Passer au contenu
;

HESA Rapport du Comité

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

PDF

CHAPITRE 3 : MÉDICAMENTS ET INSTRUMENTS MÉDICAUX

Le présent chapitre donne un aperçu des innovations qui concernent la mise au point de médicaments et d’instruments médicaux, ainsi que des défis qui se posent. Il s’attarde plus particulièrement aux progrès de la nanotechnologie et de la génomique qui mènent à la création de nouveaux médicaments et instruments médicaux, ainsi qu’à la façon dont l’innovation dans ces domaines peut engendrer de nouveaux modes de diagnostic et de traitement pour différentes maladies et affections, en plus d’élargir les connaissances en la matière. Il se conclut par les observations et les recommandations du Comité sur les moyens de promouvoir avec plus de vigueur l’innovation dans ces domaines.

A. Instruments médicaux

Différents instruments médicaux interviennent dans le diagnostic, le traitement, le soulagement ou la prévention des maladies. Ils englobent toute une gamme de matériels, depuis le thermomètre et l’abaisse-langue jusqu’aux dispositifs chirurgicaux robotisés, en passant par l’IRM[103]. La Loi sur les aliments et drogues, en vertu de laquelle Santé Canada règlemente l’innocuité, l’efficacité et la qualité de ces produits, définit ainsi les instruments médicaux : « [t]out article, instrument, appareil ou dispositif, y compris tout composant, partie ou accessoire de ceux-ci, fabriqué ou vendu pour servir, ou présenté comme pouvant servir[104] » au traitement médical d’êtres humains. Selon les témoins, l’industrie des instruments médicaux au Canada réunit un millier de sociétés, embauche 35 000 personnes et génère un chiffre d’affaires de 6 à 7 milliards de dollars[105]. La plupart de ces sociétés sont de petites et moyennes entreprises canadiennes[106].

Des témoins ont présenté des exemples de dispositifs médicaux novateurs, développés et utilisés au Canada, qui promettent d’améliorer les connaissances et le traitement de différentes maladies. Ravi Menon, porte-parole de la Chaire de recherche du Canada au Robarts Research Institute de l’Université Western Ontario, a expliqué les travaux de recherche qu’il effectue à partir d’un appareil d’IRM à champ magnétique extrêmement puissant pour étudier la structure et les fonctions du cerveau, afin de mieux comprendre la maladie d’Alzheimer, la sclérose en plaques, le cancer du cerveau et la sclérose latérale amyotrophique[107].

Le Comité a appris en outre que la Fondation canadienne de la recherche sur le diabète juvénile a reçu 20 millions de dollars de l’Agence fédérale de développement économique pour le Sud de l’Ontario (gouvernement fédéral) afin d’appuyer le développement d’un réseau d’essais cliniques permettant d’étudier notamment la mise au point d’un pancréas artificiel, un réseau en circuit fermé qui envoie l’information provenant de glucomètres à fonctionnement continu à des systèmes de pompe à insuline[108]. Des programmes informatiques absorberaient automatiquement toutes les données et transmettraient le signal approprié pour l’injection d’une quantité adéquate d’insuline, selon l’état du patient. Trois essais cliniques sur le pancréas artificiel sont actuellement en cours auprès d’enfants, d’adolescents et de femmes enceintes atteints de diabète de type 1.

Certains témoins ont relevé plusieurs obstacles à l’adoption d’instruments médicaux novateurs par les régimes de soins de santé du Canada, dont le système de réglementation. Pour Brian Lewis, président des Sociétés canadiennes de technologies médicales (MEDEC), même si une réglementation stricte est nécessaire, il demeure difficile de parcourir la multitude de règlements établis par Santé Canada, notamment pour les petites entreprises[109]. De plus, le système de recouvrement des coûts de Santé Canada pose des difficultés aux petites entreprises. Il a souligné qu’il pourrait s’agir d’un domaine où le gouvernement fédéral pourrait intervenir[110]. Tout comme David Jaffray, chef du Département de physique des rayonnements au Princess Margaret Cancer Centre, il a cité la lenteur du processus de réglementation de Santé Canada, reconnaissant néanmoins que le Ministère fait de son mieux[111]. Ces témoins ont indiqué qu’il est nécessaire d’harmoniser les processus de réglementation avec ceux d’autres pays, dont les États-Unis et l’Europe, parce que les entreprises canadiennes tentent souvent d’y faire homologuer leurs produits avant d’entamer le processus au Canada, leurs marchés étant plus vastes[112].

