[Français]
Merci, madame la présidente.
Je remercie les membres du comité.
Je ferai ma présentation en anglais, mais il me fera plaisir de vous répondre en français, si vous le voulez, lors de la période des questions.
[Traduction]
Mesdames et messieurs les membres du comité, je suis très heureux de pouvoir contribuer, au nom de Génome Canada, à votre étude sur l'innovation technologique, et notamment sur les pratiques exemplaires en matière de soins de santé au Canada.
Comme vous le savez sans doute, la génomique est la science qui vise à décoder et comprendre l'ensemble de l'information génétique de tous les organismes vivants. C'est donc une science fondamentale pour tous les travaux de recherche en biologie, car elle jette un éclairage révélateur sur un large éventail de questions à propos de la vie. La génomique est une science relativement récente dont le potentiel est rapidement exploité grâce aux nouvelles technologies, ce qui pourrait influer grandement sur les soins de santé et bien d'autres secteurs au Canada.
Avant de vous présenter quelques-unes des applications et des implications de la technologie génomique au niveau des soins de santé, permettez-moi de vous dire quelques mots au sujet de Génome Canada. Nous sommes une organisation sans but lucratif qui se consacre au développement et à l'application de la science et de la technologie génomiques pour favoriser la prospérité et le mieux-être social des Canadiens. Nous travaillons en étroite collaboration avec six centres du génome régionaux ainsi qu'avec les gouvernements fédéral et provinciaux, le milieu universitaire et l'industrie.
Nous finançons et dirigeons de vastes travaux de recherche et nous employons à concrétiser les découvertes sous forme de débouchés commerciaux, de nouvelles technologies, d'applications et de solutions dans les principaux secteurs de l'économie liés aux sciences de la vie. Il s'agit notamment des secteurs de la santé humaine, bien évidemment, mais aussi de l'agriculture, des pêches, de la foresterie, de l'environnement, de l'énergie et même des mines.
Dans tous nos travaux, nous voyons en priorité à considérer les aspects éthiques, environnementaux, économiques, légaux et sociaux de la génomique — c'est ce qu'on appelle l'approche GE3LS. Nous cherchons ainsi à aider les décideurs publics et les autres intervenants à mieux comprendre les impacts globaux du travail scientifique de manière à accélérer son acceptation et la mise en application des innovations au sein de la société.
Depuis 2000, le gouvernement du Canada a investi un milliard de dollars dans la réalisation de notre mandat, et nous avons su mettre à profit cette contribution pour obtenir un milliard de dollars supplémentaire en cofinancement afin d'appuyer notre travail au cours de la même période. Plus de 60 p. 100 du montant total de 2 milliards de dollars a été investi dans des applications et des travaux de recherche liés à la santé.
Ces investissements ont déjà porté fruit comme en témoignent les découvertes canadiennes en génomique qui ont sauvé des vies, amélioré les traitements dispensés aux patients et réduit les coûts des soins de santé.
Si la génomique a pu être un véritable agent de changement dans les soins de santé au Canada et ailleurs dans le monde, c'est principalement grâce aux progrès technologiques sans précédent qui nous permettent maintenant de lire l'ADN et de déchiffrer ainsi le code personnel de vie de chacun. Très bientôt, il devrait être possible pour chacun de nous de faire séquencer rapidement et à peu de frais son génome personnel à des fins d'analyse pour une vaste gamme d'examens de santé.
Il a fallu des investissements de 3 milliards de dollars et le travail de milliers de scientifiques pendant toute une décennie pour parvenir une toute première fois à séquencer le génome humain en 2003. Moins de 10 ans plus tard, n'importe lequel des nombreux centres de séquençage génomique sur la planète — et il y en a trois de calibre mondial au Canada — peut faire le même travail en quelques jours à peine pour seulement 3 000 $, un coût qui diminue chaque semaine.
Dans moins d'une décennie, on a ainsi pu diviser par un million le coût d'une opération importante, une évolution ultrarapide dont très peu d'autres domaines des sciences et de la technologie — voire aucun — peuvent se targuer.
Il va de soi que les professionnels de la santé, les décideurs publics et les patients eux-mêmes s'interrogent beaucoup sur la façon dont cette technologie accessible depuis peu pourra être mise en application en milieu clinique. Qui analysera cette information et de quelle manière, à qui appartiendront les données et comment parviendra-t-on à intégrer ce nouveau concept de médecine au sein d'un système de santé déjà fortement mis à contribution?
