:
Monsieur le Président, je vais essayer de me faire comprendre au milieu de cette cacophonie. On sait que depuis 2001, dans la foulée du 11 septembre, une série de mesures ont été mises en place, notamment aux États-Unis, pour accroître la sécurité des citoyens et des citoyennes.
Que ce soit de façon réelle, tangible ou en apparence, ces mesures heurtaient parfois et heurtent encore de plein fouet le droit à la vie privée des citoyens. Dans cette foulée, on a assisté à la mise en place d'une liste d'interdiction de vol, qu'on appelle couramment dans l'industrie aérienne la no-fly list. Figurer sur cette liste interdit à la personne dont le nom s'y trouve de prendre l'avion. Pour que cette liste soit pleinement opérationnelle, il importe de connaître à l'avance l'identité des passagers d'un aéronef. C'est pourquoi, en 2001, à la demande des États-Unis, le gouvernement canadien a déposé le projet de loi , qui a reçu l'aval du Bloc québécois.
On se rappellera que ce projet de loi avait été rapidement adopté. Il avait pour effet d'autoriser les compagnies aériennes à divulguer toute information prévue par règlement sur leurs passagers aux autorités des pays. Les prochains mots que je vais dire sont importants, sinon capitaux, parce qu'ils font une distinction entre le projet de loi C-44 et celui qui est actuellement devant nous. Le projet de loi C-44 permettait de donner toute information aux autorités des pays d'arrivée ou de transit, ce qui signifie que l'avion touche terre, contrairement au projet de loi C-42 qui est devant nous, où il est question de survol de l'espace aérien d'un pays donné. C'est une distinction qui est importante, voire capitale.
Les informations qui étaient demandées étaient le nom, la date de naissance, le sexe et, parfois, le numéro de passeport. Si, à première vue, l'accès à ces informations paraît peu intrusif, il faut garder à l'esprit les nombreuses défaillances de la liste d'interdiction de vol.
Pour illustrer le ridicule de cette no-fly list utilisée par les États-Unis, je vais donner deux exemples où le système a carrément dérapé. Une des personnes dont le nom apparaissait sur la no-fly list — la liste d'interdiction de vol — est Ted Kennedy, le sénateur démocrate du Massachusetts, qui vient de mourir il y a quelques mois. En 2004, il a été arrêté et interrogé cinq fois à l'aéroport, alors que son nom n'aurait pas dû figurer sur cette liste. Malgré sa renommée et son influence, il s'est écoulé plus de trois semaines avant que son équipe d'adjoints parlementaires réussisse à faire retirer son nom de la liste. Ce fut l'une des défaillances les plus médiatisées, mais ce n'est pas la seule. Je vais donner un autre exemple du ridicule de cette liste. En mai dernier, aux États-Unis, la famille Thomas a été interceptée et arrêtée à l'aéroport. Pourquoi? Parce que le nom d'une des filles Thomas, âgée de six ans, figurait sur la liste d'interdiction de vol.
On s'est rendu compte qu'il y avait erreur sur la personne. Par contre, je peux affirmer que l'accès à l'avion a été laborieux. En gros, c'est ce que j'avais à dire.
Je répète ce que j'ai dit avant les déclarations de députés et les questions orales, à l'effet que le Bloc québécois votera pour le principe du projet de loi. Il sera d'accord pour que le projet de loi soit renvoyé en comité afin qu'une analyse sérieuse et exhaustive, avec témoins, spécialistes et experts, soit faite. Je veux remercier ma collègue la députée d', notre excellente porte-parole en matière de sécurité publique. Elle m'a suggéré par courriel des noms de témoins, de groupements et d'individus qui pourraient éclairer le comité de leur expertise afin de procéder à l'analyse sérieuse du projet de loi .
Je veux que ce soit clair, en deuxième lecture, le Bloc québécois votera en faveur du principe du projet de loi pour l'envoyer en comité. En ce qui concerne la façon dont notre parti se comportera au cours des étapes ultérieures, nous nous réservons le droit d'ajuster, au besoin, notre position dans ce dossier.
:
Monsieur le Président, je prends la parole au sujet du projet de loi .
Ce projet de loi est vraiment trompeur. À première vue, il a l'air bien inoffensif, avec quelques changements à la Loi sur l'aéronautique, un mot par-ci, par-là, qui n'ont pas l'air de changer grand-chose. En réalité, il sert à mettre en place des lettres et de protocoles d'entente secrets, et non des traités, pour empiéter sur la vie privée des Canadiens et transmettre nos renseignements personnels aux services secrets de pays étrangers. Avec ce projet de loi, le simple fait de survoler un autre pays justifiera qu'on lui transmette nos renseignements personnels.
Le gouvernement voudrait nous faire croire que ce projet de loi est nécessaire pour la lutte contre le terrorisme. En réalité, il en a besoin pour pouvoir, avec d'autres organisations étrangères, établir des fichiers détaillés sur les Canadiens. On nous raconte qu'il s'agira simplement du nom et de l'adresse, etc. En réalité, ce que le gouvernement s'apprête à communiquer, c'est tout le dossier correspondant à un passager, y compris des renseignements de sécurité vitaux comme ce qu'il a mangé dans l'avion, son état de santé, entre autres.
Mais le gouvernement ne veut pas le reconnaître. En réalité, il est en train d'élaborer toutes sortes d'ententes secrètes avec d'autres pays pour leur fournir les mêmes renseignements, et pas seulement aux États-Unis.
Le gouvernement voudrait nous faire croire qu'il fait tout pour protéger notre vie privée. Mais c'est du cynisme, car avec le projet de loi , il supprime la protection de la vie privée des Canadiens.
Il faut peut-être échanger certains renseignements sur les vols d'un pays à un autre. Le gouvernement affirme que c'est indispensable. Mais comment peut-on le faire tout en respectant les principes élémentaires de la protection de la vie privée des Canadiens?
En 1998, la Commission européenne a énoncé six principes fondamentaux qui doivent régir toute entente d'échange de renseignements conclue avec un autre pays. Ces principes visaient spécifiquement l'industrie aérienne.
L'un de ces principes est le principe de la limitation de la finalité. Les renseignements personnels privés doivent servir à une fin précise et n'être utilisés ou communiqués ensuite que si c'est conforme à la finalité du transfert.
Il y a un autre principe, celui de la qualité des renseignements et de la proportionnalité, selon lequel les renseignements doivent être exacts et au besoin mis à jour. Les renseignements doivent être adéquats, pertinents et non excessifs par rapport aux fins pour lesquelles ils sont transférés ou subissent un complément de traitement.
C'est extrêmement important pour les Canadiens. Si nous transmettons des renseignements sur des Canadiens à un autre pays, nous devons pouvoir nous assurer qu'ils sont préservés correctement et tenus à jour. Sinon, on peut avoir par exemple le cas d'un Canadien qui est amnistié pour certaines infractions sans que cette amnistie soit inscrite dans ce dossier.
Il y a le principe de la transparence. On doit dire aux gens à quelle fin les renseignements sont traités, les renseigner sur l'identité des personnes qui contrôlent les renseignements dans le tiers pays et leur fournir tout autre renseignement nécessaire au titre de l'équité. Autrement dit, les gens sont en droit de savoir qui d'autre a des renseignements sur eux, où ces renseignements sont détenus, à quoi ils servent, combien de temps ils vont être conservés, tous ces détails.
Il y a aussi le principe de la sécurité. Les personnes qui contrôlent les renseignements doivent prendre des mesures techniques et organisationnelles correspondant au risque que présente le traitement. Les personnes agissant sous les ordres de ceux qui contrôlent les renseignements, y compris ceux qui les traitent, ne doivent les traiter que sur instructions de leurs contrôleurs. Autrement dit, si la personne qui recueille les renseignements n'est pas en mesure d'en garantir la sécurité, alors nous ne voulons pas d'un tel régime pour les renseignements personnels des Canadiens.
Il y a également le droit d’accéder aux renseignements, de les rectifier et de s’y opposer. La personne visée par les renseignements devrait avoir le droit d’obtenir la copie de tous les renseignements qui la concernent et qui sont traités et le droit de rectifier les inexactitudes. De plus, dans certaines situations, la personne devrait pouvoir s’opposer au traitement de ces renseignements. Autrement dit, lorsque nous demandons des renseignements aux gens, ceux-ci devraient comprendre la nature de ces renseignements et, en cas d’inexactitude, avoir la possibilité de communiquer avec ceux qui les contrôlent.
Le dernier principe est celui de la restriction imposée à la transmission des renseignements à un tiers. La communication de renseignements à d’autres pays ne devrait être autorisée que lorsque le pays tiers est assujetti aux mêmes règles que le premier pays qui a reçu les renseignements.