Des témoins ont parlé des défis que doivent relever les sociétés canadiennes de technologie médicale à l’échelle provinciale et régionale pour faire adopter leurs dispositifs par des organisations de soins de santé[113]. Ainsi, le Comité a appris que les provinces et les organisations de soins de santé se fient aux évaluations de technologies médicales pour décider des dispositifs qui seront adoptés par les régimes. Mais ces évaluations, axées sur l’efficacité clinique et la rentabilité des technologies de santé, sont réalisées par différentes organisations, à divers niveaux, et il n’en ressort aucune recommandation pancanadienne commune. Résultat : les sociétés doivent franchir différents processus d’évaluation à l’échelle du pays. De plus, elles doivent produire les données nécessaires pour appuyer les évaluations de la rentabilité de leurs produits. Le Comité s’est fait dire que des organisations comme le MaRS Discovery District aident les entreprises à évaluer la rentabilité de leurs produits à l’étape du développement afin d’en promouvoir l’adoption par les organisations de soins de santé. Des témoins ont toutefois souligné que l’ACMTS devrait se concentrer sur la coordination des évaluations à l’échelle du pays et sur la mise en commun de pratiques exemplaires[114].

Enfin, des témoins ont indiqué que les hôpitaux et les organisations de soins de santé n’ont pas les ressources ni les incitatifs nécessaires pour adopter certaines technologies médicales conçues au Canada. Ils ont donc recommandé que le gouvernement fédéral accorde des subventions aux organisations de soins de santé, par l’intermédiaire des agences de développement économique régional ou de la Fondation canadienne pour l’innovation, afin qu’elles adoptent des technologies cliniquement efficaces et rentables, mises au point au Canada, ou cherchent des moyens d’utiliser ces technologies sur leur territoire[115].

B. Produits pharmaceutiques

Santé Canada définit les produits pharmaceutiques comme des produits synthétiques fabriqués à l’aide de substances chimiques, ce qui comprend les médicaments d’ordonnance, les médicaments en vente libre, les désinfectants et les produits à faibles risques tels que les crèmes solaires, les antisudorifiques[116]. À l’instar des instruments médicaux, Santé Canada règlemente les produits pharmaceutiques sous le régime de la Loi sur les aliments et drogues[117]. Pendant son étude, le Comité s’est fait dire que les innovations dans la mise au point de produits pharmaceutiques permettent d’améliorer le traitement et la connaissance de diverses affections et maladies. Par exemple, le Comité a accueilli des représentants du Centre canadien de rayonnement synchrotron (CCRS), un organisme qui fait de la recherche fondamentale à l’aide d’un synchrotron, un accélérateur d’électrons générant des rayons lumineux d’une intensité radiologique extrêmement élevée et permettant la pénétration des matières au niveau moléculaire[118]. Ces personnes ont expliqué que le rayonnement synchrotronique trouve diverses applications dans la mise au point de médicaments, car il permet de mieux comprendre la structure moléculaire des maladies, ce qui mène à la création de médicaments et de traitements qui ciblent les maladies au niveau moléculaire et non l’organisme entier du malade, et créent donc moins d’effets indésirables. Dans l’un des laboratoires du CCRS, la source lumineuse du synchrotron est utilisée pour la cristallographie macromoléculaire, une technique qui permet de déceler la structure tridimensionnelle des molécules biologiques, dont les virus et diverses maladies, associées au cancer, aux maladies parasitaires, à la maladie de Crohn et aux maladies cardiovasculaires. Les sociétés pharmaceutiques utilisent ces connaissances pour créer des médicaments à partir de la structure moléculaire tridimensionnelle de ces maladies. En outre, le synchrotron améliore le dépistage de certaines maladies, notamment le cancer du sein, qui repose actuellement sur des processus secondaires, comme la détection des calcifications. Pour le porte-parole du CCRS, la recherche menée par le Centre débouchera sur la mise au point de techniques de dépistage des tissus cancéreux au niveau moléculaire grâce auxquelles on pourra diagnostiquer et traiter la maladie à un stade plus précoce.

