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FAAE Rapport du Comité

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CHAPITRE 6 : PARTENARIATS PUBLIC-PRIVÉ

Concept

Dans le monde du développement international, on reconnaît de plus en plus qu’il est possible de surmonter bien des obstacles lorsque les gouvernements ne font pas cavalier seul. Pour cette raison, un certain nombre d’organismes de développement cherchent à tirer parti du savoir-faire, de la technologie, de l’envergure et des fonds du secteur privé grâce à divers types de partenariat. Mme O’Neill, de USAID, a dit au Comité « qu'aucun pays bénéficiaire, aucune entreprise, aucune ONG [organisation non gouvernementale], aucun donateur, peu importe sa taille, ne peut y parvenir seul. C'est ce qui justifie selon nous les partenariats : on met à contribution les atouts de chacun de façon intelligente en vue d'accélérer l'atteinte des objectifs de développement à moindre coût[140] ». Il est également prouvé que même les entreprises considèrent qu’il leur est avantageux de travailler avec des organismes gouvernementaux et non gouvernementaux pour atteindre des objectifs communs. M. John Guarino, président de Rafraîchissements Coca-Cola Canada, a exprimé ce point de vue au Comité : « Nous croyons qu'aucune entreprise ne peut avoir une incidence importante en matière de développement durable si elle agit ou réfléchit isolément. Nous devons plutôt compter sur des partenariats qui lient les entreprises, les gouvernements et les ONG[141]. »

Plusieurs témoins ont souligné que les partenariats visent à réunir les compétences, les approches et les capacités d’entités des secteurs public et privé afin d’accentuer les retombées des projets et de créer les conditions dans lesquelles les projets donneront des résultats supérieurs à ceux qu’on pourrait obtenir si les projets étaient réalisés par un seul partenaire. L’envergure et la forme des partenariats peuvent varier. Comme l’a expliqué Mme O'Neill, ils sont fondés sur des intérêts qui se recoupent :

Tandis que USAID cherche à garantir l'accès à l'eau potable, le producteur de boissons voit la nécessité de protéger la source d'un intrant dont il a besoin. C'est un exemple de chevauchement entre nos objectifs de développement et leurs objectifs de rentabilité. Tandis qu'une entreprise se soucie de la stabilité de la chaîne d'approvisionnement ou que la demande mondiale pousse une entreprise à accroître fortement ses approvisionnements, USAID cherche à permettre aux petits agriculteurs ou aux jeunes d'entrer dans la population active[142].

Par ailleurs, les partenariats ne se limitent pas à un seul organisme d’aide public et à une seule entreprise. Ils peuvent faire appel à divers organismes d’aide bilatéraux et multilatéraux, de même qu’à diverses entreprises, associations industrielles et ONG[143].

M. Guarino a fourni un exemple concret de ce genre de coopération, soit le projet Nurture, l’une des initiatives internationales de Coca-Cola. Ce projet aide plus de 50 000 agriculteurs du Kenya et de l’Ouganda à cultiver les mangues et les fruits de la passion nécessaires à la fabrication de jus qui sont vendus localement au lieu de devoir importer d’ailleurs les mêmes fruits. La compagnie s’est jointe à la Fondation Bill et Melinda Gates et à Technoserve, entreprise commerciale sans but lucratif; en mettant en commun leur savoir-faire et leurs ressources, les partenaires s’assurent que les fruits satisfont aux normes de qualité voulues. La Fondation fournit la formation, et la compagnie, les spécifications. M. Guarino a indiqué : « Nous collaborons avec les collectivités pour choisir les sols, déterminer ce qu'il faut y ajouter, définir les méthodes de plantation. » Un autre aspect important du projet est que Coke garantit l’achat du produit[144]. Dans l’ensemble, le projet profite à l’entreprise et aux agriculteurs locaux, car il permet à Coke « d’avoir assez de jus pour répondre à la demande » et d’« améliorer les moyens de subsistance des cultivateurs de fruits[145] ». M. Guarino a également signalé que parmi les agriculteurs participants, « le tiers sont des femmes[146] ».

Un autre exemple est l’Alliance du zinc pour la santé de l’enfant, annoncée en juin 2011 au Canada[147]. Elle réunit :

  • l’ACDI;
  • l’Initiative pour les micronutriments (IM), ONG établie à Ottawa;
  • Teck Resources, entreprise exploitant des ressources diversifiées. Elle a son siège à Vancouver et possède de grandes unités fonctionnelles centrées sur le cuivre, le charbon métallurgique, le zinc et l’énergie.

