La Chambre reprend l'étude, interrompue le 4 avril, de la motion portant que le projet de loi , soit lu pour la troisième fois et adopté.
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Monsieur le Président, j'ai le plaisir de prendre la parole aujourd'hui pour parler du projet de loi , mais aussi pour offrir l'appui de l'opposition officielle, le Nouveau Parti démocratique, au projet de loi.
Ce projet de loi modifiera la Loi sur les aliments et drogues pour classer les lentilles cornéennes qui ne corrigent pas la vue comme des instruments médicaux en vertu de la loi. Ce projet de loi fera en sorte que ces lentilles cornéennes soient assujetties aux exigences de la Loi sur les aliments et drogues et du Règlement sur les instruments médicaux.
Les lentilles correctrices sont considérées comme des instruments médicaux en vertu de la Loi sur les aliments et drogues et sont réglementées comme tels. Elles figurent dans la liste des instruments médicaux de classe II de Santé Canada. Malgré le fait qu'elles présentent les mêmes risques pour la santé que les lentilles correctrices, les lentilles à but esthétique, celles qui ne corrigent pas la vue, ne sont pas considérées comme des instruments médicaux et ne sont pas réglementées par Santé Canada. Autrement dit, en vertu des lois provinciales et fédérales, il est permis de vendre des lentilles à but esthétique sans ordonnance, dans n'importe quel établissement.
Les preuves et les recherches ne manquent pas cependant concernant les dangers potentiels associés à l'utilisation des lentilles cornéennes de façon inadéquate et sans les conseils d'un professionnel.
Le projet de loi modifierait la Loi sur les aliments et drogues afin que les lentilles cornéennes à but esthétique soient considérées comme des instruments médicaux de classe II, soit la même catégorie que les lentilles cornéennes ordinaires qui corrigent la vue. Dans le cadre de cette première étape, toutes les lentilles à but esthétique vendues au Canada devraient être homologuées par Santé Canada et tous les distributeurs de ce type de lentilles devraient obtenir une licence d'établissement pour les instruments médicaux.
Le projet de loi ne serait par contre que la première étape d'un ensemble de mesures réglementaires qui encadreraient les lentilles cornéennes à but esthétique, car la prescription et la distribution de ces produits sont de compétence provinciale. Les provinces devraient donc par la suite également modifier leurs règlements afin que les lentilles cornéennes à but esthétique aient le même statut que les lentilles cornéennes qui corrigent la vue.
Grâce à l'adoption du projet de loi, nous espérons attirer l'attention des ministres de la Santé des provinces sur ce dossier. Il faut absolument que les gouvernements établissent un échéancier ferme quant à l'adoption de règlements efficaces visant ces produits.
À titre d'information, qu'entend-on par lentilles cornéennes à but esthétique? Il s'agit de lentilles qui sont d'ordinaire utilisées pour changer la couleur ou l'apparence des yeux. Elles sont de plus en plus populaires, car les entreprises les commercialisent comme accessoires de mode ou pour l'Halloween, et on peut en trouver dans les salons de beauté, les magasins de fantaisies, les marchés aux puces et les dépanneurs ainsi qu'en ligne.
Il est difficile d'estimer la taille du marché des lentilles cornéennes à but esthétique au Canada, mais tous les indicateurs donnent à penser que le marché a pris de l'ampleur au cours des dernières années. Ce sont surtout les jeunes qui portent de telles lentilles; ils sont moins bien informés et ils ont plus tendance à s'exposer à des risques.
Les lentilles cornéennes à but esthétique et les lentilles correctrices sont essentiellement des produits similaires parce qu'elles sont toutes les deux insérées dans l'oeil et qu'elles interagissent avec celui-ci. De plus, certaines lentilles à but esthétique, connues sous le nom de lentilles sclérales, couvrent une plus grande partie de l'oeil et n'ont pas la même perméabilité à l'oxygène que les lentilles correctrices. Elles pourraient donc être plus dangereuses.
Tout comme les lentilles correctrices, les lentilles à but esthétique peuvent être portées sans danger si elles sont prescrites et fournies par un professionnel agréé. Toutefois, des problèmes surviennent quand les lentilles ne conviennent pas à la personne qui les porte, ne sont pas de la bonne taille ou sont mal ajustées. Tous les yeux ont leur propre forme et courbure. Les lentilles de qualité douteuse qui proviennent d'un fournisseur inconnu peuvent elles aussi être dangereuses.
