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LANG Rapport du Comité

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APRÈS LA FEUILLE DE ROUTE : CAP VERS UNE AMÉLIORATION DES PROGRAMMES ET DE LA PRESTATION DES SERVICES

PARTIE I

A. Portée de l’étude et organisation du rapport

À l’automne 2011, le Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes (le Comité) a entrepris une étude sur la Feuille de route pour la dualité linguistique canadienne 2008-2013 : agir pour l’avenir (la Feuille de route). Le Comité s’est fixé comme objectif de recueillir les témoignages[1] des partenaires fédéraux et ceux des organismes et institutions des communautés de langue officielle en situation minoritaire (CLOSM) afin d’évaluer le travail qui a été accompli depuis la mise en œuvre de la Feuille de route en 2008 et de présenter une série de recommandations visant à orienter le gouvernement dans l’élaboration d’une prochaine stratégie fédérale pour les langues officielles. Ainsi, le présent rapport rend compte des témoignages entendus et des connaissances acquises lors des audiences publiques du Comité. Il cherche à mettre en évidence les points communs qui ressortent de l’ensemble des témoignages.

Ce rapport est divisé en trois parties. La première partie présente la Feuille de route et les premiers constats émanant de l’étude. La deuxième partie traite des initiatives et des investissements de la Feuille de route. Les 32 initiatives qui constituent la Feuille de route sont regroupées et présentées par thèmes : la santé, l’immigration, le développement communautaire, le développement économique, l’éducation (petite enfance, appui à l’enseignement dans la langue de la minorité, alphabétisation, éducation postsecondaire, appui à l’enseignement de la langue seconde), la dualité linguistique, les arts et la culture, les médias, la justice et la recherche. Chacune des initiatives est décrite à partir des informations présentées par les ministères et agences lors de leur comparution au Comité. On présente ensuite une synthèse et une analyse des recommandations formulées par les témoins au sujet des initiatives.

La troisième partie du rapport jette un regard analytique sur les questions qui relèvent de la gouvernance de la Feuille de route, soit : le processus de consultations, la coordination interministérielle, la collaboration intergouvernementale, les mécanismes de reddition de compte ainsi que les mécanismes d’évaluation. Comme dans la première partie, il y a d’abord une description des mesures suivie d’une analyse des commentaires et des recommandations formulés par les divers témoins.

Les recommandations du Comité s’inspirent des témoignages des CLOSM, du commissaire aux langues officielles du Canada, M. Graham Fraser, des institutions fédérales partenaires de la Feuille de route et des spécialistes qui ont comparu. Elles tiennent également compte des mémoires soumis au Comité par les divers témoins. La mise en œuvre d’une stratégie comme la Feuille de route requiert la collaboration des provinces et territoires. Toutefois, la portée de toutes les recommandations incluses dans ce rapport s’en tient à la compétence fédérale. Cette portée est conditionnelle au respect des compétences provinciales et territoriales et ne saurait modifier unilatéralement les ententes fédérales-provinciales existantes.

B. La Feuille de route pour la dualité linguistique canadienne  2008-2013 : agir pour l’avenir

Plan quinquennal qui fait suite au Plan d’action pour les langues officielles  2003-2008 du gouvernement du Canada[2], la Feuille de route concrétise l’engagement du gouvernement fédéral à promouvoir « la participation de tous les Canadiens à la dualité linguistique et l’appui aux communautés de langue officielle en situation minoritaire[3]. » Ces deux objectifs découlent de la partie VII de la Loi sur les langues officielles[4].

Le 1er juin 2007, lors du Sommet des communautés francophones et acadiennes, l’ancienne ministre du Patrimoine canadien, de la Condition féminine et des Langues officielles, l’honorable Josée Verner, a annoncé que « d’ici un an, nous aurons défini une feuille de route claire, une feuille de route qui aura été élaborée avec et pour l’ensemble des communautés[5] ». Elle s’est aussi engagée à mener « une consultation d’envergure sur la vision d’ensemble du gouvernement en matière de langues officielles et de dualité linguistique [6]. » Dans le cadre du discours du Trône du 16 octobre 2007, le gouvernement a réitéré son engagement à proposer « une stratégie concrétisant la phase suivante du Plan d’action pour les langues officielles » [7].