Mme Christina Dendys, directrice des Relations extérieures pour l’Initiative pour les micronutriments, a expliqué que ce partenariat entre les secteurs public et privé et des organismes de la société civile vise à résoudre un grave problème de développement : les déficiences en vitamines et en minéraux qui ont de lourdes conséquences sur la santé des enfants dans de nombreux pays. En ce qui concerne le problème auquel s’est attaquée l’Alliance du zinc, Mme Dendys a fait savoir que la diarrhée tue plus de 4 000 enfants chaque jour. Il existe cependant un « nouveau traitement extrêmement puissant pour combattre les maladies diarrhéiques » qui combine la réhydratation orale à des suppléments de zinc[148]. Un représentant d’un autre partenaire de l’Alliance, M. Doug Horswill, premier vice-président, Durabilité et affaires externes de Teck Resources, a dit au Comité :

Le défi mondial est dû non à un manque de zinc, mais à la pénurie de moyens pour le distribuer, pour le faire parvenir aux mères qui soignent leurs enfants et pour leur faire comprendre l'importance qu'il joue dans le régime alimentaire[149].

Mme Dendys a expliqué au Comité que « Teck a offert à l'IM un financement de 5 millions de dollars pour renforcer ses programmes de traitement de la diarrhée par réhydratation orale et administration de zinc. À cette généreuse contribution s'ajoute un financement à trois pour un offert par l'ACDI ». Elle considère que le partenariat pour le zinc « fait partie intégrante » des moyens mis en œuvre par l’ONG pour s’acquitter de sa mission[150]. M. Horswill a exposé les avantages du partenariat : « Grâce à nos ressources, aux connaissances et aux capacités sur le terrain de l'IM et à l'appui de l'ACDI, et à d'autres partenaires que nous espérons attirer à l'avenir […], nous pouvons renforcer les programmes de santé partout dans le monde[151]. » Il s’est dit également persuadé que l’Alliance permettra de mobiliser d’autres ressources du secteur privé.

Il faut signaler que le financement n’est pas l’unique but des partenariats; il est tout aussi important de réunir différents types de compétences. M. Guarino en a fait mention en expliquant pourquoi Coca-Cola fait équipe avec USAID dans le dossier de l’eau en Afrique : « Nous ne sommes pas des experts, nous sommes une entreprise d'abord et avant tout et notre appui à la collectivité vient au second rang. L'agence nous permet d'être plus efficaces. Nous profitons de son expertise sur la façon de faire les choses[152]. » M. Dade a également expliqué que les partenariats facilitent la mise en commun des connaissances, ce qui a pour effet de fortifier tous les participants. Faisant allusion aux critiques adressées à l’égard des partenariats de l’ACDI avec les industries extractives, M. Dade a mentionné : « Le secteur privé participe déjà. En collaborant avec lui, on ne le subventionne pas. C'est une collaboration qui, comme avec la diaspora, aide à faire d'eux de meilleurs acteurs du développement, et c'est la même chose avec l'ACDI[153]. »

Selon M. Runde, bien que les partenariats ne devraient pas être considérés comme une « panacée », ils permettent « aux intervenants publics de multiplier et d'optimiser les ressources non traditionnelles pour corriger les problèmes grâce à des moyens axés sur le marché ». Pour cette raison, M. Runde s’est dit d’avis que « l'établissement de partenariats avec des acteurs non étatiques, y compris diasporas, groupes philanthropiques et confessionnels, et sociétés à but lucratif, sera au cœur du développement international de demain[154] ». Cela ne veut cependant pas dire que les partenariats devraient être l’unique forme de coopération en matière de développement. Selon M. Runde, le fait de reconnaître les avantages des partenariats ne signifie pas qu’il faut tout faire en partenariat pour régler les problèmes de développement. Les partenariats sont plutôt des instruments importants qui ne sont pas utilisés autant qu’ils le devraient par la plupart des organismes de développement. Parce qu’ils permettent de régler des problèmes « au moyen de synergies[155] », ils peuvent, dans les circonstances appropriées, donner des résultats qu’on ne pourrait autrement obtenir par d’autres mécanismes de coopération (p. ex. l’aide de gouvernement à gouvernement) pour le règlement des problèmes de développement.

