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FAAE Rapport du Comité

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L’Ukraine a fait des progrès importants depuis que le Canada lui a reconnu son indépendance il y a deux décennies, le premier des pays occidentaux à le faire. Toutefois, comme l’ont illustré les événements des deux dernières années, il reste encore du chemin à parcourir pour que l’Ukraine atteigne la démocratie et la prospérité.

Au cours des derniers mois, le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes a tenu des audiences sur la situation en Ukraine. Il l’a fait à la lumière d’un recul démocratique important dans le pays et des difficultés entourant le respect de la primauté du droit. L’objectif de notre étude consistait à renseigner les Canadiens au sujet à la fois des nombreuses difficultés auxquelles l’Ukraine est confrontée et de l’énorme potentiel du pays, particulièrement en ce qui a trait aux relations gouvernementales, commerciales, culturelles et humanitaires avec le Canada.

En mai 2012, une délégation du Comité dirigée par le député Bob Dechert, secrétaire parlementaire du ministre des Affaires étrangères, a visité l’Ukraine. Elle a tenu des audiences publiques à Kyiv, Kharkiv et Lviv avec un éventail de parlementaires, de représentants de la société civile, d’experts et d’autres interlocuteurs. Ce voyage était indispensable en ce que le Comité a pu se renseigner sur place sur l’état de la situation en Ukraine et qu’il a permis aux membres de connaître la perspective des personnes en Ukraine qui se penchent sur des questions allant de l’habilitation de la société civile, à la liberté de presse et au climat pour les entreprises et les investissements.

Le rapport présente les réflexions et les recommandations du Comité au gouvernement du Canada en vue de l’aider à définir la politique canadienne à l’endroit de l’Ukraine, plus particulièrement à la lumière des élections législatives cruciales qui s’y tiendront en octobre 2012. Vu l’imminence de ces élections, et leurs répercussions sur la place de l’Ukraine au sein de l’Europe et dans ses relations avec l’Ouest, il y a lieu de souligner l’urgence de donner suite à bon nombre de ces recommandations.

Je tiens à remercier M. Dechert d’avoir dirigé la délégation en Ukraine, et, au nom du Comité, toutes les personnes qui l’ont aidé à accomplir ce travail important. Le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international ainsi que l’Agence canadienne de développement international ont fourni un excellent soutien au Comité tout au long du processus. En particulier, l’ambassadeur du Canada en Ukraine, Troy Lulashnyk, et son personnel à Kyiv n’ont ménagé aucun effort pour faire de la visite du Comité une visite productive, instructive et mémorable. Le Comité désire aussi remercier le personnel de la Chambre des communes et de la Bibliothèque du Parlement pour leur travail durant cette étude et la préparation du rapport. En terminant, il désire remercier les groupes représentant la communauté ukrainienne du Canada pour l’intérêt qu'ils ont manifesté à l’égard des travaux du Comité. Plusieurs de ces groupes ont organisé une conférence à Ottawa en mars 2012, laquelle a permis au Comité de rencontrer d’importants témoins, et trois d’entre eux — le Congrès des Ukrainiens-Canadiens, la Fondation Canada-Ukraine et la Ligue des Ukrainiens-Canadiens — ont envoyé des représentants pour assister à toutes ses audiences publiques tenues en Ukraine.

INTRODUCTION ET VUE D’ENSEMBLE

Le Canada a été le premier pays occidental à reconnaître l’indépendance de l’Ukraine en décembre 1991, et les gouvernements canadiens qui se sont succédé ont travaillé sans relâche à la quête de la démocratie et de la prospérité de ce pays. Comme bien d’autres à travers le monde, les Canadiens se sont réjouis lorsque la Révolution orange de 2004 a mené à l’invalidation d’élections frauduleuses, et ils ont été déçus lorsque les promesses de démocratie de cette révolution ne se sont pas pleinement réalisées dans les années qui ont suivi.

Les quelques dernières années ont été témoins de développements troublants en Ukraine. Étant donné l’importance de ce pays tant pour sa région que pour le Canada, le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international (le Comité) a tenu plusieurs audiences à Ottawa avec des représentants officiels, des experts, des membres de la communauté ukraino-canadienne et un vaste éventail d’Ukrainiens pour discuter de la situation qui y règne. À la mi-mai 2012, le Comité s’est aussi rendu en Ukraine où il a tenu des audiences publiques à Kyiv, Kharkiv et Lviv avec divers parlementaires, représentants de la société civile, représentants du gouvernement et autres intéressés.

Dans l’ensemble, les travaux du Comité ont fait ressortir :

  • la nature troublante des récents développements politiques en Ukraine;
  • l’importance fondamentale des prochaines élections législatives;
  • l’absence d’indépendance judiciaire et de primauté du droit;
  • la prévalence de la corruption au sein des différents ordres du gouvernement et niveaux de l’économie; et
  • les liens spéciaux qui continueront à permettre au Canada de jouer un rôle de premier plan dans le processus de développement démocratique et économique en Ukraine.

Les récents développements politiques en Ukraine ont pour toile de fond la centralisation du pouvoir depuis 2010 par l’administration du président Viktor Ianoukovitch aux dépens de la Verkhovna Rada (le parlement). Une série de poursuites à mobile apparemment politique contre des têtes d’affiche de l’opposition et d’anciens dirigeants du gouvernement s’est révélée plus troublante encore. Ioulia Timochenko, ancienne première ministre et candidate à la présidence, est la personnalité la plus en vue à avoir été accusée et condamnée, mais d’autres grands dirigeants, comme l’ancien ministre de l’Intérieur Iouri Loutsenko et l’ancien ministre de la Défense par intérim Valeri Ivachtchenko, ont aussi été arrêtés et condamnés dans le cadre de procédures criminelles qui ne respecteraient pas les normes juridiques ukrainiennes ou internationales. Tous les trois souffriraient de graves problèmes de santé et ne recevraient pas de soins adéquats en prison. Les questions liées au développement démocratique et à la primauté du droit sont au cœur des préoccupations de la communauté internationale à l’endroit de l’Ukraine, et constituent par conséquent l’essentiel du présent rapport.

Alors que l’élection présidentielle de 2010 à l’issue de laquelle le président Ianoukovitch a remporté la victoire par une faible marge sur Ioulia Timochenko a été largement perçue comme étant libre et juste, ce ne fut pas le cas des élections locales qui ont suivi, du moins en partie à cause de modifications de dernière minute aux lois électorales. Dans le même ordre d’idées, nombreux sont ceux qui croient que de récentes modifications au droit électoral par la Cour constitutionnelle ukrainienne, conjuguées à la baisse de popularité du parti au pouvoir, ont grandement augmenté les risques d’abus aux élections prévues en octobre 2012.

Les vues exprimées par de nombreux témoins au cours des réunions du Comité en Ukraine ont convaincu ses membres que le Canada peut et doit continuer à jouer un rôle en aidant ce pays à parvenir enfin à la démocratie et à la prospérité. En règle générale, les préoccupations concernent les obstacles à l’égalité des chances à intervenir dans le processus décisionnel et l’économie. Par contre, les principaux besoins à court terme de l’Ukraine concernent la primauté du droit et la tenue des prochaines élections législatives. Ce n’est pas au Canada de choisir les gagnants de ces élections. Dans l’ensemble, le Comité souscrit à l’argument maintes fois avancé que le Canada doit, de concert avec d’autres, mettre en œuvre tous les moyens raisonnables pour que ces élections soient libres, justes, transparentes et légitimes aux yeux des citoyens de l’Ukraine.

Le Comité présente par conséquent le présent rapport qui contient ses recommandations sur la politique canadienne à l’égard de l’Ukraine. Malgré certaines différences de vues, ses membres sont unanimes quant à l’importance de l’Ukraine, aux grands défis qu’elle doit relever, et à la nécessité pour le Canada de continuer à apporter son aide par le biais d’une politique d’engagement fondée sur des principes.

Perspective historique

Pour comprendre la situation actuelle en Ukraine, il faut en connaître un peu l’histoire. Ukraine veut littéralement dire « frontière » et, pendant des siècles, elle a fait partie d’empires allant de celui de Pologne, de celui austro-hongrois et de celui des Ottomans à la Russie et à l’Union soviétique. L’histoire de l’Ukraine au XXe siècle a été marquée par des événements tragiques et violents, dont l’Holodomor au cours duquel Joseph Staline a délibérément affamé des millions d’Ukrainiens, reconnu comme un génocide par le Canada et d’autres pays.

La Seconde Guerre mondiale a vu l’occupation de l’Ukraine par les Nazis, puis par l’Armée rouge. À Lviv, des témoins ont dit que la population était passée de quelque 300 000 habitants en 1939 à peut-être 50 000 en 1945, 100 000 juifs ayant été tués et autant de Polonais déportés. L’exécution par les Nazis d’un grand nombre de juifs dans la ville de Sambir figure au nombre des atrocités commises durant cette période. En plus de visiter le monument Holodomor à Kyiv, les membres du Comité ont commémoré cette tragédie en visitant le site du massacre de Sambir et en se familiarisant avec les efforts d’un Canadien, Mark Freiman, un ancien président du Congrès juif canadien dont les parents comptaient parmi les quelques survivants de ce massacre, afin que ce qui y a transpiré ne soit jamais oublié et ne se produise plus. Le projet jouit du soutien financier des membres de la communauté ukrainienne du Canada. Les membres du Comité ont tous été très émus par l’expérience et en entendant ce récit.

L’Ukraine était étroitement intégrée aux structures économiques et politiques de l’Union soviétique, fait qui a eu des répercussions économiques et autres même après son indépendance. Alors que l’Est de l’Ukraine entretient toujours des liens solides avec la Russie, l’Ouest de l’Ukraine — longtemps une source de nationalisme ukrainien clandestin — conserve des liens plus étroits avec l’Europe centrale.

L’effondrement de l’Union soviétique est attribuable à de nombreux facteurs, y compris les efforts de réforme de Mikhaïl Gorbatchev. L’accession à l’indépendance de l’Ukraine a aussi joué un rôle crucial. Comme l’ancien conseiller à la sécurité nationale des États-Unis Zbigniew Brzezinski l’a écrit par la suite : « L’autodétermination politique de l’Ukraine a pris Moscou par surprise et servi d’exemple aux autres républiques soviétiques qui lui ont emboîté le pas, quoique plus timidement au début[1]. »

Les décennies qui ont suivi l’indépendance se sont avérées difficiles pour l’Ukraine, qui devait gérer son legs économique et politique tout en essayant de se tracer une nouvelle voie. En octobre 2011, Jillian Stirk, haute fonctionnaire au ministère canadien des Affaires étrangères, a dit au Comité que « [l]e régime soviétique qui existait depuis plus de 70 ans s’est révélé un héritage extrêmement difficile à surmonter. À ce jour, l’Ukraine ne bénéficie pas d’une société civile efficace. Les structures de gouvernance demeurent faibles et la corruption persiste à tous les niveaux de gouvernement et de la société[2]. » Ce point de vue fut confirmé par de nombreux témoins que le Comité a rencontrés en Ukraine. Fait peut-être plus fondamental encore, selon le père Borys Gudzyak de l’Université catholique d’Ukraine à Lviv, après des décennies de violence et de peur, le tissu de la société humaine n’a toujours pas été complètement refait.

LE DÉVELOPPEMENT DÉMOCRATIQUE ET LA PRIMAUTÉ DU DROIT

INTRODUCTION

Depuis son indépendance en 1991, le cheminement de l’Ukraine vers le développement démocratique n’a été ni direct, ni facile. Le pays a été confronté à bon nombre des problèmes qu’ont connus plusieurs autres anciennes républiques soviétiques : la présence d’élites oligarchiques, la corruption et un contexte politique centralisé où les intervenants essentiels au fonctionnement d’une société démocratique — parlementaires, partis politiques, médias, société civile et gouvernements locaux — sont tous relativement faibles et mis à rude épreuve.

Ces difficultés ont été évidentes au cours de la présidence de Leonid Koutchma, qui a gouverné le pays selon un style de plus en plus autocratique de 1994 à janvier 2005. À la fin du deuxième mandat de M. Koutchma, en 2004, un tournant décisif s’est opéré qui allait ébranler la culture politique ukrainienne. Des milliers d’Ukrainiens, rassemblés au sein d’un mouvement bientôt connu sous le nom de Révolution orange, ont refusé les résultats officiels de l’élection présidentielle frauduleuse impliquant le dauphin désigné de M. Koutchma, le premier ministre Viktor Ianoukovitch.

Cependant, malgré les premiers pas positifs du nouveau gouvernement né de la Révolution orange, la rhétorique relative à la réforme politique et le désir de tisser des liens plus étroits avec les institutions de l’Europe de l’Ouest, les années qui ont suivi la Révolution orange ont déçu bien des gens. Les dirigeants politiques de l’opposition — y compris le président Viktor Iouchtchenko et la première ministre Ioulia Timochenko[3] — qui s’étaient unis pour rejeter le résultat électoral annoncé n’ont pas aussi bien su collaborer une fois au pouvoir. Un expert entendu par le Comité, James Sherr de Chatham House, a décrit la trajectoire du développement démocratique de l’Ukraine au cours des cinq dernières années et ses relations avec l’Union européenne en ces termes en avril 2012 : « L’Ukraine n’avait pas un cap bien précis. Elle a navigué tant bien que mal, mais son parcours a fait jaillir une lueur d’espoir et des attentes raisonnables de progrès quant à ces relations[4]. »

Moins de six ans après les manifestations de Kyiv qui avaient fait vibrer la fibre démocratique des Ukrainiens et des observateurs du monde entier, l’acteur central de l’élection frauduleuse de 2004, Viktor Ianoukovitch, revenait au pouvoir à l’occasion de l’élection présidentielle de 2010, mais cette fois à la faveur d’un processus politique jugé libre et équitable. Selon le rapport de la mission d’observation de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), « L’élection présidentielle a respecté la plupart des engagements de l’OSCE et autres normes internationales concernant la tenue d’élections démocratiques et consolidé les progrès réalisés depuis 2004[5] ». M. Ianoukovitch a récolté 48,95 % des votes au deuxième tour de scrutin, contre 45,47 % pour Ioulia Timochenko.

Les premiers mois du gouvernement Ianoukovitch ont offert une stabilité politique relative et ont vu une reprise modérée après le ralentissement marqué de l’économie nationale en 2009, provoqué par la crise économique mondiale. Cependant, des inquiétudes à propos de la trajectoire démocratique de l’Ukraine ont bientôt fait surface à la suite d’irrégularités au cours des élections locales de 2010 et d’une série de poursuites à mobile apparemment politique contre des têtes d’affiche de l’opposition en 2011.

Tout compte fait, alors que la Révolution orange avait fait naître chez plusieurs l’espoir qu’elle allait ouvrir la porte à une plus grande démocratisation de l’Ukraine et à son intégration à l’Europe et à l’Occident en général, les luttes politiques internes et un État de droit hésitant ont compliqué et retardé cette transition. Simple indication d’une tendance inquiétante, l’organisation non gouvernementale Freedom House avait haussé la cote générale de l’Ukraine de « partiellement libre » à « libre » en 2006. Cette cote a cependant été ramenée à « partiellement libre[6] » en 2011. Steven Pifer, agrégé supérieur de la Brookings Institution et ancien ambassadeur des États-Unis en Ukraine, a souligné ce fait au cours de sa comparution devant le comité des relations extérieures du Sénat américain en février 2012. M. Pifer a fait observer que l’Ukraine avait été « le premier état postsoviétique autre que les pays baltes » à obtenir la cote « libre » et « le premier état postsoviétique à perdre la cote “libre”[7] ». Autre mesure de comparaison, aujourd’hui, l’Ukraine partage avec le Tadjikistan une peu flatteuse 152e place sur les 182 pays recensés par l’indice de perception de corruption de 2011 de l’organisation Transparency International. En outre, l’indice de la liberté de presse de 2011-2012 publié par Reporters sans frontières place l’Ukraine au 116e rang sur 179 pays.

L’inquiétude à propos de la trajectoire démocratique de l’Ukraine est l’un des facteurs qui ont incité le Comité à entreprendre une étude sur ce pays et qui ont principalement retenu l’attention lors de ses réunions à Ottawa et en Ukraine. Tout au long de ses travaux d’observation, le Comité a tenu compte de la nécessité de connaître les points de vue d’un large éventail d’intervenants et de membres de la société ukrainienne, pour en arriver à une conclusion éclairée et juste. Par conséquent, les sections qui suivent reflètent les vues du Comité au terme de réunions avec des organisations de la société civile, des groupes de réflexion, des défenseurs des droits de la personne, des politiciens ukrainiens de l’opposition et du parti ministériel, des membres des médias ukrainiens et des représentants du gouvernement de l’Ukraine.

Durant ses réunions en Ukraine, le Comité a cherché à obtenir des réponses aux questions particulières suivantes touchant les progrès du pays vers le développement démocratique et la primauté du droit :

  • L’Ukraine est-elle gouvernée selon la primauté du droit?
  • Existe-t-il en Ukraine un environnement où les organisations de la société civile, les groupes d’opposition et les médias peuvent agir librement et efficacement?
  • Les conditions sont-elles en place en Ukraine pour que le résultat des élections d’octobre 2012 reflète de façon adéquate, légitime et transparente la volonté de l’électorat ukrainien?

Chacune des sections qui suivent fournit un élément de la réponse du Comité à ces trois grandes questions. Ces réponses ont par ailleurs inspiré les recommandations du Comité sur les politiques que le Canada devrait adopter à l’égard de l’Ukraine en matière de diplomatie, de développement et d’économie, qui seront abordées dans le dernier chapitre du présent rapport.

Poursuites à mobile apparemment politique

A. Contexte

L’inculpation et la condamnation subséquente à mobile apparemment politique de personnalités politiques de l’opposition et d’anciens dirigeants du gouvernement ont soulevé des préoccupations particulièrement graves. Dans l’affaire la plus médiatisée, en octobre 2011, l’ancienne première ministre, Ioulia Timochenko, a été condamnée pour abus de pouvoir relativement à une entente gazière passée avec la Russie en 2009. Outre l’imposition d’une peine de sept ans de prison et d’une amende de 190 millions de dollars américains, la condamnation empêchera Mme Timochenko d’occuper un poste gouvernemental pour une période de trois ans après sa libération.

À la fin de 2011, Mme Timochenko a été transférée par les autorités ukrainiennes de Kyiv dans une prison de Kharkiv, ville située dans l’Est de l’Ukraine. Un deuxième procès contre Mme Timochenko, pour des accusations de corruption relatives à l’évasion fiscale et au détournement de fonds qui se seraient produits avant son entrée en politique, a commencé le 19 avril 2012, à Kharkiv. Le 15 mai 2012, à la demande des procureurs publics, une Haute Cour spécialisée dans les affaires civiles et pénales a décidé de reporter jusqu’au 26 juin 2012 son arrêt sur l’appel interjeté de la condamnation initiale. Les procureurs de l’État ont demandé ce report en raison de l’absence de Mme Timochenko de la salle d’audience. Le Comité a appris à Kharkiv que Mme Timochenko avait produit une déclaration indiquant que l’audience pouvait se dérouler sans elle. Il semble y avoir un manque d’uniformité dans l’application des lois ukrainiennes dans ce dernier cas puisque Mme Timochenko n’aurait pas assisté aux audiences antérieures de tribunaux inférieurs. Aucun appel ne peut être interjeté auprès de la Cour européenne des droits de l’homme, qui fait partie du Conseil de l’Europe, tant que les procédures d’appel d’un pays membre n’ont pas été épuisées.

Les critiques internationales de la condamnation de Mme Timochenko n’ont pas tardé à se faire entendre. Il importe de mentionner la réaction de l’Union européenne (UE) qui, après quatre années de négociation, avait prévu de signer un accord d’association avec l’Ukraine devant inclure un accord de libre-échange approfondi et complet. En réponse à la condamnation de Mme Timochenko, l’UE a reporté une rencontre qui avait été prévue avec le président Ianoukovitch en octobre 2011. Des rencontres ont eu lieu entre l’Ukraine et l’UE en décembre 2011, mais aucun accord n’a été signé à ce moment.

Le 30 mars 2012, cinq ans après le début des négociations, l’Ukraine et l’UE ont franchi l’étape technique consistant à parapher le texte de l’accord d’association. Cependant, aucune disposition ne sera mise en œuvre tant que l’UE n’aura pas signé et ratifié l’accord. À la fin d’avril 2012, à son retour d’une mission d’évaluation de Freedom House visant à examiner la situation de la démocratie en Ukraine, Damon Wilson a souligné que « l’Union européenne est peu susceptible de signer et de ratifier un accord tant que Mme Timochenko, le leader de l’opposition le plus en vue de l’Ukraine, est en prison ou avant les élections législatives qui auront lieu à l’automne et qui seront un test crucial de la volonté du gouvernement de permettre un vote libre et équitable[8] ».

Bien que le procès Timochenko ait servi de cible symbolique aux inquiétudes quant à l’érosion du respect des principes démocratiques et de la primauté du droit en Ukraine, il existe d’autres exemples de cette tendance. Comme nous l’avons souligné plus haut, des personnes ayant fait partie du gouvernement de Mme Timochenko ont fait l’objet d’accusations criminelles, notamment l’ancien ministre de l’Intérieur, Iouri Loutsenko, l’ancien ministre de la Défense par intérim, Valeri Ivachtchenko, et l’ancien premier vice-ministre de la Justice, Yevhen Korniychuk.