Les consultations ont débuté le 3 décembre 2007. À pareille date, l’honorable Bernard Lord, ancien premier ministre du Nouveau-Brunswick, a été nommé conseiller spécial à la Ministre. Selon le rapport qui a été produit, 300 individus et organismes ont été consultés dans le cadre des événements régionaux et de l’événement synthèse. D’autres rencontres ont eu lieu avec les commissaires aux langues officielles du Canada et du Nouveau-Brunswick, ainsi qu’avec certains ministres provinciaux responsables de la francophonie[8]. Le rapport final des consultations a été officiellement transmis à la Ministre le 29 février 2008, et rendu public le 20 mars de la même année. Il a jeté les bases de la Feuille de route.

La Feuille de route est assortie d’un engagement de 1,1 milliard de dollars qui « bonifie et élargit l’action gouvernementale pour accroître et rendre accessibles les bénéfices de la dualité linguistique à tous les Canadiens »[9]. Il s’agit donc d’une stratégie supplémentaire qui bonifie les programmes réguliers des 15 institutions fédérales participantes. Cette stratégie s’articule autour de cinq domaines d’action gouvernementale :

  • Valoriser la dualité linguistique auprès de tous les Canadiens;
  • Bâtir l’avenir en misant sur la jeunesse;
  • Améliorer l’accès aux services pour les CLOSM avec une attention particulière à cinq secteurs prioritaires :
    • la santé;
    • la justice;
    • l’immigration;
    • le développement économique;
    • les arts et la culture;
  • Miser sur les avantages économiques;
  • Assurer une gouvernance efficace pour mieux servir les Canadiens[10].

C. Premiers constats

Les témoignages révèlent que les représentants des CLOSM, tant francophones qu’anglophones, souhaitent un engagement ferme de la part du gouvernement fédéral en ce qui a trait à la mise en œuvre et au respect de la Loi sur les langues officielles, notamment la partie VII. Ensuite, le développement des communautés et l’appui aux organismes et institutions des CLOSM ressortent comme étant des domaines d’intervention prioritaires. Ils ont aussi revendiqué un meilleur arrimage entre leurs priorités et l’action du gouvernement fédéral.

Sur ce point, nombre d’intervenants des communautés francophones en situation minoritaire ont manifesté leur appui pour le Plan stratégique communautaire qui avait été adopté par le Forum des leaders à l’issu du Sommet des communautés francophones et acadiennes de juin 2007. Dans ce document, on énonce la vision suivante : « En 2017, les citoyens et les citoyennes des communautés francophones et acadiennes (CFA) du Canada vivent et s’épanouissent en français. Ils ont les capacités collectives d’agir dans tous les domaines de leur développement et de contribuer ainsi à l’essor du Canada[11]. » Cette vision s’actualise dans cinq chantiers ou priorités. En ce qui concerne les communautés francophones en situation minoritaire, la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA) croit que trois de ces chantiers — notre population, notre espace et notre développement — doivent être à la base d’une prochaine initiative horizontale pour les langues officielles[12]. Cela implique l'accroissement du poids démographique des communautés francophones en situation minoritaire, un continuum de services tout au long de la vie et le développement social et économique des communautés.

À l’instar des communautés francophones, les communautés d’expression anglaise du Québec possèdent un plan stratégique de développement communautaire. En mars 2012, les membres du Quebec Community Groups Network (QCGN) se sont réunis à Montréal lors du Forum des priorités stratégiques afin de préparer leur prochain plan. Au terme de cette rencontre, six priorités stratégiques ont été identifiées : l’accès aux services en anglais, le développement communautaire, la prospérité économique, l’identité et le renouvellement, le leadership et la représentation, et des institutions solides. Le QCGN souhaite que ces priorités soient reflétées dans la prochaine initiative horizontale pour les langues officielles du gouvernement du Canada.

Enfin, les représentants des CLOSM revendiquent une meilleure gouvernance de la Feuille de route et du dossier des langues officielles dans l’appareil fédéral, notamment en ce qui concerne les consultations, la reddition de compte et l’évaluation des programmes.