Le modèle d’USAID

Outre les diverses autres initiatives d’USAID[156], la Global Development Alliance (GDA)[157] est l’un de ses principaux mécanismes d’établissement de partenariats avec le secteur privé. Depuis la création du programme il y a plus de 10 ans, USAID est devenue un chef de file des agences de développement dans le domaine. En 2011, lorsque le Comité d’aide au développement de l’OCDE[158] a soumis USAID à un examen par les pairs, il a été démontré que « les États-Unis sont devenus leader dans la mise au point de partenariats public-privé. Ils reconnaissent que les apports du secteur privé peuvent jouer un rôle important pour les pays en développement et ils admettent que l’aide publique peut servir de levier pour démultiplier les effets positifs sur le développement[159]. » C’est pourquoi il est autant question d’USAID dans cette partie du rapport. Ce modèle offre à l’ACDI des années de preuves tangibles, à savoir des exemples, des enseignements tirés et des pratiques exemplaires.

Selon le témoignage de Mme O’Neill, USAID a actuellement « 283 partenariats actifs dont la valeur totale est estimée à 8,8 milliards de dollars[160] ». Pour qu’un partenariat soit considéré comme une GDA, il doit répondre aux critères et caractéristiques qui suivent :

  • « Contribution suivant un ratio d’au moins 1:1 (en espèces et en nature) par rapport aux ressources d’USAID;
  • Buts communs établis pour tous les partenaires;
  • Solution élaborée conjointement à un problème de développement social ou économique;
  • Partenaires non traditionnels (sociétés, fondations, etc.);
  • Mise en commun des ressources, risques et résultats, en visant avant tout à accroître l’impact obtenu;
  • Approches innovatrices et durables en matière de développement[161]. »

Comme il a été mentionné ci-dessus, les partenariats visent à créer une valeur commune en servant les intérêts privés et le développement. Par conséquent, il est impossible que toutes les combinaisons de ressources et d’expertises publiques et privées puissent répondre à ces critères. Lorsqu’elle a expliqué le processus qu’utilise USAID pour choisir les partenariats convenables, Mme O’Neill a indiqué qu’il fallait trouver un équilibre approprié des intérêts.

Si le partenaire du secteur privé en tire des avantages extraordinaires alors que le pays ou la population locale n’en profite pas ou peu, ce partenariat public-privé ne nous intéresse pas.
Par ailleurs, si c’est la localité qui retire tous les avantages, nous savons qu’il y a de fortes chances que l’entreprise privée se retire du partenariat avant terme. Nous cherchons ce point d’équilibre où les besoins se recoupent vraiment, et nous voulons être honnêtes envers nous-mêmes lorsque l’écart est trop grand[162].

Le processus lui-même est crucial. Mme O’Neill a expliqué qu’USAID utilise un système où les partenaires éventuels peuvent très facilement proposer leurs idées, grâce à un processus suffisamment souple pour permettre de faire d’avance de nombreuses vérifications. Ce système repose sur le fait que « chacun est convié en tout temps à nous soumettre un document de cinq pages présentant le concept proposé ». Elle a ajouté :

Cette façon de faire permet généralement de distinguer les candidats sérieux à un partenariat avec nous de ceux qui sont simplement à la recherche de débouchés. Dans ce document de cinq pages, nous souhaitons retrouver les objectifs de développement que l’entreprise veut partager avec nous, combien elle est prête à investir en argent et en autres ressources, et quelles sont ses attentes à notre égard. Nous pouvons ainsi nous aligner sur la position de départ de l’entreprise. Il arrive que l’entente négociée s’en éloigne considérablement, mais cela nous fournit tout au moins un point de référence. Nous comprenons dès le départ ce qui importe pour l’entreprise, ce qu’elle est disposée à accomplir dans le cadre du partenariat, et qu’est-ce qu’elle attend de nous[163].

USAID ne limite pas ses partenariats aux entreprises américaines. Mme O’Neill a affirmé au Comité que l’agence qu’elle représente noue des partenariats « avec des petites et des grandes entreprises dans les pays développés et les pays en développement ». Elle a ajouté : « En général, nous signons des partenariats avec des grandes entreprises, situées au pays ou n’importe où dans le monde. Si nous sommes d’accord sur un objectif de développement, nous n’y voyons pas d’inconvénient[164]. » Tout en faisant observer qu’USAID exigeait de ses partenaires une contribution au moins égale à la leur, elle a mentionné que, « en moyenne », cette contribution a été « quatre fois supérieure à la [leur] au cours de la dernière décennie[165] ». En ce qui concerne la décision finale du choix des partenaires, USAID a recours à un processus de saine administration qui examine plusieurs facettes. Mme O’Neill a déclaré ce qui suit au Comité :