Pour répondre à ces questions, il nous faut d'abord comprendre ce que notre génome personnel peut nous dire ou non au sujet de notre état de santé et du risque que nous contractions certaines maladies à un âge plus avancé.
La mesure dans laquelle nos gènes exercent une influence sur notre santé varie grandement selon le problème ou la maladie dont il est question. À une extrémité du spectre, on trouve les maladies déterminées par un seul gène dont certaines sont extrêmement rares et d'autres plus courantes, comme la fibrose kystique, certaines formes de troubles hémorragiques dont l'hémophilie, et la maladie de Huntington. La composante génétique est le facteur principal, voire le seul, à l'origine de ces maladies. Autrement dit, peu importe les facteurs environnementaux qui entrent en jeu, si vous avez la malchance d'avoir le gène défectueux qui cause l'une de ces maladies, vous allez fort probablement la contracter.
À l'autre extrémité du spectre, on retrouve les maladies chroniques, des problèmes beaucoup plus courants pouvant originer d'une sorte de conspiration entre plusieurs gènes pour accroître les risques qu'une personne soit touchée, mais qui ne peuvent se manifester qu'en présence de certains facteurs environnementaux.
Le diabète de type 2 est le meilleur exemple que je puisse vous donner. Des facteurs génétiques complexes entrent en ligne de compte pour la plupart des personnes atteintes, mais la maladie se manifestera plus facilement chez celles qui, par exemple, ne font pas d'exercice régulièrement, se nourrissent mal ou consomment des quantités d'alcool anormalement élevées. Soit dit en passant, la fréquence des cas de diabète de type 2 tout particulièrement fait grimper les coûts des soins de santé à des niveaux inabordables dans la plupart des pays développés.
Tout ça pour vous dire que le décodage de notre génome personnel joue un rôle important, quoique partiel, dans nos efforts pour lutter contre les maladies et relever les défis de notre système de santé.
Alors, qu'est-ce qui se fait concrètement pour exploiter au mieux cette technologie? Nos autorités sanitaires ainsi que nos ministres provinciaux et fédérale de la Santé confrontent à juste titre les promoteurs de la technologie génomique pour savoir comment on pourrait l'intégrer de manière économiquement durable à notre système de soins de santé.
C'est un défi que s'emploie à relever Génome Canada, en partenariat avec les Instituts de recherche en santé du Canada et les centres du génome régionaux. L'an dernier, la et le nous ont appuyés conjointement lors du lancement d'une nouvelle initiative de recherche appliquée de grande envergure sur une approche personnalisée en santé qui est dotée d'un budget de 150 millions de dollars.
Nous avons convié des équipes de projet de partout au pays à formuler des propositions visant une utilisation optimale des meilleures technologies disponibles dans le monde pour répondre à des besoins médicaux criants, tout en incluant une justification économique des motifs pour lesquels les autorités sanitaires devraient agir proactivement en adoptant ces nouvelles technologies. Autrement dit, les projets retenus devront établir les moyens mis en oeuvre pour servir au mieux les intérêts du système de santé dans son ensemble. Nous serons en mesure d'annoncer dans un avenir rapproché les résultats de cette demande de propositions.
La génomique est déjà mise à contribution dans certains secteurs de notre système de santé. Elle aide notamment à décider du traitement approprié pour de nombreuses formes de cancer. Le Canada joue d'ailleurs un rôle de premier plan à l'échelle internationale à titre de coordonnateur du Consortium international de génomique du cancer.
La recherche canadienne en génomique a aussi contribué à prévenir la mortalité infantile. Une étude financée par Génome Canada a permis d'isoler il y a plusieurs années un facteur génétique à la base de certaines formes du syndrome de mort subite du nourrisson. Les risques étaient liés à la consommation de codéine par les mères allaitantes. Dès que les résultats de cette étude ont été rendus publics, Santé Canada et la Food and Drug Administration aux États-Unis ont modifié l'étiquetage de la codéine pour en interdire l'utilisation au cours de la période postnatale.
Le domaine des effets indésirables des médicaments est propice à des applications bien documentées s'appuyant sur une base génomique, car la composante génétique y est également dominante dans bien des cas. C'est un aspect non négligeable compte tenu des coûts de 7 milliards de dollars par année qu'entraînent les effets indésirables des médicaments pour le système de santé des Canadiens. Imaginez si l'on pouvait réduire ce chiffre ne serait-ce que de moitié.
