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Madame la Présidente, je suis ravi de parler de cette question qui inspire un sentiment d’urgence à tous les Canadiens, y compris aux électeurs de mon excellente circonscription, Esquimalt—Juan de Fuca.
De toutes les questions à l’étude, l’une de celles qui font le plus peur aux citoyens est naturellement celle des crimes violents. Elle éveille la crainte chez tous les Canadiens. En cette ère des réseaux de nouvelles continues 24 heures par jour, tous sont informés des événements qui surviennent d’un bout à l’autre du pays. Lorsque des événements épouvantables surviennent, tout le monde est au courant.
Il est important, bien que difficile, pour nous d’essayer de faire la différence entre les faits réels et les informations diffusées par les médias et de déterminer avec un regard objectif ce qui est en train de se produire et les mesures qui peuvent être prises pour protéger les citoyens. En tant que représentants élus, notre principale responsabilité consiste à faire ce que nous pouvons et devons faire pour mettre les citoyens à l’abri du danger.
Jetons un coup d’œil sur la situation. Quelles sont les villes les plus dangereuses au Canada? La ville de Port Coquitlam, en Colombie-Britannique, arrive en tête de ce palmarès, suivie d’Edmonton, Winnipeg, Saskatoon, Vancouver et Calgary, puis de Surrey, Halifax, Toronto et bien d’autres. Ce classement est basé sur les statistiques de 2007 sur le nombre d’homicides.
Le taux d’homicide est-il à la hausse ou à la baisse? Depuis 1990, à l’exception d’une légère variation il y a un an ou deux, le taux d’homicide a diminué considérablement. Le taux de crimes violents est trois fois moins élevé que celui qui est enregistré chez nos amis au sud de la frontière. Pourtant, aux États-Unis, le taux d’incarcération est considérablement plus élevé qu’au Canada. Aux États-Unis, environ 0,7 p. 100 des citoyens sont en prison. Au Canada, ce taux est d’environ 0,12 p. 100, ce qui représente une différence énorme.
Nous devons nous demander quelles mesures nous prenons actuellement et quelles mesures seraient efficaces pour lutter contre les crimes violents.
J’aimerais mentionner certaines autres données qui risquent d’intéresser les députés.
En 2006, 2,45 millions de crimes ont été rapportés. De ce nombre, 48 p. 100 étaient des crimes contre la propriété et 12,6 p. 100 étaient des crimes violents. En 2007, 594 homicides ont été commis, soit 12 de moins que l’année précédente. Un tiers des homicides en 2007 ont été commis à l’arme blanche et un autre tiers des homicides impliquaient des armes à feu. Les deux tiers de tous les homicides impliquant des armes à feu ont été commis à l’aide d’armes de poing. Soixante-quatorze jeunes ont été accusés d’homicide, soit 11 de moins que l’année précédente. Je mentionne ces statistiques pour remettre les choses en contexte et illustrer les problèmes que nous avons actuellement à résoudre.
Il y a une région qui ne figure pas dans ces statistiques sur les villes, celle du Nord, parce que les villes du Nord ne sont pas des grandes villes. Dans des endroits comme le Nunavut, Iqaluit et Yellowknife le taux de criminalité violente atteint des niveaux qui ont de quoi secouer les Canadiens d'un océan à l'autre. Voyons voir.
Les régions qui ont le taux de criminalité violente le plus élevé au Canada et qui ne figurent pas sur la liste sont Iqaluit, Whitehorse et Yellowknife. À Yellowknife, le taux de voies de fait graves est 350 p. 100 plus élevé que la moyenne. À Iqaluit, le taux de voies de fait graves est 1,033 p. 100 plus élevé que la moyenne canadienne. C'est renversant. Selon la GRC, le taux d'agression sexuelle est plus de 1,270 p. 100 plus élevé que la moyenne. Les agressions sexuelles participent énormément à la vague de crimes violents qui déferle sur le Nord. Cela échappe à toute explication simple.
Voyons voir des chiffres affolants. Si nous voulons examiner les crimes violents, il importe de remonter à la source du mal.
Au Nunavut, un quart des bébés naissent avec le syndrome d'alcoolisation foetale. C'est incroyable. Le quotient intellectuel moyen des personnes atteintes du syndrome d'alcoolisation foetale est de 67 à 70. Le syndrome d'alcoolisation foetale est la cause principale des lésions cérébrales, évitables, à la naissance. C'est l'un des problèmes qu'on constate dans le Nord.
Le suicide est un autre des problèmes dans cette région. Au Nunavut, les jeunes filles âgées de 15 à 24 ans sont 36 fois plus à risque de se suicider que les autres Canadiennes du même groupe d'âge. C'est renversant. Cette situation, qui est bien réelle dans le Nord, suscite peu d'attention. Pourtant, c'est une tragédie.
En fait, parce que j'ai pu le constater, je peux assurer aux députés que dans certaines des ces régions, particulièrement dans les collectivités des Premières nations du Canada, la situation est semblable à ce qu'on voit dans des pays du tiers monde. Voilà ce qui se passe à l'intérieur de nos frontières, en 2010.
Au sein de quelques-unes des collectivités du Nord de la Colombie-Britannique où j'ai eu le privilège de travailler, pendant que je rendais visite à un homme pour un examen postopératoire, j'ai vu un enfant de quatre ou cinq ans atteint d'impétigo non traité sur le visage. Pendant que l'enfant atteint de cette infection cutanée sur le visage restait là, debout, à 10 heures du matin, son oncle cuvait son vin, et son père et sa mère, ivres, me lançaient des jurons.
Quel espoir reste-t-il à cet enfant témoin de ce type de violence? Aucun.
Voilà ce que je répète depuis 17 ans à la Chambre. Si nous voulons être judicieux et responsables envers les contribuables, notamment faire ce qui s'impose pour réduire les actes criminels violents, au lieu de déclarer à la Chambre qu'il suffit de construire davantage d'établissements carcéraux et de mettre les contrevenants derrière les barreaux, pourquoi n'adoptons-nous pas une approche pratique axée principalement sur la prévention de la criminalité, pour éviter que des gens ne soient traumatisés pour le reste de leur vie après avoir été victimes d'un acte criminel? Si certains peuvent surmonter le choc subi, d'autres n'arrivent jamais à vraiment l'oublier. Les victimes s'adaptent comme elles le peuvent. Cependant, pourquoi ne pas faire de la prévention pour éviter de tels traumatismes et horreurs?
Comment peut-on faire de la prévention? La question est fort intéressante. Ce n'est pas sorcier. Énormément de données ont été recueillies sur la question et j'ose espérer que le gouvernement prend effectivement connaissance des études qui ont été réalisées et qu'il s'inspire des formules qui se sont révélées efficaces.
À Ypsilanti, au Michigan, on a effectué, dans le cadre du programme préscolaire Perry, une analyse rétrospective des programmes d'éducation préscolaire mis en oeuvre sur une période de 35 ans. Les chercheurs se sont demandé ce qu'il fallait faire pour réduire les actes criminels violents et la criminalité en général. Ils ont constaté qu'une série d'interventions auprès des enfants donnaient des résultats positifs. En tête de liste figurent des visites à domicile hebdomadaires ou bimensuelles d'infirmières, pendant l'étape prénatale et les deux premières années de l'enfant. La mère et le père peuvent établir un contact avec l'infirmière qui leur rend visite, notamment en lui posant des questions. Cette interaction permet aux parents de développer leurs compétences parentales. Les femmes monoparentales qui sont isolées, particulièrement les adolescentes, constituent une clientèle à risque. Il faut les identifier et intervenir rapidement auprès d'elles. La nutrition revêt une importance cruciale, de même que la transmission de compétences parentales appropriées.
D'autre part, on a très clairement constaté que deux heures et demie d'éducation préscolaire quotidienne, cinq jours par semaine, jusqu'à l'âge de cinq ans, avant l'entrée dans le système scolaire, avaient une incidence profonde sur la réussite des enfants. Or, le coût d'une telle mesure est minime. À quelle conclusion en sont arrivés les chercheurs lorsqu'ils ont analysé les avantages d'une telle intervention par rapport à son coût? Dans le cadre du programme préscolaire Perry, ils ont constaté que, pour chaque dollar investi, l'éducation préscolaire permettait d'économiser sept dollars.
La même chose a été faite en Grande-Bretagne. Il existe d'excellentes études que j'encourage le gouvernement à lire. Il y a l'étude intitulée « Misspent Youth » publiée en 1996 en Grande-Bretagne, l'étude « Beating Crime » publiée en 1998 et l'étude « Calling Time on Crime ».
Le gouvernement pourrait jeter un coup d'oeil à l'étude publiée en 1999 par le Centre international pour la prévention de la criminalité, établi à Montréal. Aux États-Unis, Lawrence Sherman a fait une méta-analyse de 600 programmes. Lui et son équipe ont évalué 600 programmes de prévention du crime pour savoir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas.
Le repérage des familles à risque, les visites à domicile tôt dans la vie des enfants, la participation des enfants à un programme préscolaire deux heures et demie par jour, l'initiation à l'art d'être parents, le fait de remédier aux problèmes de toxicomanie des parents et la réduction de la violence dans les familles jouent un rôle crucial pour modifier la trajectoire de la vie des enfants.
La raison pour laquelle je parle de tout cela dans le contexte de ce projet de loi est que nous parlons de crimes violents. Nous parlons d'homicides. Nous devons réduire le nombre de crimes violents et il y a des mesures très judicieuses que nous pouvons prendre pour y arriver.
Se contenter de construire des prisons, si séduisante que cette idée puisse paraître, ne fonctionne pas et cela a été prouvé. Si cela marchait, les États-Unis seraient sans contredit un pays beaucoup plus sûr que le nôtre, parce qu'on y incarcère bien plus de gens qu'ici et que les peines y sont bien plus sévères, y compris la peine de mort.
Si cette option était efficace, il va sans dire que cette société serait plus sûre que la nôtre. Or, ce n'est pas le cas. Un plus grand nombre de personnes sont incarcérées, il en coûte beaucoup plus cher aux contribuables et la population n'est pas plus en sécurité. Elle est en fait moins en sécurité et exposée à plus de violence. C'est une société beaucoup plus dangereuse que la société canadienne. Par conséquent, pourquoi ne regardons-nous pas et n'appliquons-nous pas ce qui fonctionne?
Nous pouvons appliquer d'autres mesures qui fonctionnent. Nous pourrions notamment, comme je le disais précédemment, dispenser des soins prénataux, qui revêtent une grande importance. Il faut aussi s'attaquer à la toxicomanie. À la Chambre, nous parlons occasionnellement de la marijuana. Je n'approuve pas la consommation de cette substance; elle est maintenant beaucoup plus forte que jamais auparavant. En effet, la teneur en THC de la marijuana tourne autour de 36 p. 100.
Toutefois, si on observe de façon objective ce qui nuit le plus à notre société, on constate que c'est, et de loin, la consommation d'alcool. L'alcool cause beaucoup plus de problèmes dans la société que ne le fait la marijuana. Tout cela pour dire que, au lieu d'être obsédés par certaines choses qui peuvent être séduisantes à un certain niveau, nous devons envisager des moyens de réduire l'abus d'alcool ou des drogues en général, qu'il s'agisse de marijuana, de crystal meth, de narcotiques, ou de la cigarette. Toutes ces substances sont nuisibles et entraînent des conséquences néfastes.
Je peux dire que, d'après mon expérience personnelle dans des salles d'urgence, l'alcool était un facteur prépondérant dans nombre de cas de personnes ayant fait des choses horribles à d'autres personnes. Qu'il s'agisse d'une personne qui a tué quelqu'un alors qu'elle conduisait en état d'ébriété ou d'une personne ivre qui a battu son conjoint ou sa conjointe, l'alcool était la cause principale de ces événements.