Nous choisissons chacun de nos partenaires avec beaucoup de prudence. Nous vérifions si le dossier de chacun est entaché; nous déterminons si ces accrocs sont assez importants pour que nous renoncions à une entente, ou si nous voyons un changement dans la gestion et dans son orientation. C’est donc une partie très importante et très longue de notre analyse, et elle sera déterminante pour la conclusion ou le rejet d’une entente.
L’autre chose dont nous tenons compte, c’est l’ampleur des avantages ou des désavantages qu’un partenariat public-privé aura sur les habitants. Il importe pour nous que les Autochtones qui vivent dans la région où le partenariat public-privé prendra forme en tirent des avantages plutôt que des inconvénients[166].

Elle a ajouté que l’autre critère d’USAID consiste à établir si le partenaire éventuel risque « d’entacher la réputation du gouvernement des États-Unis ».

Mme O’Neill a fourni des détails sur deux partenariats conclus entre USAID et des entreprises canadiennes :

  • Le premier, qui concerne les services bancaires mobiles en Haïti, est présenté dans la section de ce rapport portant sur les études de cas sur les services financiers.
  • Le second, instauré en 2011, concerne la société minière canadienne Barrick Gold et s’intéresse aux questions de développement économique au Pérou. D’après ses explications, le projet a permis la création de « deux centres de services économiques dans le nord-ouest du Pérou, une région où 30 p. 100 des résidants vivent sous le seuil de la pauvreté ». Selon son témoignage : « Barrick a investi un montant égal à la contribution de 590 000 $ d'USAID sur une période de trois ans afin d’établir le centre de services économique de la Libertad. L’entreprise a aussi versé 270 000 $ pour l’autre centre situé à Ancash. » Le projet vise « la création de 800 emplois permanents et une hausse des ventes de 4,8 millions de dollars ». Elle a toutefois souligné que « plus important encore, longtemps après notre départ et celui de la société minière, ces agriculteurs pourront toujours compter sur cette infrastructure pour s’assurer à long terme un accès durable aux marchés[167] ».

Elle a donné divers autres exemples de partenariats qui illustrent à la fois l’éventail de partenariats possibles que pourrait envisager l’ACDI et la diversité des secteurs de développement qui pourraient tirer profit d’un partenariat :

  • Un partenariat en Afghanistan avec une entreprise de téléphonie cellulaire. Les agents de police reçoivent désormais leur salaire par téléphone cellulaire (argent mobile). Cela a permis d’éliminer du processus de paiement la corruption intermédiaire, augmentant ainsi le salaire empoché par les agents de police, tout en réduisant l’inefficacité et l’absentéisme associés au temps requis pour encaisser l’argent dans une banque traditionnelle, une denrée rare en Afghanistan. Le partenariat avec l’entreprise de téléphonie cellulaire a été un élément essentiel du projet puisque seule cette entreprise, et non des agences gouvernementales américaines en Afghanistan ou le gouvernement afghan, avait l’infrastructure permettant les paiements électroniques[168].
  • Un partenariat visant à s’attaquer à ce qu’on appelle les maladies négligées (p. ex. les vers intestinaux). Dans cet exemple, USAID s’est associé à ce que beaucoup considéreraient comme un partenaire non conventionnel : un fonds spéculatif du Royaume-Uni. La fondation créée par ce fonds a recueilli deux milliards de dollars pour financer la distribution au Kenya des vermifuges donnés par les sociétés pharmaceutiques. Le projet repose sur une étude, fondée sur des données factuelles, menée sur l’incidence des vermifuges sur l’augmentation de la fréquentation scolaire[169].
  • Divers partenariats avec des ONG comme partenaires de mise en œuvre. À titre d’exemple, Mme O’Neill a expliqué qu’USAID s’est associée à la société Coca-Cola et à une ONG à la suite du tremblement de terre de 2010 en Haïti. Elle a indiqué que pour sa marque de jus Odwalla Coca-Cola voulait « importer davantage de mangues » d’Haïti. Bien que le pays soit un « grand producteur », ses mangues n’ont pas la qualité requise à l’exportation et ne pouvaient donc pas servir à la production de jus. USAID a alors « travaillé en partenariat avec une ONG pour indiquer aux agriculteurs et aux transformateurs locaux quelles étaient les normes mondiales en ce qui a trait aux mangues ». Résultat : Coca-Cola pourrait donc « en acheter davantage[170] ».