Il arrive souvent que l'on ne donne pas aux consommateurs des renseignements cruciaux ou des consignes appropriées sur l'utilisation sécuritaire des lentilles, notamment sur la façon de les mettre, de les enlever et de les nettoyer. Comme je l'ai déjà dit, ce sont surtout les jeunes, qui ont davantage tendance à prendre des risques, qui portent ces lentilles et risquent d'endommager leurs yeux.
Même si les lentilles à but esthétique semblent être sans danger, elles peuvent provoquer des blessures graves à l'oeil chez la personne qui les porte: une réaction allergique, une infection bactérienne, de l'enflure ou une inflammation de la cornée. Dans les cas plus graves, elles peuvent causer de l'ulcération ou des égratignures à la cornée, des problèmes de la vue et même la cécité ou la perte d'un oeil. Certaines de ces lésions surviennent en moins de 24 heures. Elles peuvent être difficiles à traiter et, dans certains cas, devenir permanentes. Les risques potentiels associés à tous les types de lentilles cornéennes ont déjà été prouvés.
De plus, nombreuses sont les recherches et les preuves démontrant les dangers potentiels liés à la mauvaise utilisation des lentilles cornéennes à but esthétique sans l'encadrement d'un spécialiste. À des fins de comparaison internationale, jusqu'à 2005, les États-Unis soustrayaient eux aussi les lentilles cornéennes à but esthétique à l'application de leur loi sur les aliments et drogues. À la demande de professionnels de la vue, un projet de loi a été adopté pour que toutes les lentilles cornéennes, qu'elles soient esthétiques ou correctrices, soient réglementées comme des instruments médicaux aux États-Unis.
Maintenant, selon la FDA aux États-Unis, il est illégal de vendre des lentilles cornéennes à but esthétique sans disposer d'une ordonnance ou d'un certificat en bonne et due forme d'un spécialiste de la vue.
En octobre 2000, Santé Canada a émis un avis au sujet des lentilles cornéennes à but esthétique car elles étaient en vente libre, étaient mal ajustées et n'étaient pas soumises aux mêmes évaluations que les lentilles correctrices afin de vérifier leurs risques pour la santé. Cet avis soulignait les risques, notamment de blessures, associés au port des lentilles cornéennes à but esthétique, et recommandait de ne les utiliser que sous la supervision d'un professionnel de la vue.
En septembre 2003, Santé Canada a commandé un rapport d'évaluation des risques produit par un tiers et intitulé « Human Health Risk Assessment of Cosmetic Contact Lens ». Selon ce rapport, « le niveau de risque associé au port de lentilles cornéennes à des fins esthétiques se compare à celui associé aux lentilles correctrices, voire le surpasserait. »
À la lumière de ces risques, le rapport recommandait que les lentilles à des fins esthétiques soient réglementées par Santé Canada, et qu'elles ne puissent être vendues que sur ordonnance et par des professionnels de la santé réglementés.
En mars 2008, la Chambre a adopté à l'unanimité une motion demandant que les lentilles cornéennes à but esthétique soient considérées comme des instruments médicaux et qu'elles soient réglementées comme tels en vertu de la Loi sur les aliments et drogues ou de la Loi sur les produits dangereux. Cette motion a reçu l'appui de tous les partis et a été adoptée à l'unanimité.
Par la suite, le gouvernement a inclus la recommandation de la motion dans un de ses projets de loi omnibus en matière de santé, le projet de loi C-51. Malheureusement, ce projet de loi est mort au Feuilleton au moment de la prorogation du Parlement.
Le NPD est d'avis qu'il faudrait protéger la santé visuelle des Canadiens, et qu'il s'agit ici d'une mesure simple qui contribuerait à réduire le nombre de blessures oculaires. Comme les deux types de lentilles posent le même genre de risques pour la santé, la réglementation visant les lentilles cornéennes à but esthétique devrait être identique à celle qui vise les lentilles correctrices.