En réponse, la Commission de l’Assemblée parlementaire pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l’Europe (Commission de suivi) a déclaré que « les charges s’apparentent à une pénalisation post facto de décisions politiques normales[9] ». Les corapporteurs de la Commission de suivi ont fait une observation capitale dans leur exposé des motifs sous-tendant leur conclusion, déclarant :

Nous voudrions au préalable souligner que ces procès ne devraient pas être considérés comme un affrontement entre l’opposition et la majorité au pouvoir mais comme un conflit entre l’État de droit et la garantie de l’accès à un procès équitable pour chaque citoyen ukrainien. Nous ne sommes pas en mesure de juger ces affaires au fond ou la question de la culpabilité ou non des personnes inculpées. Personne, en particulier les principaux responsables politiques, ne doit être au-dessus des lois pour des délits ordinaires. Cependant, les procès intentés à ces membres de l’ancien gouvernement soulèvent des questions importantes concernant la pénalisation des décisions politiques normales et, en conséquence, des accusations à caractère politique. En outre, ces affaires ont mis en évidence un certain nombre de défaillances et de lacunes systémiques du système juridique ukrainien qui fragilisent le droit à un procès équitable et à l’État de droit en Ukraine[10].

En janvier 2012, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (L’Assemblée) a adopté une résolution voulant que les articles du Code pénal ukrainien au champ d’application beaucoup trop large ayant mené aux condamnations en question en soient rapidement retirés et elle a invité les autorités « à lever les charges qui pèsent sur les responsables de l’ancien gouvernement et sont fondées sur ces dispositions[11] ». L’Assemblée a aussi souligné

… que l’évaluation des décisions politiques et de leurs conséquences est une prérogative des parlements et, en fin de compte, de l’électorat, et non des tribunaux. À cet égard, l’Assemblée demande au Président de l’Ukraine d’examiner tous les moyens juridiques à sa disposition pour libérer ces membres de l’ancien gouvernement et leur permettre de se présenter aux prochaines élections législatives. Elle estime que des normes internationales strictes délimitant la responsabilité pénale et politique doivent être élaborées[12].

Le Comité Helsinki pour les droits de l’homme du Danemark, un organisme à but non lucratif de Copenhague, a aussi publié quatre rapports préliminaires sur les trois affaires. Sans résumer en détail les conclusions de ces quatre rapports, il serait utile d’en citer un extrait pour illustrer une fois de plus le lien entre des poursuites sélectives et la primauté du droit en Ukraine. Le troisième rapport préliminaire a fait ressortir ce qui suit en ce qui concerne le rôle du bureau du procureur général dans le procès de Mme Timochenko :

Suivant une tradition qui est heureusement inconnue dans la plupart des pays européens, le 28 octobre 2011, lors d’une émission télévisée, le procureur général adjoint Kuzmin rendait publics une série d’allégations et de soupçons pesant contre Ioulia Timochenko et d’autres personnes, lesquels n’avaient pas encore mené à des accusations formelles. Un tel comportement de la part d’un procureur très haut placé viole le principe fondamental de la primauté du droit que constitue la présomption d’innocence et jette un grave doute sur l’objectivité et la nature apolitique du bureau du procureur général lorsqu’il aura à décider à l’avenir s’il y a lieu d’intenter des poursuites. Un procureur est censé évaluer objectivement le résultat d’une enquête et pouvoir ainsi décider en toute connaissance de cause s’il existe suffisamment de preuves pour porter des accusations et intenter un procès. Compte tenu du taux quasi inexistant d’acquittement (99,8 % des accusés sont reconnus coupables par les tribunaux ukrainiens), des déclarations aussi prématurées compromettent tout le système de justice pénale et justifient les doutes sur la tenue d’un juste procès[13].

Le deuxième rapport préliminaire mettait en évidence des questions concernant la sélection des juges pour les trois affaires, le peu de temps alloué pour la préparation de la défense et la clarté insuffisante des accusations portées, entre autres problèmes[14].

Le 27 février 2012, M. Loutsenko a été condamné à quatre années d’emprisonnement pour abus de pouvoir et détournement de fonds. Lors de sa comparution devant le Comité en mars 2012, Halyna Coynash, du Kharkiv Human Rights Protection Group, a indiqué que :

Les témoins de l’accusation ont déclaré devant le tribunal que les actes qui lui sont reprochés étaient en réalité, et sont encore, pratique courante dans son ministère, ce qui n’empêche pas qu’il a été condamné à quatre ans d’emprisonnement. Il y a eu de très graves transgressions de la règle de droit. Des témoins ont déclaré en cour qu’ils avaient subi des pressions de l’enquêteur et que ce dernier leur avait en fait dicté ce qu’ils devaient dire. Bien que tout cela ait été déclaré pendant le procès, on n’en a pas tenu compte[15].

Le 12 avril 2012, après 18 mois de détention avant le procès, M. Ivachtchenko a été condamné à cinq ans d’emprisonnement pour abus de pouvoir. Le 17 avril 2012, la Cour européenne des droits de l’homme du Conseil de l’Europe — un tribunal international ayant compétence « pour statuer sur des requêtes individuelles ou étatiques alléguant des violations des droits civils et politiques énoncés par la Convention européenne des droits de l’homme[16] » — a tenu une audience dans l’affaire Loutsenko c. Ukraine, M. Loutsenko « se plaignant de ne pas avoir été informé des raisons de son arrestation et soutenant que celle-ci et la décision de le placer en détention ont été arbitraires et irrégulières[17] ». La Cour n’a pas encore rendu de décision dans l’affaire.

B. Ce que le Comité a appris en Ukraine

Pendant son séjour en Ukraine, le Comité a rencontré Eugenia Timochenko, fille de l’ancienne première ministre Ioulia Timochenko; Serhiy Vlasenko, député ukrainien et avocat de Mme Timochenko; Iryna Loutsenko, femme de l’ancien ministre de l’Intérieur Iouri Loutsenko; Ihor Fomin, avocat de M. Loutsenko; Valentina Ivachtchenko, femme de l’ancien ministre de la Défense par intérim Valeri Ivachtchenko; Boris Nechiporenko, avocat de M. Ivachtchenko; et Hryhoriy Nemyria, ancien vice-premier ministre de l’Ukraine et actuellement conseiller en politique étrangère de Mme Timochenko. Ces témoins ont présenté au Comité un compte rendu détaillé des accusations qui ont été portées contre Mme Timochenko, M. Loutsenko et M. Ivachtchenko, des procédures qui ont suivi et de la situation à laquelle ces trois personnes ont été confrontées tout au long de cette période.

Le Comité a été mis au courant des pressions politiques exercées sur ces trois prisonniers. Les témoins mentionnés ci-dessus ont tous indiqué que Mme Timochenko, M. Loutsenko et M. Ivachtchenko avaient été la cible de poursuites judiciaires en raison de leur affiliation politique et du fait qu’ils sont des opposants politiques du régime en place. On a aussi donné à entendre que le gouvernement actuel pourrait s’en être pris à eux pour des motifs personnels, y compris les mesures mises en œuvre lorsqu’ils étaient au pouvoir pour combattre la corruption et l’impunité et accroître l’intégrité du processus électoral ukrainien. Les témoins ont souligné que peu d’Ukrainiens croient en l’indépendance des tribunaux ukrainiens, et qu’ils sont en fait sous la férule du bureau du procureur de l’État. Certains sont allés jusqu’à dire que le bureau du procureur de l’État reçoit des instructions ou des ordres des paliers supérieurs du gouvernement Ianoukovitch, voire du président lui-même.

Le Comité a appris que Mme Timochenko, M. Loutsenko et M. Ivachtchenko avaient fait l’objet de mauvais traitements en prison, dont une surveillance vidéo constante et d’autres formes de surveillance. Elles ont été victimes d’atteintes à leur vie privée, sous la forme notamment de divulgation de leur dossier médical et d’autres informations personnelles. Dans certains cas, l’accès des visiteurs, y compris leurs avocats, a été limité. Mme Timochenko aurait également été victime de violence physique. Le Comité a aussi été informé du fait que l’audience de Mme Timochenko devant le tribunal en décembre 2011, relativement à la deuxième série d’accusations portées contre elle, s’était tenue dans sa cellule pendant 12 heures parce qu’elle était alitée pour cause de maladie.

La santé des trois prisonniers soulève de profondes inquiétudes. Mme Timochenko souffre de graves maux de dos depuis des mois. Le Canada a joué un rôle clé en négociant l’accès de trois médecins canadiens et de deux médecins allemands qui faisaient partie d’une commission médicale internationale chargée d’évaluer la santé de Mme Timochenko sur une période de deux jours au début de février 2012. L’ambassadeur du Canada en Ukraine fut l’un des premiers ambassadeurs étrangers autorisés à la visiter en prison. Cependant, à la fin d’avril 2012, les autorités carcérales ayant apparemment tenté de la déménager contre son gré dans un centre hospitalier dirigé par des médecins locaux, elle a entrepris une grève de la faim en prison. À Kharkiv, le Comité a appris que durant les deux jours qui ont suivi cette tentative de déménagement, l’avocat de la défense de Mme Timochenko n’avait pas été autorisé à lui rendre visite. Des photos des blessures qu’aurait subies Mme Timochenko lors de cet incident ont été prises et rendues publiques par l’ombudsman ukrainien, qui a quitté son poste depuis. Le Comité a appris pendant son séjour en Ukraine que celle-ci avait quitté le pays à cause de menaces d’atteinte à sa sécurité personnelle.

 La santé de M. Loutsenko et de M. Ivachtchenko est très préoccupante et a suscité moins d’attention sur la scène internationale. M. Loutsenko souffrirait de diabète et de problèmes du foie. Mme Ivachtchenko a également indiqué au Comité que son mari avait été privé de son droit à une aide médicale qualifiée; toutes les demandes d’aide de ce type ont été rejetées.

La réaction du gouvernement Ianoukovitch à l’intensification des pressions internationales découlant des inquiétudes quant à la détérioration de l’État de droit en Ukraine a été plutôt modérée. Par exemple, au début de mars 2012, les ministres des Affaires étrangères de la Suède, de la Grande-Bretagne, de la République tchèque, de la Pologne et de l’Allemagne ont fait parvenir au New York Times une lettre conjointe dans laquelle ils faisaient état en ces termes de l’inquiétude de l’Europe face à la régression démocratique en Ukraine :

Les développements en Ukraine au cours des deux dernières années nous font douter des intentions de Kiev relativement aux valeurs fondamentales sous-tendant à la fois l’accord et nos relations dans un sens plus général[18].

Le ministre des Affaires étrangères de l’Ukraine, Kostyantyn Gryshchenko, a publié une réponse à cette lettre, dans laquelle il affirmait que l’Ukraine adhérait aux valeurs européennes et avait entrepris un « ambitieux programme de réformes ». Il a comparé les procès pour corruption des dirigeants de l’opposition ukrainiens à ceux qui ont été intentés dans d’autres pays en ajoutant que : « Le principe est le même : quelle que soit la décision du tribunal, elle doit être respectée — au pays et à l’étranger. Pour la contester, il faut s’adresser à un tribunal supérieur[19]. »

Cette réponse fait écho à certains des témoignages présentés au Comité par des représentants du gouvernement ukrainien durant ses réunions à Kyiv où il a rencontré : Natalia Kovtun, chef de section/chef adjointe au bureau du procureur général; Andriana Kultchytska, chef du service international de l’ombudsman des droits de la personne de la Verkhovna Rada; Vlad Klysha, chef de la coopération internationale au Service pénitentiaire de l’Ukraine; Robert Sivers, directeur intérimaire de la législation anticorruption et du service de la justice au ministère de la Justice; et Svitlana Komyshko, directrice du service chargé de la législation internationale et de la coopération au ministère de la Justice. Ce groupe de témoins a fourni au Comité très peu d’information ou d’explications sur les poursuites, leur fondement en droit ukrainien et les mesures de protection qui existent en Ukraine pour assurer un juste procès et un traitement équitable en vertu de la loi. La plupart de ces témoins ont simplement indiqué qu’ils assistaient à la réunion pour documenter les préoccupations du Comité et maintenir le dialogue. Les témoins ont également indiqué que l’actuel Code pénal de l’Ukraine s’apparente étroitement aux lois de l’ère soviétique et que, malgré certaines réformes, des questions demeurent en suspens. Un nouveau Code pénal a été adopté par le Parlement de l’Ukraine en avril 2012, mais n’est pas encore entré en vigueur.

Peu avant la visite du Comité en Ukraine, un sommet des dirigeants de l’Europe centrale qui devait avoir lieu à Yalta, en Ukraine, les 11 et 12 mai 2012, a été annulé suite à la décision de nombreux dirigeants de ne pas y assister. Les inquiétudes de l’Europe à propos du bilan démocratique de l’Ukraine ont aussi été propulsées à l’avant-scène du fait que l’Ukraine sera l’hôte avec la Pologne du Championnat d’Europe de football du 8 juin au 1er juillet. Or, le 30 avril 2012, le président de la Commission européenne, Jose Manuel Barroso, a annoncé qu’il n’assisterait pas au championnat si la situation des droits de la personne en Ukraine ne s’améliorait pas grandement et rapidement.

Nul ne sait si ces manœuvres diplomatiques ont eu une grande incidence sur les gestes et l’attitude du gouvernement ukrainien. Mme Timochenko, M. Loutsenko et M. Ivachtchenko demeurent incarcérés. Sur une note positive, Mme Timochenko a commencé à recevoir des soins médicaux en mai sous la supervision d’un médecin allemand[20].

À Kharkiv, le Comité a rencontré l’adjoint au maire et un représentant de l’administration d’État de la région de Kharkiv, ainsi que deux membres du conseil de l’oblast de Kharkiv qui sont également membres du Parti des régions du président Ianoukovitch. En plus de discuter de questions régionales et locales, les membres du Comité ont émis des craintes au sujet des poursuites à mobile apparemment politique et souligné la nécessité pour Mme Timochenko, M. Loutsenko et M. Ivachtchenko de recevoir des soins médicaux adéquats et immédiats. Les membres du Parti des régions leur ont répondu que les enquêtes se poursuivaient dans ces affaires et que les procédures d’appel suivaient leur cours, mais qu’il était possible que les trois accusés finissent par purger une peine de détention à domicile, selon une nouvelle disposition en Ukraine, plutôt qu’en prison. Les membres du Parti des régions ont aussi mentionné que l’ancien président Leonid Koutchma avait été assigné à témoigner le jour même relativement à l’affaire du meurtre Gongadze — M. Koutchma a été accusé d’avoir ordonné l’enlèvement et le meurtre du journaliste Georgiy Gongadze en 2000 — ce qui prouve, ont-ils soutenu, que le système judiciaire de l’Ukraine fonctionne. À leur avis, l’Ukraine progresse sur la voie de la démocratisation.

Dans l’ensemble, le Comité estime que les circonstances et le choix du moment des poursuites et la façon dont elles se sont déroulées soulèvent des doutes sérieux au sujet de la primauté du droit en Ukraine. En outre, leur nature sélective porte à croire qu’elles auraient pu être inspirées par un mobile politique. Le Comité a entendu à maintes reprises parler de la corruption qui s’est emparée des couches supérieures de l’État et de la société, ainsi que de la fusion des intérêts politiques et économiques en Ukraine, mais ces poursuites visaient un très petit groupe d’individus politiquement actifs à un moment bien précis. Le Comité a aussi été mis au fait d’un certain nombre de problèmes concernant les poursuites judiciaires mêmes, et notamment l’indépendance des juges en cause et l’équité des procès en général. Les trois prisonniers sont devenus un symbole mondial de l’état actuel de la démocratie en Ukraine. Cela dit, le Comité tient à préciser que ses craintes n’ont rien de personnel; elles découlent plutôt de la nécessité du plein respect de la primauté du droit en Ukraine.

C’est pour toutes ces raisons que le Comité a décidé, pendant qu’il était à Kharkiv, de poser un important geste symbolique en se rendant à la prison où Mme Timochenko avait été détenue ainsi qu’aux portes du complexe hospitalier où elle reçoit des soins pour constater lui-même les conditions de détention. À l’extérieur de l’hôpital, les députés ont discuté de leurs préoccupations avec les citoyens et les journalistes ukrainiens concernant l’application sélective du principe de la primauté du droit en Ukraine, et demandé la pleine protection des droits de la personne pour ceux qui ont reçu des peines d’emprisonnement, y compris des soins médicaux immédiats et acceptables. Les citoyens ukrainiens dans la foule tenaient à exprimer leurs préoccupations aux membres du Comité. Le chef de la délégation du Comité et secrétaire parlementaire du ministre des Affaires étrangères, Bob Dechert, a longuement discuté de ces questions avec les médias locaux qui étaient présents aux portes de l’hôpital.

Durant sa visite en Ukraine en mars 2012, M. Dechert avait officiellement demandé aux autorités ukrainiennes l’autorisation de rendre visite à Mme Timochenko, ce qui lui avait été refusé. Lors de sa visite en Ukraine, le Comité a officiellement demandé par écrit par l’intermédiaire de l’ambassadeur canadien et l’ambassade au service pénitencier de l’Ukraine l’autorisation de rendre visite à Mme Timochenko. Il a finalement été informé au moyen d’un appel téléphonique de l’ambassade canadienne — protocole habituel en Ukraine — que sa requête avait été refusée.

Indépendance judiciaire

L’indépendance judiciaire est une autre question importante liée à la primauté du droit. La Commission pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) et l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe[21] (APCE) ont soulevé des préoccupations de longue date quant à cette question en Ukraine. L’indépendance judiciaire et les directives de plus en plus fréquentes données aux juges par l’exécutif sont d’autres questions que les témoins ont soulevées à maintes reprises durant les réunions du Comité en Ukraine, surtout dans le contexte des poursuites intentées contre Mme Timochenko, M. Loutsenko et M. Ivachtchenko. Lors de ses réunions en Ukraine, le Comité s’est fait dire qu’une délégation de juges canadiens visitait le pays pour discuter des questions de magistrature en Ukraine[22]. Le deuxième rapport préliminaire du comité Helsinki du Danemark, mentionné précédemment, a mis en évidence en ces termes les préoccupations générales à propos de l’indépendance judiciaire et de l’impartialité des poursuites judiciaires en Ukraine :

Aux termes de l’article 6.2 de la Convention européenne des droits de l’homme, toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie. Toutefois, seulement 0,2 % des personnes accusées sont acquittées par les tribunaux en Ukraine contre environ 10 % dans d’autres pays. En 2010, les tribunaux ukrainiens ont agréé 88 % des demandes de détention préventive comme mesure de précaution. Ces chiffres sont fort représentatifs d’un pouvoir judiciaire qui est trop empressé de donner suite aux allégations de la poursuite et qui a beaucoup trop peur de protester. Le taux de réussite des enquêtes atteint un pourcentage inquiétant de 90 %, bien supérieur à celui auquel il faut s’attendre dans les pays ayant une tradition de respect des droits du défendeur. Il n’est pas surprenant que quiconque fait l’objet d’une enquête ou a été accusé se considère déjà comme condamné par l’appareil judiciaire et lutte pour sa liberté par des moyens autres que judiciaires, et que les titulaires de charge publique soient tentés de faire des déclarations comme si le défendant avait déjà été reconnu coupable. C’est la tradition dans laquelle bien des gens ont grandi à l’époque soviétique[23].

En 2011, on a demandé à la Commission de Venise un avis sur le projet de loi ukrainienne portant modification de la loi sur le judiciaire et le statut des juges et d’autres textes législatifs de l’Ukraine. La Commission a formulé les remarques d’ordre général suivantes dans son avis :

Le nouveau projet de loi soumis pour avis constitue une amélioration par rapport aux propositions antérieures dans ce domaine. Il tient compte de beaucoup de recommandations formulées auparavant par la Commission de Venise. Celles qui n’ont pas été prises en considération dans le nouveau texte concernent avant tout des dispositions constitutionnelles dont la modification suppose un amendement de la Constitution. Ainsi, le rôle de la Verkhovna Rada (parlement) dans la nomination et la révocation des juges, que la Commission a critiqué parce qu’il politise la fonction de juge, l’immunité des magistrats contre les poursuites que la Commission a déjà critiquée et le rôle joué par le Président dans la nomination et la révocation des juges. Le nouveau projet de loi a partiellement renversé la décision antérieure de priver de fait la Cour suprême d’une grande partie de ses compétences et semblerait rétablir sa position d’instance suprême du système judiciaire[24].

Un rapport de janvier 2012 de la Commission de suivi de l’APCE mentionnait aussi le processus de nomination des juges parmi les divers autres problèmes nuisant à l’intégrité de l’appareil judiciaire de l’Ukraine, y compris, par exemple, les avantages dont jouit la poursuite par rapport à la défense. En Ukraine, les juges sont d’abord nommés pour une période de cinq ans, ce qui crée essentiellement deux catégories de juges, ceux qui sont nommés sur une base d’essai et ceux qui sont nommés à vie. La Commission de suivi a fait observer que cette période de cinq ans « peut exercer une influence injustifiée sur la décision des juges pendant cette période » et soutenu que « la nomination des juges qui auront à juger des affaires sensibles du point de vue politique est contestable ». Selon ce rapport, le fait que la majorité des juges dans l’affaire concernant Mme Timochenko « soient encore dans leur période d’essai soulève des questions quant à l’indépendance de ces tribunaux et de ces procédures à l’égard des intérêts politiques de la majorité au pouvoir[25] ».

