel.
Nous trouvons à nouveau le concept de délai raisonnable et, tout à coup, ce concept est sujet à interprétation. Il faut donc avancer prudemment.
Je crois avoir expliqué ma position au sujet des modifications proposées. Maintenant, j'aborderai brièvement d'autres aspects de la question.
Nous sommes déjà saisis de deux mesures d'initiative parlementaire à ce sujet. Il est clair que le gouvernement n'a pas pris la question au sérieux. En fait, il l'a politisée en organisant des séances de photo et en annonçant qu'il fera quelque chose alors qu'il n'a rien fait pendant près d'un an. Qui plus est, il suffit de consulter le calendrier du Comité de la justice pour comprendre que le projet de loi ne sera pas mis en oeuvre de sitôt, voire jamais.
Je signale également que le dernier article du projet de loi dit que celui-ci entrera en vigueur à la date fixée par décret.
Après l'adoption de la mesure à la Chambre et au Sénat et après l'octroi de la sanction royale, les provinces devront intervenir. La mesure commencera à poser problème parce que ce sont les services de police provinciaux qui devront l'appliquer. Le gouvernement n'a pas fait son travail. Il aurait déjà dû l'avoir fait. Je ne pense pas qu'il prend la chose au sérieux. J'espère qu'il n'entravera pas l'adoption rapide du projet de loi par le Comité de la justice.
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Monsieur le Président, j'ai le plaisir de prendre la parole sur le projet de loi , qui est arrivé un peu bizarrement au Parlement. Le est allé à Toronto faire une annonce qui touchait un homme qui avait été arrêté. On a un peu tendance, dans ce gouvernement, à légiférer à la pièce. C'est-à-dire qu'il se passe quelque chose à Toronto, à Winnipeg ou à Vancouver, par exemple, on en prend soudainement conscience et on dépose un projet de loi pour amender le Code criminel.
Le problème, c'est qu'on fait ça tout croche. C'est le premier problème. On amende des parties du Code criminel. Quand cela ne touche pas les libérations conditionnelles, ça touche la loi sur les libérations conditionnelles, après quoi on amende les articles sur la probation, sur la remise en liberté, etc. On fait du coq à l'âne, et le projet de loi en est un très bel exemple. Le problème, on va l'expliquer à l'intention de ceux qui nous écoutent. Ça arrive. Ça concerne l'article 494 du Code criminel. Voici ce qu'il dit:
494.(2) Quiconque est, selon le cas:
a) le propriétaire ou une personne en possession légitime d’un bien;
b) une personne autorisée par le propriétaire ou par une personne en possession légitime d’un bien,
peut arrêter sans mandat une personne qu’il trouve en train de commettre une infraction criminelle sur ou concernant ce bien.
C'est là que ça commence à faire mal.
Voici ce que ça veut dire. Admettons que vous soyez propriétaire d'une résidence ou d'un dépanneur, par exemple, comme dans le cas qui nous préoccupe et qui a amené l'amendement proposé. La personne était propriétaire d'un dépanneur et elle s'est fait voler. Le propriétaire a croisé le voleur par la suite et l'a arrêté après l'avoir reconnu. Le problème, c'est qu'il n'a pas le droit de le faire. C'est ce pauvre homme, M. Chen, de Toronto, qui a été arrêté, amené devant le tribunal, accusé d'arrestation illégale et, hélas, condamné. Cela n'a pas d'allure, on le sait. Sauf que la loi dit qu'il « peut arrêter sans mandat une personne qu'il trouve en train de commettre une infraction criminelle sur ou concernant ce bien », c'est-à-dire le bien dont il est légitimement propriétaire ou au sujet duquel il est autorisé par le propriétaire.
Alors, on peut arrêter quelqu'un qui vient voler dans votre dépanneur. Si vous êtes le commis d'un dépanneur et qu'un voleur se présente pour voler le tiroir-caisse, vous pouvez l'arrêter, parce que la loi stipule qu'on peut arrêter quelqu'un qui est « en train de commettre une infraction criminelle sur ou concernant ce bien ». Qu'une personne arrête une autre personne en train de commettre une infraction ne pose aucun problème: elle ne sera jamais accusée. Le problème, c'est quand on arrête quelqu'un, comme dans le cas du pauvre homme de Toronto, alors que le délit avait eu lieu auparavant. Les policiers avaient mis assez de temps à arriver qu'il s'était dit qu'il allait l'arrêter lui-même, que ce serait plus vite. Malheureusement pour lui, d'une part, l'individu a été acquitté parce que c'était une arrestation illégale et, d'autre part, le pauvre homme s'est retrouvé arrêté lui-même pour arrestation illégale.
Jusque-là, l'idée est bonne. On veut amender l'article 494, parce que c'est vrai que la population n'est pas de bonne humeur, et elle a raison de l'être, puisqu'elle se dit ne même pas pouvoir arrêter un voleur chez elle.
C'est là que réside toute la subtilité du projet de loi et du nouveau paragraphe 494(2) qui y est proposé:
Le propriétaire d’un bien ou la personne en ayant la possession légitime, ainsi que toute personne qu’il autorise, peut arrêter sans mandat une personne qu’il trouve en train de commettre une infraction criminelle sur le bien ou concernant celui-ci dans les cas suivants:
C'est là que ça commence à se gâter.
a) il procède à l’arrestation à ce moment-là;
Évidemment, si la personne est en train de voler dans un dépanneur, il est clair qu'on peut l'arrêter, il n'y a pas de problème. Mais voilà ce qu'on veut nous faire adopter:
b) il procède à l’arrestation dans un délai raisonnable après la perpétration de l’infraction et il croit, pour des motifs raisonnables, que l’arrestation par un agent de la paix n’est pas possible dans les circonstances.
On y va fort. Cela veut dire que le propriétaire d'un dépanneur, pour prendre le même exemple, peut arrêter un individu qui vole de l'argent dans sa caisse. Ce sont des cas fréquents. J'ai eu plusieurs clients qui entraient dans un dépanneur pour voler. Les dépanneurs ont une tendance assez bizarre consistant à mettre des caisses de bière en solde sur le bord de la porte, où on peut lire que la grosse caisse de 24 coûte 24,92 $ au lieu du prix normal. Un individu ouvre la porte pendant qu'un autre vole la caisse de bière. On dirait que les dépanneurs cherchent le trouble.
Si on voit une personne en train de voler, on peut l'arrêter sans problème. Cependant, le projet de loi introduit ceci: « il procède à l'arrestation dans un délai raisonnable après la perpétration de l'infraction et il croit, pour des motifs raisonnables [...] ». Les deux éléments sont importants. Non seulement il l'arrête dans un délai raisonnable, mais il croit que les policiers ou agents de la paix ne pourront pas arriver sur les lieux. Cela sera un fardeau important.
Le Bloc québécois est d'accord pour étudier ce projet de loi en comité. On pense qu'il doit y avoir un amendement à l'article 494 du Code criminel. Ce pauvre homme a arrêté quelqu'un en sachant qu'il était venu le voler. C'est fréquent. Je reprends mon exemple. Il y a un solde: 24 bières pour 12,98 $. C'est sûr que ça attire des voleurs. Un des voleurs ouvre la porte du dépanneur et l'autre vole et part avec la caisse de bière. Le propriétaire du dépanneur ne l'a pas vu voler, mais après deux minutes, il se rend bien compte qu'il lui manque une caisse de bière. Il ouvre la porte, regarde dehors et voit qu'un individu s'en va avec la caisse de bière. En vertu de l'article 494 actuel, il ne peut pas l'arrêter parce qu'il ne l'a pas pris sur le fait. C'est ce qui est arrivé à Toronto, mais l'individu a décidé qu'il arrêtait quand même le voleur, et il s'est retrouvé dans le trouble.
Nous pensons qu'il y a moyen de trouver une solution et que cet article permette à un individu d'arrêter quelqu'un. C'est clair que s'il n'arrête pas tout de suite l'individu ayant volé une caisse de bière, à moins que les policiers ne soient sur le coin de la rue, c'est fini. Il y a les deux motifs.
Cependant, le projet de loi fait problème. S'il n'avait été question que de l'amendement à l'article 494, tous les partis auraient adopté le projet de loi C-60 pour régler rapidement ce problème particulier. Ça ressemble aux conservateurs. Ils introduisent dans le projet de loi une série d'amendements aux articles 34 à 42 du Code criminel concernant la légitime défense. Là, ils sont complètement dans le champ.
On ne pourra pas les appuyer là-dessus. Il y a plusieurs amendements qui sont proposés aux articles 34 à 42. Il vaut la peine d'en lire un extrait. Tous ceux qui ont pratiqué le droit criminel, que ce soit pour la défense ou pour la Couronne, qui ont plaidé devant les tribunaux, savent ce que ça veut dire.
Toute personne illégalement attaquée sans provocation de sa part est fondée à employer la force qui est nécessaire pour repousser l’attaque si, en ce faisant, elle n’a pas l’intention de causer la mort ni des lésions corporelles graves.
Ce paragraphe 34(1) est très facile à comprendre: si vous êtes attaqué, vous avez le droit de vous défendre. Mais si un individu vous attaque avec ses poings et que, pour vous défendre, vous utilisez une batte de baseball ou une queue de billard — surtout dans un bar —, et vous lui causez des lésions corporelles graves ou même la mort, il est clair que vous n'êtes pas en légitime défense. Quelqu'un qui se fait attaquer au bord de la route a le droit de se défendre. On a le droit de repousser une attaque violente, à condition de ne pas avoir l'intention de causer la mort ou des lésions corporelles graves.
On voudrait nous faire avaler des couleuvres. Dans le projet de loi, on veut amender l'article 34. Le nouveau paragraphe 34(1) se lit ainsi:
Ne peut être déclarée coupable d’une infraction la personne qui, à la fois:
a) croit, pour des motifs raisonnables, que la force est employée contre elle ou une autre personne ou qu’on menace de l’employer contre elle ou une autre personne;
Si ce n'était que cela! Écoutons le reste, ça vaut la peine:
b) commet l’acte constituant l’infraction dans le but de se défendre ou de se protéger — ou de défendre ou de protéger une autre personne — contre l’emploi ou la menace d’emploi de la force;
c) agit de façon raisonnable dans les circonstances.