Nous devons tenter de faire éclater certains des mythes dont nous débattons, de regarder les faits et de mettre en place des solutions qui fonctionnent. Si nous voulons réduire l'abus d'alcool et de drogues, et je sais qu'il s'agit d'un objectif commun à tous les députés, pourquoi n'envisageons-nous pas des solutions qui fonctionnent?
Les programmes d'éducation préscolaire fonctionnent très bien. Par ailleurs, ils contribuent à réduire le taux de violence envers les enfants. J'encourage le gouvernement à jeter un coup d'oeil au Hawaii Healthy Start Program, car il a permis de réduire de plus de 90 p. 100 le taux de violence envers les enfants. C'est absolument renversant. Le programme a permis d'identifier les familles à risque, d'avoir recours à des mentors, qui étaient habituellement des mères de famille, de faire participer activement les parents à risque et de travailler avec eux pour leur enseigner l'art d'être parent et les renseigner sur la nutrition. Les enfants ont ainsi pu être entourés d'affection et de bons soins, ce qui a changé radicalement le cours de leur vie.
La science le prouve bien. Les docteurs Julio Montaner et Evan Wood ainsi que d'autres de leurs collègues ont fait un travail incroyable avec des neurologues étrangers. Ils peuvent même prouver que l'on peut déterminer, en observant le cerveau d'un enfant, que le développement est normal lorsque l'enfant grandit entouré d'affection et de bons soins, à l'abri de la violence physique et sexuelle et en toute sécurité. Par contre, lorsque l'enfant est soumis à toutes ces horribles situations, les connexions neuronales se développent lentement ou très mal. L'enfant risque alors beaucoup plus de commettre un crime plus tard au cours de sa vie.
J'espère que le gouvernement se penchera sur cette question. S'il s'intéresse à la réduction de la criminalité et à certaines interventions comme les programmes d'éducation préscolaire, il est bon de se demander quelles incidences cela peut avoir au niveau de la criminalité. Voici les conclusions qui ont été tirées. Les programmes de ce genre permettent de réduire de 69 p. 100 le nombre d'arrestations de mères de famille, de 80 p. 100 la violence faite aux enfants, selon les études menées sur les jeunes de moins de 15 ans, et de 66 p. 100 la criminalité chez les jeunes. S'il existait un programme qui permettait de faire économiser entre 7 et 11 dollars aux contribuables pour chaque dollar investi et de réduire de 66 p. 100 la criminalité chez les jeunes, il est évident que le gouvernement collaborerait avec les provinces pour le mettre en oeuvre, parce que la collaboration avec les provinces est essentielle dans ce cas.
Une telle approche est logique sur les plans humain et financier et elle nous permet d'atteindre nos objectifs. L'analyse de rentabilité a été fait et les preuves sont concluantes. Il faut maintenant agir. Le gouvernement peut utiliser son pouvoir et ses outils financiers pour travailler avec les provinces afin de pouvoir atteindre cet objectif.
Je dois avouer que je suis très étonné de voir que le gouvernement n'en fait rien. Ce serait certes bon pour son image et utile pour le public. C'est ma façon de montrer que ces interventions donnent de bons résultats.
Pour ce qui est de la politique antidrogue, si le gouvernement tient à punir les gens qui consomment des drogues illégales et qu'il croit qu'il pourra ainsi rendre notre société plus sûre, il se berce d'illusions. Il suffit de regarder ce qui se produit chez nos voisins du Sud pour voir ce qu'a donné la guerre contre les drogues qui y a été menée. Bon nombre d'États ont en fait établi très clairement, en s'appuyant sur des faits, que ces mesures ne donnaient pas de bons résultats. La guerre contre les drogues est une guerre perdue d'avance. Elle n'est pas efficace. Elle n'a jamais fonctionné et ne fonctionnera jamais. C'est plutôt le contraire. La société est plus en danger. De telles mesures sont plus coûteuses, elles font plus de dommages, elles augmentent l'usage de drogues et elles rendent notre société moins sûre. Ce sont autant de résultats que nous ne recherchons pas.
Y a-t-il des façons de faire qui donnent de bons résultats? Prenons l'exemple du Portugal, qui a libéralisé ses lois sur la drogue. Qu'a-t-il constaté? Que la consommation avait diminué, tout comme les coûts, les conséquences néfastes et la violence. Les résultats ont été probants.
J'incite donc le gouvernement, en collaboration avec les provinces, à libéraliser les lois canadiennes sur la drogue, car la guerre antidrogue à laquelle nous assistons actuellement a les rues pour théâtre. En Colombie-Britannique, d'où je viens, une bonne proportion des meurtres est liée d'une manière ou d'une autre à la guerre antidrogue et aux luttes de territoire entre les différents clans du crime organisé.
Si le gouvernement souhaite s'attaquer au crime organisé, je lui conseille d'en saper d'abord les assises financières, car c'est ce qui donne les meilleurs résultats. C'est en nous attaquant aux finances des organisations criminelles que nous réussirons à leur faire mal. Et c'est en modifiant nos lois sur la drogue que nous nous réussirons à nous attaquer à leurs finances, car il n'y aurait pas pire nouvelle pour elles. Un véritable coup de massue. C'est pourquoi j'invite le gouvernement, qui dit qu'il veut faire la vie dure aux criminels, à modifier sa politique antidrogue s'il souhaite y parvenir. Si nous modifions nos lois sur la drogue, nous nous retrouverions à saper les organisations criminelles. Et la consommation n'augmentera pas pour autant, ce qui n'est l'objectif de personne, et il serait absurde de prétendre le contraire.
Enfin, en ce qui concerne la police, je dois dire qu'un certain nombre de décisions récentes, notamment dans l'affaire McNeil, ont compromis sensiblement la capacité qu'ont les policiers de faire leur travail. À cause de ces décisions, ce ne sont plus aux accusés que l'on fait un procès, mais aux policiers, ce qui leur complique drôlement la tâche. Ils rendent pourtant des services inestimables à notre pays. Et qu'ils fassent partie de la GRC ou de n'importe quel autre corps policier, les hommes et les femmes qui servent leur pays tous les jours font un boulot du tonnerre, et nous leur devons une fière chandelle.
J'implore donc le gouvernement de s'inspirer des initiatives de prévention du crime qui donnent des résultats. Nous avons plus de 30 ans d'expérience. Le ratio coûts-avantages est probant. Nous pourrions réduire le taux de criminalité, nous pourrions en réduire les conséquences néfastes, nous pourrions réduire le nombre de crimes violents; bref, nous pourrions faire notre travail.
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Madame la Présidente, d'entrée de jeu, je dirai que le Bloc québécois a l'intention d'appuyer, à ce stade-ci, le projet de loi qui est devant nous. Cela ne m'empêche pas de penser que ce projet de loi est inutile, car notre système peut parfaitement tenir compte des circonstances aggravantes de certains crimes comme les meurtres multiples, qui sont peut-être plus graves que les meurtres simples Je dis « peut-être », car certains meurtres simples sont plus graves que des meurtres multiples; je vais en donner des exemples tout à l'heure.
Le projet de loi ne fait que reculer la possibilité d'obtenir une libération conditionnelle avant terme. Pour qu'une personne condamnée puisse obtenir une libération conditionnelle avant terme, il faut qu'un juge l'autorise à s'adresser à un jury pour en faire la demande et la justifier. Ensuite, la décision est prise par un autre jury. Il est évident que cet autre jury, comme le juge qui ne l'autorise pas, prendra en considération s'il y a eu deux meurtres ou un seul. Il est vrai que certains meurtres simples sont plus graves que des meurtres doubles.
Pour ceux qui commencent à nous écouter, nous discutons de la possibilité d'amender le Code criminel pour que dans les cas de meurtres multiples ou de meurtres commis par quelqu'un ayant déjà été condamné pour meurtre, la période d'admissibilité à une libération conditionnelle soit retardée, dans des conditions qu'on pourra expliquer. Il y a deux aspects aux meurtres multiples: ceux qui sont commis en même temps, et ceux où une personne avait déjà été trouvée coupable d'un meurtre avant de commettre celui pour lequel elle vient d'être condamnée. De toute façon, la peine imposée pour un meurtre est l'emprisonnement à perpétuité. On ne fera pas des choses ridicules comme ce qui se fait aux États-Unis, où l'on incarcère les gens pour quelques siècles uniquement pour épater la galerie. Ce qui peut être retardé, cependant, c'est la possibilité d'être admissible à une libération conditionnelle.
Voici comment le juge procédera. Quand il entend une cause de meurtres multiples, il doit d'abord s'adresser au jury en lui demandant:
Vous avez déclaré l’accusé coupable de meurtre et la loi exige que je prononce maintenant contre lui la peine d’emprisonnement à perpétuité. Souhaitez-vous formuler, comme vous avez la faculté de le faire, quant au fait que la période d’inadmissibilité à la libération conditionnelle soit purgée consécutivement à celle fixée pour le meurtre précédent, une recommandation dont je tiendrai compte en examinant la possibilité d’ordonner qu’elles soient purgées consécutivement?
Donc, le jury ayant entendu la cause peut donner son opinion en connaissant très bien les circonstances dans lesquelles le meurtre a été commis. Le juge, quant à lui, s'il ne rend pas l'ordonnance, est obligé de justifier sa décision. Encore une fois, je suis bien d'accord sur cela. À ma connaissance, lorsque les juges rendent des décisions, ils les justifient. Le projet de loi prévoit qu'ils doivent les justifier oralement ou par écrit. Je n'ai évidemment aucune objection par rapport à cette partie du projet de loi. Cependant, c'est quelque chose qui m'apparaît complètement inutile.
Comme on le dit parfois, abondance de biens ne nuit pas, quoiqu'on dit aussi que le mieux est parfois l'ennemi du bien. Dans ce cas-ci, je suis plutôt d'accord sur le premier proverbe, c'est-à-dire qu'abondance de biens ne nuit pas. Forcer les juges à faire ce qu'ils feraient de toute façon ne m'apparaît pas utile, mais cela ne fait pas de tort.
Aussi, il faut bien comprendre dans quel contexte ces décisions sont prises. M. Sapers, l'enquêteur correctionnel, témoignait devant le comité du Sénat sur ces dispositions qui permettent une libération conditionnelle avant terme, même pour des gens qui ont été condamnés à l'emprisonnement à perpétuité. Il disait:
[...] la durée moyenne d'une peine d'emprisonnement pour meurtre au premier degré au Canada est de 28,4 ans. À titre de comparaison, la durée moyenne d'une même peine en Nouvelle-Zélande, en Écosse, en Suède et en Belgique est d'environ 12 ans. La peine purgée au Canada est déjà plus longue que dans la plupart des autres démocraties évoluées, y compris les États-Unis [...]
Ceux qui suivent nos débats savent peut-être maintenant que les États-Unis est le pays qui, proportionnellement, incarcère le plus au monde. Mais nous les battons en la matière. Avec l'adoption de ce projet de loi, il se pourrait que le Canada dépasse même les États-Unis au chapitre de la durée moyenne d'une peine d'emprisonnement à perpétuité. La durée moyenne d'une peine d'emprisonnement à perpétuité avec possibilité de libération conditionnelle aux États-Unis est de 18,5 ans. Remarquons que dans ces statistiques américaines, on ne considère pas les sentences où il n'y a pas possibilité de libération conditionnelle.
M. Sapers signale d'ailleurs à quel genre de délinquants cela s'applique:
Les délinquants qui purgent une peine d'emprisonnement à perpétuité au Canada passent d'office au moins deux ans dans un établissement à sécurité maximale. quel que soit le risque qu'ils représentent. Au Canada, une peine d'emprisonnement à perpétuité est effectivement une peine à perpétuité. Les délinquants condamnés à perpétuité remis en liberté dans la collectivité font l'objet d'une surveillance jusqu'à leur mort.