À l’heure actuelle, lorsque nous communiquons les renseignements aux États-Unis, ils peuvent les utiliser d’une certaine façon. S’ils les transmettent à un autre pays, nous comprenons comment ils seront utilisés dans le pays tiers, et nous acceptons et contrôlons l’utilisation qu’on y fera de ces renseignements.
Le projet de loi ne prévoit aucune de ces protections. Il ne protège aucunement la vie privée en ce qui concerne la communication des renseignements sur les Canadiens. En d’autres termes, le projet de loi laisse le champ libre à l’utilisation de l’information sur les Canadiens qui est communiquée à des pays étrangers.
Il y a deux semaines, nous avons consacré beaucoup de temps à une motion de l’opposition au sujet du formulaire de recensement détaillé. Le gouvernement était très préoccupé par la collecte de renseignements auprès des Canadiens, même si les renseignements étaient anonymes.
Or, voici une situation où, publiquement, des renseignements non pas anonymes mais nominatifs sont communiqués à un autre pays sans que nous comprenions ou contrôlions l’utilisation qui en sera faite.
Il se peut que le gouvernement ait conclu en coulisse un accord sur l’utilisation des renseignements, mais rien de tout cela ne se trouve dans le projet de loi. Ce n’est pas dans le texte législatif. Ni le gouvernement, ni quelque autre gouvernement qui le remplacera, ne sera assujetti à ces ententes sur l’utilisation des renseignements.
Se portant à la défense du projet de loi, le cabinet du a prétendu qu’il fallait agir de la sorte pour éviter que les Canadiens ne subissent des retards indus dans leurs déplacements. Voulons-nous vraiment accepter la perte totale de notre vie privée pour éviter quelques minutes de retard? Est-ce bien ce dont il s’agit ici? Je ne suis pas d’accord. Je ne pense pas que ce soit vraiment une bonne raison d’adopter un projet de loi sans l’assortir de mesures de contrôle.
Si nous acceptons le projet de loi à l’étape de la deuxième lecture, il n’y aura plus aucune possibilité d’y apporter l’amendement majeur qui est nécessaire pour faire en sorte que la mesure législative vise principalement la protection de la vie privée des Canadiens. Je ne crois pas que ce soit possible. Je ne pense pas que nous puissions y arriver à l’étape du comité.
Nous avons vécu la même situation il n'y a pas très longtemps avec le formulaire détaillé de recensement. J'aimerais que le gouvernement reprenne l'argument qu'il utilisait alors et qu'il se rappelle de l'importance qu'avait pour lui la protection des renseignements personnels et de la vie privée des Canadiens et des interventions qu'il a faites à ce sujet. C'était une question de principe pour lui.
Le gouvernement a choisi de ne pas tenir compte de ce principe dans ce projet de loi. Il a choisi de ne pas insérer dans le projet de loi ces principes, qui le guideraient et qui permettraient de nous assurer que, si nous décidons de fournir des renseignements au sujet de citoyens canadiens à d'autres pays, ces citoyens comprendraient la manière dont leurs renseignements sont protégés.
Le 22 novembre 2007, le gouvernement a émis un communiqué de presse dans lequel il disait s'opposer vivement au transfert des renseignements personnels des Canadiens aux États-Unis et, je présume, à d'autres pays.
Dans ce communiqué, le gouvernement affirme:
Cependant, compte tenu de la complémentarité de nos systèmes de sûreté et de la coopération entre le Canada et les États-Unis en matière de sûreté, et des risques connexes, nous considérons qu'il existe d'excellents motifs liés à la sûreté pour que tous les vols à destination, en provenance ou à l'intérieur du Canada qui empruntent l'espace aérien des États-Unis soient exemptés du Secure Flight Program proposé.
Pourquoi le gouvernement a-t-il capitulé? Il n'aurait certainement pas tenu ces propos s'il ne croyait pas qu'il pouvait négocier des arrangements différents. Rappelons-nous que les avions américains qui survolent le Canada sont beaucoup plus nombreux que les avions canadiens qui survolent les États-Unis et qu'ils revêtent une importance beaucoup plus grande pour les États-Unis. Ce sont les faits. Le Canada aurait clairement pu négocier des arrangements différents.
Le gouvernement voulait-il vraiment le faire ou a-t-il décidé, dans le cadre de ses négociations secrètes avec d'autres pays, de partager ces renseignements?A-t-il décidé qu'il est correct de partager ces renseignements personnels, que nous voulons le faire et qu'il n'est pas important de protéger le droit des Canadiens à la vie privée?
Un an plus tard, juste avant la première prorogation, les conservateurs ont assuré aux députés que le programme pour la sûreté des vols ne s’appliquerait pas aux Canadiens. Le gouvernement a alors dit à la Chambre que les États-Unis avaient indiqué que le programme pour la sûreté des vols ne viserait pas les pays disposant d’un système de sécurité comparable au leur. C’était en réponse à une question provenant des banquettes du gouvernement. Nous ne pouvions pas dire que le ministre n’avait pas compris la question étant donné qu’on lui avait fourni la réponse directement. Le ministre des Transports avait alors déclaré: « Notre gouvernement s’est engagé à respecter la sûreté, la sécurité et la vie privée de tous les Canadiens ».
Le projet de loi réduit cet engagement à néant. Ce même gouvernement a éliminé le long questionnaire de recensement tout récemment parce qu’il représentait une trop grande atteinte à la vie privée. Ce même gouvernement considère que le registre des armes d’épaule empiète trop sur la vie privée des gens. Ce même gouvernement propose le projet de loi C-42 qui permettra de communiquer des renseignements personnels et privés sur les Canadiens non seulement aux États-Unis, mais peut-être aussi au Panama, au Mexique, à la République dominicaine ou à tout autre pays que le gouvernement canadien juge approprié.
Il suffit de survoler un pays pour donner au gouvernement canadien le droit de transmettre ces renseignements. Que ce soit le gouvernement actuel ou son successeur qui le fera, les droits des Canadiens ne seront pas protégés.
En août 2007, la Commission européenne a émis une opinion au sujet d’un accord entre l’Union européenne et les États-Unis concernant le traitement et le transfert de données des dossiers passagers au département de la Sécurité intérieure des États-Unis par les transporteurs aériens. Cette opinion comparaît l’accord de 2007 avec d’autres ententes, et n’oubliez pas que les habitants de l’Union européenne ne survolent pas les États-Unis aussi souvent que les Canadiens.
Selon cette opinion, les garanties à l’égard des renseignements personnels sont plus faibles que dans le cas de tout autre type d’accord. Plus particulièrement, la quantité de renseignements transmis est augmentée; le département de la Sécurité intérieure peut se servir de renseignements sensibles qui ont été exclus par des accords antérieurs; la transmission de renseignements à des agences étrangères est facilitée et ne fait plus l’objet des garanties précédentes et les renseignements transmis en vertu de cet accord entre l’Union européenne et les États-Unis seront conservés au moins pendant 15 ans et dans certains cas, pendant 40 ans.
D’autre part, selon cette opinion, le nouvel accord prévoit un nombre d’exemptions plus important. Plus particulièrement, les garanties protégeant les renseignements personnels peuvent être levées à la discrétion des États-Unis.
Par conséquent, si nous suivons l’exemple de l’Union européenne qui a conclu cet accord secret, qui n’est pas public, avec les États-Unis, nous allons dans la mauvaise direction.
La Commission européenne a déclaré: « [...] le nouvel accord n’établit pas un juste équilibre pour préserver les droits fondamentaux des citoyens en ce qui concerne la protection des renseignements. »
Toutefois, je ne suis pas le seul à m’opposer à ce projet de loi. Selon Roch Tassé, de la Coalition internationale pour la surveillance des libertés civiles: « Les Américains auront un droit de véto sur chaque passager qui montera à bord d’un avion au Canada, même s’il ne met pas le pied sur le territoire américain. » Et, ajoute M. Tassé: « Qu’arrivera-t-il si le Canada invite l’ambassadeur d’un pays comme Cuba? »
L’Association du transport aérien du Canada a fait part de ses griefs au département américain de la Sécurité intérieure en décembre dernier. L’association s’est notamment plainte du fait que « la communication par les compagnies aériennes canadiennes de détails relatifs aux passagers canadiens viole les lois du Canada qui protègent les renseignements personnels et les documents électroniques ainsi que ses lois relatives à l’aéronautique ».
Nous sommes en train de modifier la loi, ce qui signifie que cette citation est périmée, mais l’objet de la loi est de protéger l’information.