Ce ne sont là que quelques exemples des partenariats conclus par USAID au cours de la dernière décennie[171].

Les observations de bon nombre d’autres témoins entendus par le Comité portaient sur trois partenariats pilotes que l’ACDI a conclus en 2011 avec des sociétés minières et des ONG situées au Canada. L’avis des témoins était partagé sur ces projets particuliers, comme il est mentionné plus en détail dans la section du rapport sur les études de cas sur les ressources naturelles. Sans chercher à minimiser le débat, il importe de souligner, comme il est démontré ci-dessus, que les partenariats peuvent faire appel à un large éventail de sociétés, de fondations et d’organismes de la société civile et qu’ils peuvent porter sur un éventail aussi large de questions de développement, allant de la productivité agricole à l’aménagement des bassins versants.

Principaux enseignements et défis

Comme l’indiquent clairement de nombreux examens des partenariats d’USAID[172], bien que les effets positifs des partenariats public-privé soient manifestes, il reste du travail à faire pour qu’ils restent invariablement un outil efficace de politique de développement. L’agence de développement qui souhaite exploiter tout le potentiel des partenariats doit relever les défis en tenant compte de certains éléments :

  • Structure — s’assurer que l’agence de développement a déjà le personnel compétent, les procédures et le pouvoir décisionnel nécessaires;
  • Communications — s’assurer que toutes les parties comprennent leurs intérêts respectifs et les objectifs du partenariat, que l’agence de développement a des personnes ressources qui s’occupent des entreprises et des ONG éventuelles et que l’information circule entre les parties pendant le cycle de vie du projet;
  • Évaluation — trouver les indicateurs appropriés et d’autres outils pour vérifier et mesurer les résultats du partenariat.

La formation d’un partenariat n’est pas une fin en soi. Un partenariat est un mécanisme qui peut s’avérer très efficace lorsqu’il est établi dans de bonnes conditions et selon des lignes directrices claires. Comme tout autre outil de mise en œuvre d’une politique, il doit être évalué fréquemment afin d’en connaître les effets sur le développement, particulièrement en le comparant à d’autres mécanismes de coopération possibles.

Les témoins entendus ont mentionné tout particulièrement les principaux enseignements tirés de l’expérience d’agences comme USAID et les questions qu’il est essentiel de régler pour pouvoir élaborer une stratégie de partenariat efficace. Le Comité s’est inspiré de ces différents témoignages pour formuler ses recommandations sur la méthode que l’ACDI pourrait adopter, à son avis, pour l’établissement de partenariats. Elles sont présentées dans la dernière section du rapport.

Tout en soulignant la nécessité pour le Canada de tirer profit de l’expérience d’agences publiques d’aide comme USAID, DFID ou GTZ et BMZ en Allemagne, qui ont une histoire institutionnelle en matière de partenariats, M. Dade a été catégorique lors de son témoignage : « Le personnel est très important. » Il a fait part de son expérience des partenariats avec USAID, qui a eu recours à ses services en raison de son expérience de travail avec le secteur privé. Selon M. Dade : « Les organismes de développement n’ont pas les compétences particulières nécessaires pour faire ce boulot. Ils doivent se tourner vers des ressources externes qualifiées[173]. » Mme Hannam de la Banque Scotia a mentionné l’importance de « se demander si la structure actuelle de l’ACDI lui donne la souplesse et le mandat nécessaires pour collaborer efficacement avec le secteur privé[174] ». De même, lorsqu’il a fait référence à l’Alliance du zinc pour la santé de l’enfant dont il a déjà été question, M. Runde a affirmé que la capacité des agences de développement comme l’ACDI à travailler de façon plus stratégique avec le secteur privé exigera « des changements organisationnels importants ». Selon lui, « l’ACDI devrait, si vous me permettez l’expression, administrer des stéroïdes à des initiatives du genre de celle visant la distribution de zinc aux enfants[175] ».

Quant à la question du personnel et des compétences, Mme O’Neill a rappelé qu’une stratégie de partenariat efficace exigeait « l’appui et les encouragements des dirigeants ». À son avis, « si les employés ont l’impression qu’ils ne seront pas évalués en fonction d’eux, ils ne se s’en soucieront pas »[176]. Dans son mémoire, elle affirme que, quelles que soient les mesures incitatives utilisées par l’agence de développement, « il est utile d’offrir de la formation et de fixer des normes de qualité »[177]. M. Dade a aussi affirmé qu’étant donné que toute nouvelle entité publique-privée « perturbe » les pratiques en vigueur, il faut protéger l’entité[178].