Et c'est ainsi qu'on sait qu'il n'y a pas eu de récidive. Dans les cas de meurtre, dans un seul cas, un autre crime grave a été commis.
Par rapport à de nombreux autres pays auxquels on compare souvent le Canada, les délinquants reconnus coupables de meurtre au premier degré dans ce pays purgent déjà une peine de nature plus punitive.
Ces dispositions m'apparaissent donc inutiles, surtout lorsqu'on regarde comment est accordé le droit de s'adresser à la Commission des libérations conditionnelles pour obtenir une libération conditionnelle avant le terme de 25 ans. Il faut d'abord que la personne présente une requête à un juge, et elle doit démontrer à ce juge qu'il est probable, ou certainement plus que possible, c'est-à-dire au moins par une prépondérance de preuve, qu'elle a des chances de se faire accorder cela par un jury. Ensuite, un jury est convoqué, et il doit décider à l'unanimité si la personne peut avoir une audience devant la Commission des libérations conditionnelles.
D'ailleurs, ce système est tout de même assez lourd, quoique, à mon avis, largement justifié, puisque seulement 150 personnes, depuis 1987, ont bénéficié du droit de s'adresser à la Commission des libérations conditionnelles avant le terme de 25 ans.
Cette loi s'appliquera donc dans relativement peu de cas. Je constate que même si cette loi n'existait pas, cela serait nécessairement pris en considération, d'abord par un jury qui déciderait de la possibilité de s'adresser à la Commission des libérations conditionnelles et ensuite par les gens des libérations conditionnelles, avant qu'une libération soit accordée. Et on arriverait essentiellement au même résultat. Mais comme je l'ai dit, puisque qu'on laisse encore la discrétion aux juges, nous sommes prêts à appuyer ce projet de loi.
Qu'on nous comprenne bien. Nous ne nous décrivons pas comme étant soft on crime ou hard on crime. J'aime beaucoup une expression que j'ai entendue pour la première fois de la bouche du actuel, dans l'un de ses premiers discours devant la Chambre d'ailleurs, dans les banquettes derrière moi, alors qu'il disait que la question n'était pas d'être soft on crime ou tough on crime, mais bien d'être smart on crime, c'est-à-dire intelligent dans l'application de la loi.
Tout le monde comprendra que les sentences imposées aux individus ne peuvent pas être décidées par n'importe qui. Elles doivent être décidées par des personnes indépendantes et compétentes. N'oubliez pas que les juges ne vivent pas dans des bulles à part. Ils continuent à lire les journaux, à écouter la radio, à regarder la télévision et à s'informer. Ils sont parfaitement conscients, comme beaucoup d'entre nous, de l'évolution des opinions, mais aussi des dangers réels qui menacent la société. Je peux dire, compte tenu de mon expérience comme avocat, qu'il y a des juges beaucoup plus sévères que la moyenne de la population et que d'autres, c'est vrai, le sont peut-être moins. Cependant, ils ont cette qualité d'être indépendants, de ne pas avoir à rechercher, comme nous, l'accord du public pour conserver leur position ou pour qu'on leur renouvelle leur mandat, comme c'est le cas pour les députés. Tout le monde reconnaît que cette indépendance est une des grandes qualités qui doit exister.
De plus, il faut bien réaliser que quand un juge doit rendre une sentence ou que n'importe doit rendre une sentence, les éléments objectifs sont importants. Par exemple, c'est sûr que de tuer deux personnes est plus grave que d'en tuer une. Mais il faut aussi, dans chaque condamnation, tenir compte des éléments subjectifs. Pourquoi cette personne a-t-elle fait cela? Est-ce que dans sa vie antérieure il est évident qu'elle menait déjà une vie criminelle? On considère ses antécédents criminels. Quelle était sa motivation? A-t-elle été entraînée? Parce que je vous signale aussi quelque chose. Quelqu'un peut être trouvé coupable d'un meurtre qu'il n'a pas lui-même commis, mais dont il a été complice. Parfois, les complices sont moins odieux que ceux qui ont commis le crime, mais ce n'est pas toujours le cas.
Je vais donner un exemple qui m'a toujours frappé. « Mom » Boucher, qui a été le chef des Hells Angels pendant des années, a été condamné pour le meurtre d'un gardien de prison qu'il n'a pas commis lui-même, mais qu'il a soit ordonné, soit encouragé. La personne qui a commis ce meurtre a arrêté un wagon cellulaire et a commencé à tirer sur une personne qu'elle a effectivement tuée. Quand elle a voulu tirer sur l'autre personne, l'arme s'est enrayée. et la moto sur laquelle ils étaient a déguerpi. Il a donc été trouvé coupable d'un meurtre plutôt que de deux.
Regardons le drame familial qui s'est produit au Lac-Saint-Jean, l'an dernier. Des parents désespérés avaient d'ailleurs demandé l'aide d'autres parents. Personne ne prévoyait que leur fin serait aussi horrible qu'elle l'a été. Ce sont des gens qui n'avaient jamais été impliqués dans quoi que ce soit de criminel. Ils étaient tellement désespérés qu'ils ont décidé que toute la famille devait mourir. C'est une décision qui m'apparaît selon moi relever autant de la psychiatrie que de la justice. Si la femme qui a survécu a eu un procès, c'est parce qu'on a trouvé qu'elle ne souffrait pas d'une maladie mentale au point de ne pas avoir de responsabilité criminelle.
Je suis d'accord avec le fait que pour excuser un crime pour cause d'aliénation mentale, il faut une maladie quand même assez grave. Ces parents ont acheté des médicaments en assez grande quantité pour pouvoir les prendre et en donner à leurs enfants.
Le mari meurt. Les deux enfants meurent. La femme survit. C'est un meurtre multiple. Tout le monde sera d'accord pour dire que, subjectivement, l'attitude de « Mom » Boucher est beaucoup plus grave que l'attitude de cette dame.
D'ailleurs, au fond, dans toute condamnation au criminel, dans l'établissement de toute sentence, on doit trouver un équilibre. Il y a les critères objectifs, qui sont ceux que le Parlement doit décider, mais le Parlement ne peut pas décider des facteurs subjectifs dans chacun des cas. C'est pourquoi, dans l'application des sentences, on a besoin de personnes équilibrées, éduquées en droit et surtout indépendantes. Elles voient tous les côtés de la médaille et portent un jugement. On voudrait inventer un système d'imposition des sentences qu'on en arriverait nécessairement à cela.
Si le Bloc était contre cela, je serais contre le Bloc. Toutefois, personnellement, je crois que c'est un tel système qui est juste, celui où des juges indépendants décident des sentences dans les cas particuliers, et les sentences doivent être individualisées le plus possible. Apparemment, ce n'est pas ce que pense le gouvernement.
Voilà donc essentiellement pourquoi, dans ce cas-ci, nous sommes d'accord sur le projet de loi. Nous le pensons inutile. On voit le petit nombre de personnes auxquelles cela s'appliquera. Depuis 1987, seulement 150 personnes ont bénéficié d'une libération avant le terme de 25 ans. Cela démontre qu'on applique ces dispositions avec beaucoup de retenue. Cependant, c'est bon pour le gouvernement de dire qu'il est tough on crime. C'est le grand objectif. Les Républicains du Sud nous ont appris à gagner des élections et nous adoptons encore ces dispositions. Quant à moi, cela m'apparaît être la principale motivation derrière un projet comme celui-là.
Je le dis honnêtement, ce n'est pas ce dédain que j'ai pour cette motivation qui m'empêche de reconnaître que ce projet de loi ne fait certainement pas de mal parce qu'il laisse encore assez de discrétion à la magistrature. Le ministre ne cesse de nous dire que quand il est en public, tout le monde lui parle. Il faut rappeler au ministre que peut-être qu'un jury, puisqu'un jury doit siéger là-dedans, est aussi représentatif, plus représentatif même de l'opinion des gens que ceux qui réussissent à lui glisser quelques mots lorsqu'il circule en public.
Comme cela sera décidé par un jury, et comme les dispositions ne sont pas obligatoires pour les juges et que, s'ils y font exception, ils doivent le motiver — ce qui est normal et ce qu'ils font déjà —, nous allons donc appuyer ces dispositions.
Soyons donc encore une fois convaincus que nous n'avons pas une position idéologique, à moins que l'on pense que, pour nous, défendre le fait que les sentences soient non seulement dissuasives mais qu'elles soient aussi justes, et qu'elles soient individualisées et qu'elles le soient par des personnes informées et indépendantes, soit une idéologie. Si c'est une idéologie, elle est partagée par bien des pays. J'ai d'ailleurs parlé d'un fait remarquable dans d'autres pays semblables. C'est M. Sapers qui en donnait la liste. Dans d'autres pays, comme la Nouvelle-Zélande, l'Angleterre, la Belgique, la peine moyenne que servent les personnes condamnées pour meurtre est de 12 ans. Nous, c'est 28,4 ans. Alors on peut dire que nous nous situons bien au-dessus de la moyenne.
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Madame la Présidente, je vais partager mon temps de parole avec le député de . Je suis toujours fier de partager mon temps de parole à la Chambre avec lui ou de participer à des travaux importants avec lui à l’extérieur de la Chambre et sur la scène internationale. Je l’admire pour l’excellence de son travail et pour le rôle de mentor qu’il remplit.
J’ai des idées que je soutiens avec passion au sujet du projet de loi . Non seulement il reprend la position défendue dans un projet de loi d’un simple député libéral, mais il montre aussi que le gouvernement s’est inspiré de bien des idées de ce côté-ci de la Chambre dans ses mesures de répression de la criminalité.
Depuis cinq ans, ma collègue de se fait le champion d’un projet de loi d’initiative parlementaire qui vise à mettre un terme à l'imposition automatique de peines concurrentes pour les auteurs de meurtres et de viol multiples. C’est avec fierté que j’ai appuyé cet important projet de loi lorsqu’il a été présenté, en 2007. Je remercie le d’avoir emprunté cette excellente idée à une députée de ce côté-ci de la Chambre.
Le but visé était de laisser aux juges la possibilité d’imposer des peines consécutives pour les crimes odieux tout en rendant les délinquants les plus dangereux inadmissibles à la libération conditionnelle. Les peines à rabais pour les auteurs de crimes multiples, qui ont toujours été une façon de nier qu’il fût important de prendre acte de chaque crime dans son propre contexte, sont l’une des vraies parodies de justice qui existent dans le régime juridique canadien.
Aux termes des lois actuelles, il n’existe aucune différence, du point de vue de la peine, entre un meurtre ou une agression sexuelle unique et la situation de criminels qui commettent un plus grand nombre d’actes de violence. Toutefois, ceux qui commettent une série de meurtres devraient subir une peine appropriée indépendante pour chacun de leurs actes au lieu de purger les différentes peines simultanément.
Pour moi ainsi que pour mes électeurs, dans la circonscription de Newton—North Delta, un incident tragique a mis ce projet de loi en relief et lui a conféré une grande importance. À l’automne 2007, à Surrey, le plombier Ed Schellenberg faisait tranquillement son travail, réparer une cheminée dans un appartement du 15e étage, lorsqu'il est tombé sous les coups de feu des membres d’un gang venus tuer quatre membres d’un gang rival. Le voisin Chris Mohan a également été tué lorsqu’il s’est retrouvé sur les lieux du crime, à côté de chez lui, en sortant pour aller jouer au hockey.
MM. Schellenberg et Mohan sont des victimes innocentes qui n’avaient absolument rien à voir avec les actes innommables commis par les membres du gang. On peut dire qu’ils se sont trouvés au mauvais endroit au mauvais moment, et ils l’ont payé cher. Pour ma part, je ne peux pas me résoudre à accepter ce lieu commun en guise d’explication.