Fait intéressant, le gouvernement communique depuis un certain temps déjà des renseignements personnels concernant des Canadiens à des services de renseignement étrangers, même si c’est contraire à la loi, comme en témoigne le cas de Teresa Healy.
En juin 2007, Mme Healy, chercheuse principale au Congrès du travail du Canada, a été soumise à un long interrogatoire par des douaniers américains au poste frontalier de Cornwall, en Ontario, parce qu’elle avait déclenché un détecteur de radiations. Lorsqu’il s’est avéré que les radiations étaient dues à des tests médicaux, les douaniers ont commencé à lui poser des questions au sujet de son arrestation en 1991 au cours d’une manifestation sans violence. À l’époque, aucune accusation n’avait été portée contre elle. Pourtant, les douaniers américains disposaient d’une image numérique de ses empreintes digitales. Elle a rapporté qu’ils lui ont dit : « Ne vous inquiétez pas de ça. Nous les gardons juste pour le cas où vous feriez autre chose. »
C’est une affaire vraiment inquiétante. Ces renseignements peuvent être conservés pendant des années et utilisés à des fins autres que celles pour lesquelles ils avaient été communiqués. Le gouvernement dira aux Canadiens qu’il prend des mesures pour s’assurer que les renseignements transmis ne seront gardés que quelques jours. En réalité, une fois l’information communiquée, elle nous échappe complètement. C’est un fait.
La seule façon de préserver la vie privée des Canadiens est de cesser de communiquer ces renseignements aux États-Unis et à d’autres pays, mais le gouvernement n’a pas vraiment l’intention de protéger la vie privée des Canadiens.
Qu’aurait-il fallu faire lorsque les Américains et d’autres ont exigé cette violation de la vie privée des Canadiens? Si le gouvernement avait vraiment eu les intérêts des Canadiens à cœur, il aurait évidemment dû dire non, mais il a cyniquement joué le jeu en faisant semblant de faire son devoir. Il a prétendu qu’il protégeait la vie privée des Canadiens, tout en affaiblissant constamment les lois qui la protégeaient.
Qu’obtiendront les Canadiens en échange de cette flagrante violation? Pas grand-chose. Peut-être une attente un peu plus courte avant de monter à bord de l’avion, mais un risque plus élevé d’être arrêtés ou de se voir refuser l’embarquement, par erreur, par accident ou pour une autre cause inconnue.
La liste d’interdiction de vol a une triste renommée. Mon collègue du Bloc a parlé d’un certain nombre de cas très connus, comme ceux de Maher Arar et du défunt sénateur Ted Kennedy.
Il est fort probable que ces renseignements soient utilisés à mauvais escient. Sous sa forme actuelle, le projet de loi n’est qu’une médiocre tentative qui ne fait rien pour protéger la vie privée des Canadiens dans les situations difficiles qu’ils doivent affronter. Si le gouvernement avait proposé un projet de loi protégeant sérieusement la vie privée, j’aurais pu l’appuyer. J’aurais essayé de trouver un moyen de le faire. Toutefois, ce n’est pas un projet de loi qu’il est possible d’appuyer ainsi. De plus, je crois qu’il sera impossible de le modifier suffisamment à l’étape de l’étude en comité. Que convient-il donc de faire? Que pouvons-nous faire de ce projet de loi?
J’estime que nous devrions le renvoyer au gouvernement en lui demandant de nous proposer une meilleure solution.
:
Monsieur le Président, j’ai étudié le projet de loi brièvement lorsqu’il a été présenté à la Chambre à la veille même du congé estival. J’invite les députés à réfléchir un instant au moment choisi pour présenter cette mesure.
Les conservateurs ont fait campagne en 2006 en prétendant qu’ils se porteraient à la défense du Canada. J’ai présumé, peut-être à tort, que cela voulait dire qu’ils se porteraient à la défense des Canadiens. Nous en sommes à la deuxième lecture du projet de loi, mais il a été présenté au dernier jour de séance de la Chambre avant l'été, à la mi-juin 2010. Je me suis demandé qui se portait à la défense des Canadiens. Que ferait le projet de loi? C’est un texte très bref qui se résume à un paragraphe de moins d’une vingtaine de lignes.
Le projet de loi aborde quatre domaines distincts qui méritent de retenir l’attention de tous les députés qui se proposent de défendre les intérêts des Canadiens, ou qui prétendent le faire, qu’il s’agisse de renseignements personnels, de souveraineté, de commerce ou de sécurité.
Le premier énoncé du projet de loi est le suivant: par dérogation aux dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, tout exploitant canadien d’un aéronef est tenu de transmettre tous les renseignements dont il dispose et qui sont exigés par la législation d’un État étranger. Le transporteur n’a pas le choix. Imaginez.
Nous avons accordé tellement d’attention aux États-Unis dans ce débat que je ne peux éviter de les prendre comme exemple, mais ils ne sont pas les seuls concernés. Les Américains ont adopté le Patriot Act, par lequel ils justifient des demandes de renseignements qui dépassent l’imagination de tous. Le projet de loi à l’étude dit que cela importe peu. Quelles que soient les protections que les Canadiens pensent avoir aux termes de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, par exemple, ou de la Loi sur la protection des renseignements personnels, ils ne les ont plus parce que les Américains, en vertu du pouvoir accordé par le Patriot Act, ont le droit de demander ces renseignements et de les utiliser à leur guise.
De nature, je ne suis pas paranoïaque, en dépit de la profession que nous exerçons, mais le projet de loi parle de tout « État étranger » survolé par l’appareil exploité par un transporteur canadien. Il n’est pas nécessaire que l’appareil atterrisse dans ce pays étranger.
Je voudrais modifier les paramètres de la discussion. Songeons à un voyageur aérien qui quitte Ottawa, Montréal ou Toronto pour se rendre à Dubaï. Sauf erreur, si le voyageur emprunte un appareil canadien, il survolera probablement les États-Unis et peut-être le Portugal, probablement l’Espagne, ou encore le Maroc, l’Algérie, l’Égypte, la Jordanie, la Libye, l’Arabie saoudite et l’un ou l’autre des émirats. Aux termes du projet de loi, n’importe lequel de ces pays peut exiger des renseignements du transporteur canadien. Si les renseignements ne sont pas produits, n’importe lequel de ces pays pourra refuser à notre appareil le droit de voler dans son espace aérien.
Personne ne conteste que tous les pays aient le droit d’imposer des conditions à ceux qui utilisent leur espace aérien. C’est ce qu’on appelle la souveraineté. J’y arrive dans un instant. Si nous voulons respecter la souveraineté des autres pays, nous devons au moins comprendre que nous vivons dans un monde adulte et que quelques-uns des pays que je viens d’énumérer ont peut-être un intérêt qui va au-delà d’une information sur la présence ou non de Paul Smith ou de Peter Szabo à bord de cet appareil. Ils peuvent fort bien souhaiter favoriser les affaires de leurs propres transporteurs, et une façon de le faire est de prendre une série de mesures législatives préjudiciables en imposant à nos transporteurs une série d’exigences. C’est le monde du commerce.
Nous avons concentré notre attention sur les États-Unis, oubliant bien sûr qu’il y a beaucoup d’autres pays que les avions canadiens doivent survoler pour que nos transporteurs puissent être compétitifs et rentables. Nous venons de dire qu’avec cette mesure législative, si l’un de ces transporteurs veut faire des affaires, c'est possible pourvu qu'il arrive à persuader ses passagers qu’ils doivent se débrouiller tous seuls parce que leur gouvernement ne prendra pas leur défense. En vertu de ce projet de loi, le gouvernement du Canada se lave complètement les mains de toute personne à bord d’un avion qui vole à l’extérieur de l’espace aérien canadien. Si les passagers sont disposés à mettre leur vie, leurs pratiques commerciales et toutes leurs affaires privées entre les mains de gouvernements étrangers, ils ne doivent pas compter sur le gouvernement du Canada pour prendre leur défense.
Je sais ce qu’on dira. On dira que ce n’est pas très important parce que c’est déjà le cas. Le gouvernement du Canada se détourne de quiconque a des ennuis à l’étranger, que ce soit par sa propre faute ou d’une façon fortuite. Alors, pourquoi s’inquiéterait-il des passagers canadiens?
Aux termes de ce projet de loi, si des gens montent à Paris à bord d’un avion canadien à destination du Canada et que les Anglais, les Irlandais et les Écossais exigent d’avoir des renseignements à leur sujet, ces gens ne pourront pas obtenir une carte d’embarquement avant que l’exploitant de l’avion ne fournisse les renseignements demandés aux trois pays parce que l’appareil doit évidemment survoler leur espace aérien pour atteindre le Canada.