À l’exception de ce qui précède, d’importantes distinctions marquent les contextes juridiques et socioculturels dans lesquels évoluent les communautés francophones et anglophones en situation minoritaire. En dépit du fait que les deux communautés linguistiques soient préoccupées par la vitalité et la pérennité de leurs communautés, force est de constater qu’elles n’envisagent pas les questions linguistiques de la même manière.

Du côté francophone, l’importance est placée sur la transmission et la rétention de la langue française. Elle est le premier véhicule identitaire au Canada français. Les communautés cherchent à agrandir leurs espaces et s’en créer de nouveaux — physiques, culturels, voire même virtuels — afin qu’une vie en français puisse s’exprimer. Elles ont milité de longues années afin que leurs droits soient garantis et inscrits dans les textes de loi. Depuis la fin des années 1960, d’importants progrès ont été réalisés au palier fédéral. Le gouvernement du Canada reconnaît l’apport important des communautés francophones dans l’édification d’une société riche et prospère qui célèbre la dualité linguistique.

Les communautés francophones en situation minoritaire ont une longue et brillante histoire dans chacune des provinces et des territoires. Par le fait même, chaque communauté francophone doit composer avec son gouvernement provincial ou territorial et sa vision du bilinguisme officiel. Sur ce point, beaucoup de travail a été accompli, mais le leadership du gouvernement fédéral est toujours nécessaire, dans le contexte d’ententes bilatérales ou tripartites, pour maintenir les droits acquis des francophones et leur permettre d’accéder à des services de qualité égale dans la langue de leur choix aux paliers provincial, territorial et municipal.

D. Les défis des communautés anglophones du Québec

Du côté des communautés anglophones du Québec, le rapport à la langue est différent. Les anglophones du Québec ne craignent pas pour l’avenir de la langue anglaise au Québec. Elles privilégient la conservation et la vitalité de leurs institutions et la création d’un sentiment d’appartenance au sein des communautés. Les considérations qui suivent ont pour but de brosser un portrait des défis et des enjeux qui sont particuliers à la minorité anglophone au Québec.

1. Un accès limité à la Feuille de route

Pour les communautés anglophones du Québec, l’accès à la programmation et au financement de la Feuille de route est problématique. Six partenaires fédéraux parmi les 15 institutions participantes ont reçu du financement et ont élaboré des projets qui visent les communautés anglophones du Québec :

[…] un grand nombre des programmes évalués n'ont pas d'équivalent strict, voire pas d'équivalent du tout, au Québec. Par exemple, le programme de recrutement et d'intégration des immigrants — un programme de CIC [Citoyenneté et Immigration Canada] — de 20 millions de dollars; le projet spécial en matière de garde d'enfants de 13,5 millions de dollars; l'initiative des programmes jeunesse de 12,5 millions de dollars. La feuille de route ne prévoit aucun équivalent pour la communauté anglophone. […]

Il ne s'agit pas là de problèmes abstraits. Les Canadiens membres de la communauté anglophone du Québec n'ont pas accès à certains programmes et services prévus par la Feuille de route et ne sont pas pris en compte dans l'élaboration des politiques et des programmes, ainsi que des budgets de millions de dollars consacrés aux langues officielles par l'intermédiaire des voies normales de financement. Il faut assurer à cette communauté que la stratégie de remplacement de la feuille de route prévoira des efforts plus ciblés de la part du gouvernement fédéral et de ses partenaires pour appuyer le développement et la vitalité de notre communauté[13].

La citation ci-dessus affirme que les communautés anglo-québécoises n’ont pas bénéficié du soutien de la Feuille de route dans les domaines de la petite enfance, de l’alphabétisation, de l’immigration et de l’employabilité. Pourtant, ce sont des dossiers prioritaires au cœur même du développement et de la vitalité des communautés anglo-québécoises.

Le Quebec Community Groups Network (QCGN) croit que le problème s’articule autour de deux axes principaux. Il y a, dans un premier temps, le partage des compétences entre le gouvernement du Canada et le gouvernement du Québec. Il rend difficile la concrétisation des engagements des institutions fédérales qui découlent de la partie VII de la Loi sur les langues officielles, notamment dans des domaines comme la santé, l’éducation et l’immigration qui sont de compétence provinciale ou partagée. Dans un deuxième temps, le QCGN a fait valoir au Comité que la conceptualisation actuelle des programmes fédéraux ne reconnaît pas toujours la spécificité des communautés anglophones du Québec.