Dans la veine des constatations de la Commission de Venise sur l’indépendance du pouvoir judiciaire, une résolution adoptée par l’APCE, en janvier 2012, invitait les autorités ukrainiennes, parmi bien d’autres dispositions, à supprimer ou à tout le moins raccourcir considérablement la période d’essai de cinq ans pour les juges et à retirer le Parlement ukrainien (la Verkhovna Rada) du processus de nomination. Toujours selon cette résolution, les juges ne devraient pas instruire d’affaires politiquement sensibles ou complexes pendant leur période d’essai[26].

Les membres du Comité ont été informés d’autres préoccupations concernant l’indépendance judiciaire en Ukraine durant les réunions du Comité. Par exemple, les juges peuvent être sélectionnés à la Cour constitutionnelle d’Ukraine de manière à ce que cela favorise l’exécutif, étant donné que la Cour a ainsi toute latitude pour modifier la loi électorale du pays. Le Comité a également été informé d’un cas où le juge qui instruisait une affaire faisait lui-même l’objet d’une enquête.

L’environnement de la société civile

Un environnement favorable à la société civile est essentiel à toute démocratie. Le Comité a rencontré diverses organisations de la société civile lors de son voyage en Ukraine et constaté que celle-ci offre un portrait nuancé.

Le Comité a été encouragé et impressionné par la ténacité et le dévouement de ces organisations qui réussissent à faire un travail remarquable malgré des ressources limitées et les tactiques auxquelles peuvent parfois recourir les autorités pour exercer des pressions sur elles. Le Comité a aussi été encouragé par ce qu’il a entendu au sujet de la participation des jeunes Ukrainiens à la société civile. Néanmoins, le Comité s’est laissé dire à maintes reprises que le financement est un problème qui nuit aux activités de nombreux groupes de la société civile et qui est relié à la stratification économique du pays. Sans une classe moyenne forte, pivot de l’engagement civique, il est difficile d’imaginer de généreux dons privés de petites entreprises ou de particuliers, ou une plus vaste contribution à la société. Il est très important pour les groupes que le Comité a rencontrés de conserver leur indépendance, ce qui serait inévitablement compliqué s’ils recevaient une aide du gouvernement central ou d’oligarchies locales.

Les groupes sont aussi aux prises avec des difficultés opérationnelles attribuables aux inscriptions et restrictions concernant l’accès à l’information — en dépit de l’existence d’une loi sur l’information publique — et la capacité de se livrer à leurs activités et de se réunir sans être harcelés. De manière générale, les témoins n’avaient guère l’impression que le gouvernement fait grand cas du travail et des recommandations des organisations de la société civile. Ils se sentent exclus du processus décisionnel. En règle générale, un des obstacles à une plus grande participation civique et publique en Ukraine est la méfiance profonde et historique à l’endroit du gouvernement chez les citoyens du pays. En effet, le Comité s’est fait dire que la société ukrainienne faisait toujours très peu confiance à ses institutions, à l’exception de l’Église à l’égard de laquelle le degré de confiance se situe entre 30 et 40 %. Cette situation fait en sorte que les citoyens s’intéressent avant tout à leurs relations personnelles.

Les témoignages entendus par le Comité en mars illustrent le portrait nuancé de la société civile. D’une part, Oleh Rybachuk a dit au Comité que la société civile « fait l’objet de plus en plus de pressions des services secrets qui veulent contrôler son activité ». D’autre part, selon Alyona Hetmanchuk : « La société civile est encore beaucoup plus forte et plus active en Ukraine que dans les pays voisins. Paradoxalement, deux années de présidence Ianoukovitch ont donné une deuxième vie à la société civile en Ukraine, je crois[27]. » Tous ceux qui ont comparu devant le Comité s’entendaient sur l’importance du rôle de la société civile dans le développement démocratique de l’Ukraine, car les organisations qui en font partie remplissent des fonctions allant de l’observation des élections et du renforcement de la primauté du droit et des droits de la personne à la dénonciation de la corruption et au règlement de questions liées à la problématique homme-femme et à la jeunesse.

À Kharkiv et à Lviv, le Comité a rencontré un vaste éventail d’acteurs de la société civile, dont : Yevhen Zakharov, directeur du Groupe de défense des droits de la personne de Kharkiv; Olga Miroshnyk, de la Fondation pour la démocratie locale; Angelina Soldatenko, directrice exécutive de l’Institut pour la presse régionale et l’information; Ruslan Zabily, directeur du musée de la prison de la rue Lonsky; ainsi que Yaroslav Hrytsak et Borys Gudzyak, respectivement professeur et recteur de l’Université catholique d’Ukraine. Le Comité a appris que la société civile ukrainienne est confrontée aujourd’hui à deux grandes séries de défis — l’une qui découle de l’autoritarisme rampant qui influe sur son environnement et l’autre qui a trait à la capacité et à l’efficacité.

En ce qui concerne l’autoritarisme rampant, selon les témoins entendus, le gouvernement actuel se sert de différents organes de l’État pour intimider et maintenir un contrôle sur la société, y compris le SBU (Service de sécurité d’Ukraine), le bureau du procureur, le ministère de l’Intérieur et même les percepteurs des impôts. Un témoin a soutenu que le SBU se comporte de plus en plus comme un organisme local d’application de la loi et que la police est utilisée à des fins politiques. Le père Gudzyak, recteur de l’Université catholique d’Ukraine, a aussi dit au Comité que le ministère de l’Éducation servirait même à exercer des pressions en dépouillant de leur accréditation les établissements d’enseignement qui osent s’exprimer, ce qui oblige la majorité à se taire. L’intimidation des établissements d’enseignements en Ukraine est par conséquent un problème tout comme la nécessité d’une liberté université et religieuse.

Un cas particulièrement troublant a été porté à l’attention du Comité, celui du musée et centre de recherche situé sur l’emplacement de l’infâme prison de la rue Lonsky où des prisonniers politiques ont été détenus durant l’ère soviétique. Le directeur a décrit en détail le harcèlement dont ses collègues et lui-même ont été victimes. À un moment donné, M. Zabily a été arrêté dans la rue et interrogé pendant des heures sur le mouvement de libération, les documents en sa possession, ses contacts à l’étranger, etc. On lui a confisqué du matériel et recommandé d’abandonner ses travaux de recherche. Il a dit au Comité que, malgré les risques auxquels il s’exposait, s’il s’était tu et avait accepté de se départir du produit de son travail, la même chose serait arrivée à l’un de ses collègues qui étudie lui aussi l’histoire de l’Ukraine au XXe siècle. Il a donc fait un choix et étalé son histoire au grand jour. Pour M. Zabily, c’est là une des grandes victoires de la jeune démocratie en Ukraine — les jeunes ont moins peur de défendre leurs droits sur la place publique que leurs aînés.

En ce qui concerne la question de la capacité, le Comité a été informé des difficultés rencontrées par les organisations de la société civile pour ce qui est de collaborer, d’établir des objectifs communs et de former un mouvement plus cohésif. Elles peuvent se faire concurrence, mais il ne faudrait pas pour autant sous-estimer leur impact potentiel en Ukraine. Comme Borys Tarasyuk l’a dit au Comité en mars :

La victoire de la démocratie en Ukraine à l’issue de la révolution orange est attribuable au fait que la société civile était bien établie. Bon nombre d’analystes avaient des doutes quant au degré de maturité de la société civile ukrainienne avant 2004, mais cette année-là, il a été démontré que la société civile était très solide dans ce pays, et qu’elle était un rouage très influent de la démocratisation de l’Ukraine[28].

La plupart des organisations de la société civile rencontrées par le Comité ont insisté sur la nécessité de la formation et du renforcement de leurs capacités pour pouvoir mieux jouer leur rôle dans leurs collectivités. Elles souhaitent obtenir une aide pour diverses activités et fonctions, qu’il s’agisse de l’analyse et du suivi de la législation, d’outils d’accès à l’information ou de stratégies de financement et de gestion budgétaire. Cette aide est nécessaire parce que les organisations de la société civile ont besoin de renforcer leurs processus et leur compréhension de la façon de s’organiser, d’accéder au gouvernement et de s’investir dans le développement communautaire. La société civile a besoin de ces outils de manière à pouvoir en retour sensibiliser le public aux questions importantes et renforcer le dialogue public. Comme les témoins l’ont dit au Comité, le manque de confiance du public dans le gouvernement a engendré la passivité et, conjugué aux difficultés économiques, fait en sorte que seul compte le fait de joindre les deux bouts. Comme l’a expliqué Mme Soldatenko, ce défi n’est pas nouveau. Plus de la moitié de la société ukrainienne a de tout temps connu une gestion autoritaire, et a donc une moins grande expérience des mécanismes de la société civile et une moins bonne compréhension de ses droits et de la façon d’obtenir de l’information. À son avis, il faut avant tout renseigner les citoyens sur les principes de la démocratie et la façon d’utiliser les instruments de la démocratie. Dans l’ensemble, le Comité a eu l’impression que la société civile et les gouvernements, notamment à l’échelon local, doivent chercher à améliorer leur engagement mutuel et leur intervention communautaire.

Un aspect important de cette conclusion générale concerne l’engagement des jeunes, aspect crucial pour le développement de la société civile. On a aussi dit au Comité que les jeune Ukrainiens profitent depuis quelques années des voyages à l’étranger, des échanges avec les pays occidentaux et d’autres formes de programmes de soutien à la formation. Ces expériences leur permettent de contribuer leur savoir, leurs compétences, leur information et leurs nouvelles perspectives à leurs organisations, universités ainsi qu’à la société en générale. Taras Kuzio, chercheur invité chevronné à l’Université Johns Hopkins, a parlé de cette question en comparant le contexte politique en Ukraine à celui de la Géorgie voisine, deux anciens États membres de l’Union soviétique. Il a dit au Comité que,

L'âge moyen d'un membre du gouvernement en Georgie est 30 ans, tandis qu'il est de 60 ans en Ukraine. Cela signifie que la génération de Brejnev est au pouvoir en Ukraine. La génération au pouvoir en Géorgie est une génération dont les membres ont tous été formés et éduqués en Occident. […] Les conséquences sont très nettes. La Géorgie aujourd'hui a l'un des plus faibles taux de corruption au monde, comparable à celui du Canada, des États-Unis et de nombreux pays d'Europe de l'Ouest […] Il est absolument important d'amener de jeunes Ukrainiens au Canada, aux États-Unis et en Europe de l'Ouest, parce qu'il est à espérer qu'un jour, ils seront au pouvoir[29].

La valeur de cette expérience fait en sorte qu’ils sont nombreux à craindre la possibilité d’un isolement croissant de l’Ukraine par rapport à l’Europe, ce qui pourrait freiner ce type d’ouverture.

Liberté des médias?

Le rôle des médias et la liberté de presse en Ukraine offrent aussi un portrait nuancé. En général, le Comité a appris que la télévision demeure le média prépondérant en Ukraine et que de nombreuses stations de télévision sont contrôlées par des intérêts commerciaux progouvernementaux. La plus grande partie de l’information indépendante est transmise au moyen d’Internet et de petites stations de télévision. Toutefois, les auditoires et les ressources sont beaucoup plus limités dans ce dernier cas. Les citoyens ukrainiens n’ont pas normalement accès aux médias occidentaux parce que la majorité de la population n’a pas les moyens de se payer des services de nouvelles par câble.

Un témoin entendu à Ottawa, Alyona Hetmanchuk de l’Institute of World Policy, a fait remarquer l’existence de certaines tendances positives en ce qui a trait aux médias. Des émissions-débat de nature politique sont encore diffusées en direct en Ukraine et donnent la parole tant aux représentants du gouvernement que de l’opposition. Les médias sociaux et les sites Web d’information se répandent et leur utilisation s’intensifie chez les Ukrainiens, et il est permis aux journalistes d’enquête d’exercer leur métier. Mme Hetmanchuk a cependant aussi souligné que, dans le cadre d’une tendance négative existant depuis longtemps, « les médias les plus populaires appartiennent aux oligarques ukrainiens, lesquels tiennent avant tout à être en bons termes avec les autorités […] Il [est] normal pour eux de téléphoner aux directeurs ou aux rédacteurs en chef des chaînes de télévision pour les menacer[30]. » En fait, la chaîne télévisée la plus populaire — Inter TV — appartient à l’ancien directeur du SBU (Service de sécurité d’Ukraine). Des témoins ont indiqué que le contrôle de l’État sur la télévision est indirect — selon les estimations, la part de l’État ne représente officiellement que 1,5 % du marché. Le reste appartient à des intérêts privés et en grande partie progouvernementaux.

Selon d’autres témoins, la situation budgétaire précaire dans laquelle se trouvent la plupart des stations de télévision et journaux indépendants est l’un des principaux obstacles à la liberté des médias en Ukraine. Pour ces voix indépendantes, l’autonomie financière représente un défi constant. Aucun des récents gouvernements de l’Ukraine n’a proposé la création d’un système de radiodiffusion public et les chaînes existantes se disputent les maigres revenus d’un tout petit marché publicitaire. C’est dans ce contexte qu’Ihor Pochynok, rédacteur en chef du journal l’Express, a proposé au Comité la création par des entreprises canadiennes d’un fonds d’investissement sans but lucratif sur lequel des prêts pourraient être consentis aux organismes médiatiques d’Ukraine à des taux d’intérêt standards pour qu’ils aient accès aux capitaux dont ils ont tant besoin. Grâce à l’accès à de tels capitaux à faible coût, a-t-il dit, son entreprise est passée d’un journal tiré à 19 000 exemplaires à 18 journaux régionaux.

La vie est difficile pour les médias indépendants non seulement sur le plan économique, mais aussi sur le plan politique. Plusieurs témoins ont dit au Comité que la liberté d’expression et la marge de manœuvre des journalistes diminuent. C’est particulièrement le cas pour les journalistes qui travaillent dans les provinces à l’extérieur de Kyiv. Lorsqu’il a été question de la précarité de l’industrie, M. Pochynok a expliqué qu’à n’importe quel moment quelqu’un pouvait décider de fermer un journal. Les médias font constamment l’objet d’une surveillance étroite de la part des organismes de réglementation de l’État.

Un exemple concret d’une telle situation a été présenté au Comité à Kharkiv. La chaîne de télévision ATN d’Oleh Yukht a perdu son droit d’antenne en dépit du fait qu’il possédait tous les documents et permis nécessaires. M. Yukht en a appelé au tribunal pour restaurer sa présence à l’antenne, mais il a été forcé entre-temps de mettre à pied 60 % de son personnel. À son avis, on en est presque au point où les médias de masse sont entièrement sous le contrôle des autorités. Seuls les journalistes Internet qui réussissent à survivre ont la possibilité d’émettre des opinions contraires tandis que les sources indépendantes au sein des médias traditionnels disparaissent graduellement. La liberté individuelle d’expression existe sur les sites Internet et dans les médias sociaux, mais les occasions d’exprimer des vues différentes à plus grande échelle par le biais des médias de masse sont beaucoup plus limitées. Malheureusement, il y a aussi un écart grandissant entre le contenu des médias Internet et celui des médias de masse traditionnels. Comme Serhiy Leschenko, rédacteur en chef de l’Ukrainska Pravda, l’a dit au Comité à Kyiv, aujourd’hui, tout ce qui est publié sur Internet a tendance à y mourir. Les autres médias s’y intéressent peu. Pour M. Leschenko, c’est presque comme si on assistait à la naissance de deux mondes de l’information parallèles. Le problème, bien entendu, c’est que l’un de ces deux mondes — qui ne critique rien — est beaucoup plus dominant et plus omniprésent que l’autre.

Le Comité est resté sous l’impression générale que même s’il existe des médias indépendants, ceux-ci sont confrontés à d’importants défis financiers et autres, et soumis à des pressions croissantes, notamment à des messages réprobateurs, voire de l’intimidation de la part des autorités gouvernementales lorsque leurs reportages ne correspondent pas à la version officielle. Il tient à souligner que la liberté des médias n’est pas une question abstraite de droits de la personne. La capacité des citoyens d’obtenir une information équilibrée et de sources indépendantes sur ce qui se passe dans toutes les régions et tous les segments de leur société, d’entendre différents points de vue et de comprendre leurs choix a une incidence directe sur leur participation politique et, en définitive, sur le résultat des élections.

L’environnement politique

Durant ses réunions à Ottawa et en Ukraine, le Comité a entendu de nombreuses opinions au sujet des conditions politiques actuelles en Ukraine. Il a rencontré des membres du BiouT (le « Parti de la patrie » d’Ioulia Timochenko), du parti Front Zmin (le « Front pour le changement »), du parti Udar (« Punch » en ukrainien), du parti Svoboda (« Liberté »), du parti Hromadianska Pozytsiya (« Position civile ») et du Parti républicain chrétien, de même que des représentants au niveau des oblasts du parti au pouvoir, le Parti des régions du président Ianoukovitch.

À bien des égards, les membres du Comité ont été frappés par la diversité des partis de l’opposition et par l’ouverture des politiciens de l’opposition rencontrés qui lui ont tous paru capables d’exprimer leurs opinions politiques, y compris de graves reproches à l’endroit du gouvernement Ianoukovitch. Par ailleurs, ces derniers l’ont aussi entretenu des obstacles et des pressions auxquels les groupes de l’opposition sont en butte, notamment de nature législative et administrative, qui limitent leur marge de manœuvre et leur capacité d’établir une communication efficace avec les citoyens ukrainiens. Bon nombre de ces problèmes sont imputables à la corruption envahissante qui semble entacher de plus en plus la politique ukrainienne, et à l’influence rampante des intérêts commerciaux et des élites oligarchiques dans la sphère politique. C’est ce qui est reproché plus particulièrement au Parti des régions du président Ianoukovitch qui entretient des liens étroits avec des intérêts économiques de l’Est de l’Ukraine et qui a montré des signes de copinage et de favoritisme envers sa base dans la région de Donetsk. Certains étiquettent même le parti comme une « excellente occasion d’affaires ».

Pour ce qui est des élections législatives qui auront lieu en octobre 2012, selon le Comité, trois grandes questions façonneront le paysage politique de l’Ukraine au cours des mois à venir : la mise en œuvre de la nouvelle loi électorale, l’unité ou la désunion de l’opposition et l’engagement du public dans le processus politique.

A. La loi électorale

La nouvelle loi électorale ukrainienne aura un impact important sur la tenue et l’intégrité des élections législatives. En fait, les lois électorales de l’Ukraine ont été modifiées à de nombreuses reprises au fil des ans, souvent juste avant une élection, si bien qu’il était difficile de mettre en œuvre les nouvelles mesures à temps. En général, ces changements sont considérés comme défavorables aux partis d’opposition et soulèvent des inquiétudes quant aux répercussions d’un cadre juridique flou sur la conduite d’élections libres et justes. Au demeurant, le système électoral a été révisé au moins quatre fois depuis l’indépendance, alternant entre un système uninominal majoritaire à un tour, des systèmes parallèles ou mixtes et un système entièrement proportionnel. Comme le député de l’opposition ukrainienne Boris Tarasiouk l’a dit au Comité en mars :

Au cours de nos 20 années d’indépendance, nous avons adopté tous les régimes électoraux qui existent. Nous avons d’abord adopté le régime purement majoritaire, dont le fonctionnement était gâché par ce que l’on a appelé la ressource administrative, et les autorités locales influençaient les résultats des élections. Le Parlement a alors décidé de créer un régime mixte d’abord, c’est-à-dire en proportions assez égales, une représentation proportionnelle et une représentation à la majorité. Il y avait beaucoup d’abus de pouvoir dans le cadre de ces élections, alors nous avons opté pour un régime purement proportionnel. Maintenant, les autorités ont décidé, pour leur bénéfice, qu’il serait préférable de revenir au régime mixte, c’est-à-dire moitié-moitié[31].

Ce flou s’explique en partie par l’absence d’un code électoral unifié qui s’appliquerait à toutes les élections.

La dernière loi relative à l’élection des députés du peuple de l’Ukraine a été adoptée à la fin de 2011. La loi incorpore les principaux changements suivants :

  • un retour au système parallèle en vertu duquel la moitié des députés de la Rada (225) seront élus dans des circonscriptions uninominales suivant le système uninominal majoritaire à un tour et la moitié suivant un système de représentation proportionnelle à scrutin de liste avec listes bloquées dans une circonscription nationale unique;
  • un relèvement de 3 à 5 % du seuil électoral pour le volet représentation proportionnelle du système (ce qui veut dire que les petits partis qui obtiennent moins de 5 % des voix dans la circonscription nationale ne pourront obtenir aucun des 225 sièges fondés sur la représentation proportionnelle en 2012);
  • la suppression du droit des partis de former des blocs électoraux;
  • la suppression de la possibilité de voter « contre tous » les candidats présentés[32].