Nous avons concentré notre attention sur les États-Unis. Je comprends le problème dans le cas des Américains. Si des gens viennent de l’intérieur du Canada -- c’est mon cas dans le sud de l’Ontario --, ils ont deux possibilités. S’ils veulent aller dans le Sud, à destination de Cuba, du Mexique, de l’Amérique latine, de l’Amérique du Sud ou d’ailleurs, ils peuvent traverser le lac pour aller prendre l’avion à Buffalo sans s’inquiéter de rien. Ils peuvent ainsi préserver leur vie privée. Par contre, s’ils montent à bord d’un avion à l’aéroport Pearson, ils vont devoir se plier à ces exigences parce que le gouvernement du Canada ne compte pas aider ses propres transporteurs aériens, préférant laisser les gens aller prendre l’avion dans un pays étranger. Pourquoi le gouvernement ne veut-il pas aider les transporteurs canadiens? Parce qu’ils violent déjà les lois canadiennes en communiquant des renseignements au département de la Sécurité intérieure des États-Unis. Autrement, ils ne pourraient pas exercer leurs activités dans ce pays, à moins de choisir d’autres itinéraires qui augmenteraient leurs coûts et nuiraient à leur compétitivité en Amérique du Nord.
Que fait le gouvernement du Canada? Prend-il la défense du Canada et des Canadiens? Non, il les abandonne complètement. Dans ce projet de loi, il renonce totalement à ses responsabilités et à notre souveraineté. Peut-on imaginer qu’il faille laisser, non pas à notre gouvernement, mais au gouvernement d’un pays étranger le soin de déterminer les renseignements à communiquer au sujet des passagers devant monter à bord d’un avion en partance ou à destination du Canada?
Un agent des services frontaliers est la personne qui décidera de ce qu’il adviendra des Canadiens, à bord d’un transporteur canadien, soit ici soit à l’étranger sur le chemin du retour. Que fait le gouvernement canadien pour défendre le Canada? Il abandonne les Canadiens et dit: « Que les compagnies aériennes changent leur façon de faire, car nous devons veiller à nous conformer aux exigences d’un État étranger. »
L’autre solution serait de négocier. J’ai entendu un des secrétaires parlementaires dire que nous avons négocié des exemptions. Je ne sais pas de qui il parlait. Je pensais que le gouvernement conservateur voulait se laver les mains de tout ce qui était libéral, mais ces négociations et cette exemption ont eu lieu sous un gouvernement libéral. Quelqu’un a dit, je crois, que c’était en 2001. J’aurais pu jurer que c’était un peu plus tard, mais peu importe. Ce n’était certainement pas le gouvernement conservateur, car il refuse de négocier. Il a renoncé aux négociations.
Le gouvernement a présenté cela le dernier jour de séance avant l’ajournement de la Chambre pour que le Parlement ne puisse pas lui reprocher d’éluder sa responsabilité de protéger la souveraineté canadienne, les intérêts commerciaux, les intérêts des transporteurs canadiens et les préoccupations de chaque Canadien concernant sa vie privée. Même si les Canadiens ne se soucient pas de la protection de leurs renseignements personnels, cela fait partie intégrante des valeurs canadiennes.
Nous avons le droit de prendre nos propres décisions au sujet des renseignements nous concernant à moins d’y renoncer. Le gouvernement conservateur du Canada vient de dire que cela n’a aucune valeur. C’est dit ici en 14 lignes. Nous pouvons dire adieu à nos droits. Le gouvernement ne croit pas utile de les protéger et si des États étrangers veulent ces renseignements, le gouvernement les leur donnera. Si les gens veulent traîner le transporteur aérien devant les tribunaux pour violation de leur droit à leur vie privée, il est dit ici qu’ils devront y renoncer parce qu’ils n’auront pas base juridique pour le faire.
Un de mes collègues du Bloc a parlé des questions de sécurité et des problèmes qui se posent lorsqu’on est sur une liste d’interdiction de vol. Le gouvernement a beaucoup parlé d’un système pour protéger les passagers. Il s’agit d’une liste d’interdiction de vol. Les gens ne savent pas comment ils se sont retrouvés sur cette liste. Cela peut être de toutes sortes de façons. La seule personne qui peut radier un nom de cette liste est le . Toutefois, essayez de le rejoindre si on vous empêche d’embarquer dans un avion. Il doit contacter des gens au département de la Sécurité intérieure, mais ils ne répondent pas au téléphone.
Y a-t-il un moyen d’assurer la sécurité des Canadiens? Nous devrions nous donner la peine d’y réfléchir. Quand les Américains ont demandé cela, ils ont dit à tout le monde au Canada de renoncer à gaspiller 11 millions de dollars pour acheter 40 scanners corporels parce que cela ne les rassurerait pas davantage à l’égard des gens qui prennent place à bord d’avions canadiens. Voilà ce qu’il en est.
Le printemps dernier, le avait annoncé qu'il prélèverait 3,2 milliards de dollars de plus afin de pouvoir investir 1,5 milliard de dollars de plus dans la sécurité aérienne. Autrement dit, le Canada allait dépenser davantage pour que les Américains n'aient aucune raison de s'inquiéter des personnes qui prennent l'avion au Canada. Qu'ont dit les Américains? Ils ont dit: « Nous ne vous croyons pas. » Je suis poli. Ils ont dit qu'ils ne nous croyaient tout simplement pas.
Qu'avons-nous fait? Avons-nous protesté, négocié? Leur avons-nous décrit tous les efforts que nous déployons dans le domaine de la sécurité? Leur avons-nous parlé des 11 millions de dollars que nous avons dépensés pour acheter 40 scanners et du 1,5 milliard de dollars supplémentaire que nous consacrerons à assurer la sécurité de nos frontières et de nos ports pour que quiconque mettra les pieds sur le territoire américain aura été sanctionné, sous les rapports de la sûreté et de la sécurité, comme seul le Canada peut le faire, sanction que les Américains respecteront?
Le gouvernement a-t-il fait cela? Non, il n'a pas défendu les intérêts du Canada. Il se targue ces temps-ci d'être ici pour le Canada. Je ne sais pas où il pense que le Canada se trouve. N'est-il pas ici? Cela ne veut-il pas dire qu'on doit protéger les intérêts des Canadiens peu importe où ils vont et négocier avec nos voisins dans notre hémisphère? Le gouvernement ne devrait-il pas faire savoir ce que nous avons fait pour garantir que notre propre territoire soit sûr afin qu'ils puissent se sentir en sécurité?
Non, il ne l'a pas fait. Le gouvernement a présenté le projet de loi , qui dit essentiellement que le gouvernement peut remporter une course de 100 mètres contre n'importe qui, pourvu qu'il se distance des difficultés. C'est complètement dément.
Je sais que certains de mes collègues des autres partis croient que des corrections seront apportées en comité. Il n'en sera rien. La Patriot Act entrera en vigueur en décembre. Les Américains ont signifié l'an dernier au gouvernement canadien qu'il avait un an pour se conformer ou négocier.
Le gouvernement a affirmé qu'il y avait une meilleure tactique. Il a dit qu'il dormirait pendant six mois et que, en juin, il présenterait une modification à la Loi sur l'aéronautique qui le dégage de toute responsabilité envers les Canadiens et les entreprises canadiennes. Il renverra ensuite le projet de loi au comité. À ce moment-là, évidemment, la Chambre aura été prorogée ou ce sera presque la relâche de Noël et le gouvernement dira que le travail a déjà été fait et que le message a été envoyé.
Voilà qui n'est ni de la gouvernance, ni une défense du Canada et des Canadiens. C'est plutôt une abdication de responsabilités et de pouvoirs. Si le gouvernement demande aux Canadiens de lui donner le mandat de gouverner le pays, c'est parce qu'il souhaite prendre des mesures pour protéger leurs intérêts et favoriser leur progrès. Or, le gouvernement ne fait ni l'un ni l'autre.
Alors que les Canadiens se préoccupent tellement de questions de sécurité, d'économie, de protection de la vie privée et de souveraineté, le gouvernement présente cette mesure législative qui constitue la façon la plus rapide pour capituler dans ces quatre secteurs. J'aurais été embarrassé d'être le ministre chargé de présenter un tel projet de loi.
Je n'étais pas très content à l'époque, à titre de porte-parole en matière de transports, de devoir chercher des façons d'appuyer cette mesure. Nous cherchons toujours à collaborer. Je me suis dit que cette mesure législative devait certainement avoir un côté positif. J'ai enlevé mes lunettes pour scruter ce projet de loi à la loupe. Je ne suis pas arrivé à y trouver un aspect positif.