On ose ajouter un autre amendement:
(2) Pour décider si la personne a agi de façon raisonnable dans les circonstances, le tribunal peut notamment tenir compte des facteurs suivants:
a) la nature de la force ou de la menace;
b) la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et l’existence d’autres moyens pour parer à son emploi éventuel;
c) le rôle joué par la personne lors de l’incident;
d) la question de savoir si les parties en cause ont utilisé ou menacé d’utiliser une arme;
e) la taille, l’âge et le sexe des parties en cause;
Je pourrais citer tout le reste. Ce qu'on veut nous faire avaler n'a pas de bon sens, et il est clair qu'on n'acceptera jamais ça, jamais.
En bref, on veut mettre dans le Code criminel toutes les décisions de la Cour suprême, de la Cour d'appel de l'Ontario, de la Cour d'appel du Québec et de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique qui, avec le temps, ont défini ce qu'était la légitime défense.
Avec tout le respect que je dois à mes amis conservateurs, je dois dire que la légitime défense a évolué avec le temps. La définition de légitime défense n'est plus ouverte comme on le pensait. On a tenu compte de la force nécessaire pour repousser l'attaque si, en ce faisant, la personne n'a pas l'intention de causer la mort ou des lésions corporelles graves. Si ce n'est pas clair, c'est le tribunal qui tranchera. On ne va pas définir pour le tribunal ce qu'est la légitime défense.
Il faut aussi ajouter ceci:
f) la nature, la durée et l’historique des rapports entre les parties en cause, notamment tout emploi ou toute menace d’emploi de la force avant l’incident, ainsi que la nature de cette force ou de cette menace;
g) la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l’emploi ou à la menace d’emploi de la force;
Cela n'a pas d'allure de vouloir définir dans le Code criminel ce qu'est la légitime défense. On ne peut pas accepter tout cela. Les tribunaux ont rendu des décisions et si on n'était pas content, on a interjeté appel. Si on n'était pas encore content, on s'est retrouvé devant la Cour Suprême qui, elle, une fois pour toutes, a établi ce qu'était la définition de défense de la légitime défense qui est ouverte et de quelle façon cette défense est ouverte aux accusés.
Tout cela, on ne peut pas accepter cela. On a des exemples de la légitime défense. En voici un. Un de mes clients entre dans un dépanneur — c'est arrivé à quelques reprises —, sauf que ce dernier ne sait pas que c'est la cinquième fois que ce dépanneur se fait voler. Mon client ne sait pas non plus que le propriétaire du dépanneur a un 12. Je dois dire à mes amis conservateurs qu'un 12, c'est une arme, une carabine. Il a donc une arme de calibre 12 sous le comptoir. Le propriétaire s'était dit que c'était la dernière fois que quelqu'un le volerait. Mon client se présente dans le dépanneur et, effectivement, se livre à des voies de fait pour voler la caisse. Je ne vous dis pas que mon client est un être béni ou qu'il doit recevoir une médaille du Gouverneur général. Ce n'est pas ce que je dis. Je dis que mon client s'en va commettre un vol dans le dépanneur où il entre. Il n'a pas d'arme. Il se penche pour mettre la main dans la caisse afin de la voler. Que fait le propriétaire? Il sort le fusil de calibre 12 et lui tire dessus. Il ne lui tire pas dans la tête; il ne lui tire pas dans le coeur; il lui tire dans les jambes pour être très certain que ce gars va se le rappeler. Il ne veut pas le tuer. C'est ce qu'il est venu dire à la cour.
Je ne pense pas, avec respect, que ce soit de la légitime défense. Le tribunal nous a donné raison. Je défendais l'accusé. Le propriétaire est venu nous dire tout cela devant le tribunal. C'est clair que le juge a dit que ce n'était pas de la légitime défense. Qu'est-ce que la légitime défense? On va le répéter, c'est « employer la force qui est nécessaire pour repousser l’attaque si, en ce faisant, elle n’a pas l’intention de causer la mort ni des lésions corporelles graves ». Lorsque quelqu'un tire avec un fusil de calibre 12 dans les jambes de quelqu'un d'autre, les tribunaux présument que c'est vouloir causer des lésions corporelles graves. Dans l'exemple que je vous ai donné, l'homme a été condamné.
Le projet de loi part d'une très bonne intention de régler un problème de défense des biens. Il faut faire la différence entre défendre ses biens et la légitime défense. La légitime défense s'adresse à l'individu victime d'une attaque personnelle. Un individu s'en va sur la grand-route — et c'est arrivé à de multiples reprises —, et se fait couper par un autre véhicule automobile. Il n'a pas aimé cela. Il pourchasse l'autre véhicule automobile et le coupe lui aussi. L'autre conducteur stationne son véhicule et lui donne un coup de bâton de baseball. Ce n'est pas de la légitime défense.
Ce qui partait d'une bonne intention risque de finir en queue de poisson parce que c'est clair qu'il n'est pas question qu'on soit d'accord pour amender les articles 34 à 42 concernant la légitime défense. Il y a trop de choses là-dedans. Les tribunaux ont tranché, ont rendu des décisions et se sont prononcés sur la définition, sur la défense de la légitime défense. On doit laisser les tribunaux faire leur travail.
Cependant, et je terminerai là-dessus, l'idée d'amender l'article 494 du Code criminel est une bonne intention, et on peut travailler sur cela pour amender cet article afin qu'il respecte ce que demande la société.
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Monsieur le Président, il y en a parmi nous qui attendaient le projet de loi , ou à tout le moins qui espéraient qu'il nous soit présenté, quoique, comme je l'établirai au cours de mon intervention, il n'est pas clair que les dispositions du Code criminel sur la légitime défense que le projet de loi prétend corriger aient vraiment besoin d'être modifiées. Cependant, le projet de loi nous permet d'avoir un débat intéressant, du moins de l'avis de ceux d'entre nous qui s'intéressent aux petits détails du Code criminel, particulièrement en ce qu'ils touchent la common law.
Des députés ont déjà précisé que le projet de loi avait été, dans une certaine mesure, rédigé dans la foulée d'un événement survenu à Toronto qui a donné lieu à des poursuites en vertu du Code criminel. Je me suis intéressé de près à cette affaire, comme d'autres élus, en raison de la nature des faits. Je peux affirmer que le nouveau libellé proposé du paragraphe 494(2) constitue une tentative raisonnable de tenir compte des faits entourant cette affaire. Je ne suis pas convaincu qu'une modification était nécessaire, mais je respecte l'intention visée par cette partie du projet de loi.
Il est cependant étonnant que le reste du projet de loi vise, nous dit-on, à codifier les dispositions de la common law sur la légitime défense et à les intégrer au Code criminel. J'ignorais que ces dispositions étaient défectueuses. Je suis partisan du dicton qui dit qu'il ne faut pas tenter de réparer quelque chose qui n'est pas brisé. J'ai cependant l'impression que c'est ce qui se passe avec les autres aspects du projet de loi .
Arrêtons-nous d'abord à ce qui touche le paragraphe 494(2) et aux malheureux événements entourant l'affaire de vol à l'étalage et de tentative de vol à l'étalage à l'épicerie Lucky Moose. Il s'agit d'une petite entreprise située au centre-ville de Toronto et qui appartient à un homme très bien qui travaille fort, comme ses employés.
Il a eu à faire à un voleur à l'étalage. Ce voleur est connu de presque tous ceux qui travaillent dans l'entreprise. C'est un récidiviste qui a un casier judiciaire plus long que mon bras. Son habitude de voler est si bien connue que sa photographie a été affichée sur tous les lampadaires du voisinage. Sa façon de procéder consiste à se rendre quelque part à bicyclette, à stationner sa bicyclette, à voler quelque chose, puis à reprendre sa bicyclette et à s'enfuir. Je le répète, il a un très long casier judiciaire. Il est présentement devant les tribunaux et s'y retrouvera probablement à nouveau dans un avenir prévisible, aussi je n'ai pas besoin d'en dire davantage à son sujet.
La magasin concerné est un magasin qui étale de la marchandise en devanture. Il s'agit parfois de légumes, parfois de fruits et parfois de fleurs. Les Canadiens vivant dans des grandes villes connaissent très bien ce type d'épicerie ou de supermarché.
Voici ce qui s'est produit ce jour-là. Le voleur s'est présenté au magasin une première fois, y a volé de la marchandise, a quitté les lieux comme je l'ai décrit, à vélo, puis il est revenu plus tard. Le propriétaire du magasin et ses employés l'ont alors reconnu et appréhendé, sachant qu'il avait déjà volé une première fois et qu'il s'apprêtait à récidiver. Le type a été arrêté. De nombreuses personnes et moi avons été choqués et assez tristes d'apprendre que des accusations avaient été portées contre le propriétaire.
L'affaire s'est close il y a quelques semaines par l'abandon des accusations. Entretemps, le malheureux propriétaire a dû se défendre. De nombreux membres de la collectivité l'appuyaient. Une excellente équipe de juristes travaillaient pour lui. Ce qui est triste, c'est que ce citoyen respectueux de la loi est soudainement devenu un criminel en défendant ses biens.
Cette affaire m'a beaucoup dérangé. Comme elle était devant les tribunaux, nous ne pouvions pas faire grand-chose. Nous espérions seulement que les tribunaux traiteraient la cause équitablement, ce qui s'est finalement produit, mais à quel prix pour cet homme d'affaires respectueux de la loi de notre collectivité?
Selon moi, toute l'histoire, du début à la fin, aurait dû se concentrer sur cet homme d'affaires, M. Chen. Elle aurait dû être axée sur lui et sur son commerce ainsi que la place qu'il occupe dans notre collectivité. Or, pour des raisons que je ne m'explique vraiment pas, et que personne ne peut expliquer, cela n'a pas été le cas. La police a changé l'histoire. La police a fait de lui un présumé criminel, et l'histoire est devenue celle des pouvoirs d'arrestation de la police par opposition à ceux des citoyens. C'était tout bonnement injuste.
J’ignore quel rouage du système a cafouillé, mais je ne suis pas le seul à dire que ce qui s’est produit pendant les jours qui ont suivi cet événement était inapproprié. À mon avis, ce n’est pas la loi telle que je la comprends qui a été appliquée. Je pense que la police et les procureurs ont commis une erreur en forçant M. Chen à se défendre. Tout ce que je peux dire c’est que la police et les procureurs étaient plus intéressés à défendre leurs propres pouvoirs d'arrestation qu’à défendre M. Chen et son commerce.
C’est triste à dire, car le service de police de Toronto est excellent. Il a pour devise « Servir et protéger ». On peut toutefois se demander dans quelle mesure il a servi et protégé M. Chen dans cette affaire. La police a fait de lui un prétendu criminel et il lui a fallu un an pour blanchir son nom.