Il faut s'attendre à d'autres transformations importantes d'ici trois ou quatre ans alors que les progrès réalisés en génomique auront un impact sur le traitement de problèmes de santé aussi diversifiés que l'épilepsie, l'autisme, la schizophrénie, les maladies cardiovasculaires, le cancer et de nombreuses maladies inflammatoires.
Et ce n'est qu'un début. Le Canada est idéalement positionné pour récolter les fruits de ces avancées technologiques, notamment grâce à la capacité de recherche de calibre mondial dont nous nous sommes dotés au cours de la dernière décennie. Les excellentes possibilités d'une intégration efficiente au sein du système de santé sont attribuables à une infrastructure de prestation des soins misant grandement sur la recherche et au fait que le Canada peut compter sur quelques-uns des meilleurs réseaux au monde pour la recherche clinique sur des maladies particulières.
Cela étant dit, il y a assurément des difficultés d'ordre plus général, bien connues de votre comité, que le Canada doit surmonter afin d'établir et de maintenir un système de santé moderne et financièrement viable et de favoriser une intégration efficiente et efficace de la génomique. Cela doit passer notamment par le dossier électronique de santé; des systèmes provinciaux efficients, modernes et harmonisés pour l'évaluation des technologies médicales; des modules d'enseignement et de formation pour les professionnels de la santé en génomique avec les modifications correspondantes aux programmes d'étude des facultés de médecine; une interface plus évoluée entre la recherche en santé et la prestation des soins; et des partenariats de recherche productifs avec le secteur privé.
En outre, les patients et leurs groupes de défense auront un important mot à dire dans la suite des choses, et chacun sera responsable du maintien et du suivi de son état de santé et de la modification de ses comportements au fil des ans. Malgré les difficultés qui s'y rattachent, ce concept de prise en charge individuelle sera primordial et le soutien financier du gouvernement sera nécessaire pour encourager les Canadiens à adopter de saines habitudes de vie.
Au nom de Génome Canada, je veux remercier le comité pour le temps que vous nous avez consacré et l'attention que vous apporterez à nos propos.
:
Oui, il semble bien que l'on ne soit plus capable de prendre la parole sans ces présentations.
Je m'inspire aujourd'hui des tactiques des politiciens. Je ne vais pas répondre à la question que vous avez posée, mais plutôt à celle que j'aurais aimé entendre.
Je suis professeur à l'Université de Toronto et à Oxford, et je dirige ce partenariat public-privé entre le Canada et le Royaume-Uni auquel le Brésil se joindra bientôt. Nous intervenons aux premières étapes de la découverte de médicaments. Il s'agit de voir comment on peut accélérer les choses.
J'aimerais vous expliquer les motivations de nos actions et le rôle que le Canada peut jouer en tant que chef de file — ce qui n'est pas chose courante — plutôt que de suivre la parade.
Je crois que vous connaissez déjà les principaux problèmes que nous souhaitons solutionner. Alors que c'est la période de l'année où vous préparez des budgets, vous constatez certes que les coûts des soins de santé augmentent de 6 p. 100 par année — en tout cas, cela n'échappe pas à vos homologues provinciaux. Il n'y a pas beaucoup de marge de manoeuvre quant à la manière dont les sommes disponibles peuvent être dépensées. En outre, comme nous ne rajeunissons pas et que la moyenne d'enfants par couple diminue, le régime canadien se heurte à un obstacle d'ordre démographique.
La création de nouveaux médicaments peut notamment se justifier du fait qu'ils sont plus rentables. Les médicaments efficaces permettent en effet de réduire les coûts pour le système de santé, mais l'industrie dans son ensemble — et c'est un phénomène mondial — n'invente malheureusement pas de nouveaux médicaments, surtout pour les maladies chroniques et celles qui touchent le plus grand nombre d'entre nous.
Novartis, l'une des meilleures entreprises pharmaceutiques au monde, a cessé toute recherche sur la maladie d'Alzheimer sous prétexte que l'exercice était trop exigeant.
En 2050, 25 p. 100 de la population canadienne sera âgée de plus de 65 ans. Au Japon, cette proportion atteindra 41 p. 100. Comme c'est à partir de cet âge que les maladies chroniques commencent à se manifester, nous avons vraiment un problème.