2. Les engagements de la partie VII de la Loi sur les langues officielles et le respect des compétences provinciales

L’article 41(2) de la Loi sur les langues officielles prévoit que les institutions fédérales doivent prendre des mesures positives pour promouvoir les langues officielles et favoriser l’épanouissement des CLOSM. Du même coup, l’article précise qu’« il demeure entendu que cette mise en œuvre se fait dans le respect des champs de compétence et des pouvoirs des provinces. » Selon le QCGN, cette limitation a d’importantes conséquences pour la minorité anglophone du Québec étant donné que le gouvernement provincial « ne reconnaît pas l'existence d'une communauté minoritaire anglophone[14] » :

Dans certains cas, la relation qui existe entre Ottawa et Québec prive complètement notre communauté de programmes fédéraux. Par exemple, les programmes prévus en vertu de la stratégie fédérale actuelle, la Feuille de route, en matière d'immigration, de formation de la main-d’œuvre et de développement de la petite enfance sont, au bout du compte, inaccessibles à notre communauté, bien que certains progrès limités aient été effectués récemment[15].

Il appert qu’un important travail de collaboration intergouvernementale doit être entrepris en vue de la prochaine initiative horizontale pour les langues officielles du gouvernement du Canada :

Vous devriez amorcer une discussion lors de la planification du suivi de la Feuille de route. Si vous vous intéressez à notre communauté, vous devrez discuter avec le Québec : qu'est-ce que nous ferons ensemble pour la communauté anglophone du Québec? Si cette discussion n'a pas lieu, nous allons nous retrouver, encore une fois, avec une Feuille de route qui ne donne pas accès à notre communauté aux programmes en immigration, enfance, main-d’œuvre, notamment.

Nous avons besoin de pourparlers; avant de pouvoir aider notre communauté, le gouvernement fédéral et la province doivent s'entendre de façon bilatérale[16].

Le Comité est d’avis que la collaboration intergouvernementale est un élément clé qui détermine le succès d’une initiative horizontale comme la Feuille de route. Il serait souhaitable qu’un dialogue soit entamé entre Ottawa et Québec afin que les deux gouvernements trouvent un terrain d’entente qui permettrait au gouvernement fédéral d’offrir une gamme complète de programmes aux communautés anglo-québécoises, et ce, en respectant les sphères de compétence du gouvernement provincial.

3. La conception des programmes du gouvernement fédéral

La sous-représentation des anglophones du Québec dans la Feuille de route s’explique en partie par la conception actuelle des programmes du gouvernement fédéral. Le QCGN a fait valoir au Comité que les partenaires fédéraux de la Feuille de route n'ont pas tous su mettre sur pied des programmes souples, adaptés à la réalité anglo-québécoise :

Cependant, la majorité des ministères n'ont pas su concevoir des politiques et des programmes nationaux qui sont suffisamment souples pour fonctionner au Québec et dans le reste du pays. Ainsi, un moins grand nombre d'initiatives ont été offertes à la communauté de langue anglaise.

Pour un responsable des politiques, la réalité de la communauté anglophone au Québec présente un défi de taille. Nous en sommes conscients. En fait, cette notion va pratiquement à l'encontre de tout ce qu'on sait des communautés de langue officielle minoritaire au Canada. La tradition veut que l'on fonde la structure et les croyances de la réponse en matière de langue officielle sur l'expérience francophone, et cette expérience repose sur une langue minoritaire farouchement protégée et fièrement nourrie depuis quatre siècles au Canada. Mais pour le Québec anglophone, la protection de la langue n'est pas vraiment une préoccupation. Pour la minorité de langue anglaise au Québec, l'objectif fondamental est de préserver nos institutions et les collectivités qu'elles desservent[17].

Lors de son passage au Comité, le commissaire aux langues officielles du Canada a lui aussi esquissé les grands traits de ce problème de nature conceptuelle :

Dans certains cas, les initiatives de la Feuille de route ont été lancées pour répondre à la réalité particulière des communautés francophones. Le gouvernement et les ministères ont ensuite cherché à les adapter tant bien que mal pour répondre aux besoins des communautés anglophones du Québec qui ne s’y reconnaissent pas forcément[18].