Toutefois, certains témoins ont expliqué que l’innovation dans l’industrie pharmaceutique tant canadienne que mondiale stagne, de moins en moins de médicaments novateurs étant mis au point. Dans un mémoire présenté au Comité, Marc‑André Gagnon, de l’Université Carleton, illustre à l’aide d’un graphique la diminution, à l’échelle mondiale, de la création de nouvelles entités moléculaires; de 225 entre 1996 et 2000, elles étaient environ 150 entre 2001 et 2010[119]. D’après la revue française Prescrire, des 82 nouveaux produits pharmaceutiques approuvés pour la mise en marché en France en 2012, seulement 5 % étaient considérés comme des avancées thérapeutiques. Les autres n’étaient que des « me‑too », c’est-à-dire des imitations de médicaments existants[120]. M. Weaver a expliqué au Comité que l’on ne découvre pas autant de médicaments qu’on le pourrait au Canada, compte tenu des investissements consentis à la recherche et au capital humain[121]. Il calcule que de 1990 à 2010, le Canada aurait dû découvrir 16 nouveaux médicaments; mais il n’y en a eu que 6.

Des témoins ont expliqué de différentes façons les lacunes en matière d’innovation de l’industrie pharmaceutique. M. Gagnon a fait valoir la chute des investissements en recherche et développement par les compagnies pharmaceutiques, et ce, en dépit des incitatifs du gouvernement du Canada que représentent les crédits d’impôt et les mesures de protection des brevets[122]. M. Weaver a expliqué qu’aucune compagnie pharmaceutique multinationale n’a véritablement de siège au Canada[123]. Aussi, a-t-il avancé, il convient d’adopter un nouveau modèle de mise au point de médicaments, la « microentreprise pharmaceutique », c’est-à-dire des petites entreprises efficientes et innovatrices, dirigées par des scientifiques en milieu universitaire, dont les activités sont axées sur les produits[124]. Toutefois, les « microentreprises pharmaceutiques » devraient surmonter les difficultés que posent l’accès au capital de risque et l’expertise d’affaires. Pour Aled Edwards, du Structural Genomics Consortium, le problème s’explique par les lacunes en matière de connaissances fondamentales de la biologie humaine et le fait que les scientifiques, en milieu universitaire et dans les compagnies pharmaceutiques, doivent faire porter leurs travaux sur des gènes autres que ceux sur lesquels se concentre la recherche scientifique actuelle[125]. Il a aussi fait valoir un nouveau modèle de mise au point de médicaments, dont il sera question un peu plus loin.

C. Génomique

L’Organisation mondiale de la Santé définit la génomique comme l’étude des gènes, de leur fonction et de leurs interrelations, dans le but de déterminer leur incidence sur la croissance et le développement des organismes vivants[126]. Le Comité a appris que le gouvernement du Canada finance la recherche en génomique par l’intermédiaire de Génome Canada, un organisme sans but lucratif qui se consacre au développement et à l’application de la science et de la technologie génomiques pour favoriser la prospérité et le mieux-être social des Canadiens. Depuis sa création, en 2001, le gouvernement fédéral a consenti à Génome Canada un milliard de dollars en financement, contribution que l’organisme a su mettre à profit pour obtenir un milliard de dollars supplémentaire en cofinancement. Le Comité a appris que 60 % de ce financement avait été investi dans des applications et des travaux de recherche liés à la santé[127]. Pierre Meulien, président et chef de la direction de Génome Canada, a souligné la plus récente initiative de recherche en médecine personnalisée, dotée d’un budget de 150 millions de dollars, réalisée en partenariat avec les IRSC, les provinces et des compagnies pharmaceutiques. La médecine personnalisée cherche à adapter les soins de santé aux besoins uniques des personnes selon leur profil génétique[128]. M. Meulien a expliqué que la médecine personnalisée présente de nombreux avantages pour la prestation des soins de santé. Par exemple, elle aide les médecins à déterminer les médicaments qui conviennent le mieux selon le profil génétique du patient, et à éviter de prescrire des médicaments qui pourraient occasionner des effets indésirables chez ceux qui possèdent certains marqueurs génétiques[129].

Le Comité a appris d’autres témoins quelles sont les différentes applications de la recherche en génomique et du séquençage génétique. En particulier, certains témoins ont expliqué comment le séquenceur d’ADN du Genome Sciences Centre, à la British Columbia Cancer Agency, contribue à la mise au point de nouveaux traitements du cancer et de nouveaux vaccins pour les maladies contagieuses[130]. Financé par Génome Canada, Genome British Columbia, les IRSC, les instituts nationaux de la santé des États‑Unis et la Fondation canadienne pour l’innovation, le Genome Science Centre est l’un des quatre sites internationaux dotés d’un nouveau type de séquenceur d’ADN capable de lire tous les caractères du génome humain à très grande vitesse; le coût du séquençage génétique a ainsi été ramené de 50 millions de dollars à 5 000 $[131]. Selon M. Marra, directeur du Genome Sciences Centre, ce séquenceur d’ADN peut décoder chaque année 3 000 génomes humains exacts.