Était-il nécessaire de modifier la loi? Je ne crois pas, mais je peux comprendre les raisons pour lesquelles c’était nécessaire. C’est une réaction tout à fait normale de dire que, si la loi dans son état actuel peut être interprétée de cette façon par la police, elle doit être modifiée. Je comprends d’où cela vient. Je ne suis vraiment pas certain que la police a appliqué la loi correctement.
J’ai effectué quelques recherches. Il va sans dire que j’ai reçu un peu d’aide. La loi est bien entendu reliée au common law en ce sens que les pouvoirs d’arrestation des citoyens sont enfouis au plus profond de la common law. Ils existent. Ils sont bel et bien réels. Ils ne sont pas fictifs. Le Code criminel ne dit pas que les citoyens ont le pouvoir de procéder à des arrestations. Toutefois, la common law précise que les citoyens ont le pouvoir de procéder à des arrestations. En fait, il fut une époque où les citoyens étaient même tenus d'effectuer des arrestations. S’ils ne le faisaient pas, ils s'exposaient à des amendes. De nos jours, nous n’imposons plus d’amendes aux personnes qui refusent de procéder à des arrestations, mais ce pouvoir existe toujours et il y est fait mention, au moins de façon indirecte, dans le Code criminel, du moins tel qu’il était libellé jusqu’à maintenant. Les députés ne devraient pas oublier que le Code criminel a plus de 100 ans.
En vertu de la common law, le pouvoir de procéder à des arrestations dont dispose le citoyen est limité à la trahison ou à un acte criminel qui a été commis ou qui est appréhendé, ainsi qu’au vol simple ou, tout simplement, au vol. Le vol est un acte criminel en vertu de la common law.
Il n'y a pas de pouvoir d'arrestation pour un simple délit n'ayant entraîné aucune violation de la paix et pour lequel il n'est pas nécessaire d'arrêter l'auteur en vue de l'empêcher de récidiver. J'invite les députés à garder à l'esprit que, dans le cas réel qui nous intéresse, le voleur s'est pointé à nouveau avec l'intention, selon toute vraisemblance, de voler encore et de s'enfuir à vélo. Même modus operandi, même routine. Il s'est présenté à nouveau au magasin et cela constitue, je le répète, une récidive.
Pour ceux que l'histoire intéresse, en 1892, l'ancien système de délit et d'acte délictueux grave a été supprimé et remplacé dans notre Code criminel et le système britannique. Toutefois, l'abolition de la distinction entre les actes délictueux graves et les délits n'a eu, à l'époque, aucune incidence sur les principes de la common law relatifs aux arrestations sans mandat, du moins au chapitre de la violation de la paix.
L'article 8 du Code criminel en vigueur autorise le recours à tous les moyens de défense prévus par la common law. Les citoyens devraient se sentir rassurés de savoir que tous les moyens de défense dont nous disposons depuis des siècles et qui remontent aussi loin que la Grande Charte existent toujours dans le Code criminel, à moins qu'une disposition ne les supprime explicitement, et que la jurisprudence de part et d'autre du pays le confirme, un peu comme c'est le cas dans d'autres territoires.
Je ferai état de la situation du mieux que je le peux en fonction des recherches que j'ai effectuées. En cas de violation de la paix, un citoyen a le pouvoir de procéder à une arrestation sans mandat, pourvu que:
1) la violation de la paix soit commise en présence de la personne qui fait l'arrestation;
2) la personne qui fait l'arrestation ait des motifs raisonnables de croire que la personne arrêtée était sur le point de commettre une telle violation, et ce, même si celle-ci n'a pas encore commis de violation;
3) dans les cas où une violation de la paix a été commise, il existe des motifs raisonnables de croire que le contrevenant commettra de nouveau l'infraction.
Je viens de citer l'arrêt R. c. Howell, une affaire dont la Cour britannique du Banc de la Reine a été saisie.
La cour a toutefois conclu qu'il faut que l'agresseur s'en soit pris ou ait menacé de s'en prendre à quelqu'un, ou qu'il ait endommagé ou menacé d'endommager des biens de cette personne, en sa présence.
Dans le cas de l'épicerie Lucky Moose, on a endommagé des biens et on a menacé de commettre une nouvelle violation de la paix, à savoir le vol des biens de M. Chen. On ne semble pas avoir fait valoir cet argument devant le tribunal, mais on aurait dû le faire à mon avis. Selon moi, le procureur aurait dû savoir cela, et quelqu'un aurait dû dire aux policiers que M. Chen n'aurait pas dû être accusé.
Quoi qu'il en soit, il a été accusé, mais le juge qui s'est penché sur l'affaire a heureusement pris la bonne décision au bout du compte. Les Torontois ont continué de vivre normalement.
Toutefois, deux choses sont regrettables à mon avis. D'une part, le fait que les procureurs et les policiers n'ont pas tenu compte des dispositions pertinentes de la common law. Si c'est ainsi que se font les choses et que les policiers et les procureurs ne connaissent pas les moyens de défense qui sont prévus dans la common law et les dispositions qui encadrent la vie des Canadiens depuis plus d'un siècle en vertu de la Constitution, il est peut-être temps alors de remanier le Code criminel. Nous le remanierons pour eux pour qu'ils puissent être satisfaits de ce qui s'y trouve.
Toutefois, je trouve regrettable que tout cela soit arrivé alors que, selon moi, on aurait de toute évidence dû invoquer cet argument. Je ne peux m'empêcher de croire que les agents de police voulaient clairement montrer que c'était à eux qu'incombait la responsabilité d'arrêter le voleur, et non à un citoyen. Certes, c'est leur travail de procéder à des arrestations et ils s'en acquittent très bien de part et d'autre du pays, mais ils ne devraient jamais conférer au citoyen un rôle secondaire ou de deuxième classe. Les citoyens, au service de qui sont les agents de police, devraient toujours avoir priorité. Le propriétaire de commerce dont nous parlons, M. Chen, n'avait rien fait de mal jusqu'à ce moment-là. Il ne faisait que défendre son magasin. Je ne vois pas comment les agents de police ne s'en sont pas rendu compte. J'espère que les policiers comprennent que je ne critique pas le travail qu'ils effectuent au nom de toutes les collectivités canadiennes, mais que leur travail à l'égard des contrevenants doit s'appuyer sur la loi.
Cette mesure législative semble apporter un correctif à l'article du Code criminel concernant les faits dans cette affaire. Même si je ne crois pas qu'il soit nécessaire d'apporter ce correctif, je reconnais que nous pouvons le faire.
Cette modification législative s'accompagne d'une réécriture et d'une codification des règles du Code criminel relatives à la légitime défense. Comme je l'ai dit plus tôt aujourd'hui, il ne faut pas tenter de réparer ce qui n'est pas brisé.
J'ai été quelque peu tracassé à la lecture d'une des dispositions. En voici un extrait:
Ne peut être déclarée coupable d’une infraction la personne qui, à la fois:
(a) croit, pour des motifs raisonnables, qu’elle a la possession paisible d’un bien ou agit sous l’autorité d'une [personne] [...];
(b) croit, pour des motifs raisonnables, qu’une autre personne [...] est sur le point d'entrer dans [...] ce bien [...]
(c) commet l'acte [...] dans le but [...] d’empêcher l’autre personne d’entrer dans [...] le bien [...];
(d) agit de façon raisonnable dans les circonstances.
Il y a beaucoup de propriétés privées dans une grande ville. Je ne peux pas imaginer toutes les complications qui se produiront si nous codifions ces dispositions et que nous tentons de déterminer ce qui est raisonnable ou non, le degré de force qui peut être exercé avant qu'une personne descende du trottoir, l'endroit où se trouve la limite de la propriété, si la propriété appartient à une personne ou à une entreprise, s'il s'agit d'une société de condominiums, si on a affaire à un propriétaire ou à un locataire.
Le gouvernement n'a pas expliqué pourquoi il veut remanier et codifier les dispositions de la common law du Code criminel. Le danger dans tout cela, c'est qu'on va codifier une partie de la common law mais pas sa totalité ou qu'on ira trop loin. Il se peut également que le gouvernement ne pense pas à toutes les situations quand il codifiera la partie de la common law qui semble fonctionner raisonnablement bien pour nous. En la codifiant, le gouvernement risque de provoquer une séquence de faits auxquels personne n'a jamais pensé. On devra alors modifier le code de nouveau parce que personne n'aura envisagé cet ensemble de circonstances.
Je veux obtenir des réponses du gouvernement. Il n'a pas vraiment expliqué pourquoi il a jugé nécessaire de rédiger ces nouvelles dispositions et de codifier les dispositions de la common law sur la légitime défense qui se trouvent dans le Code criminel.
Le ministre a affirmé que la liste de facteurs codifie les caractéristiques bien reconnues d'un grand nombre de situations de légitime défense et qu'elle aidera les juges et le jurés à appliquer la nouvelle loi. Est-ce vraiment une nouvelle loi ou juste l'ancienne loi codifiée? Le gouvernement devrait nous dire ce qu'il faut corriger avant que nous codifions quelque chose qui est inscrit dans notre Constitution et qui nous a assez bien servis, à savoir le droit à la légitime défense. Tout le monde sait d'instinct ce que c'est, et il nous sert bien depuis plus de 100 ans, et peut-être même depuis 200 ou 300 ans.
Je chercherai des réponses à mes questions dans le débat, et j'examinerai très attentivement ce projet de loi au comité.
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Monsieur le Président, j'ai le plaisir de prendre la parole au sujet du projet de loi sur l’arrestation par des citoyens et la légitime défense. Comme on le sait, une bonne part de la mesure législative, la partie dont je veux parler aujourd'hui, faisait initialement partie d'un projet de loi d'initiative parlementaire présenté par la députée de
Je souscris à son idée d'accroître le pouvoir des petites entreprises de protéger leur propriété grâce à l'arrestation par les citoyens. Comme je suis moi-même propriétaire d'une petite entreprise, je connais très bien les énormes difficultés auxquelles sont confrontées les petites entreprises du Canada.
J'appuie l'adoption des modifications de l'article 494 du Code criminel qui sont prévues dans le projet de loi et qui portent sur l'arrestation par les citoyens. Ces modifications visent à permettre l'arrestation sans mandat de criminels pendant une « période raisonnable » et remplacent le libellé actuel du Code criminel, qui exige que l'arrestation se fasse au moment où se produit l'infraction. C'est la députée de qui a initialement proposé ce changement dans son projet de loi d'initiative parlementaire à la suite d'un incident qui s'est produit dans un dépanneur de Toronto, le Lucky Moose. On connaît bien ce nom même si on imaginerait mieux le commerce dans la circonscription de Thunder Bay—Superior-Nord. On se souviendra par ailleurs que le propriétaire du dépanneur avait arrêté un voleur quelque temps après que celui-ci eut commis le vol. Des chefs de police d'un bout à l'autre du Canada, des procureurs et des avocats de la défense se sont montrés favorables au principe des modifications de l'article 494 du Code criminel.
