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FAAE Rapport du Comité

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Opinion dissidente du Nouveau Parti démocratique du Canada

Il ne fait aucun doute qu’au cours des 30 dernières années, le rôle du secteur privé dans le développement international a évolué considérablement. Le NPD reconnaît que la croissance économique  est un  élément clé essentiel de la réduction à long terme de la pauvreté, mais elle n’est pas forcément durable et ne réduit pas nécessairement la pauvreté.

Durant l’étude, aucun porte-parole de l’Agence canadienne de développement international (ACDI) n’est venu parler de la Politique de l’ACDI en matière de développement du secteur privé[i] ou de la Stratégie de l’ACDI sur la croissance économique durable[ii], et le rapport ne fait qu’effleurer les politiques. À notre avis, il s’agit d’une lacune importante.

Aide au développement officielle

Le NPD estime qu’en matière de développement international, le Canada devrait d’abord et avant tout chercher à réduire la pauvreté, conformément à la Loi sur la responsabilité en matière d’aide au développement officielle.

L’examen par les pairs des membres du Comité d’aide au développement (CAD) de l’OCDE, en mai 2012, a conclu que « le Canada ne dispose pas d’un énoncé clair, établi au niveau le plus élevé, qui expose sa conception stratégique de la coopération pour le développement ».

Nous recommandons que le gouvernement du Canada applique toutes les recommandations de l’examen par les pairs des membres du CAD de l’OCDE de 2012, dont celle selon laquelle le Canada doit se doter d’une « orientation stratégique claire, simple et cohérente [en matière de développement international] qui vienne s’ancrer solidement dans sa politique étrangère et s’inscrive dans la durée ». Cette orientation devrait faire explicitement référence à la Loi sur la responsabilité en matière d’aide au développement officielle et à la façon dont le gouvernement, dans son application de la Loi, remplit les trois conditions prescrites.

Le Comité a reçu des témoins qui ont exprimé l’importance du financement public pour l’aide au développement outremer, mais souligné en même temps que la contribution du Canada, en proportion de sa richesse, est de plus en plus ténue.

Nous recommandons que le Canada rétablisse immédiatement le budget d’aide et maintienne, à court terme, l’aide au développement officielle (ADO) à 0,31 % du RNB dans le but d’établir un calendrier pour porter l’ADO à 0,7 % du RNB dès que possible – conformément à la recommandation de l’examen par les pairs du CAD de l’OCDE.

Secteur privé et ACDI

Comme il est indiqué dans le rapport, les intervenants du secteur privé sont de différents types. À l’instar de beaucoup de témoins, nous croyons qu’au chapitre des entreprises privées à but lucratif, l’ACDI devrait concentrer ses efforts sur les entreprises locales des pays en développement. L’aide au développement est importante pour stimuler la croissance et le développement du secteur privé local, et la Stratégie de l’ACDI sur la croissance économique durable vise le renforcement du soutien accordé au développement local et à la croissance de micro, petites et moyennes entreprises privées, en particulier pour les femmes et les pauvres des pays en développement.

Le rapport fait abstraction de la politique de l’ACDI sur le développement du secteur privé et passe outre aux principes de gouvernance publique en matière de partenariats publics-privés adoptés récemment par l’OCDE. L’examen par les pairs du CAD de l’OCDE de 2012 a conclu : « Le Canada doit veiller à ce que les objectifs de développement et le souci d’assurer l’appropriation par les pays partenaires occupent une place prépondérante dans les activités et les programmes qu’il soutient. Comme le CAD l’a recommandé à d’autres membres, il ne doit pas y avoir de confusion entre objectifs de développement et promotion des intérêts commerciaux. »

Nous recommandons que l’ACDI poursuive sa stratégie de croissance des entreprises locales en raffermissant le soutien accordé au développement local et à la croissance des micro, petites et moyennes entreprises du secteur privé, en insistant particulièrement sur les femmes et la création d’emploi pour les pauvres.

Nous recommandons que l’ACDI mette à jour et conserve sa politique de 2003 en matière de développement du secteur privé et qu’elle l’intègre à la Loi sur la responsabilité en matière d’aide au développement officielle, aux principes de gouvernance publique en matière de partenariats publics-privés de l’OCDE et aux recommandations de l’examen par les pairs du CAD de 2012.