Les institutions fédérales doivent être en mesure d’adapter leurs initiatives à la réalité anglo-québécoise dans toute sa complexité : « Souvent, ce qui est difficile au Québec, c'est d'y appliquer une idée pancanadienne. C'est à cause des champs de compétence. Alors, on demande à la Feuille de route comment une initiative pour la communauté pourrait se traduire sur le terrain[19]. »

4. Quelques pistes de solutions

Le QCGN espère que les communautés d’expression anglaise du Québec seront représentées de manière équitable dans la prochaine initiative horizontale pour les langues officielles du gouvernement du Canada :

Bref, même si nous nous sentons dans une large mesure absents de cette Feuille de route, évidemment nous croyons qu'il est toujours possible pour les Québécois de langue anglaise d'être pris en compte de façon équitable à l'échelle nationale et de recevoir des ressources équitables lors de l'élaboration de la prochaine feuille de route. Je crois comprendre qu'on est déjà à l'étape de la planification[20].

L’objectif n’est pas d’atteindre une symétrie parfaite. Les communautés francophones et anglophones en situation minoritaire ont des besoins différents. Ce principe a été réaffirmé lors du Forum des priorités stratégiques de mars 2012 du QCGN. Cependant, les représentants des communautés anglophones du Québec cherchent un appui équitable de la part du gouvernement fédéral pour favoriser la croissance des institutions de la minorité anglo-québécoise et, par conséquent, stimuler le développement des communautés. Le QCGN compte sur trois éléments principaux pour améliorer l’accès des communautés anglo-québécoises à la programmation et aux investissements d’une prochaine initiative pour les langues officielles : la consultation, la recherche, et le développement d’une pensée novatrice.

Une meilleure compréhension des besoins de la communauté anglophone du Québec passe nécessairement par des consultations. Elles permettent aux communautés de faire connaître leurs besoins. Le commissaire aux langues officielles du Canada explique l’importance de collaborer avec les communautés anglo-québécoises au moment de la conception des programmes fédéraux et de favoriser un dialogue continu tout au long de leur mise en œuvre :

Il faut que l'initiative corresponde dès le départ à la réalité propre de chaque communauté et réponde à des besoins réels. Ensuite, il faut établir un dialogue soutenu durant la mise en œuvre de l'initiative et, si nécessaire, l'adapter au contexte de ces communautés[21].

Sur le plan de la recherche, le QCGN souhaite que les organismes et les institutions des communautés anglophones du Québec obtiennent l’appui nécessaire pour leur permettre d’effectuer des recherches professionnelles et obtenir des données probantes pouvant guider les communautés et les gouvernements dans leur planification et leur prise de décisions :

La communauté anglophone du Québec ne peut pas continuer à se fier uniquement à un demi-siècle de recherche et de création de capacité, tel qu'offert à la minorité de langue française du Canada. Des politiques factuelles, par définition, reposent sur des faits. Afin d'assurer notre vitalité, les minorités de langue anglaise doivent obtenir plus de ressources pour effectuer de la recherche[22].

Le Réseau de recherche sur les communautés québécoises d'expression anglaise à l'Université Concordia tente de répondre à ce besoin.

La mise en œuvre de la partie VII de la Loi sur les langues officielles exige une pensée novatrice et une volonté ferme de la part des institutions fédérales.

Mais, pour que la Feuille de route s'avère réellement positive pour notre communauté, les investissements au Québec exigeront un taux d'engagement élevé de la part des politiciens et des créateurs de politiques et de programmes — de véritables champions, en réalité —, car les décideurs devront faire preuve d'innovation et se montrer convaincants[23].

Les défis structurels des programmes gouvernementaux, comme la Feuille de route, peuvent être atténués grâce à une façon novatrice de penser et à des efforts soutenus. Par exemple, l'immigration fait l'objet d'un accord Canada-Québec auquel la [F]euille de route actuelle est assujettie[24].

Pour y arriver, le QCGN a proposé au ministère du Patrimoine canadien la création d’une méthodologie d'évaluation globale qui assurerait que tous les ministères tiennent compte des priorités des communautés d'expression anglaise du Québec[25] dans l’élaboration et l’exécution de leurs programmes. Cela exige un engagement, une solide compréhension des communautés anglophones du Québec ainsi qu’une pensée novatrice.

