La Chambre reprend l'étude, interrompue le 4 novembre 2011, de la motion portant que le projet de loi , soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
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Monsieur le Président, je suis heureux d'avoir l'occasion d'intervenir dans le débat sur le projet de loi à l'étape de la deuxième lecture. Cette mesure législative porte sur la justice militaire. Elle propose des modifications à la Loi sur la défense nationale afin de renforcer la justice militaire.
J'aimerais commencer par des observations générales à propos de la notion de justice militaire dans le droit canadien. Comme le savent certains députés, jusqu'en octobre dernier, j'étais porte-parole en matière de défense. Durant la précédente législature, nous avons été saisis du projet de loi , qui proposait certaines modifications au système canadien de justice militaire.
Il est important qu'on se penche de près sur la structure de la justice militaire dans son ensemble, car elle comporte un certain nombre de problèmes qu'il faut résoudre. La justice militaire doit s'inscrire dans le système de justice canadien dans son ensemble. Nous devons veiller à ce que les lois concernant la justice militaire soient conformes à celles de notre système de justice en général, du moins en ce qui a trait aux principes fondamentaux du droit.
Il faut comprendre qu'il existe des différences entre le droit militaire et le reste du système juridique, et ce, pour de bonnes raisons. Le système de justice militaire reconnaît le lien entre le système de justice et la discipline au sein des forces armées.
La discipline a une grande importance dans l'armée. Je vous cite un expert du droit militaire, le colonel à la retraite Michel Drapeau, qui est avocat dans un cabinet privé et qui possède une expérience militaire considérable. Il est l'auteur du seul ouvrage canadien d'importance en matière de droit militaire, un volume annoté traitant de la dimension militaire de la Loi sur la défense nationale. C'est une source passablement utile d'information. Voici ce qu'écrit M. Drapeau sur l'importance de la discipline dans le droit militaire:
Peu de professions dépendent autant de la discipline que celle de soldat. La discipline est essentielle à l'efficacité, à la cohésion et à l'esprit-de-corps des militaires, et permet aux commandants de contrôler le recours à la violence afin de s'assurer que l'on exerce la bonne quantité et le bon type de force dans les circonstances appropriées, ainsi qu'au moment et à l'endroit qui conviennent. Sur le plan personnel, la discipline permet de faire en sorte que, lorsque le danger et les risques sont très élevés, le soldat puisse exécuter les ordres même si son instinct de survie et sa peur lui dictent d'agir autrement. De plus, la discipline personnelle et de groupe assure le respect des lois, des normes, des coutumes et des valeurs de la société civile, même en situation de combat.
Il écrit encore ceci: « La discipline est donc non seulement essentielle au maintien de l'efficacité des forces armées, mais aussi au respect de la primauté du droit au sein de ces dernières, surtout en situation de grand danger au combat. »
L'existence du système de justice militaire nous apparaît importante pour deux raisons. Il ne s'agit pas simplement de sévir rapidement contre une personne qui viole la loi ou les règles de discipline, mais également de permettre le recours à des règles de procédure différente dans le contexte militaire. En outre, il est extrêmement important que l'on adhère toujours au principe de la primauté du droit lorsqu'on est en situation de combat.
Notre pays souhaite certainement que ses militaires soient capables d'utiliser leur force dans le respect de la loi, quels que soient les circonstances et les grands périls auxquels ils s'exposent. Donc, le système de justice militaire n'existe pas seulement pour punir les fautifs, mais également en tant qu'élément central du commandement, de la discipline et du maintien du moral des troupes.
Notre service militaire est volontaire, et si le système de justice militaire n'est pas considéré comme étant équitable et juste, nous nous retrouverons non seulement avec un problème de justice, mais aussi avec un problème sur le plan des opérations et du recrutement. Les gens qui se portent volontaires pour le service militaire doivent savoir qu'ils ont droit à un traitement équitable. Par conséquent, nous devons aussi faire ressortir les aspects qui touchent tant la justice que le service militaire. Il faut que nos militaires aient un excellent moral; c'est ce que nous souhaitons et c'est ce à quoi nous nous attendons. Nous exigeons également qu'ils fassent preuve de loyauté, mais cela est réciproque, et le système doit donc être perçu comme étant équitable.
Lorsque le projet de loi était à l'étude à la Chambre, nous l'avons renvoyé au Comité de la défense, où notre parti a tenté de faire deux choses. Premièrement, nous avons tenté de faire en sorte que les procédures inhérentes au système de justice militaire soient efficaces, autant que faire se peut et en conformité avec la nécessité de régler rapidement les questions disciplinaires dans certains cas. De plus, nous avons aussi cherché à faire respecter autant que possible les protections prévues dans la Charte des droits et libertés. En d'autres mots, nous ne voulions pas qu'un système de justice militaire efficace l'emporte sur les principes fondamentaux de la justice simplement parce que les personnes en cause sont des militaires.