Dans le projet de loi , il est proposé de rassembler les articles 34 à 42 du Code criminel, qui ont trait à la défense de la personne et des biens, pour en faire deux nouvelles parties. L'objectif déclaré est de clarifier les lois sur la légitime défense et la défense des biens de sorte que les Canadiens, y compris la police, les procureurs et les tribunaux, puissent comprendre et appliquer plus facilement la loi.
Le projet de loi étendrait l'autorisation pour les simples citoyens ou les propriétaires de petites entreprises de procéder à une arrestation dans un délai raisonnable après avoir trouvé un individu en train de commettre une infraction criminelle sur ou concernant leur bien; il assurerait un équilibre adéquat entre les pouvoirs du citoyen et ceux de la police. Par ailleurs, il apporterait des modifications bien nécessaires aux dispositions complexes du Code criminel concernant la légitime défense et la défense des biens, en plus de clarifier les modalités de recours à une force raisonnable pour procéder à ladite arrestation.
Les modifications apportées au paragraphe 494(2) du Code criminel portant sur l'arrestation par un citoyen autoriseraient un homme ou une femme d'affaires, ou tout autre citoyen, à arrêter dans un délai raisonnable une personne qu'il ou elle trouve en train de commettre une infraction sur ou concernant son bien. Ce pouvoir d'arrestation serait valable uniquement lorsque, dépendamment des circonstances, il y a des motifs raisonnables de croire que l'arrestation ne peut être effectuée par un agent de police.
Il est question du recours à une force raisonnable dans le projet de loi. Celui-ci préciserait, en référence au Code criminel, qu'un citoyen est autorisé à recourir à la force pour arrêter un individu, mais qu'il y a des limites à la force qu'il peut employer. Essentiellement, la loi autorise un recours raisonnable à la force, en tenant compte de l'ensemble des circonstances entourant un cas particulier. Pour être bien clair, un citoyen ne sera pas autorisé à employer une force excessive pour arrêter un individu. Cela ne changera pas.
Nous devons tenir compte d'importants facteurs. Une arrestation est une action très sérieuse qui peut être dangereuse. Contrairement à un agent de police, un simple citoyen n'a pas pour fonction de maintenir la paix publique et, en général, n'est pas adéquatement formé pour arrêter une personne soupçonnée de crime. Dans la plupart des cas, une arrestation consiste à toucher physiquement un individu ou à s'emparer de lui en vue de le détenir ou encore à recourir à des paroles lorsque l'individu consent à se faire arrêter. Le citoyen qui arrête un individu sans tenir compte sérieusement de tous les risques qu'il court peut subir des conséquences, physiques ou juridiques, graves et non souhaitées.
Lorsqu'ils se demanderont s'il y a lieu qu'ils procèdent eux-mêmes à une arrestation, les citoyens — je pense entre autres aux petits entrepreneurs — devront se poser deux questions: un agent de la paix peut-il intervenir à leur place? Leur sécurité — ou celle d'une autre personne — pourrait-elle être compromise s'ils décidaient de procéder à l'arrestation envisagée? Si la réponse à l'une de ces question sest « oui », ils devraient alors signaler le crime dont ils ont été témoin à la police et éviter de s'en mêler. Ils doivent avoir des motifs raisonnables de croire que le comportement du suspect est criminel et doivent être capables de l'identifier au besoin. Il va sans dire que, s'ils procèdent eux-mêmes à l'arrestation, ils doivent aussitôt livrer le suspect à la police.
Voyons ce qu'en dit la loi:
Aux termes du paragraphe 494(1), toute personne peut arrêter un individu qu'elle trouve en train de commettre un acte criminel ou un individu qui, d'après ce qu'elle croit pour des motifs raisonnables, a commis une infraction criminelle ou est en train de fuir des personnes légalement autorisées à l'arrêter et est immédiatement poursuivi par ces personnes.
Quant au paragraphe 494(2), qui est visé par le projet de loi dont la Chambre est saisie, on peut actuellement y lire que quiconque est, selon le cas, le propriétaire ou une personne en possession légitime d'un bien ou une personne autorisée par le propriétaire ou par une personne en possession légitime d'un bien, peut arrêter une personne qu'il « trouve en train de commettre » une infraction criminelle sur ou concernant ce bien.
L'expression « trouve en train de commettre » veut dire que l'accusé est pris en flagrant délit. Elle s'applique également aux situations où l'accusé est poursuivi immédiatement et sans relâche après le moment où il est trouvé en train de commettre l'infraction. Les dispositions actuellement en vigueur précisent également que quiconque n'étant pas un agent de la paix arrête une autre personne doit aussitôt la livrer à un agent de la paix.
Examinons maintenant la question de la légitime défense et de la défense des biens à la lumière des modifications proposées. Le projet de loi vise à préciser les dispositions du Code criminel sur la légitime défense et la défense des biens afin que les Canadiens, y compris les policiers, les procureurs et les juges, puissent plus facilement comprendre et appliquer — ou faire appliquer — la loi. Si la loi est plus claire et que les moyens de défense qui y sont prévus sont plus simplement définis, les procureurs et les policiers pourront plus facilement utiliser leur pouvoir discrétionnaire de ne pas déposer d'accusations ou de ne pas poursuivre un accusé.
Les modifications proposées abrogeraient les dispositions actuelles sur la légitime défense, qui peuvent trop aisément prêter à confusion, et les remplaceraient par une disposition unique en la matière. La loi permettrait dès lors à quiconque croit, pour des motifs raisonnables, qu'on menace d'employer la force contre lui ou contre une autre personne ou que ses biens ont été ou sont sur le point d'être endommagés de poser un geste raisonnable afin de se protéger, de protéger les autres ou de protéger ses biens.
Comme je l'ai déjà dit, en tant que propriétaire d'une petite entreprise, je connais très bien les énormes défis de toutes sortes que les petites entreprises doivent relever partout au Canada. Par conséquent, j'aimerais soulever certaines raisons sous-jacentes pour lesquelles le gouvernement du Canada doit accorder plus de pouvoirs aux petits entrepreneurs et leur permettre de rendre leur commerce plus viable. Ils en arrachent. Aujourd'hui, d'un bout à l'autre du Canada, les petites entreprises, qui sont les moteurs économiques du pays, ont du mal à traverser la récession en raison des nombreuses tracasseries administratives et du fardeau fiscal croissant qu'elles doivent assumer parce que les grandes sociétés voient leur fardeau fiscal être allégé au détriment des petites entreprises.
Les propriétaires de petites entreprises sont aux prises avec les frais usuraires que leur imposent les sociétés émettrices de cartes de crédit. Mon parti et moi avons dit à maintes reprises que les banques et les sociétés émettrices de cartes de crédit doivent cesser de nuire financièrement aux propriétaires de petites entreprises du Canada.
Les petits entrepreneurs doivent payer des frais aux sociétés émettrices de cartes de crédit qui excèdent ce qu'il leur en coûte pour fournir les services requis aux Canadiens ordinaires. Les petits entrepreneurs n'ont pas d'autre choix que d'acquitter ces frais usuraires parce qu'ils ne peuvent pas exploiter leur entreprise sans ces cartes de crédit. Jusqu'ici, le gouvernement n'a rien fait pour protéger les propriétaires de petites entreprises contre les pratiques abusives des sociétés émettrices de cartes de crédit et des banques.
De plus, le gouvernement cherche toujours à alléger le fardeau fiscal des grandes sociétés au détriment non seulement des Canadiens moyens, mais aussi des PME.
À la fin des années 1970, le taux marginal d'imposition des grandes sociétés était identique aux États-Unis et au Canada, à 36 p. 100. De nos jours, ce taux est toujours de 36 p. 100 aux États-Unis, mais, au Canada, il a été réduit par les gouvernements Mulroney, Chrétien et Martin, ainsi que par le gouvernement actuel. Bientôt, ce taux passera à 15 p. 100, et le gouvernement, au moyen de la TVH, fait porter le fardeau aux simples citoyens, et il appartient aux petites entreprises de recueillir l'argent et de s'occuper de la paperasse.
Le gouvernement se sert aussi d'outils comme les cotisations à l'assurance-emploi, qui sont sur le point d'augmenter encore, ce qui viendra hausser le coût que doivent assumer les travailleurs et les petites entreprises au pays.
Même si, habituellement, les petites entreprises investissent de l'argent et embauchent du personnel à l'échelle locale, les gouvernements — plus particulièrement le gouvernement actuel — favorisent les grandes sociétés en leur accordant des réductions d'impôt généralisées, qu'elles soient justifiées ou non, qu'elles encouragent l'investissement au Canada ou non et qu'elles permettent de conserver des emplois au Canada ou non.
Lorsque le gouvernement néo-démocrate est arrivé au pouvoir au Manitoba il y a 11 ans, il a promis d'alléger le fardeau fiscal des petites entreprises parce qu'il comprenait que ce sont les petites entreprises qui créent des emplois. En fait, depuis des décennies, 80 à 90 p. 100 de tous les emplois créés au Canada sont attribuables non pas aux grandes entreprises, mais bien aux petites. Le gouvernement du Manitoba a tenu sa promesse et a réduit le taux d'imposition provincial des petites entreprises, qui est passé de 11 p. 100 à zéro. Le gouvernement et les petites entreprises au Manitoba ont démontré que, en matière de croissance, de prospérité et de création d'emplois, ce sont les PME qui ont joué le rôle de moteur économique. C'est ce qui a permis au Manitoba d'être la province la plus prospère au Canada aujourd'hui, comme en témoignent ses budgets équilibrés, son taux d'emploi élevé et sa résistance à la récession, dont les effets ont été à peine perceptibles.
À l'échelle locale, les petites entreprises prennent de nombreuses formes, allant des dépanneurs familiaux du coin jusqu'aux importantes entreprises d'ingénierie et d'experts-conseils et aux développeurs de logiciels. En fait, 76 p. 100 des PME gagnent un revenu annuel qui varie de 30 000 $ jusqu'à près de 500 000 $. Certes, un revenu de 30 000 $ peut nous sembler peu, mais c'est un montant important pour une famille qui s'en sert pour agrandir son entreprise et subvenir aux besoins de ses enfants. Les petites entreprises constituent d'importants moteurs économiques qui, malgré leur toute petite taille, stimulent l'économie du Canada. Elles grossissent au lieu de rapetisser; elles restent au pays ou dans la collectivité au lieu de plier bagage; et elles créent des emplois au lieu d'en supprimer.
