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LANG Rapport du Comité

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L. La recherche sur les communautés de langue officielle en situation minoritaire

1. Financer la recherche pour assurer une meilleure gestion

Dans son rapport de mi-parcours de la Feuille de route, le gouvernement du Canada a réitéré son engagement à investir dans les langues officielles de manière efficiente :

Alors que le gouvernement doit faire face à une période économique difficile, au cours de la dernière année de la Feuille de route, des efforts seront déployés pour maximiser l’utilisation des investissements publics dans l’espoir d’obtenir les meilleurs résultats possible pour les Canadiens[295].

Pour atteindre cet objectif, le gouvernement du Canada doit reconnaître que les investissements dans la recherche sur les CLOSM sont un gage de succès. Les données probantes qui résultent de recherches professionnelles sont essentielles à la conception et à la mise en œuvre de projets structurants qui font un usage maximal des ressources et qui correspondent aux besoins et aspirations des CLOSM. Sans recherche, le succès des programmes est compromis :

En n’ayant pas de données probantes, nous sommes obligés de nous rendre sur le terrain pour essayer d’identifier les besoins à l’aveuglette.

Sans recherche, nous devons — je dirais — donner beaucoup de coups d’épée dans l’eau avant de trouver un modèle qui fonctionne[296].

2. Les capacités de recherche des CLOSM

Aux dires du BCRC, les capacités des organismes, des institutions et des réseaux des CLOSM à faire de la recherche sont inhibées par un manque de financement :

[…] la Feuille de route doit reconnaître la valeur de la recherche effectuée dans les communautés. […] Nous pouvons faire nos propres recherches, mais nous avons besoin de ressources. L'un des principaux obstacles est que la recherche n'est pas financée. Il est très difficile, en particulier lorsque les communautés sont isolées et mal connues, de trouver de l'information autre que de l'information anecdotique, pour parvenir à régler réellement les problèmes existant sur le terrain[297].

La Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick est aux prises avec le même problème :

Le seul problème est que depuis 2001, soit depuis 10 ans, les fonds de base de la Société de l'Acadie du Nouveau-Brunswick sont les mêmes. Qui plus est, si on considère l'inflation qui a une moyenne de 2,2 p. 100, on se retrouve avec à peu près 30 p. 100 moins de revenus. Ainsi, notre organisme n'a même pas d'agent de recherche ni d'agent de communication. […] Toutefois, il n'est pas normal qu'un organisme comme le nôtre n'ait pas d'agent de communication ni d'agent de recherche[298].

Il s’agit d’une situation paradoxale. Les capacités de recherche des organismes, institutions et réseaux des CLOSM sont diminuées, mais en revanche les bailleurs de fonds exigent que les demandes de financement présentées par les CLOSM soient appuyées par des données probantes et des statistiques :

[…] quand nous soumettons des demandes de financement, on nous demande des statistiques. […] Ainsi, il devient plus difficile d'appuyer nos demandes au moyen de statistiques[299].

Force est de constater que l’appui à la recherche dans les CLOSM a diminué considérablement au cours de dernières années :

Or, les IRSC [Instituts de recherche en santé du Canada] viennent d’abandonner leur programme pour les CLOSM. Le CRSH [Conseil de recherches en sciences humaines du Canada] avait aussi un programme similaire, qu’ils ont également abandonné il y a quelques années. […] Ces programmes étaient une façon de lever en partie les obstacles qui se dressent devant les chercheurs en milieu minoritaire[300].

Ces décisions ont été prises en dépit des recommandations que le commissaire aux langues officielles du Canada avait formulées dans une étude intitulée : Le rôle des organismes fédéraux de financement de la recherche du Canada dans la promotion des langues officielles (2008)[301]. Il avait recommandé au gouvernement fédéral de financer les institutions postsecondaires de la minorité dans le but de soutenir la recherche sur des questions liées aux langues officielles et favoriser la dissémination des résultats probants découlant de ces recherches.