Différents acteurs ont exprimé des préoccupations à propos de la nouvelle loi et du processus qui a mené à son adoption, dont la Fondation internationale pour les systèmes électoraux (IFES) et la Commission de Venise du Conseil de l’Europe. Récemment, un représentant de l’IFES, Gavin Weise, a fait observer que, comme ce fut le cas lors des élections de 2002, les circonscriptions uninominales peuvent avantager le parti au pouvoir qui peut utiliser ses ressources administratives pour s’assurer de la victoire dans les circonscriptions où il ne jouit pas nécessairement de l’appui de la majorité. M. Weise a aussi signalé que la nouvelle loi n’avait guère amélioré la transparence des campagnes électorales pour ce qui est de la divulgation des considérables ressources financières et autres que tous les grands partis politiques de l’Ukraine reçoivent de l’élite économique du pays[33]. Cette question a été soulevée par Oleh Rybachuk, président du United Actions Center, lorsqu’il a décrit le « cercle vicieux » de la politique en Ukraine. Il a dit : « Si vous voulez faire de la politique, vous avez besoin d’argent. Or, l’argent est concentré dans une douzaine de familles[34]. »

En Ukraine, le Comité a recueilli le témoignage des personnes suivantes au sujet des prochaines élections : Andriy Mahera, chef intérimaire de la Commission électorale centrale; Denys Kovryzhenko, expert en élections travaillant avec la Fondation internationale pour les systèmes électoraux; Olha Ajvazovska, chef du conseil de l’organisation de la société civile Opora; et Oleksandr Chernenko, chef du Comité des électeurs de l’Ukraine. Selon ces témoins, la nouvelle loi n’est pas parfaite, mais elle est relativement juste et témoigne d’un compromis, si difficile soit-il, avec les partis de l’opposition. Elle servira de cadre aux initiatives à venir. Comme l’ancien chef adjoint de la Commission électorale centrale l’a dit au Comité à Kyiv, malgré les lacunes de la loi, il faudra s’en accommoder.

Cela ne veut pas dire que la mise en œuvre de la loi électorale ne soulève aucune inquiétude. Elle n’est pas suffisamment détaillée à certains égards parce que le libellé en a été modifié dans la dernière version. De récentes décisions de la Cour constitutionnelle, influencée par le président, qui suppriment certaines dispositions de la loi ont semé la confusion, voire la controverse quant à son application. D’importantes annonces concernant les circonscriptions électorales ont été faites par la Commission électorale centrale. Le Comité a appris que, à titre d’institution, la Commission penche en faveur des forces gouvernementales et est exposée au contrôle gouvernemental. Jusqu’à maintenant, il y a eu un manque de précisions ou des problèmes concernant notamment la formation des circonscriptions électorales, les règles et procédures régissant les bureaux de vote à l’étranger et les recours juridiques en cas de contestation de décisions liées à la délimitation des circonscriptions électorales. Opora suit de près la situation dans les circonscriptions, par exemple dans certaines circonscriptions dont les limites ayant été annoncées sont inexactes, certaines dont la taille a été modifiée de façon à favoriser des candidats particuliers ou à leur nuire, et quelques-unes formées avec des enclaves de circonscriptions non contiguës. Comme M. Chernenko l’a souligné, c’est précisément dans ces nouvelles circonscriptions que les candidats pourraient éprouver des problèmes ou de la confusion.

Des aspects particuliers de la loi, comme les procédures le jour du scrutin, sont également assez compliqués. Il y aurait apparemment des lacunes dans les dispositions relatives à l’inscription des électeurs qui feraient en sorte que certains d’entre eux pourraient être inscrits plus d’une fois sur la liste électorale. Il y aurait aussi des cas où des noms inexacts sont inscrits à des adresses résidentielles de la liste électorale. Si un individu veut savoir qui est inscrit sur les listes électorales, il doit le demander à la Commission électorale centrale. Afin de mettre à jour des problèmes particuliers, les jeunes Ukrainiens sont invités par des organisations comme l’International Republican Institute à communiquer avec la Commission et à vérifier les personnes inscrites à leurs résidences personnelles.

B. Unité et coopération de l’opposition

L’unité des partis de l’opposition est un autre facteur clé qui pourrait jouer lors des élections d’octobre. Durant sa visite en Ukraine, le Comité a été mis au courant du récent projet de certains des principaux partis de l’opposition, y compris les deux plus gros — le parti Batkivshchyna (BiouT) et le Front pour le changement — d’unir leurs forces dans l’espoir d’adopter une plateforme commune[35]. Ces partis ont publié une déclaration d’unité et un plan d’action. Ils ont l’intention de s’entendre sur le choix des candidats pour certaines circonscriptions et sur une liste de parti commune. Un professeur de l’Université catholique d’Ukraine à Lviv, Yaroslav Hrytsak, a expliqué au Comité que la perception populaire voulant que l’Ukraine soit un pays divisé est trompeuse. Les protestations de différents segments de la société convergent de plus en plus sur les mêmes grands thèmes, comme la corruption, ce qui dénote très peu de division en termes de politique ou de langage.

Comme Roman Ilyk du BiouT l’a indiqué au Comité à Lviv, bien qu’il soit difficile pour les politiciens de s’unir, il est important qu’ils s’unissent en faveur de quelque chose plutôt que contre quelque chose. M. Ilyk soutient donc que l’opposition devrait miser sur les principes que constituent l’honnêteté, la transparence, la justice et la liberté. Lui-même et le leader adjoint du BiouT au Parlement ont dit au Comité que leur parti se veut un choix clair et facile — entre l’opposition et le Parti des régions du président, qui a montré des signes de dictature — pour l’électeur sur le bulletin de vote en octobre.

De même, Stepan Kubiv du Front Zmin a soutenu que l’unification de l’opposition consiste en une renonciation aux intérêts partisans et aux ambitions personnelles en faveur de buts plus nobles. Il a laissé entendre que la qualité de la politique et des politiciens gagnerait à être améliorée en Ukraine et que ce devrait être là l’une des principales responsabilités d’une opposition unie. Il a mis cette vision en contraste avec l’approche axée sur le favoritisme adoptée par le Parti des régions. Andriy Pyshnyi, chef adjoint du Front pour le changement, a indiqué que le plus grand défi pour l’opposition consistera à définir ce en faveur de quoi elle se bat — à proposer une véritable vision de rechange au peuple ukrainien. Selon Oleh Tyahnybok, chef du parti Svoboda, l’opposition doit répondre à trois questions : comment triompher du régime; ce que les partis de l’opposition feraient en cas de victoire (par exemple, liste de projets à présenter au parlement), et quelles mesures sont nécessaires pour que la gouvernance démocratique s’enracine irréversiblement.

En revanche, Iryna Fario du parti Svoboda a soutenu que pour être en santé une société doit reposer sur un système multipartite qui lui permet de grandir grâce à la concurrence. En général, Bohdan Pankevych du Parti républicain chrétien a peint un tableau plus sobre de la situation politique en Ukraine. Il a parlé au Comité d’une tendance dans la politique ukrainienne à déplacer les mêmes joueurs, qui ont les mêmes vues. Il a ajouté que plusieurs dirigeants des partis de l’opposition avaient déjà passé du temps au gouvernement sans que des progrès soient pour autant réalisés au chapitre, par exemple, de la reddition de comptes et de la décentralisation du contrôle des budgets au palier local.

Au moment de la visite du Comité, on ne savait pas encore au juste quelle forme prendra la coopération entre les six partis de l’opposition dans la pratique ni comment se fera le choix des candidats dans chacune des circonscriptions où le candidat ayant obtenu le plus grand nombre de votes sera déclaré élu. Des négociations sont en cours. En fait, comme le président du comité ukrainien des affaires étrangères l’a expliqué à Kyiv, l’unité de l’opposition est une entreprise difficile. Quand viendra octobre, les observateurs seront à même de juger si l’entente sur l’unité tient bon.

C. Apathie et méfiance du public

Le processus démocratique — principalement la tenue des élections — retient beaucoup l’attention en Ukraine. Cependant, une autre question systémique importante qui a eu une incidence sur la santé de la démocratie du pays découle de sa culture politique globale, surtout dans la mesure où le rôle et la qualité des partis politiques sont concernés. Le Comité a été mis au fait de l’importance de la personnalité et des allégeances dans la politique ukrainienne, par comparaison à l’idéologie. On lui a dit que les partis politiques de l’Ukraine peuvent en quelque sorte être considérés comme des factions plutôt que comme des partis.

Plusieurs témoins ont commenté cette question durant les audiences du Comité en mars 2012. Par exemple, Oleh Rybachuk, président du United Actions Center, a dit au Comité que « [l]e plus gros problème est que beaucoup d’Ukrainiens ne croient pas dans l’opposition pour remplacer le gouvernement, même si elle était unie ». Un autre témoin a soutenu que les récents procès d’anciens politiciens ont accru les défis auxquels l’opposition est confrontée. Alyona Hetmanchuk, directrice de l’Institute of World Policy, a dit au Comité que, « [l]es chefs de l’opposition concentrent essentiellement leur énergie à la remise en liberté des prisonniers politiques, ce qui n’est pas une tâche usuelle pour l’opposition dans une lutte démocratique ». Elle a ajouté que, « en Ukraine, c’est dans une certaine mesure la société civile qui joue le rôle d’opposition[36] ». Des témoins entendus à Kyiv, à Kharkiv et à Lviv ont appuyé ces vues, dans une certaine mesure.

À Kyiv, Oleh Tyahnybok, chef du parti Svoboda, a dit craindre que les citoyens ne croient pas que l’on puisse parvenir pacifiquement par des moyens parlementaires à un changement de gouvernement. À son avis, les citoyens n’ont pas l’impression que leur vote compte. Peu importe pour qui ils votent, le pouvoir en place sortira gagnant. Tous les politiciens de l’opposition que le Comité a rencontrés lui ont fait part de leur détermination à changer les mentalités et à intégrer l’obligation de rendre compte au système politique de l’Ukraine.

Les problèmes de longue date liés à la qualité des partis politiques en Ukraine et à la lassitude engendrée par les luttes intestines qui ont caractérisé la politique ces dernières années transparaissent dans les sondages d’opinion. Le 11 avril 2012, le Centre Razumkov, un groupe de réflexion indépendant de Kyiv, constatait que seulement 13 % des citoyens croyaient que leur participation aux élections législatives prévues pour octobre 2012 influerait sur la situation dans le pays alors que 39 % ont indiqué croire que leur vote n’aurait aucune incidence[37]. À Kyiv, Olha Ajvazovska, chef du conseil de l’organisation de la société civile Opora, a estimé à 10 % le pourcentage des électeurs prêts à vendre leur vote aux prochaines élections (aux élections locales de 2010, ce pourcentage serait allé jusqu’à 20 %). Quand on leur demande pourquoi ils sont prêts à vendre leur vote, la réponse typique des citoyens est qu’ils ne croient plus en personne. Un témoin a indiqué au Comité que la plupart des Ukrainiens se tiennent loin de l’État parce qu’ils ne croient pas qu’il est là pour leur venir en aide; pour eux, l’État ne sert qu’à exercer des pressions.

La performance de la Verkhovna Rada ces dernières années n’a que peu contribué à améliorer l’image que le public se fait des institutions politiques du pays. Un rapport de 2011 de Freedom House faisait ressortir des lacunes dans le rôle que joue la Rada dans le système des freins et contrepoids aux pouvoirs du gouvernement[38]. Il convient de signaler qu’en octobre 2010, la Cour constitutionnelle a accepté d’annuler les réformes constitutionnelles de 2006 et de confier de nouveau certains pouvoirs du parlement à la présidence. Des témoins ont indiqué au Comité que le parlement met en œuvre des mesures qu’il n’a pas examinées ou évaluées adéquatement.

Le rapport de Freedom House mentionnait à titre d’exemple l’accord conclu en avril 2010 entre la Russie et le gouvernement du président Ianoukovitch en vue de renouveler de 25 ans, soit jusqu’en 2042, le bail de la Flotte russe de la mer Noire sur sa base navale en Crimée. De nombreux observateurs ont mis en doute la justesse de cet accord en vertu duquel l’Ukraine a obtenu une réduction de 30 % du prix de l’essence en provenance de la Russie en échange de la présence continue d’une plus grande puissance dans une région du pays géographiquement sensible dont les habitants étaient des sympathisants de la Russie depuis des années. Le rapport de Freedom House signalait que cet accord controversé avait été signé un jeudi et adopté à toute vapeur par la Rada le mardi suivant. Il n’y a pas eu de discussion nationale, encore moins un débat parlementaire de fond sur une question ayant d’importantes répercussions sur la sécurité nationale. De manière générale, selon le rapport, la Rada a délégué de nombreux pouvoirs au cabinet et n’est désormais là que pour donner automatiquement son accord au gouvernement[39].

D. Quelques dernières remarques sur l’environnement politique

Dans l’ensemble, tous s’entendaient à peu près pour dire que les élections législatives prévues pour le 28 octobre 2012 en Ukraine constitueront une épreuve décisive clé dans le développement démocratique du pays. Les élections représenteront aussi un tournant dans les affaires politiques internes du pays et dans ses relations internationales. Dans ce contexte, selon les représentants de l’ambassade du Canada en Ukraine et de diverses organisations de la société civile ukrainienne, l’assistance internationale aux élections législatives doit être axées sur deux grands thèmes : le renforcement des capacités à plus long terme des institutions et acteurs divers de l’Ukraine appelés à jouer un rôle dans les élections pour s’assurer que le processus électoral se déroule comme il se doit, et un appui à l’observation des élections à court et à long terme.

L’Ukraine est-il devenu un État autoritaire?

La question de savoir dans quelle mesure l’intensification récente du recul de la démocratie en Ukraine se traduit par une dérive complète vers l’autoritarisme a fait l’objet de longs débats dans les réunions du Comité et dans la communauté politique en général. Le Comité a entendu une diversité d’opinions sur cette question, mais n’oublie pas que bien qu’il soit tentant de tirer des conclusions audacieuses, la situation est loin d’être claire et nette. D’aucuns décrivent l’État comme étant un État totalitaire, tandis que pour d’autres il s’agit plutôt d’un système administratif inefficace dominé par des réseaux de népotisme corrompus et des oligarques. La plupart se sont dits inquiets face à l’isolement croissant de l’Ukraine sur la scène internationale. En effet, peu avant le départ du Comité pour l’Ukraine, la chancelière allemande Angela Merkel a fait la déclaration suivante devant le parlement allemand : « Aujourd’hui, en Allemagne et dans l’Union européenne, nous vivons en paix et libres. Malheureusement, ce n’est pas le cas pour la totalité de l’Europe, parce qu’en Ukraine et au Bélarus, les gens subissent encore dictature et répression[40]. » À ce stade-ci, ce point de vue est peut-être quelque peu exagéré. Certes, nous notons une tendance croissante vers l’autoritarisme en Ukraine, mais, contrairement au Bélarus, le pays compte aussi une opposition politique active et une société civile qui œuvrent pour le changement. Même si l’espace démocratique en Ukraine diminue manifestement, il existe tout de même un sentiment, aussi précaire soit-il, qu’il est toujours possible d’inverser cette tendance.

Il n’est pas facile de catégoriser l’état de la démocratie d’un pays. De multiples facteurs, structures, populations et forces entrent en ligne de compte. Comme l’ont souligné tous les témoins, l’Ukraine est un pays à la fois compliqué et complexe en raison de l’histoire tragique qu’elle a connue au 20e siècle, de son expérience récente avec l’indépendance après des années de domination par des empires étrangers, plus particulièrement l’Union soviétique, sa situation géographique entre l’Europe et la Russie, et ses différences régionales internes. Cela étant dit, le Comité trouve, d’après tout ce qu’il a entendu, qu’il y a lieu de s’inquiéter de l’évolution démocratique et du respect de la primauté du droit en Ukraine, opinion que semble partager le peuple ukrainien lui-même. D’après un sondage mené du 30 octobre au 11 novembre 2011, quelque 71 % des citoyens estiment que, en règle générale, l’Ukraine fait fausse route[41].

Que peut-on attendre des élections législatives de 2012?

Certains témoins se sont dits inquiets en ce qui concerne les perspectives d’avoir des élections législatives libres et équitables en Ukraine le 28 octobre 2012. Plusieurs autres, dont de nombreux témoins entendus par le Comité, ont aussi dit espérer que la présence de forces favorisant le changement en Ukraine pourra produire des résultats acceptables en octobre. Il ne faut pas oublier que l’Ukraine a eu des élections jugées en grande partie libres et équitables par le passé, y compris l’élection présidentielle au début de 2010; c’est donc possible en 2012. Le Comité est encouragé par la détermination de la société civile et la grande diversité des partis politiques d’opposition de recourir aux voix démocratiques et juridiques pour réclamer des changements dans leur pays, et il espère que cet effort se poursuivra.

Le Comité ne se fait toutefois aucune illusion. Tous les enjeux décrits plus haut, en particulier les préoccupations concernant la mise en œuvre de la loi électorale et la place de moins en moins grande occupée par les médias indépendants et les acteurs de la société civile pour l’exercice de leurs activités et la diffusion d’information, pourraient avoir une incidence sur la campagne électorale. Outre ces inquiétudes, d’après l’expérience récente au sujet du processus de formation de coalitions après les élections en Ukraine, Alyona Hetmanchuk a dit au Comité, à Ottawa, que,

Il est à mon avis fort peu probable que les élections soient équitables et démocratiques, même s’il est tout aussi peu probable que nous constations une falsification aussi grossière qu’en 2004, lorsqu’il y a eu la Révolution orange. Je présenterais les choses de la manière suivante : si 2004 a été caractérisée par une fraude balourde ou stupide, cette année, nous verrons peut-être de la fraude intelligente. Je suis sûre que le gouvernement ukrainien sera plus innovateur et plus créatif pour falsifier les résultats des élections [...][42]

En effet, le Comité comprend que les mois précédant une élection sont tout aussi cruciaux que le jour de l’élection. C’est précisément pour cette raison que les témoins ont insisté fortement sur la nécessité pour le Canada et d’autres États partageant la même vision d’envoyer des observateurs à court terme et à long terme, et en grand nombre d’ailleurs. Il faut affecter des observateurs aux bureaux de vote et aux sièges sociaux des commissions électorales, notamment aux échelons locaux.

Le Comité tient à souligner que ce ne sont pas les vainqueurs dans une élection législative qui l’inquiètent, puisque cette décision appartient à la population ukrainienne, mais bien le déroulement même de l’élection. L’avenir de l’Ukraine en tant que démocratie gouvernée par la primauté du droit reposera sur le fait de savoir si ces élections sont libres et équitables et si les résultats traduisent de façon légitime et convaincante la volonté des électeurs ukrainiens, quelle qu’elle soit. La perception qu’a le peuple ukrainien des réponses à ces questions sera déterminante.

Une des grandes préoccupations soulevées par des témoins est le fait que le Parti des régions pourrait se prévaloir des ressources administratives durant la campagne pour soudoyer des candidats et influencer les électeurs. Depuis quelques mois, selon certains témoins, le président Ianoukovitch multiplie les services sociaux offerts à certains groupes et dans certaines régions, ce qui, ont-ils fait valoir, s’assimile à l’exploitation des ressources économiques de l’État pour influencer, voire acheter les électeurs.

Tant à Ottawa qu’en Ukraine, des témoins ont lié les procès de Mme Timochenko, M. Loutsenko et M. Ivachtchenko aux perspectives d’élections législatives libres et justes. Hryhoriy Nemyria, ancien vice-premier ministre de l’Ukraine et actuel conseiller en politique étrangère de Ioulia Timochenko, a soutenu que l’emprisonnement de certains dirigeants de l’opposition fait qu’il sera à peu près impossible de qualifier les prochaines élections de libres et équitables. Les poursuites juridiques ont aussi contribué à instaurer une atmosphère de peur dans le pays. M. Nemyria a parlé des problèmes de santé des prisonniers en affirmant qu’ils doivent être libérés et que leur réhabilitation politique doit se faire à temps pour leur permettre de participer aux élections.

Les risques que surviennent des problèmes durant les élections législatives et qu’elles soient manipulées seraient plus grands en raison de la diminution générale, depuis deux ans, de l’écart du soutien recueilli par les divers partis, d’où la forte probabilité de résultats électoraux serrés. Aux environs d’avril 2010, le Parti des régions au pouvoir recueillait 39,5 % des appuis; en juin 2012, ce chiffre était de 21,5 %. Au cours de la même période, l’appui du BYuT est passé de 15,9 % à 20,4 %[43]. On peut aussi faire valoir que la fusion accrue des intérêts politiques et économiques en Ukraine contribue à la perception d’un jeu de pouvoir à somme nulle. Pour le Parti des régions, lequel, d’après de nombreuses déclarations, est devenu très transactionnel, le risque de ne plus avoir main mise sur le parlement et ses leviers d’influence doit lui sembler énorme.

L’ÉCONOMIE ET LE CLIMAT D’INVESTISSEMENT

INTRODUCTION

À l’issue de ses rencontres à Kyiv, Lviv et Kharkiv, le Comité a retenu trois impressions générales au sujet de l’économie et du climat d’investissement en Ukraine :

  • Le pays recèle un potentiel énorme de croissance économique qui peut être bénéfique pour ses citoyens grâce à des secteurs clés comme l’agriculture, l’énergie, le tourisme, les technologies d’information (TI) et la technologie aérospatiale;
  • Ces débouchés demeureront inexploités au niveau sociétal et l’investissement direct étranger demeurera relativement faible à moins que le pays ne raffermisse la primauté du droit et la certitude juridique pour les investisseurs.
  • L’insuffisance des possibilités offertes aux petites et moyennes entreprises – qui pourraient être la cheville ouvrière d’une économie revigorée – et l’inégalité d’accès à ces possibilités freinent leur croissance et réduisent leur perspective de bénéficier d’investissements dans le pays.