Par conséquent, nous avons proposé des amendements au projet de loi afin que les dispositions relatives aux procès sommaires soient conformes autant que possible à la législation qui s'applique actuellement aux civils. Nous avons souligné que, dans les cas où cela n'était pas possible, nous aurions recours à cette procédure. Ainsi, on pourrait imposer des peines d'incarcération d'une durée maximale de 30 jours ou de fortes amendes. De plus, en vertu de notre système actuel, ces mesures pourraient donner lieu au dépôt d'accusations au criminel, même sans les protections prévues par la Charte, sans que l'accusé ait droit à un avocat, qui peut lui assurer une défense pleine et entière, ou puisse être jugé par un tribunal impartial. Il ne faut pas considérer qu'il s'agit d'infractions criminelles qui feraient en sorte qu'à la suite de son service militaire, une personne serait tenue de présenter une demande de réhabilitation à la commission des libérations conditionnelles. Or, cette possibilité n'existe plus, puisque les députés d'en face ont décidé qu'il ne serait plus possible d'obtenir la réhabilitation auprès de la commission des libérations conditionnelles. Voilà une raison de plus de veiller à ce que nous agissions comme il se doit.
Nous avons pris certaines initiatives. Nous avons présenté une série d'amendements au comité, qui les a approuvés en partie. D'ailleurs, certains de ceux qui ont été approuvés avaient même été proposés par le juge-avocat général et ses conseillers. Le projet de loi n'a pas été adopté: il est mort au Feuilleton lorsque les élections ont été déclenchées l'an dernier. Nous avions franchi les étapes de la première et de la deuxième lectures, du comité et de la troisième lecture, mais il n'a pas été adopté dans les derniers jours de la dernière législature.
C'est donc reparti avec une nouvelle mesure, le projet de loi . Toutefois, certains des amendements qui avaient été approuvés par le comité et qui auraient remédié à quelques-uns des problèmes n'y figurent pas. Ils ont disparu: pouf. Pour diverses dispositions que contenait à l'origine le projet de loi C-41, c'est un retour à la case départ. Elles avaient pourtant été rectifiées et améliorées, et certaines avaient même été proposées par le juge-avocat général en tant que compromis pour corriger le système de façon acceptable en retirant certains délits de la liste de ceux qui ne donneraient pas lieu à un dossier criminel et même en en rajoutant. Pourtant, ces délits sont de retour.
J'ignore pourquoi on fait ça. Le gouvernement a-t-il le moindre respect pour le Parlement? Les conservateurs considèrent-ils qu'ils peuvent faire comme bon leur semble maintenant qu'ils détiennent la majorité? Peu importe ce qu'ils ont fait ou accepté la dernière fois, peu importe les compromis, peu importe les propositions issues du bureau du juge-avocat général, ils reviennent à la case départ et refusent d'en tenir compte.
Ces questions sont importantes, car il ne s'agit pas de simples modifications apportées à la loi. En fait, il est question des droits fondamentaux des gens, ceux-là mêmes qui sont prévus dans la Charte des droits et libertés. L'article 11 de la Charte précise, sans équivoque, que tout inculpé a le droit d'être présumé innocent tant qu'il n'est pas déclaré coupable, conformément à la loi, par un tribunal indépendant et impartial à l'issue d'un procès public et équitable. Par contre, lorsque le commandant connaît les personnes impliquées, les témoins et tous les participants, qu'il a le dossier entre les mains et qu'il n'en révèle pas le contenu à l'accusé, il ne s'agit pas alors d'un tribunal équitable et impartial.
Je ne dis pas que c'est inacceptable dans le cadre d'un régime disciplinaire administratif, mais il ne faut pas aller jusqu'à dire que l'inculpé aura un casier judiciaire et qu'il devra plus tard en demander la suspension à la Commission des libérations conditionnelles, moyennant des frais de 600 $. C'est une question sérieuse.