L’Institut canadien de recherche sur les minorités et l’Institut des langues officielles et du bilinguisme (ILOB) de l’Université d’Ottawa croient que le gouvernement a un rôle à jouer dans la promotion et le soutien de la recherche professionnelle dans le domaine des langues officielles et des CLOSM :

Quand un programme cible les communautés en situation minoritaire, les agences envoient le message qu'il est légitime de faire de la recherche sur les communautés. On n'a pas à convaincre. On tient pour acquis que les gens qui nous évaluent ont compris qu'il était important de faire de la recherche. Ils évaluent adéquatement les projets qui sont soumis. C'est réellement une façon de réduire les obstacles qui ont été relevés par l'étude du Commissariat aux langues officielles sur la recherche. C'est une façon de réduire les obstacles auxquels sont confrontés les chercheurs en milieu minoritaire[302].

Le domaine de recherche en langues officielles au Canada a besoin de créer une relève et intéresser les jeunes chercheurs à ce secteur. L'Université d'Ottawa envisage d’offrir un programme d'été de formation en recherche dirigé par une équipe d'éminents chercheurs canadiens. Un tel programme pourrait s'inscrire dans les priorités de formation et de recherche du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada[303].

Le Comité croit qu’il est important d’avoir des programmes qui ciblent la recherche sur les CLOSM[304]. D’ailleurs, il se réjouit d’apprendre que l’École de formation continue de l’Université Concordia, l’Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques et le ministère du Patrimoine canadien ont collaboré pour mettre sur pied le Réseau de recherche sur les communautés québécoises d’expression anglaise (RRCQEA).

L’Institut de recherche sur les minorités linguistiques, à l’instar du commissaire aux langues officielles du Canada, croit que les institutions fédérales doivent soutenir les efforts de recherche sur les langues officielles et les CLOSM. Elles doivent aussi prendre conscience du fait que le financement pluriannuel est particulièrement important dans le domaine de la recherche universitaire. Comme l’ont expliqué les représentants du RRCQEA, il est normal qu’un projet de recherche universitaire soit d’une durée de cinq ans. Or, le financement ponctuel ne permet pas aux chercheurs de s’engager dans de tels projets. De plus, il leur est difficile de planifier des projets à long terme[305].

Les institutions fédérales peuvent aussi faciliter la coordination de la recherche entre les milieux académiques, communautaires et gouvernementaux : « […] cette question a été discutée lors du Symposium organisé par le gouvernement fédéral sur la recherche portant sur les langues officielles qui s’est tenu en 2008[306]. » Le RRCQEA croit qu’une relation plus structurée avec le gouvernement fédéral, notamment au plan de la coordination de la recherche avec le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, serait bénéfique[307].

La recherche est parmi un des éléments clés qui permettent une saine gestion du financement qui est accordé aux programmes de langues officielles ainsi qu’aux organismes, institutions et réseaux des CLOSM. En tant que pays qui respecte les droits des minorités linguistiques, le Canada se doit de contribuer au corpus d’études portant sur les deux communautés linguistiques et sur la dualité linguistique canadienne et de les partager avec le monde.

À la lumière de ce qui précède, le Comité recommande :

Recommandation 31

Que, dans le cadre d’une prochaine initiative horizontale pour les langues officielles, le gouvernement du Canada appuie financièrement la recherche sur les questions reliées aux langues officielles. Cet appui doit s’articuler autour de trois volets : le financement de la recherche et la diffusion des travaux; le renforcement des capacités de recherches des organismes et institutions des communautés de langue officielle en situation minoritaire et la coordination des trois pôles de recherche en matière de langues officielles — les milieux académiques, communautaires et gouvernementaux.

3. Statistique Canada : un partenaire dans la prochaine initiative horizontale pour les langues officielles du gouvernement du Canada?

Statistique Canada n’est pas un partenaire officiel de la Feuille de route 2008-2013. Néanmoins, tout au long de la mise en œuvre de la Feuille de route, les institutions fédérales participantes et les communautés ont à fait appel à Statistique Canada afin d’obtenir des données et des produits leur permettant de mieux comprendre les tendances qui transforment le paysage linguistique canadien et, par conséquent, de mettre en œuvre des initiatives gagnantes :

Depuis le début de la Feuille de route, Statistique Canada a pris des moyens novateurs pour répondre aux besoins des Canadiens en matière de statistiques linguistiques. Plusieurs de nos partenaires nous ont en effet exprimé des besoins d’information sur des sujets aussi divers que l’accès aux soins de santé dans leur langue, l’immigration en milieu minoritaire, les programmes scolaires d’immersion française, la littératie et les compétences des adultes ou le développement économique[308].