Mme O’Neill a aussi parlé des principaux enseignements retenus par l’agence dans le cadre de la création de partenariats. Elle a dit au Comité qu’il fallait « un point d’entrée facile pour les partenaires, pour devenir le partenaire qu’ils préfèrent »[179]. Dans le même ordre d’idées, M. Dade a fait valoir que de nombreuses entreprises canadiennes ont déjà noué des partenariats avec des agences comme USAID ou la Société financière internationale de la Banque mondiale. Il a soutenu que, malgré le peu d’expertise de l’ACDI dans le domaine des partenariats comparativement aux autres agences, les entreprises canadiennes préféreraient dans bien des cas conclure un partenariat avec l’ACDI, mais qu’elles n’ont pas eu d’occasions suffisantes de le faire jusqu’à présent. Il a déclaré que ces entreprises sont fières d’être canadiennes. « Elles veulent chanter les louanges de l’image de marque du Canada et la renforcer. Elles veulent assumer les coûts. Vous ne leur faites aucune faveur, puisqu’elles travaillent déjà à ces projets. Ce sont elles qui font une faveur à l’ACDI en l’invitant à participer[180]. »

Encore une fois, il importe de mettre l’accent sur le partenariat pendant le processus. Un document publié par M. Runde et ses collègues du Center for Strategic and International Studies milite en faveur de la participation du secteur privé à la planification et à la conception du projet, plutôt que de faire appel à lui à la fin du processus lorsque toutes les décisions relatives au projet ont été prises par l’agence de développement. Selon les auteurs, « le fait de ne pas inclure les partenaires dès le début nuit à de très nombreux partenariats[181] ». À leur avis, les agences de développement du secteur public doivent, pour parvenir à s’associer avec le secteur privé, changer leur mentalité et cesser de se percevoir comme ayant « les plus gros moyens financiers et les meilleures règles » pour adopter une position de « moteur financier avec des règles souples[182] ».

Mme O’Neill a également parlé de l’importance d’être honnête et clair lorsqu’on envisage un partenariat. Elle a souligné la nécessité de discuter « franchement des compétences de base et des motivations de chaque partenaire » et donné ce conseil : « ne vous entichez pas du partenariat. Soyez prêts à vous en séparer, si vous flairez quelque chose de louche ou si les objectifs ne vous semblent pas tout à fait cohérents ». Dans l’ensemble, Mme O’Neill a insisté sur les trois notions d’une stratégie en matière de partenariat, « impact, envergure et durabilité », soulignant que « si, au départ, on néglige d’y songer, elles ne se manifesteront pas par miracle dans un partenariat ou au moment où il tirera à sa fin[183] ».

En ce qui concerne la tendance du milieu du développement et de l’ACDI à accroître la participation du secteur privé, plusieurs témoins ont rappelé la nécessité d’une approche fondée sur les faits pour l’établissement de partenariats. M. Alex Counts, de la Fondation Grameen, a fait cette remarque : « En effet, il est très facile de se féliciter soi‑même et de se dire qu’on a trouvé une solution venant du secteur privé — qui a pour effet de réduire la pauvreté ou autre chose —, mais il devrait exister un mécanisme de reddition de comptes permettant de vérifier si c’est vraiment le cas[184]. » D’autres ont aussi insisté sur la nécessité, pour l’ACDI, de faire preuve de plus de transparence dans ses explications et sa motivation à nouer des partenariats. M. Kenneth Georgetti, président du Congrès du travail du Canada, a ouvertement exprimé le désaccord de son organisme avec l’affirmation selon laquelle « s’allier avec le secteur privé pour financer des projets d’aide étrangère est la meilleure façon d’améliorer la vie des pauvres de la planète[185] ». Il a également ajouté qu’« au centre de toute analyse sur la pauvreté se trouve la question des emplois ». Dans cet esprit, il a ensuite demandé :

Qu’en est-il de l’analyse visant à montrer les répercussions découlant des opérations des entreprises sur les emplois à temps plein et à temps partiel qui seront créés ou perdus, et quelle est la qualité de ces emplois, et quelles sont les conditions de l’environnement de travail et des droits [de la personne] dans le milieu de travail? Qu’en est-il des questions concernant le gagne-pain pour assurer le bien-être des collectivités? Quels sont les autres scénarios d’investissement ou de dépenses de l’ACDI qui permettraient de créer plus d’emplois que la poignée d’emplois dont on a parlé ici? Je le répète, où se trouve l’analyse portant sur toutes ces questions[186]?