Certains feront valoir que la Charte des droits et libertés ne devrait pas s'appliquer aux militaires. Lors de la rédaction de la Charte et de son adoption en 1983 comme partie intégrante de la Constitution, les rédacteurs se sont demandé si elle devait s'appliquer au système de justice militaire. On y a réfléchi, car le texte comprend un article, par exemple, qui porte sur le droit de bénéficier d'un procès avec jury et sur les circonstances qui y sont associées. Pour ceux que cela intéresse, l'alinéa 11 f) de la Charte dispose que l'inculpé a droit:
sauf s'il s'agit d'une infraction relevant de la justice militaire, de bénéficier d'un procès avec jury lorsque la peine maximale prévue pour l'infraction dont il est accusé est un emprisonnement de cinq ans ou une peine plus grave.
Cela revient à dire qu'un tribunal militaire dans une cour martiale est l'équivalent d'un jury. Ceux qui ont rédigé la Constitution ont donc pensé au droit militaire. Tout inculpé, sans exception, a droit à un procès équitable devant un jury impartial. Il y a une exception dans le cas des procès devant jury parce qu'un procès par un tribunal militaire est considéré selon la Charte comme l'équivalent d'un procès devant jury.
Pourquoi faisons-nous cela? Pourquoi un gouvernement qui se dit si fier de nos troupes et qui affirme prendre grand soin du personnel militaire, de ces hommes et de ces femmes qui s'engagent volontairement, risquent leur vie et, dans certains cas, malheureusement, la perdent pour défendre et servir leur pays ne traite-t-il pas les militaires sur le même pied que les autres citoyens et ne leur donne-t-il pas les droits prévus dans la Charte pour les citoyens canadiens? Cela dépasse l'entendement.
Nous avons essayé de corriger cela. C'est un problème fondamental dans le système de justice militaire qui ne touche pas seulement qu'un poignée de personnes. Je ne dispose pas des dernières statistiques, mais j'ai cité celles de 2007-2008 et de 2008-2009. Il y a eu plus de 2 600 infractions en 2007-2008 et 2 600 en 2008-2009, dont la grande majorité ont été traitées au moyen de ce qu'on appelle une procédure sommaire, qui ne comporte pas ces protections. Un inculpé serait jugé par son commandant et, dans la plupart des cas, se retrouverait avec un casier judiciaire s'il était déclaré coupable.
Il s'agit surtout d'infractions liées à la discipline, comme l'absence sans permission. Je n'ennuierai pas les députés avec la liste de toutes ces infractions, mais il y a notamment la conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline. Elles visent à maintenir la discipline et le moral des troupes. Il y a aussi l'absence sans permission, qu'on peut commettre en revenant avec 10 minutes de retard après une soirée passée à l'extérieur. En fait, 29 p. 100 des infractions sont des absences sans permission. Il s'agit toutefois d'infractions en vertu de la Loi sur la défense nationale. L'ivresse est une autre infraction, qui représente 6 p. 100 des cas. Pour des soldats, il est surprenant que seulement 6 p. 100 des 2 600 infractions dont il est question ici et qui ont été commises il y a cinq ans soient liées à la consommation d'alcool. Les soldats ont la réputation de fréquenter les bars et d'être de solides buveurs, mais manifestement les soldats des Forces canadiennes sont très disciplinés sur ce point, et nous en sommes fiers.
Il s'agit néanmoins de justice fondamentale. Nous devons faire en sorte que notre système de justice militaire ait le même respect pour la justice fondamentale que notre système de justice civile.
J'espère que les députés d'en face ne vont pas encore nous servir les mêmes rengaines et prétendre que les néo-démocrates adorent les criminels, même s'il s'agit de militaires. J'espère plutôt qu'ils vont dire qu'ils ont assez de respect pour nos soldats pour faire en sorte que même lorsque ceux-ci posent des gestes qui leur attirent des ennuis auprès de leur commandant, ils vont respecter leurs droits et reconnaître qu'il faut maintenir le moral et la discipline, sans toutefois leur imposer un dossier criminel alors que leurs droits fondamentaux ne sont pas protégés. En effet, nos soldats ne bénéficient pas du droit à la justice fondamentale prévue dans la Charte des droits et libertés que nous leur demandons de défendre. Ils sont privés de cette protection fondamentale.
Voilà ce que nous tentons de faire et que nous avons tenté de faire au comité par le passé.
Je vois ici le secrétaire parlementaire qui, malheureusement, n'était pas membre du comité la dernière fois. Il ne siégeait même pas au Parlement. Lorsque ce projet de loi sera de nouveau renvoyé au comité, je me joindrai peut-être à lui pour parler des motions que nous avons adoptées la dernière fois et des articles que nous avons modifiés. J'ai une liste, que je peux lui remettre, des amendements qui ont été adoptés et qui visaient à offrir une meilleure protection aux soldats, aux marins et aux aviateurs. Ces amendements ne se trouvent pas dans l'actuel projet de loi. Le député n'était pas là lorsque les amendements en question ont été adoptés.