Je ne serai jamais politicien, car je suis incapable de suivre mon texte. Je me placerais trop facilement dans l'eau chaude.
Dans le contexte de la rationalisation de l'industrie, le Canada se retrouve parmi les perdants. Boehringer Ingelheim a fermé ses installations de recherche à Montréal. Merck en a fait tout autant. Le même phénomène se produit dans tous les pays occidentaux.
Lorsque l'industrie ne crée pas de médicaments innovants, elle va s'installer dans les pays comme la Chine et l'Inde où les clients sont plus nombreux. Si vous n'avez rien de nouveau à vendre, vous essayez de vendre vos produits actuels à un plus grand nombre de personnes. Cette approche tout à fait logique du point de vue des affaires mine nos efforts pour contrer la maladie d'Alzheimer et tous les autres problèmes de santé qui vont nous toucher.
Loin de moi l'intention de vous décourager outre mesure. Je pense qu'il est vraiment possible pour le Canada d'avoir un impact sur ces problèmes qui affectent également le reste de la planète. Mais qui va inventer les nouveaux médicaments? C'est l'une des grandes questions à se poser.
L'industrie se demande maintenant pourquoi il n'est plus possible de créer de nouveaux médicaments. Autant l'industrie que les médecins et les professeurs comme moi convenons désormais que nous ne comprenons pas suffisamment la biologie humaine. C'est la raison principale. Il n'y a pas de crise de l'innovation. Il n'y a pas d'intentions cachées. Lorsque nous commençons à tester des médicaments sur des personnes, plus souvent qu'autrement les résultats ne sont pas au rendez-vous parce que l'hypothèse de départ n'était pas la bonne. On espérait que la prise d'un tel médicament fasse disparaître le diabète, mais on se rend compte que ce n'est pas le cas. Il est impossible de le prédire avant d'avoir effectué les tests.
L'industrie se dit donc qu'il serait bon pour elle de collaborer avec ces brillants professeurs mais, comble de malheur, ils ne sont pas à la hauteur, pas plus d'ailleurs que le réseau planétaire de recherche.
On a réussi à séquencer le génome humain. Nous avons 20 000 gènes, c'est notre code génétique. On peut toujours s'en réjouir en se demandant combien de travaux de recherche sont menés sur chacun de ces gènes. Pourquoi pas alors dessiner une jolie courbe?
Le graphique présenté ici illustre les recherches menées à l'égard de 518 gènes importants. Mais qu'est-ce qui peut bien se passer? Pourquoi tout le monde s'intéresse aux mêmes gènes? C'est parce que nos professeurs trouvent leur récompense dans la reconnaissance de leurs pairs. Nous voulons que nos amis nous trouvent bons. Ce n'est pas l'argent qui nous motive; c'est la façon dont nous parvenons à nous démarquer dans notre domaine. On se vante d'être parmi les grands spécialistes, d'avoir publié tel et tel travail et de participer à toutes ces conférences. Si vous faites des recherches dans un domaine qui n'intéresse que vous, personne ne vous invitera à aller donner une conférence à Barcelone. Vous n'aurez droit à aucun prix de reconnaissance. Vous savez ce qu'il faut faire pour connaître du succès au sein du monde merveilleux des professeurs? Travaillez dans les domaines auxquels tout le monde s'intéresse déjà. Si vous parvenez à faire un peu mieux que les autres, vous aurez droit à une place de choix.
Si je me fais frapper par un autobus demain matin, le reste du monde n'en sera aucunement affecté, car il y en a 100 autres qui font les mêmes expériences que moi; c'est la triste réalité. Nous nous montrons extrêmement myopes dans nos recherches en raison du système en vertu duquel des pays comme le Canada, le Royaume-Uni et les États-Unis récompensent leurs professeurs en leur donnant leur permanence ou en leur accordant des subventions. Nous nous intéressons tous aux mêmes sujets.
Malgré le travail accompli par l'organisation de Pierre pour nous donner accès au code génomique, notre comportement ne va pas changer, faute de motivations suffisantes.