E. Pour une prochaine initiative horizontale pour les langues officielles du gouvernement du Canada

Sans exception, tous les témoins ont plaidé en faveur du renouvellement de la Feuille de route pour la dualité linguistique ou la mise en place d’une nouvelle initiative horizontale pour les langues officielles. À cet égard, le commissaire aux langues officielles du Canada, Graham Fraser, a confirmé l’importance d’élaborer un nouveau plan quinquennal pour maintenir les acquis en matière de promotion de la dualité linguistique et d’appui aux CLOSM :

Je le dis et je le répète : j’encourage fortement le gouvernement à renouveler et à mettre en œuvre un nouveau plan quinquennal. Nous devons en effet protéger nos acquis et les initiatives déjà lancées dans le cadre de la Feuille de route de 2008-2013[26].

Relativement à la conservation des acquis, la Société Saint-Thomas-d’Aquin (SSTA), l’organisme qui représente les Acadiens et les Francophones de l’Île-du-Prince-Édouard, a témoigné des impacts positifs de la Feuille de route sur le développement communautaire et la nécessité de poursuivre le travail dans une prochaine initiative :

La Feuille de route, jusqu'à présent, a permis de nous structurer, et aujourd'hui, elle nous permet de nous développer. Demain, elle nous permettra de vivre en français. L'idée d'une Feuille de route comme celle présentement en place est absolument primordiale pour assurer le rayonnement de la dualité linguistique. Nous ne pourrions réitérer assez l'importance que la Feuille de route soit renouvelée en 2013 par le gouvernement fédéral[27].

Malgré la conjoncture économique difficile dans laquelle le Canada est plongé, il est évident, à la lumière des témoignages reçus par le Comité, que le financement complémentaire que procure la Feuille de route doit être reconduit. Le commissaire aux langues officielles du Canada a commenté les effets négatifs que pourrait avoir une diminution des investissements sur le développement des CLOSM : « Certaines communautés de langue officielle sont si fragiles que des réductions majeures dans certains programmes pourraient sérieusement compromettre leur vitalité[28]. »

Le commissaire a également rappelé au gouvernement du Canada l’importance de renouveler la Feuille de route dans l’optique du respect de la Loi sur les langues officielles, notamment la partie VII. À ce propos, plusieurs institutions fédérales souhaitent que la Feuille de route soit renouvelée afin qu’elles puissent poursuivre le travail qui a été entrepris depuis les 10 dernières années. Les représentants du ministère de la Justice ont expliqué au Comité que les investissements initiaux du Plan d’action 2003-2008, suivi des investissements de la Feuille de route, leur ont permis de construire une capacité en matière de langues officielles. Pour que ces efforts soient mis à profit et qu’ils aient un effet durable, ils sont d’avis que l’investissement doit être soutenu :

On y travaille depuis 10 ans. Il a fallu mettre sur pied nos capacités et amener d'autres intervenants à travailler avec nous. Nous sommes particulièrement heureux de nos réalisations financées par les sommes provenant de la Feuille de route. On pense aussi que pour que ces investissements soient durables, il faudrait aller un peu plus loin. Pour l'instant, nos résultats ou nos partenariats nous permettent de dire que les gestes posés par notre ministère ont quand même permis d'améliorer les choses[29].

Le Conseil national de recherches du Canada (CNRC) a aussi fait valoir au Comité l’ampleur des travaux qui ont été accomplis depuis les 10 dernières années dans le dossier du développement des technologies et de l’industrie langagière au Canada :

[…] nous avons constitué une équipe de calibre mondial au cours des 10 dernières années... Le rôle du CNRC dans le programme peut être différent des autres programmes, parce que nous sommes un organisme de recherche et de technologie. Je ne répéterai jamais assez combien de temps il faut pour constituer une équipe comme la nôtre. Nous sommes très fiers de ce que nous avons accompli au cours des 10 dernières années. Nous n’avions littéralement rien au début et en l’espace de 10 ans nous avons construit une équipe qui a été en mesure de concevoir de véritables technologies de calibre mondial ou, dans certains cas, les meilleures technologies au monde[30].