Il est grand temps que nos petites entreprises obtiennent plus d'aide et plus de respect de la part d'un gouvernement qui se plaît à distribuer des milliards de dollars sous forme d'allégements fiscaux inutiles à des géants pétroliers, à de grandes banques et à de grandes compagnies d'assurances.
Les petites entreprises représentent presque 98 p. 100 du nombre total d'établissements commerciaux au Canada, selon la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. Elles emploient 55 p. 100 de tous les travailleurs au Canada
Les emplois du secteur tertiaire sont importants. La fonction publique offre d'importants services dans l'ensemble du pays. Les emplois syndiqués au sein de grandes entreprises sont importants pour notre économie. Il est vrai qu'une bonne partie des revenus générés par les grandes entreprises crée des retombées pour les petites entreprises. Je répète que plus de la moitié des emplois directs au Canada sont liés à des PME.
Ces PME sont le fer de lance de la recherche et du développement au Canada, chose dont le Canada a absolument besoin s'il veut combler ses lacunes chroniques en matière de productivité et de compétitivité.
Les grandes entreprises au Canada consacrent une proportion dérisoire, soit 0,8 p. 100, de leurs revenus à la recherche et au développement. Les PME y consacrent 5,8 p. 100, soit près de 6 p. 100 de leurs revenus, ce qui représente une part impressionnante.
Je suis un biologiste évolutionniste, je sais donc que la meilleure stratégie d'évolution, depuis des milliards d'années, consiste à associer un patrimoine génétique principal à des populations en périphérie. C'est dans ces périphéries que le progrès se réalise, que l'évolution a lieu, phénomène qui permet de communiquer du nouveau matériel génétique au patrimoine principal.
Parallèlement, c'est des petites entreprises que viennent les nouvelles idées. Il fut un temps, Steven Jobs et Bill Gates étaient de petits entrepreneurs. On voit bien ce que peuvent devenir de petites entreprises. Il faut les aider, il faut les appuyer.
Les petites entreprises sont des exportateurs. Elles jouent un rôle primordial dans le maintien du Canada en tant que pays commerçant. Plus de 85 p. 100 de toutes les exportations canadiennes sont produites par des PME.
Ces faits et ces statistiques illustrent à quel point les PME sont essentielles pour l'économie du Canada et l'avenir de tous les Canadiens et de tous les députés. Nous travaillons pour les contribuables, et de plus en plus, les contribuables sont des Canadiens moyens et des PME.
Ces entreprises créent des emplois ici, au Canada. Elles confèrent un dynamisme au marché canadien, dynamisme dont nous avons énormément besoin, et elles réinvestissent leurs bénéfices dans la collectivité. Elles n'investissent pas leurs gains aux États-Unis. Elles ne s'en servent pas pour payer des salaires obscènes et extravagants à leurs PDG, qui s'en vont ensuite les cacher dans des paradis fiscaux dans les Caraïbes ou au Panama.
Le Canada doit en faire plus pour appuyer ses PME. Nous devrions encourager l'esprit d'entreprise qui, par le passé, a motivé tant de Canadiens à prendre le risque de mener à bien un excellent projet et voir où cela mènerait.
Que ce soit à Thunder Bay, à Geraldton, à Longlac, à Marathon, à Schreiber, à Terrace Bay, à Red Rock ou ailleurs, dans ma circonscription, , nous devons encourager la croissance des petites entreprises, à plus forte raison si l'on pense à ce que le gouvernement a fait par rapport à l'ALENA, à l'accord sur le bois d'oeuvre et à son inaction, en période de récession, pour venir en aide à l'industrie forestière dans le Nord-Ouest de l'Ontario. Dans une large mesure, ce sont les petites entreprises qui ont courageusement tenu le coup et qui nous ont sauvés.
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Monsieur le Président, j'utiliserai une bonne partie de mon temps de parole pour parler du projet de loi . Je résumerai d'abord ce qui, à mon avis, est l'essence et la substance du projet de loi, à savoir, deux articles du Code criminel.
Le Code criminel est un gros livre dans lequel on a rassemblé diverses lois dans les années 1890, après la Confédération. Il a donc un âge vénérable. C'est un abrégé qui a commencé par une série de dispositions générales, notamment sur le vol de bétail, la trahison et des situations plutôt rares de nos jours, comme la haute trahison. Le Code criminel a cependant fait l'objet de nombreuses modifications. Au cours de notre grande histoire, on y a intégré toutes les situations qui se sont produites dans notre pays et auxquelles notre collectivité a été confrontée.
Aujourd'hui, nous constatons qu'on demande deux choses, la modernisation du Code criminel à l'égard de deux facettes dans la vie d'un citoyen, soit la légitime défense contre une infraction et les pouvoirs dont peut disposer un citoyen au nom de l'État en vue d'en arrêter un autre ou de l'empêcher de poser des gestes. Le projet de loi traite donc de ce nous appelons la légitime défense et l'arrestation par des citoyens. Nous cherchons soit à moderniser les dispositions générales qui existent depuis longtemps, soit à réagir à une situation précise ou à un certain nombre de situations s'étant produites au pays, soit à faire les deux.
Avec un peu de recul, nous, les parlementaires, n'avons d'autre choix que de dire que c'est toujours bien de moderniser la loi — dans ce cas-ci le Code criminel et son langage vieillot — et de l'adapter aux réalités actuelles. Cela ne fait aucun doute. Par contre, ce n'est pas toujours une bonne idée de modifier le Code criminel ou n'importe quelle autre loi en réaction à une situation donnée, aussi valable que soit la raison.
En effet, toute mesure promulguée en réaction à une situation particulière devrait être examinée à la lumière du bien-être général des collectivités, afin d'être parfaitement adaptée à toutes les autres situations de légitime défense et d'arrestation par des citoyens.
La légitime défense et l'arrestation par des citoyens sont deux notions si différentes qu'environ 400 articles les séparent dans le Code criminel. Les dispositions relatives à la légitime défense — qui font partie des plus anciennes dispositions du Code criminel — sont répertoriées dans les articles 30 et 40 du Code, tandis que la disposition relative à ce qui est communément appelé l'arrestation par des citoyens se trouve à l'article 494. Ces dispositions sont très différentes. Or, dans ce projet de loi, elles sont intrinsèquement liées, car ce que nous faisons en réalité, nous les parlementaires, c'est réagir à plusieurs situations distinctes où des particuliers, des commerçants, des exploitants de petites entreprises ou des propriétaires ont pris des mesures pour protéger leurs biens ou se protéger eux-mêmes et où ils ont, dans bien des cas, détenu des personnes.
Il est primordial d'étudier la question en se mettant à la place des gens. Il faut leur demander s'ils voudraient que la loi les protège s'ils étaient confrontés à une telle situation. Il faut se mettre à la place des deux citoyens. Il y a celui qui a fait quelque chose de mal, celui qui a volé des biens à un commerçant, à un autre citoyen, ce qui est mal. Si aucune disposition du Code criminel ne punissait ce vol ou cette nuisance publique, je dirais que nous devrions remédier à cette lacune.
Cependant, il faut examiner la situation dans son ensemble. En effet, le vol, la nuisance, le harcèlement et les actes racistes ou violents, entre autres, sont maintenant couverts par plusieurs articles du Code criminel. Soyons clairs. Des dispositions s'appliquent déjà aux situations dont il a été question aujourd'hui.
Or, il faut se demander si en l'absence de l'intervention de l'État, une personne doit être autorisée à arrêter ou à empêcher la perpétration d'un acte qui porte atteinte à sa sécurité personnelle ou à ses biens.
Je le répète, ces dispositions figurent déjà dans le Code criminel. Elles permettent aux citoyens de se faire justice eux-mêmes, comme on le dit souvent de façon péjorative. Le Code criminel permet déjà cela. Quiconque affirme qu’il n’existe pas de disposition permettant à une personne d’arrêter quelqu'un et de l’empêcher de commettre un méfait ne dit pas toute la vérité. Ces dispositions existent.
La question qu’il faut se poser, c'est jusqu’où ces pouvoirs doivent aller.
Il s’agit là de déléguer un pouvoir de l’État. L’État a le droit, et parfois l’obligation, d’arrêter une personne qui enfreint la loi. À l’article dont je parlais concernant l’arrestation par des citoyens, autour du numéro 490, un citoyen qui n’est pas agent de la paix peut arrêter quelqu'un si aucun agent de la paix ne l’a fait.
On s’attendrait donc à ce que, si une personne procède à une arrestation, elle doive le faire en prenant bien des précautions, plus que ne le ferait un policier, qui doit aussi avoir des motifs suffisants pour arrêter une personne et respecter toutes les lois, y compris notre Charte des droits et libertés. La nécessité de respecter les lois est encore plus grande pour la personne qui choisit d’arrêter quelqu'un elle-même pour se protéger et protéger ses biens.
Ce que nous essayons de faire dans le cadre de ce débat est de déterminer si la loi actuelle est suffisante ou si nous devons la modifier à un point tel que les juges et les agents de la paix se demanderont si cela ne risque pas de donner lieu à des tactiques de justiciers ou d'inciter les gens à se faire justice eux-mêmes.
Je ne crois pas que quiconque à la Chambre pense que c'est une question simple. La réponse doit être nuancée. Déterminer jusqu’où une personne peut aller quand elle intervient pour faire appliquer la loi au nom de l’État pour se protéger ou protéger ses biens n’est pas une chose simple. Cela dépend grandement des faits et des circonstances.
Quand j'étudiais le droit, on disait que les affaires sont jugées en fonction des preuves, et non de grandes déclarations, et c'est bien de cela que nous parlons aujourd'hui. Prenons l'affaire du commerçant de Toronto, qui a été terrorisé et humilié, qui risquait de perdre son gagne-pain et qui craignait peut-être pour sa sécurité personnelle, souvent menacée. Il a décidé qu’il connaissait le coupable et qu'il l’arrêterait après le fait.
S'il avait agi au moment de l'incident, le commerçant n'aurait pas été accusé de séquestration. C'est une hypothèse purement théorique, mais il aurait probablement eu le droit en vertu de l'article actuel d'arrêter le voleur sans avoir de problèmes avec les policiers, les procureurs et les juges si cela s'était rendu aussi loin.