J'étais légèrement peiné d'entendre dire que tout le monde croit que le bon côté de cette mesure ressortira lors de l'étude en comité. Enfin, il se trouve qu'une des personnes qui sera appelée à témoigner est une sommité en matière de protection de la vie privée. La commissaire adjointe à la protection de la vie privée, Chantal Bernier, a comparu devant le comité au printemps dernier. On lui avait alors demandé ce que les Américains ou d'autres pays feraient de ces renseignements. Comme mon collègue de s'en rappellera, puisqu'il siégeait au comité, Mme Bernier a dit que ces renseignements pourraient être conservés pour une période allant de 7 jours à 99 ans. Et à quoi serviront ces renseignements? Ils pourraient être utilisés à la convenance de ces pays étrangers.
Qui défend les intérêts du Canada? Qui affirme avoir la responsabilité de protéger le Canada? Qui agit de manière trompeuse? Qui fait de la fausse représentation? Qui agit d'une façon qu'on peut uniquement qualifier de lâche? Les Canadiens nous demandent de pointer le gouvernement conservateur du doigt.
:
Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole aujourd'hui au sujet du projet de loi . J'aimerais commencer par analyser le titre: Loi sur le renforcement de la sûreté aérienne. Compte tenu du titre que lui a attribué le gouvernement, en quoi cette mesure renforcerait-elle la sûreté aérienne canadienne? En quoi renforcerait-elle le Canada? En quoi renforcerait-elle la sécurité des Canadiens qui prennent ces vols? Je dirais qu'elle ne renforcerait la sécurité d'aucune façon.
Tout d'abord, en vertu de la loi actuelle, nous pouvons déjà demander aux transporteurs aériens de divulguer des renseignements sur les personnes à bord des avions lorsqu'ils atterrissent dans un pays étranger. Cela est tout à fait raisonnable. Chaque État souverain a le droit de savoir qui entre dans son pays. Je m'attendrais à la même chose pour le Canada ou tout autre pays.
Essentiellement, le gouvernement cherche aujourd'hui à modifier la loi afin que, dès qu'un aéronef survole un autre pays, ou plutôt, disons-le franchement, survole les États-Unis, puisque c'est d'eux qu'il s'agit et que c'est à cause d'eux que le débat d'aujourd'hui a lieu, même s'il n'y atterrit pas, les renseignements personnels des Canadiens qui sont à bord devront être divulgués. Comment peut-on prétendre que les Canadiens en sortiront gagnants ou même défendre un titre comme « Loi sur le renforcement de la sûreté aérienne »? En quoi renforce-t-on la sûreté aérienne en divulguant ces renseignements et quels avantages les Canadiens en retirent-ils, alors que les aéronefs dont on parle n'atterrissent pas en sol étranger, point, et n'atterrissent même pas en sol canadien? Selon quelle logique peut-on affirmer qu'on renforce ainsi les protections dont jouissent les Canadiens?
Voici un exemple concret qui concerne notre souveraineté. Car, c'est bien beau de dire que, lorsqu'un avion survole les États-Unis avant d'atterrir dans un autre pays, les renseignements personnels des passagers doivent être divulgués. Primo, ça ne renforce rien pour les Canadiens, et secundo, ça ne change rien au fait que c'est toujours un problème. Mais l'exemple que je donne doit pouvoir se comparer à quelque chose de concret: prenons donc l'exemple d'un vol qui partirait de Toronto à destination de Vancouver. Admettons que l'avion en question doive survoler les États-Unis pour passer d'une province à l'autre, on soulève du coup beaucoup de questions.
Premièrement, et je le répète: en quoi cela renforce-t-il la sécurité des Canadiens? Ce n'est ni logique, ni raisonnable. Ça ne tient pas debout. Deuxièmement, comment se fait-il que le gouvernement conservateur soit prêt à renoncer à la souveraineté du Canada et à bafouer les principes de protection des renseignements personnels alors que l'avion n'atterrit jamais en sol américain, comme dans l'exemple du vol Toronto-Vancouver que je viens de donner? J'aimerais qu'on m'explique en quoi tout ceci pourrait renforcer la sécurité des Canadiens.
Autre point qui défie la logique: en quoi la sécurité des Américains est-elle renforcée?
Les Canadiens doivent savoir pourquoi les conservateurs sont prêts à renoncer à notre souveraineté. Les avions qui partent de Toronto et atterrissent à Vancouver sont exclusivement du ressort des autorités canadiennes et des lois canadiennes. En aucun moment les passagers ne se retrouveront en sol étranger. Même s'il s'agit d'un avion qui part du Canada et qui atterrit au Canada, après avoir survolé les États-Unis, il s'avère que le gouvernement conservateur est prêt à renoncer à notre souveraineté en divulguant les renseignements personnels des passagers à un gouvernement étranger alors qu'ils ne mettront jamais les pieds en sol étranger. Où est la logique? Il n'y en a pas. Tout le monde le voit comme moi: il n'y a pas de logique.
Deux choses semblent évidentes. La première, c'est que les conservateurs ne sont pas de très bons négociateurs au chapitre des relations extérieures. Je fournirai quelques exemples dont il a déjà été question. La deuxième, c'est que pour une raison que j'ignore, les conservateurs n'arrivent pas à se montrer fermes à l'endroit d'un pays étranger, les États-Unis, dans le cas qui nous occupe, alors qu'ils n'hésitent jamais à traiter durement les Canadiens, à refuser d'aider les chômeurs et de leur accorder des prestations d'assurance-emploi et divers avantages et à se montrer durs en période de difficultés socioéconomiques au Canada. Que craignent-ils?
Nous sommes partenaires en Afghanistan. Nous sommes le principal partenaire commercial des États-Unis. Les échanges commerciaux des États-Unis avec le Canada sont de l'ordre de 25 à 33 p. 100, selon les statistiques actuelles. Nos échanges avec eux sont de l'ordre de 80 p. 100. Le Canada est le plus grand exportateur de pétrole et d'énergie vers les États-Unis.
Les Américains ont autant besoin de nous que nous avons besoin d'eux. Pourquoi devrions-nous les craindre? S'ils ont une demande raisonnable à nous faire, nous pouvons négocier avant de dire oui, puis accéder à cette demande, comme nous le faisons avec un ami. Si la demande n'est pas raisonnable, nous refusons, puis nous expliquons pourquoi, tout cela dans le respect.
Une fois encore, comment la sécurité des Américains est-elle renforcée et protégée quand on leur donne des renseignements au sujet de vols qui quittent le Canada ou arrivent au Canada, ou qui vont du Canada vers un autre pays? La seule chose qui me vient à l'esprit est que peut-être, en plus d'autres préoccupations, les Américains ne font pas confiance au gouvernement conservateur, même si ce dernier a consacré beaucoup d'argent, des milliards de dollars selon certains, à des mécanismes de contrôle et à d'autres initiatives. Cela ne fonctionne pas? N'est-ce pas suffisant? Le gouvernement reconnaît-il que les mécanismes sont brisés, que les initiatives ne fonctionnent pas, qu'il n'a pas dépensé assez d'argent ou qu'il n'a pas rédigé adéquatement les mesures législatives ou les règlements?
Pourquoi cela se produit-il? Pourquoi les Américains ne font-ils pas confiance au gouvernement conservateur pour veiller à ce que les personnes qui prennent l'avion au Canada ne constituent pas un danger? Si le gouvernement considère que les Américains devraient nous faire confiance, alors, logiquement, il devrait considérer que les Américains outrepassent leurs limites et nous devrions simplement refuser d'accéder à leur demande.
Du côté des affaires étrangères, j'aimerais savoir quelles sont les négociations qui ont eu lieu entre le gouvernement conservateur et les autorités américaines relativement à ce qu'elles demandent au Canada et aux Canadiens. Pourquoi le gouvernement conservateur ne peut-il pas convaincre les Américains que les mesures prises pour améliorer la sécurité aérienne au Canada sont suffisantes? Pourquoi des renseignements personnels doivent-ils être dévoilés? Peut-être qu'il n'est pas possible de convaincre les Américains ou que les mesures qui ont été prises ne sont pas suffisantes. Il incombe au gouvernement de nous dire pourquoi les mesures de sécurité canadiennes ne sont pas suffisantes et pourquoi il faut donc dévoiler des renseignements personnels à des pays étrangers. Honnêtement, les Canadiens méritent mieux que cela.