L’utilisation de ce séquenceur d’ADN rapide a mené au développement de nouveaux traitements et techniques de diagnostic possibles pour le cancer. Janessa Lakstin et David Huntsman, de la B.C. Cancer Agency, utilisent le séquençage du code génétique d’une rare forme de cancer pour évaluer, parmi les médicaments existants, les nouveaux médicaments ou les nouvelles combinaisons médicamenteuses, ceux qui pourraient traiter les patients[132]. Le Centre for Translational and Applied Genomics, OvCaRe, de l’Université de la Colombie-Britannique, utilise lui aussi le séquenceur d’ADN rapide pour dépister les mutations à l’origine de plusieurs types de cancers ovariens, ce qui a permis de mettre au point de nouvelles stratégies de diagnostic et pourrait donner naissance à de nouveaux traitements de cette maladie dans un proche avenir[133].

Par ailleurs, les séquenceurs d’ADN rapides, a appris le Comité, servent aussi à comprendre la génétique des virus et des bactéries et de leurs hôtes, afin de faciliter la création de vaccins et de traitements de maladies transmissibles, et de comprendre pourquoi certaines personnes sont sensibles à certains virus et d’autres non[134]. Selon Frank Plummer, du Laboratoire national de la microbiologie de l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC), la collaboration avec le Genome Science Centre et le B.C. Centre for Disease Control a permis le séquençage génétique du coronavirus du SRAS en 2003 et du virus H1N1 en 2009, et a servi lors de l’éclosion d’E. coli et de listériose. M. Plummer a aussi expliqué que le Laboratoire national de la microbiologie utilise d’autres technologies de génie génétique pour créer de nouveaux moyens de mise au point des vaccins contre le VIH, l’influenza et le virus Ébola en modifiant génétiquement des virus inoffensifs pour leur conférer les propriétés de ces maladies, afin de stimuler des réactions immunitaires plus fortes. Il a ajouté que le Laboratoire national de la microbiologie travaille de concert avec le secteur privé pour commercialiser ces types de vaccins.

Enfin, Aled Edwards, du Structural Genomic Consortium, a expliqué en quoi la recherche en génomique stimule la mise au point de nouveaux produits pharmaceutiques[135]. Il a indiqué que l’une des raisons pour lesquelles l’innovation dans l’industrie pharmaceutique est limitée au Canada et dans le monde est que l’on ne comprend pas suffisamment la biologie humaine, les chercheurs étant portés à se concentrer sur les mêmes gènes plutôt que sur ceux qui sont moins connus. Pour remédier à ce problème, M. Edwards a mis sur pied un nouveau modèle pour la recherche de médicaments, appelé le Structural Genomics Consortium, un partenariat public-privé axé sur la recherche en génétique et, en particulier, sur les gènes qui n’ont pas encore été étudiés. Le Structural Genomics Consortium possède deux centres de recherche, l’un à l’Université de Toronto et l’autre à l’Université d’Oxford, et reçoit du financement de la Fondation canadienne pour l’innovation, des IRSC, de Génome Canada, du gouvernement de l’Ontario et de certaines compagnies pharmaceutiques.

Le Comité a appris que la recherche produite par le Structural Genomics Consortium n’est pas brevetée et pourrait être utilisée par des sociétés pharmaceutiques et d’autres chercheurs pour la mise au point de nouveaux médicaments. Le Comité s’est fait dire que le Structural Genomics Consortium produit plus de 25 % de toute l’information connue dans le monde sur la structure des protéines cristallisées[136]. Les découvertes du Structural Genomics Consortium ont mené à la mise au point d’un médicament, le Gleevec, efficace pour le traitement de la leucémie myéloïde chronique. M. Edwards a ajouté que le modèle de recherche ouverte du Structural Genomics Consortium accélère la mise au point de médicaments, parce qu’il encourage la collaboration entre les compagnies pharmaceutiques et les chercheurs, et permet d’éviter les complications financières et juridiques associées à la protection des brevets. Il a conclu en disant que le Canada pourrait être un chef de file dans ce domaine s’il continue de financer et de développer ce nouveau modèle pour la recherche biomédicale, ce qui, en retour, encouragerait les compagnies pharmaceutiques à investir davantage au Canada.