Lorsque cette affaire est survenue, je sais que beaucoup de députés de tous les partis, et pas seulement ceux du Grand Toronto, ont été attristés d'apprendre que des accusations avaient été portées contre ce commerçant qui tentait seulement de se protéger. Je crois que tout le monde était désolé pour ce citoyen canadien.
La question à l'époque me semblait simple. Je croyais que, à un moment donné, sur la demande du gouvernement ou de l'opposition ou de quelqu'un d'autre, nous modifierions le Code criminel, comme je l'ai dit au début de mon intervention, afin de le moderniser. Je pensais que nous pourrions répondre à cette demande en suggérant qu'un délai raisonnable pourrait s'écouler entre le moment de l'infraction et le moment de l'arrestation et que nous inclurions dans la disposition concernant l'arrestation par des citoyens ce moyen de défense, ainsi que la capacité d'arrêter une personne. Je pensais que c'est ce qui tout se passerait à cet égard.
Rappelons-nous que cette question n'avait pas une grande importance pour le gouvernement avant l'incident à Toronto. Nous nous rappelons très bien de ce côté-ci de la Chambre que le gouvernement est au pouvoir depuis plus de cinq ans et qu'il a eu de nombreuses occasions de présenter des mesures législatives en matière de justice. Il en a présenté beaucoup qu'il a lui-même fait mourir au Feuilleton. Avant la présentation du projet de loi C-60, plus de cinq ans après avoir été élu en ayant fait campagne sur un supposé programme de maintien de l'ordre très coûteux, le gouvernement n'avait rien fait au sujet des deux aspects du Code criminel dont nous parlons maintenant. Il ne considérait pas cela une affaire pressante.
De la première à la cinquième année du mandat, il y a un élément positif de la part de tous les députés et c'est qu'ils veulent aider. Les conservateurs ont présenté le projet de loi C-60, qui n'apporte pas au Code criminel le petit changement en fonction de la situation qui en est à l'origine et qui rendrait le droit pénal plus moderne et mieux adapté. Le projet de loi est sur le point d'être renvoyé à un comité et on avance qu'il va peut-être trop loin.
Je dis cela parce que le s'est rendu dans le quartier chinois de Toronto où, selon le Toronto Star, il aurait déclaré que les gouvernements précédents se seraient abstenus de renforcer la loi parce qu'ils:
[...] craignaient de voir surgir des groupes de justiciers, qui constituent une véritable menace à la primauté du droit.
Cependant, il aurait déclaré que beaucoup de Canadiens estimaient que le juste équilibre avait été perdu dans le système de justice et qu'ils avaient l'impression que les criminels étaient protégés aux dépens des victimes.
J'ai demandé à mon recherchiste de vérifier s'il existait des citations concernant les groupes de justiciers et les dispositions sur les arrestations par des citoyens. Toutefois, ni le premier ministre ni son n'avaient dit quoique ce soit sur la réforme des dispositions visées aujourd'hui avant que ne surviennent les événements que l'on sait.
Le premier ministre actuel fait donc des commentaires sur les gouvernements précédents. Je dirais que ce sont plutôt le premier ministre et ses ministres de la justice successifs qui doivent expliquer pourquoi, en cinq ans, ils n'ont rien fait pour remédier à un problème qu'ils semblent croire assez vieux. Les paroles du premier ministre semblent un peu trompeuses — sur la scène politique, évidemment. Cependant, il a aussi voulu conforter les policiers en déclarant aussi, lors de son passage dans le quartier chinois, que:
[...] les policiers constituent la première ligne de protection contre le crime...
— ce que personne ne remet en question —
... [et que] les corps policiers continueront d'avoir pour responsabilité de préserver la paix publique au Canada parce qu'ils constituent le premier et le principal organisme d'exécution du droit pénal.
Tout cela est bien beau, mais en raison de cette loi, les gens risquent de penser qu'en tant que citoyens ils auront dorénavant plus de pouvoir pour empêcher les infractions commises sur leur propriété. Ce n'est pas moi qui le dis, mais le chef de police non d'un service sans importance d'un quelconque trou perdu ou d'un service semi-professionnel mineur mais de l'un des meilleurs services de police du Canada, soit le service régional de police d'Halifax. Le chef adjoint du service régional de police d'Halifax a dit ce qui suit à propos de la loi dans sa forme actuelle:
Elle ne donne pas beaucoup plus le droit aux citoyens d'arrêter des gens dans la rue.
Il a tenu ces propos à l'époque, lors d'une table ronde avec le ministre de la Justice. Dans l'article de la Presse canadienne qui rapportait ses propos, c'est avec une grande réserve qu'il a déclaré qu'il fallait appliquer avec une extrême prudence toute augmentation du pouvoir des citoyens de procéder à des arrestations. Selon lui, ce ne sont pas des mesures que les gens devraient prendre à la légère. Il a poursuivi en disant que les autorités de police ont déjà suffisamment à faire à enseigner à des agents de police expérimentés comment interpréter la loi sans avoir maintenant en plus à donner des cours aux citoyens sur la manière de procéder à des arrestations.
Des spécialistes n'appartenant ni au gouvernement ni au Parlement ont aussi reconnu que les règles concernant la légitime défense, qui est un corollaire de l'arrestation par des citoyens, montrent que, en réponse à une agression, à une invasion de domicile ou à une menace visant les biens personnels, que ces situations soient réelles ou perçues comme telles, une personne peut avoir une réaction physique ou émotionnelle excessive préjudiciable à l'autre.
Dans un tel cas, il faudrait que la personne présente une défense pour ne pas être accusée d'une infraction ou condamnée. De façon générale, les dispositions à cet effet se trouvent aux articles 30 à 45 à peu près du Code criminel, dont j'ai parlé et qui portent sur la légitime défense.
L'idée selon laquelle il serait possible de remanier les dispositions relatives à la légitime défense selon la situation est consternante. Les policiers qui participent aux tables rondes ne s'y présentent pas avec des documents contenant les modifications qu'ils veulent faire apporter aux dispositions législatives, modifications que le gouvernement divulguerait le lendemain à la télévision après avoir consulté les avocats du ministère de la Justice.
J'ai appris au comité aujourd'hui que certains procureurs provinciaux qui parlaient d'amendements apportés à un projet de loi n'avaient pas été consultés au sujet de la version originale de la mesure. Quelque chose ne va pas lorsque les ministres de la Justice et les premiers ministres modifient une mesure législative sans demander l'avis des policiers et des procureurs de la Couronne.
Des spécialistes des milieux de la police et de la poursuite nous ont dit que, parce que chaque cas est unique et comporte des éléments de preuve très divers et parfois contradictoires, il n'existe pas d'énoncé de politique général en ce qui touche l'utilisation d'une arme à feu pour défendre sa maison, par exemple. Ils ont tenu ces propos à la suite d'une situation dans laquelle les accusations portées contre un homme qui défendait sa maison ont été retirées. On voit donc que c'est parfois très compliqué.
Le gouvernement a peut-être présenté un projet de loi qui ne semble réagir qu'à un très petit nombre de circonstances, mais en réalité, il vient d'ouvrir une boîte de Pandore et la mesure doit être étudiée très attentivement par le comité pour que nous soyons certains qu'elle ne va pas trop loin.
Je le répète, tout le monde éprouve de la compassion pour le commerçant de Toronto. Les dossiers de ce genre unifient tous les partis. Les néo-démocrates ont parlé avec éloquence de la situation, et les libéraux et les conservateurs aussi. Toutefois, au lieu de proposer une solution à l'échelle du problème, les conservateurs sont allés trop loin. Cette approche porte à confusion. Réagit-on seulement à quelques circonstances particulières pour lesquelles il suffirait d'apporter de légères modifications au Code criminel, ou les conservateurs tentent-ils d'ouvrir une boîte de Pandore très dangereuse, ce qui pourrait porter certains à croire que les dispositions législatives du Canada ont changé?
J'ai vu le passage habituel de 6,8 secondes du à la télévision. Il a dit que nous avions le droit d'adopter cette loi, que la Charte n'est pas vraiment nécessaire et que nous pouvons nous défendre contre quelqu'un qui passe sur le coin de notre terrain en motoneige.
Il ne s'agit pas d'un problème qui oppose les régions urbaines aux régions rurales, ou les hommes aux femmes. Il ne s'agit pas non plus d'un problème qui divise les gens en fonction de leur race, de leur religion ou de leur pays de résidence. Il s'agit du Code criminel du Canada qui doit s'appliquer dans toutes les situations.
Il y a quelques années, les honnêtes gens de l'île Grand Manan, dans ma province, au Nouveau-Brunswick, avaient un problème. Des gens du continent venaient sur l'île pour vendre des drogues aux jeunes insulaires. Les vendeurs fréquentaient ou vivaient dans une maison qui, d'après les déductions de la collectivité, était le centre névralgique de cette activité. On dit que les gens de la collectivité ont fait front commun pour incendier la maison et chasser ces gens de l'île.
En tant que père de trois jeunes enfants, je comprends qu'on veuille protéger la collectivité, et en tant qu'ancien maire, la politique locale n'a plus de secrets pour moi. D'un côté, je dirais, tant mieux pour eux, ils ont fait le ménage dans leur collectivité. Par contre, on pourrait se demander pourquoi la police n'est pas intervenue pour mettre un terme à cette activité illégale. Pourquoi la police n'a-t-elle pas été en mesure de faire ce qu'il fallait?
On pourrait poser la question au service de police et il pourrait répondre qu'il manque cruellement de ressources, que le service de la GRC responsable des régions rurales du Nouveau-Brunswick n'a pas obtenu les patrouilles promises, que les ressources qu'il devrait avoir ne sont pas là, que c'est une collectivité rurale et éloignée et qu'il ne peut tout simplement pas faire appliquer la loi. Nous comprendrions.
Par contre, faire en sorte que la loi permette aux gens d'incendier la maison d'autrui n'est pas forcément une solution non plus. Lors de la détermination de la peine, s'il avait un plein pouvoir discrétionnaire, le juge pourrait prendre en considération la volonté de la collectivité et, tout en déclarant que le geste posé était répréhensible, faire preuve d'une certaine clémence. En fait, c'est ce qui s'est passé dans ma province et cela prouve que le système a fonctionné. Il n'y a pas assez de ressources, mais le système fonctionne.