Nous avons l’exemple récent de la perte du Camp Mirage. Nous avons également le cas du siège au Conseil de sécurité. Pendant que j’étais dans ma circonscription, , à l’occasion de la semaine de relâche, j’ai reçu un grand nombre d’appels de personnes qui étaient en colère et embarrassées à l’idée que nous ayons pu ainsi perdre ce siège au Conseil de sécurité simplement parce que, de l’avis d’un grand nombre de commentateurs, la politique étrangère du Canada n’était plus vraiment canadienne. Notre politique étrangère ne correspond plus aux attentes du monde, pour qui elle avait toujours été progressiste et impliquée. Ce que nous avons maintenant, c’est la politique étrangère des républicains américains, ce qui ne présage rien de bon pour nous sur la scène internationale.
En raison de l’affaiblissement de notre souveraineté et compte tenu du fait que la modification de la loi n’est pas logique, nous avons d’autres préoccupations.
Au Comité des transports, le 11 mai, comme cela a été mentionné plus tôt, la commissaire adjointe à la protection de la vie privée, Chantal Bernier, a déclaré que les États-Unis pourraient retenir cette information de sept jours à 99 ans. Elle a également ajouté que:
[…] nous comprenons que l’information collectée peut être divulguée et utilisée à d’autres fins que celle de la sûreté aérienne, par exemple pour l’application de la loi et l’immigration.
Une fois que les Américains auront pris possession de l’information, ils pourront l’utiliser comme bon leur semble.
Voyons maintenant pourquoi cela devrait nous préoccuper. Qu’arriverait-il si les Américains décidaient de refiler cette information à d’autres pays? Tous les pays ne sont pas égaux, mais les Américains sont nos grands amis et c’est bien comme cela. Cependant, qu’en est-il de certains autres pays dans le monde entier à qui les Canadiens ne voudraient pas divulguer leurs renseignements de nature personnelle? Les Canadiens qui ont été naturalisés, ceux qui ont immigré de pays étrangers, les réfugiés, ceux qui ont été persécutés, qui ont été lésés, dont les familles ont été lésées, ceux dont les familles vivent toujours dans ces pays ne pourraient-ils pas faire l’objet de chantage? Ne pourrait-on pas leur faire du mal?
Une fois que cette information aurait été divulguée aux Américains, ceux-ci pourraient décider de la divulguer à leur tour à un pays tiers, auquel cas des Canadiens pourraient être mis en danger sans aucune raison logique ou rationnelle. Le fait que le gouvernement conservateur souhaite divulguer ces renseignements personnels dans ces circonstances pourrait être dangereux pour les Canadiens issus d’autres pays, en particulier les réfugiés qui ont été naturalisés. C’est très préoccupant.
Quelle sorte de précédent cela créerait-il? Les Américains sont nos bons amis, mais si nous leur donnons tout ce qu’ils demandent simplement parce qu’ils le demandent…
:
Monsieur le Président, je suis très heureux de prendre la parole sur le projet de loi .
Je ne crois pas que nous puissions récapituler le parcours de cette mesure législative sur plusieurs années en retraçant sa numérotation antérieure, parce qu'elle a été présentée le 17 juin, le dernier jour de séance du printemps, comme l'a dit le député d'.
Ainsi, le nouveau porte-parole de l'opposition en matière de transports, le député de , a fait son exposé ce matin sur ce projet de loi. Il a dit qu'il l'avait vu pour la première fois il y a deux jours. Je crois qu'il a dit que, selon lui, la mesure semblait assez convenable pour être renvoyée au comité, où nous devrions l'étudier et l'améliorer. Ensuite, nous avons entendu le porte-parole du Bloc, qui est également nouveau au Comité des transports, je pense, et qui semblait croire également que le projet de loi pouvait être renvoyé au comité.
Maintenant, après la période des questions, nous entendons un nouveau groupe d'intervenants. Nous avons entendu deux très bons discours de députés de l'opposition officielle, qui semblaient s'opposer au projet de loi.
Puisqu'il ne nous reste que 45 minutes de débat aujourd'hui et que tous les partis ont leur caucus demain, les députés du Parti libéral feraient peut-être bien de revoir leur position sur ce projet de loi. Si leur porte-parole semble pour alors que deux autres distingués intervenants du Parti libéral sont contre, c'est manifestement qu'ils ont un problème à régler en caucus.
Je suggérerais aussi au gouvernement de bien y penser et de revoir ce projet de loi avant qu'il soit rejeté. Peut-être pourrait-il le retirer pour revenir plus tard avec une meilleure solution.
Tout à l'heure, j'ai demandé au secrétaire parlementaire si l'on avait fait des efforts en matière de réciprocité. Sur la scène internationale, il suffit de penser au bras de fer de la semaine dernière avec les Émirats arabes unis. Ils ont dit qu'ils allaient expulser le Camp Mirage, notre base d'étape, d'ici une trentaine de jours parce que le Canada refusait d'augmenter le nombre de vols de la ligne des Émirats à destination de Toronto.
Il y a manifestement un lien dans ce débat entre le Canada et les Émirats arabes unis. Cette question est maintenant du domaine public. On veut échanger le maintien de la base contre l'autorisation d'un plus grand nombre de vols des Émirats arabes unis à destination du Canada. Il ne faut pas se faire d'illusions, on trouve ce genre de chose dans toutes les tractations internationales. Ce serait la même chose dans ce cas-ci.
Le député de , qui est depuis longtemps notre porte-parole pour les transports, m'a dit ce matin qu'environ 2 000 avions en provenance des États-Unis survolent chaque jour le Canada, pénètrent dans l'espace aérien du Canada. Si l'on multiplie cela par le nombre moyen de passagers d'un avion, cela fait énormément de gens qui traversent l'espace aérien du Canada pour se rendre en Europe ou ailleurs. En revanche, toujours d'après le député de , il ne passe qu'une centaine d'avions canadiens par jour dans l'espace aérien américain.
Dans ces conditions, on peut se demander si un gouvernement faisant preuve d'initiative et soucieux des intérêts des passagers et des compagnies aériennes du Canada ne devrait pas essayer de négocier plus serré. Il pourrait dire que si nous fournissons des informations sur une centaine de vols par jour, ce qui va représenter un coût supplémentaire pour nos compagnies aériennes et notre gouvernement, il faut qu'en échange les États-Unis nous donnent les informations sur les 2 000 avions de ce pays qui passent chez nous chaque jour. Après tout, notre souveraineté vise aussi notre espace aérien. Franchement, nous voudrions bien nous aussi savoir qui survole notre territoire. En gros, c'est ça la question.
Il y a des années que les États-Unis et d'autres pays aussi, je pense, exigent une liste des passagers avant l'embarquement. Même avant le 11 septembre, je me souviens que quand je suis allé en Australie, avant d'embarquer dans l'avion à Vancouver, les renseignements contenus dans les passeports devaient être traités
Je pense que tout cela est en grande partie lié à la question des réfugiés qui embarquent dans un avion, se débarrassent de leurs papiers dans les toilettes, et arrivent dans un nouveau pays sans aucun document. C'est la compagnie aérienne qui est responsable du coût de leur rapatriement. C'est un problème pour l'industrie aérienne depuis des années. Les compagnies aériennes ne sont pas contentes de devoir payer le rapatriement des gens quand ils se font refouler par un pays. Elles veulent s'assurer d'avoir tous les renseignements, d'avoir ce qu'on appelle le précontrôle des passagers.
Après avoir laissé les compagnies aériennes survoler notre territoire pendant des années, nous passons à un autre niveau et nous disons que les dispositifs d'inspection dans les aéroports, les cockpits verrouillés et les agents armés à bord ne suffisent pas et que nous voulons désormais savoir à tout moment qui est à bord de ces avions qui survolent notre espace aérien. Je pense que c'est cela, le fond de l'affaire.
Qu'est-ce que les Américains s'imaginent? Qu'on va faire sauter un avion qui survole l'espace américain? C'est ça qu'ils imaginent? Je ne sais pas vraiment quelles sont leurs raisons. En tout cas, quelles que soient les exigences des Américains, le gouvernement canadien se doit, au nom de la population canadienne, d'exiger la réciproque, de dire que si les Américains veulent avoir nos renseignements personnels, nous voulons les leurs, et de négocier le genre de renseignements que nous voulons recueillir en se demandant si cela en vaut la peine.
On se demande depuis un certain temps s'il faut vraiment conserver la liste d'interdiction de vol. Le sénateur Ted Kennedy y figurait. Je sais que le député de aurait d'excellentes raisons d'en parler puisque son nom s'est retrouvé sur la liste d'interdiction de vol et qu'il a été obligé de tirer les choses au clair. Il a dû le faire avec un gouvernement qui a toute une série de règles qui ne l'autorisent pas à tirer les choses au clair. Vous voyez ce que je veux dire.