Le Comité reconnaît que la Feuille de route a servi de levier pour aider les institutions fédérales à respecter leurs engagements en vertu de la partie VII de la Loi sur les langues officielles. Il est aussi d’avis qu’il serait mal avisé de retirer l’appui ou de le réduire de manière draconienne alors que tant d’efforts ont été faits depuis les 10 dernières années pour contribuer à l’épanouissement des CLOSM et au rayonnement de la dualité linguistique. À cet égard, le commissaire aux langues officielles du Canada a rappelé que, par le passé, des réductions disproportionnées aux programmes des langues officielles avaient eu un impact sur la vitalité des CLOSM et que le gouvernement avait dû réinvestir massivement dans le domaine des langues officielles pour redresser le cap. Pour faire fructifier les investissements du passé, les langues officielles doivent demeurer un domaine d’investissement prioritaire pour le gouvernement fédéral.

Par conséquent, le comité recommande :

Recommandation 1

Que le gouvernement du Canada mette en place une initiative horizontale pour les langues officielles qui fera suite à la Feuille de route lorsque celle-ci arrivera à échéance le 31 mars 2013 et qu’elle soit assortie de ressources financières équivalentes à celles de la Feuille de route 2008-2013.

F. La Feuille de route : une stratégie complémentaire

Le Comité reconnaît que la Feuille de route est une bonification, voire un complément aux programmes réguliers des institutions fédérales pour la promotion des langues officielles et le développement des CLOSM. Elle est un sous-ensemble des investissements de l’appareil fédéral en matière de langues officielles :

En vérité, l'investissement du gouvernement fédéral en matière de langues officielles est plus large que la Feuille de route. Tous les ministères sont assujettis à la Loi sur les langues officielles. […] Je pense notamment aux mesures actives en matière de promotion de l'anglais et du français et de la vitalité des communautés de langue officielle en situation minoritaire.

La Feuille de route présente donc, si l'on veut, un noyau dur d'activités gouvernementales particulièrement pertinentes qui ont été assemblées de façon à formuler un tout cohérent. Cela ne représente cependant pas la totalité des investissements du gouvernement fédéral en matière de langues officielles[31].

Malgré cette affirmation du ministère du Patrimoine canadien, les CLOSM ont des préoccupations qu’elles ont partagées avec le Comité. Selon la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA), la Feuille de route aurait provoqué chez certaines institutions fédérales un désengagement de leurs responsabilités envers les CLOSM. La FCFA croit que cela découle d’un problème de gouvernance :

Cette faiblesse sur le plan de la coordination a mis en évidence un effet pervers de la Feuille de route. Largement laissées à elles-mêmes, certaines institutions fédérales qui reçoivent des fonds ont cessé d'investir leurs propres ressources dans l'appui aux communautés de langue officielle. Ce n'était certainement pas l'effet recherché par le gouvernement[32].

Il est important que la prochaine initiative horizontale pour les langues officielles du gouvernement du Canada demeure une bonification :

Pour nous, l'objectif de la Feuille de route est une bonification des programmes déjà existants et, en ce sens, cela doit rester une bonification et non pas un transfert de fonds dans une autre enveloppe. Il faut vraiment que cela soit des fonds additionnels[33].

Par conséquent, le Comité recommande :

Recommandation 2

Que le gouvernement du Canada et le ministère du Patrimoine canadien s’engagent à ce que les institutions fédérales comprennent leurs obligations et leurs responsabilités en vertu de la partie VII de la Loi sur les langues officielles ainsi que la nature et la raison d’être d’une prochaine initiative horizontale pour les langues officielles du gouvernement du Canada qui doit être une bonification aux programmes existants.



[1]              Consultez la liste de témoins en annexe.

[2]              Gouvernement du Canada, Le prochain acte : un nouvel élan pour la dualité linguistique canadienne.
Le plan d’action pour les langues officielles, 2003.

[3]              Gouvernement du Canada, Feuille de route pour la dualité linguistique canadienne 2008-2013: agir pour l’avenir, 2008, p. 6.

[4]              Loi sur les langues officielles (L.R.C. (1985), ch. 31 (4e suppl.)).

[5]              L’honorable Josée Verner, « Notes pour une allocution prononcée par l’honorable Josée Verner, ministre de la Coopération internationale et ministre de la Francophonie et des Langues officielles à l’occasion de l’ouverture du Sommet des communautés francophones et acadiennes », 1er juin 2007.