Des témoins ont parlé de méthodes susceptibles de faire avancer la recherche en génomique et la médecine personnalisée. Le Comité s’est fait dire qu’il est nécessaire de maintenir l’accès à une aide financière à grande échelle pour l’infrastructure de recherche par l’entremise de la Fondation canadienne pour l’innovation, car cette infrastructure permet aux chercheurs d’accéder à des technologies de pointe qui ont engendré d’autres innovations dans des domaines comme le séquençage génomique[137]. De plus, la Fondation canadienne pour l’innovation doit investir de manière soutenue dans ce domaine pour veiller à ce que les technologies actuelles, par exemple le séquenceur rapide du Genome Sciences Centre, ne deviennent pas désuètes[138].

En outre, des témoins ont expliqué qu’il faut adapter le système de réglementation de Santé Canada si l’on veut que les Canadiens tirent tous les avantages de la médecine personnalisée. Les médecins n’ont pas toujours accès aux nouveaux médicaments, seuls ou combinés, destinés à la médecine personnalisée parce que ces produits n’ont pas été approuvés par Santé Canada pour les fins qu’ils recherchent[139]. Selon eux, les grands essais cliniques de la phase III, sur lesquels s’appuie le Ministère pour fonder ses homologations, ne fonctionneraient pas pour les médicaments utilisés en médecine personnalisée, parce que l’accent est mis sur l’efficacité du médicament pour une seule personne et non pour l’ensemble de la population. Selon ces témoins, le Ministère devrait commencer à songer à des moyens de remédier à ce problème, car des difficultés sur le plan de la réglementation se présenteront dans l’avenir[140].

D. Nanotechnologie[141]

Des témoins ont parlé au Comité de l’application des nanotechnologies pour le dépistage et le traitement des maladies. Les témoins ont défini la nanotechnologie comme un processus délibéré de conception, de synthèse, de caractérisation et d’application de structures, de dispositifs et de systèmes par le contrôle de la taille et de la forme, dans une gamme de 1 à 100 nanomètres, qui trouve un vaste éventail d’applications, depuis le matériel informatique jusqu’à la santé. Plus particulièrement, ils ont expliqué comment la nanotechnologie est appliquée au dépistage et au traitement du cancer. Normand Voyer, de l’Université Laval, mène des recherches dans le domaine de la nanochimiothérapeutique, discipline qui fait appel à des toxines et à des protéines de dimensions nanométriques pour percer la membrane des cellules cancéreuses et les anéantir. Selon lui, la prochaine étape de la recherche consistera à améliorer la sélectivité des destructeurs de cellules pour s’assurer que les toxines à l’échelle nanométrique ne détruisent que les cellules cancéreuses et ignorent les cellules saines. En ce qui a trait au diagnostic, Warren Chan, professeur à l’Université de Toronto, a précisé que les nanomatériaux servent à mettre au point des codes-barres à l’échelle moléculaire qui pourraient balayer divers types de protéines associées aux maladies. Selon lui, les efforts s’orientent actuellement vers la conversion de cette technologie en dispositifs portatifs qui permettraient de poser un diagnostic à l’endroit où les patients reçoivent des soins.

Malgré le potentiel que présente la recherche en nanotechnologie pour l’innovation dans la prestation des soins de santé, des obstacles entravent sa réalisation. M. Chan a expliqué que la réglementation de la nanotechnologie par Santé Canada pose problème, notamment parce qu’on ne sait pas si elle doit être considérée comme un médicament ou comme un dispositif. Actuellement, le Ministère réglemente les applications de la nanotechnologie au cas par cas. En outre, M. Chan a précisé que la recherche en nanotechnologie n’est pas une priorité au Canada, comparativement à d’autres pays, dont les États-Unis, la Corée du Sud et la Chine. Normand Voyer a expliqué que le gouvernement du Canada doit faire de la recherche en nanotechnologie une priorité parce que l’industrie est moins encline à financer ce type de recherche, puisque les découvertes à cet égard ne seront probablement commercialisées que dans 10 ou 20 ans. Faire de la recherche en nanotechnologie une priorité permettrait d’attirer des chercheurs et de développer une expertise canadienne. MM. Chan et Voyer ont donc recommandé que le gouvernement crée une agence de financement de la recherche, semblable à Génome Canada, qui serait consacrée à la recherche en nanotechnologie et à ses applications dans de nombreux domaines, dont la santé.