Ces hommes avaient parfaitement le droit de se trouver là où ils étaient. Ils menaient leur vie tranquillement sans rien demander à personne. À cause des actes cruels commis de sang froid par ces meurtriers, qui n’y ont pas pensé à deux fois, ils ont perdu la vie. Les coupables ont été appréhendés et traduits en justice. Ainsi, les familles des victimes et tous les habitants de Surrey et du Delta ont pu tourner la page, ce dont ils avaient grand besoin.
Néanmoins, dans l’état actuel de la loi, les auteurs des six meurtres de Surrey ne recevront pas de châtiment supplémentaire pour avoir également assassiné Ed Schellenburg et Chris Mohan, deux innocentes victimes. La loi n’a pas dissuadé ces meurtriers de s’attaquer à ces témoins parce qu’ils savaient qu’ils ne purgeraient pas une peine plus sévère s’ils se faisaient prendre.
Pour ceux qui fomentent ou qui envisagent de commettre des meurtres multiples, ces crimes supplémentaires sont très faciles à rationaliser compte tenu de la loi actuelle, étant donné qu’un criminel purge la même peine pour un meurtre que pour dix meurtres.
Les changements à ces dispositions législatives périmées se font attendre depuis longtemps. En fait, ce nouveau projet de loi représente l’aboutissement de 11 années de travail. En 1999, un projet de loi similaire a été adopté à la Chambre des communes par 117 voix contre 40, mais n’a pas pu être adopté au Sénat parce que des élections générales avaient été déclenchées.
Depuis que ma collègue de a présenté de nouveau son projet de loi d’initiative parlementaire en 2007, le gouvernement a créé de nombreux obstacles pour pouvoir laisser de côté cette merveilleuse idée. Que ce soit parce qu’il a prorogé la Chambre, mettant ainsi un terme à l'étude de tous les projets de loi ou parce que cette idée a été proposée par une députée libérale, jusqu’à récemment, le gouvernement ne s’est intéressé ni à la teneur ni à l’intention de cette initiative.
Comme je l’ai mentionné, je me réjouis que le ministre de la Justice ait changé d’avis et adopté le projet de loi libéral dans le cadre du programme législatif gouvernemental.
Chaque victime a sa propre histoire et il est grand temps que notre système de justice commence à le reconnaître. Les criminels doivent comprendre qu’un châtiment les attend s’ils font du mal aux gens, ce qui, espérons-le, préservera des vies humaines avant qu’il ne soit trop tard.
Ce projet de loi permettra de nouveau aux juges d’exercer leur pouvoir discrétionnaire après avoir pris en compte la personnalité du délinquant, la nature et les circonstances de l’infraction et les recommandations du jury. Aucun juge ne devrait avoir les mains liées par un article du Code criminel qui ne reconnaît pas l’importance de punir chaque crime odieux séparément. Il faut aussi que les juges aient à fournir une explication verbale ou écrite pour toute décision de ne pas imposer des périodes consécutives d’inadmissibilité à la libération conditionnelle aux délinquants coupables de meurtres ou d’agressions sexuelles multiples.
Au lieu de refléter la vision étroite du gouvernement qui compte dépenser 10 à 13 milliards de dollars pour construire des nouvelles prisons, ce projet de loi représente un effort concret et efficace pour prévenir des crimes terribles.
Je tiens également à souligner à l’intention de mes collègues d’en face qu’un grand nombre de députés comme moi croient dans une façon rigoureuse et intelligente d’aborder la criminalité et qu’une coopération est toujours possible s’ils la recherchent. Cependant, je crois aussi dans une approche plus globale pour faire échec au crime, une approche qui prévoit des mesures pour empêcher que le crime n’ait lieu, mais aussi qui tienne compte des diverses opinions des députés.
Il s’agit là d’une importante proposition à examiner, et j’invite mes collègues de tous les partis à voter pour le projet de loi afin qu’il puisse être renvoyé au comité où on pourra l’étudier avec beaucoup de diligence.
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Madame la Présidente, je suis heureux de participer à ce débat et je dirai, d’entrée de jeu, que j’appuie le renvoi du projet de loi au comité.
Je voudrais prendre acte des observations de mon ami concernant notre collègue de , qui a déposé à plusieurs reprises des projets de loi d’initiative parlementaire à l’appui de ce genre d’approche, que la plupart des députés peuvent soutenir.
Nous avons eu une autre version de cette mesure, le projet de loi . Nous y voilà encore une fois. Comme les députés le savent, la Chambre avait été prorogée, ce qui nous avait empêchés d’examiner cette question. Ce gouvernement censément déterminé à réprimer sévèrement le crime a laissé traîner ce projet de loi et ne l’a réactivé que récemment. On nous a raconté beaucoup d’histoires au sujet de la répression du crime, mais quand est venu le temps de faire adopter un projet de loi, le gouvernement ne s’est pas trop pressé pour le présenter à la Chambre.
Les députés se souviendront que le Parlement avait abrogé la peine de mort en 1976 et avait imposé l’emprisonnement à vie obligatoire pour les meurtriers. Les délinquants condamnés pour meurtre au premier degré devaient purger une peine minimale de 25 ans avant d’être admissibles à la libération conditionnelle. Dans le cas des délinquants condamnés pour meurtre au deuxième degré, c’est aussi l’emprisonnement à vie obligatoire, mais ils peuvent être admissibles à la libération conditionnelle entre leur 10e et leur 25e année d’incarcération. Les délinquants condamnés à la prison à vie ne peuvent être remis en liberté que par décision de la Commission nationale des libérations conditionnelles.
Nous nous soucions tous du crime. L’une des choses dont nous n’entendons pas assez souvent le gouvernement parler, ce sont les causes du crime et la façon d’y remédier. En matière de meurtre, les statistiques sont restées relativement stables au Canada depuis 1999. Il y a eu une pointe dans les années 1970 et le début des années 1980, mais le niveau s’est relativement maintenu depuis.
Nous devons porter une plus grande attention aux programmes de lutte contre l’abus d’alcool et de drogue, aux problèmes de logement et d’éducation et aux autres questions qui ont des effets très réels sur la criminalité. En fin de compte, ce sont ces questions sociales qui engendrent le crime au Canada. Si nous n’essayons pas d’y remédier, si nous estimons qu’il suffit de jeter les gens en prison pour régler le problème de la criminalité, nous ne nous attaquons pas vraiment aux racines du mal.
Je me souviens d’une vieille annonce concernant les vidanges d’huile qui disait: « Vous pouvez me payer maintenant ou vous pouvez me payer plus tard. » Je préfère payer maintenant en m’attaquant aux causes du crime plutôt que d’avoir à payer beaucoup plus cher à l’avenir. Le même principe s’applique aux soins de santé. En privilégiant la prévention, grâce à un meilleur régime alimentaire, à des exercices, etc., on peut éviter des coûts très élevés plus tard.
Nous savons que le Code criminel prévoit implicitement que toutes les peines soient purgées concurremment, à moins que la loi ou le juge n’exige que les peines soient purgées consécutivement. Par exemple, le paragraphe 85(4) du Code impose que la peine prononcée pour l’utilisation d’une arme à feu dans la perpétration d’une infraction soit « purgée consécutivement à toute autre peine sanctionnant une autre infraction basée sur les mêmes faits et à toute autre peine en cours d’exécution ».
L’article 83.26 impose également des peines consécutives pour les activités terroristes, sauf en cas d’emprisonnement à vie. Il en est également de même de l’article 467.14 qui prévoit des peines consécutives pour les infractions liées au crime organisé. Par ailleurs, le juge peut lui aussi imposer des peines consécutives, notamment lorsque le délinquant purge déjà une autre peine d’emprisonnement.
Ma collègue de avait proposé des modifications, que j'avais appuyées, quand nous étions au gouvernement. Les délinquants qui tuaient une personne étaient condamnés à 25 ans. S'ils en tuaient deux ou plus, ils étaient condamnés à 25 ans, mais ils purgeaient leurs peines simultanément. Cela n'envoyait pas le bon message.
On nous dit que les statistiques au Canada sont inquiétantes. Comparativement à l'Angleterre, l'Irlande ou la Nouvelle-Zélande, nous avons des taux d'incarcération, surtout pour meurtre au premier degré, beaucoup plus élevés.
Ce n'est pas parce qu'on ne peut pas imposer des peines d'emprisonnement à vie consécutives que les périodes d'inadmissibilité à la libération conditionnelle ne sont pas efficaces. On peut prolonger la période d'inadmissibilité unique dans le cas de meurtres multiples si le délinquant condamné à vie se voit infliger une peine fixe supplémentaire. Dans ce cas, il n'est pas admissible à une libération conditionnelle totale avant le jour où la peine supplémentaire a été imposée. Pour de nombreuses peines à perpétuité, la durée n'est pas de 25 ans; en moyenne c'est 28 ans, donc ce n'est pas automatique.
Dans la grande majorité des homicides, plus de 95 p. 100, il y a une seule victime, et non plusieurs. Depuis 1999, le taux demeure relativement stable. Dans une étude internationale réalisée en 1999, on a comparé la durée d'incarcération pour meurtre au premier degré au Canada et dans d'autres pays, notamment les États-Unis. Exception faite des États-Unis, on a constaté que la durée moyenne d'inadmissibilité à la libération conditionnelle au Canada pour les délinquants condamnés à perpétuité était d'environ 28,4 ans. On croit que ces détenus ici se la coulent douce, mais en réalité ils purgent des peines plus longues.
Il est donc important de renvoyer le projet de loi à un comité pour permettre à des experts de témoigner de manière à ce que les députés puissent examiner cette mesure intelligemment et en toute connaissance de cause. Encore une fois, il ne s'agit que d'un très petit nombre d'individus, mais nous savons que les gens ont une certaine impression de la réalité, mais la réalité est tout autre.
Dans des endroits comme l'Angleterre ou le Pays de Galles, le ministère de la Justice a révélé que les individus condamnés à la perpétuité obligatoire, c'est-à-dire les meurtriers, qui étaient relâchés en 2008 avaient purgé en moyenne 16 ans de prison. C'était la même chose que l'année précédente. En Irlande, en 2004, le ministre de la Justice a déclaré que la durée moyenne d'emprisonnement était de 17 ans. D'après la commission des libérations conditionnelles de la Nouvelle-Zélande, les individus condamnés avant le 1er août 1987 purgeaient sept ans, et après cette date, environ 10 ans. Donc, en matière d'incarcération des individus condamnés pour meurtre au premier degré, nous avons la main beaucoup plus lourde que d'autres pays, notamment dans le Commonwealth.
Ce sont les cas notoires comme ceux de Clifford Olson et de Robert Pickton qui retiennent l'attention à l'échelle nationale. Des millions de dollars sont dépensés sur ces cas. Les gens se demandent ce qui arrive aux victimes. De ce côté-ci de la Chambre, nous ne voulons certainement pas que les victimes aient à revivre régulièrement ces tragédies. Il est important que les condamnés soient incarcérés pendant 25 ans, et s'ils ont commis plus d'un meurtre, j'appuie et j'ai toujours appuyé l'imposition de peines consécutives.
Avons-nous pour autant abandonné tout espoir de réadaptation? La réadaptation est utile dans certains cas. Je ne sais pas si elle pourrait s'appliquer aux auteurs de meurtres multiples. Nous sommes à l'écoute de personnes comme Sharon Rosenfeldt, qui a fondé l'organisme Victimes de violence. Elle a dit que même si le projet de loi s’applique à un petit nombre de contrevenants, ces derniers sont les meurtriers qui causent le plus de peur, de controverse et d’agitation au sein de notre système judiciaire et de la population canadienne. Il enverra un message.