Bien que ce ne soit pas évident au premier abord, les défis posés par le paysage politique et l’économie du pays sont reliés par un facteur sous-jacent clé : la faiblesse de la primauté du droit. Cette situation freine les investissements étrangers et la croissance de la petite entreprise, ce qui réduit la taille de la classe moyenne du pays et, par conséquent, nuit à la vitalité de la culture politique et de la société civile. Comme le directeur général régional de l’Agence canadienne de développement international (ACDI), Bob Johnston l’a décrit au Comité :

Manifestement, aider les agriculteurs, entrepreneurs et petits commerçants ukrainiens à atteindre une plus grande stabilité économique est important non seulement pour des raisons économiques. Ces personnes sont celles qui formeront la classe moyenne naissante de l’Ukraine, qui se feront de plus en plus entendre pour exiger un gouvernement transparent et efficace qui respecte la primauté du droit[44].

De façon analogue, la corruption ne se limite pas à la sphère politique ou économique. Dans les deux sphères, il existe des individus et des pratiques corrompus qui doivent être fortement dénoncés afin que l’Ukraine puisse atteindre son plein potentiel.

Aperçu de la situation économique de l’Ukraine

Selon les estimations du Fonds monétaire international (FMI), le produit intérieur brut (PIB) nominal de l’Ukraine se chiffrait à 165,0 milliards $US en 2011, soit un PIB par habitant de 3 621,22 $US d’après les prix actuels; son PIB par habitant en parité du pouvoir d’achat[45] était de 7 233,15 $US. L’économie de ce pays a connu un ralentissement relativement important durant la crise économique et financière mondiale, le PIB réel ayant chuté de 14,8 % de 2008 à 2009, avant de remonter de 4,1 % de 2009 à 2010, et de 5,2 % de 2010 à 2011 selon les estimations[46]. Un représentant de la Banque européenne de reconstruction et de développement a dit au Comité, à Kyiv, que la devise ukrainienne a perdu 40 % de sa valeur durant la crise financière. L’Economist Intelligence Unit prévoit, pour 2012, un ralentissement de la croissance plus accentué qu’en 2011 « attribuable à une importante détérioration de l’économie mondiale à cause de performances plus faibles en Russie et dans la zone euro[47] ». D’après les renseignements obtenus auprès de l’Institute for Economic Research and Policy Consulting, à Kyiv, l’Institut prédit une croissance réelle du PIB d’environ 2,9 % en 2012 et de 4,2 % en 2013[48].

En Ukraine, le taux de chômage était de 8,2 % en 2011[49]. Cette même année, le secteur des services a généré environ 56,1 % du PIB de l’Ukraine, alors que les secteurs industriel et agricole ont généré respectivement 34,7 % et 9,3 %[50].

L’Ukraine a adhéré à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 2008. En 2011, elle exportait pour 68,4 milliards $US, et importait pour 82,6 milliards $US. Son principal partenaire commercial était la Russie, qui absorbait 29,0 % de ses exportations, en valeur, et d’où provenait 35,3 % de ses importations en valeur[51]. Toujours en 2011, elle exportait principalement des métaux (à savoir de l’acier), des minéraux et de l’électronique, et importait essentiellement des minéraux (principalement du gaz naturel et des produits pétroliers), de l’électronique et des produits chimiques[52]. Bien que les entrées nettes d’investissements directs étrangers (IDE) se chiffraient à 9,7 milliards $US en 2008, selon les estimations fournies au Comité, ce montant sera ramené à 6,4 milliards en 2012[53].

En 2010, l’Ukraine a obtenu un prêt sous forme d’accord de confirmation (AC)[54] de 15,2 milliards $US auprès du FMI. Les décaissements du FMI ont été gelés en 2011 suite à l’incapacité de l’Ukraine de respecter deux des conditions imposées par le FMI : un projet de loi sur la réforme des pensions, qui a été adopté depuis, et une diminution du subventionnement du gaz, question qui comporte des incidences politiques pour le gouvernement. À ce jour, 12 milliards $US restent à décaisser.

Lors de sa visite au pays, le Comité a pu également obtenir de l’information sur la dynamique régionale de l’économie ukrainienne. En règle générale, il a eu l’impression que la partie occidentale, les environs de la ville de Lviv, est davantage orientée vers la dynamique économique des pays européens voisins, tandis que la partie orientale continue d’entretenir des relations étroites avec la Russie. À l’heure actuelle, une infrastructure déficiente constitue l’un des empêchements au développement régional.

Lviv, ville de quelque 750 000 habitants, profite de sa situation de centre d’enseignement supérieur avec ses 22 universités et son importante population étudiante. Généralement parlant, l’économie de Lviv « est dominée par les services, plus particulièrement le commerce de gros et de détail[55] ». La Pologne (36 %), l’Autriche (17 %) et Chypre (14 %) sont les plus importantes sources d’investissement étrangers à Lviv[56]. Le Comité a rencontré des représentants du conseil et de l’administration de l’oblast qui ont fait valoir le potentiel de la région comme destination touristique, dont le développement est une priorité absolue. Une campagne de promotion du tourisme qui serait lancée après le Championnat d’Europe de football en 2012, qui devrait attirer quelque 400 000 touristes dans la région de Lviv et qui a déjà donné lieu à la construction d’un important nouvel aéroport à Lviv, est à l’étude. À l’avenir, par exemple, on espère offrir plus de vols à destination de l’Europe de l’Ouest et un vol entre Lviv et Toronto.

À Lviv, les représentants ont aussi souligné toutefois la nécessité d’une approche plus décentralisée en Ukraine pour permettre aux administrations locales de prévoir plus de leviers pour agir sur la vie des citoyens et créer des petites et moyennes entreprises dans leur région. La centralisation considérable de l’économie en Ukraine se traduit par des inefficacités dans la gestion des ressources. Ils aimeraient voir une plus grande décentralisation afin qu’un pourcentage plus important des impôts demeure dans la région, ce qui renforcerait l’assise budgétaire de la ville.

Dans la ville orientale de Kharkiv, qui compte quelque 1,5 million d’habitants et qui a déjà été le troisième plus grand centre industriel de l’Union soviétique, les représentants locaux et de l’oblast ont discuté de l’importante industrie aérospatiale avec le Comité. Il existe à Kharkiv une usine de construction aéronautique (Antonov) qui se spécialise en technologie satellitaire.

Potentiel économique de l’Ukraine

L’Ukraine, pays géographiquement immense et raisonnablement peuplé, recèle de nombreux ingrédients importants pour en faire une économie forte. Par exemple, le Comité a appris que « l’Ukraine possède [le tiers] de la terre noire mondiale, dont 46 % est arable[57] ». Sergei Yevtushenko, directeur de l’agence d’investissement et des projets nationaux de l’Ukraine, a dit au Comité que l’agriculture est un secteur qui pourrait attirer beaucoup plus d’investissements; seulement 10 % environ des terres arables du pays sont actuellement consacrées à la production agricole. Il y a certes à l’heure actuelle un moratoire sur la vente privée de terres agricoles, mais on craint de voir cette interdiction levée sous peu, ce qui sème l’incertitude sur le contrôle éventuel de cette ressource vitale.

Certains secteurs, notamment celui des énergies de remplacement, bénéficient d’une exemption fiscale de 10 ans. Une population instruite et un taux d’alphabétisation de plus de 99 % constituent d’autres aspects importants des assises économiques du pays[58]. L’économie comporte également une assez grande diversité de secteurs, notamment une industrie chimique et pétrochimique, un secteur d’ingénierie et une industrie de services financiers.

Le gaz de schiste représente l’un des secteurs de croissance les plus prometteurs. Pendant le séjour du Comité en Ukraine, le gouvernement examinait les soumissionnaires retenus pour l’exploitation de deux importants gisements de gaz de schiste en Ukraine. L’un d’eux se trouve dans les régions orientales de Donetsk et Kharkiv, l’autre dans la région occidentale de Lviv. Le 16 mai 2012, un ministre du gouvernement a annoncé que la société Royal Dutch Shell et la Chevron Corporation s’associeraient à une société d’État et une entreprise ukrainienne privée pour explorer et exploiter les réserves de gaz de schiste du pays en vue de commencer la production commerciale du gaz en 2017[59]. Selon la U.S. Energy Information Administration, l’Ukraine possède la troisième plus grande réserve de gaz de schiste en Europe (1,2 billion de mètres cubes)[60].

Jorge Zukoski, président de la Chambre de commerce américaine en Ukraine, a expliqué au Comité que l’exploitation des réserves de gaz de schiste de l’Ukraine pourrait constituer un tournant important dans le développement économique du pays. Pour la première fois dans le secteur énergétique de l’Ukraine, des multinationales étrangères participeront à ce type d’entreprise. M. Zukoski a ajouté qu’il n’y a jamais eu d’investissement étranger de cette ampleur en Ukraine depuis l’indépendance du pays. Dan Bilak, un avocat canadien qui compte des clients en Ukraine, a fait le même constat. Il a dit au Comité que le gaz de schiste représente un changement de paradigme à cause de la nécessité de recourir à la technologie étrangère pour exploiter la ressource. Selon lui, le gouvernement ukrainien a l’occasion de devenir un acteur important dans le secteur énergétique au cours des 20 à 30 prochaines années. S’il gère mal les contrats, toutefois, les sociétés internationales redéploieront leur capital d’investissement ailleurs. Les retombées de l’exploitation de ce gaz de schiste pour le pays dépendront du rendement sur les investissements en Ukraine et si le gaz est directement acheminé vers le marché national.

Efficience et sécurité énergétiques : au cœur des préoccupations du pays

Un facteur clé de motivation sous-tendant les pressions actuelles exercées pour exploiter les réserves de gaz de schiste du pays est la volonté de parvenir à une plus grande indépendance énergétique[61]. Le pays s’est donné beaucoup de mal en vue de moderniser son infrastructure énergétique de l’époque soviétique, et il doit composer avec le double problème d’une inefficacité énergétique élevée et d’une forte consommation d’énergie. Un témoin a comparé la situation à celle du pays voisin, la Pologne, qui produit plus et consomme moins de gaz annuellement que l’Ukraine. C’est probablement pour ces raisons que, lors d’une rencontre informelle avec le Comité, le vice-ministre des Affaires étrangères de l’Ukraine, Pavlo Klimkin, a dit au Comité que le gaz de schiste ne devrait pas être considéré comme le sauveur de l’Ukraine; le pays doit également chercher à réaliser davantage d’économies d’énergie et à accroître les investissements dans le secteur énergétique. En d’autres termes, les efforts déployés en vue d’exploiter les ressources énergétiques de l’Ukraine doivent s’accompagner d’efforts comparables pour améliorer l’efficience énergétique et accroître les investissements liés aux nouvelles technologies et à leur application. C’est une priorité absolue pour le pays.

À cause des problèmes que connaît son secteur énergétique, l’Ukraine dépend énormément de la Russie pour ses approvisionnements en gaz naturel, dont le prix constitue une source de tension constante dans les relations ukraino-russes. Il s’agit là d’un enjeu fort complexe qui pourrait se résumer ainsi : la Russie est un important pays producteur de gaz, tandis que l’Ukraine est un pays de transit et de consommation doté d’une infrastructure de gazoducs assurant l’acheminement du gaz vers les pays d’Europe. Selon l’Economist Intelligence Unit, environ 80 % des exportations russes de gaz naturel vers l’Europe transitent par l’Ukraine[62]. En 2006 et en 2009, les litiges entre les deux pays au sujet des prix et des expéditions de gaz ont donné lieu à une rupture des approvisionnements vers l’Europe de l’Ouest.

Le gouvernement ukrainien a tenté d’obtenir une réduction du prix actuel négocié en 2009 dans le cadre d’un contrat avec Gazprom (« le monopole du gaz de l’État russe »), qu’il juge trop élevé, mais sans succès[63]. Le gouvernement Ianoukovitch estime que le prix qu’il paie pour le gaz naturel russe doit être lié au volume annuel de gaz que l’Ukraine est obligée d’acheter de la Russie. Le gouvernement ukrainien souhaite également une hausse des droits imposés à la Russie pour l’utilisation de son réseau de gazoducs[64]. M. Klimkin a dit au Comité que l’Ukraine paie beaucoup plus cher pour un mètre cube de gaz russe que l’Allemagne et la Pologne. L’Ukraine a, à l’heure actuelle, également l’obligation d’acheter annuellement 41 milliards de mètres cubes de gaz de la Russie sous réserve de pénalités, ce qui fournit à la Russie un important avantage dans la relation. À ce jour, « la Russie maintient que l’Ukraine doit respecter toutes les clauses du contrat bilatéral, autant en ce qui concerne le prix que le volume[65] ». M. Klimkin a indiqué que l’économie ukrainienne ne peut soutenir ces prix vu la domination d’industries comme l’acier et les produits chimiques sur l’économie.

L’inefficacité énergétique de l’Ukraine est d’autant plus troublante et probablement frustrante pour les dirigeants du pays du fait que l’Ukraine n’a pas toujours été dépendante de la Russie pour ses importations de gaz. Dans son témoignage devant le comité des relations étrangères, devant le Sénat américain, Edward Chow, chercheur agrégé au Center for Strategic and International Studies, a expliqué ainsi l’évolution de ce secteur :

Jusqu’à la découverte et l’exploitation des vastes champs gaziers de l’ouest de la Sibérie dans les années 1970, l’Ukraine exportait du gaz vers la République soviétique de la Russie. En 1975, la production gazière de l’Ukraine a atteint un sommet de 69 milliards de mètres cubes (m3), soit davantage que sa consommation annuelle actuelle. Aujourd’hui, la production gazière nationale stagne sous les 20 milliards de m3 et le pays dépend de la Russie pour les deux tiers de ses importations de gaz. Sa dépendance à l’égard des importations a diminué uniquement à cause de la piètre performance de l’économie globale ukrainienne et non à cause de son efficience accrue ou d’une augmentation de la production nationale[66].

Comme l’a affirmé à la blague un témoin à Kyiv, Naftogaz, la compagnie pétrolière et gazière nationale de l’Ukraine, est la seule compagnie au monde aujourd’hui dont le nom contient les mots « pétrole » et « gaz naturel » et qui soit déficitaire. M. Chow a également informé le comité du Congrès des États-Unis que « le secteur gazier et pétrolier de l’Ukraine est exploité d’une manière tout à fait dysfonctionnelle[67] ».

Le pouvoir de négociation de l’Ukraine risque de s’affaiblir dans le futur. À la fin de l’année dernière, la Russie a acheminé ses premiers approvisionnements de gaz naturel au moyen du gazoduc Nord Stream, qui transporte le gaz à partir de la Russie sous la mer Baltique vers l’Europe. Si la Russie concrétise son projet de construction du gazoduc South Stream, qui contournerait l’Ukraine pour rejoindre l’Europe du sud-est à travers la mer Noire, le principal argument de négociation de l’Ukraine — être la principale route de transit du gaz naturel vers l’Europe — risque de s’affaiblir encore davantage[68].

Inégalité économique en Ukraine

La stratification de la richesse constitue un obstacle au potentiel économique du pays. Les 10 % des plus riches toucheraient 20 % des revenus, tandis que les 10 % des plus pauvres en toucheraient 4 %[69]. Comme nous l’avons indiqué plus haut, le PIB par habitant demeure faible selon les normes européennes.

À Kharkiv, Yevhen Zakharov, directeur du Groupe de défense des droits de la personne, a insisté sur le fait que la pauvreté est l’un des principaux défis de l’Ukraine. Il a dit au Comité qu’un citoyen sur quatre en Ukraine se dit pauvre. Yaroslav Hrytsak, professeur à l’Université catholique d’Ukraine, a aussi situé le problème dans le contexte de la ville de Lviv. Sous l’angle des ressources humaines et naturelles, selon lui, l’Ukraine jouit de nombreux avantages. Trois diplômés du secondaire sur quatre fréquentent l’université, ce qui place l’Ukraine parmi les 10 pays au monde se trouvant dans cette situation. Mais la corruption généralisée prive le pays de cette richesse potentielle. Il en résulte que l’Ukraine est aujourd’hui ce qu’il a appelé «un pays riche de gens très pauvres». Les salaires moyens les plus faibles versés à divers professionnels comme les médecins (apparemment 200 $/mois à Lviv) et les fonctionnaires (apparemment 150 $/mois) contribuent également à un climat où la corruption quotidienne, à petite échelle, est possible dans tous les domaines allant des soins de santé à l’administration publique, et là où la population a de la difficulté à joindre les deux bouts.

On a expliqué au Comité que beaucoup de jeunes cherchent de meilleures possibilités d’emploi à l’extérieur de leur pays. La population du pays est passée de 51 millions de personnes au moment de l’indépendance, en 1991, à environ 45 millions aujourd’hui[70]. Il est donc impératif pour l’avenir du pays de fournir des débouchés économiques aux jeunes Ukrainiens.

Primauté du droit et développement économique : questions indivisibles

Dans l’ensemble, le Comité a retenu un message paradoxal à l’issue de ses réunions sur l’économie et le climat des investissements en Ukraine. D’une part, on lui a parlé à maintes reprises du désir de voir plus d’investissements étrangers, surtout canadiens, en Ukraine et des possibilités commerciales extraordinaires qu’offre le pays. D’autre part, de nombreux témoins ont aussi souligné les obstacles posés à l’accès accru d’investissements étrangers et à l’expansion des petites et moyennes entreprises au pays à cause des problèmes de primauté du droit et de corruption.

L’Ukraine occupe actuellement la 152e place (sur 183) du classement de la Banque mondiale concernant la facilité de faire des affaires. Situé loin dans l’échelle mondiale, ce classement ne se compare pas favorablement non plus dans la région, notamment par rapport aux voisins de l’Ukraine : la Russie se classant au 120e rang, la Moldavie au 81e, le Bélarus au 69e et la Pologne au 62e. En Ukraine, il faut prévoir 24 jours et s’acquitter de 9 formalités administratives avant de pouvoir lancer un commerce. Obtenir un permis de construction nécessite 21 formalités administratives et 375 jours d’attente en moyenne. Pour une raison ou une autre, il faut 10 formalités administratives pour enregistrer une propriété aux termes d’un processus qui prend normalement 117 jours. C’est sans compter les 135 cotisations fiscales annuelles normalement exigées, auxquels les cotisants doivent consacrer 657 heures[71].

Andre Kuusvek, directeur en Ukraine de la Banque Européenne pour la reconstruction et le développement, a expliqué au Comité que malgré la vigueur relative des principes macroéconomiques de base — sous l’angle de l’inflation, de la croissance du PIB, de la stabilité de la devise, ainsi de suite — le niveau microéconomique pose de graves problèmes. Beaucoup de témoins ont dit au Comité que l’Ukraine est un endroit difficile où faire des affaires. En fait, la directrice générale de la Chambre de commerce Canada-Ukraine, Emma Turos, a dit au Comité que son organisme ne recommande pas à l’heure actuelle à ses membres d’investir en Ukraine à cause des difficultés qu’ils risquent de rencontrer sur le plan de la protection de leur investissement. Jorge Zukoski, président de la Chambre de commerce américaine en Ukraine, a déclaré que dans un environnement commercial complexe comme celui de l’Ukraine, les risques et les gains potentiels sont tous deux élevés.

L’environnement commercial en Ukraine est particulièrement difficile pour les petites et moyennes entreprises (PME). M. Zukoski a mentionné l’absence encore aujourd’hui d’une structure législative et réglementaire convenable pour stimuler les PME. Yevheniy Khomaiko, négociant en chef de Viterra Ukraine, a aussi mentionné l’absence de transparence des procédures douanières et des systèmes de certification. Les règles de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) changent continuellement, ce qui constitue un défi pour l’établissement des budgets. M. Zukoski a précisé que malgré l’existence de lois progressives, le problème se situe au niveau de l’écart entre les textes législatifs et réglementaires et leur application. Les PME doivent composer avec la corruption endémique, laquelle pose d’énormes difficultés pour des activités comme la perception d’impôt et l’inspection et l’enregistrement des entreprises. Selon Veronika Movchan, directrice académique de l’Institut pour la recherche économique et les consultations politiques, le fardeau fiscal d’un pays ne se résume pas à la somme à payer par une entreprise, mais inclut aussi la manière de la payer.

En effet, pour Dan Bilak, la corruption est le problème le plus aigu qui retarde les investissements et nuit au climat commercial en Ukraine. Comme l’a indiqué M. Kuusvek, plus la corruption se pratique, plus les liens étroits existant entre les politiciens et les gens d’affaires sont maintenus et plus ils se resserrent, plus il sera difficile de s’en défaire. C’est à cause de tous ces risques que les investissements étrangers directs en Ukraine sont dominés par les grandes sociétés, lesquelles sont dotées de stratégies d’investissement à long terme et jouissent des avantages qu’offrent leurs opérations à grande échelle et leurs ressources, leurs avocats internationaux et leurs contacts diplomatiques ainsi que de leur capacité d’atténuer les risques en liant leurs activités commerciales à une structure internationale.