Tous les partenaires de la Feuille de route ont bénéficié de la grande expertise qui se trouve à Statistique Canada. Par conséquent, le Comité recommande :

Recommandation 32

Que le gouvernement du Canada invite Statistique Canada à déployer des moyens novateurs pour répondre aux besoins en matière de statistiques linguistiques et à soutenir la recherche statistique sur les communautés de langue officielle en situation minoritaire.

4. Pour une nouvelle Enquête sur la vitalité des minorités de langue officielle (données du recensement 2011)

En 2006, dans le cadre du Plan d’action pour les langues officielles 2003-2008, Statistique Canada a produit l’Enquête sur la vitalité des minorités de langue officielle grâce à la collaboration et la contribution de 10 ministères et agences fédéraux. Cette enquête a permis, entre autres de produire 11 portraits thématiques.

Les données du recensement 2011 seront rendues publiques en octobre 2012. Il serait important qu’une seconde enquête sur la vitalité des minorités de langue officielle soit produite par Statistique Canada afin de procéder à des analyses comparatives qui permettraient de mesurer les progrès accomplis dans le domaine des langues officielles ainsi que l’évolution des CLOSM au cours des 10 dernières années, c’est-à-dire la période de mise en œuvre du Plan d’action pour les langues officielles 2003-2008 et de la Feuille de route 2008-2013. Par conséquent, le Comité recommande :

Recommandation 33

Que le gouvernement du Canada finance une enquête menée par Statistique Canada sur la vitalité des minorités de langue officielle en situation minoritaire et l’évolution des langues officielles au Canada, notamment à partir des données du Recensement de 2011.



[295]            Gouvernement du Canada, Feuille de route pour la dualité linguistique canadienne 2008-2013 : agir pour l’avenir, Rapport de mi-parcours, 5 avril 2012, p.19.

[296]            LANG, Témoignages, 1re session, 41e législature, 6 décembre 2011, 0920 [Dorothy Williams, directrice des programmes, Black Community Resource Centre].

[297]            Ibid,

[298]            LANG, Témoignages, 1re session, 41e législature, 29 novembre 2011, 0905 [Jean-Marie Nadeau, président, Société de l'Acadie du Nouveau-Brunswick].

[299]            LANG, Témoignages, 1re session, 41e législature, 6 décembre 2011, 0925 [Louise-Hélène Villeneuve, présidente, Alliance des femmes de la francophonie canadienne].

[300]            Éric Forgues, « Évaluation de la feuille de route : amélioration des programmes et de la prestation des services ». Comparution au Comité permanent des langues officielles 24 avril 2012, Mémoire, Institut de recherche sur les minorités linguistiques, avril 2012, p. 7.

[301]            Commissariat aux langues officielles du Canada, Le rôle des organismes fédéraux de financement de la recherche du Canada dans la promotion des langues officielles, 2008.

[302]            LANG, Témoignages, 1re session, 41e législature, 24 avril 2012, 1000 [Éric Forgues, chercheur, Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques].

[303]            LANG, Témoignages, 1re session, 41e législature, 1er mai 2012, 0915 [Richard Clément, directeur et doyen associé, Institut des langues officielles et du bilinguisme, Université d'Ottawa].

[304]            Éric Forgues, « Évaluation de la feuille de route : amélioration des programmes et de la prestation des services ». Comparution au Comité permanent des langues officielles 24 avril 2012, Mémoire, Institut de recherche sur les minorités linguistiques, avril 2012, p. 7.

[305]            LANG, Témoignages, 1re session, 41e législature, 26 avril 2012, 1000 [Lorraine O'Donnell, coordonnatrice-chercheuse, Réseau de recherche sur les communautés québécoises d'expression anglaise, Université Concordia].

[306]            Éric Forgues, « Évaluation de la feuille de route : amélioration des programmes et de la prestation des services ». Comparution au Comité permanent des langues officielles 24 avril 2012, Mémoire, Institut de recherche sur les minorités linguistiques, avril 2012, p. 8.

[307]            LANG, Témoignages, 1re session, 41e législature, 26 avril 2012, 0850 [Lorraine O'Donnell, coordonnatrice-chercheuse, Réseau de recherche sur les communautés québécoises d'expression anglaise, Université Concordia].

[308]            LANG, Témoignages, 1re session, 41e législature, 28 février 2012, 0915 [Jean-Pierre Corbeil, spécialiste en chef, Section des statistiques linguistiques, Statistique Canada].