L'important, c'est à tout le moins d'envoyer un message clair. Toutefois, on ne doit jamais oublier qu'il incombe au gouvernement de se pencher sur les questions difficiles de l'heure, comme les causes de la criminalité. Dès le départ, nous devrions mettre l'accent sur les enfants à un très jeune âge. Le point de départ se situe dans nos communautés et nos écoles. C'est là que nous devons axer nos efforts. Il s'agit encore d'une petite minorité de personnes. Nous nous penchons aujourd'hui sur cette question, mais si le gouvernement était vraiment déterminé à s'en occuper, il aurait présenté ce projet de loi bien avant et il se serait abstenu de proroger le Parlement.
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Madame la Présidente, je suis heureux, aujourd'hui, de me prononcer sur le projet de loi . Ce projet de loi est en ligne directe avec la philosophie de ce gouvernement conservateur et sa conception de ce que devrait être un système de justice.
Nous appuierons le projet de loi parce qu'il prévoit donner plus de latitude aux juges pour leur permettre d'appliquer, si c'est nécessaire, des peines sévères, bien que ce soit un peu bidon, comme j'aurai l'occasion d'en discuter. En effet, en pratique, cela touche très peu de cas et, qui plus est, c'est déjà pas mal ce qui se fait concrètement.
Je vais commencer par ouvrir une parenthèse sur la vision générale de ce gouvernement en matière de justice. On ne peut pas l'avoir manqué, et à peu près tous ceux qui se lèvent à la Chambre parlent de cette fameuse expression: être tough on crime. Cela revient, c'est récurrent, c'est un argument électoral des conservateurs, à peu près leur seul d'ailleurs. Quand je pense à cela, je trouve toujours cela un peu grotesque parce que c'est un peu prendre les gens pour des idiots. Pensent-ils sincèrement que la qualité d'un système de justice se mesure au nombre d'années que les gens passent en prison? Pourquoi, alors, se donner la peine d'adopter des lois nuancées et demander à des juges de déterminer des peines? Pourquoi ne met-on pas en prison les gens à la première infraction pour le reste de leurs jours? Ce serait le meilleur système, et le plus tough on crime. Évidemment, n'importe qui le moindrement allumé comprendrait que cela n'a aucun sens, que la finalité d'un système de justice, ce n'est pas de mettre le monde en prison le plus longtemps possible.
Qui plus est, l'expérience des chiffres, de la réalité, des systèmes de justice partout au monde, et même à l'intérieur du Canada, démontre que ce ne sont pas les systèmes de justice qui imposent les peines les plus sévères qui obtiennent des résultats. Bien au contraire, ce sont généralement les systèmes de justice les plus axés sur la réhabilitation et sur des peines correctes, correspondant à la gravité du geste posé. Elles permettent à la victime de sentir qu'elle est respectée, qu'elle a été entendue par le système de justice et qu'on a infligé à la personne qui a commis le crime une punition. En même temps, on l'axe sur la possibilité pour un criminel de se réhabiliter et, s'il le fait, d'être réintroduit dans la société.
C'est une constante partout. Par exemple, dans le cas des homicides, on ne pourrait pas imaginer de peine plus sévère que la peine de mort. On s'entend pour dire qu'on ne peut pas être plus tough on crime qu'en infligeant la peine de mort à une personne. Pourtant, partout au monde où on pratique la peine de mort, les taux d'homicides sont plus élevés que dans les pays qui ne la pratiquent pas. C'est vrai aussi pour le Canada où, depuis l'abolition de la peine de mort, le nombre d'homicides a diminué de façon constante. C'est bien la preuve que cette idéologie ne fonctionne tout simplement pas. Ce n'est pas ainsi que cela fonctionne.
On peut voir aussi la durée d'emprisonnement moyenne d'un meurtrier après un homicide dans certains pays. Au Canada, la moyenne est de 28,4 ans. Les criminels sont condamnés à la prison à perpétuité, mais ils ont droit à une libération conditionnelle après un certain temps. Au Canada, en moyenne, la personne purge 28,4 ans avant de retourner dans la société. En Suède et en Angleterre, c'est respectivement 12 ans et 14,4 ans. Selon la théorie des conservateurs, ces sociétés doivent être complètement dégénérées avec des meurtres constamment. Eh bien non, ce n'est pas le cas. Dans le cas de la Suède, on sait bien qu'on a là les taux d'homicides et de criminalité parmi les plus bas au monde.
Dans ce genre de discours, le gouvernement fait souvent appel à ce qu'il identifie comme étant le « gros bon sens ». Il cherche à faire sortir nos instincts primaires et à nous faire dire que, si quelqu'un a commis un meurtre, une seule façon peut l'empêcher de commettre d'autres crimes, c'est de le mettre en prison et de lui dire qu'on le mettra en prison le plus longtemps possible. C'est une mentalité importée directement des États-Unis. On l'a vu avec le cas de Bernard Madoff, qui a été condamné à 200 ans ou 300 ans d'emprisonnement. Il est ridicule de condamner un être humain à 200 ans ou 300 ans de prison.
Il est certain que dans une conversation de salon, dans le transport en commun ou au bureau avec des collègues, quand on voit une chose choquante ou un crime odieux, on a le goût que lui ou elle, car il existe des meurtrières, passe le reste de ses jours en prison ou que cette personne soit pendue. C'est l'instinct primaire.
Toutefois, en tant que société, il faut aller plus loin que cela et se demander ce que l'on peut faire pour assurer notre sécurité. Or, tous les criminalistes et les spécialistes qui étudient la question s'entendent pour dire que ce qui dissuade véritablement les criminels, ce n'est pas la dureté de la peine potentielle, mais bien la crainte de se faire attraper. C'est ce qui a un effet dissuasif sur les gens. Par exemple, si quelqu'un planifie le meurtre de sa conjointe, il ne se dira pas qu'il va la tuer et qu'il ira en prison pendant seulement 24,8 ans, avant de se rappeler que cela a changé et que la peine a augmenté à 32,7 ans, pour enfin décider de ne pas la tuer. Évidemment, les gens qui planifient des meurtres pensent qu'ils ne se feront pas prendre. C'est aussi simple que cela. Vous pourriez dire que vous allez les torturer de façon incroyable pendant deux semaines ou cinq ans, cela ne changerait rien, car les personnes pensent qu'elles ne se feront pas prendre.
Si on veut vraiment avoir un effet dissuasif, plutôt que d'investir des fortunes pour construire de nouvelles prisons et de garder des gens en prison plus longtemps que nécessaire, il est préférable qu'on investisse cet argent en prévention pour éviter des situations générant la criminalité. Il faut aussi investir cet argent dans nos forces policières pour qu'elles aient les moyens effectifs de prévenir des crimes, de les élucider, de mener des enquêtes et de prouver la culpabilité de ces personnes devant un tribunal. De cette manière, d'éventuels criminels se diront qu'ils vont se faire prendre. C'est ce message que l'on doit passer. Ce dernier sera beaucoup plus efficace que d'essayer de faire croire aux gens que s'ils se font prendre, ils iront plus longtemps en prison.
C'est un modèle qui s'applique de façon assez vraie. Par exemple, les spécialistes sur l'alcool au volant vont dire la même chose, c'est-à-dire que ce n'est pas tellement la lourdeur de la peine qui pose problème pour ce qui est de la dissuasion, mais le fait que beaucoup de gens croient qu'ils ne se feront tout simplement pas prendre, car il y a très peu de contrôles routiers.
Tout cela mis ensemble fait en sorte que l'on s'aperçoit que le gouvernement, pour des raisons de marketing politique, nous emmène complètement dans la mauvaise direction.
Plus tôt aujourd'hui, on a discuté de la question des titres des projets de loi. Le ministre conservateur se moquait du fait qu'en cette Chambre, les députés d'opposition soulignent le caractère grotesque des titres des projets de loi présentés par ce gouvernement et il nous disait que ce n'était franchement pas important. Par contre, si ce n'est pas important, pourquoi le gouvernement donne-t-il des titres stupides à ses projets de loi?
Cela n'est pas uniquement vrai en justice, car c'est partout. On parle de s'attaquer aux consultants véreux et de protéger les Canadiens contre une certaine chose, alors que ce n'est même pas cela que fait le projet de loi. On parle d'enlever les libérations conditionnelles pour les criminels dangereux, alors qu'il n'y en a même pas de toute façon. Ce sont des titres complètement mensongers. Pourquoi le gouvernement fait-il cela si, selon lui, cela ne sert à rien?
En fait, cela démontre qu'il fait du marketing politique. Pour ce qui est du contenu de sa loi et ce qu'il nous présente, il n'y croit même pas lui-même. Il ne se croit même pas et il nous affuble de titres ridicules. Aujourd'hui, on a ceci: Loi protégeant les Canadiens en mettant fin aux peines à rabais en cas de meurtres multiples. C'est une affirmation complètement gratuite et dépourvue de fondement. Premièrement, la protection des Canadiens n'a pas sa place dans ce projet de loi. C'est une opinion. Des gens, dont les conservateurs, disent croire que cela va protéger les Canadiens. Les spécialistes, comme j'en ai parlé plus tôt, ont plutôt tendance à dire que cela n'aura aucun effet préventif ni dissuasif. Par conséquent, c'est faux. Il n'y a pas de peine à rabais dans les cas de meurtres multiples. Dans la loi, la peine minimale pour un meurtre au premier degré, par exemple, est la peine à perpétuité. Il n'y a pas de peine à rabais. Par conséquent, le projet de loi s'attaque à l'aspect cumulatif des libérations conditionnelles. On a un titre qui ne porte même pas sur le projet de loi.
Encore une fois, on me dira que le titre comme tel n'a pas vraiment d'importance. Ce n'est pas cela qui fait la loi, mais ce que cela veut dire — et c'est un peu cela que je veux dire aux gens qui nous écoutent aujourd'hui —, c'est que le gouvernement leur ment en pleine face. De toute évidence, les gens à la maison ne vont pas se taper le projet de loi et aller voir ce que cela change dans le Code criminel. On a tous des obligations et un travail à faire. On est très chargés, très occupés. Il y a la famille, les enfants, le travail, la maison. Je comprends bien qu'on ne peut pas tous étudier les lois dans ce pays. Alors, sur quoi va se rabattre le citoyen pour essayer de se faire une opinion? Il va se rabattre sur ce qu'on lui dit que fait le projet de loi. Si on lui dit que le projet de loi protège les gens contre les meurtriers, il va dire que c'est en effet un bon projet de loi. Qui est contre le fait de protéger la population contre les meurtriers? C'est évident. Par contre, ils sont trompés, dupés par leur gouvernement. Je pense que c'est méprisant pour la population.
J'ai la chance dans ma circonscription, comme chacun d'entre nous, d'échanger avec des citoyens et parfois certains disent ne pas être d'accord avec nos positions. Ils ont vu aux nouvelles le — il est très bon pour faire cela — dire que le Bloc québécois a voté pour les pédophiles. On comprend que quelqu'un qui entend cela appelle mon bureau et demande si le Bloc québécois a voté pour les pédophiles. Voyons donc! C'est comme s'il y avait un seul député en cette Chambre qui se lève le matin et qui se demande ce qu'il pourrait faire ce jour-là pour aider les pédophiles. C'est complètement débile de juste suggérer cela à la population.
Le projet de loi à l'époque auquel faisait référence le concernait la traite des mineurs et, dans ce projet de loi, le mot « traite » n'apparaissait aucune fois, hormis dans le titre. C'était donc un projet de loi dont le titre portait sur la traite des mineurs, mais dont le sujet, la substance, n'était pas sur la traite des mineurs. On voit donc une volonté du gouvernement de tromper et de duper la population.