Voici ce qu'avait à dire ma mère qui enseigne en 1re année: « Je pensais que vous, les scientifiques, aimiez découvrir des choses ». Je lui ai répondu: « Je sais bien, maman. Ce n'est pas tout à fait cela. Nous aimons surtout être invités à Barcelone pour donner des conférences. »
Pour quelqu'un qui se retrouve au sein de l'industrie, par exemple qui travaille pour Merck et souhaite trouver un traitement contre le cancer, le problème est de passer de la recherche fondamentale à la recherche appliquée. À qui faut-il s'adresser? Aux brillants professeurs de Harvard avec leur noeud papillon. Mais comment sont-ils devenus professeurs à Harvard? Eh bien, ils ont obtenu de bons résultats dans des recherches portant sur des thèmes qui intéressent tout le monde. Alors, ils vont dire au chercheur de Merck qu'il devrait s'intéresser à telle ou telle protéine, car elle est prioritaire. Les mêmes professeurs vont tenir exactement le même discours auprès de toutes les entreprises pharmaceutiques. Et ça donne quoi au juste? Tous les intervenants de l'industrie travaillent sur les mêmes protéines auxquelles nous nous intéressons. Il est difficile de s'imaginer plus grand dédoublement des efforts.
À l'échelle de la planète, le Canada investit entre un et deux milliards de dollars dans la recherche biomédicale. Pour l'ensemble des pays, ces investissements atteignent les 100 milliards de dollars et ne visent que 10 p. 100 des sujets possibles. Et tous ces aspects de la biologie humaine échappent au radar des chercheurs. C'est ainsi que nous nous retrouvons devant un échec, faute d'en connaître suffisamment, lorsque nous testons auprès de patients un éventuel médicament pour l'Alzheimer. Si nous n'en connaissons pas assez, c'est parce que nous négligeons de chercher dans l'inconnu, vu que le système ne nous le permet pas. C'est le problème que j'ai constaté et que j'essaie de surmonter au sein de notre organisation.
Vous devez aussi comprendre que les choses sont loin de s'améliorer. Si l'on met en parallèle la quantité de nos recherches et le nombre de gènes, on peut constater que le modèle n'a pas changé par rapport à ce qu'il était avant l'importante percée génomique de 2002, dans les cinq années qui ont suivi et lorsque j'ai procédé à cette analyse en 2009.
Parmi tous les travaux publiés par des chercheurs, 65 p. 100 portaient sur les mêmes protéines auxquelles on s'intéressait déjà beaucoup en 1992. Nous sommes très lents à sortir de notre zone de confort. Les scientifiques aiment aller au fond des choses; lorsque nous nous attaquons à un sujet, nous ne lâchons pas prise facilement. Tout cela au détriment de bien d'autres thèmes de recherche.
C'est la même chose dans plusieurs domaines, mais nous pouvons le quantifier ici parce que le code génomique est constitué de seulement 20 000 gènes, un nombre fixe.
C'est donc ce qui explique la crise de l'innovation sur toute la planète, et pas seulement au Canada.
En voici un exemple parmi tant d'autres. C'est un résumé de recherche qui dit essentiellement que deux gènes jouent un rôle important au chapitre du cancer. Regardez maintenant où se situent ces gènes sur l'échelle des activités de recherche.
Voilà 40 ans que Nixon a déclaré la guerre au cancer et des sommes totales d'un billion de dollars ont été consacrées à la recherche en la matière. Si un de vos proches a été touché par la maladie, vous savez aussi bien que moi à quel point le cancer est difficile à traiter, et nous ne connaissions même pas l'existence de ce gène avant la publication de ces travaux l'an dernier. Comme s'ils avaient des oeillères les empêchant de voir ailleurs, tous les chercheurs se sont intéressés aux mêmes gènes.
C'est un problème très grave.
Et c'est là qu'intervient notre organisation. Si certains thèmes sont jugés trop risqués par l'industrie et par les universitaires — parce que le système ne leur permet pas de s'y intéresser — pourquoi tout le monde ne contribuerait-il pas à la création d'un nouvel outil? Notre organisation s'est donnée comme mission d'en apprendre plus long sur l'inconnu en essayant d'éclairer par ses recherches la face cachée des choses. Comme l'industrie et les chercheurs s'entendaient pour dire que l'on n'en connaissait pas suffisamment au sujet de la biologie humaine, c'est à ce chapitre que nous avons agi dans l'intérêt commun.