Par conséquent, les témoins semblent convenir que l’Ukraine n’est pas, à l’heure actuelle, une destination d’investissement pour les petites et moyennes entreprises, qui, à l’échelon local, sont confrontées à des obstacles considérables. Malgré ces difficultés, pourtant, comme Valeriy Piatak, administrateur général du Conseil de l’oblast de Lviv, l’a souligné au Comité, l’essor des petites entreprises doit être favorisé en Ukraine afin de servir de moteur de croissance économique pour l’avenir et doit être partie prenante de la société démocratique.

LES FORCES RÉGIONALES

Les tensions qui sont au cœur de la politique étrangère de l’Ukraine dérivent de la position géographique du pays entre les frontières orientales de l’UE et de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN), qui ont été récemment élargies, et la Russie. L’Ukraine est un joueur clé dans la région que la Russie considère comme « un voisin proche ».

Tout au long des XVIIe et XVIIIe siècles, l’Ukraine était divisée entre la Russie, la Pologne et l’Empire ottoman. Au XIXe siècle, elle était divisée entre la Russie et l’empire austro-hongrois. Comme l’explique l’Agence centrale de renseignement :

À la suite de l’effondrement de la Russie tsariste en 1917, l’Ukraine a vécu une période d’indépendance relativement courte (1917-1920), mais fut reconquise et obligée d’endurer un régime soviétique brutal qui a provoqué deux famines artificielles (1921-1922 et 1932-1933) dont huit millions de personnes sont mortes. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, les armées allemande et soviétique furent responsables de quelque sept à huit millions de décès additionnels.[72]

En effet, les liens les plus étroits et les plus complexes vécus par l’Ukraine au fil des siècles ont été ceux qu’elle a entretenus avec la Russie. Dès le XXe siècle, Vladimir Lénine a écrit que « perdre l’Ukraine, c’est perdre notre tête »[73]. En 1954, le dirigeant soviétique Nikita Khrouchtchev a célébré le 300e anniversaire d’allégeance de l’Ukraine orientale à l’Empire russe en cédant la Crimée, base de l’importante flotte de la mer Noire, à l’Ukraine, à l’époque deux républiques de l’Union soviétique. Bien que cette décision n’ait soulevé aucune controverse à ce moment-là, l’appartenance de la Crimée et par voie de conséquence de la flotte de la mer Noire allait devenir un enjeu important dans les relations entre les deux pays après l’effondrement de l’Union soviétique et l’indépendance de l’Ukraine.

Comme l’ont souligné de nombreux observateurs, depuis l’indépendance du pays en 1991, les dirigeants politiques de l’Ukraine ont essayé d’équilibrer le désir d’une plus grande intégration avec l’Ouest et les liens avec la Russie. Cette dernière relation n’est pas une relation où tout est blanc et noir; elle a été décrite au Comité comme étant « complexe » par une haute fonctionnaire du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (MAECI)[74]. Récemment, le ministre des Affaires étrangères de l’Ukraine, Kostyantyn Gryshchenko, a déclaré devant un auditoire à Londres que pour de nombreux Ukrainiens, la Russie est « plus qu’un voisin et un partenaire » [traduction]. Comme il a dit : « Pour certains, c’est une deuxième patrie culturelle. Pour d’autres, c’est un pays qui compose avec le même malaise postsoviétique dont l’Ukraine souffre et voudrait se guérir par le truchement de son intégration à l’UE[75] ». Lors d’une rencontre informelle avec le Comité, le vice-ministre des Affaires étrangères a décrit la position de la Russie vis-à-vis de l’Ukraine comme étant le fruit de considérations politiques et économiques, et d’émotions.

Des témoins ont parlé au Comité de leurs inquiétudes au sujet de l’influence culturelle de la Russie en Ukraine en faisant valoir, dans certains cas, que cette influence reprenait de la vigueur sous le gouvernement relativement pro-Russe du président Ianoukovitch. Le curriculum pédagogique, les dirigeants religieux et la langue demeurent des questions épineuses au pays. Les tensions relatives à la langue se sont manifestées peu après le voyage du Comité en Ukraine sous forme d’une bagarre déclenchée au sein du parlement ukrainien. Les législateurs en sont littéralement venus aux poings à propos d’un projet de loi proposant de faire du russe une langue officielle dans les régions orientales et fortement russophones de l’Ukraine, dont Kyiv[76].

Comme nous l’avons déjà souligné, en avril 2010, quelques mois seulement après l’inauguration de la présidence de M. Ianoukovitch, son gouvernement a mené à terme les négociations avec le gouvernement russe visant à renouveler le bail des installations maritimes en Crimée — le port de Sevastopol — pour sa flotte de la mer Noire pendant 25 ans de plus, à compter de 2017. Cette prolongation fut consentie en contrepartie d’une réduction de 30 % du prix que paie l’Ukraine à la Russie pour l’importation de gaz naturel sur 10 ans. D’après Olga Shumylo-Tapiola, chercheure invitée au Carnegie Endowment for International Peace : « L’entente est largement considérée comme une victoire diplomatique pour la Russie[77]. » Plus tard, en juin de la même année, le parlement ukrainien a voté contre la poursuite des démarches d’adhésion du pays à l’OTAN[78].

Parallèlement, le gouvernement Ianoukovitch a, comme nous l’avons indiqué, poursuivi ses négociations avec l’UE à propos d’un accord d’association et de libre-échange approfondi et exhaustif, considéré comme prioritaire, tout en résistant aux offres de Moscou de se joindre plutôt à l’union douanière de la Russie avec le Bélarus et le Kazakhstan[79]. Adhérer à l’union douanière, comme le souhaite la Russie, aurait pour conséquence de nier à l’Ukraine la capacité d’une intégration économique à l’UE. On s’inquiète qu’une telle adhésion pourrait soulever des questions au sujet des obligations existantes du pays envers l’OMC. Le vice-ministre des Affaires étrangères de l’Ukraine a expliqué au Comité que les conditions d’accession de l’Ukraine à l’OMC étaient différentes de celles de la Russie (dont l’accession, approuvée par la Conférence ministérielle de l’OMC à la fin de 2011, n’a pas encore été cautionnée par le parlement russe). Nous retrouvons toujours en toile de fond de tous ces débats la vision déclarée du président russe Vladimir Poutine d’une nouvelle Union eurasienne qui engloberait tous les anciens États soviétiques, une vision qu’il a articulée dans un discours prononcé avant son élection récente pour un troisième mandat présidentiel[80].

Malgré la volonté des dirigeants ukrainiens de maintenir des rapports équilibrés entre l’Europe et la Russie, la trajectoire démocratique du pays inquiète au plus haut point les dirigeants européens. À Kyiv, Hryhoriy Nemyria a dit au Comité que le président Ianoukovitch commettait une erreur stratégique, car l’Ukraine est arrivée à la croisée des chemins. Il a fait valoir que le gouvernement avait sous-estimé la détermination et la cohérence de la position de la communauté internationale au sujet de l’état de la démocratie en Ukraine, et que cela avait suscité une réaction diplomatique négative vis-à-vis de l’Ukraine. James Sherr, agrégé supérieur à Chatham House, a également qualifié d’erreur stratégique la manière dont le président Ianoukovitch a négocié la position de son pays avec l’UE. Malgré la priorité habituelle accordée aux enjeux économiques dans les discussions sur les relations extérieures et l’expansion possible de l’UE, cette dernière demeure une institution fondamentalement attachée à ses principes de gouvernance démocratique et de primauté du droit. Selon M. Sherr,

Le président Ianoukovitch est indifférent à sa propre incapacité de comprendre les prémisses sur lesquelles se fonde l'intégration à l'UE. À ses yeux, cette intégration représente l'accès à des marchés, et non pas une occasion de procéder aux changements qui permettraient à l'Ukraine d'exploiter ces marchés dans son propre intérêt. Il ne fait aucun doute que Ianoukovitch préférerait la conclusion d'un accord d'association avec l'UE à une intégration à la CEI, union douanière parrainée par la Russie. Toutefois, ce qui est encore plus certain, c'est que Ianoukovitch préférerait être président d'une Ukraine qui réintégrerait le giron russe que de ne plus être président d'une Ukraine qui intégrerait l'UE[81].

Bien que l’accord d’association entre l’UE et l’Ukraine soit maintenant paraphé, il n’a pas été signé ni ratifié. Il est actuellement en suspens jusqu’au lendemain au moins des élections législatives en Ukraine, en octobre 2012. Ce n’est qu’alors que les dirigeants de l’UE pourront évaluer plus facilement si le gouvernement ukrainien respecte les normes démocratiques et la primauté du droit[82].

L’isolement croissant du pays est une source d’anxiété pour de nombreux Ukrainiens. Comme l’a dit au Comité, à Kyiv, Andriy Pyshnyi, administrateur général du Parti du changement, le Championnat d’Europe de football 2012 aurait pu être une occasion pour l’Ukraine de faire connaître ses valeurs européennes au reste de l’Europe; l’événement s’est plutôt transformé en foyer de censure diplomatique du pays.

Dans l’ensemble, vu la taille et la situation géographique du pays, de nombreux témoins ont parlé de son importance géostratégique. Il est assurément le centre névralgique de l’espace postsoviétique et considéré comme le baromètre qui sert à déterminer si la région se tourne davantage vers l’Europe ou s’en détourne. Cette évaluation pose des défis pour des pays comme le Canada qui cherchent des façons de dialoguer avec l’Ukraine, mais dont le recul démocratique inquiète. Certains témoins ont aussi souligné que malgré l’influence considérable que peut exercer la Russie sur le climat politique et économique en Ukraine, il ne faut pas la voir comme une dynamique à sens unique. Un député du parlement polonais, Marcin Swiecicki, a parlé de l’impact que l’évolution de la situation en Ukraine pourrait avoir sur la Russie. Il a dit au Comité que :

[...] l'Ukraine subit actuellement d'énormes pressions de la Russie. Celle-ci veut faire obstacle à la conclusion de l'accord d'association, mais si l'Ukraine parvient à se moderniser, si elle réussit à réaliser ses aspirations européennes, je crois que cela constituera un très bon modèle pour la Russie, pour toutes ces forces qui sont en Russie et qui, bien qu'elles soient minoritaires, luttent pour la démocratisation et la modernisation de la Russie, et l'instauration de la primauté du droit dans ce pays. Bien sûr, si l'Ukraine échoue, les conséquences seront désastreuses, car cela ravivera la nostalgie de l'empire et le désir d'une extension de son influence[83].

James Sherr convient que la réussite de l’Ukraine « sur la route de la démocratie et de l'intégration européenne sera déterminante, non seulement pour l'Ukraine elle-même, mais également pour la Russie et pour tous les États de l'ex-URSS[84] ».

LE RÔLE DU CANADA

Les liens entre le Canada et l’Ukraine remontent aux années 1890 avec l’arrivée de la première vague d’immigrants ukrainiens dans l’Ouest canadien. En fait, en mai 2011, diverses communautés au Canada ont commencé à célébré le 120e anniversaire de l’établissement ukrainien au pays. Bien que les relations entre les deux pays ne reposent plus seulement sur le fait que le Canada compte quelque 1,3 million de Canadiens d’origine ukrainienne, les interlocuteurs en Ukraine ont souligné l’existence d’une relation unique avec le Canada, lequel est incontestablement le pays le plus ukrainien au monde après l’Ukraine.

Quant aux relations officielles, le premier ministre canadien Brian Mulroney, a annoncé lors d’une visite effectuée en Union soviétique en novembre 1989, que le Canada ouvrirait un consulat à Kiev pour souligner « les liens d’amitié et de parenté qui unissent les peuples canadien et ukrainien ». Comme nous l’avons souligné au début du rapport, le Canada fut le premier pays occidental à reconnaître l’indépendance de l’Ukraine en 1991. Le gouverneur général du Canada, le très honorable Ramon Hnatyshyn, lui-même d’origine ukrainienne, a été le premier chef d’État étranger à effectuer une visite officielle en Ukraine à la fin de septembre 1992. Durant la visite du Comité en Ukraine, en mai 2012, les membres du Comité ont assisté à une réunion à l’ambassade canadienne le 14 mai en l’honneur du 20e anniversaire des relations diplomatiques entre le Canada et l’Ukraine. Étaient présents à la réception, le sous-ministre des Affaires étrangères de l’Ukraine, les membres du Comité, les membres du corps diplomatique et des représentants de la société civile à Kyiv.

Les défis multiples auxquels l’Ukraine est confrontée ont été discutés plus haut. Ce qui suit contient les recommandations du Comité qui expliquent pourquoi et comment le Canada devrait continuer d’aider le pays. L’Ukraine est fondamentalement un pays important qui, deux décennies après son indépendance, tente toujours de raffermir sa démocratie et d’atteindre la prospérité; il est dans le meilleur intérêt du Canada qu’il réussisse. De plus, le peuple ukrainien, avec qui de nombreux Canadiens maintiennent des liens particuliers, a besoin de notre aide et la demande. Comme Ihor Kozak de la League of Ukrainian Canadians l’a dit au Comité, à Ottawa, « […] l’Ukraine et son peuple ont plus que jamais besoin de l’appui du Canada[85] ». Pour sa part, le poète, ancien ambassadeur et ancien député Dmytro Pavlychko, a dit au Comité, à Kyiv, qu’il faut voir au-delà des individus et traiter les relations Canada-Ukraine comme étant éternelles.

Les audiences du Comité à Ottawa et ses réunions en Ukraine ont convaincu ses membres que le Canada peut et devrait continuer à jouer un rôle important en aidant l’Ukraine à consolider la démocratie et à jouir de la prospérité — plus particulièrement si le gouvernement du Canada coordonne ses politiques avec des partenaires animés du même esprit tels que l’Union européenne et les États-Unis. Les Canadiens s’entendent certes sur les défis qui, jusqu’ici, ont empêché l’Ukraine de faire des progrès, mais la question consiste à trouver le moyen d’équilibrer la transmission de messages clairs à tous les dirigeants politiques ukrainiens et le besoin continu d’aider les Ukrainiens et leur pays.

DIALOGUE OU ISOLEMENT?

Les défis démocratiques auxquels l’Ukraine a été confrontée récemment, et plus particulièrement les procès à mobile apparemment politique contre Ioulia Timochenko et d’autres dirigeants de l’opposition, ont amené de nombreuses personnes à se demander si des sanctions ou d’autres mesures analogues prises par des gouvernements enverraient un message plus fort aux politiciens et citoyens ukrainiens qu’une interaction ininterrompue.

Bien que la plupart des personnes que le Comité a rencontrées aient plaidé contre l’isolement de l’Ukraine, certains ont privilégié l’imposition de sanctions limitées telles que l’interdiction de voyager pour les oligarques. Pour sa part, le père Borys Gudziak de l’Université catholique d’Ukraine a répondu à une question au sujet des négociations de libre-échange en faisant valoir qu’il fallait être présent à la table pour exercer une influence. Il a ajouté qu’à son avis les politiques poursuivies par la Pologne vis-à-vis de l’Ukraine avaient été plus éclairées que la politique européenne en général et les mouvements s’apparentant à un boycottage en particulier.

Quant aux relations bilatérales officielles, le gouvernement du Canada a coopéré avec l’Ukraine de nombreuses façons au cours des deux dernières décennies dans la poursuite du développement économique et démocratique. Le Canada et l’Ukraine ont signé une Déclaration conjointe établissant un « partenariat spécial » en 1994, et l’ont renouvelée en 2001 et 2008[86]. En septembre 2009, les deux pays ont signé une « feuille de route » au niveau ministériel établissant les domaines prioritaires en matière de coopération bilatérale, y compris l’expansion des relations commerciales et politiques, la sécurité, la coopération humanitaire et culturelle. À l’échelon politique, le président ukrainien d’alors, Viktor Yushchenko, a visité le Canada en 2008. La gouverneure générale Michaëlle Jean a visité l’Ukraine en 2009, et le premier ministre Harper en a fait autant en 2010.

Parallèlement, le gouvernement du Canada a exprimé publiquement et vigoureusement ses préoccupations au sujet de la détérioration de la situation en Ukraine par de nombreuses déclarations publiques notamment du ministre des Affaires étrangères, l’honorable John Baird, au sujet de divers dossiers de poursuite judiciaire sélective. Immédiatement après la condamnation de Mme Timochenko en 2011, le ministre Baird a déclaré que le « Canada est préoccupé par la manière dont les autorités ukrainiennes ont procédé à l’arrestation, à l’accusation, à la condamnation et à la sentence de madame Ioulia Timochenko ». En outre, le premier ministre Stephen Harper a écrit au président Ianoukovitch en 2011 en déclarant que : « Je suis profondément préoccupé par les récents développements dans votre pays, en particulier par la motivation politique apparente du procès intenté contre l'ancienne première ministre Ioulia Timochenko. ». Et plus loin : « Je ne saurais trop insister sur les répercussions négatives possibles que ces procédures juridiques contre Ioulia Timochenko pourraient avoir sur les relations futures de l’Ukraine avec le Canada et d’autres États ainsi que sur le développement démocratique à long terme de l’Ukraine[87]. » Le 18 octobre 2011, la Chambre des communes a tenu un débat exploratoire d’urgence sur la situation en Ukraine[88].

À la fin de février 2012, le gouvernement du Canada a protesté « un nouvel exemple d’apparente partialité politique et d’accusation arbitraire en Ukraine »[89]. De même, à la suite de la condamnation et de l’incarcération de l’ancien ministre de la Défense Valeri Ivachtchenko en avril 2012, le ministre Baird a déclaré qu’une « tendance troublante se poursuit en Ukraine. Comme d’autres poursuites antérieures apparemment fondées sur des motifs politiques, ceci contribuer à saper la base des institutions qui sont indispensables à toute société voulant vivre dans la paix, la prospérité et la démocratie[90] ». Durant sa visite en Ukraine en avril 2012 et ses rencontres avec le premier ministre et divers ministres de l’Ukraine, la ministre canadienne de la Coopération internationale, l’honorable Beverley Oda a « souligné l'importance de l'instauration d'un environnement qui permet des élections libres et justes, et qui favorise la démocratie, les droits de la personne et la primauté du droit pour tous les Ukrainiens »[91]. Des messages analogues ont également été transmis au gouvernement de l’Ukraine durant d’autres réunions de haut niveau auxquelles le premier ministre et le ministre des Affaires étrangères du Canada ont participé, dont la plus récente au Sommet de l’OTAN en mai 2012.

Quelques jours seulement avant l’arrivée du Comité en Ukraine, une haute fonctionnaire du ministère des Affaires étrangères, Jillian Stirk, a fourni des précisions au sujet de son témoignage antérieur dans un mémoire envoyé au Comité. Elle a réitéré que la politique du Canada consiste à tabler sur son partenariat spécial avec l’Ukraine, à discuter avec l’administration ukrainienne et à coopérer avec les Ukrainiens qui cherchent à édifier une société pacifique, démocratique et prospère. Elle a ajouté : « Nous croyons avoir beaucoup plus à perdre qu’à gagner en ne dialoguant pas, et le dialogue est ce que le peuple ukrainien attend de nous[92]. »

Cette focalisation sur le dialogue par opposition à l’isolement n’a pas empêché la diplomatie canadienne en Ukraine d’être efficace, toutefois, notamment relativement à la décision du Canada de négocier l’accès à des soins médicaux indépendants pour Ioulia Timochenko. Bien que la visite initiale de médecins canadiens et allemands pour examiner Mme Timochenko ait encore une fois été une source de litiges avec le gouvernement de l’Ukraine, la fille de Mme Timochenko a remercié le Comité à Kyiv pour le fait que le Canada ait été parmi les premiers à intervenir en vue d’exiger que sa mère soit traitée de façon humanitaire. Outre que de réclamer des mesures additionnelles, elle a demandé que le Canada continue de contribuer à la « guerre d’information » en cours en continuant de rapporter les faits à propos de la situation en Ukraine.

Lors d’une réunion informelle avec le Comité, à Kyiv, le vice-ministre des Affaires étrangères de l’Ukraine, Pavlo Klimkin, a dit aux membres qu’il croyait que la poursuite du dialogue — qui comprendrait également l’exercice de pressions pour le changement en Ukraine — serait à l’avantage et du Canada et de l’Ukraine, particulièrement s’il était plus structuré. Le gouvernement de l’Ukraine a suggéré l’établissement à l’échelon ministériel d’une commission bilatérale permanente qui chapeauterait les groupes de travail dans des domaines comme l’investissement et l’énergie. Il a dit aux membres qu’une commission de partenariat stratégique semblable avait été établie entre les États-Unis et l’Ukraine, et que l’expérience s’était révélée positive[93]. Au-delà des structures, M. Klimkin a fait valoir que la relation nécessitait une plus grande intervention au niveau politique, et a ajouté que la visite du Comité était un signe positif. Interrogé à l’une des réunions subséquentes du Comité au sujet de ce qu’il pensait d’une commission bilatérale quelconque, le président de la Chambre de commerce américaine en Ukraine, Jorge Zukoski, a convenu que l’expérience américaine avait été favorable.

Dans l’ensemble, le Comité croit que le dialogue soutenu avec l’Ukraine est la façon la plus efficace pour le Canada d’atteindre des objectifs dans ce pays. Ce dialogue toutefois doit s’appuyer sur des principes et comporter des balises. Il ne faut pas négliger l’érosion de la primauté du droit et des principes démocratiques en Ukraine, y compris la corruption généralisée, les procès à mobile apparemment politique et la diminution de la liberté de presse.