Ce projet de loi vise à corriger une situation que les professionnels de la vue dénoncent depuis des années. Il a fallu ce projet de loi d'initiative parlementaire d'une députée conservatrice — et c'est tout à son honneur —, qui prévoit de façon indépendante la modification de la réglementation concernant les lentilles cornéennes à but esthétique, pour que le gouvernement prenne note de la question. Il est regrettable qu'on doive recourir à un projet de loi d'initiative parlementaire, alors qu'il s'agit d'une mesure que le gouvernement devrait mettre en oeuvre immédiatement. Le NPD admet qu'il s'agit d'une première étape importante visant à ce que le gouvernement fédéral instaure enfin un régime réglementaire efficace au sujet des lentilles cornéennes à but esthétique.
Cette mesure fait l'unanimité parmi les principaux intéressés. L'Association canadienne des optométristes, la Société canadienne d'ophtalmologie et l'Association des opticiens du Canada ont toutes publié des avertissements sur les risques de ce produit et demandent à Santé Canada de le réglementer en vertu de la Loi sur les aliments et drogues.
Voici ce qu'a déclaré l'Association canadienne des optométristes au sujet de la vue des gens, et ce sont habituellement des jeunes gens qui sont concernés:
Il y a chaque jour, dans le monde entier, des cas de complications susceptibles d'être causées par un port, une utilisation ou une manipulation inappropriées de lentilles cosmétiques. Il s'agit d'une question importante liée à la santé des yeux, et les optométristes, les opticiens et les ophtalmologistes du Canada demandent à la Chambre des communes, au Sénat et à Santé Canada d'appuyer l'amendement proposé et de lui donner force de loi rapidement.
Les appels de ce genre se multiplient, de la part des associations d'Europe, d'Asie et, comme je viens de le dire, d'Amérique du Nord.
Les faits et les données nous enseignent que le taux des troubles et des complications rattachées à ces lentilles atteint 1 p. 100 de l'ensemble des utilisateurs. C'est un taux alarmant, lorsqu'on connaît le nombre d'utilisateurs de lentilles cornéennes. Des études récentes effectuées en France et par la FDA, aux États-Unis, indiquent clairement qu'il s'agit d'un objet présentant des risques et que son utilisation doit être réglementée.
Enfin, cette réglementation vise à protéger la vue des Canadiens, en particulier des jeunes, qui ne sont peut-être pas conscients des conséquences et des risques associés aux lentilles cornéennes à but esthétique.
Le gouvernement devrait avoir, parmi ses premières responsabilités, celle de protéger les Canadiens contre les produits pouvant être dangereux. Ce projet de loi ferait en sorte que les lentilles cornéennes seraient toutes soumises, par le gouvernement, aux mêmes règles destinées à prévenir les risques pour la santé, qu'il s'agisse de lentilles correctrices ou de lentilles à but esthétique. C'est une mesure simple qui préviendrait certains troubles de la vue au Canada, et les néo-démocrates sont fiers d'appuyer une mesure logique et raisonnable et qui aurait dû être adoptée il y a longtemps.
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Monsieur le Président, je suis ravie de prendre la parole ce soir, pendant la deuxième et dernière heure de la troisième lecture de mon projet de loi d'initiative parlementaire, le projet de loi .
Le processus a été assez long. En effet, il a commencé en 2007, quand j'ai présenté une motion d'initiative parlementaire qui, comme le député d'en face l'a dit, avait été adoptée unanimement, pour ensuite mourir au Feuilleton. Il est très gratifiant de voir son projet de loi atteindre cette étape.
Je tiens à remercier les députés qui ont exprimé leur appui envers le projet de loi, non seulement ce soir, mais aussi tout au long du processus. En effet, tant à l'étape de la deuxième lecture qu'à celle du comité, le projet de loi a reçu un accueil extraordinaire. Tous les députés et tous les partis l'ont appuyé et je les en remercie.
Nous avons aussi reçu le concours de deux ministres de la Santé, ainsi que de Santé Canada. Ce projet de loi a décidément été très bien reçu.
L'industrie a elle aussi donné son appui plein et entier et m'a beaucoup aidée à trouver les renseignements médicaux exacts. Tous les gens que j'ai rencontrés ont collaboré sans hésiter.
Nous savons que ce projet de loi contribuera à améliorer et à protéger la santé oculaire des Canadiens et en particulier celles de nos jeunes, comme nous l'avons dit à plusieurs reprises.
Je suis heureuse de voir le projet de loi atteindre cette étape. Il me tarde de voir la Chambre l'adopter, afin qu'il soit envoyé à l'autre endroit.