Le professeur Brown s’est aussi dit préoccupé par la nouvelle responsabilité sociale d’entreprise de l’ACDI en matière de partenariats pilotes et s’est demandé s’ils constituent un usage approprié et efficace des fonds publics consacrés au développement. À son avis, « l’Agence soutient que ces partenariats rehausseront l’efficacité de l’aide, mais je n’ai encore vu aucun argument convaincant à cet effet[187] ».

La démarche de l’ACDI en matière de partenariats devra donc comprendre un énoncé clair des objectifs de résultats ainsi que de solides mécanismes de surveillance et d’évaluation pour en suivre l’évolution et les mesurer. Ces résultats, les objectifs initiaux du partenariat et l’apport et le rôle de chaque partie devront être transparents. Il importe de souligner ici que la surveillance — analyser les résultats d’un projet et fonder les décisions futures sur ceux-ci — fait partie intégrante de la culture organisationnelle du secteur privé. Dans son témoignage sur l’apport de Teck Resources à l’Alliance pour le zinc en faveur de la santé de l’enfant, M. Doug Horswill a indiqué que « comme représentant d’une société engagée dans ce domaine et qui ne cesse pas d’apprendre, je voudrais dire que le dernier point est essentiel : il faut mesurer, surveiller, produire des rapports et être toujours transparent. C’est ainsi que notre société est gérée et que ces initiatives devraient l’être[188]. »

Enfin, trouver des possibilités de partenariats dans les pays à faible revenu exigera probablement dans bien des cas des solutions créatives, à savoir travailler avec des entreprises locales dans des secteurs comme la productivité des petits exploitants agricoles. En ce qui concerne les communications, l’ACDI devra probablement adopter une mentalité organisationnelle de communication avec les entreprises privées, les ONG et les fondations, pour leur présenter des idées de partenariats, au lieu d’attendre que ces idées lui soient soumises en suivant le processus traditionnel d’appels d’offres. Le secteur privé a déjà mis en place des projets comme ceux visant à offrir aux pauvres un plus grand accès aux services financiers grâce aux services bancaires mobiles, l’ACDI et d’autres agents de développement n’ont donc plus qu’à fournir leur appui et leur expertise afin que ces projets de développement aient le plus de retombées positives. Cependant, les partenariats visant, par exemple, à élargir l’accès aux services de soins de santé dans les régions rurales exigeront vraisemblablement un degré de conception supérieur et une certaine initiative de la part de l’Agence.

Dans l’ensemble, le Comité retient de ce témoignage l’importance de la flexibilité, de la transparence et du réalisme dans le processus de recherche de partenaires et de partenariats. Sur la question de la flexibilité, il est clair que les intervenants du secteur privé qui apportent les pratiques organisationnelles et l’expertise si convoitées par les agences de développement n’attendront pas qu’une armée de fonctionnaires prenne une décision. Si on cherche l’efficacité et la créativité du secteur privé, le processus de sélection et de communication du secteur public doit s’adapter aux réalités de la culture organisationnelle du secteur privé. Quant aux deux autres points — la transparence et l’honnêteté —, il est tout aussi évident que les attentes et l’apport de tous les partenaires doivent être clairs tout au long du processus décisionnel et de la réalisation du projet. Tous les partenaires ou toutes les idées de partenariat ne sont pas viables dans la pratique — la probabilité que la proposition donne les résultats souhaités de manière rentable — ou souhaitables sur le plan de la cohérence avec le mandat de développement de l’Agence, qui doit être la fondation sur laquelle reposent ses décisions de financement.


[140]         FAAE, Témoignages, 30 mai 2012.

[141]         FAAE, Témoignages, 4 juin 2012.

[142]         FAAE, Témoignages, 30 mai 2012.

[143]         Jason Saul, Cheryl Davenport et Avery Ouellette, (Re)Valuing Public-Private Alliances: An Outcomes-Based Solution, USAID, Private Sector Alliances Division, Mission Measurement, LLC, 2010, p. 5.

[144]         FAAE, Témoignages, 4 juin 2012.

[145]         Ibid.

[146]         Ibid.