Le Comité croit que le Canada doit continuer à livrer un message fort et public à l’Ukraine au sujet de la nécessité d’une adhésion sans réserve aux principes de la démocratie représentative, aux droits de la personne et à la primauté du droit. Bien qu’il convienne que, tout compte fait, le dialogue soit préférable à l’isolement, particulièrement au cours des mois menant aux élections législatives d’octobre 2012, la tenue de ces élections et le traitement de l’opposition et des forces démocratiques dans la société ukrainienne pourraient obliger un réexamen.

Il est important pour les gouvernements de dialoguer. Toutefois, pour terminer, le Comité est du même avis que de nombreuses personnes qu’il a rencontrées en Ukraine, soit que le resserrement des liens non gouvernementaux, tant entre le milieu des affaires que les organisations de la société civile et les particuliers, est très important pour le développement démocratique de ce pays et le renforcement des relations avec le Canada.

PRIORITÉS D’ACTION

A. Aide au développement

La majorité de l’aide canadienne apportée à l’Ukraine depuis 20 ans — qui a variée entre la coopération sur la non-prolifération nucléaire à la gouvernance et la prospérité — s’est faite à travers la contribution de plus de 380 millions de dollars en aide bilatérale au développement. Ce décaissement a fait du Canada le sixième plus important donateur bilatéral envers l’Ukraine après les États-Unis, l’Allemagne, le Japon, la Suède et la France. Bien que l’aide à l’Ukraine ait été initialement administrée par un Groupe de travail sur l’Europe centrale et l’Europe de l’Est au MAECI, cette responsabilité a par la suite été confiée à l’ACDI en 1995. Selon une évaluation interne menée par l’ACDI en 2004, « le transfert du programme de l’Ukraine sous la responsabilité de l’ACDI a marqué un rétrécissement de la portée du programme pour se concentrer davantage sur la bonne gouvernance et le développement du secteur privé (comme élément de bien-être économique)[94] ». Ces volets généraux sont demeurés au cœur du travail de l’ACDI en Ukraine pendant le reste de la décennie, avec environ 46 % des décaissements du projet effectués entre 2004-2005 et 2009-2010 consacrés à la gouvernance démocratique et 49 % au développement du secteur privé[95].

En 2005, l’Ukraine fut identifiée comme l’un des 25 pays partenaires dans le développement, puis fut incluse en 2009 parmi les 20 pays ciblés par le Canada. Le programme de coopération technique en Ukraine demeure le seul que l’Agence mène en Europe aux termes duquel elle a décaissé quelque 28,55 millions de dollars en 2010-2011, et totalise environ 20 millions de dollars par année en moyenne. Les priorités de l’ACDI en Ukraine pour la période 2009-2014 sont la croissance économique durable et la sécurité alimentaire[96]. Elles permettent la coopération dans des secteurs comme le soutien des coopératives de crédit, la réduction des formalités administratives, le développement économique régional et l’aide agricole. Le site Web de l’ACDI ajoute que : « Le programme de l’ACDI en Ukraine a pour objectif d’améliorer les perspectives économiques des Ukrainiens, et ce, dans une démocratie renforcée[97] ». À titre d’exemple particulier de ces objectifs communs, l’ACDI met actuellement en œuvre un projet intitulé : « Formation du personnel judiciaire pour favoriser la croissance économique en Ukraine. » Ce projet vise à « concevoir un programme et des cours de formation et à éduquer les formateurs de manière à améliorer la capacité du système judiciaire de résoudre les cas où des entreprises et des entrepreneurs sont concernés[98] ». Au moyen de cette approche globale, l’ACDI facilite actuellement la gouvernance démocratique en finançant notamment la préparation et la surveillance d’élections.

Des représentants de la société civile et d’autres interlocuteurs en Ukraine étaient reconnaissants pour l’aide canadienne. Malgré le fait toutefois que le développement économique puisse aussi contribuer au renforcement de la démocratie, les questions de primauté du droit et de gouvernance étaient au cœur des préoccupations des témoins. Taras Zalusky du Congrès des Ukrainiens-Canadiens a dit au Comité que :

En ce qui concerne l'ACDI, l'Agence canadienne de développement international, ses priorités actuelles concernent l'agriculture, la sécurité alimentaire et le développement économique de l'Ukraine. Nous croyons qu'il faudrait modifier ces priorités afin d'inclure la bonne gouvernance, le développement démocratique, la réforme judiciaire et le soutien de la société civile. Le Canada peut aider à favoriser le développement du secteur des ONG, notamment les groupes travaillant dans les domaines des droits humains, de l'éducation et de la réforme du droit, puisqu'une société civile dynamique est le meilleur garant de l'évolution démocratique de l'Ukraine à long terme[99].

À une question au sujet des autres volets du programme de l’ACDI à Lviv, le professeur Yaroslav Hrytsak de l’Université catholique d’Ukraine, a aussi recommandé de prioriser la démocratie. À Kharkiv et ailleurs en Ukraine, les organisations non gouvernementales œuvrant dans la région ont clairement indiqué au Comité qu’elles aimeraient obtenir plus d’aide en matière de partage d’information, de formation et de renforcement des capacités. De plus, des témoins tels que l’ancien ambassadeur de l’Ukraine au Canada, Yuri Scherbak, ont souligné l’importance des stages et d’autres possibilités pour les jeunes Ukrainiens et Canadiens. À Lviv, le père Borys Gudzyak a dit aux membres que des programmes du genre « valent leur pesant d’or », et a exhorté le Canada à les multiplier. Un accord sur la mobilité des jeunes a permis à une centaine de jeunes Ukrainiens de venir au Canada en 2011.

Dans l’ensemble, bien que les programmes existants gérés par l’ACDI en Ukraine abordent des questions liées au développement démocratique, une intervention plus concrète dans les domaines de gouvernance et de primauté du droit — au-delà du contexte du développement économique — enverrait un message fort et positif tant aux dirigeants politiques ukrainiens qu’aux membres de la société civile dans ce pays du sérieux de l’intervention du Canada en Ukraine.

B. Observation des élections

Vu sa relation exceptionnelle avec l’Ukraine et l’importante communauté de Canadiens d’origine ukrainienne, le Canada contribue depuis longtemps et de façon considérable au développement démocratique de ce pays avec ses missions d’observation électorale en Ukraine. Les Canadiens, notamment leurs parlementaires, ont observé des élections législatives et présidentielles dans le cadre de missions internationales menées par l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), ont participé à des missions bilatérales du gouvernement du Canada et à des missions organisées par la communauté ukrainienne au Canada. Lors des élections présidentielles de 2004, la délégation d’observateurs canadiens était dirigée par un ancien premier ministre, le très honorable John Turner. Pour les élections présidentielles de 2010, elle était dirigée par la sénatrice Raynell Andreychuk. Dans son témoignage devant le Comité, à Ottawa, le parlementaire ukrainien et ancien ministre des Affaires étrangères, Borys Tarasyuk, a dit aux membres que : « Je voudrais vous rappeler que, en 2004, à l'occasion des élections présidentielles les plus spectaculaires, les ONG et les parlementaires canadiens étaient représentés au sein du plus important groupe d'observateurs étrangers, lequel comptait 1 500 membres. Nous nous attendons cette fois à ce que le Canada fournisse pas moins de 1 500 observateurs étrangers[100]. »

En raison de l’importance des élections législatives qui se tiendront en Ukraine en octobre 2012, des témoins ont souligné l’absolue nécessité de la présence d’observateurs électoraux à court terme et à long terme dans les mois à venir. Il faudrait dès que possible déployer des observateurs à long terme avant les élections. Le Comité convient de la nécessité de cette contribution. Il croit aussi que le Canada devrait employer des mécanismes multilatéraux, bilatéraux et non gouvernementaux pour pouvoir envoyer en Ukraine un important contingent d’observateurs dirigé par une personnalité politique.

C. Relations économiques et négociations de libre-échange

Le site Web du MAECI précise que le « Canada et l’Ukraine jouissent de relations commerciales positives[101] ». Les échanges commerciaux bilatéraux entre le Canada et l’Ukraine ont totalisé quelque 286,4 millions de dollars en 2011, les exportations du Canada (150,2 millions de dollars) comprenant du poisson et des fruits de mer, de la machinerie, des produits pharmaceutiques et des boissons. Les importations de l’Ukraine (136,4 millions de dollars) au cours de la même année comprenaient du fer et de l’acier, des combustibles minéraux et du pétrole, des fertilisants ainsi que des produits dérivés du fer et de l’acier.

En réalité, toutefois, les relations commerciales sont plutôt faibles compte tenu de tous les liens décrits plus haut — l’Ukraine était la 63e plus importante destination des exportations du Canada en 2011, et la 82e plus importante source des importations — et de la présence d’une très importante communauté de Canadiens d’origine ukrainienne qui pourrait investir de façon rentable dans ce pays. En fait, selon les statistiques du gouvernement ukrainien, fournies au Comité par Veronika Movchan, le stock intrant d’investissements directs étrangers en Ukraine se chiffrait à quelque 119,4 millions $US en date du 31 décembre 2011, ou environ 0,24 % du total du stock intrant d’investissements directs étrangers en Ukraine.

La valeur des échanges bilatéraux a diminué sensiblement, passant de 427,1 en 2008 à 286,4 millions de dollars, ce qui n’est peut-être pas surprenant vu que l’Ukraine a été durement touchée par la crise financière mondiale. Toutefois, comme nous en avons précédemment fait la remarque, outre la crise financière, on a dit au Comité, en Ukraine, que l’incertitude qui subsiste à propos de la primauté du droit, de la corruption et du manque de transparence nuit à la croissance des investissements canadiens et autres dans le pays. Outre que de contribuer à la prospérité de l’Ukraine (et du Canada), les entreprises canadiennes appliquant des pratiques exemplaires et exigeant leur application relativement à leurs investissements pourraient également être une force du changement en Ukraine qui irait au-delà du développement de l’économie du pays.

En juin 2010, on a annoncé que le Canada et l’Ukraine amorceraient des négociations en vue de conclure un accord de libre-échange. Jusqu’à présent, quatre séances de négociations ont été tenues, la dernière remontant à avril 2012, à Kyiv. Le Canada et l’Ukraine ont déjà signé un Accord sur la promotion et la protection de l’investissement étranger, une Convention en vue d’éviter les doubles impositions et un Accord sur le transport aérien. Toutefois, au-delà de fournir des balises aux producteurs et exportateurs canadiens pour permettre un accès concurrentiel à leurs produits et services, l’information fournie au Comité par le gouvernement du Canada indique qu’un autre des objectifs des démarches en vue de conclure un accord global consiste a créer un environnement plus sécuritaire pour les négociants et investisseurs canadiens faisant des affaires en Ukraine. De plus, selon l’information fournie au Comité, les entreprises canadiennes recherchent des placements dans les secteurs ukrainiens comme l’agriculture, l’énergie, les mines, ainsi que dans les créneaux émergents des technologies propres.

À une question au sujet des négociations menées à l’automne 2011 sur l’accord de libre-échange, Jillian Stirk, la représentante des Affaires étrangères a dit au Comité que le « défi consiste à équilibrer les encouragements et les éléments dissuasifs. Le gouvernement suivra la situation de près et nous chercherons la meilleure façon de procéder dans le cadre des négociations en cours[102] ».

Au moins un groupe témoignant devant le Comité, à Ottawa, les Amis canadiens de l’Ukraine, a recommandé la suspension des négociations sous réserve de la participation d’Ioulia Timochenko aux élections législatives en octobre; ils ont préconisé le retrait du processus si elle en est empêchée. Ancien vice-premier ministre et conseiller actuel de Mme Timochenko, Hryhoriy Nemyria a dit au Comité, à Kyiv, que bien que le libre-échange soit une bonne chose, il fallait tenir compte des dynamiques, et les négociations offraient au Canada un levier qu’il pourrait songer à utiliser. D’autres témoins, notamment la majorité des interlocuteurs en Ukraine, n’ont pas réclamé de suspendre les négociations. Comme nous l’avons indiqué plus haut, le père Borys Gudziak croit que le Canada doit être présent pour pouvoir exercer son influence.

Le Congrès ukrainien canadien a dit au Comité que « les négociations […] devraient être subordonnées à l’engagement de la part du gouvernement ukrainien à respecter la démocratie et les droits humains. Compte tenu du contexte politique en Ukraine, nous encourageons vivement le Canada à s'assurer que le projet d'accord de libre-échange entre le Canada et l'Ukraine renferme des dispositions explicites garantissant les droits humains, la primauté du droit et le respect de principes démocratiques fondamentaux, à titre de condition à la ratification d'un tel accord [103]».

Le Comité admet d’une part l’argument selon lequel aller de l’avant avec les négociations à ce stade-ci et dans l’actuel contexte politique difficile en Ukraine risque d’être perçu par les Ukrainiens, y compris ceux qui œuvrent pour changer les choses, comme une acceptation des abus. Il croit d’autre part que la poursuite des négociations gardera ouverte la possibilité d’une plus grande prospérité en Ukraine. Comme il a été souligné plus haut, les États de l’UE ont clairement affirmé que la ratification de leur association et accord de libre-échange avec l’Ukraine dépendra de l’évolution de la situation dans ce pays. Le Comité est conscient du fait que le gouvernement du Canada s’est engagé à déposer tous les traités internationaux à la Chambre des communes pour examen. Par conséquent, tous les partis auront l’occasion d’étudier les accords de libre-échange conclus avec l’Ukraine avant leur ratification.

D. Endiguer la corruption de haut niveau

Au cours de ses audiences à Ottawa et de ses réunions en Ukraine, le Comité a entendu parler des activités d’oligarques puissants en Ukraine, qui financent les politiciens de toutes les affiliations politiques et qui, plus particulièrement, sont perçus comme des symboles de la corruption de haut niveau au pays et comme la base d’appui du régime en place. Témoignant à Ottawa, Taras Kuzio de l’Université Johns Hopkins, a dit au Comité que la présence de ces oligarques permet à l’Ouest d’exercer des pressions considérables sur l’Ukraine puisqu’ils possèdent des maisons et des entreprises en Europe de l’Ouest et ailleurs et que leurs enfants y font des études. C’est la raison pour laquelle il a fait valoir que des discussions concertées entre les pays comme les États-Unis et le Royaume-Uni au sujet de la possibilité de dresser une liste de personnes visées par l’interdiction de voyager pour empêcher certains oligarques de voyager à l’étranger nuiraient à leurs intérêts personnels. Il a dit : « Je crois qu'il faut une réponse concertée, en ce sens que le Canada, les États-Unis et l'UE y participeront. Il n'est pas encore nécessaire qu'elle soit réelle, mais si on laissait simplement couler que nous discutons de cette possibilité, cela aurait un impact considérable[104] .» D’autres ont aussi soulevé auprès du Comité la question de l’adoption par le Canada et d’autres pays aux vues similaires de mesures liées à l’interdiction de voyager contre certains individus et dirigeants, le blanchiment d’argent et le crime organisé.

Parallèlement, l’expert ukrainien, James Sherr, qui a également témoigné devant le Comité, qualifie de distractions malheureuses les discussions concernant particulièrement l’imposition d’une liste de personnes visées par l’interdiction de voyager. Il préconise plutôt le renforcement de nos propres règles nationales contre le blanchiment d’argent et d’autres pratiques de corruption. Selon lui :

Ce n’est pas une question de sanctions à caractère politique, mais de respect de l’intégrité de nos valeurs juridiques. De plus, cela enverrait le message que non seulement la façon de gouverner et de faire des affaires ne correspond pas à la nôtre, mais qu’elle nuit aux perspectives commerciales et aux bénéfices des entreprises. Ce message serait beaucoup plus puissant que d’interdire au fils d’un ministre d’étudier en Grande-Bretagne ou à cet individu qu’il ne peut pas voyager en Europe[105].

Concrètement, il serait probablement plus efficace qu’une telle liste de personnes visées par l’interdiction de voyager ou toute autre mesure analogue soit entreprise par l’Union européenne ou par les États-Unis. Par ailleurs, le Comité croit que le Canada et ses alliés devraient examiner individuellement et conjointement tous les mécanismes à leur disposition qu’ils pourraient invoquer pour endiguer les activités internationales illégales des oligarques ukrainiens, ce qui, espérons-le, atténuerait leur impact malsain sur la vie économique et politique de ce pays.

RECOMMANDATIONS POUR UNE ACTION CANADIENNE

Les objectifs du renforcement de la démocratie et de la prospérité pour les Ukrainiens ne se réaliseront pas rapidement ni facilement. Néanmoins, le Comité croit qu’ils sont atteignables, particulièrement avec l’aide d’amis comme le Canada. C’est la raison pour laquelle le Comité continuera de surveiller étroitement l’évolution de la situation en Ukraine.

Sur la foi des témoignages qu’il a entendus et des conclusions du présent rapport, le Comité est d’avis que les recommandations suivantes doivent guider le dialogue du Canada avec l’Ukraine :

1.    Le Comité recommande que le gouvernement du Canada poursuive une politique à long terme de dialogue fondée sur des principes avec l’Ukraine. Ce dialogue devrait porter sur toutes les questions soulevées dans le présent rapport, notamment la primauté du droit, la gouvernance politique et économique, les élections, le climat porteur d’une société civile, la liberté de presse, la liberté universitaire, la liberté de culte, le commerce et les investissements, la mobilité de la jeunesse et les échanges culturels.

2.    Le Comité recommande que dans l’immédiat le gouvernement du Canada réclame énergiquement :

·         La prestation de soins médicaux immédiats, indépendants et adéquats à tous les dirigeants politiques, plus particulièrement ceux qui sont détenus en vertu d’accusations à mobile apparemment politique;

·         La remise en liberté sans délai de tous les dirigeants politiques condamnés à l’issue de procès à mobile apparemment politique, notamment Ioulia Timochenko, Yuri Lutsenko et Valeri Ivachtchenko, entre autres;

·         Le renforcement de la primauté du droit et le respect intégral des droits de la personne, de la liberté de presse, de la liberté de culte et de la liberté universitaire en Ukraine.

3.    Le Comité recommande que le gouvernement du Canada prenne des mesures concrètes pour favoriser la tenue d’élections législatives libres, équitables et transparentes en Ukraine, en octobre 2012, qui respectent les normes internationales et qui sont acceptables pour les citoyens du pays. Outre les programmes existants de formation et de renforcement des capacités, le gouvernement du Canada devrait recourir à des mécanismes multilatéraux, bilatéraux et autres pour qu’un nombre important de Canadiens, au moins comparable au nombre envoyé durant l’élection présidentielle de 2010, participent à ces élections cruciales à titre d’observateurs à court terme et à long terme. Les observateurs à long terme devraient être déployés dans les meilleurs délais. La mission d’observation électorale du Canada en Ukraine devrait être dirigée par un éminent Canadien ou une éminente Canadienne.

4.    Le Comité recommande que le gouvernement du Canada poursuive des négociations sur le libre-échange avec le gouvernement de l’Ukraine. Tout accord final doit toutefois contenir des dispositions sur la primauté du droit et la démocratie conformément à ce qui se fait actuellement au Canada. De plus, le gouvernement du Canada doit déclarer publiquement que la ratification de tout accord de libre-échange sera sous réserve de la réalisation de progrès véritables dans le domaine des droits de la personne, de la démocratie et de la primauté du droit, ainsi que de la prise de mesures acceptables concernant les poursuites sélectives et à mobile apparemment politique contre des dirigeants politiques.

5.    Le Comité recommande que le gouvernement du Canada maintienne le programme d’aide de l’ACDI en Ukraine. Il recommande également de cibler explicitement les activités favorisant la primauté du droit et la bonne gouvernance en Ukraine ainsi que la facilitation de la participation de la société civile à la gouvernance et au processus décisionnel à tous les niveaux. L’aide au développement devrait aussi cibler particulièrement les organisations de la société civile vouées à la primauté du droit, aux droits de la personne et à la gouvernance.

6.    Dans le but de favoriser l’épanouissement de la société civile, de la démocratie et de la primauté du droit, le Comité recommande que soit reconnue l’importance d’accroître le nombre de jeunes Ukrainiens et de jeunes Canadiens participant à l’Accord sur la mobilité des jeunes.

7.    Le Comité recommande que le gouvernement du Canada joue un rôle de premier plan auprès du G8, du G20 et du Fonds monétaire international et d’autres tribunes internationales afin d’étudier tous les moyens qui permettraient à la communauté internationale de lutter contre le blanchiment d’argent en Ukraine et par l’intermédiaire de l’Ukraine.

8.  Le Comité recommande que le gouvernement du Canada étudie avec ses partenaires internationaux les moyens à prendre pour limiter, en vertu des lois canadiennes applicables, les voyages à l’étranger et les activités « commerciales » illicites d’oligarques et de représentants gouvernementaux corrompus ainsi que de leurs familles.


[1]              Zbigniew Brzezinski, The Grand Chessboard: American Primacy and Its Geostrategic Imperatives, New York, BasicBooks, 1997, p. 93. [traduction]

[2]              Chambre des communes, Comité permanent des affaires étrangères et du développement international [FAAE], Témoignages, 1re session, 41e législature, 20 octobre 2011.

[3]              Mme Timochenko a été première ministre de l’Ukraine de janvier 2005 à septembre 2005 et de décembre 2007 à mars 2010.