[6]              Ibid.

[7]              Gouvernement du Canada, discours du Trône ouvrant la 2e session de la 39e législature du Canada, 16 octobre 2007.

[8]              Bernard Lord, Rapport sur les consultations du gouvernement du Canada sur la dualité linguistique et les langues officielles, février 2008, p. 8.

[9]              Gouvernement du Canada, Feuille de route pour la dualité linguistique canadienne 2008-2013 : agir pour l’avenir, 2008, p. 7.

[10]           Ibid., p. 6.

[11]           Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, Plan stratégique communautaire issu du sommet des communautés francophones et acadiennes. Forum des leaders, juin 2008, p. 1.

[12]           Chambre des communes, Comité permanent des langues officielles (LANG), Témoignages, 1re session, 41e législature, 1er mai 2012, 0920 [Marie-France Kenny, présidente, Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada].

[13]           LANG, Témoignages, 1re session, 41e législature, 27 octobre 2011, 0855 [Sylvia Martin-Laforge, directrice générale, Quebec Community Groups Network].

[14]           Ibid., 0850.

[15]           Ibid., 0855.

[16]           Ibid., 0950 [Stephen Thompson, directeur de la politique stratégique, de la recherche et des affaires publiques, Quebec Community Groups Network].

[17]           LANG, Témoignages, 3e session, 40e législature, 22 avril 2010, 0900 [Robert Donnelly, président, Quebec Community Groups Network].

[18]           LANG, Témoignages, 1re session, 41e législature, 15 mars 2012, 0845 [Graham Fraser, commissaire, Commissariat aux langues officielles du Canada].

[19]           LANG, Témoignages, 1re session, 41e législature, 27 octobre 2011, 1010 [Sylvia Martin-Laforge, directrice générale, Quebec Community Groups Network].

[20]           LANG, Témoignages, 3e session, 40e législature, 22 avril 2010, 0905 [Robert Donnelly, président, Quebec Community Groups Network].

[21]           LANG, Témoignages, 1re session, 41e législature, 15 mars 2012, 0845 [Graham Fraser, commissaire, Commissariat aux langues officielles du Canada].

[22]           LANG, Témoignages, 3e session, 40e législature, 22 avril 2010, 0900 [Robert Donnelly, président, Quebec Community Groups Network].

[23]           Sénat, Comité permanent des langues officielles, Délibérations, 2e session, 40e législature, Fascicule no 3, 23 mars 2009, p. 3:30 [Robert Donnelly, président, Quebec Community Groups Network]

[24]           LANG, Témoignages, 3e session, 40e législature, 22 avril 2010, 0900 [Robert Donnelly, président, Quebec Community Groups Network].

[25]           Ibid.

[26]           LANG, Témoignages, 1re session, 41e législature, 15 mars 2012, 0845 [Graham Fraser, commissaire, Commissariat aux langues officielles du Canada].

[27]           LANG, Témoignages, 1re session, 41e législature, 8 décembre 2011, 0850 [Gabriel Arsenault, président, Société Saint-Thomas-d’Aquin].

[28]           LANG, Témoignages, 1re session, 41e législature, 15 mars 2012, 0850 [Graham Fraser, commissaire, Commissariat aux langues officielles du Canada].

[29]           LANG, Témoignages, 1re session, 41e législature, 28 février 2012, 0945 [Andrée Duchesne, avocate-conseil et gestionnaire, Francophonie, Justice en langues officielles et Dualisme juridique, ministère de la Justice].

[30]           LANG, Témoignages, 1re session, 41e législature, 8 mars 2012, 0945 [Danial Wayner, vice-président, Recherche aux frontières de la science, Conseil national de recherches du Canada].

[31]           LANG, Témoignages, 1re session, 41e législature, 18 octobre 2011, 0920 [Jean-Pierre Gauthier, directeur principal, Secrétariat des langues officielles, ministère du Patrimoine canadien].

[32]           LANG, Témoignages, 1re session, 41e législature, 24 novembre 2011, 0850 [Marie-France Kenny, présidente, Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada].

[33]           LANG, Témoignages, 1re session, 41e législature, 17 novembre 2011, 1010 [Alexis Couture, président, Fédération de la jeunesse canadienne-française].