E. Observations et recommandations du Comité

L’étude du Comité a révélé que les découvertes attribuables à la recherche en génomique et en nanotechnologie permettent d’innover aux chapitres du diagnostic, du traitement et de la connaissance des troubles et maladies. Le Comité a appris que des instruments médicaux sont utilisés pour traiter le diabète de type 1 et comprendre les fonctions cérébrales. On a expliqué au Comité comment le synchrotron de Canadian Light Source aide à déceler la structure tridimensionnelle des virus et protéines associés à différentes maladies en vue de la mise au point de nouveaux médicaments et vaccins. Néanmoins, des obstacles empêchent le Canada de tirer pleinement profit des innovations dans les domaines des instruments médicaux, des produits pharmaceutiques, de la génomique et de la nanotechnologie. En ce qui concerne les instruments médicaux, le Comité a appris que le système de réglementation de Santé Canada doit être mieux adapté aux besoins des petites entreprises de technologie médicale et harmonisée à celui d’autres compétences. L’Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé (ACMTS) pourrait elle aussi faciliter l’adoption d’instruments médicaux par les régimes de soins de santé en coordonnant les ETS à l’échelle du pays et en mettant en commun les pratiques exemplaires. Selon des témoins, l’industrie pharmaceutique au Canada et dans le monde n’est pas aussi novatrice qu’elle pourrait l’être. Il faudrait promouvoir et financer de nouveaux modèles pour la mise au point de médicaments et ainsi stimuler l’innovation. Pour que le Canada demeure à la fine pointe des progrès en génomique, le Comité s’est fait dire qu’il faut investir continuellement dans l’infrastructure de séquençage génétique et faire en sorte que le système de réglementation de Santé Canada suive de plus près les développements en médecine personnalisée et dans le domaine de la nanotechnologie. Enfin, des témoins ont affirmé que le gouvernement fédéral doit continuer d’appuyer la recherche en nanotechnologie afin de développer une expertise dans ce domaine et de faire profiter des avantages de cette technologie aux régimes de soins de santé du Canada.

À la lumière de ces constatations, le Comité recommande :

7.     Que Santé Canada continue de trouver des moyens d’accroître l’efficience afin d’alléger le système de réglementation pour les petites et moyennes entreprises qui produisent des instruments médicaux.

8.     Que Santé Canada poursuive ses efforts d’harmonisation du système de réglementation des produits pharmaceutiques et des instruments médicaux avec celui d’autres compétences.

9.     Que Santé Canada s’assure que son cadre de réglementation des produits pharmaceutiques et des instruments médicaux est adapté aux progrès de la génomique, de la médecine personnalisée et de la nanotechnologie.

10. Que l’Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé collabore avec les organismes d’évaluation des technologies de la santé du pays pour qu’ils coordonnent leurs activités et mettent en commun leurs pratiques exemplaires.

11. Que le gouvernement du Canada continue de financer l’établissement de nouveaux modèles de mise au point de médicaments, comme le Structural Genomics Consortium.

12. Que le gouvernement du Canada continue de financer l’infrastructure de séquençage génétique au Canada par le biais de la Fondation canadienne pour l’innovation.

13. Que le gouvernement du Canada continue d’appuyer la recherche consacrée à la nanotechnologie.


[104]         Ibid.

[105]         Comité permanent de la santé de la Chambre des communes, Témoignages, 1re session, 41e législature, 7 février 2013, réunion no 72, (Brian Lewis, Sociétés canadiennes de technologies médicales [MEDEC]).

[106]         Ibid.

[107]            Comité permanent de la santé de la Chambre des communes, Témoignages, 1re session, 41e législature, 30 octobre 2012, réunion no 61 (Ravi Menon, professeur, Université Western Ontario).

[108]            Comité permanent de la santé de la Chambre des communes, Témoignages, 1re session, 41e législature, 27 novembre 2012, réunion no 66 (Andrew McKee, Fondation de la recherche sur le diabète juvénile Canada).

[109]         Ibid.

[110]         Ibid.