S'il s'agit seulement d'une erreur, d'une méprise, ou s'ils ont simplement présenté le même projet de loi, j'espère que le député sera disposé à accepter ces changements. J'attends une indication en ce sens de la part du député lorsqu'il prendra la parole au sujet de cette mesure législative.
Une tâche importante nous attend, celle de veiller à ce que nos soldats, nos marins et nos aviateurs soient traités avec respect et dignité et soient protégés en vertu de la Charte des droits et libertés.
Ce projet de loi comporte un autre élément que j'aborderai brièvement. Il s'agit de la question des griefs. Il existe un problème important au sein des forces armées en ce qui concerne la procédure de règlement des griefs. Le projet de loi aborde le problème, mais pas de façon satisfaisante. Nous avions modifié l'article 6 de la Loi sur la défense nationale à cet égard. Il y avait une série de modifications importantes qui donnaient au chef d'état-major de la Défense le pouvoir de régler des griefs. Elles ont été adoptées par le comité, mais je ne sais pas si le chef d'état-major de la Défense veut de ce pouvoir. Le gouvernement ne semble pas vouloir le lui donner.
C'est lui qui prend la décision finale, mais il ne peut pas dire aux gens à qui on a refusé de payer des heures supplémentaires ou de verser une rémunération spéciale, disons un montant de 1 500 $, qu'ils obtiendront leur dû. Il ne peut pas prendre cette décision. La question doit être soumise à des juristes du ministère de la Justice, non au juge-avocat général.
Le chef d'état-major de la Défense ne peut pas ordonner qu'on verse à quelqu'un les 1 500 $ qui lui ont été refusés pour un travail, un déménagement ou quoi que ce soit. La question doit être soumise à un employé du ministère de la Justice affecté au MDN, qui peut déterminer qu'il n'est pas approprié de donner l'argent dans ce cas. Le grief de la personne en question ne peut alors pas être réglé.
Nous avons apporté des changements de façon à ce que le CEMD puisse résoudre ce problème, qu'il ait le dernier mot et qu'il puisse régler le grief. C'est nécessaire et souhaitable. J'espère que nous pourrons faire accepter ce changement une fois de plus.
Nous avons aussi voulu établir certains délais en matière de griefs. Il y a aussi eu toute une série d'amendements concernant la surveillance civile, y compris les amendements apportés à l'article 11, qui entraînerait la création d'un comité d'examen des griefs destiné à traiter les griefs de façon appropriée, en présence de civils et non uniquement de militaires.
Il faut apporter de nombreux changements. Malheureusement, dans leur nouveau projet de loi, les conservateurs n'ont pas tenu compte des changements qui avaient déjà été apportés.
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Monsieur le Président, je suis heureux de commenter le projet de loi .
Je comprends que les députés n'aient pas la tête à débattre de ce projet de loi en ce moment, puisque le budget sera déposé dans dix minutes, et je comprends leur point de vue.
Au cours d'un débat précédent, le député de a très clairement exprimé l'avis du Parti libéral à l'égard de ce projet de loi. Je souhaite livrer trois messages essentiels aux députés.
Le Parti libéral comprend la nécessité de réformer le système canadien de cour martiale pour qu'il demeure efficace, équitable et transparent. Nous croyons que les citoyens canadiens qui décident de se joindre aux Forces canadiennes ne devraient pas pour autant perdre une partie de leurs droits lorsqu'ils doivent faire face à la justice. Ce projet de loi vise notamment à établir un équilibre entre les tribunaux militaires et les cours de justice pénale.
En outre, le Parti libéral croit qu'il est important d'ajouter de nouvelles peines, notamment l’absolution inconditionnelle, la peine discontinue, et le dédommagement, pour obtenir le système équitable dont j'ai parlé il y a un instant.
On devrait atténuer le plus possible certains écarts entre les tribunaux militaires et les tribunaux civils. Le projet de loi a été présenté comme un moyen pour y parvenir.
Actuellement, les tribunaux militaires imposent des peines beaucoup plus sévères que celles prononcées par les tribunaux civils, et ils ont beaucoup moins de marge de manoeuvre. Les dispositions du projet de loi , qui vise à modifier la Loi sur la défense nationale, sont essentielles pour faire en sorte que notre système de justice militaire soit équitable, efficace, transparent, et conforme aux valeurs et aux normes juridiques du Canada.
Il y a un moment, le député de a expliqué à quel point il est important que cette mesure respecte la Charte canadienne des droits et libertés. Nous sommes certainement d'accord avec lui.