Les gens sont confrontés à d'énormes tracasseries administratives. Ce fut le cas du sénateur Kennedy lorsqu'il a voulu faire rayer son nom de la liste d'interdiction de vol. Le député de a lui aussi dû se démener pour faire retirer son nom de cette liste alors qu'on sait bien qu'il n'aurait jamais dû y figurer.
Il y a également le cas de gens qui montent dans un avion après avoir passé tous les contrôles de sécurité aussi facilement qu'une lettre à la poste.
Nous nous rappelons tous du cas d'Umar Farouk Abdulmutallab, survenu le 25 décembre 2009. Tout le monde connaît le nom de ce jeune homme de 23 ans qui est monté dans un avion à Lagos, au Nigeria, et qui s'est rendu à Amsterdam puis à Detroit. Ce jeune homme a commis une série d'erreurs qui auraient dues être décelées.
Voici ce qu'il a fait. Il a acheté un billet aller-retour en argent comptant. Dans le passé, on achetait un aller simple, mais les génies qui dirigent nos services de sécurité ont finalement compris que personne n'achète normalement un aller simple en argent comptant. C'était un indice sûr que quelque chose risquait de mal tourner. Or, ce jeune homme a acheté un aller-retour au comptant.
Umar Farouk Abdulmutallab se rendait à Detroit pour Noël où il y avait énormément de neige, mais il n'avait aucun bagage à main. Il a pris l'avion à Lagos jusqu'à l'aéroport Schiphol d'Amsterdam qui est considéré comme un modèle en matière de sécurité. On y trouve tous les types de dispositifs de sécurité imaginables. Pourtant cet individu y est monté dans l'avion sans passeport. Voilà encore une autre brèche énorme en matière de sécurité.
Nous avons dépensé des milliards de dollars pour créer un système qui empêche le député de , le sénateur Kennedy et un enfant de six ans de monter dans un avion et qui nous force à nous dépêtrer ensuite de situations impossibles alors que ce jeune homme de 23 ans a carrément déjoué le système et s'est moqué de nous tous. N'eût-ce été de son incompétence, il aurait tué plusieurs centaines de personnes.
Il est évident qu’il nous faut commencer à aborder la question de la sécurité plus intelligemment que nous ne l’avons fait jusqu’à maintenant. Je participe à un certain nombre de réunions internationales avec des politiques américains, et toute la question du renforcement de la frontière est soulevée à chaque fois. On nous dit que nous nous torturons ou que nous torturons nos propres concitoyens pour rien parce que les méchants ne se présentent pas à la frontière. Lorsqu’on passe la frontière au Manitoba, à Emerson, ou à un autre poste en Saskatchewan, on ne voit pas les passeurs de marijuana et de drogues faire la queue pour franchir la frontière avec leur camelote. Ils traversent la frontière à pied ou en motoneige.
Si tous les politiques locaux et tous les habitants du Dakota du Sud et du Dakota du Nord le savent, si les habitants du Manitoba et de la Saskatchewan sont au courant, pourquoi essayons-nous constamment de renforcer la frontière? C’est la façon de penser à Washington. L’image fausse qu’on donne du Canada depuis plusieurs années veut que les terroristes soient arrivés par le Canada. Je sais que le gouvernement a dû lutter contre cette perception, comme nous le faisons tous lorsque nous sommes aux États-Unis. Nous devons faire bien comprendre aux Américains qu’aucun des terroristes qui ont commis les attentats du 11 septembre 2001 n’est passé par le Canada. C’est un dur combat, je le sais.
Si le gouvernement veut s’engager dans des négociations avec les Américains, il devrait au moins défendre les thèses du Canada et essayer d’obtenir au moins la réciprocité. Il ne devrait pas présenter un projet de loi à la Chambre et déclarer unilatéralement qu’il commencera à fournir tel ou tel renseignement à des pays tiers. Nous ne savons même pas quelle est le quantité des renseignements qui seront communiqués. Il est question que les renseignements du dossier passager ou DP seront communiqués. J’ignore si tel est bien le cas, et je ne sais pas quels sont tous les renseignements qui figurent dans les DP.
Je sais que, s’il y a une erreur d’une lettre dans un nom, l’agent peut apporter une correction en ajoutant une note dans le DP. Il y a toutes sortes de notes dans le DP des clients et ces notes portent sur une foule de choses. Si ce sont ces renseignements qui sont communiqués, alors on peut présumer que toutes ces notes seront transmises avec les renseignements du DP.
De surcroît, nous présumons que les Américains ont accès aux renseignements qui figurent sur le passeport. Lorsque le Manitoba a proposé le nouveau permis de conduire qui fait office de passeport, il a beaucoup été question des renseignements personnels à présenter, de la quantité de renseignements qui serait fournie aux autorités américaines.
La population veut être en sécurité. Si les gens comprennent que les renseignements fournis sont en sécurité et s’ils savent qu’il y a une bonne raison de les exiger, ils voudront probablement céder sur la question des renseignements personnels en échange de la sécurité aéronautique. Mais jusqu’à maintenant, les faits n’ont pas prouvé la nécessité de ces renseignements.
On en est presque aux Keystone Kops. Nous entendons parler d’enfants de six ou huit ans qui sont sur des listes d’interdiction de vol, et puis il y a le cas d’Abdulmutallab, qui a percé toutes nos défenses. Après ce qu’il a fait en décembre dernier, nous avons dû installer des scanners corporels qui coûtent plusieurs centaines de millions de dollars l’unité. Puis, nous constatons que ces appareils ne vont pas régler le problème puisque des terroristes futés vont simplement cacher les explosifs plastiques dans des cavités corporelles.
Les scanneurs corporels qui ont été installés dans certains aéroports -- mais il faudra encore de 10 à 20 ans pour en installer dans tous les aéroports -- ne décèlent pas les explosifs dissimulés dans les cavités corporelles. Et vous savez quoi? Les terroristes auront recours à cette tactique, et il nous reste maintenant à trouver une solution à ce nouveau problème.
Il y a un seul transporteur aérien au monde qui ait su relever le défi présenté par le terrorisme, et il est maintenant le transporteur le plus sûr au monde. J'ai pris un vol d'El Al il y a longtemps, mais à l'époque, dans les années 1970, El Al était probablement la compagnie aérienne la moins sûre au monde. Plusieurs de ses vols ont été détournés. Si je ne me trompe pas, des avions d'El Al se sont écrasés dans le désert du Sinaï dans les années 1970. Le gouvernement d'Israël et les dirigeants d'El Al ont ensuite décidé de modifier leurs protocoles de sécurité.
Quand je suis allé en Israël en 1987, j'ai vécu une toute autre expérience qu'avec une compagnie canadienne ou américaine. El Al faisait subir à ses passagers un processus d'examen et d'interview de trois heures. La compagnie ne se contentait pas de fouiller les valises des passagers pour voir combien de liquide s'y trouvait. Elle demandait aux gens le but de leur voyage. Elle dressait en quelque sorte un profil psychologique de ses passagers.
Quand nous avons abordé la question avec les Américains, ils ont répondu que cela ne fonctionnerait pas chez eux. Ils ont dit qu'afin d'assurer le traitement rapide d'une grande quantité de passagers, il fallait sacrifier un peu de sécurité.
J'aimerais maintenant parler du programme des transporteurs de confiance. J'ai été totalement abasourdi d'apprendre qu'il y a 1 000 transporteurs de confiance, en Amérique du Nord ou aux États-Unis, qui peuvent transporter des marchandises. Les colis envoyés sont transportés dans la soute des avions et une fraction d'entre eux, voire aucun, est scanné, testé ou vérifié. C'est là une catastrophe en puissance.
Il faut se pencher sur le programme des transporteurs de confiance et le resserrer, parce que tôt ou tard, quelqu'un se servira de ce programme pour envoyer un dispositif explosif, et on lira toutes sortes d'horreurs dans les journaux et on se demandera pourquoi on n'a rien fait pour prévenir une telle chose.
Le gouvernement devrait s'employer à améliorer la sûreté des voyages aériens.
:
Monsieur le Président, je dois reconnaître que ce projet de loi m’a fasciné.
J’ai vérifié les bleus et certains extraits des députés qui ont parlé, surtout le porte-parole en matière de transports, et une des questions qui ont été soulevées concerne le genre de renseignements dont le transporteur pourrait disposer. Cela comprend généralement des choses comme le nom, le sexe, le numéro de passeport, etc.; toutefois, il a déclaré que les gouvernements étrangers autorisés peuvent demander des renseignements plus précis.