Je dis aux gens de se méfier des politiciens qui les prennent pour des abrutis et qui pensent qu'ils sont incapables de raisonner par eux-mêmes.
En ce qui concerne le fond du projet de loi lui-même, on a un projet de loi qui donnerait la possibilité à un juge d'imposer des périodes consécutives d'admissibilité à la libération conditionnelle plutôt que des périodes concurrentes, c'est-à-dire que si quelqu'un commet un double meurtre et si c'est un meurtre au premier degré, par exemple, ce sera la prison à perpétuité. Par conséquent, de les cumuler ou non, cela ne changera rien. La personne est en prison à vie, mais en ce qui concerne la libération conditionnelle, il y a des minimums et des maximums prévus dans la loi en fonction du type d'homicide. Présentement, lorsqu'un juge va déterminer la période, il n'en déterminera, en fait, qu'une seule. Il va évidemment prendre en compte tous les facteurs propres à la nature de l'homicide commis, mais techniquement, il prononcera une seule sentence et ne va pas les additionner.
Ce projet de loi va lui permettre de donner, pour tel meurtre, une période minimale avant la libération conditionnelle de X années, et pour tel autre meurtre, une période minimale de Y autres années. Ces périodes seront successives, de sorte que la personne ne pourra pas être libérée avant X plus Y années.
Si le gouvernement veut l'expliciter de cette façon dans une loi, même si cela se fait déjà en pratique, soit, pourquoi pas! À notre avis, c'est inutile et cela ne mène nulle part. On va appuyer le projet de loi. Cela démontre que lorsqu'on se donne la peine de donner plus de flexibilité aux juges, le Bloc québécois est d'accord. Là où nous voyons un problème, c'est lorsqu'on fait l'inverse en essayant d'enlever de la flexibilité aux juges pour ce qui est d'ajouter ou de soustraire des années d'emprisonnement en fonction des particularités de la cause qui est devant eux.
Pour bien comprendre ce projet de loi, j'aimerais citer une petite statistique. On parle ici des gens qui ont commis des homicides, qui sont libérés et qui pourraient récidiver. Entre janvier 1975 et mars 2006, sur les 19 210 délinquants qui purgeaient une peine pour meurtre ou homicide involontaire et qui étaient retournés dans la collectivité en liberté conditionnelle ou en liberté d'office, 45 ont ultérieurement été reconnus coupables d'avoir perpétré des homicides au Canada. Cela représente 0,2 p. 100 des délinquants condamnés. Évidemment, ce sont des meurtres de trop. Les 45 homicides que ces 45 personnes ont perpétrés sont des morts inacceptables qu'on doit essayer d'éviter. Tout le monde ici, à la Chambre, s'entend là-dessus. En aucun cas, je ne veux banaliser ou rendre marginaux ces événements. Sur une période de 31 ans, le chiffre est quand même inférieur à 1 p. 100, soit 0,2 p. 100.
Parlant de ce mirage et de ce marketing politique du gouvernement, pourquoi dépose-t-il un projet de loi pour essayer, selon sa prétention, d'améliorer ce chiffre de 0,2 p. 100 sur les taux de récidive, alors qu'il ne présente rien pour prévenir l'immensité des meurtres et des homicides qui sont commis pour la première fois?
Pourquoi s'attaquer d'abord aux cas les plus marginaux et les moins fréquents plutôt qu'au coeur du problème? On a observé la même philosophie dernièrement avec les réfugiés arrivant comme passagers clandestins sur des bateaux, entre autres les réfugiés tamouls qui sont arrivés à Victoria. Le gouvernement a déposé un projet de loi qui s'attaque à peine à 2 p. 100 des éventuels demandeurs illégitimes d'asile, mais personne ne parle des 98 p. 100 restants. On n'en parle pas, alors, ça n'existe pas. C'est complètement grotesque.
En plus de cela, le gouvernement fait des sparages, gesticule et fait semblant de s'occuper de la sécurité des gens, mais en même temps, il s'attaque au registre des armes à feu. Alors là, c'est à n'y rien comprendre. Il y a un consensus très fort parmi tous les chefs des corps policiers: il faut un registre des armes à feu pour mieux prévenir d'éventuels crimes et faciliter la résolution de certains crimes. C'est la logique même. On enregistre nos autos, ainsi que nos chiens et nos chats dans beaucoup de municipalités. On enregistre même nos bateaux hors-bord et je ne sais quoi d'autre. Là, le gouvernement veut s'attaquer au registre des armes à feu.
C'est complètement ridicule. Pourquoi dire aux gens, un peu comme aux États-Unis, qu'on va faciliter la circulation des armes à feu, qu'on va enlever des moyens à nos policiers pour prévenir des meurtres et pour éventuellement retracer des criminels, mais qu'on va les mettre en prison plus longtemps. Il y a quelque chose qui ne fonctionne pas là-dedans. Dans le fond, cela montre l'hypocrisie de ce gouvernement.
L'autre hypocrisie qu'on observe, qui est très marquante en ce qui concerne ce gouvernement, porte sur l'utilisation des victimes. Je dis « utilisation » dans son sens le plus négatif. Je parlerais d'instrumentalisation des victimes à des fins politiques. En effet, ce gouvernement — et le l'a fait encore ce matin en Chambre — nous dit que si nous sommes contre leur projet de loi, c'est parce que nous sommes contre les victimes et pour les criminels. Ce n'est pas du tout le cas. Ce qu'il faut faire pour les victimes, c'est les accompagner avec des dédommagements monétaires, leur permettre d'accéder plus longtemps à l'assurance-emploi et des choses comme celles-là, ce que le gouvernement refuse.
Je vois que mon temps est écoulé. J'aurais peut-être l'occasion de compléter pendant les questions qui me seront posées.
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Monsieur le Président, je suis ravi d'intervenir aujourd'hui, au nom du caucus néo-démocrate, au sujet du projet de loi , une mesure qui donnerait aux juges canadiens la discrétion d'imposer aux individus trouvés coupables de meurtres multiples des peines d’emprisonnement à perpétuité à purger de façon consécutive. Il s'agirait d'un changement puisque les peines d'emprisonnement à perpétuité ne seraient plus purgées simultanément comme le prévoit la loi actuelle.
Les questions relatives aux actes criminels et aux sanctions qu'ils commandent sont sérieuses. Elles suscitent certaines des émotions les plus profondes qu'on puisse ressentir en tant qu'être humain. Ces questions évoquent des sentiments extrêmement douloureux. Évidemment, lorsqu'un acte criminel est commis, il faut tenir compte des victimes et de leur famille.
Derrière tout acte criminel se cache indiscutablement une tragédie, notamment pour la victime, sa famille et ses amis, pour la collectivité, pour la société et, certes, pour l'auteur du crime ainsi que pour sa famille et ses parents.
Chaque fois qu'un acte criminel est commis, la société et les parlementaires sont confrontés au fait que des vies sont anéanties, brisées et que, dans certains cas, il y a des dommages permanents dont il faut s'occuper. C'est en examinant le crime que constitue le meurtre qu'on est confronté à l'expression la plus grave de cette réalité.
On dit que la sécurité des citoyens est l'une des responsabilités les plus importantes d'un gouvernement. Je suis d'accord. Une société efficace et bien organisée n'est rien d'autre qu'un contrat social conclu entre ses membres. En vertu de ce contrat, nous convenons de nous unir et de renoncer à certains droits et libertés dont nous jouirions autrement. Nous convenons de restreindre ces droits et libertés en échange de garanties visant à assurer notre sécurité.
Après avoir lu les philosophes tels que Thomas Hobbes, qui a décrit la vie à l'état naturel comme étant désagréable, brutale et courte, nous avons convenu qu'il était préférable de nous unir et de nous entendre sur certaines règles fondamentales qui peuvent assurer la sécurité et la protection de notre personne, de nos familles et de nos biens.
À titre de citoyens, nous nous attendons à ce que l'intégrité de notre personne soit la priorité absolue du gouvernement. Il en est ainsi parce que nous convenons que, pour fonctionner en tant que société, nous devons accepter de respecter certaines règles.
Même si notre société se fonde sur le respect de droits, nous sommes tous d'accord que nos droits s'arrêtent là où ceux des autres commencent. Si l'on veut avoir une société efficace et épanouie, où tous ont le droit de vivre et d'être libres et heureux, il faut avant tout assurer la protection des droits liés à notre personne et à nos biens.
Les auteurs de meurtre commettent la plus grave violation des droits d'une personne. Par conséquent, la question qui se pose lorsqu'un meurtre est commis, et, dans ce cas-ci, des meurtres multiples, est de savoir quelle peine doit être imposée à l'individu qui a violé un droit aussi fondamental. Un point encore plus important, qui touche le projet de loi dont nous sommes saisis, est l'approche qu'il convient d'adopter face aux auteurs de meurtres multiples.
Il ne faut pas oublier que nous parlons de meurtres. Les meurtres au premier degré sont des meurtres commis avec préméditation et de propos délibéré, tandis que les meurtres au deuxième degré sont des meurtres commis dans des circonstances dont toute personne raisonnable saurait qu'elles vont probablement entraîner la mort. D'autres notions interviennent relativement à ces crimes graves, mais ces définitions illustrent leurs caractéristiques fondamentales.
Nous ne parlons pas d'homicide involontaire coupable, qui est un décès causé sans que son auteur l'ait nécessairement voulu. Nous parlons de meurtre et de meurtres multiples. Nous parlons de quelqu'un qui a délibérément, ou en faisant preuve d'une négligence extrême, enlevé la vie à plus d'une personne, et ce en étant animé par une certaine intention.
Le projet de loi accorderait au juge le pouvoir discrétionnaire d'imposer une peine d'emprisonnement à perpétuité consécutive pour chacun des meurtres. Ces peines d'emprisonnement à perpétuité seraient purgées consécutivement plutôt que simultanément. Le projet de loi aurait pour effet d'accorder aux juges, dans les cas pertinents, le pouvoir d'imposer des peines de façon à ce que les personnes reconnues coupables de plusieurs meurtres ne soient jamais remises en liberté.
On peut faire valoir d'excellents arguments en faveur du projet de loi. Premièrement, il n'existe actuellement aucune différence entre la peine imposée aux gens qui ont commis un meurtre et celle qui est imposée aux personnes qui ont tué deux, cinq, voire dix personnes. Pour la plupart des bien-pensants, cette question exige qu'on y réponde sérieusement. Bon nombre de gens considéreraient la situation injuste.
Deuxièmement, le projet de loi accorde un pouvoir discrétionnaire aux juges. Voilà la principale raison qui explique que je suis en faveur du projet de loi. Je ne suis pas nécessairement en faveur de l'application générale de ce principe, mais je suis favorable au pouvoir discrétionnaire des juges.
Le Nouveau Parti démocratique est un ardent défenseur du pouvoir discrétionnaire des juges. La justice exige qu'on ait du respect pour notre magistrature. Que notre magistrature soit indépendante et apolitique. Que la personne rendant un jugement le fasse après avoir pris connaissance de tous les faits, entendu tous les témoins et observé leur attitude pendant leur témoignage. Elle exige que cette personne, pour être en mesure de rendre une décision, ait une grande connaissance du droit, qu'elle soit qualifiée et qu'elle se conforme aux règles d'équité et de justice.
Je fais pleinement confiance aux juges du Canada. J'ai confiance en leur intégrité, leur compétence et leur dévouement à l'égard de la justice. Je ne suis pas certain que les ministériels, en face, manifestent toujours la même confiance. Je crois qu'ils se montrent sceptiques et cyniques à l'égard de nos juges. Quant à moi, j'ai tout à fait confiance dans les juges, en leurs compétences et en leur sens de l'équité.