Cependant, certaines dispositions mineures de ce projet de loi nous préoccupent vivement, notamment le paragraphe 18.5(3), qui nous inquiète beaucoup. Aux termes de ce paragraphe, le vice-chef d’état-major de la défense peut, par écrit, établir des lignes directrices ou donner des instructions à l’égard d’une enquête en particulier. Le comité a entendu plusieurs témoins et reçu plusieurs mémoires à ce sujet. J'en citerai deux.
Cette disposition est très problématique parce qu'elle accorde au vice-chef d'état-major de la Défense un pouvoir largement supérieur au pouvoir de superviser le travail du grand prévôt des Forces canadiennes et de lui donner des instructions ou des directives générales. Il accorderait à un très haut gradé de l'armée le pouvoir explicite d'intervenir dans une enquête policière, ce qui est une atteinte potentielle à la validité et à l'intégrité des enquêtes.
Comme les députés le savent bien, des personnalités peuvent être mises en cause. Nuire à une enquête de la police peut devenir une affaire très grave. C'est pourquoi le Parti libéral voudrait que le paragraphe proposé soit supprimé.
Je voudrais vous faire connaître le point de vue d'autres personnes concernant le paragraphe proposé. Voici ce qu'en dit M. Glenn Stannard, président de la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire:
En résumé, de l'avis de la CPPM, le nouveau paragraphe 18.5(3), qui accorde au VCEMD le pouvoir [de] donner des instructions à l'égard d'une enquête portant sur des opérations particulières de la police, devrait être supprimé du projet de loi C-41 pour les raisons suivantes:
C'était le projet de loi C-41, mais il porte maintenant le numéro .
La disposition est contraire à la loi et aux traditions canadiennes concernant l'indépendance des enquêtes policières par rapport à l'Exécutif, qui est un des principes fondamentaux qui sous-tendent la primauté du droit.
Elle est sans précédent en droit canadien en matière de services policiers.
Elle est fondée sur une analogie fautive, de la part des rédacteurs, entre les liens entre le VCEMD et le GPFC et ceux entre le JAG et le Directeur — Poursuites militaires.
Elle constitue un important pas en arrière par rapport aux efforts déployés depuis les années 1990 pour accroître et préserver l'indépendance des enquêtes de la police militaire [...]
La disposition ne s'appuie sur aucune des recommandations figurant dans le rapport Lamer ou dans quelque autre étude publique sur la justice militaire ou sur les fonctions de nature policière de la PM.
Voilà les objections formulées par le président de la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire. Nous espérons que, lorsque le projet de loi sera renvoyé au comité, ce paragraphe sera supprimé.
Pour ajouter de l'eau au moulin, je vous lis un extrait d'un rapport du professeur Ken Roach, de l'Université de Toronto, sur l'indépendance de la police militaire. Voici ce qu'on trouve dans ce rapport:
L'auteur conclut que les paragraphes 18.5(1) et 18.5(2) [...] accordent au vice-chef d'état-major de la Défense (VCEMD) le pouvoir de superviser le travail du grand prévôt des Forces canadiennes (GPFC) et de lui donner des instructions et des directives publiques d'ordre général qui sont conformes au principe de l'équilibre entre, d'une part, l'indépendance de la police militaire et, d'autre part, l'obligation de rendre compte, d'appliquer les politiques et d'agir en bon gestionnaire qui incombe au commandement en général. Cependant, l'auteur conclut aussi que le paragraphe 18.5(3) porte atteinte aux concepts fondamentaux de l'indépendance policière comme l'a reconnu la Cour suprême dans l'arrêt R. c. Campbell et Shirose, car ce paragraphe permet au VCEMD de donner des instructions et des directives relatives à des affaires précises, ce qui peut nuire aux enquêtes de la police militaire. L'auteur est également d'avis que ce paragraphe serait incompatible avec le cadre redditionnel établi en 1998 concernant le VCEMD et le GPFC. Si ce paragraphe était mis en vigueur, il pourrait donner lieu à diverses contestations judiciaires.
En résumé, la mesure législative comporte de nombreux éléments valables. Son étude doit aller de l'avant. La mesure doit être renvoyée au comité. Cependant, il y a un grave problème, qui est appuyé par des éléments de preuve substantiels. Le paragraphe 18.5(3) va à l'encontre des principes des enquêtes policières, et comme un député l'a déjà mentionné, il pourrait aussi contrevenir à la Charte des droits et libertés.
Nous appuyons le renvoi du projet de loi au comité. Nous recommandons toutefois que le paragraphe proposé soit supprimé.