Le projet de loi mentionne notamment que, si l’État étranger a adopté une loi qui l’exige, ces renseignements doivent être fournis non seulement si l’avion atterri dans ce pays, mais aussi s’il le survole. Une bonne partie des discussions portaient sur nos relations avec les États-Unis, mais la plupart des députés qui ont parlé et ont émis des préoccupations à ce sujet ont essayé de répondre à certaines questions.
Pour commencer, pourquoi parle-t-on de ? Ce n’est pas ce que fait ce projet de loi. Cela n’a rien à voir avec le renforcement de la sécurité aérienne. Ce projet de loi accorde une exemption à la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, la LPRPDE. Elle permet aux transporteurs de divulguer des renseignements personnels alors que la LPRPDE leur interdirait de le faire.
Ce projet de loi est très court et je ne veux pas répéter ce que les autres ont dit à ce sujet, mais nous en avons parlé dans le contexte des États-Unis. Nous connaissons la liste d’interdiction de vol, nous connaissons le problème du terrorisme et nous essayons de voir s’il y a ici des éléments de risque. C’est peut-être possible, mais je crains que si nous élargissons les renseignements à fournir en fonction des lois d’un État étranger, cela ne puisse avoir des conséquences inattendues.
Les États-Unis pourraient très bien demander des renseignements beaucoup plus approfondis que simplement le nom, l’adresse, le numéro de passeport, etc. Il pourrait y avoir d’autres renseignements qui en découleraient. Je suppose que la loi vise les renseignements sous la garde ou à la disposition de l'utilisateur de l'aéronef, soit la compagnie aérienne. Je tenais à en parler.
De nombreuses questions ont été soulevées. Si nous prenons le discours du , nous constatons qu'il a dit que le projet de loi veillera à ce que les Canadiens qui veulent voyager à l’étranger soient en sécurité et puissent voyager, parce que si nous ne nous conformons pas aux exigences d’un État étranger, l’avion ne pourra peut-être pas se rendre là-bas. Cela veut dire que les gens d’affaires ne pourront pas aller faire leurs affaires. Cela veut dire que les touristes ne pourront se rendre dans certains pays.
Néanmoins, si nous suivons ce raisonnement, si un pays disait: « Désolé, vous ne pouvez pas survoler notre territoire à moins de fournir ces renseignements », les relations entre les deux pays deviendraient très problématiques. Cela pourrait susciter énormément de difficultés sur les plans du commerce et des autres activités.
Une des questions que je me pose concerne les avions militaires. Cela signifie-t-il qu’un pays étranger pourrait dire: « Je veux savoir qui sont toutes les personnes à bord de l’appareil. Combien de soldats y a-t-il? » Ces renseignements seraient à la disposition de l’utilisateur de l’aéronef si c’est appliqué littéralement. J’espère, et j'en suis quasi certain, que le gouvernement a prévu une exclusion à cet égard.
Le titre est . La question de la protection relève actuellement du Programme de protection des passagers.
Dans le résumé législatif, il est écrit que la Loi sur l’aéronautique est l’assise législative du programme fédéral appelé Programme de protection des passagers, mieux connu sous l’appellation « liste d’interdiction de vol », aux termes duquel Transports Canada fournit aux transporteurs aériens une liste de noms de passagers qui doivent faire l’objet d’une vérification avant de recevoir leur carte d’embarquement. C'est ce qu'on appelle la liste des personnes précisées.
On a beaucoup parlé de ce programme. En fait, le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada a effectué une vérification du Programme de protection des passagers de Transports Canada et a fait plusieurs observations et j'ai constaté, chose intéressante, que la commissaire était suffisamment préoccupée pour dire qu'elle ferait une nouvelle vérification en 2011. Même pour le programme actuel, la commissaire a indiqué qu'il y avait des éléments préoccupants.
Si nous élargissions ce programme à d'autres pays qui pourraient avoir des exigences différentes en matière d'information, pour une raison ou une autre, il faudrait nous demander si cela élargirait aussi l'étendue des activités qu'il prévoit déjà.
Je ne suis pas convaincu que ce n'est qu'un projet de loi concernant les États-Unis parce que, le cas échéant, il préciserait qu'il concerne les États-Unis et non des États étrangers.
Bien que le projet de loi ait environ 14 lignes et un seul paragraphe, la modification elle-même ne contient qu'une vingtaine de mots. Elle vient ajouter les mots « soit en survoler le territoire et atterrir ailleurs qu’au Canada » de même que les mots « soit en survoler le territoire ». En eux-mêmes, ces mots ne veulent pas dire grand-chose. Toutefois, la lecture de cet article, même avec les modifications proposées, ne permettra probablement pas de répondre à toutes les questions parce que nous devons tenir compte de tout le contexte.
À l'article 2, on précise que le paragraphe 4.83(1) est modifié et on renvoie ensuite au paragraphe 7(3) de la loi. Nous devons donc aussi avoir la loi sous la main. De plus, le projet de loi renvoie également aux règlements. En cherchant sur le site Web, nous nous rendons compte qu'il existe toute une série de règlements et je n'ai pas encore trouvé celui qui se rapporte précisément à l'article qui est modifié.
Je crois comprendre, d'après ce que les gens ont dit jusqu'à maintenant, que le gouvernement semble croire que c'est une chose qu'il doit faire pour respecter les exigences américaines. Toutefois, cela pourrait entraîner certaines conséquences involontaires. Je ne suis pas persuadé, et je suis certain que je ne suis pas le seul dans ce cas, que le gouvernement ait bien réfléchi à tout ce que cela peut vouloir dire pour d'autres pays. Nous comprenons bien ce qu'est la souveraineté de l'espace aérien.
Les Canadiens se sont dits quelque peu préoccupés quand les États-Unis ont exigé d'obtenir certains renseignements lorsque les appareils canadiens devaient survoler l'espace aérien américain, même s'ils ne faisaient que relier deux endroits du Canada. Tout à coup, la portée des renseignements devant être fournis devient un concept très dérangeant pour les Canadiens. On n'a qu'à penser aux problèmes liés à la tenue des dossiers et au respect de la vie privée dont il a été abondamment question récemment dans les médias, en ce qui touche par exemple les dossiers médicaux et les responsables du ministère des Anciens Combattants.
Chaque fois que les députés se posent des questions de ce genre, on ne peut faire autrement que de se demander pourquoi le gouvernement n'a pas pris le temps de renseigner les députés sur tous les aspects du dossier.
Comment se fait-t-il par exemple que le contenu du résumé législatif soit aussi mince? On y parle davantage du Programme de protection des passagers que de la mesure législative elle-même.
Ce résumé législatif ne fournit pas d'analyse. Il y est beaucoup question de la LPRPDE et de son importance pour la protection de la vie privée, mais il n'y est nulle part question des renseignements précis à la disposition de l'utilisateur de l'aéronef.
Ce genre de renseignement essentiel devrait être assez important pour figurer dans ce débat, être inclus dans les séances d'information et présenté afin d'obtenir l'appui et la confiance des députés. C'est incroyable à quel point même les projets de loi les plus courts et proposant le moins de modifications législatives semblent causer le plus de problèmes aux députés, simplement parce que des questions restent sans réponse.
Je ne pense pas que cela enrichisse le débat de dire que les partis de l'opposition font front commun et qu'ils s'opposent à tout. Je suis désolé, mais le gouvernement a présenté de nombreux projets de loi sans y donner suite pendant des mois. Si certains dossiers sont importants, le porte-parole du gouvernement devrait le préciser d'entrée de jeu, ce qui n'a pas été le cas. Le n'a rien précisé de tel dans son discours. Il n'a cité que deux courts points, a dit qu'il n'y avait aucun souci à se faire, et ajouté de ne pas oublier qu'il s'agissait des États-Unis et de sécurité.
Toutefois, comme bien des députés l'ont déjà souligné, le projet de loi n'améliore pas la sécurité des voyageurs canadiens. C'est de vie privée qu'il est question. Le secrétaire parlementaire qui a parlé au nom du gouvernement n'a pas soulevé les points importants sur la vie privée en vertu de la LPRPDE, qui constituent le fond de la modification proposée dans le projet de loi, laquelle prévoit une dérogation à la LPRPDE.
Je suis plutôt irrité par le fait que le gouvernement aimerait dire aux députés que c'est leur problème et non le sien. Je dirai simplement à la Chambre que, selon moi, c'est le gouvernement qui est la source du problème, et que je serai heureux de poursuivre ce discours à un autre moment.