En outre, j'ai une grande confiance en notre régime d'appel car, lorsque des erreurs se produisent — de telles erreurs existent —, les cours d'appel sont prêtes à prendre les mesures nécessaires, et tout le système est conçu pour que ces erreurs soient corrigées.
Le troisième point en faveur de ce projet de loi est que les auteurs de meurtres multiples peuvent actuellement présenter une demande de libération conditionnelle parce que leurs peines d'emprisonnement à vie sont purgées de façon concurrente. Cela signifie que l'auteur de meurtres multiples peut présenter une demande de libération conditionnelle même si, et j'en parlerai bientôt, il leur est presque impossible de l'obtenir. Cela fait subir une souffrance et une anxiété inutiles aux familles des victimes.
Lorsqu'il est question d'auteurs de meurtres multiples, je crois qu'il s'agit d'un genre particulier de criminels qui sont différents de la plupart des autres, peut-être même des autres meurtriers. Je crois que nous devons envisager sérieusement d'enfermer à vie une personne qui enfreint les conventions sociales au point de tuer deux concitoyens ou plus.
Actuellement, comme je l'ai mentionné, même si un auteur de meurtres multiples peut faire une demande de libération conditionnelle, il ne l'obtiendra pas en réalité. Je ne connais aucun cas, et le gouvernement n'en a mentionné aucun, d'auteur de meurtres multiples ayant bénéficié d'une libération conditionnelle ou ayant été libéré de prison en vertu du régime actuel. Ce qui m'amène à parler des enjeux politiques.
Les conservateurs se servent de cette question pour se livrer à de petits jeux politiques. Ils ont pris une idée modeste qui n'a pas d'effets ou de conséquences pratiques et s'en sont emparés pour essayer d'avoir l'air sévère.
Le cas présent est un exemple où le gouvernement consacre un temps précieux à proposer une modification à une loi qui ne comporte aucun problème à résoudre. Il n'existe aucun cas d'auteur de meurtres multiples qui est sorti de prison en bénéficiant d'une libération conditionnelle. Donc, en ce qui concerne les conséquences pratiques du projet de loi, bien que d'un point de vue philosophique je pense que cette idée a du mérite et que nous l'appuyons, nous ne devons pas nous méprendre sur le fait que ce projet de loi n'est qu'une affaire de politique et qu'il ne résout aucun problème réel dans notre système.
J'en viens au titre court de ce projet de loi, qui est un exemple de ces petits jeux politiques. Le titre court que le gouvernement donne au projet de loi est Loi protégeant les Canadiens en mettant fin aux peines à rabais en cas de meurtres multiples. Ce titre est aussi motivé par la politique et la partisanerie qu'il est éloigné des faits. Il n'existe pas de peines à rabais pour les meurtres multiples. Il n'y a rien de tel.
Les personnes reconnues coupables de meurtres multiples sont condamnées à perpétuité pour chaque meurtre commis, et la condamnation à perpétuité est une condamnation à perpétuité. Lorsqu'il impose plusieurs peines d'emprisonnement à perpétuité, le juge n'impose pas de peines à rabais. Le titre de ce projet de loi est mesquin et mauvais, mais c'est un exemple typique de ce que le gouvernement fait, à savoir qu'il injecte aux lois de notre pays une saveur de partisanerie éhontée. J'en ai parlé hier. Je trouve cela déplorable et inacceptable.
J'aimerais parler de ce que veulent les Canadiens. Selon eux, si nous voulons vraiment lutter contre la criminalité, il est essentiel de rehausser les services de police communautaires. Ils réclament une plus grande présence policière dans nos rues et dans nos quartiers.
La semaine dernière, je suis allé dans le Chinatown, à Vancouver. J'ai eu une réunion avec Tony Lam, des membres de l'association des marchands chinois de Vancouver et des membres du service de police communautaire. Ils m'ont dit qu'ils avaient dû embaucher des agents de sécurité privés de manière à pouvoir réagir aux actes de vandalisme et aux vols qui sont commis quotidiennement dans le Chinatown. En effet, ils manquent d'agents et ils sont incapables de réagir rapidement aux appels signalant des introductions par effraction. Ils sont démoralisés. Ils m'ont dit que le taux élevé de criminalité dans le quartier Downtown Eastside menaçait l'avenir du Chinatown, à Vancouver.
Si le gouvernement voulait vraiment prendre des mesures concrètes pour aider les gens au Canada, il commencerait par injecter des fonds dans les services de police communautaires, ce que les néo-démocrates ont préconisé aux dernières élections. Nous avons réclamé, en vain, l'embauche de 2 500 policiers de plus au Canada.
Le gouvernement injecterait davantage de fonds dans des programmes de prévention de la criminalité. Pourtant, il a fait des compressions dans ces programmes. L'année dernière, le portefeuille de la sécurité publique était assorti d'une enveloppe de 60 millions de dollars pour la prévention de la criminalité. De ce montant, le gouvernement a dépensé 44 millions de dollars. Il n'a pas dépensé un tiers du petit montant réservé à la prévention.
Les Canadiens veulent investir davantage dans la prévention du crime et dans les services de police communautaires. Ces investissements feraient vraiment une différence dans la vie des Canadiens. Ils contribueraient à assurer la sécurité des citoyens au sein de leurs collectivités. Ils contribueraient en fait à réduire le taux de criminalité. Ils permettraient également de mettre davantage de criminels en prison, contrairement à un projet de loi idéologique et philosophique qui, bien qu’il jouisse de notre appui, ne fera absolument rien pour améliorer la sécurité des Canadiens.
En terminant, je vais parler de certaines des causes profondes de la criminalité, car il est temps que la Chambre se penche sur cet aspect. La pauvreté et la toxicomanie sont des faits concrets. Dans nos prisons fédérales, 80 p. 100 des détenus souffrent de toxicomanie.
Au cours de l’été, j’ai visité le centre psychiatrique régional de Saskatoon. J’ai demandé aux membres du personnel combien de détenus étaient selon eux incarcérés en raison de leur toxicomanie. Ils m’ont répondu que c’était le cas de 70 p. 100 des détenus. Ce n’était pas l’opinion d'une âme sensible. Ce n’était pas l’opinion d’un néo-démocrate. Ce n’était pas l’opinion d’un criminel. C’était l’opinion d’agents de correction qui travaillent dans notre système carcéral fédéral.
Nous devons commencer à injecter de l’argent dans le traitement de l’alcoolisme et de la toxicomanie, non pas par pure compassion, mais simplement parce que c’est la chose logique à faire. Si nous tenons à ce que les criminels ne récidivent pas, nous devons éliminer autant que possible les causes profondes de leurs crimes. Je sais que c’est impossible pour un grand nombre de criminels, mais que c’est possible pour certains d’entre eux.
Dans la mesure où nous pouvons intervenir, nous devons faire l’impossible en tant que société et que Parlement pour nous attaquer à ces causes profondes, car tous les Canadiens veulent la même chose. Ils veulent que ces délinquants, lorsqu’ils sortent de prison, ce qui est le cas de 96 p. 100 d’entre eux, ne récidivent pas. Voilà ce qui nous gardera en sécurité.
En effet, l’ex-ombudsman des victimes, Steve Sullivan, que le gouvernement a laissé partir ou, devrais-je dire, dont le mandat « n’a pas été reconduit » par le gouvernement, a dit que les victimes ne demandent pas que les criminels soient gardés en prison plus longtemps. Ce qu’elles veulent, c’est que les criminels, une fois remis en liberté, ne commettent pas d’autres crimes.
Il s’agit de deux approches profondément différentes. Garder les délinquants en prison pendant quatre ans au lieu de trois ans et demi, sept ans au lieu de six, dix ans au lieu de huit, n'aura aucun effet si ne nous attaquons pas d’abord aux raisons profondes pour lesquelles ces personnes ont abouti en prison.
J'ai hâte de voir comment le gouvernement va réagir à mes propos. Je suis persuadé qu'il va contre-attaquer d'une façon ou d'une autre, mais je vais maintenir mes propos car c'est une question de logique fondée sur des faits. Il faut s'attaquer aux causes fondamentales, ce que ce projet de loi ne fait pas.
Il s'attaque plutôt aux conséquences d'un meurtre. Il ne s'attaque pas à ce qui pourrait être certaines de ses causes.
Pour être juste envers le gouvernement et tout le monde, on ne peut mettre un terme aux meurtres dans cette société. Il est impossible de penser comme un Russell Williams ou un Paul Bernardo. Ces individus ont commis les crimes les plus violents, les plus agressifs, les plus inacceptables qui soient dans notre société, et ils devraient croupir en prison pour le reste de leur vie. Ils ont perdu le droit de côtoyer les personnes libres de la société. Il est peut-être impossible de faire quoi que ce soit pour de tels individus. Par contre, ils ne représentent qu'une infime portion de la société.
Ce projet de loi porte sur les meurtres multiples, et ceux qui en commettent forment le plus faible pourcentage d'individus dans nos prisons fédérales. J'en conviens, ces gens ne devraient jamais être libérés et, dans des circonstances appropriées, les juges devraient pouvoir leur imposer des peines consécutives pour démontrer à quel point la société réprouve leurs crimes.
Des gens comme Clifford Olson ou Paul Bernardo devraient purger des peines consécutives. Ils ne devraient jamais pouvoir présenter de demande de libération conditionnelle et faire subir aux victimes, aux familles et aux collectivités toute la souffrance, l'anxiété et la douleur qu'elles doivent vivre. Nous savons que ces gens ne méritent pas de réintégrer la société.
J'espère que, d'un commun accord, tous les députés appuieront non seulement le projet de loi, mais également une approche de la lutte contre la criminalité à l'échelle du pays qui soit plus générale, plus intelligente, plus exhaustive et davantage axée sur les faits, afin que l'on puisse parvenir au résultat que nous tous en cette Chambre recherchons, soit des collectivités plus sûres.
En terminant, le gouvernement s'en prend constamment à l'opposition en lui reprochant de ne pas se soucier de la criminalité et du bien-être des victimes, et j'aimerais beaucoup qu'il cesse de le faire. Il n'y a pas de plus vil argument que l'attaque personnelle. C'est une injure. On apprend généralement à la petite école que son efficacité est plus que douteuse.
Témoignons-nous du respect à la Chambre. Respectons le fait que nous nous soucions tous de la criminalité et du bien-être des victimes, mais que nous entrevoyons parfois de façon différente le meilleur moyen d'aborder ces questions. Commençons par apprendre les uns des autres, par écouter ce que les autres ont à dire et par élargir le cadre du débat pour que puissent s'ajouter à l'aspect punitif des éléments tels que la prévention, les causes profondes et la réadaptation. L'aspect punitif a sa place dans notre système pénal. C'est un élément de l'équation, mais pas le seul.
Il conviendrait de mettre à contribution des avocats, des travailleurs sociaux, des criminologues, des groupes de victimes, des policiers et des procureurs. Ceux-ci devraient participer à un grand débat national permettant d'avoir une vue d'ensemble du problème que représente la criminalité.
Cessons de politiser ce dossier et abordons-le plutôt comme le ferait une société parvenue à maturité qui se penche sur un problème complexe. Notre pays doit se donner une bonne politique en matière de lutte contre la criminalité, politique qui doit reposer sur des faits solides, et non sur de la politique de bas étage.
Je suis disposé, comme député de l'opposition, à travailler de concert avec le gouvernement sur les bonnes idées qu'il propose, et il y en a. Je pense que cette idée-ci est bonne. N'allons cependant pas croire que la sûreté de nos collectivités s'en trouvera accrue; ce n'est pas le cas. Il y a lieu d'apporter de sages améliorations à la loi, et je crois que c'est ce qu'on propose ici.