Cependant, seule une partie des dispositions du projet de loi sont bonnes et nous l'étudierons en détail au comité. J'aimerais féliciter les députés qui se sont prononcés en faveur des dispositions judicieuses qui ont aidé le commerçant de Toronto.
:
Monsieur le Président, le projet de loi est en fait la combinaison de deux projets de loi et n'aurait probablement pas dû être rédigé ainsi.
Parlons de la partie du projet de loi sur laquelle tous les partis semblent s'entendre. Je reprends où a terminé mon collègue de . L'article 494 du Code criminel, tel qu'il est rédigé actuellement et tel qu'il a été interprété au fil des ans, prévoit deux conditions à remplir pour qu'un simple citoyen puisse effectuer une arrestation, au lieu d'un agent de police. Premièrement, l'arrestation doit avoir lieu là où l'infraction a été commise ou dans un lieu adjacent. Deuxièmement, elle doit être effectuée immédiatement après l'infraction.
Je pense que tous les députés et la vaste majorité des Canadiens connaissent l'affaire Chen, à Toronto. Le commerçant soupçonnait un individu d'avoir commis un vol dans son commerce auparavant. Lorsque l'individu est revenu, le commerçant l'a confronté avec les faits. L'individu a pris la fuite. Plus tard, le commerçant l'a retrouvé dans un autre lieu et l'a appréhendé. Il s'était alors écoulé un bon laps de temps depuis la confrontation, au moment où le propriétaire soupçonnait l'individu de vouloir perpétrer un autre vol. Par la suite, le commerçant a été inculpé.
J'ai beaucoup discuté avec des agents et des chefs de police partout au pays. En général, ils pensent que, dans les circonstances, ils auraient trouvé un moyen de ne pas inculper le commerçant. Cependant, ils admettent qu'il y avait lieu d'obtenir des éclaircissements quant à l'interprétation à donner à l'article 494 du Code criminel, à cause de l'affaire Chen et à cause d'autres cas où des agents de police et des procureurs se sont sentis obligés d'inculper une personne en raison d'une interprétation stricte de l'article en question, alors qu'ils auraient préféré ne pas inculper la personne.
Comme mon collègue de la Colombie-Britannique l'a indiqué tout à l'heure et comme nous l'avons entendu à de nombreuses reprises à la Chambre, notre collègue de a déjà proposé des modifications à l'article il y a un certain temps, soit peu de temps après que l'affaire Chen eut été portée à l'attention du public et eut acquis la notoriété qu'on lui connaît. Notre collègue voulait qu'on applique le concept du caractère raisonnable à deux facteurs. Il devait s'être écoulé un délai raisonnable entre l'infraction et l'arrestation et le simple citoyen effectuant l'arrestation devait avoir un motif raisonnable de craindre que la personne ne puisse pas être arrêtée et inculpée à cause de l'absence de la police.
Le gouvernement a ajouté une disposition pour préciser le rôle que doit jouer le propriétaire. Il n'a pas seulement précisé que l'arrestation doit être faite dans un délai raisonnable après l'infraction, mais aussi que le citoyen qui compte faire une arrestation doit croire, « pour des motifs raisonnables, que l’arrestation par un agent de la paix n’est pas possible dans les circonstances ».
Des citoyens, des représentants du milieu juridique et quelques agents de police nous ont dit que cette modification favorise le phénomène du justicier. Le simple fait qu'on ait ajouté que la personne pourra faire une arrestation dans un délai raisonnable et que, pour ce faire, elle devra estimer qu'aucun policier ne sera en mesure de procéder à l'arrestation, aura pour conséquence que cette personne pourra échapper aux responsabilités liées à la perpétration présumée d'un acte criminel.
La modification de l'article 494 du Code criminel que propose le gouvernement est très semblable à la proposition du NPD. Nous l'appuyons, et les libéraux et les autres partis de l'opposition l'appuient aussi, comme on l'a vu aujourd'hui et ces derniers jours. Hélas, le projet de loi ne se limite pas à cet ajout comme il aurait dû. Tous les partis l'auraient alors adopté rapidement.
Au lieu d'en rester là, le gouvernement a inclus d'autres modifications, comme il le fait si souvent. Il a pris les articles 34 à 42 du Code criminel et les a réduits à deux articles, les articles 34 et 35. Je ne sais pas trop ce que le gouvernement ferait de la numérotation du reste du Code criminel, car si les modifications étaient adoptées et si mon calcul est bon, il en réduirait de six le nombre d'articles.
Il semble que le gouvernement veuille établir une analogie entre les principes sur lesquels repose l'article 494 et ceux qui sous-tendent les articles 34 à 42, mais ça ne cadre pas. Les articles qui précèdent et qui suivent l'article 494 portent sur le pouvoir d'arrestation des agents de police, avec ou sans mandat, et sur le rôle des procureurs et de la magistrature à cet égard.
Il y a de nombreux articles, commençant par l'article 200 et allant jusqu'aux articles 492 et 493, qui portent sur cette question. L'article 494 est très bien situé. Le concept de l'arrestation par un citoyen est dans le même ordre d'idées. On ne peut pas en dire de même des articles 34 à 42.
Un bref survol des articles 34 à 42 nous apprend qu'il s'agit de dispositions sur l'autodéfense, la défense de notre résidence principale, la défense d'une propriété commerciale en réponse à l'intrusion ou à d'autres crimes commis sur les lieus et le droit de défendre notre propriété personnelle, que ce soit des voitures, des bijoux, des meubles ou des vêtements.
Ces articles de cette partie du Code criminel, qui figurent très près du début du Code, reflètent les lois en vigueur depuis même avant son adoption dans les années 1890, et même avant cela, avant l'existence de codes criminels et du droit pénal en Angleterre. C'est suite à des décisions arbitraires du roi que ces concepts auraient pris racine, et ils ont évolué sur plusieurs centaines d'années pour en arriver au point où nous en sommes aujourd'hui, où nous les avons regroupés dans le Code criminel.
Il n'y a pas d'autre façon de le dire: on propose de modifier le fond de ces articles. Je me suis penché de près sur les dispositions depuis la présentation de la première ébauche de la mesure il y a quelques semaines. J'ai été frappé par le libellé de certaines dispositions que le gouvernement a clairement calqué sur des interprétations des articles 34 à 42, qui sont des décisions judiciaires. Puisque la langue était plus moderne que ce qui se trouvait dans le Code criminel, il a pensé qu'il serait judicieux d'étoffer ces dispositions. Malheureusement, il semble également avoir omis certains principes juridiques importants, autant du point de vue des avocats qui poursuivent les délinquants que des agents de police et des avocats de la défense.
J'utiliserai comme exemple les dispositions des articles 34 à 42 qui ont trait à la provocation. Je le fais en trois étapes.
Si l'auteur d'une provocation est agressé, il a le droit de se défendre, mais dans une moindre mesure parce que c'est lui qui, par sa provocation, à causé l'agression. Il y a là un genre de quasi-défense, pour l'agression et pour la défense contre l'agression. Le concept a évolué et a été interprété par les tribunaux. Il est assez bien compris, pas par les citoyens ordinaires, mais par les avocats et les juges de nos cours pénales.
Je ne vois aucune mention du concept de justification. Celui-ci est certainement plus compliqué, et ce n'est pas la même chose que la provocation. Les gens ont des raisons de croire qu'ils peuvent faire usage de force physique sur d'autres personnes, même d'une force excessive, pour se défendre contre ce qu'ils perçoivent comme une agression contre eux ou leurs biens. Ce concept ne se trouve dans aucun des articles proposés pour remplacer les articles 34 à 42.
Un autre concept qui apparaît vaguement est celui que nous appelons l'apparence de droit ou de revendication d'un droit. J'ai l'impression d'être revenu à la faculté de droit. J'ai enseigné à l'université et j'ai l'impression de refaire ce que je faisais alors. Ce sont des concepts juridiques de base que l'on apprend habituellement au cours du premier trimestre ou de la première année d'étude, mais qui sont parfois repris les années subséquentes lorsque l'on prend des cours spécialisés en droit pénal.
Le concept d'apparence de droit ou de revendication de droit fait très souvent surface dans les conflits matrimoniaux. Quelqu'un affirme être le propriétaire enregistré d'une propriété et menace de mettre à la porte son conjoint qui vit dans cette propriété depuis longtemps. La personne chassée peut revendiquer le droit de continuer d'habituer dans cette propriété. Le concept ne paraît pas, du moins pas clairement, dans les modifications proposées.
Il existe un concept semblable dans les relations commerciales entre de multiples partenaires. Une personne peut être le propriétaire enregistré de l'entreprise et détenir la majorité des parts tandis qu'une autre personne peut vouloir revenir sur les lieux pour prendre ses affaires ou peu importe. La revendication de droit permet à cette deuxième personne de retourner sur les lieux. Ce concept n'apparaît qu'une fois dans les modifications proposés et semble absent ailleurs.
Pour revenir à ma première année de droit, force est de se demander si le projet de loi a été rédigé au moment de l'affaire Chen et de l'arrestation à laquelle il a procédé. On devrait retrouver ces principes dans les modifications. Cela pourrait être fait d'une manière différente. On pourrait faire valoir qu'on modernise les articles, qu'on les adapte aux réalités du XXIe siècle. Je crois fermement qu'il faut faire entrer le Code criminel dans le XXIe siècle parce qu'il pose toutes sortes de problèmes.
Je ne sais pas si le gouvernement essayait de moderniser le Code criminel. Je doute sérieusement, du moins en partie, qu'il n'ait pas accompli cela afin de préserver les principes, mais bien d'en moderniser la formulation. Si c'est ce que le gouvernement fait, j'entretiens de sérieuses réserves à l'égard du projet de loi parce qu'il n'a pas atteint son objectif.
Par contre, il se peut qu'on poursuive un autre objectif. Je ne suis pas certain de quoi il s'agit, sinon qu'on tente d'américaniser ce qu'on appelle en droit la légitime défense. C'est peut-être l'objectif: nous acheminer vers ce que permet plus largement le système de justice pénale américain par rapport au Canada, à la Grande-Bretagne, à l'Australie, à la Nouvelle-Zélande et aux autres pays semblables sur le plan de l'évolution du droit et de la façon dont on s'emploie à résoudre la question de la criminalité et à renforcer la capacité de recourir à l'autoprotection pour lutter contre celle-ci.
Il est difficile de déterminer l’existence d’un programme politique idéologique sous-jacent, mais il faut s’inquiéter du fait que certaines des modifications proposées semblent aller dans ce sens.