[111]         Comité permanent de la santé de la Chambre des communes, Témoignages, 1re session, 41e législature, 7 mars 2013, 078, (David Jaffray, chef, Département de physique des rayonnements, Princess Margaret Cancer Centre) et Comité permanent de la santé de la Chambre des communes, Témoignages, 1re session, 41e législature, 7 février 2013, réunion no 69 [Brian Lewis, Sociétés canadiennes de technologies médicales (MEDEC)].

[112]         Ibid.

[113]         Comité permanent de la santé de la Chambre des communes, Témoignages, 1re session, 41e législature, 7 février 2013, réunion no 72, [Brian Lewis, Sociétés canadiennes de technologies médicales [MEDEC] et John Soloninka, président et chef de la direction, Health Technology Exchange).

[114]         Ibid.

[115]         Ibid.

[116]         Santé Canada, L’accès aux produits thérapeutiques : Le processus de réglementation au Canada, 2006.

[117]         Ibid.

[118]            Comité permanent de la santé de la Chambre des communes, Témoignages, 1re session, 41e législature, 30 octobre 2012, réunion no 61 (Josef Hormes, directeur exécutif, Canadian Light Source.).

[119]         Marc-André Gagnon, La propriété intellectuelle (PI) et le secteur pharmaceutique canadien : de l’économie de l’innovation aux entreprises parasites, mémoire présenté au Comité permanent de la santé de la Chambre des communes, 12 février 2013.

[120]         Ibid.

[121]         Comité permanent de la santé de la Chambre des communes, Témoignages, 1re session, 41e législature, 30 octobre 2012, réunion no 61 (Donald Weaver, professeur, Université Dalhousie, à titre personnel).

[122]         Marc-André Gagnon, La propriété intellectuelle (PI) et le secteur pharmaceutique canadien : de l’économie de l’innovation aux entreprises parasites, mémoire présenté au Comité permanent de la santé de la Chambre des communes, 12 février 2013,19 mars 2013.

[123]         Comité permanent de la santé de la Chambre des communes, Témoignages, 1re session, 41e législature, 30 octobre 2012, réunion no 61 (Donald Weaver, professeur, Université Dalhousie, à titre personnel).

[124]         Ibid.

[125]         Comité permanent de la santé de la Chambre des communes, Témoignages, 1re session, 41e législature, 5 mars 2013, réunion no 77 (Aled Edwards, directeur et chef de la direction, Structural Genomics Consortium).

[126]         Organisation mondiale de la Santé, WHO Definitions of Genetics and Genomics. [traduction] [en anglais seulement]

[127]         Comité permanent de la santé de la Chambre des communes, Témoignages, 1re session, 41e législature, 5 mars 2013, réunion no 77 (Pierre Meulien, président et chef de la direction, Génome Canada).

[128]         U.S National Library of Medicine, Genetics Home Reference: Glossary: personalized medicine. [en anglais seulement]

[129]         Ibid.

[130]         Comité permanent de la santé de la Chambre des communes, Témoignages, 1re session, 41e législature, 4 décembre 2012, réunion no 68 (Marco Marra, directeur, Michael Smith Genome Sciences Centre, BC Cancer Agency).

[131]         Ibid.

[132]            Ibid.

[133]            Comité permanent de la santé de la Chambre des communes, Témoignages, 1re session, 41e législature, 4 décembre 2012, réunion no 68 (David Huntsman, Centre for Translational and Applied Genomics, Université de la Colombie‑Britannique).

[134]            Ibid. (Frank Plummer, conseiller scientifique en chef, Directeur général scientifique, Laboratoire national de la microbiologie, Agence de la santé publique du Canada).

[135]         Comité permanent de la santé de la Chambre des communes, Témoignages, 1re session, 41e législature, 5 mars 2013, réunion no 77 (Aled Edwards, directeur et chef de la direction, Structural Genomics Consortium).

[136]         Ibid. (Pierre Meulien, président et chef de la direction, Génome Canada).

[137]            Comité permanent de la santé de la Chambre des communes, Témoignages, 1re session, 41e législature, 4 décembre 2012, réunion n68 (David Huntsman, Centre for Translational and Applied Genomics, Université de la Colombie-Britannique).

[138]            Ibid.

[139]            Ibid.

[140]            Ibid.

[141]         Sauf indication contraire, cette section se fonde sur les témoignages suivants : Comité permanent de la santé de la Chambre des communes, Témoignages, 1re session, 41e législature, 4 décembre 2012, réunion n68 (Normand Voyer, professeur, Université Laval, à titre personnel, et Warren Chan, professeur, Université de Toronto, à titre personnel).