[148]         Outre ces problèmes de déficience aiguë, les enfants déficients en zinc ne se développent pas normalement, et les récoltes « sont déficientes en qualité et en quantité ». Voir le témoignage de M. Doug Horswill, Témoignages, 6 décembre 2011.

[149]         FAAE, Témoignages, 6 décembre 2011.

[150]         Ibid.

[151]         Ibid.

[152]         FAAE, Témoignages, 4 juin 2012.

[153]         FAAE, Témoignages, 26 mars 2012.

[154]         FAAE, Témoignages, 13 décembre 2011.

[155]         Ibid.

[156]         Les autres initiatives pertinentes d’USAID comprennent : Development Innovation Ventures (DIV) et Grand Challenges for Development. Divers organismes fédéraux américains qui s’occupent de politique étrangère participent au développement avec le secteur privé, notamment la Global Partnership Initiative et l’International Diaspora Engagement Alliance du Département d’État, l’Emergency Plan for AIDS Relief du président américain, la Millennium Challenge Corporation et l’Overseas Private Investment Corporation (OPIC). Pour plus de renseignements, voir : Holly Wise, « U.S. Government Engagement with the Private Sector on International Development », A Report of the CSIS Project on U.S. Leadership in Development, Center for Strategic and International Studies (CSIS), février 2012.

[157]         USAID, « About GDA Model », Office of Innovation and Development Alliances (IDEA).

[158]         Le Comité d’aide au développement de l’OCDE est formé de 24 membres des plus grands programmes d’aide bilatéraux au monde : l’Australie, l’Autriche, la Belgique, le Canada, le Danemark, l’Union européenne, la Finlande, la France, l’Allemagne, la Grèce, l’Irlande, l’Italie, le Japon, la Corée du Sud, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Nouvelle-Zélande, la Norvège, le Portugal, l’Espagne, la Suède, la Suisse, le Royaume-Uni et les États-Unis. La Banque mondiale, le Fonds monétaire international et le Programme des Nations Unies pour le développement y siègent également à titre d’observateurs. Selon le Comité, les examens par les pairs « offrent une étude détaillée des systèmes et des politiques de développement et présentent les enseignements tirés [...] ». Chaque pays membre du Comité subit un examen par les pairs tous les quatre ans environ.

[160]         FAAE, Témoignages, 30 mai 2012.

[161]         USAID, « About GDA Model », Office of Innovation and Development Alliances (IDEA). [traduction]

[162]         FAAE, Témoignages, 30 mai 2012.

[163]         Ibid.

[164]         Ibid.

[165]         Ibid.

[166]         Ibid.

[167]         Ibid.

[168]         Ibid.

[169]         Ibid.

[170]         Ibid.

[171]         Pour plus de renseignements sur les partenariats de la GDA en 2006, consulter le document suivant publié par USAID : The Global Development Alliance: Public-Private Alliances for Transformational Development, Office of Global Development Alliances, 2006.

[172]         Voir, par exemple : Tom Dewar et coll., Evaluating Global Development Alliances: An Analysis of USAID’s Public-Private Partnerships for Development, USAID; Jason Saul, Cheryl Davenport et Avery Ouellette, (Re)Valuing Public-Private Alliances: An Outcomes-Based Solution, USAID, Private Sector Alliances Division, Mission Measurement, LLC, 2010; Daniel Runde et coll., Seizing the Opportunity in Public-Private Partnerships: Strengthening Capacity at the State Department, USAID, and MCC, CSIS, Washington, octobre 2011.

[173]         FAAE, Témoignages, 26 mars 2012.

[174]         FAAE, Témoignages, 12 mars 2012.

[175]         FAAE, Témoignages, 13 décembre 2011.

[176]         FAAE, Témoignages, 30 mai 2012.

[177]         Témoignage de Maura O’Neill, directrice de l’innovation et conseillère principale de l’administrateur d'USAID, Comité permanent des affaires étrangères et du développement international, le mercredi 30 mai 2012, p. 7.

[178]         FAAE, Témoignages, 26 mars 2012.

[179]         FAAE, Témoignages, 30 mai 2012.

[180]          FAAE, Témoignages, 26 mars 2012.

[182]         Ibid., p. VI. [traduction]

[183]         FAAE, Témoignages, 30 mai 2012.

[184]         FAAE, Témoignages, 15 février 2012.

[185]         FAAE, Témoignages, 27 février 2012.

[186]         Ibid.

[187]         FAAE, Témoignages, 7 mai 2012.

[188]         FAAE, Témoignages, 6 décembre 2011.