Quelles sont les possibilités qui s'offrent à nous? Les résultats ne sont pas nécessairement toujours probants, mais nous pouvons compter au Canada sur des chercheurs extrêmement compétents; des gens très brillants. Malheureusement, ils s'intéressent généralement tous aux mêmes sujets.
Quels moyens pouvons-nous prendre afin d'optimiser notre impact sur la planète en maximisant l'incidence de nos travaux sur les maladies chroniques et sur notre système de soins de santé?
Moi, je vous dis: pourquoi ne pas laisser les États-Unis, l'UE et la Chine se battre et se jouer du coude? Il peut y avoir un premier, et les autres suivent.
Si nous avons un dollar à dépenser, pourquoi le dépenserions-nous à faire concurrence à l'UE, aux États-Unis et à la Chine, si nous pouvons prendre un risque? Le problème, c'est qu'il n'y a aucun avantage à travailler comme professeur, donc il faut inventer un nouveau système, parce que les gens sont promus en fonction de leur aptitude à rivaliser les uns contre les autres sous les feux de la rampe. Nous finançons les gens en fonction de leur aptitude à être compétitifs sous les feux de la rampe. C'est ainsi que le monde fonctionne, et nous n'y changerons rien. Vous savez, il y a des choses en politique qui n'ont pas de bon sens, mais on ne peut rien y changer. Il faut composer avec cela, un point c'est tout.
Comment convaincre les gens de se lancer? Nous avons commencé par convaincre huit, puis neuf entreprises de donner de l'argent à l'organisation que je dirige. Nous avons quelques centaines de chercheurs à Toronto et à Oxford qui rendent leurs recherches publiques, sans brevet, simplement pour le savoir et la connaissance, pour lutter contre les pires problèmes de santé, c'est-à-dire pour comprendre davantage comment fonctionne le corps humain, comment fonctionne la maladie et pour que les sociétés pharmaceutiques fabriquent des médicaments qui fonctionnent, pour que les traitements contre l'Alzheimer ne se fonde pas sur de l'improvisation, mais sur des faits logiques.
Il s'agit là d'un système d'appui de la recherche biomédicale totalement différent. Je crois que le Canada a une occasion en or à portée de main. Les États-Unis ne peuvent pas la saisir parce qu'ils sont trop axés sur les brevets et que toutes leurs universités veulent être l'université numéro un, pour pouvoir construire des édifices rutilants et être compétitives. L'UE ne peut pas la saisir. Elle doit obtenir 37 signatures de 37 ministres pour ceci ou cela, c'est à se pendre.
Des voix: Ah! Ah!
M. Aled Edwards: Je crois que nous pouvons être incroyablement plus agiles au Canada. Nous avons un plan pour y arriver. Il y a des sociétés de partout dans le monde, des directeurs de recherche de partout qui viennent au Canada pour cela. Nous venons de lancer un nouveau projet avec Génome Canada afin d'essayer de trouver des traitements pour les enfants atteints de maladies rares, une tâche vraiment très difficile. Nous le faisons dans un contexte préconcurrentiel, nous partageons toutes nos données, nous ne présentons pas de demandes de brevets, et l'industrie nous finance. Les IRSC, Génome Canada et la FCI nous aident tous.
Dans le cadre d'un rassemblement incroyable qui aura lieu en juillet, six chefs de file de la R-D provenant d'entreprises de Tokyo et des États-Unis vont venir à Ottawa parler de la possibilité de créer un programme unique de découverte de médicaments, sans brevet, de l'idée de départ jusqu'aux essais chez les humains.
Je pense que ce projet a le potentiel de transformer de A à Z le monde de la découverte de médicaments. C'est absolument nécessaire, et je suis persuadé que le Canada peut prendre le leadership. Si nous le faisons, il y aura certainement plus d'innovations efficaces dans le système de la découverte et plus de médicaments à coût abordable dans un horizon de 5 à 10 ans. Nous allons ramener les branches de recherche de la pharmacologie au Canada. Ils s'en viennent. Le chef de la R-D de Takeda, à Tokyo, va être ici en juillet. Le chef de la R-D de Glaxo, à Londres, va être ici en juillet. Nous allons pouvoir mettre l'accent sur la recherche de l'inconnu; c'est l'occasion pour le Canada de faire preuve de son leadership et de s'éloigner du chemin que tout le monde prend.
Je m'excuse de ne pas vous avoir dit ce que j'étais censé vous dire, mais je pense que c'était amusant.