Nous recommandons en outre que le Canada mette à exécution la recommandation de l’examen par les pairs du CAD de 2012 selon laquelle le Canada devrait « effectuer des analyses et procéder à de vastes consultations en vue d’élaborer une stratégie » de collaboration avec le secteur privé et veiller à ce que cette stratégie appuie explicitement son engagement, en définissant précisément les buts, les objectifs stratégiques ainsi que les modalités des partenariats avec des entreprises du secteur privé.

Nous ne sommes pas d’accord avec l’idée que les partenariats publics-privés avec des entreprises canadiennes ou étrangères devraient être un élément central du programme de développement de l’ACDI; il devrait plutôt s’agir d’un complément. L’ACDI a déjà trois priorités stratégiques. Elle n’en a pas besoin d’une quatrième.

En outre, on ne devrait pas instaurer un processus parallèle de transmission des propositions de partenariats de financement. Nous ne voyons pas pourquoi on demanderait à l’ACDI de créer un mécanisme de financement pour les partenariats publics-privés alors qu’elle vient d’abolir un tel mécanisme pour la société civile. L’ACDI devrait continuer d’améliorer le processus actuel de financement concurrentiel de manière à ce que soient retenues les meilleures propositions, sinon revenir à un programme adapté à toutes les propositions de projets.

Nous recommandons donc que les propositions de partenariats publics-privés soient assujetties à un processus directif de demandes de propositions tel que pour les organisations non gouvernementales et que l’ACDI continue d’améliorer le processus pour veiller à ce que les meilleures propositions soient retenues en suivant un processus équitable, prévisible et rapide., .

Toutefois, nous sommes d’accord que les partenaires devraient être tenus de fournir autant de ressources que l’ACDI, en espèces ou en nature, selon un ratio de 1:1.

Nous recommandons que l’ACDI établisse des critères explicites quant aux types d’entreprise avec lesquelles elle collaborera; une procédure claire pour déterminer l’additionnalité financière des propositions présentées; des normes détaillées, à la disposition du public (jalons et indicateurs), pour mesurer les résultats des propositions en matière de développement,  conformément à  Loi sur la responsabilité en matière d’aide au développement officielle; un processus de suivi transparent pour s’assurer que les partenariats sont conformes aux normes.

Nous sommes d’avis que l’ACDI devrait avoir l’expertise nécessaire pour collaborer avec le secteur privé, mais aucun témoignage n’a laissé entendre qu’elle ne possède pas cette capacité. La recommandation portant sur le recrutement d’employés du secteur privé et les échanges de personnel nous préoccupe en raison des éventuels conflits d’intérêts qui pourraient résulter de ces mesures. Il faut par-dessus tout instaurer des mécanismes publics, transparents et robustes pour éviter les conflits d’intérêts.

La plupart des témoins ont reconnu qu’en raffermissant les cadres de gouvernance dans les pays en développement, on fera en sorte que l’investissement du secteur privé procure un avantage net pour l’ensemble des pays en développement et contribue à réduire la pauvreté. En ce qui concerne les droits de la personne, la primauté du droit, la démocratisation, la prévention des conflits et le renforcement de la capacité du secteur public, la gouvernance est un thème transversal à l’ACDI. Pourtant, aucun témoin n’est venu parler d’initiatives de l’ACDI pour aider les pays en développement à renforcer les cadres de gouvernance.

Nous recommandons que l’ACDI continue de travailler avec les pays en développement pour renforcer les cadres de gouvernance et veiller à ce que l’aide au développement contribue au développement durable conformément à la Loi sur la responsabilité en matière d’aide au développement officielle.

Le rapport recommande que l’ACDI envisage d’octroyer des prêts pour favoriser la croissance du secteur privé dans les pays en développement. Le Comité n’a entendu aucun témoignage à propos du controversé Programme de coopération industrielle (PCI), transféré par l’ACDI au MAECI en 2010. Le PCI vise « à soutenir la présence responsable et favoriser l'engagement du secteur privé dans les pays en développement afin d'y favoriser une croissance économique soutenue et une diminution de la pauvreté ». L’évaluation du PCI, en 2007, a pourtant mis en évidence « la contradiction entre la capacité du PCI à appuyer le mandat, les priorités et les politiques de l'ACDI et la nécessité de tenir compte des objectifs de rentabilité du secteur privé canadien[iii] ». En mai 2012, le ministre du Commerce international a suspendu le PCI en raison d’irrégularités financières et un examen est en cours. L’ACDI ne devrait pas octroyer des prêts pour favoriser la croissance du secteur privé dans les pays en développement.