Unissons nos efforts et essayons d'élever le débat d'un cran à titre de pays et de société et de nous attaquer à la criminalité comme je crois que nos concitoyens souhaitent que nous le fassions.
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Monsieur le Président, comme vous le savez, lorsqu'il y a un débat à la Chambre et que des députés soulèvent des questions qui, à leur avis, ont un rapport avec le débat, les autres députés présents peuvent également les commenter.
Le député d' a demandé si la détermination de la peine et le crédit pour le temps passé en détention avant le procès sont les seules questions dont nous sommes censés débattre, puisqu'il s'agit d'un projet de loi sur la criminalité, et il a parlé de la nécessité d'être sévère à l'endroit des criminels.
Je me demande s'il y a beaucoup de personnes qui ont réussi à déterminer si ce sont ou non les conditions d'emprisonnement actuelles et la composition de la population carcérale qui ont incité le gouvernement à présenter le projet de loi. Peut-être que les conservateurs n'ont pas tenu compte des détenus qui sont actuellement emprisonnés et qui ne devraient pas l'être. Peut-être que cela aurait une incidence sur les statistiques concernant la population carcérale. Peut-être que cela influencerait même le résultat de notre évaluation concernant la possibilité d'augmenter la population carcérale sans construire de nouvelles prisons. Il y a un lien entre toutes ces statistiques. Or, c'est un projet de loi très linéaire. Le gouvernement a conclu que nous devons supprimer le calcul en double du temps passé en détention préventive, mais la question reste tout de même pertinente lorsqu'on se demande comment nous devons nous y prendre pour lutter contre la criminalité au Canada.
Les provinces ont dit clairement que la moitié des détenus dans les prisons provinciales ne devraient pas s'y trouver, tout comme le fédéral, qui a affirmé publiquement la même chose. Si cette mesure législative fait en sorte que nous n'accorderons plus de crédit pour le temps passé en détention préventive et que les détenus vont soudainement se retrouver à passer plus de temps dans nos établissements carcéraux, il faudra obligatoirement construire d'autres prisons, puisque celles qui existent sont déjà pleines à craquer. Comme il faut compter 10 milliards de dollars environ pour faire face ainsi à l'accroissement de la population carcérale, nous devons nous demander si ce projet de loi ne nous mène pas directement dans un cul-de-sac.
J'en parle, parce que l'exemple des provinces s'applique justement à la situation et que j'en connais un rayon sur le sujet, mais de son côté, le député d' peut consacrer la moitié de son allocution au même sujet sans se faire interrompre une seule fois. Je peux seulement en conclure que la Chambre trouvait qu'il était opportun ce matin — ce dont je suis toujours convaincu — de souligner qu'il y a plus d'un facteur à prendre en considération, pas seulement pour la détermination de la peine, les libérations conditionnelles, la détention à domicile et certain autres sujets sur lesquels nous nous sommes penchés, mais pour évaluer la stratégie sur laquelle s'appuie le gouvernement pour combattre le crime, stratégie dans laquelle s'inscrit d'ailleurs la mesure législative dont nous somme saisis. Que fait-on de ceux qui commettent des crimes graves?
Hier, la CBC présentait un reportage spécial sur un criminel à cravate qui a subtilisé quelque chose comme 25 millions de dollars à 70 de ses clients. La Police provinciale de l'Ontario a déposé des accusations uniquement dans le dossier de la 25e victime, mais comme les tribunaux n'avaient ni le temps, ni les ressources pour entendre la cause, les accusations ont été retirées. L'homme en question, qui demeure introuvable, s'en tire donc avec un fraude de 25 millions de dollars. Selon les autorités judiciaires, c'était de deux choses l'une: ou bien on s'en prenait à quelqu'un qui avait volé l'argent de ses concitoyens, ou bien on s'attaquait aux violeurs, aux agresseurs et aux tueurs de notre société. C'était l'un ou l'autre.
À la lumière de cette situation, il faut se demander s'il est important ou non de nous attaquer au problème de la récidive, de nous intéresser à la prévention. J'ai beaucoup appris sur la prévention du crime dans ma propre localité. Nous avons un excellent conseil de prévention du crime, et M. Victor Oh m'a pris sous son aile pour veiller à mon engagement dans ce genre d'activité. Cependant, tout revient à l'approche que nous prenons face au crime et aux criminels. Il ne suffit pas, à mon avis, de dire que nous sévissons contre le crime. Il ne suffit pas d'affirmer: « les criminels doivent payer ».
C'est un slogan qui n'a pas grand sens quand il est question de prisonniers dont la réadaptation est impossible. Nous n'avons pas les institutions nécessaires pour nous occuper d'eux avant qu'il ne commettent un crime, et nous n'avons certainement pas les institutions nécessaires pour nous occuper d'eux lorsqu'ils quittent ces établissements-là.
Je ne tiens pas à monopoliser davantage le temps de la Chambre. Je sais que les députés aimeraient passer à l'étude des dispositions précises de la mesure.
Je suis motivé et encouragé par le député d', qui a soulevé le fait que, lorsque nous sommes saisis de questions portant sur la justice pénale, nous devrions nous attaquer non seulement au châtiment mais également à la réadaptation, à la réinsertion sociale et à tout le reste. Nous devons offrir les services de soutien nécessaires afin de réduire le taux de récidive, car la récidive contribue à la croissance de la population carcérale.
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Monsieur le président, je serai bref. Le député du Nouveau Parti démocratique a fait un excellent discours au sujet de ce projet de loi.
En réalité, il n'y a pas grand-chose à dire contre le projet de loi en soi. Ce qui me préoccupe, comme d'autres d'ailleurs, c'est qu'a priori, cet amendement au Code criminel ne semble pas nécessaire. En effet, un homicide, un meurtre au premier degré est déjà passible d’une peine obligatoire d'emprisonnement à vie.
L'emprisonnement à vie, c'est à perpétuité. Cela ne signifie pas nécessairement que chaque journée sera passée en prison, mais il n'y a pas de peine plus sévère que l'emprisonnement à vie. Si la peine capitale existait encore, comme c'était le cas il y a 25 ou 30 ans, un meurtre au premier degré serait passible de la peine de mort, qui est la peine la plus sévère. Même si le criminel est l’auteur de deux ou trois meurtres, il ne peut être exécuté qu'une fois.
Lorsque la loi a été modifiée, nous nous sommes retrouvés avec une peine d'emprisonnement à perpétuité. Ça dit bien ce que ça veut dire. Une peine ne peut pas durer plus longtemps que cela. C'était absurde de parler de plusieurs peines d'emprisonnement à vie consécutives. Un être humain n'a qu'une vie à vivre. On estimait que l'impact était tout à fait minime.
Deuxièmement, comme quelqu'un l'a fait remarquer, personne n'a donné un seul exemple de libération d'un criminel ayant purgé des peines d'emprisonnement à vie pour plusieurs meurtres. Il n'y a aucun exemple de ce genre. Par conséquent, si ce genre de libération ne s'est jamais produite, pourquoi a-t-on jugé bon de modifier la loi pour empêcher quelque chose qui ne se produit de toute façon jamais ? C'est la deuxième raison pour laquelle ce projet de loi ne me semble pas nécessaire.
Troisièmement, il est bien présomptueux de la part d'une Chambre du Parlement de présumer que ce qu'elle décidera aura une incidence considérable sur la réduction de la criminalité. J'espère que personne n'est assez naïf pour croire que, tout en étant confortablement installés dans nos fauteuils, nous allons avoir une incidence immédiate sur la réduction de la criminalité par une simple modification de la loi. Ce n'est pas comme ça que ça se passe.
C'est pourtant ce que beaucoup d'entre nous prétendent, de temps à autre. Mais c'est de la pure rhétorique politique d'affirmer qu'en modifiant la loi, on améliore la sécurité des Canadiens. Certes, cela se produit, parfois, mais dans la plupart des cas, nous modifions tout simplement la loi que nos policiers et nos juges doivent appliquer.
Ce projet de loi n'est donc pas nécessaire pour ces trois raisons. Mais il a quand même un rôle à jouer. Mon collègue depuis 22 ans, le député de Mississauga, l'a fait remarquer il y a longtemps. En effet, l'un des objectifs de la détermination des peines dans le cadre du Code criminel, et c’est aussi l'un des objectifs que cette Chambre a expressément adoptés il y a 15 ans, cet objectif, disais-je, est la réprobation du crime par la société.
Avec une peine d'emprisonnement à vie, il ne me paraît guère probable, a priori, qu'il puisse exister d'autres possibilités de réprobation. Une peine d'emprisonnement à vie, c'est pour toute la vie. Mais il semblerait toutefois qu'en adoptant nos lois qui régissent la libération conditionnelle, nous n’ayons pas su envisager d'autres possibilités de réprobation.
La loi prévoit l'admissibilité à la libération conditionnelle; celle-ci n'est pas accordée automatiquement, mais chaque détenu peut en faire la demande à partir de 25 années d'emprisonnement. Quelqu'un a mentionné que la durée d'emprisonnement est en moyenne de 28 ans, et je veux parler de la moyenne de tous les détenus qui doivent purger une peine d'emprisonnement à vie. Autrement dit, les détenus purgent en moyenne 28 ans avant de faire une demande de libération conditionnelle. Par conséquent, si l'on inclut tous ceux qui purgent moins de 25 ans et tous ceux qui purgent plus de 25 ans, ça fait beaucoup de peines d'emprisonnement de longue durée.
S'agissant des dates d'admissibilité à la libération conditionnelle, on pourrait s'en servir pour ajouter un autre élément de réprobation. Ainsi, on pourrait dire que celui qui est coupable d'un deuxième meurtre aura à purger une autre période de 25 ans, ou toute autre peine d'emprisonnement incompressible, avant de pouvoir demander la libération conditionnelle. C'est de là que vient le concept d'accroître la réprobation. Je serais d'accord avec cela. Et dans ce cas, le projet de loi reconnaîtrait une certaine discrétion au juge pour l'application de ces peines.
Mais à ceux qui s'imaginent que la réprobation supplémentaire associée au durcissement des conditions d'admissibilité à la libération conditionnelle aura une incidence sur le taux de criminalité, je dis sans hésitation, et j'espère que les députés seront assez réalistes pour le reconnaître, qu'il n'y a pratiquement aucun cas d'homicide ou de double homicide, que les deux meurtres soient perpétrés en même temps ou bien l’un après l'autre, aucun cas, disais-je, où le criminel va sortir sa calculatrice pour savoir s'il va perpétrer son meurtre car il risque une réprobation accrue du simple fait que ses conditions d'admissibilité à la libération conditionnelle vont être plus sévères.
Bien sûr, même si c'est faire preuve d’une grande naïveté, on peut toujours espérer qu'une telle disposition fasse réfléchir à deux fois celui qui s'apprête à commettre un meurtre. Il se peut que, dans certains cas, cela se produise, c'est-à-dire que cette réprobation supplémentaire associée au durcissement des conditions d'admissibilité à la libération conditionnelle amène le meurtrier potentiel à y réfléchir à deux fois avant de commettre son acte. Mais dans la plupart des cas, j'en doute fort. Dans 99 p. 100 des cas, les meurtriers n'y pensent pas un instant car ils sont convaincus qu'ils ne vont pas se faire prendre, si bien qu'ils commettent leur crime. Et les tragédies se répètent.
Je vais appuyer ce projet de loi, mais je tiens à rappeler aux députés d'en face que son titre abrégé ne survivra probablement pas à l'étude en comité. C'est possible, mais je tiens à prévenir les rédacteurs de ces projets de loi et de ces titres abrégés que la Chambre n'acceptera plus l'insertion de messages politiques dans les titres abrégés des projets de loi. Nous voulons simplement un bon énoncé objectif des modifications proposées par le projet de loi. Il est inutile d'en remettre.