Comme nous appuyons l’article 494 et que nous voulons corriger le problème mis en lumière par l’affaire Chen, je pense que la plupart d’entre nous vont appuyer le renvoi du projet de loi au comité. À cette étape cependant, il nous faudra des explications très claires au sujet de son libellé. Nous devrons également déterminer si les notions de provocation, de justification et de droit d’agir ont été éliminées dans la plupart des cas.
Après avoir défini les paramètres et les limites du projet de loi, il va sans dire que les avocats feront beaucoup d’argent avec cette mesure législative. Les procureurs et les avocats de la défense passeront littéralement des années à en réinterpréter les dispositions, car les principes qui régissaient traditionnellement le recours à l’autoprotection semblent y avoir été modifiés radicalement. Après avoir écouté les exposés ministériels, j’ai conclu qu’aucune explication rationnelle ne nous avait été fournie quant à la raison de cette initiative. Ça ne semble pas coller.
Il est déplorable que le gouvernement ait jumelé ce projet de loi avec les modifications proposées à l’article 494. Il aurait été préférable de consacrer un projet de loi distinct à celles-ci. Je sais que la députée de a offert au gouvernement d’en faire un projet de loi concis et distinct contenant simplement un texte modificatif de deux paragraphes à l’article 494. De cette façon, la Chambre aurait pu l’adopter rapidement.
Dans l’état actuel des choses, une fois que ce projet de loi aura été renvoyé au Comité de la justice, il s’ajoutera simplement aux autres projets de loi dont le comité est déjà saisi. Il nous faudra beaucoup de temps pour déterminer s’il contient d’éventuelles conséquences imprévues, si des principes juridiques bien établis risquent d’être érodés et, si c’est le cas, quelles seront les incidences sur la pratique du droit au Canada et sur le droit des citoyens à se défendre eux-mêmes et à défendre leurs biens, qu’il s’agisse de leur maison ou de leurs intérêts commerciaux. Il nous faudra bien des témoignages pour arriver à le comprendre.
Comme je l’ai indiqué, le NPD votera pour le renvoi du projet de loi au comité parce qu’il appuie les modifications proposées à l’article 494 et l’ensemble de la question de savoir quand il est approprié pour un citoyen d’exercer son pouvoir de procéder à une arrestation. Cependant, nous avons de sérieuses réserves quant au reste du projet de loi. Il y aura beaucoup de travail à faire au Comité de la justice pour arriver à bien le comprendre.
:
Monsieur le Président, le projet de loi devrait être intitulé « Loi David Chen » ou « Loi visant à remercier David Chen de nous avoir ouvert les yeux sur les lacunes de l’article 494 du Code criminel » ou, ce qui serait plus approprié encore, « Loi expliquant pourquoi David Chen mérite des félicitations alors que les conservateurs sont toujours réticents à reconnaître la contribution des Canadiens ».
Pourquoi dire cela? Les députés doivent me trouver un peu sévère, mais David Chen, un propriétaire de commerce légitime, une personne qui dirige une entreprise familiale, qui s’occupe de ses affaires, qui fait appel à la police chaque fois qu’il y a un problème, soit presque chaque jour, demande au système judiciaire, au système de justice, de l’aider à gagner sa vie au Canada, comme bien des Canadiens, et que lui arrive-t-il? Un jour, il voit un voleur, un individu qui a déjà perpétré un vol dans son établissement dans le passé, un individu qu’il a déjà enregistré sur vidéo, un individu qu’il a déjà dénoncé à la police à diverses reprises, un individu qui avait déjà été condamné 47 fois pour vol. Il le voit donc revenir dans son commerce moins de 30 minutes après y avoir commis un vol.
Il se saisit du voleur et le retient. Il appelle la police, qui arrive sur les lieux et l’arrête, lui. Toute une série d’accusations sont portées contre lui, y compris celles de séquestration, d’arrestation et d’enlèvement. Imaginez, dans un pays comme le Canada où l’application régulière de la loi est un élément très important de la vie des citoyens, c’est le propriétaire du magasin, le défenseur de ses propres biens, qui est accusé.
Pour un gouvernement qui aime que le titre de ses mesures législatives ressemble à une infocapsule, ce n’est pas ainsi qu’il agit en l’occurrence. Il envoie son ministre de premier plan, le , car il s’agit bien sûr d’une question d’immigration. Il ne s’agit pas d’une question de droit. Il ne s’agit pas d’une question de justice. Il s’agit d’une question d’immigration, de citoyenneté, d’une question politique.
Et voilà qu’arrive le , pour démontrer que le gouvernement du Canada... Non, je suis désolé. Quel est son nouveau titre? Ce n’est pas le gouvernement du Canada, c’est celui d'une personne, d'une seule personne qui établit toutes les règles, d'une personne dont les initiales sont SH, et qui envoie son ministre de premier plan intervenir dans un débat relatif à une question de citoyenneté, d’immigration et de politique.
Le 27 septembre 2009, retenez cette date, car elle est importante, il a dit que c'était un problème grave et que des changements seraient apportés. Je remarque que le l'accompagnait. Il a dit que c'était un problème réel, un problème qui serait corrigé parce que c'était injuste, insidieux et inadmissible qu'une personne qui tente de faire fonctionner une entreprise familiale subisse un procès alors qu'elle est victime d'un crime commis par une autre personne. On la victimise de nouveau. Il a dit que les conservateurs modifieraient la loi. C'était le 27 septembre 2009. Quelle est la date aujourd'hui? Je ne sais pas si les ministériels savent lire un calendrier, mais la dernière fois que j'en ai regardé un, nous étions en mars 2011.
Le gouvernement s'est enfin décidé à présenter une mesure législative. Si j'ai l'air d'être en colère, c'est que je le suis pour tous les citoyens qui, comme David Chen, s'attendaient à ce que le gouvernement fasse quelque chose de bien. Ils comptaient sur le gouvernement du Canada, avant que celui-ci ne deviennent le gouvernement de SH, mais tout est une question d'évolution.
Le 27 septembre 2009 est une date intéressante parce que deux événements se produisaient simultanément. La possibilité d'une élection, qui engendrait un climat de paranoïa au sein des ministériels, et la discussion du avec les procureurs généraux des provinces sur ce qu'il convenait de faire dans une affaire comme celle de David Chen, qui se produit apparemment plus souvent qu'autrement.
J’ai demandé à mon collègue de Windsor ce qu’il pensait, en tant qu’ancien professeur de droit, de cette modification mineure qui aurait permis à tout le monde de s’y retrouver. Il y a à peine quelques jours, le a dit, dans son intervention sur le projet de loi, que le gouvernement présentait cette mesure parce que les tribunaux s’intéressent à ce que dit le Parlement quand ils ont besoin d’aide pour l’interprétation d’une loi. Ensuite, il s’est mis à énumérer trois, quatre, cinq, mille raisons de préciser le concept de « caractère raisonnable » dans la loi. Toutefois, le ministre de la Justice savait en 2009, quand David Chen a eu sa première citation à comparaître, que la loi allait changer, parce que tout le monde était d’accord pour dire qu’il fallait qu’elle change. Qu’a-t-il fait? Il a laissé David Chen utiliser ses propres ressources, engager de lourdes dépenses et subir un stress énormes pour vérifier la validité de ce concept en cour, le temps de voir ce que feraient les tribunaux. Ce sont donc les tribunaux qui ont tranché cette question pour lui.
Au lieu de remercier David Chen d’avoir permis au gouvernement d’économiser tout cet argent, les conservateurs ont dit qu’ils allaient présenter une mesure législative. Tout le monde est très fier de cette victoire obtenue au nom des Canadiens. Non seulement David Chen mérite une médaille, mais il mérite d’être indemnisé pour tout ce travail.
Deux députés ont présenté des projets de loi. Le 16 juin dernier, le député d’ a présenté une très brève proposition de modification de l’article 494 du Code criminel, puis, en septembre 2000, la députée de a présenté une mesure semblable. Arrive le 29 octobre 2010, et les tribunaux rendent une décision en faveur de David Chen. Le gouvernement s'empresse de le féliciter. Le , celui qui dirige le gouvernement qui porte son nom, affirme que le gouvernement fera de cette question une priorité et qu’il modifiera la loi. Mais David Chen avait déjà dû comparaître en cour.
Qu’a fait le ? Au lieu de reprendre les propositions des députés, le député d’ et la députée de , il décide de confier la tâche à son ministre de la Justice, qui présente une mesure terriblement complexe parce qu'il doit régler tous les problèmes du monde, sauf celui qui était en cause. Pourquoi une telle urgence? Parce que, d’après ce que j’ai compris, il pourrait décider qu’il ne veut plus avoir à traiter avec le Parlement et préférer partir en campagne électorale.
Je voudrais situer les événements dans le temps. Le 2 novembre, dans le cadre de la période des questions, j'ai demandé en tant que député d' que la loi soit changée. J'ai suggéré que le gouvernement s'inspire du projet de loi puisque nous en avions déjà achevé la rédaction. Le député de a reconnu qu'il était possible de tenir compte des motifs raisonnables. D'autres professeurs l'ont déjà fait. Toutes sortes de gens ont décidé de donner leur point de vue là-dessus.
Le 4 novembre, nous avons tenu une conférence de presse et avons demandé au gouvernement d'accepter le principe du projet de loi et de l'autre projet de loi. Cependant, le 21 janvier, le a finalement décidé de retourner voir David Chen et de se servir de lui pour faire une nouvelle opération de relations publiques qui lui permettrait de déclarer que les conservateurs allaient proposer une mesure législative sans attendre. « Sans attendre » signifiait le 4 mars. C'est véritablement le 15 février que les conservateurs ont décidé d'agir et l'ont indiqué.
Je doute de leur sincérité dans tout cela et je doute tout autant de toutes les protestations du qui a participé aux discussions qui se sont déroulées en novembre 2009. Finalement, durant ces négociations, alors qu'il avait en fait approuvé une partie du libellé du projet de loi , il a décrété que dorénavant, puisqu'il était nommé secrétaire parlementaire, il ne pouvait plus s'occuper de cette mesure législative. Il ne savait d'ailleurs absolument pas ce que le souhaitait faire à cet égard.
Il s'est lavé les mains de toute cette affaire et a laissé en plan ceux qui s'étaient tournés vers le gouvernement du Canada — c'est-à-dire, le vrai gouvernement du Canada — à la recherche d'aide et de conseils, les contraignant ainsi à rechercher les conseils des députés de l'opposition.
Et qu'a fait le gouvernement? Il a présenté un projet de loi inutilement compliqué pour gagner du temps et s'en sortir de cette manière.