Le rapport recommande par ailleurs que l’ACDI propose une aide technique aux pays en développement afin de stimuler l’investissement direct étranger. Encore une fois, le Comité ne s’est fait dire par aucun témoin que l’ACDI n’offre pas une telle assistance dans le cadre de sa stratégie sur la croissance durable.

Le Comité s’est fait dire par plusieurs témoins que les fonds publics consentis à l’ACDI ne devraient pas servir à promouvoir les intérêts des entreprises canadiennes à l’étranger, ni à financer des activités qui relèvent de toute façon du secteur privé, comme remédier aux dommages environnementaux causés.

Secteur privé en développement

Certains témoins ont souligné que les intervenants du secteur privé, le gouvernement du Canada et les économies en développement ont tous des intérêts distincts. Comme on l’a déjà mentionné, le dernier examen par les pairs du CAD de l’OCDE a formulé une mise en garde à l’endroit du Canada selon laquelle il « ne doit pas y avoir de confusion entre objectifs de développement et promotion des intérêts commerciaux ».

Nous recommandons que le gouvernement du Canada veille à ce que les intérêts économiques et en matière de développement international du Canada demeurent distincts.

Le Comité s’est fait dire que les conflits sociaux, la dégradation environnementale, les violations des droits de la personne et la corruption sont au nombre des retombées négatives potentielles du développement économique. Certains témoins ont souligné l’absence d’un cadre efficace permettant de s’assurer que les entreprises canadiennes respectent les droits internationaux de la personne et les obligations environnementales et du travail lorsqu’elles exercent leurs activités à l’étranger. Nous soulignons avec inquiétude les témoignages au sujet des pratiques négatives de sociétés minières canadiennes à l’étranger. Le NPD continue d’appuyer les initiatives qui renforcent la transparence, la responsabilisation et la responsabilité des entreprises canadiennes à l’étranger.

Nous recommandons que le gouvernement du Canada, en collaboration avec les principales parties prenantes, adopte un cadre juridique de responsabilisation corporative pour les entreprises canadiennes actives à l’étranger, y compris des normes claires et des peines sévères en cas de non-observation, un organe de surveillance solide et indépendant, ainsi que des recours judiciaires.

Nous recommandons par ailleurs que le gouvernement du Canada appuie et encourage les principales parties prenantes, les provinces et les territoires à instaurer des mécanismes obligatoires de divulgation, par les entreprises, des paiements versés aux gouvernements étrangers.

Conclusion

La plupart des recommandations formulées par le Comité dans son rapport ne sont pas conformes aux témoignages recueillis durant l’étude. Les porte-parole de l’ACDI n’ont pas comparu devant le Comité pour discuter des politiques, initiatives et activités de l’organisme en lien avec le secteur privé. À notre avis, il est irresponsable qu’une majorité de membres du Comité formulent des recommandations sans pouvoir s’appuyer sur ces connaissances. En outre, nous estimons particulièrement alarmante la recommandation selon laquelle l’ACDI devrait envisager de mettre en œuvre un programme semblable à celui que l’on a suspendu pour irrégularités financières et qui, selon des évaluations ministérielles, est jugé contraire aux objectifs de développement.

Le secteur privé joue un rôle important dans le développement international, ce que l’ACDI reconnaît dans sa politique en matière de développement du secteur privé et dans sa stratégie sur la croissance économique durable. Tout partenariat éventuel entre l’ACDI et le secteur privé devrait prendre assise sur les pratiques exemplaires internationales comme les principes de gouvernance publique en matière de partenariats publics-privés de l’OCDE. Toutefois, l’ACDI subit des compressions de l’ordre de 320 millions de dollars qui s’étaleront sur trois ans. Il lui manque aussi une vision claire et cohérente du développement, et ses priorités et orientations changent chaque année. Aussi, les partenariats publics-privés ne devraient pas être une priorité en ce moment. Elle devrait plutôt miser sur sa réorientation, et redoubler d’efforts pour se doter d’une vision durable à long terme, compatible avec la politique étrangère du Canada, et qui axe le développement international sur la réduction de la pauvreté.


[i] Agence canadienne de développement international, Politique de l'ACDI en matière de développement du secteur privé, juillet 2003.

[ii] Agence canadienne de développement international, Stratégie de l'ACDI sur la croissance économique durable.

[iii] Agence canadienne de développement international, Évaluation du Programme de coopération industrielle (PCI) de l'ACDI, décembre 2007.