[4]              Youriy Onyshkiv, « James Sherr: ‘Ukraine’s Relationship with the EU is Destructive’ », Kyiv Post, 26 avril 2012. [traduction]

[5]              OSCE, Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme, Ukraine: Presidential Election 17 January and 7 February 2010: OSCE/ODIHR Election Observation Mission Final Report¸ Varsovie, 28 avril 2010. [traduction]

[6]              Freedom House, « Country ratings and status, FIW 1973-2011 », Freedom in the World Comparative and Historical Data.

[7]              Steven Pifer, « Developments in Ukraine and Implications for U.S. Policy », témoignage devant le U.S. Senate Foreign Relations Committee, The Brookings Institution, 1er février 2012.

[8]              Damon M. Wilson, « Imprisoned in Ukraine », The Washington Post, 19 avril 2012.

[9]              Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, Commission pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l’Europe (Commission de suivi), « Le fonctionnement des institutions démocratiques en Ukraine », 9 janvier 2012.

[10]           Ibid.

[11]           Le projet de résolution a été adopté à l’unanimité par la Commission de suivi le 15 décembre 2011. L’Assemblée a adopté la Résolution 1862 (2012) le 26 janvier 2012 par une vaste majorité. Il convient de signaler que l’Assemblée et ses commissions ne se prononcent par voie de vote que sur les projets de résolution et les recommandations, pas sur le rapport ni sur l’« exposé des motifs ».

[12]           Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, Résolution 1862 (2012), « Le fonctionnement des institutions démocratiques en Ukraine », 26 janvier 2012.

[13]           Comité Helsinki pour les droits de l’homme du Danemark, Legal Monitoring in Ukraine III, rapport préliminaire sur les enquêtes contre Ioulia Timochenko en novembre 2011. [traduction]

[14]           Comité Helsinki pour les droits de l’homme du Danemark, Legal Monitoring in Ukraine II, deuxième rapport préliminaire sur les enquêtes et poursuites contre l’ancienne première ministre Ioulia Timochenko, l’ancien ministre de la Défense par intérim Valeri Ivachtchenko, l’ancien ministre de l’Intérieur Iouri Loutsenko et l’ancien premier vice-ministre de la Justice Yevhen Korniychuk.

[15]           FAAE, Témoignages, 5 mars 2012.

[16]           Voir : Cour européenne des droits de l’homme, « La Cour en bref ».

[17]           Cour européenne des droits de l’homme, « Audience de chambre concernant la détention provisoire d'une personnalité politique », Communiqué de presse, CEDH 171 (2012), 17 avril 2012. M. Loutsenko a été accusé par le bureau du procureur général de l’Ukraine « d’avoir fait bénéficier irrégulièrement son chauffeur de différents avantages ». Plus tard la même année, « le parquet engagea contre lui des poursuites pénales […] pour abus de fonctions (attribution au chauffeur d’un studio). Les deux affaires furent jointes. »

[18]           Carl Bildt, William Hague, Karel Schwarzenberg, Radoslaw Sikorski et Guido Westerwelle, « Ukraine’s Slide », The New York Times, 4 mars 2012. [traduction]

[19]           Kostyantyn Gryshchenko, « Ukraine Responds », The New York Times, 20 mars 2012. [traduction]. À son retour d’Ukraine, le Comité a reçu un document de l’ambassade ukrainienne au Canada l’informant que le ministère de la Justice de l’Ukraine « retenait les services du cabinet d’avocats Skadden, Arps, Slate, Meagher & Flom pour réexaminer le dossier, ‘Timochenko c. Ukraine’ dont est saisie la Cour européenne des droits de l’homme » [traduction]. Selon ce document, le ministre de la Justice de l’Ukraine, Alexander Lavrinovich, « a affirmé qu’il était nécessaire de procéder à un examen indépendant de la poursuite d’Ioulia Timochenko pour abus de pouvoir, et pour étudier le bien-fondé des accusations de la poursuite aux termes des normes juridiques internationales » [traduction]. En outre, « Les conclusions de l’enquête indépendante menée par Skadden servira à la préparation de la position du gouvernement de l’Ukraine qui sera défendue devant la Cour européenne des droits de l’homme » [traduction]. Document reçu par le greffier du Comité, daté du 24 mai 2012.

[20]           Le 19 décembre 2011, la Cour européenne des droits de l’homme, organe du Conseil de l’Europe, a décidé « d’accélérer » la requête du 10 août 2011 de Mme Timochenko concernant sa détention à Kyiv après sa condamnation en octobre 2011. La Cour a pris cette décision sur la foi « des allégations graves et délicates ayant été soulevées ». Selon le tribunal, Mme Timochenko a prétendu « en particulier : que les accusations au criminel et sa détention avaient un mobile politique; qu’il n’y avait pas eu de révision judiciaire de la légalité de sa détention à Kyiv SIZO no 13; que les conditions de sa détention étaient inacceptables et qu’elle n’avait reçu aucun soins médicaux pour ses nombreux troubles de santé ». L’avis de cette requête a été envoyé au gouvernement de l’Ukraine. Le 14 mars 2012, Mme Timochenko avait demandé à la Cour européenne des droits de l’homme « de prendre une mesure provisoire en ordonnant son transfert à un établissement médical approprié vu son état de santé ». Le 15 mars 2012, la Cour a indiqué au gouvernement de l’Ukraine qu’il devait veiller à ce que Mme Timochenko « reçoive des soins médicaux convenables dans un établissement approprié ». Le 31 mai 2012, la Cour a décidé « de lever la mesure provisoire demandée au gouvernement de l’Ukraine, aux termes de l’article 39 du Règlement de la Cour, le 15 mars 2012, afin que [Mme Timochenko] reçoive des soins médicaux convenables dans un établissement approprié. Elle a jugé que le gouvernement s’était conformé à cette mesure. En revanche, elle a refusé d’acquiescer à une deuxième requête présentée par la requérante le 25 avril 2012 aux termes de l’article 39 dans laquelle celle-ci demandait au tribunal d’obliger le gouvernement de lui permettre de se faire soigner à l’Hôpital de la Charité, en Allemagne ». Après avoir établi un résumé chronologique des faits, y compris les incidents entourant l’hospitalisation de Mme Timochenko à Kharkiv, la Cour a fait remarquer que « la requérante reçoit actuellement des soins à l’Hôpital clinique central et qu’elle est suivie par un neurologue de l’extérieur. Dans les circonstances, selon les exigences minimales appliquées dans des cas relevant de l’article 39 du Règlement de la Cour, la Cour a statué que la mesure devait être levée. Elle a aussi demandé au gouvernement de présenter d’autres observations sur l’admissibilité et le bien-fondé du dossier, notamment les questions relatives à l’hospitalisation contre le gré de la requérante la nuit d’avril 2012 et la surveillance permanente ». Le tribunal a précisé qu’il « demeurait saisi du dossier et que la requérante pourrait présenter une nouvelle demande aux termes de l’article 39 si les circonstances l’exigent. La Cour examinera les questions de fond soulevées dans le dossier après avoir reçu les observations écrites des parties. »

[21]           Le Conseil de l'Europe a été fondé en 1949. Il compte 47 pays membres, dont l’Ukraine. « Le but premier du Conseil de l’Europe est de créer sur tout le continent européen un espace démocratique et juridique commun, en veillant au respect de valeurs fondamentales : les droits de l’homme, la démocratie et la prééminence du droit. » Les États membres ont des obligations aux termes du Statut du Conseil de l’Europe et de la Convention européenne des droits de l’homme.

[22]           La délégation de juges comprenaient deux membres de l’Institut national de la magistrature et deux membres du Bureau du commissaire à la magistrature fédérale. Ils étaient en Ukraine du 2 au 25 mai 2012 dans le cadre d’un nouveau projet de l’Agence canadienne de développement international intitulé, « Formation judiciaire pour une croissance économique ».

[23]           Comité Helsinki pour les droits de l’homme du Danemark, Legal Monitoring in Ukraine II, p. 11. [traduction]

[24]           Commission pour la démocratie par le droit (Commission de Venise), Avis conjoint sur le projet de loi ukrainienne portant modification de la loi sur le judiciaire et le statut des juges et d'autres textes législatifs, Avis no 639/2011, CDL-AD(2011)033, Strasbourg, 18 octobre 2011.

[25]           Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, Commission de suivi (2012), « Le fonctionnement des institutions démocratiques en Ukraine ».

[26]           Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, « Le fonctionnement des institutions démocratiques en Ukraine », Résolution 1862 (2012).

[27]           FAAE, Témoignages, 5 mars 2012.

[28]           FAAE, Témoignages, 7 mars 2012.

[29]           FAAE, Témoignages, 20 octobre 2011.

[30]           FAAE, Témoignages, 5 mars 2012.

[31]           FAAE, Témoignages, 7 mars 2012.

[32]           David Ennis et Gavin Weise, Review and Analysis of the Draft Law on the Election of People’s Deputies of Ukraine, Fondation internationale pour les systèmes électoraux (IFES), septembre 2011.

[33]           U.S. Helsinki Commission, Commission on Security and Cooperation in Europe, « Ukraine’s Upcoming Elections: A Pivotal Moment », audience tenue à Washington, D.C., 17 mai 2012.

[34]           FAAE, Témoignages, 5 mars 2012.

[35]           Le parti Udar n’a adhéré ni à la plateforme ni au plan d’action de l’opposition unifiée et présentera des candidats aux élections comme parti autonome, mais son responsable de la stratégie, Rostyslav Pavlenko, a fait part au Comité de l’intention de ce parti de se joindre aux autres partis de l’opposition une fois au parlement.

[36]           FAAE, Témoignages, 5 mars 2012.

[37]           Razumkov Centre, « 2012 Elections in Ukraine: public opinion », 11 avril 2012.

[38]           David J. Kramer, Robert Nurick, Damon Wilson et Evan Alterman, Sounding the Alarm: Protecting Democracy in Ukraine, Freedom House, avril 2011.

[39]           Ibid., p. 5.

[40]           « L’enlisement de l’affaire Timochenko amène Merkel à qualifier l’Ukraine de dictature en l’assimilant au Bélarus » [traduction], The Washington Post, 10 mai 2012.

[41]           International Republican Institute, Baltic Surveys Ltd., the Gallup Organization, and Rating Group Ukraine, « Public Opinion Survey Residents of Ukraine: October 30–November 11, 2011 », subventionné par l’Agence américaine pour le développement international.

[42]           FAAE, Témoignages, 5 mars 2012.

[43]           Razumkov Centre, «Party ratings in Ukraine », Question : S’il y avait des élections législatives dimanche prochain, pour quel parti politique voteriez-vous? (Récurrent, 2010-2012), consultée le 20 juin 2012.

[44]           Mémoire fourni au Comité le 9 mai 2012 par M. Bob Johnston, directeur général régional, EMMAP, Agence canadienne de développement international. [traduction]

[45]           La parité du pouvoir d’achat (PPA) exprime la notion qu’un bien identique dans deux pays différents devrait coûter le même prix lorsqu’on utilise la même devise. Le produit intérieur brut par habitant en PPA facilite les comparaisons entre économies en tenant compte des coûts et taux d’inflation relatifs dans différents pays.

[46]           Fonds monétaire international [FMI], World Economic Outlook Database, avril 2012.

[47]           Economist Intelligence Unit [EIU], Country Report: Ukraine, mars 2012. [traduction]

[48]           Institute for Economic Research and Policy Consulting, « Macroeconomic Forecast Ukraine — monthly issue », no 4 (56), avril 2012. Document fourni au Comité, à Kyiv, en Ukraine.

[49]           FMI, World Economic Outlook Database, avril 2012.

[50]           Agence centrale de renseignements des États-Unis [CIA], « Ukraine », The World Factbook, 11 avril 2012.

[51]           EIU, Country Report: Ukraine, mars 2012.

[52]           Ibid.

[53]           Institute for Economic Research and Policy Consulting, « Macroeconomic Forecast Ukraine — monthly issue », no 4 (56), avril 2012. Document fourni au Comité à Kyiv, en Ukraine.

[54]           Les accords de confirmation sont une forme de prêt consenti par le Fonds monétaire international ayant pour objectif d’aider les pays à surmonter des difficultés temporaires de balance des paiements. Les décaissements sont subordonnés à la réalisation des objectifs du programme.

[55]           Building Capacity in Evidence-Based Economic Development Planning in Ukrainian Oblasts and Municipalities, Lviv City Profile: Demographic, Economic, Fiscal, 2012, p. 28. Document fourni au Comité à Lviv, en Ukraine. [traduction]

[56]           Ibid., p. 24.

[57]           State Agency for Investment and National Projects of Ukraine, Invest in Ukraine: The Reasons Why, Kyiv, Ukraine. Document fourni au Comité à Kyiv, en Ukraine.

[58]           La Banque mondiale, « Ukraine », Les indicateurs de développement dans le monde.

[59]           « Ukraine sees 2017 for commercial shale gas output », Reuters, 16 mai 2012.

[60]           Ibid.

[61]           Roman Olearchyk et Guy Chazan, « Ukraine opens shale gas reserves to exploration », Financial Times, 23 février 2012. Le Comité a également appris que l’Ukraine est en train de construire un terminal de gaz naturel liquéfié sur les côtes de la mer Noire dans le but de diversifier ses sources d’approvisionnement énergétique.

[62]           EIU, « Ukraine politics: A rock and a harder place », 25 janvier 2012.

[63]           « Ukraine rejects Russian gas discount offer », Reuters, 24 février 2012.

[64]           Olga Shumylo-Tapiola, « Q&A – Ukraine and Russia: Another Gas War? » Carnegie Moscow Center, 21 février 2012.

[65]           EIU, Country Report: Ukraine, Londres, février 2012, p. 13-14.

[66]           Edward C. Chow, Ukraine at a Crossroads: What’s at Stake for the U.S. and Europe?, déclaration devant le Sous‑comité des affaires européennes du Comité sénatorial des relations étrangères concernant les affaires étrangères, 1er février 2012.

[67]           Ibid.

[68]           Judy Dempsey, « If Gas Talks Fail, Europe Has a Backup Plan », The New York Times, 9 janvier 2012.

[69]           La Banque mondiale, Ukraine, Les indicateurs du développement dans le monde.

[70]           Dans un document publié en 2008, l’Economist Intelligence Unit a affirmé que la baisse démographique que connaît l’Ukraine depuis son indépendance « est le fruit de la détérioration des conditions économiques et sociales associée à une grave récession vécue après l’indépendance, ainsi qu’à l’émigration. Une réduction de la qualité des soins de santé, des services de garderie et de la nutrition s’est également traduite par une diminution de la fertilité et de l’espérance de vie. Entre 1991 et 1993, le déclin démographique causé par un taux de mortalité plus élevé que le taux de naissance a été contrecarré par une importante immigration nette en provenance d’autres anciennes républiques soviétiques, plus particulièrement, par l’arrivée d’environ 250 000 Tatars de Crimée en Asie centrale, où ils s’étaient exilés durant le Seconde Guerre mondiale. Depuis 1995, toutefois, la tendance est vers une émigration nette, particulièrement aux États-Unis, au Canada et en Israël. Les Ukrainiens migrent eux aussi pour travailler dans d’autres pays européens, où les salaires sont plus élevés ». EIU, Ukraine : Country Profile 2008, p. 21. D’après une estimation de l’Organisation internationale pour la migration (OIM) datée de juillet 2011, la population de l’Ukraine diminue de 330 000 habitants par année. L’OIM estime à 6,5 millions le nombre d’expatriés ukrainiens. Sur le plan de la migration de la main-d’œuvre, de 2005 à 2008, les principaux pays de destination de la main-d’œuvre ukrainienne étaient la Russie, l’Italie, la République tchèque et la Pologne. Voir l’OIM, Migration in Ukraine: Facts and Figures, septembre 2011

[71]           La Banque mondiale, International Finance Corporation, « Ease of Doing Business in Ukraine », Doing Business 2012.

[72]           CIA, « Ukraine: Background ».

[73]           Cité dans Paula J. Dobriansky, « Ukraine: a question of survival », The National Interest, été 1994.

[74]           FAAE, Témoignages, 20 octobre 2011.

[75]           « European Integration of Ukraine and its Security Policy », discours du ministre des Affaires étrangères de l’Ukraine, S.E. M. Kostyantyn Gryschchenko, International Institute for Strategic Studies, Londres, 2 avril 2012. [traduction]

[76]           Andrew Roth et J. David Goodman, « In Ukraine Parliament, Push Comes to Shove, Wrestle and Punch », The New York Times, 25 mai 2012.

[77]           Olga Shumylo-Tapiola, « Ukraine and Russia: Ever Closer Neighbors? », Policy Outlook, Carnegie Endowment for International Peace, 8 juin 2011. [traduction]

[78]           Economist Intelligence Unit (EIU), Country Report: Ukraine, Londres, février 2012, p. 5. Selon le site Web de l’OTAN : « Réunis au sommet à Lisbonne en novembre 2010, les dirigeants des pays de l’OTAN ont déclaré respecter la politique de l'Ukraine, qui a adopté un statut « hors bloc », et ont salué la détermination du gouvernement ukrainien à rester pleinement engagé dans le Partenariat spécifique OTAN-Ukraine [...] Ils ont également rappelé que la porte de l'OTAN reste ouverte, conformément à la décision prise en avril 2008 au sommet de Bucarest, où les dirigeants des pays alliés sont convenus que l'Ukraine pourrait devenir membre de l'OTAN à l'avenir. C'est à la population ukrainienne et à ses dirigeants élus qu'il appartiendra en dernier ressort de déterminer le chemin que ce pays voudra parcourir avec l'OTAN. » Voir : OTAN, « Les relations entre l'OTAN et l'Ukraine ».

[79]           Rajan Menon et Alexander J. Motyl, « Counterrevolution in Kiev: Hope Fades for Ukraine », Foreign Affairs, 90.6 (nov.-déc. 2011) : 137-148.

[80]           Nikolas K. Gvosdev, « The New Russian Empire », The National Interest, 16 avril 2012.

[81]           FAAE, Témoignages, 7 mars 2012.

[82]           Selon la haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Catherine Ashton, l’état des accords de libre-échange et d’association en cours est le suivant : « Nous nous attendons à ce que l’Ukraine règle la question des procès à mobile politique, de l’indépendance de la magistrature et de l’utilisation sélective de la loi — elles ont entaché le dossier de Ioulia Timochenko et d’autres dirigeants de l’opposition et elles requièrent une solution. Nous suivrons de très près les élections législatives d’octobre. Nous croyons que tous les candidats qui souhaitent se présenter doivent pouvoir le faire. Le déroulement de la campagne électorale et de son processus sera crucial pour notre évaluation de ces élections. » [traduction] Voir : Union européenne, « Allocution prononcée par la haute représentante Catherine Ashton à l’issue du Conseil des affaires étrangères »,14 mai 2012, A 225/12, (en anglais seulement).

[83]           FAAE, Témoignages, 7 mars 2012.

[84]           Ibid.

[85]           FAAE, Témoignages, 5 mars 2012.

[86]           MAECI, « Relations Canada-Ukraine ».

[87]           Campbell Clark, « PM Warns Ukraine Relations with Canada on Shaky Ground », The Globe and Mail, 15 octobre 2011. [traduction]

[88]           Le 17 octobre 2011, la Chambre des communes a adopté la motion suivante à l’unanimité : « Qu'un débat exploratoire sur l’érosion de la démocratie en Ukraine et sur la poursuite et la condamnation arbitraires et politiquement motivées de l’ancienne première ministre Yulia Tymoshenko par les autorités ukrainiennes ait lieu conformément à l'article 53.1 du Règlement le mardi 18 octobre 2011 ».

[90]           MAECI, « Le ministre Baird préoccupé par la dernière condamnation en Ukraine », Communiqué, 13 avril 2012.

[91]           ACDI, « La ministre Oda met l’accent sur la croissance économique et la démocratie en Ukraine », Communiqué de presse, 16 avril 2012

[92]           Jillian Stirk, « Briefing on Ukraine », fourni au Comité permanent des affaires étrangères et du développement international, 9 mai 2012. [traduction]

[93]           Cliquez ici pour un complément d’information.

[94]           Agence canadienne de développement international [ACDI], Évaluation du programme-pays de l'Ukraine, mars 2005, p. 28.

[95]           ACDI, « Country Program Evaluation – Ukraine: Synthesis Report, juin 2011, p. 64. Le rapport précise à la note de bas de page 85 que, « Les chiffres sur les décaissements sectoriels doivent être considérés comme approximatifs, étant donné que le classement par catégorie peut être mis en question. »

[96]           ACDI, L'Ukraine : Rapport de l'ACDI 2009-2010.

[97]           ACDI, Ukraine.

[98]           « Aide canadienne au développement en Ukraine », note d’information fournie au Comité par l’ACDI en mai 2012. La liste complète des projets de l’ACDI en Ukraine se trouve à la page « Banque de projets » de l’Agence. La liste des projets financés par l’ACDI se trouve également à l’Annexe A du présent rapport.

[99]           FAAE, Témoignages, 20 octobre 2011.

[100]         FAAE, Témoignages, 7 mars 2012.

[101]         MAECI, « Relations Canada-Ukraine ».

[102]         FAAE, Témoignages, 20 octobre 2011.

[103]         Ibid.

[104]         Ibid.

[105]         Yuriy Onyshkiv, James Sherr: « Ukraine’s Relationship with the EU is Destructive », Kyiv Post, 26 avril 2012.